Notes
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[1]
Le règlement 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort dispose, à l’article 12, que les normes régissant l’abattage des animaux dans l’UE s’appliquent aux animaux élevés en-dehors de l’Union dont la viande sera importée dans l’UE. Il s’agit là d’une clause miroir dont l’application est vérifiée par des audits menés par la Commission dans ces abattoirs non-européens.
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[2]
« nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ».
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[3]
« se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ».
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[4]
Clémentine Baldon, Marine Colli, Mathilde Dupré, Samuel Leré, « How can we stop the import of food produced using banned practices in Europe ? A European regulation to protect the environment and our farmers », La Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme, l’Institut Veblen, Interbev, avril 2021, p.1-64.
-
[5]
DS400 : Communautés européennes – mesures prohibant l’importation et la commercialisation de produits dérivés du phoque.
-
[6]
Aurélie Trouvé, Baptiste Buczinski, Philippe Chotteau, Estelle Antoine, Hervé Marouby, Michel Rieu, Jan-Peter Van Ferneij, « Analyse de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (AECG/Ceta) dans le secteur des produits animaux », Étude commandée par le Groupe Verts/ALE du Parlement européen et Interbev, janvier 2017.
-
[7]
Ferrari et al., « Cumulative économico impact of trade agreement on EU agriculture », dans JRC science for policy report, Commission européenne, 2021, p.1-104.
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[8]
European commission, « Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European economic and social Committee and the Committee of the regions. Trade Policy Review – An open, sustainable and assertive trade policy », Brussels, February 2021, COM (2021) 66 final, p.1-23.
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[9]
Sur cet aspect du problème, lire Zaki Laïdi La norme sans la force : l’énigme de la puissance européenne, Presses de Sciences Po, 2005. Voir également Thierry Pouch, « La diagonale géopolitique de l’Europe par temps de crise
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[10]
François Gemenne « Les négociations sur internationales sur le climat. Une histoire sans fin ? », in P. Petiteville et D. Placidi-Frot (dir.), Négociations internationales, Sciences Po. Les Presses, 2012, p. 395-421.
Les clauses miroirs qui permettraient de rendre les importations conformes aux normes écologiques européennes et protéger les agriculteurs font face à de nombreux écueils.
1Précédant la crise sanitaire, la question de la souveraineté alimentaire et donc celle de la maîtrise des importations de produits agricoles et alimentaire se sont imposées avec une intensité particulière. Elles sont de plus directement reliées à la problématique environnementale, puisque l’ouverture du marché européen à des productions provenant d’autres continents soulève des questionnements relatifs aux normes, à la lutte contre le dérèglement climatique, à la biodiversité. L’Union européenne (UE) entend désormais se doter d’outils et de procédures pour que ses importations soient conformes à ses ambitions en matière d’écologie. Parmi ces outils figurent les « clauses miroirs ».
2De plus, la France a annoncé vouloir en faire un instrument privilégié pour mieux protéger les agriculteurs. Cette question constituera d’ailleurs l’une des dimensions de la présidence française de l’UE au cours du premier semestre 2022, même si cette période risque d’interférer avec la campagne pour l’élection présidentielle.
Pourquoi des clauses miroirs ?
3Au lendemain de la clôture des trilogues sur la Pac, une question anime les débats : pourquoi le Conseil des ministres s’est-il opposé à l’amendement à l’Organisation commune du marché (OCM) sur l’ajout d’un article 188 bis, prévoyant des restrictions aux importations de produits alimentaires ne respectant pas les standards de production européens et contenant des résidus de pesticides interdits dans l’UE ? Autrement dit : pourquoi les ministres de l’Agriculture européens ont-ils préféré maintenir cette concurrence déloyale au détriment de leurs agriculteurs ? Répondre à cette question ne semble pas simple, mais s’intéresser au cadre prévu par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi qu’aux conséquences que pourraient engendrer de telles clauses nous aidera sûrement à y voir plus clair.
4Les clauses miroirs sont des mesures qui consistent à imposer une réciprocité entre les normes de production de deux pays. De fait, c’est la législation la plus stricte qui devrait être imposée au pays le plus souple. Ce système n’est pas nouveau. Par exemple, la France interdit les importations de cerises traitées au diméthoate depuis 2016, année de son interdiction dans le pays. Depuis, l’UE a suivi l’exemple français puisqu’elle a interdit l’utilisation de ce pesticide en 2019. Toutefois, cela n’empêchait pas des pays tiers de continuer à approvisionner le marché européen de cerises traitées avec ce produit. Finalement, l’UE a légiféré en mai 2020 en faveur de l’interdiction des importations de cerises contenant le moindre résidu de diméthoate.
