Notes
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[1]
La participation a été progressivement institutionnalisée à partir des années 1980, avec les chartes pour l’environnement, puis suite à la loi Barnier de 1995 instituant la Commission nationale du débat public, la consécration constitutionnelle via l’article 7 de la Charte de l’environnement adoptée en 2005, ainsi que l’expérience de « gouvernance à cinq » du Grenelle de l’environnement et son prolongement actuel dans les réflexions sur une « gouvernance concertée ». Elle fait partie des injonctions de la loi sur les milieux aquatiques.
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[2]
La chaire Capital environnemental et gestion durable des cours d’eau, de l’Université de Limoges, est un programme de recherche (2013-2020) initié par le laboratoire GEOLAB (UMR 6042, CNRS/UBP Clermont-Ferrand/Université de Limoges), la Fondation partenariale de l’Université de Limoges, et la SHEM. L’objectif général de la chaire est de rechercher des aspects sociaux de la gestion des cours d’eau en France. Pour cela, une équipe pluridisciplinaire a été constituée. Le projet présenté dans cet article a été initié par Jamie Linton, géographe, responsable de la chaire, Natacha Jacquin, politologue, animatrice des ateliers et Émilie Crémin, réalisatrice du film, géographe et première auteure de cet article.
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[3]
La Dordogne peut être considérée comme une rivière affluente de la Garonne ou comme un fleuve car elle rejoint la Garonne dans l’estuaire de la Gironde. Le terme utilisé dépend donc du choix des auteurs.
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[4]
Ce film intitulé La Dordogne vue par ses habitants est consultable en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=7hMjVQYix0E (accès le 08/10/2018).
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[5]
Seuls un IUT rattaché à l’Université de Limoges dans la commune de Brive, et un IUT et un département d’études juridiques et économiques rattachés à l’Université de Bordeaux à Périgueux, dispensent des enseignements supérieurs publics dans le bassin versant.
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[6]
La réalisatrice du film, Émilie Crémin, docteure en géographie, est l’une des auteures de cet article.
1La participation des citoyens à la gestion des cours d’eau s’impose aujourd’hui comme une profonde aspiration sociale (Barbier, Larrue, 2011 ; Ferraton, 2016). Elle émane d’une demande de mouvements de citoyens exigeant une démocratie locale et plus d’informations de la part des autorités territoriales (communes, communautés de communes, syndicats de rivière, établissements publics territoriaux) au sujet des projets d’aménagement prévus sur les territoires de leurs bassins versants (Blanc, Bonin, 2008 ; Barraud, Germaine, 2017). Cette demande sociale aux quatre coins du monde a été progressivement prise en compte suite notamment à la Déclaration de Rio en 1992 et à la Convention d’Aarhus en 1998. La participation citoyenne devient ainsi une norme juridique, une injonction réglementaire contraignante, mais aussi un droit de l’Homme (Bacqué, Rey, Sintomer, 2005 ; Richard-Ferroudji, 2008 ; Blondiaux, Sintomer, 2009 ; Trottier, 2012).
2En France, la norme participative est devenue une prérogative soutenue par la directive européenne 2000/60 – intitulée Directive-cadre sur l’eau – afin de renforcer la transparence de la politique de l’eau [1]. Elle s’est institutionnalisée au cours du processus de territorialisation de la politique de l’eau, sous l’impulsion des lois de décentralisation et des lois sur la gestion des milieux aquatiques (Ghiotti, 2006, 2010 ; Girard, 2014). Les documents de planification et les plans de gestion doivent désormais veiller à la participation de la société civile lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de l’eau. Cette participation peut prendre différentes formes : information, consultation, concertation, co-construction des plans de gestion par les citoyens (Ferraton, Hobléa, 2017). Le public est le plus souvent sollicité par les gestionnaires pour contribuer à l’identification des questions principales qui se posent en termes de gestion des cours d’eau. Cette démarche implique, en outre, de prendre en compte les perceptions, les attentes et les craintes des citoyens « riverains » des cours d’eau, afin de construire des diagnostics partagés, pour l’appropriation et la mise en œuvre territorialisée de projets de gestion des cours d’eau (Narcy, 2013 ; Billaud et al., 2013 ; Barbier, Larrue, 2011 ; Haghe et al., 2014 ; Rivière-Honegger et al., 2014).
