Notes
-
[1]
Le séminaire, intitulé : « Favoriser les liens sociaux de proximité : de nouvelles pratiques d’intervention sociale dans les villes européennes ? Neighbourhood-based social ties building: New social intervention practices in European cities? », a été animé par Évelyne Baillergeau.
-
[2]
Le séminaire, intitulé : « Rompre l’isolement social dans les quartiers “en crise” : de nouvelles professionnalités en intervention sociale ? Breaking social isolation in so-called urban deprived areas of Europe: Towards new forms of occupational skills in social intervention ? », a été animé par Évelyne Baillergeau (vice-présidente de l’Association CERTS) et Patrick Nivole de CNAM à Paris. ETSUP à Paris a accueilli des participants du séminaire.
-
[3]
Pendant le séminaire nous avons reçu un texte rédigé par Élisabeth Dugué et Patrick Nivolle (Lise, Cnam/CNSR) intitulé « Projet d’appel à communication pour le 4e séminaire du CERTS », dans lequel les auteurs font le pont entre la discussion du séminaire tenu à Paris en avril 2007 et la problématique d’un quatrième séminaire du CERTS à Lodz. La thèse principale de ce texte est de prendre comme sujet de la discussion les courants de pensée (dans une perspective historique) qui ont pu influencer (et influencent encore aujourd’hui) « des pratiques innovantes du travail social collectif dans différents pays représentés pendant ces journées » (p. 1). Les participants du séminaire de Vaucresson ont trouvé que le prochain séminaire devrait être orienté vers la suite de la problématique méthodologique de recherche. Il est possible de revenir au projet proposé, cité ci-dessus, dans l’avenir de notre coopération. Sa dimension historique est intéressante mais à condition d’établir un vrai projet utilisant l’approche historique. Nous avons constaté que la plupart des participants partageaient cet avis de préparation d’un projet de recherche. Pour être efficaces, il faut se comprendre au niveau de la méthodologie de recherche.
1 – Point de départ
1Le séminaire de recherche organisé à Vaucresson du 1er au 2 février 2008 par l’Association européenne CERTS (Centre européen de ressources pour la recherche en travail social) a eu pour but de prolonger, sur un nouveau projet de recherche, la discussion ouverte à Bruxelles [1] en décembre 2006.
2Les débats que nous avions pu poursuivre, en avril 2007 à Paris? [2], sur de nouvelles pratiques d’insertion sociale ayant pour but de rompre l’isolement social des publics vivant dans des quartiers « en crise », nous ont persuadé qu’il serait utile de réfléchir collectivement à des approches méthodologiques de recherche en matière d’analyse de la pratique, et particulièrement à l’analyse des pratiques professionnelles.
3Le séminaire de Vaucresson s’est inscrit dans la continuité de nos discussions précédentes visant à construire ensemble un projet de recherche. Nous avons envisagé qu’il devrait également nous permettre d’orienter nos analyses et de construire une méthodologie de recherche. C’est pour cela nous nous sommes posé deux objectifs généraux : 1) une meilleure connaissance des méthodologies de recherche portant sur les pratiques professionnelles ; 2) une production et un partage des connaissances relatives aux méthodologies de recherche qui permettent de produire des savoirs sur les pratiques professionnelles, en prenant en compte les prémisses théoriques proposées dans l’annonce du séminaire et présentées lors de son ouverture.
4Pour orienter les débats, nous avons proposé d’adopter les prémisses théoriques d’analyse suivantes :
- les phénomènes sociaux ont un caractère de processus – ce qui entraîne la nécessité de prendre en considération, dans l’analyse, le changement de la réalité sociale, ses mécanismes et son contexte ;
- l’analyse doit prendre en compte la perspective de ceux qui prennent part à la recherche (les personnes exclues, les clients, les professionnels du social). Une telle perspective doit être présente aussi bien dans la définition des notions que dans la construction des structures d’un processus. Il est important également de définir une logique courante des participants (leur rationalité), car le fait de la comprendre favoriserait l’anticipation des actions sociales ;
- l’analyse doit tenir compte du macrocontexte. De fait, tous les phénomènes étudiés font partie d’un contexte large (culturel, politique, économique). La reconstruction de ce contexte large devrait faire l’objet d’une recherche distincte.
