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Article de revue

Les jeux d'argent : un nouvel enjeu social ?

Pages 65 à 76

1 – Introduction

1Depuis le début du XXIe siècle, les jeux d’argent ont connu une sorte de renaissance. Après le temps des grands flambeurs qui jouaient dans les espaces mythiques et exclusifs des casinos (Schwartz, 2007, pp. 297-324), les jeux d’argent sont devenus un passe-temps populaire parmi les retraités, les employés, les ouvriers ou les chômeurs (cf. Martignoni-Hutin, 2000, pp. 195-200). La renaissance ludique est la conséquence directe de la banalisation des jeux d’argent et de leur acceptation comme forme de divertissement. Pour mieux saisir la nature globale du phénomène, il est important de comprendre le rôle des médias et comment ils ont suscité un grand intérêt pour les jeux d’argent. Le poker est un exemple excellent de l’engouement actuel : depuis son apparition à la télévision américaine (Schwartz, 2007, p. 493), il a été commercialisé dans plusieurs pays européens en programmes télévisuels (émissions, documentaires, chat), en produits (coffrets, guides, DVD) et bien entendu en ligne. Grâce à la technologisation, l’offre des jeux est en continuel développement et les joueurs ne sont plus dépendants du temps ni de l’espace.

2Parallèlement le débat sur les conséquences nuisibles des jeux d’argent continue. En 1980, le jeu pathologique a été introduit dans le DSM III de l’Association américaine de psychiatrie et a été classé comme « trouble du contrôle des impulsions » (Valleur et Matysiak, 2006, p. 169). Plus tard, en 1994, le jeu pathologique a été défini comme « une pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu » (Valleur et Matysiak, 2006, p. 169). En dépit de cela, les opinions restent partagées quand il est question de définir le jeu pathologique comme addiction. Selon les domaines de recherche et les contextes linguistiques, les définitions diverses font allusion entre autres à l’excès, à la compulsion et à la dépendance.

3Aujourd’hui, les problèmes liés aux jeux d’argent commencent à être mieux connus. La dépendance au jeu est devenue un phénomène dont les répercussions sur la société et sur la santé publique sont reconnues. Les États membres de l’UE ont chacun une législation nationale qui régule l’offre et l’activité ludiques. Les opérateurs de jeux sont imposés par les États qui ensuite distribuent les ressources aux bénéficiaires ministériels ou organisationnels. Les jeux d’argent en ligne sont perçus comme une nouvelle source potentielle de profits financiers, mais l’Internet est un environnement spécifique qui peut augmenter le risque de la dépendance aux jeux d’argent (cf. Tryggvesson, 2009, p. 518). Le développement du jeu responsable est une manière d’intervenir et d’empêcher l’évolution de la dépendance en question, mais il est pratiqué différemment selon les opérateurs et les pays.

4Dans cet article, nous réfléchissons à l’enjeu social des jeux d’argent. D’abord, nous aborderons le statut des jeux d’argent en Europe et l’impact des problèmes liés au jeu. Ensuite, nous étudierons comment l’activité ludique a été historiquement l’objet d’un débat fortement moraliste pour devenir ensuite un problème médical. La question de responsabilité est examinée selon différentes perspectives pour mieux comprendre la position des gouvernements, des opérateurs et des joueurs. En dernier, nous analyserons comment la dépendance aux jeux d’argent est vécue par les interlocuteurs francophones d’un forum de discussion électronique. Pour conclure, nous discuterons l’enjeu social des jeux d’argent dans un environnement global et virtuel.