3Suivant ces nouvelles normes et procédures, des dispositifs participatifs sont mis en place par des élus en collaboration avec des militants associatifs, des consultants ou des chercheurs, pour recueillir des savoirs « ordinaires » (Sintomer, 2008). Comme l’évoquent Sintomer (2008) et Nez (2011), c’est précisément en tant que non-spécialistes que les citoyens « ordinaires » sont le plus souvent appelés à participer. Les « savoirs d’usage » sont produits par l’expérience acquise au cours d’une pratique du territoire par les riverains et d’une interaction directe ou indirecte avec le milieu. Ils peuvent se construire dans le temps et s’enrichir d’une mémoire des lieux qui participe à l’appropriation de l’espace et à la construction du territoire (Ripoll, Veschambre, 2006). Ces savoirs d’usage et les savoirs dits « ordinaires » ou « profanes », non formalisés, seraient légitimes à prendre en compte dans l’élaboration démocratique de plans durables de gestion des espaces aquatiques, hypothèse de départ de ce projet de recherche de la chaire [2]. Ces savoirs pourraient ainsi venir compléter un savoir technique monopolisé par l’expertise professionnelle (Lascoumes, 1994 ; Ghiotti, 2010 ; Storup, Millot, Neubauer, 2013 ; Aubriot, Riaux, 2013 ; Leclerc, 2013). Au travers de la démarche participative, il s’agit donc de favoriser la parole de tous en vue de dépasser les frontières traditionnelles entre savoirs « experts » et savoirs « profanes » engageant des non-spécialistes, et de se rapprocher de la proposition de « démocratie technique » proposée par la sociologie des sciences (Callon, Lascoumes, Barthe, 2001 ; Callon, 2003).
4Les enjeux soulevés lors des débats entre citoyens et gestionnaires sont au cœur de nos questionnements, car ces processus participatifs produisent de nouveaux savoirs et de nouvelles propositions pour gérer les cours d’eau de manière plus démocratique (Callon, Lascoumes, Barthe, 2001). Il semble aussi important de considérer les « savoirs citoyens » issus d’une prise de conscience par les individus de leur pouvoir potentiel d’intervention et d’influence sur les décisions dans les démocraties contemporaines (Blondiaux, Sintomer, 2009). L’expression et la production de ces savoirs sont soutenues par des acteurs de la société civile qui ont développé leurs compétences dans le cadre d’actions publiques et de contestations (Barbier, Larrue, 2011). C’est ainsi que des citoyens se mobilisent dans le cadre de réunions publiques pour faire part de leurs points de vue (Barbier, Larrue, 2011 ; Seguin, 2013).
5Nous souhaitons ainsi considérer l’apport des savoirs des citoyens ordinaires à l’action publique et leur spécificité dans la mise en débat de la gestion d’une rivière [3] : la Dordogne. La rivière est administrée par l’établissement public territorial de la Dordogne, appelé aussi EPIDOR. Néanmoins, ce territoire fait aussi l’objet d’une appropriation sociale plus large des citoyens, habitants des berges et riverains, usagers. Les savoirs d’usage des riverains concernent notamment la pêche, l’histoire locale, la navigation. Pour comprendre le processus de construction de l’identité riveraine, il faut rappeler que l’aménagement de grands barrages et l’arrêt de la navigation fluviale au cours du xxe siècle ont eu d’importants effets sur les dynamiques écologiques de la rivière et sur la relation entre les habitants et celle-ci (Faure, 2008). Le bassin versant de la Dordogne est ainsi un espace intéressant pour observer les processus de construction socioculturelle et politique de ce territoire de l’eau qui a entamé depuis plusieurs décennies un programme de restauration écologique : réintroduction du saumon, contrôle des éclusées, réhabilitation de gravières, etc. (Perrin, 2017). Dans ce cadre, le label de réserve de biosphère a été attribué en 2012 par l’UNESCO à ce territoire.