2 – Les grandes lignes des débats
5Nous avons adressé cette invitation à tous les participants des séminaires à Bruxelles et à Paris, à nos partenaires dans le projet CERTS, ainsi qu’à ceux qui s’intéressent à la problématique du séminaire. Parmi les vingt-deux participants inscrits, vingt y ont participé et neuf ont présenté des interventions. Parmi les participants – représentants de cinq pays –, figuraient des chercheurs de centres de recherche (aux niveaux national et local), des chercheurs/enseignants de l’université, des chercheurs émérites, des enseignants, des responsables d’unités des écoles. Grâce aux interprètes, nous avons eu la possibilité de nous comprendre en parlant la langue choisie : l’anglais ou le français.
2.1 – Les cadres d’analyse abordés durant le séminaire
6Le programme du séminaire a été élaboré en fonction des participants qui ont demandé de présenter leurs propositions liées aux questions méthodologiques d’analyse de la pratique. Le programme comprenait les cinq points d’analyse suivants :
- inspirations philosophiques pour l’analyse des pratiques ;
- dispositifs à la compréhension du sens des pratiques ;
- dilemmes de positionnement du chercheur/praticien ;
- dispositifs pour l’évaluation des pratiques situées dans le champ d’action ;
- exemples de recherches menées et proposées.
7Nous avons admis que l’élément fondamental, pour concevoir la méthodologie d’un projet de recherche, est l’approche adoptée par le chercheur pour aborder un champ de la pratique.
8Au début du séminaire, nous avons proposé quatre catégories de recherche que l’on peut distinguer dans les relations de la recherche avec la pratique :
- la recherche pour la pratique où l’analyse sert à la pratique (diagnostic, expertise), et où celle-ci peut constituer un point de départ pour un projet de transformation,
- la recherche dans le champ de la pratique (à travers l’action, une recherche-action), où les approches de recherche ont pour objectif de connaître le sens et la signification d’un phénomène donné ; le chercheur y est directement présent ; la participation a un caractère essentiel ;
- la recherche à travers la pratique, approche permettant de mettre en discours la pratique et acquérant alors une nouvelle dimension, celle de la réflexion (Imbert, 1992 ; Payne, 1998). La recherche fournit notamment une dimension interprétative et réflexive de la pratique ;
- la recherche sur la pratique constitue une approche de la pratique qui intègre une perspective méta-théorique. Elle adopte une dimension transversale, comme dans la sociologie du travail social (Sibeon, 1996 ; Sünker, 1996 ; Hamburger, 1996 ; Barbier, 2006), dans la dimension transversale de l’action (Wagner, 1998) et dans le paradigme du travail social.
2.2 – Essai d’analyse méthodologique des interventions
9Une analyse méthodologique des interventions présentées lors du séminaire nous semble être utile pour notre future coopération dans le programme commun. Cette analyse, qui prend en compte les thèses principales, les objectifs de recherche, ainsi que l’objet de recherche, pourra servir de point de départ pour la construction de notre projet. Dans l’analyse des résumés des interventions, nous avons pris en considération : le contexte théorique (avec des notions clés), la perspective dominante de recherche, la position du chercheur dans le contexte de recherche, les solutions méthodologiques adaptées ou projetées, des méthodes, des techniques, des outils de recherche, des objectifs finaux et opérationnels. Nous avons omis les résultats de recherche.
10Les éléments de cette analyse peuvent servir à mettre au point un aperçu des problèmes méthodologiques qui ont été soulignés dans les interventions et qui peuvent être formulés sous forme de thèses pour la discussion. Il ne nous a pas été possible d’analyser toutes les questions soulevées, car nous ne disposions pas d’enregistrement du déroulement du séminaire.
11La plupart des participants ont soulevé la question de la position du chercheur dans le contexte étudié, en soulignant surtout l’importance de sa participation ainsi que son rôle actif. À cette occasion, nous avons pu constater que ces traits sont compris différemment aussi bien du point de vue théorique que méthodologique. En même temps, les différentes positions, nous ont permis d’élaborer une conception théorique situant le chercheur dans un contexte large de recherche en travail social.
2.2.1 – Contexte théorique (notions clés)
12Nous présentons ci-dessous des éléments théoriques et des définitions de notions clés, qui sont apparus dans les exposés des participants. Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle pourra être complétée dans de prochains travaux.