2 – Le défi politique et régulateur des jeux d’argent en Europe

5Les citoyens européens peuvent actuellement participer à des jeux d’argent offerts nationalement, transnationalement (comme à l’Euromillions dans plusieurs pays européens ou au Viking Lotto en Scandinavie et en Estonie) et internationalement en ligne. L’opération des jeux d’argent est devenue mondiale, mais le statut des jeux d’argent dépend de leur régulation nationale. Jusqu’à présent chaque état membre de l’UE a pu décider de la régulation (Littler, 2007, p. 357). La législation nationale définit les types et les règles de jeux d’argent autorisés, le statut des opérateurs nationaux et étrangers, l’emplacement des jeux d’argent dans les lieux publics et spécifiques ou en ligne et les caractéristiques des jeux et des machines. D’autre part, la limite d’âge est définie par la législation nationale, mais il est possible que les opérateurs la modifient aussi. La taxation des opérateurs et la distribution des ressources provenant des jeux d’argent dépendent également de la législation nationale.

6Depuis l’avènement des jeux d’argent en ligne et plus précisément depuis l’intensification de la compétition sur le marché ludique global, plusieurs pays ont décidé de vérifier leur politique et leur système opérationnel des jeux d’argent. Par exemple, la France a décidé de « l’ouverture maîtrisée du marché des jeux de hasard et d’argent en ligne » (Mangel, 2009, p. 403). En Belgique, une proposition de loi a pour but de contrôler les conséquences négatives du jeu en ligne en le libéralisant (Druine, 2009, p. 15). En Suède, le poker en ligne a été introduit en 2006 par Svenska Spel, l’opérateur étatique des jeux d’argent (Jonsson et Rönnberg, 2009, p. 300).

7La régulation de l’offre et de la limite d’âge des jeux d’argent a subi plusieurs changements pendant ces dernières années. Entre autres en Espagne, l’expansion des jeux d’argent continue, malgré les mesures gouvernementales prises dans les années 1990 pour réduire le nombre des machines à sous (Becoña, 2009, p. 294). L’année 2007 fut décisive en Norvège : toutes les machines à sous ont été bannies et retirées du marché. La limite d’âge a été augmentée à 18 ans (Götestam et Johansson, 2009, p. 211). Jusqu’à présent, un mineur finlandais de 15 ans pouvait jouer à des machines à sous dans les lieux publics (comme les supermarchés et les kiosques) et un mineur plus jeune sous la surveillance d’un membre de famille (cf. Jaakkola, 2009, p. 55). Dans un futur proche, les jeux d’argent ne seront accessibles qu’aux personnes majeures en Finlande.

8L’UE n’a pas de législation spécifique qui régulerait l’opération des jeux d’argent en son sein. Cependant, quand il s’agit de la libre prestation des services et de la libre circulation des marchandises, la loi de la Communauté européenne s’applique (Littler, 2007, pp. 361-363) (cf. les cas Schindler, Läärä, Zenatti, Gambelli, Lindman ou Placanica). Quant à la Commission européenne, elle s’est intéressée à l’offre des paris sportifs et hippiques en ligne dans certains pays comme la France (Mangel, 2009, pp. 227-228).

9Actuellement, il n’existe souvent que des estimations sur le nombre des joueurs et leur consommation aux jeux d’argent dans le monde. La présence des jeux d’argent dans le quotidien a conduit au fait que les risques découlant de la pratique ludique ne sont pas toujours prévus et compris par les joueurs européens. Pour mesurer l’ampleur du jeu problématique, certains pays, comme la Suisse (Häfeli, 2009, p. 321) et la Suède (Jonsson et Rönnberg, 2009, pp. 302-304), ont réalisé des enquêtes de prévalence et d’autres, comme l’Espagne (Becoña, 2009, p. 287), des études épidémiologiques. Les statistiques des services pour les joueurs pathologiques peuvent être utiles pour comprendre quels jeux d’argent posent le plus de problèmes aux joueurs et quels groupes d’âge sont les plus vulnérables (cf. Valleur, 2009, p. 77 ; Jaakkola, 2009, pp. 60-61).

