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Article de revue

Éditorial. Penser et agir dans l'incertain : l'actualité de la transaction sociale

Pages 7 à 18

1Le Congrès de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF) était intitulé : Penser l’incertain (Rabat, juillet 2012). Ce choix invitait à penser les nouvelles formes d’un phénomène ancien, inhérent aux relations entre les individus et les groupes, et à leur indétermination partielle. Ces incertitudes ont été réfléchies depuis longtemps et elles ont donné lieu dans l’histoire à toutes sortes de rituels, mais aussi à des comportements et des stratégies sociales de précaution et de solidarité. Elles ont abouti par exemple à la mise en œuvre d’obligations qui s’imposent et que l’on impose, au motif d’un risque ou d’une incertitude, avec la création de systèmes d’assurances, la survivance ou le retour de croyances magico-religieuses censées réguler cet incertain, ou le conjurer, en proposant des possibles. Des institutions sont apparues, avec la fonction sociale explicite de réduire ces incertitudes, ce qui provoque des stratégies d’acteurs, individuels et/ou collectifs, participant à cette régulation sociale – ou cette gouvernance – de l’Être-ensemble.

1 – Trois paradoxes dans un monde incertain

2Il y a à peine 50 ans, la météorologie n’était pas une science « sérieuse » : le temps (celui du climat et non des horloges) est imprévisible et celui qui prétend annoncer le temps qu’il fera demain est un charlatan. Les changements du temps étaient alors des fatalités qu’il fallait accepter et subir. Paradoxalement, cette méfiance allait déjà de pair avec un grand intérêt pour les prévisions du temps dans la presse, à la radio, puis la TV. Malgré leurs incertitudes et leurs nombreuses erreurs, elles étaient susceptibles d’aider à anticiper et à se préparer au temps qu’il fera demain.

3Pour mesurer le chemin parcouru, en très peu de temps à l’échelle des sociétés, il suffit de rappeler une anecdote significative : fin 2010, lors de sérieuses chutes de neige qui ont perturbé la Région parisienne, le Premier ministre François Fillon a d’abord rejeté la faute sur Météo-France et, avant de se raviser, il l’a menacée de sanctions, parce qu’elle « n’avait pas prévu cet épisode neigeux. […] Il est incontestable que les services chargés du déneigement ont été pris au dépourvu » (Le Monde, 9 décembre 2010). L’incertitude n’est plus une fatalité à laquelle on se résigne, elle est devenue une perturbation intolérable et un scandale inadmissible, aux yeux d’une opinion publique façonnée par les médias et le personnel politique.

4Sur le plan scientifique, cette exigence sociale de prévisibilité relève d’une mutation contradictoire et bien analysée par les pionniers de la sociologie du risque, Anthony Giddens (1990) et Ulrich Beck (1987) notamment. Le premier rejette la notion de postmodernité. Pour lui, nous vivons une rupture majeure, mais sans « sortir » de la modernité : nous passons à une nouvelle étape, la modernité tardive. L’incertitude est le marqueur principal de cette rupture et de ce passage. Dans la modernité précoce (le siècle des Lumières), l’incertitude est la conséquence de l’ignorance des lois de la Nature. Les progrès de la science amènent nécessairement une réduction des incertitudes. La science éclaire les choix des décideurs politiques et elle leur apporte des solutions rationnelles.

5La modernité bascule dans l’étape de la modernité avancée lorsque l’on découvre que l’incertitude tient moins à la Nature qu’aux progrès des sciences qui augmentent les incertitudes au lieu de les réduire. L’incertitude devient une construction sociale : manufactured uncertainty (Giddens, 1990). Dans toutes les catastrophes, même si des facteurs naturels sont présents, la cause majeure est humaine : catastrophes sanitaires (« vache folle » en Grande-Bretagne, de 1996 à 2002 ; sang contaminé, notamment en France, en 1984), catastrophes industrielles (Bhopal, Inde, en 1984 ; Seveso, Italie, en 1976), catastrophes nucléaires (Three Miles Island, États-Unis, en 1979 ; Tchernobyl, Ukraine, en 1986 ; Fukushima, Japon, en 2011), etc.

