Notes
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[1]
Entretien avec Michel Mercier, président du conseil départemental du Rhône (1990-2013), réalisé le 29 avril 2015.
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[2]
Projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, exposé des motifs.
-
[3]
Telle qu’elle est exposée dans le discours de Dijon du 3 mars 2012.
-
[4]
François Hollande, discours de Dijon, 3 mars 2012.
-
[5]
Entretien avec un membre du cabinet de la ministre de la Décentralisation, 9 juillet 2015.
-
[6]
Entretien avec une membre du cabinet de Gérard Collomb, 25 juin 2015.
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[7]
À plusieurs reprises, au Sénat, des amendements liés au renforcement des dispositifs de participation citoyenne, à l’échelle locale, ont été rejetés au motif qu’ils devaient être traités dans le troisième volet. Parmi eux, l’amendement no 696 déposé par Hélène Lipietz (groupe écologiste) à la commission des lois du Sénat.
-
[8]
Il ne s’agit pas de dire que les associations d’élus n’ont pas d’influence. Nos entretiens ont notamment montré les mécanismes de conciliation des intérêts mutuels en amont de la navette parlementaire, notamment entre l’Association des maires de France (AMF) et l’Association des communautés urbaines de France (ACUF). « Du coup, ils nous laissent faire en fait, ils ne se sentent pas concernés par ce texte-là en fait, ça ne perturbe pas leur vision de l’intercommunalité, ils n’ont pas envie de nous embêter parce qu’on travaille bien ensemble sur plein de sujets. C’est une période où on travaille bien ensemble. De la même manière que pour les communes nouvelles, on n’est jamais venus les challenger » (entretien avec le délégué général de l’ACUF réalisé le 27 juin 2019).
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[9]
Entretien avec le délégué général de l’ACUF, réalisé le 27 juin 2019.
-
[10]
Signalons d’ailleurs que sur les 40 amendements restants, 25 émanent soit du gouvernement (3) soit du rapporteur de la commission des lois (22).
-
[11]
Pour reprendre l’exemple précédent, sur les 109 amendements déposés par les sénateurs bucco-rhodaniens siégeant à la commission des lois, aucun ne sera adopté.
-
[12]
Pour plus de détails sur les modalités de cet accord local, voir Parnet, 2018, p. 138-142.
-
[13]
Entretien avec un administrateur du Sénat, en poste à la commission des lois, 15 novembre 2018.
-
[14]
Le vote conforme désigne le fait de valider tout ou partie d’un texte de loi à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, et donc de le soustraire à une deuxième lecture, si, durant la première lecture à l’Assemblée aucun amendement ne vient le modifier. Disposant d’une majorité confortable à l’Assemblée, le parti socialiste a pu faire tomber l’intégralité des amendements pour éviter une seconde lecture plus incertaine au Sénat.
-
[15]
Entretien avec le rapporteur de la commission des lois (PS) à l’Assemblée nationale, réalisé le 15 juillet 2014.
-
[16]
Entretien avec l’attaché parlementaire de Jean-David Ciot, député-maire (PS) du Puy Sainte Réparade, et vice-président du Pays d’Aix, réalisé le 26 janvier 2017.
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[17]
Ces modifications ont notamment pour effet de renforcer la représentation de la ville de Marseille au sein du futur conseil de la Métropole.
-
[18]
Entretien avec l’attaché parlementaire de Gaby Charroux, sénateur des Bouches-du-Rhône et président du Pays de Martigues (groupe CRC) siégeant à la commission des lois, réalisé le 26 janvier 2017.
-
[19]
Notons d’ailleurs la position délicate des sénateurs EELV sur la question du référendum. Car, si R. Dantec se dit défavorable à son organisation pour la métropole de Lyon, le groupe écologiste auquel il appartient décide de voter pour un amendement visant à la tenue d’un référendum comme prérequis de l’évolution du périmètre institutionnel d’une commune comme d’un EPCI. Voir l’intervention d’Hélène Lipietz (groupe écologiste), séance du 31 mai 2013, compte rendu des débats, projet de loi MAPTAM, 1re lecture.
-
[20]
Extrait de : Sénat, 2013, Compte rendu intégral des débats, Séance du 4 juin 2013, Séance publique, 1re lecture du projet de loi MAPTAM, http://www.senat.fr/seances/s201306/s20130604/s20130604_mono.html (accès le 18/11/2020).
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[21]
Nous soulignons.
-
[22]
Georges Gontcharoff, 2012, Décentralisons autrement le livre blanc citoyen du développement local et de la décentralisation, Condé-sur-Noireau, ADELS - UNADEL.
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[23]
Entretien avec un membre de la commission nationale des conseils de développement, réalisé le 10 mai 2017. Notons toutefois qu’à la faveur d’amendements portés par les élus écologistes, la loi MAPTAM impose la création d’un conseil de développement dans les métropoles, ainsi que dans les Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux.
-
[24]
Jean Maillet, « Participation citoyenne : quoi de neuf avec la loi NOTRe ? », site de l’UNADEL, 18 novembre 2015, https://unadel.org/participation-citoyenne-quoi-de-neuf-avec-la-loi-notre (accès le 18/11/2020).
-
[25]
Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
-
[26]
Georges Gontcharof, « Note d’analyse no 162, Loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), partie 3 – questions diverses », site de l’UNADEL, https://unadel.org/wp-content/uploads/2015/11/loi-notre-162_1015_3.pdf (accès 18/11/2020).
-
[27]
Renaud Payre, « Pour une action métropolitaine… Démocratique et solidaire », Tribune du GRAM, 21 mars 2014.
-
[28]
Entretien avec Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement de Lyon, 27 novembre 2018.
-
[29]
« Métropole de Lyon : les réserves de Bret devant le Sénat », Lyon Mag, 22 avril 2013, https://www.lyonmag.com/article/52534/metropole-de-lyon-les-reserves-de-bret-devant-le-senat (accès le 30/11/2020).
-
[30]
« Le maire de la ville centre ne doit pas être le président de la Métropole », in Laurent Burlet, « Villeurbanne contre Lyon ? Jean-Paul Bret ne veut pas de Collomb à la tête de la Métropole », Rue89 Lyon, 18 septembre 2013, http://www.rue89lyon.fr/2013/09/18/villeurbanne-contre-lyon-jean-paul-bret-ne-veut-pas-de-collomb-a-la-tete-de-la-metropole (accès le 18/11/2020).
-
[31]
Nonobstant des pratiques de cumul dans le temps et dans l’espace à d’autres moments de leur carrière politique.
-
[32]
Voir notamment : Ghislaine Milliet, « Martigues : manifestation contre la métropole », France 3 Provence Alpes Côte d’Azur, 7 septembre 2014, https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/2014/09/07/martigues-manifestation-contre-la-metropole-545910.html (accès le 18/11/2020).
-
[33]
Né en 1942 en Algérie, et issu d’un milieu populaire, il est enseignant de formation. Il s’installe à Martigues en 1972, prend la présidence d’un club sportif et entre au conseil municipal de la commune sur la liste de Paul Lombard (PC) à partir de 1989. Il est élu en 2008 conseiller général des Bouches-du-Rhône, intégrant la majorité, présidée par Jean-Noël Guérini (PS). La même année, il devient président du Pays de Martigues (Communauté d’agglomération). En 2009, il est élu maire de Martigues (à la suite de la démission de Paul Lombard). En 2012, il est élu député sous l’étiquette Front de gauche, ce qui le contraint à démissionner de son mandat au conseil général, la loi en interdisant le cumul. En 2013, il cède la présidence du Pays de Martigues à son premier adjoint, souhaitant mettre « toute son énergie » dans le combat contre la métropole (il conserve néanmoins ses fonctions de maire de Martigues et de député).
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[34]
Entretien avec le directeur de cabinet de Gaby Charroux, maire de Martigues et président de la CA du Pays de Martigues, réalisé le 23 octobre 2016.
-
[35]
Gaby Charroux, 2015, Métropole, un autre chemin, Marseille, Les Éditions des Fédérés.
-
[36]
Née en 1966, Magali Giovannageli est professeure d’espagnol dans le secondaire. Élue PC au conseil municipal d’Aubagne dès la fin de ses études en 1989, elle mène de front son mandat et sa vie professionnelle jusqu’en 2002, date à laquelle elle obtient un détachement de l’Éducation nationale. Cela lui permet de se consacrer à son nouveau poste de première adjointe au maire d’Aubagne Daniel Fontaine (PC). En 2008, elle devient vice-présidente à la Communauté d’agglomération, en charge des « espaces participatifs du territoire ». Elle est à l’origine de l’insertion d’Aubagne dans des réseaux de villes comme Cités et Gouvernements Locaux Unis, au sein duquel elle est élue vice-présidente de la commission « Inclusion sociale et démocratie participative ». En 2011, elle est élue présidente de la commission à la suite de la démission d’Alain Belviso (PC) jusqu’en 2014, où la liste qu’elle mène est battue par une liste UMP. À partir de cette date, elle est conseillère municipale et communautaire dans l’opposition.
-
[37]
Entretien avec Magali Giovannangeli, présidente de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne, réalisé le 16 décembre 2015.
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[38]
Entretien avec Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence et présidente de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aix.
-
[39]
Maryse Joissains est née en 1942 à Toulon. Issue d’un milieu populaire et politisé (ses parents sont militants communistes), elle-même est membre des Jeunes communistes. Employée de guichet à la Sécurité sociale, militante CGT, elle décide de démissionner et de reprendre ses études en 1964. Elle suit un cursus de droit à l’Université de Toulon, y rencontre son mari, Alain (qui sera maire d’Aix-en-Provence de 1978 à 1983). Elle s’éloigne de ses premiers engagements politiques et adhère au Parti radical. Elle devient avocate en 1969, reconnue pour avoir plaidé en faveur des victimes du sang contaminé ou encore de l’amiante. Première adjointe au maire (UDF) d’Aix-en-Provence de 1983 à 1989, elle est aussi conseillère régionale PACA de 1983 à 1986. En 2001, elle est élue maire d’Aix-en-Provence, sur une liste divers droite (qui fusionne avec deux listes UDF et RPR, au second tour) et présidente du Pays d’Aix. Tête de liste UMP quelques mois plus tard aux législatives, elle devient députée des Bouches-du-Rhône jusqu’à sa défaite en 2012 contre JeanDavid Ciot (PS).
