Notes
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[1]
Marie-Hélène Bacqué, Mohammed Mechmache, Pour une réforme radicale de la politique de la ville, rapport remis à François Lamy, ministre délégué chargé de la Ville, en juillet 2013. On parle du « rapport Bacqué-Mechmache » pour le désigner.
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[2]
On peut considérer ces acteurs, dont fait partie la FCSF, comme étant hors du champ du mouvement social dans le sens où, d’une part ils sont plus dépendants des institutions publiques, et d’autre part ils ne partagent pas ses principes ou son répertoire d’action (É. Neveu, 2015). Ils peuvent néanmoins avoir été des mouvements sociaux ayant connu des processus d’institutionnalisation (Bacqué, 2005).
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[3]
FCSF, 2015, Expérimentation des Tables de quartiers. Kit d’appui, avril 2015, p. 14, http://expetablesdequartier.centres-sociaux.fr/files/2015/07/kit_d_appui_tables_de_quartier_v3_20avril2015-web.pdf (accès le 26/06/2019).
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[4]
Cette observation a donné lieu à une communication collective avec Marion Carrel, Jeanne Demoulin et Aurélien Pidoux lors d’une journée d’études de l’Association française de sociologie (Carrel et al., 2015).
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[5]
M.-H. Bacqué, M. Mechmache, op. cit., p. 20. Les citations suivantes sont extraites du même document.
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[6]
Dans leur ouvrage Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener (2013) décrivent trois modèles d’empowerment : un radical, l’autre social-libéral, et le dernier néolibéral.
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[7]
Entretien avec Marie-Hélène Bacqué, 20 février 2018. Elle évoque également cette approche dans son analyse rétrospective du processus d’élaboration du rapport (Bacqué, 2015).
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[8]
Entretien avec Marie-Hélène Bacqué, 20 février 2018.
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[9]
Comme Stop le contrôle au faciès, ou l’Alliance citoyenne de Grenoble. À ce sujet, voir le numéro 85 de la revue Mouvements, intitulé « Ma cité s’organise », et consacré au community organizing.
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[10]
On peut notamment citer sa présence à une journée de mobilisation des acteurs de la politique de la ville visant la création d’une « Grande Équipe de la réussite républicaine », organisée le 13 juin 2019 par le ministre chargé de la Ville et du Logement Julien Denormandie.
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[11]
Selon les termes d’un article paru dans Ouest France le 7 septembre 2014, http://www.ouest-france.fr/quartiers-la-secretaire-detat-adoube-la-coordination-citoyenne-2806568 (accès le 26/06/2019).
-
[12]
FCSF, 2000, Charte fédérale des centres sociaux et socio-culturels de France, p. 2, http://www.centres-sociaux.fr/files/2010/02/Charte-des-centres-sociaux-et-socioculturels-de-France.pdf (accès le 26/06/2019).
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[13]
FCSF, 2014, La Fabrique des possibles, projet fédéral 2014-2022, p. 8, http://www.centres-sociaux.fr/files/2014/09/La-Fabrique-des-possibles-projet-f%C3%A9d%C3%A9ral-2014-2022.pdf (accès le 26/06/2019).
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[14]
FCSF, 2013, La Fabrique des possibles, vidéo d’introduction au projet fédéral, 3 min 20 s (extrait cité : 1 min 50 s), https://vimeo.com/68597911 (accès le 24/06/2019).
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[15]
Entretien avec François Vercoutère, 12 mai 2016.
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[16]
Les postes d’adulte relais sont des postes de médiation culturelle dans les quartiers de la politique de la ville. Les employeurs (associations, collectivités, établissements publics) reçoivent une aide de l’État. Les salariés doivent remplir trois conditions : habiter un quartier populaire, avoir moins de 30 ans, être sans emploi.
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[17]
Entretien avec Sébastien Jallet, délégué en charge de la politique de la ville, Commissariat général à l’égalité des territoires, 9 mars 2018.
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[18]
Entretien avec Marie-Hélène Bacqué, 20 février 2018.
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[19]
À l’image des centres sociaux, les espaces de vie sociale sont des structures de proximité reconnues et agréées par la Caisse d’allocations familiales. Elles sont souvent moins importantes que les centres sociaux en termes de financements, d’équipements et de salariés.
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[20]
FCSF, Étude préalable à l’expérimentation des tables de quartier, 5 février 2014, document interne.
-
[21]
Actif de 2011 à 2017, le collectif Pouvoir d’agir était un réseau d’échanges et de réflexion autour de cette notion, regroupant des militants et des professionnels de la politique de la ville et de l’animation socioculturelle.
-
[22]
FCSF, 2015, Expérimentation des Tables de quartiers. Kit d’appui, avril 2015, p. 14, http://expetablesdequartier.centres-sociaux.fr/files/2015/07/kit_d_appui_tables_de_quartier_v3_20avril2015-web.pdf (accès le 26/06/2019). Les citations suivantes sont tirées du même document.
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[23]
Un travail déjà entamé sur certains territoires, notamment sur Roubaix, où le sociologue Julien Talpin a montré la difficulté, pour le monde associatif, de se constituer en contre-pouvoir sans subir la répression des institutions locales (Talpin, 2016).
1En 2014, parallèlement à la mise en place des conseils citoyens prévus par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, une expérimentation intitulée « tables de quartier » est lancée par deux coordinations associatives nationales, la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) et la coordination Pas sans Nous (PSN). Elle est financée par le ministère de la Ville pendant trois années. Ces deux dynamiques sont issues d’une même proposition, issue d’un rapport qui lui a été remis en 2013 par la sociologue Marie-Hélène Bacqué et le militant associatif Mohammed Mechmache [1]. Néanmoins, elles se distinguent par leur objet. Les tables de quartier sont présentées par le rapport comme des « espaces citoyens » d’échanges, de débats et d’actions collectives, qui rassemblent les associations et les collectifs à l’échelle du quartier. Il ne s’agit pas d’une instance de concertation à l’initiative des pouvoirs publics, mais bien d’une mobilisation locale portée par le tissu associatif. Ces tables existent depuis les années 1980 au Québec, et plus particulièrement à Montréal.
2Le présent article se propose d’étudier le processus d’institutionnalisation de cette dynamique en France. Comment est-elle passée du statut de recommandation dans un rapport prônant une « réforme radicale de la politique de la ville », à une expérimentation nationale financée par l’État et mise en place par deux coordinations associatives dans une dizaine de quartiers ? L’analyse des négociations à l’œuvre entre le ministère de la Ville, la FCSF et PSN permet de mieux comprendre comment associations et État entrent en dialogue dans un tel projet de démocratie participative. Ce faisant, il contribue à éclaircir la manière dont l’institutionnalisation de la participation passe par une réarticulation des relations entre administrations publiques et mouvements sociaux (Dagnino, 2007 ; Ferguson, 2004 ; C. Neveu, 2011). Le déploiement de la participation institutionnelle ne met pas fin à celles-ci : il les modifie, en imposant de nouvelles normes de discussion basées sur la transparence et la délibération (Blondiaux, Sintomer, 2002). Bien loin de disparaître, les contre-pouvoirs sont amenés à y jouer un rôle, en s’adaptant à cet impératif ou en contestant sa légitimité. Leur activité est vue comme une condition de démocratisation des processus de concertation (Fung, Wright, 2005 ; Blondiaux, 2008). Cette évolution concerne par ailleurs d’autres acteurs, privés ou semi-publics, tels que des associations du social, de l’éducation ou encore de la culture (Barthélémy, 2000 ; Rudolf, 2003 ; Rui, Villechaise-Dupont, 2006) et qui interviennent dans la production et l’animation de dispositifs participatifs [2]. Les prendre en considération permet de sortir d’une opposition duale entre État et mouvement social, pour appréhender la multitude des configurations et des articulations entre acteurs publics et privés dans l’institutionnalisation de la démocratie participative.