10Plusieurs gouvernements européens ont essayé de trouver l’équilibre entre l’envie de jouer des citoyens et les conséquences négatives associées aux jeux d’argent, comme l’addiction, le crime et la fraude (Littler, 2007, p. 358). De nos jours, le jeu pathologique est considéré de plus en plus comme un problème de santé publique (Inserm, 2008, p. 223 ; Reith et al., 2006, p. 64). Jouer en soi « ne constitue pas un problème de santé biomédical » (Marshall, 2009, p. 68). Les impacts sociaux des jeux d’argent sont toutefois divers et graves : les plus répandus sont les problèmes financiers (l’endettement, la banqueroute, le crime), les problèmes de couple (la séparation, le divorce, la violence conjugale) et de famille (le stress des enfants), les problèmes liés au travail et les problèmes de santé mentale (Reith et al., 2006, pp. 42-45). Le but de la santé publique est la création des politiques et des services préventifs (Reith et al., 2006, p. 64). La majorité des joueurs n’ont pas de problèmes avec les jeux d’argent (Valleur et Matysiak, 2004, p. 74).

3 – De la moralisation à la pathologisation

11Historiquement le jeu fut longtemps considéré comme un péché en Occident (Walker, 1996, p. 223). On peut situer la naissance de la « querelle morale et religieuse » dans la relation contradictoire du jeu et du travail (Neveux, 1967, p. 506). Si le catholicisme a contribué à « la diabolisation » et à « la stigmatisation voire la condamnation » de l’argent (Mangel, 2009, p. 75-76), on peut dire que le protestantisme de son côté a désapprouvé les gains par un autre moyen que le travail. Dans l’ensemble, les joueurs problématiques étaient une menace à l’ordre moral, social et économique (Bernhard, 2007, p. 17). Le jeu risquait de mettre en péril la socialisation de l’individu occidental (Walker, 1996, p. 223).

12Au niveau culturel, l’attitude vis-à-vis des jeux de hasard et d’argent dépend des valeurs, de l’environnement socioculturel, de l’appartenance communautaire et des croyances personnelles des individus. La croyance religieuse peut interdire la pratique des jeux d’argent, mais dans un environnement spécifique ou dans des conditions exceptionnelles, cette pratique peut devenir possible. Par exemple, la loi islamique « interdit explicitement les jeux de hasard et d’argent, les considérant comme étant des activités immorales dans la mesure où quelqu’un peut accumuler de la richesse sans aucun effort, alors qu’une autre personne en devient la victime » (Suissa, 2005, pp. 176-177). Dans la culture judaïque, la pratique abusive des jeux de hasard est condamnable (Suissa, 2005, pp. 167-168). Mais à l’étranger, les immigrés peuvent exprimer leur envie de ressembler à leurs nouveaux compatriotes et d’améliorer leur condition socio-économique en jouant (Papineau et al., 2005, p. 5 ; Griffiths et al., 2009, p. xxi). Ils peuvent aussi respecter les périodes religieuses et s’abstenir de jouer pendant celles-ci (Mangel, 2009, p. 85).

13Il est possible que la banalisation contemporaine des jeux d’argent ait réussi à atténuer les jugements moralisants d’antan. La déviance vis-à-vis des principes moraux et des obligations sociales est restée à l’arrière-plan au détriment de la conception complexe du jeu excessif. Plus que le hasard, c’est l’argent qui prime dans les jeux et souligne ainsi l’importance de la circulation monétaire, de la possibilité de l’investissement risqué et de l’antagonisme des coûts et des bénéfices sociaux.