-
[40]
C’est par exemple le cas de Roland Povinelli, maire (PS) d’Allauch (commune de 20 000 habitant·e·s à l’est de Marseille) depuis 1977, et sénateur depuis 2008, après avoir exercé des mandats de député suppléant, de conseiller général et régional. Dans une moindre mesure, c’est aussi le cas de Gaby Charroux (PCF), maire de Martigues (depuis 2009) et député (depuis 2012).
-
[41]
Au sens qu’en donne E. Négrier, à savoir « une transaction, ou une série de transactions entre plusieurs ressources et acteurs dont l’enjeu majeur est constitué par l’action publique au sein d’un territoire donné et/ou entre territoires. Ces transactions dépendent de règles du jeu politique, s’inscrivent dans des configurations territoriales, et contribuent de façon dialectique à leur reproduction et à leur changement » (Négrier, 2005, p. 214).
-
[42]
Entretien avec le directeur de cabinet du préfet délégué à la Mission interministérielle et responsable de la mutation institutionnelle de la Métropole Aix-Marseille-Provence, réalisé le 23 novembre 2015.
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[43]
Entretien avec le directeur de cabinet de Gaby Charroux, maire de Martigues et président de la CA du Pays de Martigues, réalisé le 23 octobre 2016.
« Michel Mercier : – À un moment, il faut trancher. Et puis c’est les électeurs qui après, disent oui ou disent non. On était candidats [Gérard Collomb] et moi, ils pouvaient très bien nous mettre dehors…
– Pour vous l’accord a posteriori était suffisant ?
– Bien sûr ! Sinon, on n’en serait jamais sortis. Donc il y a les élections, et puis surtout il y a la loi qui le fait. La loi, c’est pas… C’est nous, mais c’est pas nous (rires). » [1]
2Interrogé sur la manière dont a été instituée la métropole de Lyon, l’un de ses architectes, le président du conseil départemental du Rhône, Michel Mercier (Union des démocrates et indépendants – UDI), apporte une réponse qui résume, non sans une forme de cynisme, une certaine conception de la place accordée aux citoyens dans un processus de réforme institutionnelle. Tout d’abord, cette conception oppose la nécessité d’une réforme menée sans concertation à l’ouverture de toute forme de consultation citoyenne, que l’élu juge chronophage et inefficace. Elle renvoie ensuite les possibilités d’expression citoyenne au fonctionnement ordinaire et routinier de la démocratie représentative. Enfin, elle instrumentalise la fonction d’objectivation du droit pour invisibiliser les logiques politiques qui ont concouru à l’adoption d’une loi sur les métropoles.
3À première vue, la citation placée en exergue peut paraître paradoxale, dans la mesure où la réforme métropolitaine s’inscrit dans une volonté affichée de promouvoir une « nouvelle conception de l’action publique, plus transparente et plus confiante envers les citoyens » [2]. La loi MAPTAM (pour Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles) est en effet présentée comme le premier volet d’un nouvel acte décentralisateur, promesse de campagne du candidat François Hollande en 2012 [3]. Ce paradoxe n’est en réalité qu’apparent : de nombreux travaux de science politique ont déjà montré comment les précédents actes de décentralisation, et plus généralement les réformes des institutions locales, plutôt que d’avoir rapproché les citoyens de la décision, ont davantage renforcé les pouvoirs des élus locaux (Desage, Guéranger, 2011), et notamment les chefs d’exécutifs, à la tête de véritables fiefs électoraux (Mény, 1992). Le premier acte de décentralisation à travers les lois de 1982-1983 portées par Gaston Defferre (Parti socialiste) a conduit « au sacre des notables » (Rondin, 1985). L’acte II, impulsé sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2003 et 2004, a été analysé comme la « conquête de chefs de grands exécutifs locaux désireux d’accroître leurs responsabilités et leurs pouvoirs » (Le Lidec, 2005, p. 122). Il nous semble important de poursuivre la déconstruction des objectifs officiels de cette nouvelle réforme et de mettre en lumière les modalités politiques d’écriture de la loi relative aux métropoles.
4Plus précisément, il s’agit de creuser cette tension entre l’objectif affiché d’un renforcement de la démocratie locale par l’implication citoyenne dans l’action publique, et leur mise à distance du processus réformateur. Enjeu de luttes politiques et de fortes mobilisations (notamment en milieu urbain) dès les années 1960 (Mazeaud, Nonjon, 2018), la thématique de la participation citoyenne s’est fortement banalisée depuis les années 1990-2000 au point de devenir une « norme de l’action publique locale » (Douillet, Lefebvre, 2017, p. 179), expression qui traduit son institutionnalisation au sein des pouvoirs locaux. Cette norme se fonde notamment sur le présupposé démocratique qui est spontanément attaché au local (p. 237). La littérature consacrée à la participation citoyenne a cependant montré ce que le succès du « tournant participatif » doit à l’indétermination de ses objectifs (Blatrix, 2009), et au caractère le plus souvent descendant de ses modalités d’application (Lefebvre, 2012). En somme, ces travaux soulignent la façon dont les professionnels de la politique parviennent à domestiquer les dispositifs participatifs et à en limiter le potentiel subversif.
5Nous souhaitons poursuivre cette analyse de la participation citoyenne en prenant pour objet d’étude les institutions métropolitaines. Ce type de structures a déjà fait l’objet d’analyses les qualifiant de « trous noirs démocratiques » (Desage, Guéranger, 2014), soulignant leur fonctionnement en vase clos, à l’abri du regard citoyen. Nous souhaitons ici faire un pas de côté en étudiant la façon dont la question de la participation citoyenne se pose dès le moment de la formalisation juridique de ces instances. Pour ce faire, nous serons attentifs à la fois au contenu de la loi en matière de dispositifs de participation, mais également aux modalités d’adoption de la réforme métropolitaine en elle-même. En effet, cette dernière a été le théâtre de luttes entre différentes catégories d’élus, favorables ou opposés à la réforme, qui se sont notamment cristallisées autour de la question de l’implication citoyenne dans l’élaboration de la loi. Précisons que nous adoptons une acception relativement large de la participation. Dans cet article, nous en retenons trois formes : la simple information délivrée aux citoyens, en d’autres termes la publicisation ; la consultation, qui vise à solliciter l’avis des citoyens, sans que ce dernier soit formellement contraignant pour les élus ; et enfin la délégation de pouvoir, à travers la procédure du référendum.
6Les luttes entre élus font ainsi apparaître des positions distinctes sur ces différents degrés de participation. De fait, notre interrogation concerne moins la participation effective des citoyens à la décision, que sa possibilité même, octroyée (ou non) par les élus participant à la réforme.
7Les travaux de sociologie consacrés aux réformes territoriales ont souvent mis en évidence la capacité des élus locaux à en contrôler le contenu (Bezes, Le Lidec, 2011), dans le but de conserver leurs prérogatives. Les associations d’élus, relais puissants de leurs intérêts, fonctionneraient sur la base d’une logique corporatiste. Les désaccords entre élus locaux s’effacent donc, selon cette analyse, au profit de la défense d’un intérêt commun supérieur (Le Lidec, 2001). Or, l’attention portée au moment réformateur permet de restituer la variété des prises de position des élus à l’égard de la question métropolitaine.
8Nous chercherons à montrer que c’est avant tout l’asymétrie de ressources politiques entre les différents élus locaux (Koebel, 2013) qui détermine leurs prises de position sur la question de la participation citoyenne à la réforme. D’un côté, nous observons, de la part des élus les plus dotés, des stratégies explicites de neutralisation de l’espace du débat autour de la réforme. De l’autre, certains élus aux ressources moindres ont promu une publicisation plus forte, voire une participation directe des citoyens, dans le but de contrecarrer le projet porté par les réformateurs. Néanmoins, cette volonté d’association des citoyens, fût-elle minimale, ne dure qu’un temps : elle disparaît progressivement, à mesure que les oppositions initiales disparaissent au profit de négociations discrètes entre élus.
9Notre propos se fonde sur l’analyse comparée des processus de construction métropolitaine à Lyon et à Aix-Marseille-Provence. Le choix de ces deux cas paraît pertinent dans la mesure où ils sont présentés respectivement comme le modèle et le contre-modèle de l’intégration métropolitaine. En effet, la loi MAPTAM crée la métropole de Lyon, collectivité territoriale à statut particulier, cas unique en France, qui résulte de la fusion du Département du Rhône et de l’ancienne communauté urbaine sur le territoire de cette dernière. L’ensemble des compétences des deux anciennes institutions est désormais exercé par la Métropole. La « réussite » de ce modèle lyonnais a souvent été expliquée par les réformateurs eux-mêmes comme la résultante d’un large consensus local. A contrario, la métropole Aix-Marseille-Provence (AMP) fait figure de mauvaise élève. Fruit de la fusion de six intercommunalités des Bouches-du-Rhône, son adoption a fait l’objet d’une vive contestation par les élus locaux (sur laquelle nous reviendrons) et s’est soldée par l’adoption « dans la douleur » (Douay, 2013) de dispositions très en retrait sur le plan de l’intégration des compétences (voir tableau 1). L’approche comparée permet d’aller au-delà d’une caractérisation en termes de modèle et de contre-modèle. En effet, nous observons des mécanismes similaires de lutte entre élus autour de la place à accorder aux citoyens, et une issue semblable : la négociation discrète au détriment de dispositifs de participation.
Dispositions institutionnelles des métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence
Lyon | Aix-Marseille-Provence (AMP) | |
---|---|---|
Périmètre | Communauté urbaine de Lyon | Fusion de 6 intercommunalités : CU* Marseille Provence Métropole, CA** Pays d’Aix-en-Provence, CA Pays d’Aubagne et de l’Étoile, CA Salon-Étang de Berre-Durance, CA Pays de Martigues, Syndicat d’agglomération nouvelle Ouest-Provence |
Statut juridique | Collectivité locale à statut particulier | Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) |
Compétences | Transfert de droit des compétences des communes :
Exercice de compétences de l’État et de la Région par délégation | Exerce les compétences jusque-là exercées par les 6 intercommunalités. (Certaines compétences peuvent ensuite être en partie déléguées aux conseils de territoire.)
|
Organisation | Organes de décision :
| Organes de décision :
|
Dispositions institutionnelles des métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence
* Communauté urbaine** Communauté d’agglomération
Sources
10Deux temps structurent notre raisonnement. Premièrement, il s’agira de revenir sur la manière dont l’adoption de la loi MAPTAM a été marquée par la prédominance d’élus les plus dotés en capital politique. Derrière la description héroïsante d’élus visionnaires, il s’agira de relever le travail politique de ces élus, en lien avec le gouvernement, au sein des instances d’élaboration de la réforme. Dans un second temps, nous chercherons à mettre en évidence les tentatives de politisation de la question métropolitaine par d’autres élus, souvent positionnés à la marge des scènes de décision. C’est l’échec de ces tentatives qui pousse selon nous ces acteurs à entrer en négociation avec les réformateurs dans une logique de compromis, à l’abri de toute forme de participation citoyenne.