3Cette dernière peut être observée à l’aune de deux approches complémentaires. La première sollicite la littérature sur les référentiels d’action (Muller, 2000 ; Chevalier, 2007) pour questionner les objectifs politiques alloués à la notion même de participation chez les acteurs mobilisés. L’affaiblissement de sa portée transformatrice apparaît comme une caractéristique de sa réappropriation institutionnelle (Hatzfeld, 2011). Cette entrée par les idées doit alors être complétée par une analyse des rapports de pouvoir entre les acteurs, et des intérêts en jeu (Palier, Surel, 2005). Le contexte néolibéral de valorisation du partenariat et la mise en concurrence par la logique de projet établissent des types de relations particulières entre mouvements sociaux et pouvoirs publics (de Maillard, 2002 ; Fung, 2003) qui impactent la nature des dynamiques participatives engendrées. Ces deux approches se croisent dans les deux parties de l’article. Une première décrit les organisations porteuses de l’expérimentation : leur référence commune au « pouvoir d’agir » masque des différences de nature, d’objectifs politiques et de rapports aux institutions publiques. La seconde partie revient sur les étapes de mise en place des tables de quartier, qui vont amener l’État à financer une expérimentation portée par deux associations. L’analyse s’arrête à l’échelon national et n’analyse pas la diversité des contextes locaux de mise en place de ces tables de quartier. Néanmoins, au cours de cette période de négociation nationale, un ensemble d’éléments viennent modifier la proposition du rapport Bacqué-Mechmache : les négociations entre PSN, la FCSF et l’État, notamment autour du financement ; le choix des structures locales parties prenantes ; la construction d’un cadre commun, à travers la création d’un guide sous forme de « kit ». Ces enjeux sont le théâtre d’une forme d’institutionnalisation de la dynamique, que l’on définira comme le processus d’ajustement de la proposition initiale aux pratiques et aux représentations des institutions publiques (Lagroye, Offerlé, 2011) – ici la politique de la ville qui finance et reconnaît la démarche. Ce processus est principalement marqué par la disparition relative de la portée conflictuelle des tables de quartier, présente dans le rapport Bacqué-Mechmache, au profit d’une lecture partenariale des relations entre la société civile et les administrations publiques.
4L’enquête est menée entre 2014 et 2017 dans le cadre d’une thèse de doctorat en études urbaines financée par une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) au sein de la FCSF. Cette dernière aura permis de vivre, en interne, les négociations et les conflits à l’œuvre autour de la mise en place de l’expérimentation des tables de quartier. Elle aura ouvert l’accès aux réflexions et aux débats internes des différents porteurs de ce projet, qui n’auraient pas été accessibles sans ce positionnement particulier d’insider permis par le statut de salarié. Le travail d’enquête s’appuie plus particulièrement sur une dizaine d’entretiens avec des dirigeants, salariés ou présidents des trois organismes étudiés (la FCSF, PSN et le CGET), l’observation des rencontres nationales menées entre 2013 et 2017 autour du lancement et de la mise en place de l’expérimentation des tables de quartier, et sur la lecture critique des documents phares encadrant cette expérimentation, le rapport Bacqué-Mechmache et le kit d’appui des tables de quartier produit par la FCSF [3]. L’analyse des deux structures s’appuie en outre sur des observations participantes, d’une part au temps de construction de la coordination Pas sans Nous [4], et d’autre part aux espaces de réflexion et de décision concernant la stratégie de la FCSF sur le « pouvoir d’agir », et plus précisément sur le lancement de l’expérimentation.
5La thèse en CIFRE n’est pas sans poser de questions sur la nature du lien entre le chercheur et son objet d’étude. Si cette question se pose pour toute démarche scientifique, elle est particulièrement aiguë dans le cas des CIFRE, où les statuts d’enquêteur, d’expert-conseiller et d’animateur de dispositifs de réflexion collective s’entremêlent parfois (Demoulin, Tribout, 2014). J’ai ainsi été un acteur de la mise en œuvre et l’animation des tables de quartier. Une séparation nette entre temps professionnels, effectués dans les bureaux de la FCSF à Paris, et temps de recherche au laboratoire Mosaïques à l’Université Paris Nanterre a permis de différencier ces statuts. Sur le terrain, j’ai pu alterner, de la même manière, travail d’animation et travail d’enquête, en négociant avec mon employeur et les enquêtés de pouvoir effectuer également de l’observation non participante et des entretiens. Néanmoins, une coupure d’un an a été nécessaire entre la fin du contrat CIFRE et l’entame du travail d’analyse présenté ici. En me débarrassant de ma fonction de conseiller et d’animateur, j’ai pu délaisser une approche opérationnelle et évaluative de mon sujet. L’année de mise à distance (Elias, 1993 ; Corcuff, 2011) m’a permis d’adopter un positionnement critique (Gourgues, Rui, Topçu, 2013) basé sur l’explicitation des cadres idéologiques et des jeux de pouvoir qui sous-tendent l’expérimentation.
Derrière les mêmes termes, des postures et des organisations radicalement différentes
6L’initiative et la coordination de l’expérimentation nationale des tables de quartier reposent sur deux organisations ayant un statut très différent : la FCSF, fédération centenaire d’éducation populaire, et la coordination PSN, « syndicat des quartiers populaires » né en 2014 des suites du rapport Bacqué-Mechmache. Toutes deux emploient la notion d’empowerment, ou sa traduction en « pouvoir d’agir », pour qualifier leurs objectifs. Néanmoins, elles interprètent différemment son sens. On ne peut comprendre ces écarts sans revenir sur la structuration de ces deux organisations. Leur nature, comme leur discours sur la participation, témoignent de deux rapports différents à la question démocratique.
Le rapport « Bacqué-Mechmache » : un « empowerment à la française »
7La coordination Pas sans Nous est issue du rapport Bacqué-Mechmache, qui prône l’émergence d’une « politique d’empowerment à la française » [5]. Si, en tant que chercheuse, Marie-Hélène Bacqué a déjà mis en avant le caractère profondément polysémique de la notion d’empowerment (Bacqué, Biewener, 2013) [6], le rapport s’appuie explicitement sur son acceptation la plus « radicale », comme en témoigne le titre du rapport. Dans ce cadre, les auteurs attendent de la participation qu’elle « prenne en compte à la fois les enjeux de pouvoir, les inégalités et la conflictualité dans le débat démocratique, dans une perspective de transformation sociale ».