14Le jeu est devenu « une conduite légalisée » qui peut cependant « donner lieu à abus et à dépendance », voire devenir une conduite pathologique (Valleur et Matysiak, 2006, p. 163). Selon Valleur et Matysiak (2006, p. 165), « la dépendance ne suffit donc pas à faire la pathologie » : le joueur doit éprouver un manque s’il est privé de jeu. L’expérience initiale « sera déterminante dans l’instauration d’une dépendance » (Valleur et Matysiak, 2004, p. 143). La trajectoire du joueur peut être déclinée en trois phases principales. Pendant la phase de gain, le fait de jouer est agréable et le joueur est gagnant. Pendant la phase de perte, le joueur essaie de se refaire. Dans la phase de désespoir, le joueur est exténué et souffrant. Le suicide, l’incarcération, l’appel à l’aide et la fuite semblent être ses seules options (Valleur et Bucher, 2006, pp. 52-53 ; Suissa, 2005, pp. 126-127). Finalement, il y a « l’escalade des difficultés sociales, relationnelles, psychologiques et/ou médicales » (Valleur et Matysiak, 2004, p. 26).

15Tous les joueurs ne sont pas identiques. Ils se positionnent dans des zones ludiques différentes (sociale, à risque, excessive, addictive) et peuvent circuler à travers elles. D’autre part, un joueur peut se trouver dans la zone à risque en jouant beaucoup, mais ce fait n’a pas encore des conséquences négatives personnelles ou sociales (Ferris et Wynne, 2001, p. 45).On peut aussi anticiper le développement d’une dépendance au jeu en classant les joueurs selon leur exposition au risque (faible, modéré, élevé, haut) (Ladouceur, 2008, pp. 440-441). Certains joueurs, comme les jeunes, sont classés parmi les groupes de populations vulnérables (Griffiths et al., 2009, p. xxi).

16Parfois l’addiction et la dépendance sont acceptées comme synonymes (Valleur et Matysiak, 2004, p. 16). La conduite addictive est « une réponse pour aller moins mal ou pour tenter de régler des difficultés existentielles » (Valleur et Matysiak, 2004, p. 25). Dans le cas des joueurs pathologiques, « le jeu est devenu centre de l’existence, au détriment d’autres investissements affectifs et sociaux » (Valleur et Matysiak, 2006, p. 165). Jim Orford (2001, p. 3) préfère parler de « jeu excessif » et le classe dans les « addictions principales » (cf. boire, se droguer, manger, s’exercer physiquement et pratiquer le sexe excessivement). Il critique la position périphérique du jeu dans le domaine des addictions de la modernité. Comme dans le cas de l’alcool, l’excès potentiel du jeu est depuis longtemps reconnu et non disputé (Orford, 2001, p. 3).

17Les médias participent à la formation de l’image du joueur pathologique, mais aussi à une certaine « construction sociale » (Martignoni-Hutin, 2005, p. 62) du jeu compulsif. Les interviews des hommes politiques, des professionnels de la santé et de l’assistance sociale ou des opérateurs offrent des perspectives différentes du jeu pathologique. Les faits divers, les témoignages et les confessions des joueurs forgent des récits que les médias interprètent le plus souvent selon leurs propres intérêts. Pour prendre un exemple quelque peu différent, le poker est associé de plus en plus à la réussite et assimilé au travail. Qu’il s’agisse des tournois nationaux ou internationaux ou des parties en ligne, les joueurs professionnels sont devenus des stars qui gagnent leur vie en jouant (Järvinen-Tassopoulos, 2010). Selon Suissa (2005, p. 128), « le regard social porté par l’autre sur le joueur a un impact important dans le processus de la perception ». Ceci semble vrai dans le cas des joueurs pathologiques, mais aussi dans celui des professionnels du poker.

18Est-ce que l’addiction au jeu est vraiment un dilemme social ou tout simplement un problème individuel ? Reith (2003, p. 22) explique que le « modèle médical » définit le fait de jouer en termes de pathologie potentielle, comme quelque chose qui ruine la vie des individus, des familles et des communautés. La « maladie » en question fait allusion à la perte progressive du contrôle et donc le joueur ne peut être responsabilisé pour ses actions. L’industrie des jeux d’argent en est responsabilisée. D’autre part, « le modèle commercial » voit l’industrie comme productrice légitime de divertissement qui devrait avoir les mêmes libertés que n’importe quelle entreprise (Reith, 2003, p. 22). Si les joueurs ont « la liberté de choix » (Suissa, 2005, p. 87), ils ont décidé eux-mêmes de commencer et de continuer à jouer. Cependant, la dépendance au jeu devient un dilemme social quand on réfléchit aux coûts sociaux et médicaux qui peuvent s’ensuivre (Griffiths et al., 2009, p. xxi).