Les métropoles dans l’acte III de la décentralisation : entre injonction gouvernementale et négociation avec les grands élus
L’affirmation des métropoles comme composante de la décentralisation
11Le discours de Dijon, prononcé par François Hollande en mars 2012, donne à voir le cap du candidat socialiste en matière de réforme territoriale. Il y annonce « un nouvel acte de décentralisation », revendiquant l’héritage des lois Defferre, et l’inscription de son programme dans l’héritage de la gauche. Plusieurs principes sont présentés, concernant la restauration de la confiance avec les élus locaux (mise à mal par le gouvernement de l’époque), l’encouragement des initiatives locales, la clarification des compétences des différents échelons territoriaux ou encore le renforcement de la démocratie locale. Les objectifs poursuivis sont pluriels : solidarité entre territoires, lisibilité de l’action publique, sérieux budgétaire et recherche de croissance. La question institutionnelle des grandes villes s’inscrit dans le projet porté par le candidat socialiste, qui se prononce pour la création « d’un statut métropolitain simple et attractif, adapté à chacune des agglomérations, leur permettant d’atteindre en termes de compétences, de ressources, de moyens, le niveau requis à l’échelle de l’Europe » [4]. L’accent est mis sur « l’expérimentation, la liberté, la souplesse » qui doit conduire l’adoption de ces nouveaux statuts à la « réalité de nos vies ». Le volet métropolitain est donc l’une des composantes d’un projet global de décentralisation répondant à cette nécessité de faire confiance aux territoires et à leurs élus.
12Quelques mois après l’élection de François Hollande à la présidence, un projet de loi est préparé sous l’égide de la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu. Il constitue la traduction légistique du discours de Dijon en reprenant l’essentiel des axes annoncés par le candidat François Hollande. Concernant les métropoles, la loi impose la transformation en métropole pour les territoires de plus de 500 000 habitant·es. Cette injonction gouvernementale sur le principe de création métropolitaine s’accompagne d’une diversité des statuts métropolitains. Quatre types de métropoles sont en effet prévus : un statut de « droit commun » concernant l’ensemble des EPCI de plus de 500 000 habitant·es, ainsi que trois statuts spécifiques pour les métropoles de Paris, de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence.
13Alors que sa lecture doit débuter au Sénat au début du mois d’avril 2013, le texte est finalement remplacé par trois projets distincts : un premier texte relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles, un second sur le rôle des régions, et un troisième relatif au renforcement de l’intercommunalité et de la démocratie locale. À en croire certains sénateurs, la scission du texte de loi est liée à une raison technique : tel que présenté initialement, le projet de loi est trop complexe, trop long pour permettre une lecture efficace. Pourtant, la chronologie des trois projets de loi semble répondre davantage à des considérations politiques. La scission du texte permet aux sénateurs d’ajuster le calendrier d’examen des différents sujets aux contraintes électorales, et par là de réduire l’incertitude sur les chances de voir adopter des mesures considérées comme sensibles. Plus précisément, certaines dispositions liées au renforcement de l’intercommunalité ont été renvoyées à un projet de loi ultérieur, dont la lecture est prévue après les élections municipales de mars 2014. C’est ce que révèlent ces propos :
« Il y a un certain nombre de dispositions, notamment renforçant l’intercommunalité, [que les sénateurs] ne souhaitaient pas adopter avant les municipales, en tout cas pas dans ce délai-là. Et donc ils ont, comment dire, énoncé un certain nombre de priorités. » [5]
15Les « priorités » n’intègrent donc pas les dispositions relatives à la démocratie locale repoussées elles aussi d’au moins un an. À l’inverse, les dispositions concernant l’affirmation des métropoles font l’objet du premier projet de loi, qui arrive au sénat le 10 avril. La raison, là aussi, est politique, liée à la volonté de certains sénateurs d’avancer rapidement sur ces sujets. C’est ce qu’explique cette membre du cabinet de Gérard Collomb, maire de Lyon et président du Grand Lyon :
« Au départ, il y avait une énorme loi. Il y avait une seule loi où il y avait toutes les régions, les départements, enfin… Un truc, mais je ne sais plus combien il y avait d’articles. Je me souviens avoir vu le texte, le premier, c’était énormissime. On y aurait passé trois ans et on n’aurait jamais rien sorti. La première décision qui a été prise, c’est de transformer ce texte en trois et la deuxième décision qui a été prise sous la pression de Collomb-Mercier, c’est de passer la métropole. » [6]
17Plusieurs éléments sont ici à souligner : d’une part, la scission du projet de loi permet d’observer la priorisation des différents volets de décentralisation telle qu’elle s’impose au Sénat. Elle montre également une désynchronisation des enjeux de démocratie locale et d’affirmation des métropoles [7]. Mais, plus largement, les raisons qui concourent à cette scission donnent à voir l’importance de certains élus dans le processus législatif, qui sont parvenus à imposer une temporalité différente de celle prévue initialement par le gouvernement. L’examen du projet de loi MAPTAM par les parlementaires à partir du 10 avril 2013 permet d’approfondir ces éléments.
La loi MAPTAM au Parlement : la place des grands élus locaux dans le processus législatif
18Les travaux de Fabien Desage (2019) ont montré la grande stabilité qui caractérise le contenu des réformes territoriales, parlant d’une forme d’amnésie du législateur, justifiant chaque réforme par l’insuffisance de la précédente. Si la loi MAPTAM ne déroge pas à la règle, cherchant dans l’affirmation des métropoles un moyen de rationaliser l’action publique et de simplifier le « millefeuille administratif », elle s’accompagne d’une volonté de spécifier les cas locaux du point de vue législatif, dans la lignée du discours de Dijon. Concrètement, cela signifie qu’au sein d’un même texte de loi, les cas de Paris, de Lyon, et d’Aix-Marseille-Provence ont fait l’objet de chapitres spécifiques, soumis à une discussion parlementaire propre. Ainsi, l’une des particularités de la loi MAPTAM est d’avoir accordé, par un effet de rédaction, une importance encore plus grande aux élus locaux détenteurs d’un mandat parlementaire, qui vont avoir à se prononcer sur la réforme concernant leur propre territoire. Pour ces cas précis, la médiation par les associations d’élus dans le travail parlementaire, laquelle a été décrite comme prédominante dans l’élaboration des réformes territoriales (Le Lidec, 2011), devient ici secondaire [8], et les négociations entre élus locaux et gouvernement plus directes. C’est ce qui ressort par exemple des propos du délégué général de l’Association des communautés urbaines de France (ACUF) à propos du projet de métropole Aix-Marseille-Provence :
« Mais du coup moi j’ai pris un peu de distance aussi par rapport à ça, puisque c’est devenu un article à part de la loi MAPTAM, et donc, l’ACUF, on a un peu laissé faire, d’une certaine manière, nous on va se concentrer sur notre deuxième loi métropole après celle de 2010, celles de droit commun. » [9]
20De manière significative, les discussions parlementaires sur les chapitres propres aux métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence sont marquées par la forte participation des élus locaux concernés par le projet de loi. En atteste la provenance des amendements déposés sur les dispositions relatives à nos cas d’étude. À titre d’exemple, en première lecture par la commission des lois à l’Assemblée nationale, l’article 20 concernant la création de la métropole de Lyon fait l’objet de 100 amendements. Parmi eux, 60 proviennent de députés issus de circonscriptions concernées directement par la création de la métropole de Lyon [10]. Pour l’article relatif à la métropole Aix-Marseille-Provence, les sénateurs siégeant à la commission des lois doivent se pencher sur 119 amendements, dont 109 émanent de sénateurs des Bouches-du-Rhône.
21Mais la présence des parlementaires issus des territoires concernés, matérialisée par le dépôt d’amendements, ne suffit pas à leur assurer une influence sur les modifications du texte [11]. En effet, seuls quelques élus ont été capables de faire accepter leurs amendements au Parlement, et au-delà, ont eu une influence certaine sur le vote du texte de la loi MAPTAM. Nous identifions ainsi trois élus, dont le travail a été particulièrement prégnant au point de figurer, dans nos entretiens, comme les véritables architectes des métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence. À en croire certains d’entre eux, leur influence dans le projet serait liée à leur qualité de visionnaires, qui, au-delà des clivages partisans, ont conscience de la nécessité de transformer les territoires urbains en métropoles. Mais, derrière la valorisation de qualités personnelles, nous observons davantage un profil d’élu très sélectif, dont les positions dominantes acquises au cours du temps leur permettent d’influer sur le processus législatif. Il s’agit de Gérard Collomb (PS), Michel Mercier (UDI), et Jean-Claude Gaudin (Union pour un mouvement populaire – UMP). Nous avons affaire à trois hommes, élus très expérimentés (ils sont nés entre 1939 et 1947), fortement ancrés sur leurs territoires, ayant cumulé les mandats dans le temps et dans l’espace dès les années 1960 ou 1970. Tous trois d’extraction modeste, ils ont réalisé leur ascension sociale par une carrière dans l’enseignement, laquelle est, particulièrement pour cette génération, surreprésentée au sein des trajectoires du personnel politique local (Garraud, 1989). Leur ancrage s’est ensuite renforcé au fur et à mesure de leurs mandats locaux ainsi que de leurs responsabilités au sein de leur appareil partisan. Ils s’inscrivent pleinement dans une logique de longévité élective décrite par les travaux de sociologie des élus locaux (Koebel, 2014 ; Rouban, 2015), ainsi que dans une forte pratique du cumul des mandats. Leur carrière politique s’apparente donc à un long processus de notabilisation, entendu comme un enracinement dans le temps et dans l’espace (Douillet, Lefebvre, 2017, p. 124). Au moment du vote de la loi MAPTAM, ils sont tous trois chefs d’exécutifs locaux (G. Collomb cumule déjà la fonction de maire et de président d’intercommunalité) ainsi que sénateurs. Deux d’entre eux (G. Collomb et M. Mercier) siègent en outre à la commission des lois, première commission à statuer sur les projets de réforme territoriale.