5Exemplaire, cette mesure est désormais revendiquée par les agriculteurs, ONG environnementalistes et certains députés européens pour l’ensemble des productions agricoles. L’objectif est triple : il s’agit non seulement d’étendre la protection de l’environnement, de la santé des citoyens et du bien-être animal au-delà des frontières européennes ; de promouvoir les bonnes pratiques au-delà des frontières européennes ; mais aussi de réduire les risques de concurrence déloyale entre les agriculteurs européens et ceux des pays considérés comme plus laxistes à propos de leurs standards de production.
Une telle mesure reflète davantage un souhait qu’une norme astreignante
6L’idée part donc d’une volonté justifiée, surtout au regard des considérations croissantes accordées à l’environnement et des difficultés auxquelles font face les agriculteurs européens. Toutefois, elle peine à être appliquée. La France semblait précurseur à ce sujet, puisqu’elle avait intégré un article 236-1A au Code rural et de la pêche maritime – dans le cadre de la loi Egalim – interdisant « de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation ». Son application est restée lettre morte, sûrement parce qu’à l’échelle d’un pays, une telle mesure reflète davantage un souhait qu’une norme astreignante.
7Plus qu’une question de volonté, les clauses miroirs se heurtent à une difficulté sur leur modalité d’application. Admettons que les 27 États membres aient voté en faveur de l’article 188 bis de l’OCM, qu’en est-il ensuite des mesures de contrôle ? Les résidus de pesticides peuvent être décelés à l’arrivée des produits dans l’UE, par exemple par les services des douanes ou sanitaires. Cependant, s’agissant de la traçabilité des animaux d’élevage, ou bien des limitations des cultures et de l’élevage contribuant à la déforestation, le suivi et les contrôles ne peuvent se faire qu’à l’échelle de l’État exportateur. Une ingérence du pays importateur dans les contrôles du pays producteur serait de ce point de vue difficilement tolérée. Cela ne serait pas impossible pour autant, à l’instar des audits réalisés par la Commission dans les abattoirs agréés des pays tiers [1]. Tout repose donc sur la confiance entre les partenaires commerciaux. De plus, se pose la question de la compatibilité entre les clauses miroirs et les règles de l’OMC.
Clauses miroirs et OMC
8La limitation du commerce pour des raisons environnementales et sanitaires n’est pas interdite dans le cadre de l’OMC. Au contraire, des exceptions au commerce sont prévues mais strictement encadrées par l’article XX alinéas b [2] et g [3] du Gatt et les accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et sur les obstacles techniques au commerce (OTC). Ce cadre semble donc être propice à la mise en place de clauses miroirs. C’est notamment la position défendue dans le rapport récemment publié par trois institutions, Interbev, la Fondation Nicolas Hulot et de l’Institut Veblen [4]. Selon ce rapport, il existerait quatre types de clauses miroirs, chacune pouvant être défendue par des dispositions prévues dans le cadre de l’OMC. Pour résumer l’argumentation exposée dans le rapport, les clauses miroirs sur les produits traités aux pesticides interdits dans l’UE pour des raisons sanitaires seraient appliquées sous l’égide de l’accord SPS, tandis que les clauses miroirs régissant le bien-être animal et les importations de produits traités aux pesticides néfastes pour l’environnement entreraient dans le cadre de l’accord OTC et du Gatt. Enfin, les mesures miroirs menant à l’interdiction des importations de bœufs nourris aux protéines animales entreraient dans le cadre des trois textes (Gatt, SPS et OTC).