- La réalité sociale est en effet une activité communicationnelle. Tout ce qui relève du social doit être extériorisé, ou communiqué, et le seul outil qui permet de le faire est le langage. Tout message communiqué se trouve par la suite interprété et mis en commun/partagé (dans le processus de négociation), puis inscrit dans le système des symboles culturels (savoir partagé). Un message acquiert alors un attribut social. Cette thèse sur le caractère communicationnel de la réalité sociale permet d’appréhender les actions sociales (y compris celles des professionnels) en tant que communicationnelles (Gulczy?ska, Granosik, Marynowicz-Hetka).
- Le travail social – un agir créatif. Le travail social « ne peut pas se réduire à un agir technique » orienté vers des fins purement rationnelles. Il ne peut pas non plus se réduire à l’application de techniques découlant d’un code de déontologie. En s’appuyant sur les conceptions d’Hannah Arendt sur l’action et le social, on peut dire que le travail social ne relève pas de la fabrication ; c’est un “agir créatif” qui laisse place à la nouveauté. Il n’y a pas de travail social s’il n’y a pas concrètement manifestation et formalisation du souci de l’autre par l’énonciation de valeurs” (Paturel, p. 6).
- Le travail social – une science-art. Les références à Machiavel peuvent développer cette perspective du travail social. On pose alors la question : « en quoi la fondation d’une science-art politique au XVIe siècle peut-elle éclairer la construction d’une science-art du travail social qui se cherche ? » (Drouard).
- Les nouvelles pratiques professionnalisantes (new practices) : ce sont des changements qualitatifs qui se trouvent dans la structure de l’activité des professionnels du social (par exemple : éducateurs de la rue, animateurs, éducateurs, travailleurs sociaux) qui donnent des réponses aux nouveaux problèmes, demandes sociales, ou présentent de nouvelles priorités d’agir. Dans la perspective processuelle, la conception d’« une nouvelle pratique » devient un processus social de création stimulé de l’intérieur et de l’extérieur ; cette pratique n’est pas une description statique d’un état ou d’un statut d’une institution ou d’une activité professionnelle (Gulczy?ska et al.).
- L’analyse de pratiques (Lévy, 2002), dans le cas des pratiques réalisées par des professionnels du social, est aperçue comme un regard sur le processus de création de nouvelles résolutions méthodiques aux problèmes de voisinage, de nouvelles réponses aux demandes sociales. L’objet d’analyse y est l’activité quotidienne du professionnel du social que l’on découvre dans des histories de vie des usagers (Ricouer, 2003), et qui est analysée par les professionnels du social pendant les débats professionnels. Une telle analyse de la pratique requiert une étude de ses deux traits : la temporalité et la processualité (Gulczy?ska et al.).
- Le langage partagé : il y a une demande de construction d’un langage partagé par différents sujets agissant dans le champ de la pratique. Ce langage pourrait servir d’outil intégrant les théoriciens, les praticiens et les usagers (Barreyre).
- Les « savoirs professionnels » sont des organisations conceptuelles de superviseurs-formateurs qui expriment leurs manières de mettre en cohérence l’ensemble de ces références hétérogènes que sont l’expérience, individuelle et collective, les valeurs et les savoirs appris, dans les pratiques et dans l’enseignement ; à ce titre, ils sont l’expression d’une « culture professionnelle » (Leplay).
- L’institution symbolique, que l’on comprend comme une communauté de valeurs et une activité de professionnels du social. Il s’agit là d’un espace symbolique (Castoriadis, 1975), sanctionné socialement, où s’entrecroisent, en relations et proportions différentes, des éléments réels et représentés, que l’on distingue de l’espace physique. Par exemple, un quartier en crise traduit aussi bien un espace physique que symbolique (au sens d’appartenance), et peut être défini en tant que défavorisé aussi bien par le « monde extérieur » que par ses habitants eux-mêmes. Dans chaque institution, beaucoup d’institutions symboliques peuvent être analysées grâce à l’analyse du langage (Gulczy?ska et al.).
- La réflexivité « consiste en une démarche d’introspection, une explicitation de l’implicite existentiel de sa propre histoire. L’objectif est d’être plus efficace ou efficient, et de rendre compte de l’explicite de l’action aux yeux des pairs » (Paturel, p. 8).