4 – À qui la responsabilité ?

19La question de la responsabilité est au centre d’un débat sur les jeux d’argent qui concerne les gouvernements, les opérateurs, les joueurs et les services publics et privés travaillant avec les joueurs problématiques. Le concept du « jeu responsable » est apparu dans les années 1990 (Reith et al., 2006, p. 66). Depuis il intitule des programmes de prévention des opérateurs et influence la politique des jeux d’argent des pays européens. À leur tour, les joueurs réclament des mesures responsables des gouvernements et des opérateurs.

20Le jeu responsable peut être défini comme « un ensemble de politiques et de mesures destinées à prévenir le développement d’habitudes de jeu excessives » (Ladouceur, 2008, p. 440). Les besoins et les intentions de création de politiques et de mesures sont divers et parfois contradictoires. Le profit financier provenant des jeux d’argent est considérable, mais c’est un acquis à double tranchant. Si l’offre et le marketing des jeux d’argent ne font que croître, est-il vraiment possible de diminuer l’impact ludique néfaste sur les joueurs qui sont déjà incapables de contrôler leur jeu ?

21Les gouvernements ont la responsabilité définitive en ce qui concerne le maintien législatif et régulateur de l’organisation des jeux d’argent et la protection des populations vulnérables des dommages et de l’exploitation (Blaszczynski et al., 2004, p. 303). Il existe trois types de stratégies de prévention qui peuvent être mises en place pour lutter contre le jeu problématique. La prévention primaire se compose de l’éducation publique et de l’information distribuée par les opérateurs (Reith et al., 2006, pp. 68-70). La prévention secondaire vise « l’identification précoce et l’intervention efficace pour diminuer la prévalence des cas existants » (Ladouceur, 2008, p. 442). Elle comprend les programmes d’exclusion, l’information et l’entraînement des personnels et les caractéristiques du jeu responsable (Reith et al., 2006, pp. 70-71). La prévention tertiaire contient tous les services de traitement de jeu problématique comme les groupes de paroles, le conseil, l’aide téléphonique et les interventions courtes (Reith et al., 2006, pp. 72-73).

22Un nombre croissant d’opérateurs dans le monde a développé des recommandations et des procédures de jeu responsable (Reith et al., 2006, p. 66). La responsabilité de l’opérateur se base tout d’abord sur le fait d’informer les joueurs pour qu’ils puissent faire « un choix éclairé » (Ladouceur, 2008, p. 442) avant de jouer. L’opérateur doit fournir aux joueurs les règles des jeux divers et l’information adéquate sur les mises et les gains possibles. Les programmes de jeu responsable offrent aussi des outils pour pouvoir limiter son jeu et se faire interdire. Ces caractéristiques sont créées pour réduire la probabilité pour les joueurs de perdre le contrôle en jouant (Reith et al., 2006, p. 71).

23La question de la responsabilité du joueur n’est pas facile. Certains opérateurs, comme la Française des Jeux ou la Loterie Nationale belge, ont réalisé des campagnes de responsabilisation qui invitent les joueurs à se fixer des limites. D’autres, comme les opérateurs finlandais RAY et Veikkaus, demandent à leurs clients de jouer modérément ou d’une manière contrôlée. Ces campagnes concernent les joueurs adultes, mais examinons un instant le cas des mineurs. Serait-il temps de « renforcer la responsabilité parentale sans s’appuyer sur l’État ou les opérateurs » (Française des Jeux, 2008, p. 24) ? En sachant que l’impact du jeu parental sur les enfants a été démontré dans plusieurs études (Derevensky et al., 2003, p. 242), il faudrait d’abord informer les parents sur les risques et les problèmes généraux liés au jeu excessif et ensuite leur poser la question sur leur responsabilité. De toute manière, les limites d’âge sont régulées par les législateurs et décidées par les opérateurs.