6Un premier paradoxe tient aux conséquences de la confiance accordée au progrès scientifique depuis plus de deux siècles : elle a dépolitisé la décision politique qui, dans les faits, revenait aux savants et aux experts (« les technocrates »), à la plus grande satisfaction de la classe politique : pendant la crise de la « vache folle », le ministre de l’Agriculture, Philippe Vasseur, a fait une déclaration étonnante, mais qui exprime bien l’inféodation du pouvoir politique à la technocratie, caractéristique de la première modernité : « Si les scientifiques disaient qu’il faut abattre tout le cheptel britannique, j’y serais prêt » [interview, Le Monde, 31 mars 1996]. Ce ministre (français) aurait-il suivi aussi aveuglément les préconisations des scientifiques s’il s’était agi d’abattre le cheptel français ? Dans la modernité avancée, les décideurs politiques ne sont plus les marionnettes manipulées par les experts et les lobbies industriels. Ils et elles sont condamnés à prendre leurs responsabilités et à revenir au cœur du « métier » d’élu : arbitrer entre des intérêts et des valeurs opposés, faire des paris sur l’avenir et des transactions. C’est ce que les agriculteurs appellent « faire une spéculation », lorsqu’ils choisissent de semer du blé, plutôt que du maïs ou de la luzerne, sans la certitude de faire le bon choix.

7Un second paradoxe a été mis en évidence par Beck dans La société du risque. Par une étonnante coïncidence, cet ouvrage a été publié en 1986, au moment de la catastrophe de Tchernobyl, ce qui a contribué à son succès en librairie en Allemagne. La traduction française a été publiée à l’automne 2001, au moment des attentats du 11 septembre à New York, suivis dix jours plus tard par l’explosion chimique dans l’usine AZF de Toulouse. Qu’il s’agisse des radiations nucléaires ou des nombreuses substances contenues dans la nourriture ou dans l’air que nous respirons, leur dangerosité est à long terme et elle est invisible à l’œil nu (voir la contribution de Christophe Gibout et du collectif Irénée Zwarterook). Les chercheurs et les experts sont dans la position paradoxale de créer des dangers (souvent à leur insu) et, en même temps, eux seuls peuvent les détecter et les mesurer. Beck fait une simplification, en considérant qu’en matière de risque la population est entièrement dépendante des savants et des experts. Elle cherche à développer des savoirs empiriques qui lui permettent de se protéger. Les associations de malades ont élaboré tout un savoir sur leur maladie et, si on les écoutait, elles pourraient apporter leur contribution à la recherche médicale. C’est l’enjeu des « forums hybrides » et de « la démocratie technique » selon Michel Callon (2001). Pour autant, la mesure du risque reste largement confisquée par ceux qui le produisent et la tentation est grande de faire de la rétention de l’information gênante.

8Dans le passage de l’incertitude subie à l’incertitude « manufacturée » (ou autoconstruite), un troisième paradoxe surgit. Il a été souligné par le président de l’AISLF, André Petitat, lors de l’ouverture de ce Congrès en 2012 (voir aussi Petitat, 2012) : en cherchant à réduire les incertitudes et à nous en protéger par des dispositifs en tout genre, nous contribuons malgré nous à les accroître et nous sommes en quelque sorte des « pompiers pyromanes ». La lutte contre les incertitudes ne les réduit pas, elle les déplace et les reformule, elle les aggrave quelquefois. La sécurité routière en offre une excellente illustration. Les améliorations techniques apportées aux véhicules, sur le freinage notamment, ne font pas baisser le taux d’accidents : elles accroissent le sentiment de sécurité des automobilistes qui s’autorisent alors à rouler plus vite et qui provoquent des accidents de plus en plus graves. Même si cela déplaît à l’industrie automobile, la sophistication des véhicules n’améliore pas la sécurité routière, elle déplace les problèmes sans les résoudre (Bourdin, 2004). Il faut donner la priorité aux facteurs humains : la vitesse et l’alcool. Le véritable progrès technique serait très facile à mettre en œuvre, mais il est tabou : brider les moteurs pour qu’il soit impossible de dépasser la vitesse maximale autorisée.

2 – Transaction sociale et gestion de l’incertitude

9Le Comité de recherche « Transactions sociales » s’est saisi de cette thématique qui offre de larges perspectives à la réflexion sur la transaction sociale. Il l’a fait en s’associant d’un côté au Comité de recherche « Sociologie de la connaissance », sur l’intérêt heuristique de la transaction sociale ; d’un autre côté, avec le Groupe de travail « Sociologie des sexualités », renouant ainsi avec un domaine de recherche que notre Comité de recherche avait exploré à ses débuts (van Campenhoudt et al., 1994). La transaction sociale intervient dans la construction sociale des compromis qui organisent, par exemple, la gestion des risques et des incertitudes. Elle procède plus largement de la mise en œuvre de stratégies sociales de solidarité, de précaution et de concertation qui accommodent la possibilité pratique du vivre-ensemble en situation d’incertitude.

10Dans un monde où les incertitudes augmentent, la question lancinante est : « Pour faire les bons choix, comment penser et agir dans l’incertain ? ». Cette formulation ne signifie pas que nous adoptons le schéma cartésien : « la connaissance précède l’action » ; les contributions de Jean Remy et Jean Foucart dans ce numéro montrent qu’il faut les associer, sans les hiérarchiser : la pensée et l’action se nourrissent mutuellement dans une relation dialectique, en faisant appel à la réflexivité des uns et des autres (Giddens, 1990).