2.2.2 – Les orientations de recherche
13L’analyse des recherches présentées par les participants du séminaire nous a permis de discerner les orientations dominantes, les catégories ci-dessous n’étant pas toujours distinctes :
- l’orientation compréhensive : elle se traduit par une demande de déconstruction d’une logique d’action (Balandier, 1988) et de sa reconstruction critique. Pour découvrir le sens de la pratique, la recherche doit prendre la dimension interprétative (Barreyre) ;
- l’orientation constructiviste : elle admet que les objets réels (éléments de l’espace) sont des « constructions » sociales et/ou culturelles (Benton et Craib, 2002). Cette orientation est liée à la dimension processuelle et temporaire des recherches. En conséquence, le point clé des recherches devient une posture active du chercheur, celle-ci permettant d’analyser le processus de la construction (du changement) de l’activité du professionnel (praticien), notamment d’une théorie professionnelle (process of professional theory construction) (Gulczy?ska et al.) ;
- l’orientation subjective : elle donne le droit au chercheur de procéder à une évaluation subjective. Afin de découvrir le sens, un « plein emploi des forces subjectives (Morin, 1993) est indispensable pour insister sur la dimension humaine et non mécanique de l’observation de terrain » (Rouxel, p. 1). Cette perspective est génératrice en même temps de réflexivité (Paturel) ;
- la perspective transversale : elle permet de procéder à une analyse intégrale et en même temps située dans le contexte (Rouxel ; Gulczy?ska et al.). Selon une autre variante, elle devient une analyse « sur » le champ de la pratique. Elle est caractérisée, à la différence de la perspective pluridisciplinaire ou interdisciplinaire (Paturel).
2.2.3 – La position du chercheur dans le contexte de la recherche
14L’analyse des contextes des propositions méthodologiques des participants du séminaire, ainsi que de leurs opinions au sujet de participation et/ou d’activation dans les recherches en travail social, nous a permis de mettre au point cet aperçu sur les significations qu’ils leur attribuent. La notion de « participation » contient deux dimensions complémentaires : de participation compréhensive et de participation objective.
2.2.3.1 – Participation compréhensive
15Dans la participation compréhensive, le chercheur se situe dans le champ de la recherche, et adopte une attitude ouverte, proche de celle d’un acteur. Participer dans la recherche par la compréhension veut dire disposer des connaissances partagées par les acteurs du contexte étudié. Le chercheur, dès qu’il se trouve sur le terrain de recherche, doit « suspendre » son savoir pour rendre compte du savoir construit socialement. Cette présence compréhensive lui permet alors de pénétrer le monde des significations régissant les actions des sujets. La dimension participative se traduit par la présence des praticiens, des usagers, dans le processus de recherche, donc dans « la connaissance du discours de la pratique par l’intermédiaire de ceux qui s’en servent » (Rouxel, p. 2). Une place importante dans cette analyse est occupée par la description des rôles du chercheur et du praticien (opérateur) dans le contexte de la pratique quotidienne.
16Les propositions de recherche présentées pendant le séminaire semblent constituer différentes façons d’organiser le contexte de recherche pour arriver à une construction théorique compréhensive avec une distinction secondaire du rôle du chercheur et de ses relations avec les sujets de recherche (praticiens, usagers). On peut alors parler (Barreyre) de deux catégories de relations : chercheur-opérateur (praticien) et opérateur (praticien)-chercheur.
17Dans cette première catégorie, le chercheur se situe un peu à l’extérieur du champ de l’action :
- il analyse l’institution symbolique et la réorganise. La connaissance des mécanismes constituant les actions professionnelles (de communication) permet d’en connaître des barrières et de modifier l’organisation institutionnelle interactive (supervision de l’organisation). Le chercheur apparaît dans ce rôle par exemple dans l’analyse du discours des professionnels (Gulczy?ska, Granosik et al.) ;
- il introduit de nouveaux éléments à la pratique quotidienne par exemple :
- la reconnaissance de la culture professionnelle des travailleurs sociaux par « l’étude de la construction des énoncés », qui comprend l’analyse des rapports entre les jugements de compétence et les énoncés de « savoirs professionnels », et l’analyse des références des énoncés, c’est-à-dire les références dans l’énoncé à l’expérience individuelle et collective, aux valeurs et à d’autres savoirs appris (Leplay) ;
- une idée méthodologique, pour faire apparaître dans l’interprétation des usagers des sens cachés que l’on peut observer dans l’organisation de l’espace d’écoute où l’on parle des expériences partagées dans la construction de nouvelles pratiques professionnalisantes dans le voisinage défavorisé (Gulczy?ska et al.). Le sens caché de l’interprétation des usagers se traduit en méthodologie, il se construit et se fixe dans l’action ;
- le chercheur s’appuie sur des éléments de la théorie enracinée - celle-ci sert de méthodologie dans une approche qualitative et dans la dimension pluridisciplinaire – et il essaie de décrire la réalité et de procéder à sa conceptualisation (en distinguant des catégories théoriques en relation avec la réalité observée). « Cette théorie est basée sur une démarche de description, de conceptualisation, puis de théorisation avec des allers-retours entre les différents temps et le terrain » (Paturel).