9Cependant, s’il y a bien compatibilité entre les mesures miroirs et les exceptions au commerce prévues par l’OMC, cela reste insuffisant. En effet, les mesures, dont l’application est désirée réciproque, doivent être nécessaires et proportionnelles à l’objectif recherché. En outre, elles doivent se fonder sur les standards internationaux et/ou être défendables à la faveur d’évidences scientifiques. De fait, les mesures miroirs ne semblent applicables que dans le cadre d’une démonstration scientifique rigoureuse, en contradiction avec le principe de précaution tant défendu par l’UE. Cela limite donc l’application de ces clauses. Pour autant, le rapport des trois organismes souligne qu’une opinion scientifique minoritaire suffirait à mettre en place une mesure miroir pour des raisons sanitaires (si l’on se rapporte à la jurisprudence de l’affaire CE-Hormones), ne serait-ce que temporairement (selon ce qui est prévu à l’article 5.7 de l’accord SPS).
Supprimer l’ensemble des dérogations pour l’utilisation des produits bannis
10Enfin, le rapport souligne qu’une mesure miroir pour faire respecter le bien-être animal pourrait être défendable au regard de la protection de la moralité publique, à l’instar de la décision rendue par l’Organe de règlement des différends (ORD) au sujet des produits dérivés du phoque [5].
11Une argumentation juridique solide permet donc de mettre en évidence la compatibilité entre les clauses miroirs et l’OMC sous certaines conditions. Chaque mesure devrait faire l’objet d’une approbation au regard de l’ensemble des dispositions énoncées dans le rapport d’Interbev, de la Fondation Nicolas Hulot et de l’Institut Veblen. Toutefois, cela n’est pas encore suffisant. Pour instaurer des clauses miroirs, l’UE doit d’abord supprimer l’ensemble des dérogations pour l’utilisation de produits bannis sur son propre territoire (néonicotinoïdes, glyphosate etc.). En effet, le maintien de telles dérogations conjointement aux clauses miroirs créerait une concurrence déloyale, cette-fois, au détriment des partenaires de l’UE. Un autre point sensible relève des industries de l’agrochimie européennes qui, si ces clauses miroirs entraient en vigueur, seront interdites de produire des engrais, herbicides ou insecticides dont l’utilisation est bannie dans l’UE, mais jusque-là encore exportés dans des pays y ayant recours pour leurs productions agricoles. Enfin, et c’est sûrement le point le plus sensible, les pays tiers devront être favorables à ces clauses miroirs, notamment dans le cadre des accords de libre-échange.
Les Accords de libre-échange : une pomme empoisonnée ?
12La question des clauses miroirs se pose davantage dans le cadre des négociations menées par l’UE avec ses partenaires pour des accords de libre-échange bilatéraux. L’UE a initié cette stratégie commerciale à la suite de l’impasse dans laquelle se trouve le cycle de Doha, cycle enclenché en novembre 2001, c’est-à-dire il y a vingt ans. Depuis, quelques accords sont entrés en vigueur (UE-Chili, UE-Ukraine, UE-Japon, UE-Singapour, UE-Vietnam), parfois partiellement (Ceta, UE-Colombie-Pérou-Équateur), tandis que d’autres sont en attente de ratification et bloqués par les parlements nationaux (UE-Mercosur), et d’autres encore sont en cours de négociation (UE-Australie, UE-Nouvelle-Zélande).
13Mettre en place des clauses miroirs dans les accords déjà en vigueur est compliqué, compte tenu de la difficulté à les modifier, d’autant plus lorsque cette modification est en défaveur de l’une des parties. En revanche, le débat sur les clauses miroirs s’intensifie au regard des négociations opaques des accords à venir. Peu nombreux sont les agriculteurs français satisfaits par l’importation de produits non conformes aux standards environnementaux et sanitaires européens qu’ils sont obligés de respecter. S’agissant des normes de production, intensifier le libre-échange ne semble pas justifié. Pourtant, la Commission européenne s’attache à cette politique alors que l’UE pourrait augmenter son PIB général [6], améliorer sa balance commerciale [7], exporter des produits à haute-valeur ajoutée et soutenir en particulier son secteur automobile. À l’heure où la croissance et le maintien de l’emploi sont prioritaires, la souveraineté alimentaire et l’aide aux agriculteurs semblent, de ce fait, se trouver en bas de la pyramide de Maslow.
Les accords de libre-échange, le remède plutôt que pomme empoisonnée ?