8Le texte prend en considération plusieurs formes de démocratie participative : « institutionnelle, d’interpellation et d’initiative ». Il expose ainsi un certain nombre de points d’amélioration de la concertation organisée par la politique de la ville : la simple consultation des habitants ne suffit plus, elle doit désormais être « co-construite ». Le rapport s’inscrit ici dans l’impératif délibératif, en visant des procédures de meilleure qualité. Dans un autre registre, il prône la constitution et le financement de collectifs et de dynamiques à même de contribuer à interpeller et contester les décisions publiques, à l’image de l’idée de création d’un fonds pour la contre-expertise. Il se situe ainsi entre délibération et contre-pouvoir. Cette stratégie renvoie à l’« activisme délibératif » (Fung Wright, 2005 ; Fung, 2011). Se situant dans le cadre d’une gouvernance délibérative, cet activisme consiste à adopter autant que possible une éthique de la délibération, basée sur la raison et la persuasion, tout en conservant la possibilité de transgresser ces normes face à des circonstances défavorables, marquées par de fortes inégalités et une absence de réciprocité. Dans ces cas, il apparaît légitime d’adopter des répertoires d’action plus conflictuels. Cette stratégie est revendiquée par Marie-Hélène Bacqué, qui considère par ailleurs que ce positionnement « correspond et objective le parcours de Mohammed [Mechmache] et de son association » [7]. Il constitue ainsi le point de rencontre entre les auteurs et sous-tend la logique du rapport, entre délibération et conflit.
9La recommandation des tables de quartier suit cette logique. Elle est un outil de mise en commun des associations et des habitants du quartier, pour mieux rendre compte de ses problèmes et de ses besoins. Elle permet également, si besoin, de produire une force collective susceptible de mobiliser pour influencer les politiques publiques dans une logique de contre-pouvoir. Au cœur de cette recommandation, on retrouve la question de l’autonomie financière, qui apparaît comme le moyen de faire coexister reconnaissance et posture critique.
Des tables de quartier montréalaises au rapport Bacqué-Mechmache
Cette tension entre financement et autonomie intéresse particulièrement Marie-Hélène Bacqué lorsqu’elle propose la mise en place de telles dynamiques en France. En 2005, elle suit durant un an l’activité de l’une d’entre elles, Action-Gardien, qu’elle définit comme « la table qui est sans doute la plus radicale » de la ville. Elle en tire une analyse comparative avec les formes d’action collective portées par des associations à Paris, où elle montre la capacité de la table de quartier de se professionnaliser tout en conservant une dimension contestataire (Bacqué, 2005). Il ne s’agit pourtant pas, selon elle, d’importer à l’identique ce modèle de table, mais de s’appuyer sur l’existence et la reconnaissance institutionnelle d’une telle dynamique au Québec pour légitimer la demande de faire exister, et financer, en France, « des espaces d’autonomie, des espaces de construction d’un contre-pouvoir, au niveau local » [8].
Du rapport à la coordination Pas sans Nous : un mouvement social délibératif
10Le processus de construction du rapport est également l’occasion d’engager un travail de mise en réseau de ces acteurs associatifs. Les auteurs effectuent un tour de France des quartiers populaires, où ils rencontrent des associations très diverses, parmi lesquelles on retrouve d’anciens militants du Mouvement immigration banlieue (MIB) et du Forum social des quartiers populaires (FSQP). Par ailleurs, ils créent une commission pour accompagner la rédaction du rapport. Celle-ci regroupe des professionnels de la politique de la ville, des universitaires, quelques élus, mais également des leaders associatifs : on y retrouve des réseaux tissés par Mohammed Mechmache, des acteurs mettant en œuvre des dynamiques de community organizing en France [9], et enfin des structures plus reconnues et plus institutionnelles, comme la fondation Abbé Pierre et la FCSF. Après une première réunion où des membres du Secrétariat général du comité interministériel des villes (SGCIV, fondu en 2014 dans le CGET), administration centrale de la politique de la ville, seront présents, les auteurs du rapport vont exiger de pouvoir évoluer en toute autonomie vis-à-vis de l’administration, et obtenir gain de cause auprès du ministre François Lamy.
11Les 29 et 30 juin 2013, une conférence de citoyens est organisée par la commission pour produire un avis collectif sur le rapport. Elle a pour objectif de rendre visible le rapport, mais également de le légitimer. Outre sa portée délibérative, elle est l’occasion de faire se rencontrer l’ensemble des acteurs mobilisés pendant la production du rapport. Ceux-ci vont se retrouver, en 2014, pour donner naissance à la coordination Pas sans Nous. Durant cette période, certains membres quittent la commission ou se tournent vers une position d’« alliés » en prenant part à la création d’un Conseil scientifique et technique. Le cœur de la coordination devient, petit à petit, composé essentiellement d’associations agissant à l’échelle locale. Cette structuration permet de poursuivre une activité de lobbying national autour des propositions du rapport entamée par la commission, mais aussi de constituer un réseau. La coordination se conçoit comme un syndicat dont l’objectif serait « la défense des droits et des intérêts communs des habitants des quartiers populaires sur l’ensemble du territoire français », par une plus grande participation des habitants aux décisions qui les concernent, ainsi qu’une plus grande reconnaissance et un meilleur financement des collectifs organisés à l’échelle locale. Elle mobilise des répertoires d’action qui oscillent entre conflit et délibération, dans la suite de la stratégie d’activisme délibératif proposée par le rapport. Elle fait partie des signataires de l’appel à la Marche pour la dignité contre les violences policières le 31 octobre 2015, et elle appelle à soutenir la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes. Dans le même temps, elle participe au comité de suivi national des conseils citoyens mis en place par le CGET (elle s’en retirera par la suite face à l’impossibilité d’influencer leur nature), ou à divers événements organisés par le ministère de la Ville pour mobiliser les acteurs des quartiers populaires [10]. Elle organise également ses propres actions de mobilisation, parmi lesquelles une conférence de consensus, en 2015, pour débattre et publiciser une proposition du rapport portant sur l’existence d’un fonds d’interpellation citoyenne, ou encore une université d’été des quartiers populaires, regroupant des militants associatifs, des professionnels et des universitaires, qui se tient en 2017 à Angers et en 2019 à Roubaix. La coanimation de l’expérimentation des tables de quartier est une des dynamiques importantes de la coordination.
12Des conflits existent au sein de PSN, qui s’articulent autour de deux types de tensions : entre délibération et conflit d’une part, et entre activité de lobbying national et activité de mise en réseau d’associations locales d’autre part. Certains membres n’hésitent pas à montrer leur perplexité face à la démarche du rapport et sur la capacité de la coordination à réellement influencer la politique de la ville au niveau national. Ils souhaitent privilégier l’entraide et la reconnaissance locale des structures. Lors des temps de rencontre nationaux de PSN, la venue de personnalités politiques attise ces clivages. Ainsi, l’assemblée générale de PSN à Nantes en septembre 2014 est l’occasion d’une visite et d’une prise de parole de Myriam El Khomri, alors secrétaire d’État chargée de la Ville. Cette venue est vue par certains comme bénéfique : elle montre une reconnaissance, par l’État, de la coordination. Pour d’autres participants à l’AG, cet « adoubement » [11] de la ministre inquiète sur la capacité du mouvement à rester contestataire. Cette crainte de l’instrumentalisation ne prend pas l’État pour seule cible. Elle produit des formes de défiance à l’encontre d’acteurs considérés comme institutionnels : les pouvoirs publics, mais également les professionnels agissant dans les quartiers populaires, certaines fédérations d’associations ou encore les universitaires. La participation à l’expérimentation des tables de quartier avec la FCSF, ou à une évaluation nationale des conseils citoyens avec l’Université Paris Nanterre, fait, par exemple, l’objet de débats internes.