22Pour s’assurer du vote de la loi, ces élus mettent en place un certain nombre de stratégies visant à limiter la discussion parlementaire : c’est ce que nous appelons un travail politique de dépolitisation.
Encadré 1. Trajectoires de notables
Michel Mercier, quant à lui, est né en 1947 près de Lyon, de parents ouvriers. Il fait des études de droit (Lyon III) et intègre l’Institut d’Études Politiques de Lyon. Devenu enseignant en droit des finances publiques et des collectivités territoriales dans son ancienne université, il s’engage en politique dans la mouvance démocrate-chrétienne (il adhère au Centre des démocrates sociaux, membre de l’Union pour la démocratie française – UDF). Conseiller municipal d’une petite ville du Rhône dès 1971 (Thizy-les-Bourgs), il en devient maire en 1977, et ce jusqu’en 2001. Après une brève expérience comme député (en tant que remplaçant), il devient sénateur en 1995, mandat qu’il n’interrompt que pour des expériences ministérielles, et notamment à la tête du ministère de l’Aménagement du territoire (de 2009 à 2010). Il cumule, entre 1990 et 2013 son mandat de sénateur avec celui de président du conseil général du Rhône. Il cède ce dernier juste avant le vote de la loi MAPTAM (il conserve son mandat de sénateur et prend une part active au processus législatif, comme nous le verrons plus tard).
Enfin, Jean-Claude Gaudin, né en 1939 à Marseille, d’un père artisan et d’une mère ouvrière, débute sa carrière comme professeur d’histoire-géographie dans des établissements marseillais. Membre du Centre National des Indépendants et Paysans (CNIP), il entre au conseil municipal de Marseille dès 1965 à la faveur d’une alliance socialo-centriste menée par Gaston Defferre. Il adhère en 1973 à la Fédération nationale des républicains et indépendants (FNRI) et participe à la campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing. Le FNRI étant devenu Parti républicain, J.-C. Gaudin est membre de l’UDF avant de rejoindre l’UMP (rebaptisée Les Républicains en 2015) à partir de 2002. Député de 1978 jusqu’à 1989, président de la Région PACA (1986-1998), il devient sénateur en 1989, et le demeure jusqu’en 2017 (si l’on excepte la période 1995-1998). C’est en 1995 qu’il devient maire de Marseille, un mandat qu’il exerce encore au moment de l’élaboration de la loi MAPTAM en parallèle de son siège de sénateur.
Travail politique de dépolitisation
23À en croire une membre du cabinet de Gérard Collomb, la partition du projet de loi de décentralisation fait suite à la demande de ce dernier, ainsi que de Michel Mercier, d’avancer rapidement sur le volet métropolitain. Il est vrai que ces deux élus locaux ont conclu, avant même le dépôt du projet de loi, un accord visant à créer une métropole de Lyon par fusion de la Communauté urbaine et du Département. Le gouvernement a donc intégré à son texte un projet de métropole déjà dessiné localement et annoncé à Lyon, en conférence de presse, le 4 décembre 2012 [12].
« Gérard Collomb et Michel Mercier sont très visibles au Sénat sur la métropole de Lyon, déjà parce qu’ils sont à la commission des lois, mais aussi parce que nous, on a reçu comme consigne du gouvernement : “Pas touche à Lyon, il y a un consensus local, donc pas touche”. » [13]
25Les deux principaux porteurs de la métropole de Lyon, Gérard Collomb et Michel Mercier, sont présents au sein de la commission des lois au Sénat, première à se saisir du projet. Cette prédominance se traduit tout d’abord par la propension des deux élus à proposer et à faire accepter des amendements au texte. Au-delà, les relations directes entretenues entre le rapporteur de la loi à l’Assemblée et le président du Grand Lyon, ainsi que certains membres de son cabinet, conduisent à ce que le travail des députés ne remette pas en cause les principes généraux précisés à la Chambre haute. C’est le cas à propos de l’organisation de nouvelles élections à la suite de la mise en place de la métropole de Lyon. Concrètement, la création d’une nouvelle collectivité suppose en principe la tenue d’élections des organes délibérants avant son entrée en vigueur. En outre, le statut de collectivité impose une parité femmes-hommes. Or, Gérard Collomb, candidat déclaré à la présidence du Grand Lyon (et qui sera élu à l’issue des élections municipales de 2014), ne souhaite pas prendre le risque de convoquer une nouvelle consultation, ni prendre en compte la question de la parité, ce qui remettrait en cause les négociations entamées avec les maires divers droite de l’ouest de l’agglomération, nécessaires pour construire sa majorité à la tête du Grand Lyon. Il demande donc explicitement à ce que les amendements liés à un renouvellement électoral n’aboutissent pas. Ces discussions bilatérales entre le sénateur-maire et le rapporteur à l’Assemblée nationale vont in fine conduire à ce que l’article fixant les dispositions de la métropole de Lyon ne soit modifié qu’à la marge, confortant ainsi l’étendue des compétences de la future institution, ainsi que la composition de ses organes délibérant et exécutif jusqu’en 2020, par simple reconduction des élus de la Communauté urbaine.
26La situation se révèle différente pour le cas marseillais. Si Jean-Claude Gaudin s’est montré favorable dès le départ à une métropole sur son territoire, il n’en est pas l’instigateur. Sur ce territoire, l’État s’est révélé plus présent que pour la métropole de Lyon, puisque ce sont les services centraux qui ont notamment élaboré le périmètre de la métropole Aix-Marseille-Provence, par fusion des six principales intercommunalités des Bouches-du-Rhône. Cependant, l’influence de J.-C. Gaudin dans le processus d’élaboration du texte au Sénat est tout à fait perceptible. Elle se donne à voir dans sa capacité à faire adopter des amendements au texte, notamment en première lecture. Ils ne seront d’ailleurs pas remis en cause à l’Assemblée nationale, ouvrant la voie à la procédure du vote conforme [14], en dépit des 77 amendements déposés sur l’article relatif à la métropole AMP :
« Marseille c’est l’article 30, coup de bol, tout Marseille était dans l’article 30, c’était un article spécial, le Sénat l’a adopté avec le soutien de Jean-Claude Gaudin, qui a été un artisan majeur de la métropole, et y compris après d’ailleurs pour l’adoption des textes. Et après, nous, c’est arrivé ici, et on a fait le conforme en sachant pertinemment qu’il y avait des difficultés dans le texte. » [15]
28La stratégie du vote conforme a pour conséquence d’éviter une seconde lecture au Sénat sur les dispositions relatives à la métropole Aix-Marseille-Provence, que le rapporteur à l’Assemblée nationale juge incertaine. Cette stratégie implique de refuser de manière péremptoire tout amendement, même quand ceux-ci sont déposés par des députés appartenant à la majorité. C’est une situation que regrette l’assistant parlementaire d’un député PS des Bouches-du-Rhône en entretien, mettant en cause le blocage lié à un accord entre le gouvernement et J.-C. Gaudin :
« Les relations [avec les autres députés du groupe socialiste] inexistantes, c’est-à-dire les responsables pour le groupe, c’est qui, c’est Le Bouillonec. Aucune discussion. Le rapporteur, c’est Dussopt. Aucune discussion, de toute façon le truc était totalement verrouillé en amont. On a Gaudin qui négocie avec Lebranchu au Sénat, qui fait voter la loi sur certains amendements et derrière Lebranchu qui dit : “Tout doit être voté conforme”. Je me rappelle, j’étais allé déposer des amendements, Mennucci en dépose aussi. Je vais à la réunion de groupe de travail qui parcourt les amendements. Donc, Nathalie Appéré, maire de Rennes maintenant, prend la parole : “Bon sur les amendements, sur les amendements déposés sur l’article 30, le gouvernement souhaite que le texte soit voté conforme, donc nous nous en tenons à la position du gouvernement” ; hop, et ça passe au suivant. » [16]
30Ainsi, l’absence de discussion possible autour de l’article 30 à l’issue de la première lecture entérine les modifications faites au Sénat, notamment celles apportées par Jean-Claude Gaudin [17]. Elles auraient en outre eu pour effet l’assentiment discret de certains sénateurs de droite au texte, si l’on en croit les propos de cet attaché parlementaire de Gaby Charroux, sénateur CRC (Communiste, Républicain et Citoyen) des Bouches-du-Rhône, et opposant au projet de métropole :
« En première lecture au Sénat, euh comment il s’appelle le sénateur de droite, je ne sais plus son nom, Gaudin dépose des amendements, notamment sur le nombre de conseillers communautaires, la règle de représentativité, etc. Et il y a cinq amendements sur sept qui sont votés. Et donc, je m’en rappelle plus qui, un sénateur de Gaudin, a dit : “On a eu cinq amendements sur sept qui ont été votés, avec la droite au pouvoir jamais on n’y serait arrivés.” Donc ils ont acheté le soutien des sénateurs de droite avec ces cinq amendements. » [18]
32En l’absence d’entretiens avec les sénateurs UMP, il est difficile de démontrer un tel impact des amendements rédigés par le sénateur-maire de Marseille. Notons toutefois qu’à l’issue de la deuxième lecture au Sénat, le projet de loi MAPTAM dans son ensemble est adopté à six voix près : l’abstention de sénateurs de droite (plutôt qu’un vote contre) a été interprétée par certains comme la résultante d’une consigne de J.-C. Gaudin, président du groupe UMP au Sénat, pour que le texte aboutisse (Subra, 2014, p. 164).
33Derrière la figure d’élus visionnaires, nous observons ainsi la prédominance de notables, implantés dans leur territoire depuis plusieurs décennies, cumulant des mandats clefs dans le processus législatif. Ces ressources deviennent d’autant plus indispensables que le gouvernement valorise la différenciation territoriale et que les métropoles étudiées font l’objet de dispositions spécifiques. À travers le travail politique mené par ces grands élus, nous entrevoyons la tentative de captation de la réforme, et sa faible publicisation comme moyen pour eux de s’assurer de sa réussite.