14Doit-on pour autant blâmer les accords de libre-échange ? En effet, ce sont moins les accords bilatéraux que les dispositions qu’ils instaurent qui posent problèmes à la souveraineté alimentaire, à l’aide aux agriculteurs, à la protection de l’environnement et à la santé humaine. Les accords bilatéraux pourraient être, au contraire, un moyen de promouvoir les bonnes pratiques en-dehors de l’UE, une façon d’assurer une concurrence loyale mais aussi de protéger encore plus collectivement l’environnement et le climat par des actes, et non par des annonces comme ce qui a été fait jusqu’alors. Cette idée n’est pas inédite : elle a été avancée dans la stratégie « de la ferme à la table » de la Commission européenne qui prévoit, à la section 4, de faire de l’UE un promoteur des bonnes pratiques environnementales au niveau international, et ce, notamment grâce aux accords bilatéraux. Cette ambition a d’ailleurs été confirmée dans la communication de la Commission européenne sur une politique commerciale renouvelée du 18 février 2021 [8]. Les accords de libre-échange ne pourraient-ils donc pas être le remède, plutôt que la pomme empoisonnée ? La difficulté de cette entreprise est qu’elle ferait de l’UE une puissance normative, imposant ses choix au reste du monde [9].
15La question posée ci-dessus pourrait paraître bien optimiste au regard de certains. Finalement, le rejet de l’article 188bis de l’OCM sonne peut-être le glas de tout espoir. Pour des clauses miroirs dans le cadre de la Pac, les arguments sont vains. Le trilogue a été bien trop long et fastidieux pour espérer un retour de la question sur la table. La Commission s’est engagée à prendre des dispositions en faveur de ces mesures miroirs à l’avenir. Le Parlement européen devra donc prendre son mal en patience et espérer un changement d’opinion des ministres de l’Agriculture qui s’y sont pratiquement tous opposés, à l’exception des ministres français et polonais.
16Au fond, cette question semble davantage éveiller les consciences en France que dans le reste de l’UE. Emmanuel Macron, Julien Denormandie et certains parlementaires français et européens, défendent les clauses miroirs, lesquelles devraient prendre une place considérable dans le mandat de la présidence française de l’UE au premier semestre de l’année 2022. D’ici là, la société civile européenne se sera peut-être penchée sur ce débat et pourra y prendre part en faveur des limitations aux importations de produits non conformes aux normes européennes. Pour cela, il faudrait que les négociations sur les accords commerciaux soient transparentes et davantage débattues, ce qui n’est toujours pas le cas aujourd’hui. D’ailleurs, aucun sondage à l’échelle de l’UE n’a été fait pour refléter la part des citoyens au courant et en faveur de ces accords, de même que pour les clauses miroirs. Encore une fois, les citoyens sont exclus des décisions européennes qui, pourtant, auront un impact sur leurs modes de consommation et l’accès à certaines denrées alimentaires. Pourtant, les Français sont très attentifs à l’origine et aux propriétés nutritionnelles de leur alimentation.
Une nouvelle institution internationale ?
17Ouvrir le débat aux citoyens européens semble donc nécessaire. Outre les questions relatives aux accords de libre-échange et aux clauses miroirs, une réforme en profondeur de l’OMC et/ou l’instauration d’une Organisation mondiale pour l’environnement pourrait être discutée dans le cadre d’un pacte démocratique lui-même renouvelé. Les institutions européennes sont les mieux à même de déterminer si des mesures sont compatibles avec l’OMC, mais toujours à la faveur d’une interprétation qu’elles se font de ces règles. Peut-être serait-il temps de créer une institution internationale ne protégeant, non pas uniquement le commerce, mais l’environnement articulé au commerce….
18Le temps présent serait en réalité celui d’une refonte générale des institutions héritées des accords de Bretton-Woods de 1944, y compris du Gatt créé en 1947 et révisé en 1995 avec l’OMC. Car la structuration des relations internationales a changé au gré des rapports de force et des hiérarchies des nations. La problématique environnementale est devenue un enjeu de concurrence entre les pays, quand bien même elle s’inscrit dans une volonté de préserver la planète, pour ceux qui y vivent et qui y vivront.
19Reste à savoir quel pourrait être, dans cette nouvelle institution multilatérale encore à peine à l’état de projet, le poids réel de l’UE. Car, avec ces clauses miroirs, l’UE apporte une preuve supplémentaire qu’elle entend se hisser au rang de puissance normative. Une ambition réelle mais qui sera sans doute contestée par d’autres puissances.