- la question de l’implication d’un processus de recherche se trouve au cœur d’une posture de praticien/chercheur et de chercheur/praticien puisque l’objet de recherche est proche de son expérience professionnelle. L’auteur pose la question : « Comment tenir dans ce balancement entre l’imprégnation de terrain quotidien et une mise à distance nécessaire à la recherche ? » (Paturel, p. 4). C’est alors que se pose la question de la réflexivité dans la pratique professionnelle. Elle « consiste en une démarche d’introspection, d’une explicitation de l’implicite existentiel de sa propre histoire. L’objectif est d’être plus efficace ou efficient et de rendre compte de l’explicité de l’action aux yeux des pairs » (Paturel, p. 8). L’auteur développe cette question en proposant le « cheminement réflexif » dans lequel une position importante prend la posture de savoir s’éloigner (« se mettre à distance des éléments recueillis »). Cela est analysé dans le contexte de la question de l’hypersubjectivité et de la signification du tiers (par exemple, les lecteurs du journal de recherche, les paires) dans ce processus de passage de la pratique à la pensée (Paturel) ;
- la question de mobilisation des acteurs autour d’un langage partagé est présente dans la proposition de créer des observatoires ou espaces de rencontre et de partage des observations cliniques (Barreyre).
2.2.3.2 – Participation objectivante
18La participation objective se traduit par une longue présence du chercheur dans le contexte de la pratique pour recueillir les matériaux de recherche servant à l’évaluation de la pratique selon les dispositions préalablement choisies, et se rapportant aux standards de la bonne pratique – une stratégie d’évaluation participative (Sainsaulieu).
2.2.3.3 – La dimension participative et ses conséquences
19Aussi bien la participation compréhensive que la participation objective demandent une longue et durable présence catamnéstique du chercheur dans le contexte de la recherche ; ce qui souligne un point commun apparaissant dans les exposés des participants du séminaire, celui de la perspective de processus. Cette dernière nous mène au trait suivant, celui d’orientation vers le changement, et par la suite celui de participation.
20La participation du chercheur dans le contexte de recherche modifie le monde dont il fait partie. Le séminaire ne nous a pourtant pas apporté de réponse sur l’utilité de cette modification. Ce point demanderait un débat, par exemple, sur la question de liens entre les espaces de participation et l’orientation vers l’activation d’une transformation. Il serait peut-être intéressant de réfléchir sur la proposition (Barreyre) de prise en considération de la demande sociale de déconstruction d’une logique d’action et de reconstruction critique d’une nouvelle logique. Celle-ci, grâce à un travail herméneutique, donnerait à la recherche une dimension interprétative pour mieux comprendre le sens de l’agir.
3 – Évaluation et continuation du séminaire de recherche
3.1 – L’évaluation du séminaire
21Le but du séminaire de recherche a été non seulement de créer un espace de réflexion et d’échange, mais aussi d’apporter des résultats pratiques sous forme d’une meilleure connaissance des domaines de recherche de ceux, parmi nous, qui voudront travailler dans le projet européen. Le travail en petits groupes, ainsi que la formule adoptée d’un séminaire de travail a aidé à remplir ces buts.
22Les participants du séminaire ont constaté que le débat a été riche, montrant l’utilité de plusieurs dimensions pour l’analyse de la pratique dans le contexte micro- et macrosocial. On a souligné :
- l’importance des recherches finalisées qui décrivent la place et la position épistémologique de chercheur-opérateur ;
- l’utilité de l’approche transversale par rapport aux approches interdisciplinaires et pluridisciplinaires ;
- le besoin de créer des espaces pour la construction des savoirs partagés entre les chercheurs et les professionnels (les praticiens).