13Ainsi, dans sa structuration, son répertoire d’action et ses objectifs, PSN alterne entre des approches pluralistes ou délibératives de la démocratie. Elle développe une stratégie qui lui fait accepter et défendre les règles du jeu de l’impératif délibératif, tout en usant d’autres répertoires d’action plus conflictuels. On peut ainsi définir la coordination Pas sans Nous comme un mouvement social délibératif, un contre-pouvoir adapté au contexte de l’impératif délibératif. Cette posture fait pourtant l’objet de débats internes quant à la position à adopter face aux acteurs nationaux avec qui la coordination intervient, parmi lesquels on retrouve la FCSF.
Les centres sociaux et le développement du « pouvoir d’agir » des habitants
14Dans sa valorisation du tissu associatif présent dans les quartiers populaires, le rapport Bacqué-Mechmache distingue deux types d’acteurs : les grandes fédérations d’éducation populaire – dont la FCSF fait partie – et les petites associations de quartier, moins reconnues et moins financées par les pouvoirs locaux. Ces dernières constituent le cœur du rapport, le moteur de la transformation sociale attendue. À côté, les structures telles que les centres sociaux, ou encore les Maisons des jeunes et de la culture (MJC), sont présentées comme des prestataires de services et d’activités, souvent éloignés des habitants. Dans ce cadre, les auteurs du rapport considèrent que ce type d’organisations ne peut pas être à l’initiative de mobilisations locales, car elles sont trop éloignées des populations et trop proches des pouvoirs publics. Tout au mieux, elles peuvent être des « points d’appui » à ces mobilisations, à condition qu’elles « renouvellent leurs pratiques ». Cette critique renvoie aux centres sociaux l’image d’équipements institutionnels qu’eux-mêmes souhaitent dépasser.
15Ces structures d’éducation populaire oscillent historiquement entre un discours et des pratiques à visée émancipatrice et démocratique, et une position de prestataires de services, financés par des politiques sociales, qui tendent plutôt vers une injonction à la paix sociale (Bresson, 2002 ; Haeringer, 2008 ; Cortesero, 2013). Leurs relations avec les pouvoirs publics ont toujours été marquées par cette tension : « depuis leur apparition, au xixe siècle, les centres sociaux ont appris à concilier autonomie d’action et dépendance financière » (Bresson, 2002, p. 72). Après une phase d’institutionnalisation survenue dans les années 1960, les centres sociaux se retrouvent dans une situation paradoxale : ils se positionnent comme des représentants légitimes de la société civile auprès des pouvoirs publics (Dagnino, 2007) alors même qu’ils se professionnalisent et que leurs forces vives sont de plus en plus éloignées des habitants et des territoires. Dans le même temps, cette reconnaissance institutionnelle aboutit sur la délégation d’une partie de l’action publique, notamment l’animation de dispositifs participatifs. Les années 1980-1990 voient apparaître le chômage de masse, et avec lui, un changement de mode d’intervention de l’État vis-à-vis de la question sociale. La généralisation de la logique de projet, ainsi que la mise en concurrence, perturbent le secteur de l’animation socioculturelle (Donzelot, Estèbe, 1994 ; Castel, 1995).
16Dès la fin des années 1990, le réseau entame une réflexion sur son projet politique. En 2000, il adopte une charte fédérale qui renvoie l’action des centres à trois valeurs centrales : la dignité humaine, la solidarité et la démocratie. Vis-à-vis de cette dernière, la charte précise les objectifs des centres sociaux : « [É]tablir, et au besoin conquérir, avec et pour les habitants […] des espaces de discussion et de participation concernant leur vie quotidienne et celle de la collectivité » [12]. Dix ans plus tard, le réseau travaille sur un projet fédéral, finalement adopté en 2014, dont le leitmotiv est le « développement du pouvoir d’agir ». La fédération des centres sociaux cherche désormais à libérer les « capacités d’imagination et d’action de la société civile » [13]. Le projet fédéral affirme l’existence de rapports de domination et d’inégalités sociales, contre lesquels les centres sociaux peuvent lutter par le biais du développement du pouvoir d’agir. Or, le réseau des centres sociaux entretient historiquement un rapport distancié avec la question du conflit, comme l’explicite Régis Cortesero : « [L]es centres sociaux […] affirment le projet paradoxal d’intervenir sur des rapports sociaux conflictuels avec une vision consensualiste de l’action » (Cortesero, 2013, p. 49). Ainsi, si la FCSF mobilise les notions de démocratie et de participation, puis, plus récemment, de pouvoir d’agir, c’est pour mettre en avant des notions plus ou moins consensuelles, comme le dialogue, l’envie d’agir, la capacité d’imagination. Néanmoins, on l’a vu, la charte rédigée en 2000 évoque la possibilité de « conquérir » des espaces de participation. En 2013, dans le cadre de la préparation de son projet fédéral, la FCSF publie une vidéo où elle présente des actions que les centres sociaux peuvent mettre en place en faveur du développement du pouvoir d’agir. Sont évoqués la création de jardins partagés, de ressourceries ou encore de systèmes d’échanges locaux. La vidéo présente également un autre exemple, dans un autre registre : « Et contre ce bailleur peu scrupuleux ? Le mieux serait d’être très nombreux, mobiliser les locataires et leurs voisins, pour faire entendre leur voix et faire valoir leurs droits. » [14] Ainsi, la FCSF esquisse, avec ce projet fédéral, une vision agonistique de la démocratie, qui entre en contradiction avec une histoire majoritairement marquée par un évitement du politique (Durand, 2006), et avec la réalité d’un réseau fortement institutionnalisé depuis les années 1960.
17Cet écart s’explique par le rôle occupé par ce projet fédéral. La FCSF construit, avec son réseau, un projet politique qui est un objet de réflexion, un horizon commun relativement indéfini, et non un cadre contraignant. Il ne s’impose pas à l’ensemble des adhérents, mais constitue une base de discussions, de débats, de formations et d’expérimentations. Il répond à une quête de sens de la part de salariés et de bénévoles qui ne se satisfont pas de seules activités de prestation de services, ou de formes d’animation déconnectées d’enjeux démocratiques. La référence au « pouvoir d’agir » permet en outre d’articuler un discours sur le rôle des centres sociaux dans un contexte où ils sont de plus en plus amenés à devoir démontrer leur « utilité sociale » (Hély, 2010). Dans les faits, la traduction radicale du « pouvoir d’agir » reste finalement très marginale dans le réseau, à côté des formes de participation basées sur des registres d’intégration ou de cohésion sociale, qui sont majoritaires (Cortesero, 2013). Ainsi, l’interprétation de la notion de participation est différente entre la FCSF et PSN, particulièrement dans sa relation au conflit. Leur taille, leur ancienneté, et surtout leur rapport aux pouvoirs publics, ne sont pas non plus équivalents. La construction concrète de l’expérimentation, qui démarre par une phase de négociations, va donner à voir ces différences de positionnement.