6Les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) résultent de concertations entre les membres de commissions locales de l’eau (CLE). Ces CLE sont composées d’un collège d’élus territoriaux, de représentants de syndicats des eaux et d’associations qui se réunissent pour partager leurs expertises spécifiques des problématiques de la gestion de la rivière. Dans ce cadre, les citoyens ordinaires restent peu impliqués. Alors que les plans de gestion prennent peu en compte les savoirs profanes, comment mettre en œuvre des dispositifs participatifs permettant de recueillir le plus grand nombre de points de vue et de les mobiliser dans le cadre de dispositifs de la gestion de l’eau ?
7Dans cet article, nous cherchons à rendre compte de la manière dont les savoirs citoyens sont exprimés, ainsi qu’à questionner leur légitimité dans la gestion participative des territoires de l’eau. Pour cela, l’équipe de recherche a mis en place un protocole expérimental s’appuyant sur un dispositif participatif. Des ateliers ont été organisés pour recueillir les savoirs des habitants de la vallée au sujet de la rivière. L’ensemble de cette recherche a fait l’objet d’un tournage et a donné lieu à la réalisation d’un film [4] utilisé, une fois monté, comme un outil de recherche permettant de poursuivre le débat à l’occasion de sa projection en présence de participants aux ateliers précédents et de nouveaux spectateurs. Nous présentons tout d’abord l’approche adoptée et les outils du protocole expérimental dans le cadre de la recherche participative menée : ateliers publics, cartographies mentales participatives, entretiens, tournage, débats au moment de la projection. Puis, nous analysons les résultats de l’enquête permettant d’identifier les différentes connaissances de la rivière décrites par les participants, afin de repérer les savoirs revendiqués et de définir les usages de la rivière Dordogne. Enfin, nous discutons comment les « savoirs » des habitants pourraient être mobilisés et pris en compte dans les plans de gestion du bassin versant, tout en étant conscients des enjeux de pouvoir qu’ils impliquent au niveau de la construction du territoire.
Une recherche participative filmée pour rendre compte des « savoirs citoyens » au sujet de la rivière Dordogne
Une démarche de recherche participative filmée
8La recherche participative vise à soutenir la formulation de connaissances et de perceptions non dominantes. L’état des recherches concernant les savoirs écologiques locaux (local ecological knowledge) démontre l’intérêt de mener des recherches participatives dans le cadre de projets de conservation de la biodiversité (Roué, Nakashima, 2002 ; Garin, Rinaudo, 2002 ; Moller et al., 2004 ; Barthélémy, 2005). En effet, les citoyens peuvent disposer de savoirs approfondis des milieux naturels les environnant, comme ont pu le montrer les résultats de différents projets de sciences naturalistes et citoyennes (Loïs, 2014 ; Julliard, 2017). Dans cette perspective, notre démarche repose sur des outils de dialogue prenant en compte les dimensions politiques, économiques, sociales et environnementales dans lesquels les débats s’inscrivent. Pour la mettre en œuvre, nous avons invité les habitants de la vallée de la Dordogne à participer à une démarche de recherche.