11Dans une société complexe, traversée et structurée par des paradoxes, la transaction sociale est un paradigme (ou une approche de la réalité sociale) qui se révèle de plus en plus fécond et pertinent : dans un contexte d’incertitude, rechercher des compromis et parvenir à des transactions est la seule issue. Les perspectives de recherche portent sur la capacité des personnes à transiger avec autrui ; à participer au processus collectif d’ajustement mutuel, dans un système de relations au sein duquel ces personnes s’intègrent, tout en contribuant à le produire et à le reproduire.

12Chacune à sa façon, les contributions réunies dans ce numéro s’efforcent de montrer la fécondité du paradigme de la transaction sociale dans un contexte d’incertitudes croissantes. La première partie, intitulée « La genèse de la transaction sociale et son ouverture interdisciplinaire », débute par deux contributions majeures qui font un très intéressant retour sur le passé : Produire ou reproduire ? est l’ouvrage fondateur qui a proposé, en 1978, le paradigme de la transaction sociale. Avec Liliane Voyé, Jean Remy et Émile Servais sont les auteurs de cet ouvrage. Dans leur contribution respective, le dernier se centre sur les origines du paradigme de la transaction sociale et le premier sur son évolution et sa montée en puissance. Les deux contributions de Jean Foucart analysent les convergences entre la transaction sociale et, respectivement, les systèmes complexes d’Yves Barel et le pragmatisme de John Dewey. Fabrizio Chello plaide en faveur d’une « exportation » du paradigme de la transaction sociale dans un champ de recherche jusqu’alors peu investi par elle : la pédagogie.

13La deuxième partie, « Risques, développement et transaction sociale », analyse comment les politiques de développement prennent en compte les incertitudes et les risques. Elle montre que cela passe par des processus transactionnels. Les incertitudes et les risques peuvent être en amont des politiques de développement et il faut alors les anticiper ; ils peuvent aussi être en aval, après une catastrophe à laquelle il faut remédier. Les contributions réunies ici sont différentes par les objets étudiés : la crise de l’agriculture, provoquée à la fois par l’industrialisation de l’activité agricole et l’exode rural (Josiane Stoessel-Ritz) ; le passage de l’incertitude au risque et les nouveaux modes de réponse (Michel Casteigts) ; la gestion des risques industriels et des pollutions à Dunkerque (Christophe Gibout et Irénée Zwarterook) ; la gestion politique du risque (Kenjiro Muramatsu) et la place de la recherche face à une situation de crise, comme à Haïti (Pascal Lafont et Marcel Pariat). Mais ces contributions s’accordent sur un point essentiel : la sortie de toutes ces crises passe par une approche transactionnelle qui débouche sur la production de compromis pratiques, toujours renégociables.

14La dernière partie, « Transaction sociale et constructions identitaires », dégage plusieurs niveaux d’analyse des transactions sociales. Au niveau macro, des transactions entre les institutions et la société globale ; au niveau méso, des transactions entre individus, à l’intérieur d’un petit groupe ou d’une communauté ; au niveau micro, des transactions avec soi-même (Blanc, 2012). Ces trois niveaux, que l’on peut subdiviser plus finement, interfèrent en permanence et il faut les articuler. Claude Dubar (1998) l’a initié avec la « double transaction », biographique (avec soi-même) et relationnelle (avec autrui). La construction des identités est au cœur de cette articulation. L’identité est en permanence travaillée par des incertitudes et des doutes sur ego et alter, le proche et l’étranger. La trahison, réelle ou supposée, met en cause la commune identité des amis devenus ennemis. Ainsi, l’identité est tout autant affectée par la mondialisation, les nouvelles technologies et les guerres que par le passage de l’enfance à l’âge adulte. Les contributions ici réunies ont des objets assez proches : les liens sont nombreux entre la jeunesse, la sexualité et la religion. La coopération entre notre Comité de recherche et le Groupe de travail « Sociologie des sexualités » met en évidence la fécondité de l’approche transactionnelle dans l’analyse de la redéfinition des identités de sexe et de genre.

2.1 – La genèse de la transaction sociale et son ouverture interdisciplinaire

15Émile Servais retrace le contexte politique, académique et surtout religieux dans lequel le paradigme a été élaboré. Il apporte de nombreuses informations inédites sur la période des années 1960 et 1970 et sur la place centrale de la religion et de la ville dans la conceptualisation de la transaction sociale. Dans cette période, en Belgique comme en France, l’Église catholique cherchait à reconquérir la classe ouvrière qui s’éloignait d’elle et à s’implanter dans les nouveaux quartiers populaires à la périphérie des villes. Mais l’Église avait des incertitudes et des doutes sur la démarche à adopter. C’est dans le Centre de recherches socio-religieuses, créé par l’Église de Belgique pour l’éclairer sur la pertinence de sa stratégie, que les trois auteurs ont commencé à travailler ensemble, puis à élaborer le paradigme de la transaction sociale pour mettre en cohérence des travaux de recherche dispersés. Cette contribution permet notamment de comprendre pourquoi, dès le début, l’accent a été mis sur le rapprochement de la recherche et de l’action (et non sur la rupture épistémologique qui les sépare).