La mise en place des tables de quartier
18Le passage de la recommandation initiale du rapport au lancement de l’expérimentation nationale des tables de quartier s’opère à travers trois moments cruciaux : la négociation avec l’État, notamment autour du financement ; le choix des structures porteuses localement ; et la tentative de définition d’une table avec la construction du « kit » rédigé par les salariés de la FCSF.
Le poids des logiques partenariales dans la négociation
19Dès 2013, la FCSF s’engage dans plusieurs axes de travail pour la mise en pratique de son projet fédéral. Elle développe notamment un certain nombre de formations et d’expérimentations. Parmi elles, on retrouve les tables de quartier. Son délégué, François Vercoutère, en est à l’initiative. Il a été sollicité par Marie-Hélène Bacqué pour être membre de la commission du rapport. Selon lui, les tables de quartier sont « exactement ce qu’un centre social devrait pouvoir faire dans le quartier » [15]. Les formes de participation à l’initiative des centres sociaux doivent aboutir sur « plus de pouvoir partagé » entre habitants et pouvoirs publics ; il voit dans les tables de quartier la possibilité de pousser dans ce sens.
20Dès la parution du rapport, en juillet 2013, il contacte Joëlle Boneu, alors membre du cabinet du ministre de la Ville, avec qui il avait déjà été amené à collaborer dans le cadre d’un groupe de travail sur les politiques de solidarité en 2012. Il lui propose, dans un premier temps, de négocier avec François Lamy le financement de dix tables de quartier, qui seraient portées par dix centres sociaux. Les premiers retours sont plutôt positifs. Néanmoins, les équipes du ministère décident finalement de privilégier la piste des conseils citoyens. Le délégué de la FCSF change de stratégie, et contacte Marie-Hélène Bacqué, coauteure du rapport, pour l’associer à l’expérimentation, afin de disposer d’un accompagnement scientifique à même de la légitimer aux yeux des financeurs. À ce moment, la coordination Pas sans Nous n’existe pas encore. La sociologue contacte Mohammed Mechmache, et ensemble les deux auteurs du rapport vont négocier avec la FCSF les conditions d’un portage commun. Ils veulent se baser sur le projet politique défendu par le rapport. Ils posent comme condition qu’il n’y ait pas que des centres sociaux dans le portage local. Dans la lignée de leur rapport, ils souhaitent valoriser les petites associations de quartier souvent oubliées, voire regardées avec méfiance, par les pouvoirs publics. Un accord est trouvé pour un portage par douze structures locales, six centres sociaux et six associations ou collectifs de quartier parmi ceux repérés par les deux auteurs, dans douze quartiers différents.
21Avec l’idée de ce portage conjoint et la légitimité apportée par un accompagnement académique du projet, les négociations avec l’État reprennent. Pour les porteurs du projet, l’un des enjeux de la négociation est le financement national de chaque table de quartier. Il s’agit d’éviter les subventions locales par des institutions que les tables pourraient être amenées à interpeller dans le cadre de leurs actions. Ils s’appuient, pour défendre ce point de vue, sur les tables de quartier québécoises, dont le financement tripartite évite la situation de dépendance face à un bailleur unique. L’État, via le CGET, accepte finalement de financer la FCSF sur trois ans, de 2014 à 2017, à hauteur de 60 000 € par an pour la coordination et l’accompagnement au lancement des tables de quartier. Un financement à hauteur d’environ 10 000 € par table de quartier est également prévu pour la première année via une bourse d’expérimentation. Enfin, l’État s’engage à flécher un poste d’adulte relais par table de quartier sur la durée de l’expérimentation [16]. Les services du CGET prennent peu de risques financiers en ne s’engageant que sur la première année de financement. Cela s’explique en partie par la méfiance qu’ils entretiennent à l’encontre de la démarche conduite par Marie-Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache, après avoir été exclus de la commission de rédaction du rapport. Ce choix démontre également le point de vue du CGET sur le financement de ce type d’initiatives locales : s’il cherche à « créer un mouvement » [17], en aidant à leur lancement, il ne les soutient pas, par la suite, dans leur fonctionnement. Dès lors, la recherche de financements locaux doit faire partie de la démarche expérimentale. Dans sa vision de l’expérimentation, les tables de quartier doivent parvenir à devenir des interlocuteurs légitimes, à même de constituer des partenariats basés sur la confiance, avec les pouvoirs publics locaux. On retrouve là une lecture à l’opposé de celle du rapport Bacqué-Mechmache, qui défendait la capacité des associations à se constituer en contre-pouvoirs, et qui, de ce fait, accordait une place centrale à la question de l’autonomie financière de ce type d’initiatives.
22Face à l’impossibilité de négocier davantage de garanties, la FCSF ainsi que les deux auteurs acceptent ces conditions de financement. Celles-ci favorisent de fait les centres sociaux. En effet, ces derniers sont déjà souvent positionnés localement comme des partenaires reconnus par les pouvoirs publics. Ils ont en général une certaine stabilité financière, et sont en capacité, du fait de leurs ressources politiques, de négocier des financements, ce qui est justement un des problèmes posés par le rapport, puis, plus tard, par la coordination Pas sans Nous : le défaut de reconnaissance des petites associations dès lors que celles-ci revendiquent une indépendance vis-à-vis des institutions. In fine, la subvention accordée par l’État pour la première année va prendre en considération cette différence de statut, en finançant de manière plus prononcée les petites associations locales (à hauteur de 15 000 € contre 10 000 € pour les centres sociaux). Néanmoins, la logique sous-tendant ce financement reste la même : il s’agit d’accompagner le début d’une dynamique qui doit par la suite trouver ses propres ressources, notamment à l’échelle locale. La question de l’autonomie, centrale dans la proposition initiale, est ainsi reléguée au second plan.
Le choix des structures porteuses
23Après les négociations pour le financement de l’expérimentation, le choix des structures locales va également faire apparaître des décalages entre deux postures. D’un côté, dans un contexte où la coordination PSN n’existe pas encore, Marie-Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache choisissent six structures parmi les associations et collectifs rencontrés lors de la production du rapport, qui font partie des petites structures de quartier peu reconnues que les auteurs cherchent à valoriser. Ils font attention à ce que certaines conditions soient remplies : en premier lieu, l’existence d’une « dynamique locale importante » [18], autrement dit de mobilisations collectives passées ou présentes, et de réseaux interassociatifs actifs sur le quartier. Puis, ils vérifient que les structures disposent, en leur sein, d’une capacité à mobiliser, à animer des temps collectifs. Parmi les six structures, on retrouve cinq associations – dont un espace de vie sociale [19] – et un collectif non structuré en association. Cette diversité des profils est voulue : elle permet la mise en place des tables de quartier dans des contextes différents, par des acteurs aux profils et aux postures différents, notamment dans leur radicalité politique. A contrario, la solidité financière et administrative des structures n’a pas été un critère déterminant, pas plus que la qualité de leurs relations aux pouvoirs publics.