9Par l’intermédiaire d’un protocole expérimental, il s’est agi de montrer ce que pouvaient apporter les savoirs citoyens à la gestion des cours d’eau. En accompagnement de cet engagement des citoyens, les sciences sociales apportent ainsi un éclairage indispensable à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques (Narcy, 2013 ; Mazeaud, 2012). En effet, l’émergence récente d’initiatives de sciences citoyennes associées aux nouvelles formes de gouvernances participatives donne de plus en plus de place à l’expertise des citoyens sur les questions d’environnement. Le public est sollicité pour exprimer une diversité de points de vue et produire des savoirs empiriques qui ne reposent pas forcément sur des mesures quantitatives, mais qui méritent néanmoins d’être entendus dans le débat autour de la gestion des cours d’eau. Notre intention est ainsi de faire passer des groupes d’habitants profanes en matière de gestion de l’eau « du bruit à la parole » (Anselme, 2000 ; Seguin, 2013) et de créer un espace de dialogue entre citoyens, chercheurs et gestionnaires (Legrand, 2013).
10Dans le cadre de cette recherche participative, le film a été utilisé comme un média et un outil permettant de libérer la parole, de stimuler les discussions et de faire connaître les savoirs de la rivière des participants. Il a permis de montrer la pluralité des savoirs et la manière dont ils sont utilisés pour porter un jugement sur la rivière. Il a été employé comme un outil méthodologique précieux pour porter la parole citoyenne et établir un dialogue entre habitants et membres de CLE responsables de l’élaboration des SAGE (Seguin, 2013). Contrairement à un rapport écrit, le film dispose d’un atout : celui de permettre une compréhension par le sensible d’éléments difficilement saisissables par le recours à l’argumentaire. Notre initiative visait donc à sensibiliser les gestionnaires des rivières aux points de vue des habitants, mais notre intention a été surtout d’encourager les discussions entre riverains autour de la rivière. Les séances de projection et les débats furent donc pour nous des moments d’échange permettant de recueillir les réactions, les impressions du public et d’adopter une position réflexive sur notre propre démarche.
Une recherche participative pour évaluer les savoirs citoyens
11Pour comprendre comment les savoirs citoyens associés sont exprimés, une recherche participative engageant les habitants de la rivière Dordogne a été mise en place. Cinq ateliers et de nombreuses rencontres sur le terrain ont été organisés le long de la rivière pour mobiliser des riverains et des usagers de la Dordogne.
12Une enquête de terrain exploratoire a permis de développer un réseau avec des acteurs institutionnels, mais aussi des citoyens engagés sur leurs territoires. La communauté des écrivains locaux, par exemple, nous a donné l’occasion de rencontrer de nombreux auteurs et lecteurs passionnés par la vie, la gastronomie, l’histoire et les paysages de la rivière Dordogne. L’intégration dans ces réseaux locaux a été ensuite utile comme relais d’information afin de susciter la participation d’habitants aux ateliers.
13Les cinq ateliers ont été organisés avec le soutien de l’Etablissement public territorial de bassin EPIDOR, des mairies et d’associations locales. Celles-ci ont mis à disposition une salle, ont aidé à diffuser l’information auprès du grand public, notamment par voie de presse et dans des bulletins locaux d’information. Pour inviter les citoyens à participer à l’atelier, une annonce accompagnée d’une affiche annonçant « La Dordogne vue par ses habitants pour ses habitants » a été diffusée un mois avant l’événement via les réseaux des mairies et des communautés de communes. Des e-mails ont également été envoyés aux associations, aux communes environnantes et aux communautés de communes pour diffuser l’invitation le plus largement possible. Les ateliers ainsi organisés ont réuni près de 70 personnes. D’amont en aval, ces ateliers se sont tenus à Bort-les-Orgues (Corrèze), Argentat (Corrèze), Carlux (Dordogne), Sainte-Foy-la-Grande (Gironde) et Saint-André-de-Cubzac (Gironde).
14Notre démarche ouverte visait à n’exclure personne et à donner la parole de manière équitable à tous les habitants du territoire participant aux ateliers. Nous avons souhaité opérer de cette manière car nous postulons que chaque habitant, riverain et citoyen des berges de la rivière détient un savoir particulier de la Dordogne, qu’il la parcoure ou qu’il l’observe au quotidien. Pour cela, nous avons sollicité les savoirs citoyens, qu’ils soient empiriques ou qu’ils résultent d’une expertise non professionnelle (d’usage, de contre-expertise, militante…).