23Au terme de cette synthèse, il convient de souligner que ce qui nous a beaucoup aidé à remplir notre but, c`était l’ambiance de partage et de débat scientifique de ce séminaire qui a pu se dérouler dans l’environnement très accueillant du Centre national de formation et d’études à Vaucresson.
3.2 – La suite : le séminaire à ?ód?
24Il nous semble que le prochain séminaire devrait se concentrer sur les questions de participation dans les recherches et les avantages de l’approche participative ; une discussion approfondie de ces questions pourrait être source d’inspiration. Il est néanmoins indispensable de s’y préparer, et la publication des textes intégraux des interventions peut enrichir et préciser notre synthèse.
25Un autre point important pour la préparation du prochain séminaire et faciliter la discussion, serait de faire parvenir les textes d’interventions – les matériaux et les points de vue – bien avant le séminaire, afin de les soumettre à un comité de lecture (deux ou trois personnes) qui serait invité à présenter ses commentaires aux textes.
26Évidemment, le fait d’orienter la discussion sur les approches participatives et interprétatives ne signifie pas que d’autres positions sont exclues, par exemple, l’analyse du contexte macrostructurel, ou bien proposant des références théoriques et particulièrement philosophiques.
27Le séminaire, organisé par la Chaire de Pédagogie sociale et le Comité européen CERTS, se tiendra à ?ód? du 5 au 6 décembre. Le sujet proposé est le suivant : « Les approches participatives dans les recherches du travail social / Participative Approaches in Social Work Research ».
28L’objectif du séminaire est l’analyse de la problématique fondamentale pour la recherche en travail social : les avantages (et inconvénients) des approches participatives et interprétatives dans les recherches du champ de la pratique sociale. Cette perspective de recherche nous permet de situer notre étude dans le contexte social et de l’orienter sur l’optimalisation de la réalité étudiée à travers une nouvelle culture de la pratique, ayant une forte incidence sur les relations entre la science et la pratique. L’objectif opérationnel du séminaire est donc de préparer des bases méthodologiques d’un projet de recherche que l’on pourrait réaliser dans le cadre d’un programme européen.
29Élaboration : Ewa Marynowicz-Hetka, en coopération avec Anita Gulczy?ska et Mariusz Granosik (Chaire de pédagogie sociale – Université de ?ód?, Pologne).
30Traduction et consultation linguistique : Gra?yna Karbowska.
31?ód?, avril 2008.
Bibliographie
Références
1) Interventions pendant le séminaire
- BARREYRE J.-Y. (ANCREAI/Île-de-France), « Les situations d’incasabilité de jeunes en grande difficulté et l’évolution des pratiques professionnelles ».
- DROUARD H. (France), « La recherche en travail social interroge Machiavel ».
- GULCZY?SKA A., GRANOSIK M., MARYNOWICZ-HETKA E. (U?/Pologne), “The process of creating new practices of social work in deprived neighbourhoods. Analysis from participants’ perspective”.
- LEPLAY E., « La formalisation de savoirs professionnels, expression d’une culture d’activité professionnelle le cas du travail social ».
- PATUREL D. (LISE/CNAM, France), « L’implication au cœur d’un processus de recherche ».
- PRIZZON C., STRADI N. (University of Venice, Italy), “Instruments for the social assessment”.
- ROUXEL S. (LISE/CNAM, France), « L’observation filmée réflexive, une démarche méthodologique d’éducation populaire. En quoi le film permet d’ouvrir des pistes à la compréhension du sens des pratiques ».
- SAINSAULIEU I. (LISE/CNAM, France), « L’évaluation réaliste au secours de la réduction des inégalités ».
2) Livres et articles
- BALANDIER G., 1988, Le désordre, éloge du mouvement, Paris, Fayard.
- BARBIER J.-M., 2006, Analiza dzia?ania spo?ecznego w polu kszta?cenia i pracy socjalnej, trad. G. Karbowska, Katowice, Édition ?l?sk BPS.
- BENTON T., CRAIB I., 2002, Filozofia nauk spo?ecznych. Od pozytywizmu do postmodernizmu, trad. L. Rasinski, Wroc?aw, Édition DWSE TWP.
- CASTORIADIS C., 1975, L’institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil.