34Notons enfin qu’au cours de cette lecture au Sénat, le groupe communiste (CRC), ainsi que plusieurs sénateurs marseillais opposés au projet métropolitain vont déposer différents amendements ayant tous pour objet de conditionner la mise en place d’une métropole à la validation par un référendum local, ou, a minima, une consultation citoyenne. Mais aucun de ces amendements ne sera adopté, ne disposant pas de la majorité au Sénat. Les justifications pour écarter l’organisation d’un référendum, telles qu’elles apparaissent dans la discussion au Sénat reproduite ci-dessous à propos de la métropole de Lyon, montrent bien la réticence des parlementaires à risquer le « blocage » qui en découlerait selon eux. Notons au passage que se rejoue lors de cette discussion l’opposition entre démocratie représentative et participation citoyenne, opposition qui a pourtant été largement dépassée par une partie des élus locaux eux-mêmes (Paoletti, 1997). Cette opposition traverse un spectre politique très large, atteignant jusqu’à certains sénateurs écologistes, qui se sont prononcés par ailleurs pour l’extension du dispositif du référendum local [19]. En définitive, le processus parlementaire a eu pour effet non seulement de renvoyer les dispositions liées à la participation citoyenne à un projet de loi ultérieur, mais a également coupé court à toute forme de consultation citoyenne sur l’instauration des métropoles.
Encadré 2. Quand la question du référendum menace la démocratie représentative [20]
M. René Vandierendonck (groupe socialiste), rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. « Valéry disait que la conviction est le ton de la certitude au service du doute. Ce qui ne laisse pas de doute, c’est l’article 72 de la Constitution, qui dispose que le législateur est seul compétent pour créer une nouvelle collectivité territoriale. Néanmoins, comme ma collègue, je me réjouis que, dans quelques mois, les élections municipales donnent la meilleure des tribunes pour que les enjeux de proximité et les enjeux intercommunaux soient discutés par les citoyens de l’ensemble des communes. »
M. le président. « Quel est l’avis du Gouvernement ? »
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. « Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour la même raison que M. le rapporteur. Le Sénat délibère, et c’est son avis qui est à prendre en compte. »
M. Ronan Dantec (groupe écologiste). « La question de l’utilisation du référendum dans ce domaine est une vraie question. […]
Néanmoins, il ne faut pas que le référendum soit une possibilité de tout bloquer. Quand un débat ne peut être réglé par consensus, il appartient aux électeurs de trancher. C’est la démocratie. Votre amendement prévoit que 50 % des électeurs devront s’exprimer, ce qui est un chiffre élevé pour un débat en grande partie technique. On pourrait donc penser que l’objectif est de faire en sorte que les choses ne bougent pas.
Le référendum qui s’est tenu en Alsace soulève un certain nombre d’interrogations. La majorité des électeurs s’est exprimée en faveur de la fusion des départements, mais le vote contraire d’une minorité d’électeurs, qui était majoritaire dans un des deux départements, a conduit au rejet du projet.
Je souhaite que nous rediscutions tous ensemble de la question du référendum. Celui-ci peut servir à dépasser l’absence de consensus – ce n’est pas le cas à Lyon, où il existe un consensus très fort [21] –, mais il ne faut pas l’utiliser comme un moyen de blocage pour empêcher l’évolution des choses. Dans le cas qui nous occupe, profitons de l’existence d’un consensus : ce n’est pas si fréquent. (M. Joël Labbé, groupe écologiste, applaudit.) »
M. Christian Favier (groupe CRC). « […] Nous sommes certes des élus du suffrage universel, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ayons reçu une délégation de pouvoir absolue. Nous avons besoin de retourner en permanence vers la population pour nous assurer de l’adéquation entre nos décisions et le sentiment de nos concitoyens. »
M. Jean-Michel Baylet (groupe socialiste). « La France est une démocratie représentative, monsieur le sénateur ! »
Mme Marie-France Beaufils (groupe CRC). « Mais pas seulement ! »
M. le président. « Je mets aux voix l’amendement no 510. »
(L’amendement n’est pas adopté.)
35Ces différents éléments mettent en évidence le faible intérêt que revêt la question de la participation pour les parlementaires. Pourtant, l’annonce d’un nouvel acte de décentralisation en 2012 a été l’élément déclencheur d’une dynamique de mobilisation de la part de différents collectifs réunis dans une plateforme interassociative pour peser sur le processus législatif [22]. Cette dynamique est d’autant plus forte que la structure à l’initiative de cette démarche, l’Union nationale des acteurs du développement local (UNADEL), compte parmi ses fondateurs Michel Dinet. Ancien député et à l’époque président du conseil général de Meurthe-et-Moselle (PS), il est reçu favorablement par Marylise Lebranchu et Jean-Marc Ayrault qui lui assurent que le renforcement de la démocratie locale sera l’objet d’un chapitre dans le projet de loi de décentralisation.
36Pour certains membres de ces collectifs, la loi MAPTAM constitue une déception [23], et ils s’en remettent dès lors à la présentation du dernier volet. Mais le chapitre initialement prévu ne voit pas le jour. Pour un de nos enquêtés, membre du collectif, la raison incombe notamment à la disparition de Michel Dinet, relais indispensable des revendications associatives auprès du gouvernement. Sans doute faut-il ajouter le remaniement ministériel consécutif à la défaite du PS aux élections municipales, qui voit la démission du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, remplacé par Manuel Valls. Selon une note publiée par l’UNADEL, ce changement fragilise la promesse faite par Jean-Marc Ayrault [24].
37L’article 88 de la loi NOTRe [25] constitue finalement le seul héritage de la mobilisation de ces collectifs, enterrant les dispositions liées au renforcement du droit de pétition. Il rend en revanche obligatoire l’existence de conseils de développement dans tous les EPCI de plus de 20 000 habitant·es, et affirme clairement leur capacité d’autosaisine. Pour autant, leurs avis restent purement consultatifs, laissés au bon vouloir des élus locaux. L’article 88 ne crée donc pas les conditions d’une « co-construction obligatoire » de l’action publique locale, ainsi que le regrette l’UNADEL dans une fiche récapitulative des dispositions de la loi NOTRe [26].
38Le sort du « renforcement de la démocratie locale » de l’acte III de la décentralisation nous semble intéressant pour éclairer la façon dont est envisagée la participation citoyenne, fût-elle incarnée par la « société civile ». Passée par pertes et profits des stratégies d’élus locaux et des réorientations gouvernementales, elle constitue la variable d’ajustement de l’acte III de la décentralisation.
La politisation heurtée des espaces de controverse métropolitaine
39Si nous avons vu que le contenu de la réforme a été largement façonné par les grands élus du territoire, il convient de mettre en lumière les réactions des autres élus locaux. Il s’agit plus précisément de montrer l’existence de voix opposées au projet institutionnel, qui se sont exprimées à des degrés divers, à Lyon et à Marseille. Ces élus locaux, souvent moins dotés en ressources politiques, ont pu développer une stratégie de publicisation, voire d’implication plus forte des citoyens à la réforme métropolitaine. Néanmoins, ces tentatives sont progressivement remplacées par des logiques de négociation entre élus sur les dispositions institutionnelles de la future métropole, à l’abri des regards extérieurs.
Premières tentatives de publicisation de la question métropolitaine à l’échelle locale
Lyon, lutter contre un « coup d’éclat » médiatique… par voie de presse ?
40La conférence de presse du 4 décembre 2012, initiée par G. Collomb et M. Mercier pour annoncer la création de la métropole de Lyon, a localement suscité des réactions assez vives, qui contrastent avec la célébration d’un « consensus » local, largement invoqué par les réformateurs pour justifier du bien-fondé de leur projet. En effet, de nombreux élus locaux, à droite comme à gauche, ont critiqué la méthode utilisée par les deux porteurs du projet, annonçant la création de la métropole par voie de presse sans en informer les acteurs locaux (Lalire, 2013, p. 48). Au-delà de ces critiques dénonçant la démarche « cavalière » du duo Collomb-Mercier, il convient de mettre en lumière les désaccords à propos du contenu du projet qui ont émergé à la suite de la conférence de presse. C’est le cas notamment dans le premier arrondissement de Lyon, par la voix de sa maire, Nathalie Perrin-Gilbert, et du groupe de réflexion qui lui est proche, le GRAM (Groupe de Réflexion et d’Actions Métropolitaines). Fondé notamment par un professeur de science politique (Renaud Payre), il intervient dans la presse locale pour contester la vision institutionnelle portée par le sénateur-maire de Lyon, sa conception du pouvoir jugée autoritaire, et celle d’une métropole exclusivement tournée vers un impératif d’attractivité. A contrario, la vision qu’ils défendent est celle d’une réappropriation citoyenne des questions institutionnelles, ainsi que l’explique ce professeur, dans une tribune :
« La métropolisation est un fait. Mais les institutions et les organisations institutionnelles sont des projets et construits politiques. On pourra toujours nous opposer que cela n’intéresse pas les citoyens et que tout cela est très complexe. Ce n’est pas notre conception de la politique. » [27]
42Cette tentative de publicisation des questions institutionnelles sera au cœur de la campagne menée par Nathalie Perrin-Gilbert candidate à sa propre succession (sur une liste soutenue par le Front de gauche) dans le premier arrondissement pour les élections municipales de 2014. L’opposition à la métropole de Lyon peut se comprendre comme la volonté de sauvegarder les marges de manœuvre d’une mairie d’arrondissement, pour laquelle la loi MAPTAM ne prévoit pas de cadre institutionnel. Mais la focalisation sur le déficit démocratique de la métropole de Lyon doit également être lue au regard du positionnement du GRAM valorisant fortement la démocratie participative. Renaud Payre devient en effet directeur de campagne de Nathalie Perrin-Gilbert, et est l’un des promoteurs principaux de cet argumentaire. Le GRAM, par sa création même, fait explicitement référence aux GAM, groupes d’action municipale créés dans les années 1960-1970 à l’initiative de « nouvelles couches sociales » (cadres, professions libérales) dans le but de promouvoir une nouvelle gestion des affaires urbaines, plus soucieuse d’implication citoyenne (Sellier, 1977). Il s’agit d’une manière pour Renaud Payre, originaire de Grenoble, de revendiquer un héritage de la participation quelque peu mythifié des GAM, notamment au travers de l’expérience menée à Grenoble sous le mandat d’Hubert Dubedout (PS) (Bruneteau, 1998). Cette campagne se solde par un succès, Nathalie Perrin-Gilbert est réélue à la tête du premier arrondissement de Lyon. Cependant, le GRAM, malgré ses ambitions avant la campagne, « n’a pas réussi à se présenter dans d’autres circonscriptions » [28]. L’écho de cette mobilisation durant la campagne est demeuré essentiellement concentré sur ce périmètre (Gardon, Meillerand, 2015).