24Le débat sur le jeu responsable peut être étendu plus généralement aux questions de contrôle et de liberté. Si la majorité des joueurs jouent pour se divertir, pour s’amuser ou pour se détendre, est-ce que les programmes de « jeu responsable » les concernent aussi ? Ou encore, jusqu’à quel point le consommateur « accepte[-t-il] d’être contrôlé » ? (Française des Jeux, 2008, p. 23) Une manière d’éviter les risques du jeu excessif est la création de l’identification obligatoire. La procédure d’identification exige du joueur ses coordonnées et parfois la procuration d’une carte de fidélité. L’identification peut signifier du point de vue des joueurs la perte de l’anonymat et de la liberté individuelle et le contrôle de leurs habitudes ludiques. D’autre part, le contrôle peut aussi être lié à l’anticipation des problèmes de jeu. Les jeux d’argent en ligne sont au centre du débat sur la liberté de jouer qui critique la capacité du système de monopoles de jeux d’argent à éviter et à limiter ces problèmes. En Finlande, cette liberté est surtout réclamée par les joueurs de poker en ligne (amateurs ou professionnels) avec l’appui des opérateurs étrangers (Jaakkola, 2009, p. 69).

25Il n’est pas facile de définir d’une façon explicite la responsabilité. Il a été noté qu’il est déjà difficile de promouvoir le jeu responsable, car la définition des dommages liés aux jeux d’argent manque de clarté. Il n’y a pas non plus de consensus à propos des paramètres du jeu responsable parmi les parties intéressées (Blaszczynski et al., 2004, pp. 304-307). L’offre et l’emplacement des jeux d’argent et la nature du système opérationnel jouent un grand rôle dans l’instauration d’une politique responsable des jeux d’argent. Les limites de responsabilité entre les gouvernements, l’industrie des jeux d’argent et les consommateurs restent vagues (Blaszczynski et al., 2004, p. 307).

5 – Faire face à sa dépendance

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« Y a-t-il quelqu’un ?! En quelques années, j’ai ruiné ma famille. J’en suis sortie une, puis deux, puis trois fois… J’ai gagné quelques fois et j’ai beaucoup perdu. C’est une spirale infernale. Mon salaire perçu a été aussitôt perdu. Ensuite la carte de crédit, puis la carte bancaire. Plus rien n’était important, sauf le bruit de ces machines à sous. »

27Il existe encore trop peu d’études qualitatives qui donneraient la parole aux joueurs eux-mêmes. Certains d’entre eux ont choisi de raconter et de partager leur histoire dans des forums de discussion électroniques qui ont été créés spécialement pour les dépendants du jeu. Il s’agit des lieux où le privé se mélange au public : des lieux de confession, d’information, de soutien et d’entraide. Ce sont des espaces anonymes où la socialité se base sur la connaissance mutuelle d’un phénomène spécifique.

28Parmi les différents sites de l’Internet, nous avons choisi d’étudier un forum de discussion francophone. Nous avons demandé au modérateur la permission d’utiliser les messages pour notre étude et il nous l’a accordée. Les messages qui seront cités dans cet article ont été modifiés et rendus anonymes pour respecter les personnes en question. Les joueurs ayant participé aux discussions sont de France, de Belgique ou de Suisse. De tous les membres et des visiteurs du forum, nous avons choisi 23 cas, dont 11 femmes et 12 hommes. Ces joueurs ont eu des problèmes divers en jouant aux machines à sous, aux jeux de grattage, aux jeux des casinos et des casinos en ligne, au Rapido, aux paris sportifs en ligne et aux jeux de PMU.