16Interviewé par Jean Foucart, Jean Remy revient lui aussi sur les origines, mais pour s’attarder sur la transformation des intuitions de départ en un paradigme cohérent. Il montre comment ce qui était une proposition modeste a pris de la consistance. Son titre, « La transaction sociale : une manière de faire de la sociologie », est un clin d’œil à Bruno Latour qui a intitulé un ouvrage récent : Changer la société. Refaire de la sociologie (2005). La sociologie de la transaction sociale s’est enrichie des apports de Georg Simmel, le fondateur de la sociologie urbaine allemande, longtemps méconnu en France, retenant notamment l’importance du conflit dans la structuration de la vie sociale. Elle s’est enrichie aussi de l’École de Chicago, de la confrontation avec Pierre Bourdieu, Raymond Boudon et Michel Crozier, mais aussi des apports d’autres disciplines comme l’économie, le droit, la science politique, etc.

17Pour sa part, Jean Foucart veut prémunir les adeptes de la transaction sociale contre le risque du repli sur soi. Il les pousse à s’ouvrir à d’autres paradigmes et à pratiquer l’hybridation des théories et des disciplines. Dans sa première contribution, il présente les travaux pionniers d’Yves Barel sur les systèmes complexes et le dépassement de la logique binaire. Il souligne la complémentarité de ces deux approches : résoudre les oppositions irréductibles étant impossible, l’approche transactionnelle est la seule issue, dans la mesure où elle permet de parvenir à des compromis provisoires de coexistence. Dans sa seconde contribution, il montre l’intérêt d’un rapprochement entre la sociologie de la transaction sociale et la sociologie pragmatique de John Dewey (prononcer di-oui), longtemps ignorée en France et redécouverte depuis peu. Ces deux sociologies s’accordent sur une même épistémologie qui souligne la complémentarité, déjà signalée, de la recherche et de l’action, en se méfiant de la tentation d’isoler les chercheurs pour protéger la science de toute contamination par la société.

18Dans la même perspective de recherche des complémentarités, entre théories et entre disciplines, Fabrizio Chello montre que l’incertitude est au cœur de l’activité éducative : éduquer est toujours un pari sur l’avenir. Il y a place pour des transactions pédagogiques. Il souligne qu’en pédagogie la théorie et la pratique interfèrent continuellement et de façon très directe. Il propose au courant de la pédagogie compréhensive dont il se réclame d’adopter la transaction sociale et d’en faire un paradigme pédagogique. La première partie a un caractère théorique affirmé. Les contributions réunies dans les deux parties suivantes théorisent, elles aussi, mais en s’appuyant davantage sur des résultats de recherches empiriques.

2.2 – Risques, développement et transaction sociale

19Josiane Stoessel-Ritz poursuit ici sa réflexion sur le développement durable, engagée dans de précédents travaux. Elle ne reprend pas la définition habituelle chez les acteurs : la conciliation entre la logique économique et la logique environnementale. Elle met au cœur du développement durable la redéfinition du lien social et le renforcement des solidarités. Elle reconsidère l’activité sociale de travail au prisme de l’échange social et des transactions sociales, qui vont au-delà de l’échange économique. Elle analyse dans cette perspective l’évolution du travail agricole, en France (en Alsace notamment) et en Algérie (Kabylie). La question du bien commun en agriculture devient la question centrale, débouchant sur de nouvelles transactions entre urbains et ruraux, entre producteurs agricoles et consommateurs, notamment dans les Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP).

20En s’inspirant d’Ulrich Beck, Michel Casteigts caractérise la société du risque par la complexité des systèmes sociaux et, surtout, par l’imprévisibilité de leurs évolutions. Il distingue au passage le risque et l’incertitude : le risque traditionnel est probabilisable, les assureurs le savent bien ; l’incertitude ne l’est pas. Se prémunir contre les nouveaux risques, ceux qui découlent des incertitudes (le réchauffement climatique par exemple), appelle de nouvelles formes de pensée et d’action. Le développement durable est une réponse à la fois cognitive (une « formation discursive », ou une vision du monde) et pragmatique (un « agir communicationnel », en prenant cette expression au sens fort que lui donne Jürgen Habermas : un agir performatif, ou efficace, dans lequel « dire, c’est faire »). La régulation du développement durable devient une « transaction discursive » et elle appelle un renouvellement en profondeur des pratiques démocratiques. Cette proposition est à la fois très innovante et, pour le Comité de recherche, une sorte de « retour à la case de départ ». Dans le premier ouvrage consacré à la transaction sociale, Alain Trognon (1992) avait introduit la « transaction conversationnelle », mais en lui donnant un sens plus faible. À notre connaissance, cette piste n’a pas été reprise ensuite.