- HAMBURGER F., 1996, Aktualna dyskusja w niemieckiej pedagogice spo?ecznej, trad. D. Urbaniak-Zaj?c, in E. Marynowicz-Hetka, J. Piekarski, D. Urbaniak-Zaj?c (eds), Pedagogika spo?eczna i praca socjalna. Przegl?d stanowisk i komentarze, Warszawa, Interart, p. 21-36.
- IMBERT F., 1992, Vers une clinique du pédagogique. Un itinéraire en sciences de l’éducation, Vigneux, Éditions Matrice.
- LÉVY A., 2002, Analyse des pratiques, in J. Barus-Michel, E. Enriquez, A. Lévy (éds), Vocabulaire de psychosociologie. Références et positions, Ramonville Saint-Agne, Érès.
- MORIN E., 1993, « Entretien », in Sociétés, approches méthodologiques, n° 42.
- PAYNE M., 1998, Social work theories and reflective practice, in R. Adams, L. Dominelli, M. Payne (eds), Social work. Themes, issues, critical debates, New York, Palgrave.
- RICŒUR P., 2003, Krytyka i przekonanie. Rozmowy z F. Azouvim, M. de Launay, trad. M. Drwi?ga, Warszawa, Édition KR.
- SIBEON R., 1996, Konstruowanie wspó?czesnej socjologii pracy socjalnej, in M. Davies (ed.), Socjologia pracy socjalnej, trad. B. Siewierski, Warszawa, Ed. Interart, p. 31-85.
- SÜNKER H., 1996, Teoretyczne stanowiska, spo?eczno-polityczny kontekst i profesjonalne perspektywy pracy socjalnej – dyskusja o pracy socjalnej, trad. D. Urbaniak-Zaj?c, in E. Marynowicz-Hetka, J. Piekarski, D. Urbaniak-Zaj?c (eds), Pedagogika spo?eczna i praca socjalna. Przegl?d stanowisk i komentarze, Warszawa, Ed. Interart, p. 57-73.
- WAGNER A., 2003, Praca socjalna jako dyscyplina nauk spo?ecznych – kilka uwag metodologicznych, in E. Marynowicz-Hetka, A. Wagner, J. Piekarski (eds), Profesje spo?eczne w Europie. Z problemów kszta?cenia i dzia?ania, trad. A. Gulczy?ska, Katowice, Édition ?l?sk.
Mots-clés éditeurs : analyse de pratique, approches participative et interprétative, recherche en travail social, nouvelles pratiques professionnalisantes
Mise en ligne 30/01/2009
https://doi.org/10.3917/pp.019.0011Notes
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[1]
Le séminaire, intitulé : « Favoriser les liens sociaux de proximité : de nouvelles pratiques d’intervention sociale dans les villes européennes ? Neighbourhood-based social ties building: New social intervention practices in European cities? », a été animé par Évelyne Baillergeau.
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Le séminaire, intitulé : « Rompre l’isolement social dans les quartiers “en crise” : de nouvelles professionnalités en intervention sociale ? Breaking social isolation in so-called urban deprived areas of Europe: Towards new forms of occupational skills in social intervention ? », a été animé par Évelyne Baillergeau (vice-présidente de l’Association CERTS) et Patrick Nivole de CNAM à Paris. ETSUP à Paris a accueilli des participants du séminaire.
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Pendant le séminaire nous avons reçu un texte rédigé par Élisabeth Dugué et Patrick Nivolle (Lise, Cnam/CNSR) intitulé « Projet d’appel à communication pour le 4e séminaire du CERTS », dans lequel les auteurs font le pont entre la discussion du séminaire tenu à Paris en avril 2007 et la problématique d’un quatrième séminaire du CERTS à Lodz. La thèse principale de ce texte est de prendre comme sujet de la discussion les courants de pensée (dans une perspective historique) qui ont pu influencer (et influencent encore aujourd’hui) « des pratiques innovantes du travail social collectif dans différents pays représentés pendant ces journées » (p. 1). Les participants du séminaire de Vaucresson ont trouvé que le prochain séminaire devrait être orienté vers la suite de la problématique méthodologique de recherche. Il est possible de revenir au projet proposé, cité ci-dessus, dans l’avenir de notre coopération. Sa dimension historique est intéressante mais à condition d’établir un vrai projet utilisant l’approche historique. Nous avons constaté que la plupart des participants partageaient cet avis de préparation d’un projet de recherche. Pour être efficaces, il faut se comprendre au niveau de la méthodologie de recherche.