24Pour la FCSF, le processus de sélection est plus cadré : dès la fin de l’année 2013, un chargé de mission réalise une étude visant à sélectionner les centres sociaux pouvant participer à l’expérimentation, parmi ceux ayant montré leur intérêt pour la démarche. Il effectue une série de visites et d’entretiens et juge, à partir de critères qu’il construit avec le délégué général François Vercoutère, si les conditions sont réunies dans chacun des sites pour mener à bien l’expérimentation. Certains critères se situent dans la lignée du rapport Bacqué-Mechmache et du projet fédéral de la FCSF, comme la capacité à mobiliser ou encore l’existence de relations interassociatives. Cependant, d’autres conditions apparaissent, qui mettent l’accent sur le rôle des « partenaires » que sont la préfecture, les élus locaux et les services de politique de la ville. La structure doit ainsi disposer d’un « contexte partenarial » [20] favorable vis-à-vis des institutions publiques ; il est également attendu que ces dernières aient un regard bienveillant vis-à-vis des pratiques participatives sur le territoire, et vis-à-vis de l’expérimentation elle-même. Ce registre partenarial empêche de mettre en avant, dans la sélection des structures locales, des éléments qui renverraient à une approche pluraliste de la démocratie : l’indépendance de la structure vis-à-vis des pouvoirs publics ou encore sa capacité à créer un rapport de forces, par exemple. Le profil des centres sociaux pilotes de l’expérimentation sera orienté par cette sélection. On retrouve ici l’héritage d’un réseau habitué à envisager l’accord préalable et le partenariat avec les pouvoirs publics comme une condition indispensable à la construction de projets. Cette forme de relations aux pouvoirs publics dépasse les centres sociaux : elle est la marque de l’évolution, depuis les années 1980, des relations entre associations et pouvoirs publics, avec l’émergence des logiques de projet et de la contractualisation (de Maillard, 2002 ; Hély, 2009). Ces logiques mènent à des relations profondément asymétriques entre associations et pouvoirs publics, malgré la notion de « partenariat » employée pour les décrire.
25Par ailleurs, le chargé de mission recruté par la FCSF va également procéder à une évaluation des associations membres de PSN. Bien qu’elle soit interne à la FCSF, et qu’elle n’ait pas d’influence sur les décisions prises par l’État vis-à-vis du financement de l’expérimentation, elle va être source de tensions entre les deux organisations. Les visites du chargé de mission au sein de ces associations vont être perçues comme des intrusions. PSN va par la suite maintenir une certaine méfiance à l’égard de la FCSF, qui complexifie le portage commun de l’expérimentation. On retrouve également dans cette méfiance les tensions internes à PSN : si certains membres voient d’un bon œil la possibilité de mettre en place une des recommandations du rapport, d’autres – qu’ils participent ou non à l’expérimentation – se méfient du partenariat engagé avec un réseau fortement institutionnalisé comme la FCSF. Ainsi, des associations adhérentes à PSN vont par la suite privilégier le développement de tables de quartier en totale autonomie vis-à-vis de l’expérimentation nationale, de crainte de se voir instrumentalisées.
Le « kit » des tables de quartier, témoin des impensés démocratiques des centres sociaux
26À partir du début de l’année 2014, une équipe de coordination de l’expérimentation des tables de quartier, salariée de la FCSF, produit un « kit » pour la mise en place des tables de quartier. Ce document est produit à partir des demandes exprimées par les structures lors du séminaire de lancement de l’expérimentation en mars 2014 à Paris, puis validé par l’ensemble des structures participantes à l’expérimentation lors d’une rencontre à Nantes en septembre de la même année. Le kit se présente comme un guide, et non pas comme une charte à respecter : il sert à s’orienter dans l’élaboration locale de la dynamique, à travers diverses références (le rapport Bacqué-Mechmache, le collectif Pouvoir d’agir [21], les tables de quartier québécoises) et via des recommandations. Dans le contexte de l’expérimentation, chaque table est invitée à construire sa propre dynamique. Ainsi, l’intérêt d’une analyse de ce document n’est pas tant dans la façon dont il construit une doctrine, mais dans ce qu’il révèle des modes de pensée et d’action de la FCSF, derrière les notions et les catégories qu’elle utilise, et des décalages qu’elle opère vis-à-vis de la proposition initiale. Le kit est construit en référence directe au rapport Bacqué-Mechmache, dont il reprend la définition d’une table de quartier, puis qu’il cite longuement pour replacer l’expérimentation dans le cadre plus général d’un « empowerment à la française ». Il propose néanmoins des éléments inédits, qui entrent en contradiction avec certaines ambitions politiques présentées par Marie-Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache. Entre construction d’un contre-pouvoir collectif et dispositif de participation des habitants, le kit propose des définitions parfois contradictoires de la participation.
27Dans la lignée du rapport et de l’expérience québécoise, il est d’abord indiqué que la table est une réunion de collectifs et d’associations. Selon le kit, la table de quartier repose principalement sur une structure qualifiée de « structure support ». Celle-ci a pour mission de mettre en place la table, en organisant les premières étapes de la dynamique : la mobilisation, l’animation des rencontres, l’accompagnement des premières actions collectives. Puis elle a vocation à « “s’effacer” au fur et à mesure de la création de la Table pour lui permettre d’exister par elle-même, d’être autonome » [22]. La construction de la dynamique repose ainsi sur une structure unique, là où le rapport, dans la lignée des tables québécoises, évoque au pluriel les associations et collectifs composant la table. Elle devient un dispositif, mis en place par une structure, là où elle était pensée comme une initiative collective dont les différents participants se partageraient les missions et financements. Si le kit affiche une volonté d’ouverture et de mobilisation, celles-ci reposent, in fine, exclusivement sur la volonté de cette « structure support ». Par ailleurs, le rôle respectif des autres associations et collectifs du quartier est défini de manière contradictoire à différents moments du kit, tandis que la figure de l’« habitant » fait son apparition. En effet, ce sont désormais les habitants qui sont « les premiers décideurs et les premiers acteurs » de la table, là où le rapport n’en faisait pas mention. Les acteurs locaux que sont les associations et les collectifs du quartier se voient parfois attribuer le rôle de participants, au même titre que les habitants, parfois d’appui à la mobilisation, à l’animation, à l’attribution de matériel et de locaux. La nature des participants à la table de quartier se retrouve ainsi largement modifiée entre le rapport et le kit, au profit d’un recentrage sur une structure unique et sur la figure de l’habitant comme public à mobiliser. On peut lire, dans ces choix, une posture des centres sociaux comme acteurs extérieurs aux quartiers et à leurs dynamiques endogènes, venant à la rencontre de « publics ». On retrouve également l’impact, chez les centres sociaux, des modes d’action de la politique de la ville sur la participation (Bresson, 2004) : la notion d’habitant, devenue la figure centrale, renvoie à des individus isolés recherchés pour leurs compétences et expertises particulières, et ne fait plus référence au peuple ou aux forces vives organisées (C. Neveu, 2011). Ce glissement de nature des participants renvoie au positionnement des centres sociaux en dehors du jeu associatif local et au plus proche de l’action publique.