21Portant son regard sur les modes de gestion individuels et collectifs des risques industriels et de la pollution dans l’agglomération de Dunkerque, le collectif Irénée Zwarterook propose une lecture multi-niveaux des transactions à l’œuvre, tant dans le vivre au quotidien de la sphère domestique que dans la sphère publique, via la gouvernance territoriale des risques technologiques. En 1976, la catastrophe dans la ville italienne de Seveso a été provoquée par l’explosion spectaculaire d’un produit chimique très toxique, la dioxine. À l’époque, cette catastrophe a fortement marqué l’opinion publique, en partie sans doute parce qu’elle n’a pas eu lieu dans un pays sous-développé, mais dans un pays avec une longue tradition industrielle. Elle est à l’origine de l’adoption d’une directive européenne qui a gardé son nom, en 1982. Elle impose des mesures de protection dans les sites industriels classés dangereux. Ville industrielle et portuaire, Dunkerque est particulièrement concernée par cette directive, en raison de sa haute concentration d’établissements dangereux (sidérurgie, chimie, centrale nucléaire, etc.). À première vue, les habitants qui vivent à proximité des usines dangereuses ont un comportement paradoxal : ils connaissent les risques et s’inquiètent et, en même temps, ils les minimisent. Les entretiens montrent que ces ambiguïtés s’expliquent par des considérations économiques : exiger des entreprises un niveau de protection très élevé revient à prendre le risque de les voir fermer, ou déménager ailleurs, donc de se retrouver au chômage. Déménager soi-même pour se mettre à l’abri n’est guère envisageable quand on est propriétaire : en raison du risque, le prix de vente sera très faible. Il faut se résigner à vivre avec le risque, avec des accommodements (ou des transactions) qui ne sont pas toujours « raisonnables », en voulant se persuader que « le pire n’est jamais sûr ». Les transactions dans la vie quotidienne peuvent être des précautions dérisoires, comme ne pas aérer le logement lorsque les mauvaises odeurs sont trop fortes. Dans la vie politique locale, notamment dans le cadre de la concertation organisée par le Comité de Suivi de Site afférent à chaque site SEVESO, les élus sont à l’image des habitants et ils adoptent des stratégies ambiguës : ils défendent ponctuellement la santé et l’environnement, tout en étant globalement très conciliants avec les entreprises, pour conserver l’emploi et les ressources fiscales qui lui sont associées. Ces pratiques ne sont pas spécifiques aux risques industriels : on les retrouve notamment face aux risques dits « naturels » : ceux qui se scandalisent du rejet de leur permis de construire, parce qu’il y a un risque d’inondation, peuvent être les premiers à protester, après l’inondation, parce que « l’État » n’aurait jamais dû autoriser les constructions. La transaction n’exclut pas la mauvaise foi !

22Kenjiro Muramatsu est un chercheur japonais et il fait une relecture décalée (par rapport à nos propres façons de voir), mais très informée, de la transaction sociale. Il s’appuie sur ses travaux empiriques, qui portent sur des expériences innovantes en matière d’insertion sociale des chômeurs et des personnes âgées, en Belgique et au Japon. Mais il offre surtout une nouvelle lecture de la transaction sociale, à la fois dans la vie quotidienne et dans la gouvernementalité socio-politique, en croisant les écrits de Michel Foucault et de François Ewald (qui fut le secrétaire particulier du premier, ce qui ne l’empêcha pas de faire une brillante carrière dans l’assurance et la haute finance). Il montre aussi comment la transaction s’articule avec la sphère « subpolitique » d’Ulrich Beck, permettant à la fois de comprendre la vulnérabilité sociale et de proposer des pistes pour en sortir. Pour Foucault, la gouvernementalité libérale a émergé au XVIIIe siècle, avec la modernité précoce. La loi ne découle plus de l’expression de la seule volonté du souverain, ni de l’application de principes universels ; elle devient le résultat d’une transaction entre partenaires, en fonction de rapports de force fluctuants. En d’autres termes, la loi passe par un processus transactionnel et elle devient une « construction sociale ». Ewald ajoute que les lois sociales, en mettant en place des systèmes assuranciels, visent à réduire les incertitudes et les risques, essentiellement professionnels, auxquels la population est soumise. Dans ce domaine, les lois sociales ont un rôle très important au niveau macrosocial, c’est-à-dire celui de la relative redistribution des richesses, des riches vers les pauvres. Mais il ne faut pas négliger les arrangements informels de la vie quotidienne. La « subpolitique » de Beck rejoint les « micropouvoirs » de Foucault, ouvrant le champ à de multiples transactions.