43Ajoutons à cette opposition les réserves formulées par Jean-Paul Bret, maire (PS) de Villeurbanne, deuxième plus grande commune du Grand Lyon avec plus de 140 000 habitant·es, limitrophe de la ville-centre. En effet, l’édile villeurbannais, lors d’une audition devant le Sénat au mois d’avril 2013, fait part de ses inquiétudes concernant l’affaiblissement du rôle des communes au sein de la future métropole, malgré un « accord de principe » [29]. Il intervient quelques mois plus tard dans la presse pour rappeler sa conception d’une métropole « équilibrée » et exprime explicitement son refus de voir Gérard Collomb être à la tête de la nouvelle institution [30]. Ces réserves marquent également les élections municipales de 2014 (pour laquelle il est de nouveau candidat), avec la création d’un groupe d’élus au sein de la Communauté urbaine dénommé « La métropole autrement », au point de faire de Jean-Paul Bret l’une des principales voix discordantes à propos de la métropole de Lyon et de ses dispositions juridiques.
44Ces différentes prises de position sont d’autant plus significatives que l’enjeu métropolitain est, à Lyon comme ailleurs, relativement absent des débats et prises de position des candidats durant la campagne (Gardon, Meillerand, 2015). La métropole est donc saisie par certains élus comme objet de discussion, même si, pour le maire de Villeurbanne, cette volonté de publicisation s’incarne principalement par des prises de position publiques, notamment dans la presse, réduisant la participation citoyenne à sa dimension minimale. Ajoutons également que ces élus sont relativement moins dotés en ressources politiques que G. Collomb et M. Mercier. Ils ne sont pas détenteurs de mandats parlementaires, qui sont décisifs dans l’élaboration d’une réforme territoriale (Bezes, Le Lidec, 2011) [31]. Ils ne peuvent donc influer directement sur le processus législatif.
Marseille : faire front commun pour la sauvegarde de l’intérêt communal ?
45Dès l’annonce, faite en septembre 2012 par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, d’un projet de construction d’une métropole rassemblant les six principales intercommunalités des Bouches-du-Rhône, de nombreux élus ont marqué leur opposition au projet. Cette opposition va prendre de multiples formes, et sera largement relayée par la presse. Tribunes, lettres ouvertes, elles se sont accompagnées localement de manifestations rassemblant élus, fonctionnaires territoriaux, ainsi que des citoyens. C’est le cas à Martigues [32], ainsi que le relate le directeur de cabinet du maire Gaby Charroux (PCF) [33] :
« Nous on a travaillé avec les populations, c’est-à-dire que dès le début, on a mis en place des réunions publiques, des réunions avec le personnel, pour alerter sur ce qui nous semblait être mauvais pour la réponse aux besoins des habitants, pour le déplacement du centre de décision. Enfin tout ce qu’on a remis en question dans cette grande métropole, on l’a partagé avec les habitants, ce qui fait que, on a eu nous, le sentiment que les habitants se sont associés à la démarche. » [34]
47Le maire de Martigues (également président de la Communauté d’agglomération du Pays de Martigues) constitue l’une des figures majeures de cette opposition, et publie même en 2015 un ouvrage intitulé Métropole, un autre chemin [35], dans lequel il dénonce une « construction technocratique » au service d’un « libéralisme triomphant ». L’ouvrage fait l’objet d’une présentation par son auteur, vidéodiffusée dans la presse locale, dans laquelle il invite le citoyen à se saisir de cet enjeu, amené sur le terrain « idéologique » du combat contre le libéralisme.
48C’est dans ce contexte de mobilisation qu’intervient la campagne pour les élections municipales et communautaires. Si les enjeux intercommunaux et métropolitains ont souvent été traités ailleurs au second plan, dans les Bouches-du-Rhône l’opposition à la métropole a constitué pour les candidats une ressource politique et un registre de mobilisation électorale majeurs (Olive, 2015), au nom de la défense de la commune contre l’intégration métropolitaine. C’est le cas par exemple pour le Pays d’Aubagne, avec la campagne menée par la présidente sortante, Magali Giovannangeli (PC) [36], à la tête d’une coalition de partis de gauche :
« Oui, alors nous on l’a fait de manière très simple, dans notre campagne hein. On a travaillé à un programme participatif, donc on a mis plusieurs mois de campagne, on est partis de rien pour arriver à un programme qui a dû être travaillé par 2 000 personnes si ma mémoire est bonne. Donc on avait pris des thématiques, et on avait pris quelques questions transversales, dans ces thématiques-là. Et la question de la métropole arrivait toujours. Parce que pour mettre en vie des projets ici, la condition sine qua non, c’est d’avoir les moyens de les mettre en œuvre, et donc pour nous, être respectés dans les choix qu’on allait opérer, la métropole allait à l’encontre de tout ça. » [37]
50Émergeant des dispositifs participatifs mis en place par l’élue communiste pour construire son programme, le projet de métropole est au cœur de sa campagne. Il est considéré comme un obstacle à la réalisation de programmes pour lesquels elle et son équipe ont été élues. Plus tard dans l’entretien, elle érige en exemple phare la gratuité des transports sur le réseau de la Communauté d’agglomération, mise en place en 2009. Au-delà d’une logique de « gouvernance », l’opposition de Magali Giovannangeli au projet métropolitain s’effectue sur le mode de la nécessité de pouvoir mener des projets alternatifs.
51L’opposition à la métropole acquiert d’autant plus de visibilité que tous les élus qui en font partie vont s’allier pour porter des revendications communes. Au total, 109 maires sur les 119 que compte le département cosignent des tribunes exprimant leur désaccord à l’encontre du projet, et leur préférence pour des solutions institutionnelles souples, garantissant l’indépendance de chaque commune. Ainsi, en marge des grands événements organisés par le gouvernement à Marseille pour faire la promotion de la future métropole, des dizaines d’élus locaux de tous bords se rassemblent pour tenir des réunions publiques, afin de sensibiliser les citoyens sur les dangers de cette construction institutionnelle. Les membres de cette alliance hétéroclite fondent leur opposition sur des registres de justification sensiblement différents. Si l’opposition au libéralisme ou la volonté de mener à bien des projets alternatifs sont invoquées chez certains, d’autres ont mis en avant leur refus de « payer pour les quartiers Nord de Marseille » [38] ainsi que nous l’explique la maire (UMP) d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains [39]. Mais l’ensemble des élus mobilisés se rejoignent dans la mesure où ils s’appuient sur la légitimité de leur mandat municipal comme registre de mobilisation. De manière significative, cette dernière dépasse le cadre des élus concernés directement par le projet, mais rassemble la majorité des édiles de l’ensemble du département. De plus, elle s’organise au sein de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône qui va devenir la plateforme à partir de laquelle les revendications s’expriment localement.
52S’ils sont, dans l’ensemble, largement moins dotés en ressources politiques que les réformateurs décrits plus haut, les opposants à la réforme ne doivent pas être pris comme un groupe homogène. Certes, il existe parmi les 109 maires mobilisés, des élus dont le mandat municipal est le seul qu’ils détiennent. Les travaux de Stéphane Cadiou et Maurice Olive sur les élus opposés à la métropole (issue de la réforme du 16 décembre 2010) ont mis en évidence que c’est à leur mandat de maire que certains d’entre eux doivent leur statut social ou la reconnaissance attachée à leur fonction. Ce petit capital social, s’il leur confère une certaine aisance dans l’espace communal, est difficilement exportable sur des scènes politiques intercommunales, dominées par des ressources expertes (Cadiou, Olive, 2015). Mais derrière l’étiquette de maire figurent également, parmi les plus visibles opposants au projet, un certain nombre d’élus « cumulards », qui vont participer activement au Parlement au processus législatif [40].
53Reste que ces ressources demeurent globalement insuffisantes pour faire plier le gouvernement sur le principe de création d’une métropole ou sur le périmètre de cette dernière. Les stratégies de publicisation, les appels à organiser un référendum local sont donc autant de stratégies visant à contourner une configuration politique dominée par le gouvernement qui porte le projet et les notables locaux qui y sont favorables.
54Ainsi, les premiers temps qui suivent l’annonce de la réforme métropolitaine débouchent, à Lyon et davantage encore à Marseille, sur l’expression d’une contestation de la part d’élus locaux. Contrairement aux réformateurs cités plus haut, ces derniers sont caractérisés par des ressources politiques moindres, ainsi qu’une plus faible propension à cumuler les mandats.
Quand la publicisation laisse place aux tractations entre élus
Lyon : les voix discordantes au péril du fonctionnement ordinaire de l’intercommunalité
55Si la campagne municipale a fait émerger un certain rapport de forces autour de la question métropolitaine, l’« opposition », incarnée par le maire sortant de Villeurbanne Jean-Paul Bret, trouve néanmoins une issue après les élections municipales. En effet, au moment de l’élection du président de la Communauté urbaine les deux édiles entament une négociation, confidentielle, sur la composition de l’exécutif communautaire. In fine, la représentation des élus villeurbannais en son sein s’en trouve renforcée, alors que les résultats des élections ont vu une large percée de la droite dans l’institution (Bocquet, 2020, p. 283). En outre, J.-P. Bret obtient la garantie d’un découpage des circonscriptions électorales métropolitaines favorable à la représentation de la commune de Villeurbanne dans son ensemble, cas unique sur le territoire de la Métropole. En retour, les membres du groupe « La métropole autrement » (principalement villeurbannais) ont apporté leur soutien à Gérard Collomb lors de sa réélection à la présidence de la Communauté urbaine. En tout état de cause, ces tractations ont permis de contenir une parole critique sur l’organisation institutionnelle de la métropole de Lyon. On peut dès lors émettre l’hypothèse que les critiques formulées par l’édile villeurbannais étaient davantage destinées à peser dans la négociation avec le maire de Lyon dans le cadre d’un « échange politique » [41] que d’une réelle remise en question du caractère démocratique de la création de la métropole de Lyon.