28Le kit présente également la façon dont les tables de quartier peuvent influencer l’action publique. Elles sont une dynamique expérimentale, et ne jouissent pas a priori d’une écoute attentive de la part des institutions, contrairement aux conseils citoyens qui sont invités à « co-construire » l’action publique. Le kit explique qu’une table de quartier construit sa légitimité de deux manières : en démontrant sa capacité à mobiliser un grand nombre de personnes, et en parvenant à instaurer un dialogue avec les pouvoirs publics, en étant force de proposition. Il s’agit néanmoins de « ne pas s’enfermer dans la contestation ». Pour autant, le kit prend une position forte lorsqu’il aborde la question de la place des pouvoirs publics au sein de la table de quartier. Il rappelle, dès les premières lignes, qu’« une Table de quartier est un espace autonome pour l’action citoyenne, et non une instance de concertation dont l’initiative serait prise par les pouvoirs publics ». Ceux-ci peuvent être invités à participer pour accompagner des dynamiques, répondre à telle ou telle demande, mais la table « fixe elle-même ses priorités ». Ils n’ont pas, a priori, de pouvoir de décision ni sur son fonctionnement, ni sur les sujets dont elle s’empare. Cette caractérisation des rapports aux pouvoirs publics est un positionnement fort du kit, dans la lignée des tables de quartier autonomes de Montréal. Elle renvoie à la volonté de construire des espaces de discussion qui iraient contrer la tendance des élus à se positionner au cœur de l’espace public (Blatrix, 2009). On peut y voir la volonté de défendre une vision agonistique de la démocratie locale. Dans la lignée du rapport, le kit ne tranche pas clairement entre conflit et délibération. Néanmoins, là où cette logique prend sens dans une stratégie générale d’« activisme délibératif » pour la coordination PSN, le kit semble plutôt hésiter, et aborde de manière paradoxale la question de l’activité démocratique des tables de quartier au fil de ses parties. Ce flou et ces contradictions proviennent de la nature même du kit des tables de quartier, qui est un guide d’action et non une doctrine. Ils s’expliquent en partie par la volonté d’en faire un outil à disposition de toutes les structures, des plus institutionnelles aux plus radicales dans leur rapport à la mobilisation et aux pouvoirs publics. Dans ce sens, il propose un compromis entre le rapport, la vision défendue par PSN et celle de la FCSF. Cependant, il est rédigé exclusivement par l’équipe salariée de la FCSF. Il est le fruit d’une rédaction collective au sein de la FCSF qui laisse transparaître, dans un même document, la culture politique de cette dernière, mais également les différentes interprétations de cette notion en son sein. Il vient, par l’apparition de notions nouvelles, comme l’« habitant » et la « transparence », modérer la radicalité de la proposition formulée à l’origine dans le rapport Bacqué-Mechmache, et dans le même temps il la réaffirme à travers cette idée d’indépendance de décision vis-à-vis des pouvoirs publics.
29De la proposition du rapport à la construction du kit, certaines ambitions demeurent : la valorisation des associations, la recherche d’autonomie, la limitation du rôle des élus sont autant de volontés qui préfigurent des dynamiques de participation alternatives aux dispositifs institutionnels, potentiellement plus démocratiques. Dans le même temps, la construction concrète de l’expérimentation à travers les négociations avec l’État et la sélection des structures locales, ainsi que la reformulation des enjeux dans le kit des tables de quartier, témoignent d’un décalage opéré par la FCSF. On retrouve, autour de la célébration du partenariat, de l’apparition de la figure de l’habitant et de la rhétorique de la transparence, des logiques d’action plus institutionnelles, plus habituelles pour les centres sociaux. La mise en place locale des tables de quartier, en mettant en jeu des associations et collectifs aux profils très différents, va venir confirmer et préciser cette tension.
Conclusion
30Les tables de quartier, en France, sont une dynamique participative originale dans sa façon d’intégrer des associations au cœur de son projet, loin des dispositifs institutionnels qui bien souvent les évitent ou les instrumentalisent (Rui et al., 2006). Ici, la FCSF et PSN, deux coordinations associatives, se retrouvent au pilotage, l’État n’intervenant que comme financeur. La mise en place d’une telle expérimentation nationale est néanmoins marquée par un processus d’institutionnalisation de la proposition initiale présente dans le rapport Bacqué-Mechmache.
31L’élément caractéristique de cette institutionnalisation se situe dans le changement du répertoire d’action publique des tables de quartier. En s’appuyant sur une stratégie d’« activisme délibératif », le rapport Bacqué-Mechmache, et la coordination Pas sans Nous après lui, présentent les tables de quartier comme des espaces de solidarité, de discussion, mais également, si besoin, de mobilisation conflictuelle. Les ajustements opérés durant la négociation entre PSN, la FCSF, et le ministère de la Ville, vont aboutir à l’effacement relatif de cette dernière. La question du financement est représentative de cette évolution. PSN et la FCSF voulaient éviter toute dépendance directe aux institutions locales ? Désormais, la recherche de subventions locales devient un marqueur de légitimité et de confiance nécessaires à la coopération. Face à l’« activisme délibératif », le ministère de la Ville met en avant la logique du partenariat, dont la particularité est de négliger les inégalités entre les « partenaires », qui agissent ensemble pour le bien commun (de Maillard, 2002). Le problème n’est alors plus une question de pouvoir mais de gouvernance et de capacité à mettre « autour de la table » les acteurs concernés.
32La FCSF va jouer un rôle dans ce basculement. C’est elle qui porte, initialement, le projet d’expérimentation. Or, contrairement aux auteurs du rapport, et, plus tard, à PSN, elle est un partenaire des pouvoirs publics depuis sa phase d’institutionnalisation dans les années 1960-1970, malgré l’élaboration de discours plus conflictuels autour de la démocratie et du « pouvoir d’agir » depuis les années 2000. Ainsi, elle accepte d’autant plus facilement ce changement de paradigme qu’il coïncide avec sa propre position d’acteur para-institutionnel. Via le kit, elle propose une nouvelle interprétation des tables de quartier comme dispositif, porté par une association « structure support », à destination des « habitants ». Ce kit ne remplace pas la proposition du rapport, qui était plutôt centrée sur l’alliance entre collectifs organisés à l’échelle du quartier, mais vient plutôt ajouter de nouvelles possibilités de structuration, qui correspondent mieux à la culture participative de la FCSF, moins collective et in fine moins politisée. L’impact commun de la négociation avec le ministère de la Ville et du partenariat avec une grande fédération d’éducation populaire fait donc évoluer, en partie, le cadre national des tables de quartier. Celui-ci adopte certaines logiques institutionnelles, qui tendent à mettre de côté les approches plus contestataires et les organisations qui les portent, processus déjà analysé dans d’autres arènes participatives (Bacqué, Rey, Sintomer, 2005 ; C. Neveu, 2011).