29Nous avons cherché des messages – courts ou longs – dans lesquels les joueurs racontent leur parcours ludique. Certains ont envoyé un seul message, d’autres ont écrit des dizaines de messages ou de réponses. En tout, nous avons analysé 135 messages. Nous avons procédé par la méthode d’analyse de contenu en étudiant le corpus des messages, ensuite en classifiant ceux-ci par leurs contenus et finalement en thématisant les contenus. Les thèmes suivants ont pu être découverts : le début et la problématique du parcours ludique, la dépendance au jeu vécue, les problèmes (financiers, psychologiques, sociaux ou médicaux), les tentatives d’arrêter de jouer, la rechute, les jeux de substitution, l’aide et le soutien.

30Suissa (2005, p. 199), en faisant allusion aux liens sociaux, constate que « sur le plan individuel on ne peut nier le fait que les mouvements d’entraide anonymes sont attrayants pour les personnes dépendantes : brisure de l’isolement social, écoute active, déculpabilisation, solidarité et appartenance, grande décentralisation des réunions, anonymat, etc. ». Ceci est vrai aussi dans le cas des forums de discussion électroniques. L’Internet va cependant plus loin, car il transforme la conception spatiale et temporelle des interlocuteurs. Il n’y a plus de frontières entre ceux qui partagent l’espace virtuel de leur communauté. Les rendez-vous et les réunions des joueurs dépendants ne suivent pas les fuseaux horaires : ils peuvent visiter leur forum et réagir aux messages et aux discussions à leur guise. L’accès facile aux forums expliquerait leur fréquentation (Wood et Wood, 2009, p. 24).

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« Je ne sais plus quoi faire. Je suis à bout. Je m’en veux. Aujourd’hui, j’ai encore perdu 2000 euros au casino en ligne et je ne sais pas comment je vais les rembourser. Comment faire pour ne plus aller jouer ? Si quelqu’un peut m’aider, je vous remercie, car je suis vraiment à bout. »

32Ces forums électroniques pour dépendants ne sont pas exactement des « groupes de paroles thérapeutiques » (Bétizeau, 2009, p. 300) dont les membres seraient traités comme des patients. Ils sont des espaces libres qui n’existent souvent que par leur(s) modérateur(s) et les interlocuteurs. L’anonymat a plusieurs significations et fonctions dans ces forums. L’anonymat est une des raisons pour lesquelles les forums de discussion ont des participants (Wood et Wood, 2009, p. 24). Les interlocuteurs peuvent se dévoiler aux autres en s’introduisant avec un pseudonyme ou en se cachant derrière l’étiquette du visiteur. Les communautés ouvertes, comme le forum de discussion étudié, ne dissimulent ni les messages ni les discussions derrière un mot de passe et elles n’exigent aucune adhésion obligatoire. Ainsi, ces communautés reçoivent aussi des visiteurs qui « épient » les messages des autres sans jamais y répondre (King, 1994, p. 48). L’anonymat aide les individus à communiquer et certains peuvent dépasser leur peur de parler devant un groupe d’aide en le faisant dans l’Internet (Wood et Wood, 2009, p. 24 ; King, 1994, p. 53).

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« Soyons solidaires entre nous, puisque la société rejette des gens comme nous. Comment peuvent-ils comprendre s’ils n’ont jamais connu cette pulsion de jeu ? Aidons-nous les uns les autres à nous en sortir. »

34On peut lire dans cet extrait qu’il existe « un sentiment d’aliénation » parmi les joueurs dépendants qui peuvent se croire « victimes d’un processus auquel on ne peut rien » (Valleur et Bucher, 2006, p. 110) à la manière des membres de Gamblers Anonymous. Sur le forum de discussion francophone, les joueurs s’entraident et se conseillent. Ils cherchent des témoignages pour mieux comprendre leur conduite et pour prendre conscience de leur problème. On semble apprécier le fait qu’on ne se sent pas jugé par les autres. La plupart apprécient le soutien virtuel, mais beaucoup croient qu’il n’existe aucun moyen d’aide pour eux, comme il en existe pour les alcooliques et les toxicomanes. Les demandes de soutien et les appels au secours sont donc dirigés et lancés vers les semblables, c’est-à-dire les autres dépendants du jeu connectés à l’Internet.