23Enfin, Pascal Lafont et Marcel Pariat reviennent sur une expérience pratique de coopération scientifique avec des universités haïtiennes suite au tremblement de terre de janvier 2010. Ils discutent les difficultés de la construction de connaissances et la production de coopérations conflictuelles plurielles entre chercheurs dans ce contexte singulier.

2.3 – Transaction sociale et constructions identitaires

24Les contributions consacrées aux rapports identitaires de sexe et/ou de genre portent respectivement sur les transsexuels à Genève (Fernando Carvajal) ; les homosexuel(le)s, à Genève aussi (Caroline Dayer) ; les bandes (ou cliques) de garçons homosexuels de Casablanca (Marien Gouyon) ; et la communauté, essentiellement virtuelle, des hommes qui revendiquent pour eux-mêmes « le droit à la séduction », en se considérant comme une minorité victime de la domination féminine (Mélanie Gourarier). Ces contributions questionnent les identités de sexe et de genre et elles les déconstruisent, montrant comment les données biologiques sont réinterprétées par la société : les normes en la matière sont des conventions qui peuvent être renégociées. Les auteurs se fondent sur des enquêtes de terrain, utilisant des méthodes qualitatives et restituant la parole des sujets enquêtés. Il y a beaucoup d’incertitudes (sur soi, sur les partenaires, sur l’entourage), ce qui induit de multiples transactions à différents niveaux.

25Fernando Carvajal montre la double transaction – biographique et relationnelle – à l’œuvre dans la construction trans-identitaire de personnes assignées dans un genre à la naissance, mais ayant engagé ou conclu une réassignation dans le genre revendiqué. Pour l’auteur, cette exigence de reconstruction est flagrante chez les « trans », mais elle ne leur est pas spécifique. Homme ou femme, homo- ou hétéro-sexuel, chacun doit répondre pour son propre compte à la question : « quelle est la part de l’autre sexe et de l’autre genre dans mon identité » ? Dans certains cas, la transaction avec soi-même (la révélation) est la plus difficile ; dans d’autres cas, c’est celle avec la famille et les proches. La relation avec le corps médical est difficile. Sans faire de généralisation hâtive, deux témoignages soulignent le rapport compliqué avec les médecins spécialistes (endocrinologues) ; ils affichent leur neutralité, mais leur attitude normative transparaît : si l’on change de sexe, il faut aller jusqu’au bout et ne pas s’arrêter au milieu du gué. Dans ces cas, particuliers peut-être, le médecin généraliste serait plus proche et plus compréhensif.

26Étudiant des hommes et des femmes qui se déclarent homosexuels, Caroline Dayer prend appui sur un abondant matériau empirique et elle observe les mêmes incertitudes, les mêmes tensions et les mêmes transactions identitaires. Elle souligne que la fluidité dans ce domaine, revendiquée notamment par le mouvement queer, est très mal acceptée par l’ordre social : il a fini par admettre qu’il pouvait y avoir des changements de place, mais il voudrait que la nouvelle place soit clairement définie et définitive.

27Marien Gouyon a réalisé pendant quelques années une enquête ethnographique au sein de cliques homosexuelles de jeunes garçons dans les quartiers populaires de Casablanca (Maroc). Ils forment des petits groupes de sociabilité homosexuelle et ils sont solidaires, tout en étant rivaux. Ils sont stigmatisés pour trois raisons : ils viennent du petit peuple, ils sont « efféminés » et ils se prostituent, principalement avec des clients européens présumés riches. Ils ne cherchent pas à retourner le stigmate et leur stratégie est fondée sur la ruse, l’échange économico-sexuel et la transaction : ni le vêtement ni le comportement ne trahissent leur orientation sexuelle ; héritage de la colonisation, le français est un puissant marqueur social et ils s’efforcent de le maîtriser parfaitement ; l’échange économico-sexuel est un moyen de pénétrer dans le monde des classes moyennes aisées. L’auteur ne s’attarde pas sur les transactions avec soi-même, mais il souligne d’autres niveaux de transaction : à l’intérieur du groupe de pairs, l’argent gagné par la prostitution doit bénéficier à tous, devenant ainsi un des instruments de la conquête du pouvoir dans le groupe. Certaines familles ignorent, ou ne veulent pas savoir, l’orientation sexuelle de leur fils ; d’autres sont informées, voire complices.

