Les maximes morales kantiennes conjoignent généralement deux types d’expressions. (1) Des expressions marquant le caractère obligatoire de certains actes : « il faut... », « tu dois... », « j’ai l’obligation de... », « ... est un devoir », etc. (2) Des expressions décrivant l’action ou la règle d’action considérée comme obligatoire : « il faut porter secours à ceux qui sont dans le besoin », « tu ne dois pas mentir », « je dois rendre l’argent que l’on m’a prêté », etc. Cette composition des règles d’action morales ordinaires pose une difficulté aiguë. En effet, il semble bien que la signification des termes tels que « porter secours », « mentir », « rendre de l’argent à X » soit de même nature que celle des concepts empiriques. Les concepts de mensonge, d’aide ou de dette sont exemplifiés dans l’expérience, et les difficultés qu’ils posent ne semblent donc pas ressortir à un régime spécifiquement pratique de la signification. Par contraste, la signification des expressions du devoir, « il faut... », « tu dois... », « ... est une bonne action », etc., qui s’avère plus nettement irréductible à celle des termes référentiels, semble seule spécifiquement pratique. Par conséquent, doit-on dire que la sémantique des énoncés moraux ne concerne que les termes prescriptifs eux-mêmes, à l’exclusion des concepts empiriques qui les accompagnent ordinairement ? Ce point pourrait paraître conforté par l’idée kantienne selon laquelle une maxime ne peut être pensée comme une loi pratique universelle que lorsqu’on la considère du point de vue de sa pure forme, et non de sa matièr…