56Cette extinction de la critique doit selon nous être mise en lien avec le fonctionnement de l’intercommunalité : nous pouvons dire qu’elle est la conséquence de l’internalisation de la controverse au sein d’un appareil politique bien rodé, acculturé au régime du consensus qu’est la Communauté urbaine de Lyon. Le projet de métropole de Lyon étant prévu sur le périmètre de cette dernière, les élus concernés par le projet sont les mêmes qui siègent dans les instances politiques du Grand Lyon. Or, comme ailleurs, c’est un « régime de grande coalition permanente » (Desage, 2009) qui a cours, la majorité allant du centre droit à des élus communistes.
Marseille : entre opposition et négociations, visibilité et discrétion
57À la suite de l’annonce de la création d’une métropole, le gouvernement met en place, à la fin de l’année 2012, une mission interministérielle de préfiguration du projet métropolitain Aix-Marseille-Provence. Dirigée par un préfet nommé directement par le Premier ministre, elle est organisée à l’origine autour de deux instances : un conseil des élus et un conseil des partenaires. Si le second conseil, composé des acteurs dits de la « société civile », a fonctionné du début à la fin de la mission, le Conseil des élus, rassemblant les présidents des six intercommunalités et le maire de Marseille, ne s’est jamais tenu, les élus opposés au projet pratiquant une politique de la chaise vide.
58Pourtant, malgré la forte visibilité de l’opposition qui affirme son rejet total de la métropole Aix-Marseille-Provence, des scènes de négociations avec le gouvernement vont se créer en parallèle. Au sein de la mission interministérielle, un nouvel organe spécifique, le conseil paritaire territorial de projet, est créé à l’initiative de l’État local, afin de permettre une négociation entre gouvernement et élus réfractaires. Cette instance va effectivement se réunir pour discuter, contrairement à ce que laisse penser son intitulé, des questions proprement institutionnelles. De ces discussions, dont il n’existe aucune trace publique, plusieurs aménagements concernant l’institution seront actés, portés par le gouvernement dans le processus législatif de la loi NOTRe du 7 août 2015, qui apporte des précisions à la loi MAPTAM. Elle a débouché sur l’instauration d’une période transitoire entre 2016 et 2020 pour une mise en place progressive des compétences. Concrètement, les communes ainsi que les anciennes intercommunalités, devenues « territoires », conservent la plupart de leurs prérogatives jusqu’en 2020. La loi NOTRe dispose en outre que les conseillers et conseillères communautaires des six intercommunalités fusionnées resteront membres de droit des conseils de territoire, même s’ils ne sont pas membres du conseil métropolitain, ce qui ouvre la voie à un maintien du régime indemnitaire. Cette conciliation est ainsi résumée en entretien par le directeur de cabinet du préfet délégué à la mission interministérielle :
« Alors, les amendements. On a essayé, en fait, il y a eu un jeu de traduction des raisons de l’opposition des élus, qui là était effectué, ce jeu de traduction par la mission interministérielle en des propositions d’amendements qui répondaient dans la logique métropolitaine, aux objections des élus. Donc l’idée c’était “comment le gouvernement, sans renoncer à ce qu’il avait affiché, pourrait répondre à la plupart de ces demandes”. » [42]
60En somme, la tentative de politisation du débat métropolitain (portée un temps par le maire de Martigues) s’est accompagnée d’un règlement discret des différends entre le gouvernement et les maires, dans le sens d’une remunicipalisation et d’un retour aux logiques de fonctionnement antérieures. En cela, le cas d’Aix-Marseille-Provence ne déroge pas à la règle de la confiscation du politique à la faveur des intérêts municipaux. D’ailleurs, c’est bien le regret qu’exprime à demi-mot le directeur de cabinet de Gaby Charroux, interrogé à propos de la mobilisation sous l’égide de l’Union des maires :
« Ben, c’est le euh, je pense que l’Union des maires a pu être à un moment donné le moyen de rassembler, pour porter un certain nombre de choses. Mais en même temps c’est le filtre qui nous a, qui nous a peut-être perdus. Parce que, en fait, ça s’est transformé, je pense que c’est comme ça que de l’extérieur vous l’avez vécu, ça s’est transformé en affaire de pouvoirs entre des élus locaux qui voulaient garder leur pré carré. » [43]
62Si l’alliance de la très grande majorité des maires du département a sans doute donné une grande visibilité à la contestation métropolitaine, permettant la constitution en enjeu largement présent dans la campagne des municipales de 2014, elle a réduit son contenu à une défense de l’échelon communal. Dans cette optique, les « concessions » accordées par le gouvernement ont permis de réduire la force de la contestation et de « faire entrer » certains d’entre eux au sein des instances d’Aix-Marseille-Provence, quand bien même d’autres élus ont maintenu en parallèle la dénonciation publique de l’institution.
Conclusion : confisquer les métropoles, confisquer la réforme
63Nous avons tenté de mettre en évidence un processus de mise à distance des citoyens de la réforme territoriale instituant les métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence. Cette mise à distance s’opère par une faible publicisation, une absence de consultation et a fortiori de délégation de pouvoir via le référendum. Cela tient d’abord à ce que la réforme a été captée principalement par les élus locaux les plus dotés en ressources politiques, qui ont su jouer de leur multipositionnalité pour réduire la possibilité d’expression des voix discordantes. Néanmoins, la séquence réformatrice a, à ses débuts, ouvert un espace de contestation qui a conduit, davantage à Marseille qu’à Lyon, à des tentatives de publicisation par des élus locaux réfractaires au projet. Cette stratégie s’éclaire par les ressources politiques, moindres, de ces élus opposants. Cependant, l’opposition à Lyon, lorsqu’elle n’est pas confinée à des espaces politiques marginaux, s’intègre rapidement dans le fonctionnement institutionnel habituel du Grand Lyon, et dans la logique d’une tractation discrète entre élus. À Marseille, l’opposition, beaucoup plus visible, a multiplié les arènes de débats, notamment durant les campagnes municipales. Mais cette mobilisation s’est surtout opérée sur le registre de la défense de la commune et n’a pas permis de faire émerger durablement des revendications sur des bases idéologiques ou partisanes. Ainsi, la publicisation de l’enjeu métropolitain est allée de pair avec des logiques de tractations discrètes réalisées entre le gouvernement et l’Union des maires, débouchant sur des concessions institutionnelles permettant la neutralisation des dispositions les plus intégratrices d’Aix-Marseille-Provence.
64Nous avons cherché à rendre compte, malgré les différences entre nos deux cas, des logiques comparables d’éloignement du citoyen des questions de réforme institutionnelle. Il nous a semblé important d’opérer cette analyse en tentant de restituer les luttes entre élus locaux, afin de comprendre les ressorts de cet éloignement. Ce faisant, c’est l’analyse en termes de défense corporatiste qu’il conviendrait peut-être de nuancer, dans la mesure où elle semble gommer les différentes stratégies et conceptions des élus sur la question métropolitaine, et ce d’autant plus que ces dernières révèlent souvent des asymétries de ressources politiques. Dans cette optique, la question de la participation des citoyens apparaît comme un outil au service des élus les moins dotés pour faire entendre leurs voix. A contrario, elle est vue comme un facteur d’incertitude pour les réformateurs, lesquels ont cherché à se prémunir d’une publicisation trop forte des débats institutionnels. Il ne s’agit pas d’en déduire un lien de causalité entre une professionnalisation politique moindre et un attachement plus « sincère » à la démocratie. De manière sans doute plus désenchantée, il paraît plus probable de considérer le recours à la participation citoyenne comme un facteur d’incertitude, un risque à prendre en dernier recours et qui, bien souvent, semble moins confortable que des logiques de tractations.
65Les interrogations autour des institutions européennes ou de la Ve République ont été au fondement de larges mobilisations au cours des dernières années : récemment, le mouvement des Gilets jaunes a largement popularisé la question du référendum d’initiative citoyenne (RIC) comme moyen de refonder les institutions politiques (Bendali et al., 2019). Pourtant, tout se passe comme si l’architecture institutionnelle des métropoles n’était pas à la portée des citoyens. Cela est d’autant plus paradoxal que c’est au sein de ces nouvelles institutions créées que les dispositifs de démocratie participative vont s’implémenter, promus notamment par des élus qui ont cherché à prévenir toute implication citoyenne dans le processus réformateur. En mettant en lumière le travail politique qui conduit à cet éloignement, nous avons cherché à apporter une contribution à l’analyse critique du local et du mythe démocratique qui lui est spontanément rattaché (Desage, Godard, 2005).
Bibliographie
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : réforme territoriale, démocratie locale, décentralisation, participation citoyenne, métropoles, France
Mise en ligne 04/03/2021
https://doi.org/10.3917/parti.026.0105Notes
-
[1]
Entretien avec Michel Mercier, président du conseil départemental du Rhône (1990-2013), réalisé le 29 avril 2015.
-
[2]
Projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, exposé des motifs.
-
[3]
Telle qu’elle est exposée dans le discours de Dijon du 3 mars 2012.
-
[4]
François Hollande, discours de Dijon, 3 mars 2012.
-
[5]
Entretien avec un membre du cabinet de la ministre de la Décentralisation, 9 juillet 2015.
-
[6]
Entretien avec une membre du cabinet de Gérard Collomb, 25 juin 2015.
-
[7]
À plusieurs reprises, au Sénat, des amendements liés au renforcement des dispositifs de participation citoyenne, à l’échelle locale, ont été rejetés au motif qu’ils devaient être traités dans le troisième volet. Parmi eux, l’amendement no 696 déposé par Hélène Lipietz (groupe écologiste) à la commission des lois du Sénat.