28Mélanie Gourarier apporte un contrepoint très intéressant sur les hommes hétérosexuels qui font une crispation identitaire sur leur masculinité, menacée selon eux par le féminisme et le genre. En défendant « le droit à la séduction », ils défendent en réalité la primauté du désir masculin, que les femmes « normales » devraient s’empresser de satisfaire. Cet archétype du masculin est ancien, mais il s’exprime dans des termes nouveaux : ces hommes se déclarent favorables à l’égalité entre les hommes et les femmes. Mais ils considèrent que la société aujourd’hui est « post-égalitaire » : les féministes seraient allées trop loin et les femmes domineraient les hommes. Ils rejettent aussi la « galanterie à la française » car elle serait l’instrument pervers de la soumission des hommes. Ils veulent « désaffecter » les normes galantes, vaste programme !

29La crise économique mondiale et le chômage placent les jeunes devant une incertitude majeure, celle de leur avenir professionnel. La certitude qu’un diplôme universitaire est un « passeport vers l’emploi » se désagrège : la perspective de préparer des « chômeurs diplômés » a des conséquences délétères pour l’université. L’avenir paraissant bouché, les étudiants se tournent vers la tradition et on observe un peu partout un renouveau des rituels dans la vie étudiante. Deux contributions étudient des facettes apparemment opposées, mais profondément complémentaires. Abdelwaheb Cherni analyse le port du voile chez les étudiantes tunisiennes et il y voit une réponse à un profond malaise social. Ceci vaut pour d’autres pays musulmans, mais aussi pour l’Europe. Dans la nouvelle université de Braga, au Portugal, Maria Engracia Leandro et son équipe analysent la place prise par les corporations étudiantes, et leurs soirées festives et ritualisées, dans la socialisation étudiante. Elles préparent une entrée dans une société néolibérale qui transforme chacun en « entrepreneur de soi » et en consommateur hédoniste qui fait le calcul implicite des coûts de la transaction, entre le plaisir immédiat de la fête et les effets à long terme sur la santé. Dans les deux cas, on peut voir les étudiants comme les victimes d’un système global qui les dépasse. Ces contributions soulignent que les étudiantes et les étudiants ont des marges de manœuvre qui leur permettent de réaliser des transactions. Les victimes peuvent être consentantes, voire complices.

30Au Nord du Portugal, dans une région à dominante rurale, l’université de Braga est née après la « révolution des œillets », en 1974. La recherche de l’équipe de Maria Engrácia Leandro montre qu’entrer à l’université prend un nouveau sens : quitter sa famille et se retrouver entre jeunes de la même génération, ce qui peut permettre de se découvrir soi-même. Individuellement et collectivement, les étudiants expérimentent de nouvelles formes de vie, festive et nocturne, mais sans se projeter dans l’avenir. Si la pratique de la séduction est présente, elle ne semble pas être le souci majeur des enquêtés, qui se montrent davantage préoccupés par la consommation alcoolique : pour le plaisir, mais aussi pour ne pas être exclus du groupe, jusqu’où peut-on boire sans aller trop loin ? Ils sont dans le registre des transactions avec soi-même et avec le groupe de pairs. Pour l’organisation des fêtes, les responsables des associations étudiantes font l’apprentissage des négociations et des transactions avec l’administration de l’université, celle de la ville, ainsi qu’avec la police, etc. Ils découvrent ici des transactions collusives : les autorités fixent des règles en sachant pertinemment qu’elles seront transgressées, mais elles ferment les yeux.

31Abdelwaheb Cherni fait un clin d’œil à Bourdieu (Ce que parler veut dire) en intitulant sa contribution : « Ce que porter le hijâb (le voile islamique) aujourd’hui veut dire ». Dans le droit fil de Durkheim et de Bourdieu, il montre que le port du voile est un fait social et il analyse le social par le social. Il écrit modestement qu’il a fait, en 2008, « une petite enquête » auprès d’étudiantes voilées à l’université de Tunis. C’était avant le « printemps arabe » en Tunisie, dans un contexte politique hostile au port du hijâb (voile islamique). Mais cette enquête éclaire ce qui est venu ensuite, notamment la manière dont l’islam politique a été mis au centre de la scène politique tunisienne. Le port du hijâb par des étudiantes invalide tout d’abord l’interprétation courante qui associe le voile à l’ignorance et à un déficit éducatif : la pratique religieuse n’est pas corrélée au niveau d’études. Même si on considère que les intéressées sont victimes d’une illusion et que, quoi qu’elles en disent, le hijâb est un instrument qui maintient les femmes dans la servitude, il faut prêter attention à ce qu’elles disent : le hijâb les protégerait des sollicitations abusives des hommes et il leur ouvrirait un espace de liberté personnelle. Cette analyse est à méditer en Europe aussi, où le port du voile est polémique. Pour l’auteur, le port du hijâb est une excellente illustration de « la plasticité du social ». Il est incontestablement le résultat d’un « bricolage » religieux (au sens de Claude Lévi-Strauss), proche de la transaction symbolique ; il n’implique pas une adhésion à la religion traditionnelle, encore moins à la religion institutionnalisée, mais il exprime « un malaise sociétal profond » dans la vie quotidienne. L’auteur s’inspire de Pierre Bourdieu pour analyser « les processus de reproduction des pratiques religieuses » et il montre que le port du voile est une épreuve de conflits et de compromis transactionnels au sein de la famille et avec l’entourage.