Itinéraire de l’enquête, des ateliers participatifs et du film La Dordogne vue par ses habitants
Itinéraire de l’enquête, des ateliers participatifs et du film La Dordogne vue par ses habitants
15Les ateliers, d’une durée moyenne de trois heures, ont été séquencés en trois sessions. Dans la première session (d’une durée de 30 minutes), les participants ont pris un temps de réflexion individuel pour répondre en quelques lignes ou avec un dessin à la question : « Qu’est-ce que pour vous la rivière Dordogne ? Qu’est-ce qu’elle évoque pour vous ? » En complément, l’animatrice de la séance expliquait : « Qu’avez-vous envie de dire, de partager avec les autres habitants de la rivière Dordogne ? » Il s’agissait ainsi de poser une question la plus ouverte possible, laissant libre cours à l’expression des savoirs d’usage. Notre posture en tant que chercheur a donc été d’initier la discussion.
16Il semble à présent important de présenter les participants et les raisons qui les ont motivés à prendre part à cet exercice démocratique, tout comme, par renversement, il est légitime de se questionner sur le manque de motivation des citoyens qui ont préféré s’abstenir de venir.
Des participants aux profils variés
17Les participants aux ateliers ont des profils variés comme le montre le diagramme.
Classification des groupes d’acteurs participant aux ateliers
Classification des groupes d’acteurs participant aux ateliers
18Les participants aux ateliers se sont présentés à 31 % en tant qu’habitants non affiliés à des associations (inactifs, étudiants, enseignants, retraités), 31 % étaient membres d’associations locales (militants sociaux et écologistes), 15 % étaient des gestionnaires, que l’on peut assimiler à la catégorie d’experts professionnels des cours d’eau compte tenu du profil technique des individus présents, 10 % étaient des artistes (écrivains, peintres, comédiens), 6 % des agriculteurs et producteurs (élevage porcin, plantes médicinales, élevage bovin, maraîchers, forestiers), 7 % des élus ou des représentants de collectivités locales. Le processus participatif favorise certes les échanges entre individus qui mobilisent des « savoirs citoyens », parfois soutenus par des savoirs professionnels, et des savoirs militants, issus de l’expérience associative, pour défendre des projets de territoire et contribuer aux débats publics. Bien qu’ils puissent être des membres d’associations, des élus, des experts, des artistes ou des agriculteurs, les participants ont eu comme consigne de s’exprimer en tant qu’habitant, citoyen, riverain, en leur nom propre. Ils furent appelés à participer en tant que non-spécialistes et à partager dans un cadre collectif leurs savoirs d’usage.
19La variété de ces profils et la complexité de l’identité de chaque individu et de sa relation à la rivière nous ont permis de recueillir une diversité de regards sur les enjeux environnementaux la concernant. Les profils ont une influence certaine sur les discussions et productions rendues au cours des ateliers. En effet, le capital social et les responsabilités professionnelles transparaissent dans les discours. Il peut arriver que les savoirs professionnels de chaque participant surgissent et cadrent leurs discours au travers de leurs « compétences techniques » (Sintomer, 2008). Certains participants (élus, experts ou membres d’associations) étaient déjà avisés des problématiques de la rivière.