33Cette forme d’institutionnalisation doit néanmoins être doublement relativisée. D’abord, l’influence de PSN et la réflexion entamée par la FCSF autour du « pouvoir d’agir » vont permettre de faire subsister une dimension agonistique au sein de l’expérimentation : on peut particulièrement citer l’idée que, si les pouvoirs publics peuvent être invités à participer aux échanges, ils ne disposent pas de droit de vote sur les décisions prises. Ensuite, et surtout, ce cadre national reste suffisamment flou et ouvert pour être approprié de diverses manières selon les contextes locaux – en témoigne le caractère indicatif et non obligatoire des recommandations du kit. Cette enquête à l’échelle nationale ne dit donc qu’une petite partie de la mise en place de cette dynamique. Elle demande à être doublée d’une analyse des diverses formes locales qu’auront prises, entre 2014 et 2017, les tables de quartier [23].
34Cette dynamique connaît ainsi un ensemble d’ajustements dans sa mise en place nationale, qui aboutissent notamment sur des contraintes financières. Les tables de quartier devront ainsi trouver, localement, leur propre équilibre entre autonomie et financement. Cette tension renvoie aux obstacles rencontrés par les conseils citoyens dans leurs rapports aux pouvoirs publics. S’ils ont été annoncés par la loi comme « indépendants » et reposant sur des initiatives locales préexistantes, il n’y a pas eu de moyens débloqués pour repérer et financer ces initiatives, et ainsi assurer cette indépendance. De fait, ils ont dans la plupart des cas été mis en place ex nihilo par le binôme municipalité-préfecture. Aujourd’hui, si certains de ces conseils ont pris leurs distances avec les institutions locales et se sont par exemple montés en association, ils butent toujours sur la question économique. Presque cinq ans après la mise en place de ces deux dynamiques, l’analyse de ce type d’expériences renouvelle, in fine, la nécessité de penser le financement de contre-pouvoirs au sein de la démocratie participative.
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Mots-clés éditeurs : contre-pouvoir, conflit, institutionnalisation, mouvement social, tables de quartier, démocratie participative, associations
Mise en ligne 04/10/2019
https://doi.org/10.3917/parti.024.0195Notes
-
[1]
Marie-Hélène Bacqué, Mohammed Mechmache, Pour une réforme radicale de la politique de la ville, rapport remis à François Lamy, ministre délégué chargé de la Ville, en juillet 2013. On parle du « rapport Bacqué-Mechmache » pour le désigner.
-
[2]
On peut considérer ces acteurs, dont fait partie la FCSF, comme étant hors du champ du mouvement social dans le sens où, d’une part ils sont plus dépendants des institutions publiques, et d’autre part ils ne partagent pas ses principes ou son répertoire d’action (É. Neveu, 2015). Ils peuvent néanmoins avoir été des mouvements sociaux ayant connu des processus d’institutionnalisation (Bacqué, 2005).
-
[3]
FCSF, 2015, Expérimentation des Tables de quartiers. Kit d’appui, avril 2015, p. 14, http://expetablesdequartier.centres-sociaux.fr/files/2015/07/kit_d_appui_tables_de_quartier_v3_20avril2015-web.pdf (accès le 26/06/2019).
-
[4]
Cette observation a donné lieu à une communication collective avec Marion Carrel, Jeanne Demoulin et Aurélien Pidoux lors d’une journée d’études de l’Association française de sociologie (Carrel et al., 2015).
-
[5]
M.-H. Bacqué, M. Mechmache, op. cit., p. 20. Les citations suivantes sont extraites du même document.
-
[6]
Dans leur ouvrage Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener (2013) décrivent trois modèles d’empowerment : un radical, l’autre social-libéral, et le dernier néolibéral.
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[7]
Entretien avec Marie-Hélène Bacqué, 20 février 2018. Elle évoque également cette approche dans son analyse rétrospective du processus d’élaboration du rapport (Bacqué, 2015).
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[8]
Entretien avec Marie-Hélène Bacqué, 20 février 2018.
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[9]
Comme Stop le contrôle au faciès, ou l’Alliance citoyenne de Grenoble. À ce sujet, voir le numéro 85 de la revue Mouvements, intitulé « Ma cité s’organise », et consacré au community organizing.
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[10]
On peut notamment citer sa présence à une journée de mobilisation des acteurs de la politique de la ville visant la création d’une « Grande Équipe de la réussite républicaine », organisée le 13 juin 2019 par le ministre chargé de la Ville et du Logement Julien Denormandie.
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[11]
Selon les termes d’un article paru dans Ouest France le 7 septembre 2014, http://www.ouest-france.fr/quartiers-la-secretaire-detat-adoube-la-coordination-citoyenne-2806568 (accès le 26/06/2019).
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[12]
FCSF, 2000, Charte fédérale des centres sociaux et socio-culturels de France, p. 2, http://www.centres-sociaux.fr/files/2010/02/Charte-des-centres-sociaux-et-socioculturels-de-France.pdf (accès le 26/06/2019).
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[13]
FCSF, 2014, La Fabrique des possibles, projet fédéral 2014-2022, p. 8, http://www.centres-sociaux.fr/files/2014/09/La-Fabrique-des-possibles-projet-f%C3%A9d%C3%A9ral-2014-2022.pdf (accès le 26/06/2019).
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[14]
FCSF, 2013, La Fabrique des possibles, vidéo d’introduction au projet fédéral, 3 min 20 s (extrait cité : 1 min 50 s), https://vimeo.com/68597911 (accès le 24/06/2019).
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[15]
Entretien avec François Vercoutère, 12 mai 2016.
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[16]
Les postes d’adulte relais sont des postes de médiation culturelle dans les quartiers de la politique de la ville. Les employeurs (associations, collectivités, établissements publics) reçoivent une aide de l’État. Les salariés doivent remplir trois conditions : habiter un quartier populaire, avoir moins de 30 ans, être sans emploi.
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[17]
Entretien avec Sébastien Jallet, délégué en charge de la politique de la ville, Commissariat général à l’égalité des territoires, 9 mars 2018.
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[18]
Entretien avec Marie-Hélène Bacqué, 20 février 2018.
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[19]
À l’image des centres sociaux, les espaces de vie sociale sont des structures de proximité reconnues et agréées par la Caisse d’allocations familiales. Elles sont souvent moins importantes que les centres sociaux en termes de financements, d’équipements et de salariés.
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[20]
FCSF, Étude préalable à l’expérimentation des tables de quartier, 5 février 2014, document interne.
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[21]
Actif de 2011 à 2017, le collectif Pouvoir d’agir était un réseau d’échanges et de réflexion autour de cette notion, regroupant des militants et des professionnels de la politique de la ville et de l’animation socioculturelle.
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[22]
FCSF, 2015, Expérimentation des Tables de quartiers. Kit d’appui, avril 2015, p. 14, http://expetablesdequartier.centres-sociaux.fr/files/2015/07/kit_d_appui_tables_de_quartier_v3_20avril2015-web.pdf (accès le 26/06/2019). Les citations suivantes sont tirées du même document.
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[23]
Un travail déjà entamé sur certains territoires, notamment sur Roubaix, où le sociologue Julien Talpin a montré la difficulté, pour le monde associatif, de se constituer en contre-pouvoir sans subir la répression des institutions locales (Talpin, 2016).