1 On ne trouvera pas dans ce numéro de réflexion philosophique sur l’état actuel de la psychologie, toutes sous-disciplines confondues, de la psychologie expérimentale à la psychologie clinique en passant par la psychologie du développement ; cette question mériterait certainement un traitement spécial. On s’est astreint à aborder des problèmes de méthode par diverses médiations historiques.
2 Nous sommes partis du constat suivant : de toutes les sciences humaines, la psychologie a été la plus malmenée par la philosophie française de la seconde moitié du XXesiècle. Sartre a déclaré lui préférer la phénoménologie, opposant une « psychologie phénoménologique » puis une « ontologie phénoménologique » à la psychologie française de ses maîtres en Sorbonne. Les polémiques des années 1960 entourant la proclamation structuraliste de la « mort » de l’auteur et de l’homme ont encore radicalisé ce rejet de la psychologie. Il n’est pas jusqu’à la psychanalyse qui n’ait alors été présentée comme une anti-psychologie. Même les penseurs des années 1980, qui ont manifesté un intérêt plus grand pour la discipline, ont eu tendance à soutenir une version particulière, plutôt individualiste, de la psychologie. Quant aux récents « philosophes de l’esprit », ils ont promu, sous le nom de neurosciences ou de sciences cognitives, un nouveau genre de psychologie expérimentale.
3 L’ambition du présent projet est de revenir sur cette histoire en proposant quatre approches philosophiques de la psychologie. Aussi trouvera-t-on ici : 1/ un retour sur l’occultation par la philosophie française contemporaine des potentialités de la psychologie de l’entre-deux-guerres ; 2/ une application à Jean-Paul Sartre de sa propre méthode de psychanalyse existentielle ; 3/ une réflexion sur les apports possibles à la psychologie d’une philosophie de l’action d’inspiration wittgensteinienne ; enfin 4/ une révision des principes de la psychanalyse par les idées très spinozistes du psychologue russe Lev Vygotski. Un tel parcours « psycho-philosophique » invite à dépasser tout solipsisme et tout dualisme en réévaluant l’importance des autres et la force du social.