35Les récits des joueurs forment des trajectoires personnelles qui suivent les phases principales du développement de la dépendance au jeu (Valleur et Bucher, 2006, pp. 50-53). En dehors de ces phases, il a été intéressant de découvrir des récits concernant l’endettement, les jeux de substitution et comment contourner l’interdiction de jouer. L’endettement est souvent lié à la facilité de jouer à crédit. Le crédit permet aux joueurs de continuer leur parcours ludique tout en perdant progressivement la notion de valeur monétaire des mises. Certains joueurs ont réussi à arrêter de jouer aux jeux dont ils sont devenus dépendants, mais ils ont pourtant continué à jouer à des jeux d’argent moins dangereux ou à des jeux d’argent gratuits en ligne. D’autres ont trouvé des moyens pour ne pas respecter leur interdiction de jouer. Ils ont circulé d’un établissement à l’autre ou ils ont franchi des frontières pour pouvoir jouer de nouveau. Ceci semble bien possible, car il n’existe pas de « système de protection » (Marique, 2008, p. 451) entre les États européens pour éviter que les interdits puissent rejouer.

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« Je me suis faite interdire pour 5 ans, mais au bout de 3 ans, j’ai demandé à rejouer. De toute façon, j’allais à Monaco ! »

37Les récits du forum de discussion électronique étudié ont disparu depuis leur analyse. Le site est toujours à sa place dans l’Internet. Les trajectoires des joueurs dépendants n’ont donc pas de suite ou de fin : sans les récits inclus dans les messages, il n’y a plus de discussion ni de communauté. La désertion (cf. Valleur et Bucher, 2006, p. 112) de ce forum par ses membres peut être expliquée par la nature des relations sociales en ligne – éphémères, mais solidaires par moments.

6 – Conclusion

38Le phénomène du jeu excessif est ancien, mais la médicalisation du jeu pathologique est un fait assez récent. L’intérêt pour une politique de santé publique adéquate est compréhensible : pour traiter les joueurs pathologiques, il faut des services et des soins et, pour éviter l’élargissement du problème, il faut des stratégies de prévention et des enquêtes de prévalence. Toutefois, les jeux d’argent forment aussi un véritable enjeu social dont le contenu est nouveau. Depuis plusieurs années, les États membres de l’UE ont dû répondre aux changements du marché des jeux d’argent global. La régulation des jeux d’argent en ligne sera le grand défi des années à venir autant que le contrôle des joueurs par des mesures politiques responsables. L’attitude vis-à-vis des jeux a certainement changé depuis quelques décennies : est-ce que, dans le futur, les bénéfices sociaux dépasseront les coûts sociaux ? L’enjeu social majeur semble tourner autour de la manière de trouver un équilibre véritable entre l’intérêt pour les profits financiers provenant de l’opération des jeux d’argent et les charges sociales découlant de la prévalence du jeu problématique. Ce dernier est un phénomène social qui touche les États membres de l’UE nationalement, transnationalement et internationalement. L’UE devrait être un forum où l’on puisse trouver des solutions acceptables à cet enjeu ludique.

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Mots-clés éditeurs : dépendance au jeu, régulation des jeux d'argent, marché ludique en ligne, jeu responsable, jeux d'argent

Date de mise en ligne : 14/06/2010

https://doi.org/10.3917/pp.023.0065

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