32Le dialogue entre les trois grandes religions monothéistes – le judaïsme, le christianisme et l’islam – est difficile car chacune de ces religions se considère comme la seule et unique dépositaire de la vérité divine ; sans se renier, aucune ne peut admettre que les autres pourraient détenir aussi une part de vérité. Mettre en place un processus transactionnel susceptible d’aboutir à des compromis de coexistence permettant une régulation de l’espace public, entre les religions et entre les croyants et les incroyants, est un exercice difficile, surtout lorsque la laïcité prend à son tour des formes religieuses et sectaires. Cette régulation concerne au premier chef les autorités politiques, locales et nationales. Benoît Petit analyse deux expériences toulousaines – la Marche interreligieuse pour la paix et la Lecture de la Bible à Toulouse – pour voir quelles sont les conditions à réunir pour faire progresser en France une laïcité ouverte et respectueuse du fait religieux. Il faut pour cela des compromis pratiques qui portent sur un objet bien circonscrit, même si personne ne renie ses convictions et que le désaccord demeure. L’auteur souligne l’importance de la présence d’un « marginal-sécant », ou d’un « passeur » de frontières religieuses, pour parvenir à des compromis acceptables de part et d’autre. L’obstacle majeur ici ne tient pas à l’incertitude mais, au contraire, à la fixation de chacun sur ses propres certitudes.

33*

34Sur la vingtaine de communications présentées lors du Congrès, une douzaine ont été retenues, après un travail substantiel de réécriture et de mise au point pour certaines. Ce dossier consacré aux travaux du Comité de recherche « Transactions sociales » est le second accueilli dans la Revue Pensée plurielle (après le n° 20, en 2009). Nous remercions Jean Foucart, son directeur, pour son hospitalité et pour la part importante qu’il a prise dans la confection de ce numéro. Nous remercions aussi très chaleureusement Jean Remy et Émile Servais pour leur soutien amical. En plus de leur contribution propre, ils ont tous les deux participé à la relecture des textes, prodiguant leurs conseils aux auteurs.

Bibliographie

Références bibliographiques

  • Beck, Ulrich (2001), La société du risque, Paris, Aubier (1re éd. 1986).
  • Blanc, Maurice (2012), « Au cœur du développement durable démocratique. Les transactions sociales entre individus, communautés et sociétés », in Josiane Stoessel-Ritz, Maurice Blanc & Nicole Mathieu (dir.), Développement durable, communautés et sociétés (p. 33-46), Bruxelles, Peter Lang.
  • Bourdin, Alain (dir.) (2004), « Sécurité routière : les savoirs et l’action », Espaces et Sociétés, n° 118 (n° spécial).
  • Callon, Michel, Lascoumes, Pierre & Barthes, Yannick (2001), Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil.
  • Dubar, Claude (1998), « Socialisation professionnelle et double transaction », in Marie-France Freynet, Maurice Blanc & Gaston Pineau (dir.), Les transactions aux frontières du social (p. 137-150), Lyon, Chronique sociale.
  • Giddens, Anthony (1994), Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan (1re éd. 1990).
  • Latour, Bruno (2005), Changer de société. Refaire de la sociologie, Paris, La Découverte.
  • Petitat, André (2012), « Grand résumé de Le Réel et le virtuel. Genèse de la compréhension, genèse de l’action, Genève-Paris, Droz, 2009 », SociologieS [En ligne], http://sociologies.revues.org/3766.
  • Remy, Jean, Voyé, Liliane & Servais, Émile (1991), Produire ou reproduire ?, Bruxelles, De Boeck, 2 vol. (1re éd. 1978).
  • Gibout, Christophe, Blanc, Maurice & Foucart, Jean (dir.) (2009), « Transactions et sciences de l’homme et de la société », Pensée plurielle, n° 20 (n° spécial).
  • Trognon, Alain (1992). « Transactions conversationnelles », in Maurice Blanc (dir.), Pour une sociologie de la transaction sociale (p. 59-78), Paris, L’Harmattan.
  • Van Campenhoudt, Luc, Remy, Jean, Peto, Danièle & Hubert, Michel (1994), « La relation sexuelle comme transaction sociale : à partir des réactions au risque du SIDA », in Maurice Blanc, Marc Mormont, Jean Remy & Tom Storrie, Vie quotidienne et démocratie. Pour une sociologie de la transaction sociale (suite) (p. 93-112), Paris, L’Harmattan.

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