-
[8]
Il ne s’agit pas de dire que les associations d’élus n’ont pas d’influence. Nos entretiens ont notamment montré les mécanismes de conciliation des intérêts mutuels en amont de la navette parlementaire, notamment entre l’Association des maires de France (AMF) et l’Association des communautés urbaines de France (ACUF). « Du coup, ils nous laissent faire en fait, ils ne se sentent pas concernés par ce texte-là en fait, ça ne perturbe pas leur vision de l’intercommunalité, ils n’ont pas envie de nous embêter parce qu’on travaille bien ensemble sur plein de sujets. C’est une période où on travaille bien ensemble. De la même manière que pour les communes nouvelles, on n’est jamais venus les challenger » (entretien avec le délégué général de l’ACUF réalisé le 27 juin 2019).
-
[9]
Entretien avec le délégué général de l’ACUF, réalisé le 27 juin 2019.
-
[10]
Signalons d’ailleurs que sur les 40 amendements restants, 25 émanent soit du gouvernement (3) soit du rapporteur de la commission des lois (22).
-
[11]
Pour reprendre l’exemple précédent, sur les 109 amendements déposés par les sénateurs bucco-rhodaniens siégeant à la commission des lois, aucun ne sera adopté.
-
[12]
Pour plus de détails sur les modalités de cet accord local, voir Parnet, 2018, p. 138-142.
-
[13]
Entretien avec un administrateur du Sénat, en poste à la commission des lois, 15 novembre 2018.
-
[14]
Le vote conforme désigne le fait de valider tout ou partie d’un texte de loi à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, et donc de le soustraire à une deuxième lecture, si, durant la première lecture à l’Assemblée aucun amendement ne vient le modifier. Disposant d’une majorité confortable à l’Assemblée, le parti socialiste a pu faire tomber l’intégralité des amendements pour éviter une seconde lecture plus incertaine au Sénat.
-
[15]
Entretien avec le rapporteur de la commission des lois (PS) à l’Assemblée nationale, réalisé le 15 juillet 2014.
-
[16]
Entretien avec l’attaché parlementaire de Jean-David Ciot, député-maire (PS) du Puy Sainte Réparade, et vice-président du Pays d’Aix, réalisé le 26 janvier 2017.
-
[17]
Ces modifications ont notamment pour effet de renforcer la représentation de la ville de Marseille au sein du futur conseil de la Métropole.
-
[18]
Entretien avec l’attaché parlementaire de Gaby Charroux, sénateur des Bouches-du-Rhône et président du Pays de Martigues (groupe CRC) siégeant à la commission des lois, réalisé le 26 janvier 2017.
-
[19]
Notons d’ailleurs la position délicate des sénateurs EELV sur la question du référendum. Car, si R. Dantec se dit défavorable à son organisation pour la métropole de Lyon, le groupe écologiste auquel il appartient décide de voter pour un amendement visant à la tenue d’un référendum comme prérequis de l’évolution du périmètre institutionnel d’une commune comme d’un EPCI. Voir l’intervention d’Hélène Lipietz (groupe écologiste), séance du 31 mai 2013, compte rendu des débats, projet de loi MAPTAM, 1re lecture.
-
[20]
Extrait de : Sénat, 2013, Compte rendu intégral des débats, Séance du 4 juin 2013, Séance publique, 1re lecture du projet de loi MAPTAM, http://www.senat.fr/seances/s201306/s20130604/s20130604_mono.html (accès le 18/11/2020).
-
[21]
Nous soulignons.
-
[22]
Georges Gontcharoff, 2012, Décentralisons autrement le livre blanc citoyen du développement local et de la décentralisation, Condé-sur-Noireau, ADELS - UNADEL.
-
[23]
Entretien avec un membre de la commission nationale des conseils de développement, réalisé le 10 mai 2017. Notons toutefois qu’à la faveur d’amendements portés par les élus écologistes, la loi MAPTAM impose la création d’un conseil de développement dans les métropoles, ainsi que dans les Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux.
-
[24]
Jean Maillet, « Participation citoyenne : quoi de neuf avec la loi NOTRe ? », site de l’UNADEL, 18 novembre 2015, https://unadel.org/participation-citoyenne-quoi-de-neuf-avec-la-loi-notre (accès le 18/11/2020).
-
[25]
Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
-
[26]
Georges Gontcharof, « Note d’analyse no 162, Loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), partie 3 – questions diverses », site de l’UNADEL, https://unadel.org/wp-content/uploads/2015/11/loi-notre-162_1015_3.pdf (accès 18/11/2020).
-
[27]
Renaud Payre, « Pour une action métropolitaine… Démocratique et solidaire », Tribune du GRAM, 21 mars 2014.
-
[28]
Entretien avec Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement de Lyon, 27 novembre 2018.
-
[29]
« Métropole de Lyon : les réserves de Bret devant le Sénat », Lyon Mag, 22 avril 2013, https://www.lyonmag.com/article/52534/metropole-de-lyon-les-reserves-de-bret-devant-le-senat (accès le 30/11/2020).
-
[30]
« Le maire de la ville centre ne doit pas être le président de la Métropole », in Laurent Burlet, « Villeurbanne contre Lyon ? Jean-Paul Bret ne veut pas de Collomb à la tête de la Métropole », Rue89 Lyon, 18 septembre 2013, http://www.rue89lyon.fr/2013/09/18/villeurbanne-contre-lyon-jean-paul-bret-ne-veut-pas-de-collomb-a-la-tete-de-la-metropole (accès le 18/11/2020).
-
[31]
Nonobstant des pratiques de cumul dans le temps et dans l’espace à d’autres moments de leur carrière politique.
-
[32]
Voir notamment : Ghislaine Milliet, « Martigues : manifestation contre la métropole », France 3 Provence Alpes Côte d’Azur, 7 septembre 2014, https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/2014/09/07/martigues-manifestation-contre-la-metropole-545910.html (accès le 18/11/2020).
-
[33]
Né en 1942 en Algérie, et issu d’un milieu populaire, il est enseignant de formation. Il s’installe à Martigues en 1972, prend la présidence d’un club sportif et entre au conseil municipal de la commune sur la liste de Paul Lombard (PC) à partir de 1989. Il est élu en 2008 conseiller général des Bouches-du-Rhône, intégrant la majorité, présidée par Jean-Noël Guérini (PS). La même année, il devient président du Pays de Martigues (Communauté d’agglomération). En 2009, il est élu maire de Martigues (à la suite de la démission de Paul Lombard). En 2012, il est élu député sous l’étiquette Front de gauche, ce qui le contraint à démissionner de son mandat au conseil général, la loi en interdisant le cumul. En 2013, il cède la présidence du Pays de Martigues à son premier adjoint, souhaitant mettre « toute son énergie » dans le combat contre la métropole (il conserve néanmoins ses fonctions de maire de Martigues et de député).
-
[34]
Entretien avec le directeur de cabinet de Gaby Charroux, maire de Martigues et président de la CA du Pays de Martigues, réalisé le 23 octobre 2016.
-
[35]
Gaby Charroux, 2015, Métropole, un autre chemin, Marseille, Les Éditions des Fédérés.
-
[36]
Née en 1966, Magali Giovannageli est professeure d’espagnol dans le secondaire. Élue PC au conseil municipal d’Aubagne dès la fin de ses études en 1989, elle mène de front son mandat et sa vie professionnelle jusqu’en 2002, date à laquelle elle obtient un détachement de l’Éducation nationale. Cela lui permet de se consacrer à son nouveau poste de première adjointe au maire d’Aubagne Daniel Fontaine (PC). En 2008, elle devient vice-présidente à la Communauté d’agglomération, en charge des « espaces participatifs du territoire ». Elle est à l’origine de l’insertion d’Aubagne dans des réseaux de villes comme Cités et Gouvernements Locaux Unis, au sein duquel elle est élue vice-présidente de la commission « Inclusion sociale et démocratie participative ». En 2011, elle est élue présidente de la commission à la suite de la démission d’Alain Belviso (PC) jusqu’en 2014, où la liste qu’elle mène est battue par une liste UMP. À partir de cette date, elle est conseillère municipale et communautaire dans l’opposition.
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[37]
Entretien avec Magali Giovannangeli, présidente de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne, réalisé le 16 décembre 2015.
-
[38]
Entretien avec Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence et présidente de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aix.
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[39]
Maryse Joissains est née en 1942 à Toulon. Issue d’un milieu populaire et politisé (ses parents sont militants communistes), elle-même est membre des Jeunes communistes. Employée de guichet à la Sécurité sociale, militante CGT, elle décide de démissionner et de reprendre ses études en 1964. Elle suit un cursus de droit à l’Université de Toulon, y rencontre son mari, Alain (qui sera maire d’Aix-en-Provence de 1978 à 1983). Elle s’éloigne de ses premiers engagements politiques et adhère au Parti radical. Elle devient avocate en 1969, reconnue pour avoir plaidé en faveur des victimes du sang contaminé ou encore de l’amiante. Première adjointe au maire (UDF) d’Aix-en-Provence de 1983 à 1989, elle est aussi conseillère régionale PACA de 1983 à 1986. En 2001, elle est élue maire d’Aix-en-Provence, sur une liste divers droite (qui fusionne avec deux listes UDF et RPR, au second tour) et présidente du Pays d’Aix. Tête de liste UMP quelques mois plus tard aux législatives, elle devient députée des Bouches-du-Rhône jusqu’à sa défaite en 2012 contre JeanDavid Ciot (PS).
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C’est par exemple le cas de Roland Povinelli, maire (PS) d’Allauch (commune de 20 000 habitant·e·s à l’est de Marseille) depuis 1977, et sénateur depuis 2008, après avoir exercé des mandats de député suppléant, de conseiller général et régional. Dans une moindre mesure, c’est aussi le cas de Gaby Charroux (PCF), maire de Martigues (depuis 2009) et député (depuis 2012).
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Au sens qu’en donne E. Négrier, à savoir « une transaction, ou une série de transactions entre plusieurs ressources et acteurs dont l’enjeu majeur est constitué par l’action publique au sein d’un territoire donné et/ou entre territoires. Ces transactions dépendent de règles du jeu politique, s’inscrivent dans des configurations territoriales, et contribuent de façon dialectique à leur reproduction et à leur changement » (Négrier, 2005, p. 214).
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Entretien avec le directeur de cabinet du préfet délégué à la Mission interministérielle et responsable de la mutation institutionnelle de la Métropole Aix-Marseille-Provence, réalisé le 23 novembre 2015.
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Entretien avec le directeur de cabinet de Gaby Charroux, maire de Martigues et président de la CA du Pays de Martigues, réalisé le 23 octobre 2016.