Les clauses miroirs porteuses de tensions commerciales
20Car à bien y regarder, que ce soit dans un cadre bilatéral ou multilatéral, les négociations sur le climat concentrent les tensions internationales, alors qu’elles devraient apporter des réponses urgentes au dérèglement climatique. Les clauses miroirs symbolisent en quelque sorte le fait que les sujets afférant au climat dépassent le seul périmètre de l’émission des gaz à effet de serre, et incorporent des perspectives intimement liées au changement climatique, comme celles des échanges internationaux de biens, l’énergie ou encore l’approvisionnement en protéines végétales. D’où la crainte de voir ces clauses miroirs devenir porteuses de tensions commerciales entre l’UE et les pays qui en seraient les victimes. Au-delà de ces clauses, c’est bien le chemin que pourrait pendre l’application d’une taxe carbone aux frontières, telles qu’envisagée par l’UE dans son plan Fit for 55, défini en juillet dernier. Des voix se sont déjà élevées pour dénoncer la tentation protectionniste de l’UE dissimulée derrière cette stratégie. Car en dissuadant les industriels européens d’importer de l’acier, de l’aluminium ou des engrais azotés en provenance de l’extérieur, puisque ces produits seraient taxés à la frontière, ce sont bien les entreprises de l’UE que Bruxelles entend défendre. De quoi ajouter des conflits commerciaux à ceux déjà existants et encore non résolus dans le cadre de l’OMC.
21Il convient de se souvenir que la lutte contre la dégradation du climat, qui s’est, depuis la publication du premier rapport du Giec et les nombreuses Conférences des parties, n’a jamais été un exercice facile, loin de là. Il a fallu attendre la Cop 21 de 2015, pour voir enfin, des avancées significatives mais non contraignantes [10]. Il est probable que la Cop 26 de novembre 2021 à Glasgow attise les tensions autour de ces clauses miroirs et de la taxation carbone aux frontières.
22C’est pourquoi les actions à mener pour lutter contre la dégradation du climat, pour urgentes qu’elles soient, restent certes à définir dans un cadre de négociations, celles-ci devant toutefois se dérouler dans une gouvernance mondiale entièrement renouvelée. L’histoire jugera si l’UE, dans sa détermination à jouer le rôle de leader, a pu apaiser les tensions, ou si, a contrario, elle a été le vecteur de leur durabilité, pleine de menaces.
Repères : La liberté, c’est le livre
Notes
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Le règlement 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort dispose, à l’article 12, que les normes régissant l’abattage des animaux dans l’UE s’appliquent aux animaux élevés en-dehors de l’Union dont la viande sera importée dans l’UE. Il s’agit là d’une clause miroir dont l’application est vérifiée par des audits menés par la Commission dans ces abattoirs non-européens.
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[2]
« nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ».
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[3]
« se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ».
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[4]
Clémentine Baldon, Marine Colli, Mathilde Dupré, Samuel Leré, « How can we stop the import of food produced using banned practices in Europe ? A European regulation to protect the environment and our farmers », La Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme, l’Institut Veblen, Interbev, avril 2021, p.1-64.
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[5]
DS400 : Communautés européennes – mesures prohibant l’importation et la commercialisation de produits dérivés du phoque.
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[6]
Aurélie Trouvé, Baptiste Buczinski, Philippe Chotteau, Estelle Antoine, Hervé Marouby, Michel Rieu, Jan-Peter Van Ferneij, « Analyse de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (AECG/Ceta) dans le secteur des produits animaux », Étude commandée par le Groupe Verts/ALE du Parlement européen et Interbev, janvier 2017.
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[7]
Ferrari et al., « Cumulative économico impact of trade agreement on EU agriculture », dans JRC science for policy report, Commission européenne, 2021, p.1-104.
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[8]
European commission, « Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European economic and social Committee and the Committee of the regions. Trade Policy Review – An open, sustainable and assertive trade policy », Brussels, February 2021, COM (2021) 66 final, p.1-23.
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[9]
Sur cet aspect du problème, lire Zaki Laïdi La norme sans la force : l’énigme de la puissance européenne, Presses de Sciences Po, 2005. Voir également Thierry Pouch, « La diagonale géopolitique de l’Europe par temps de crise
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[10]
François Gemenne « Les négociations sur internationales sur le climat. Une histoire sans fin ? », in P. Petiteville et D. Placidi-Frot (dir.), Négociations internationales, Sciences Po. Les Presses, 2012, p. 395-421.