Pyramide des âges des participants aux ateliers
Pyramide des âges des participants aux ateliers
20Les participants aux ateliers ont été en majorité des hommes (61 % contre 39 % de femmes). Ce schéma montre que les hommes âgés de plus de 60 ans, qu’ils soient retraités ou proches de la retraite, ont été plus présents dans les ateliers que les femmes de la même génération. En revanche, les femmes de moins de 40 ans ont été plus présentes que les hommes de la même tranche d’âge. Les participants ont regretté qu’il n’y ait pas plus de jeunes dans les réunions. La faible implication des moins de quarante ans questionne le format de réunion formelle et l’implication de la jeunesse dans certaines formes de vie citoyenne. Ainsi, les ateliers ont été investis par un nombre important de seniors, ce qui reflète le paysage démographique de la vallée, où l’activité économique est peu dynamique, en dehors de la période estivale. La rivière apporte peu d’emplois directs, à l’exception de l’agriculture, de la foresterie et des activités touristiques comme la restauration gastronomique et la location de canoë. Une des explications que l’on peut avancer pour les moins de 30 ans est la rareté de l’offre en enseignement supérieur [5] qui contraint la plupart des jeunes à quitter le bassin versant pour poursuivre leurs études. Par ailleurs, l’accessibilité réduite, du fait d’une offre très limitée de transports publics (Dellier et al., 2013), est une autre cause explicative. Ce sujet transparaît du reste dans le film, ce qui a fait réagir un individu lors d’une des projections :
Les départements inclus dans le bassin versant de la Dordogne font partie des territoires ruraux les plus en marge et disposent de campagnes peuplées d’une population vieillissante où la densité démographique est très faible (44 habitants/km2) (Grésillon et al., 2017).« Toute cette activité qu’il y avait sur la Dordogne a disparu. Mais ce n’est pas dû qu’aux barrages, c’est aussi dû à l’exode rural, à la ligne ferroviaire (de la Compagnie Paris à Orléans) qui a été suspendue, nous isolant du monde extérieur. On a été coupés du monde ».
L’expérience du territoire au travers de la cartographie participative de l’espace fluvial
21Cette recherche participative s’est appuyée notamment sur un exercice de cartographie participative. Cette activité visait à faire émerger les savoirs associés à la rivière Dordogne. Ces cartes mentales permettent de comprendre comment les individus se repèrent, s’orientent et se représentent l’espace, d’identifier les préférences des individus pour certains lieux, de comprendre les délimitations et les significations attribuées à l’espace (Girard, Rivière-Honegger, 2012 ; Girard, 2012 ; Gueben-Venière, 2011, 2017). Ces savoirs sont déterminés par une dimension individuelle propre à la trajectoire de chacun, mais ils s’appuient aussi sur une dimension culturelle ou sur l’appartenance à certaines catégories sociales (Guérin, 1989 ; Germaine, 2011). Il existe donc autant de savoirs que d’individus ou de groupes portant un regard sur une réalité donnée.
22Au cours des ateliers, les participants ont été invités à produire des cartes mentales et des croquis individuels, puis à réaliser une carte collective concernant un segment de la Dordogne qui leur était familier. La carte devait être accompagnée d’un récit à communiquer aux habitants d’autres tronçons du cours d’eau.
Carte no 3 réalisée lors de l’atelier d’Argentat, 15 octobre 2016
Carte no 3 réalisée lors de l’atelier d’Argentat, 15 octobre 2016
23Les cinq contributeurs de la carte n° 3 (figure 4) ont souhaité montrer la diversité des enjeux relatifs à la rivière Dordogne dans le secteur d’Argentat. Certains connaissent la Dordogne comme une rivière inaccessible, symbolisée par le dessin de barbelés et des panneaux d’interdiction. D’autres la perçoivent comme menacée à la fois par les éclusées des barrages (celui du Chastang et celui d’Argentat), l’aménagement d’un projet de transfert d’énergie par pompage, les activités d’élevage, un champ d’éoliennes, un champ de panneaux solaires, etc. Toutes ces activités auraient des effets perçus comme négatifs sur la rivière Dordogne.
Des savoirs citoyens valorisés par un film documentaire
24Le scénario du film a été co-élaboré avec les participants au cours des ateliers. Le film a été écrit comme un itinéraire le long de la Dordogne, d’amont en aval de la rivière, à la rencontre de groupes d’habitants réunis lors d’ateliers (voir figure 1). Le projet, tel que conçu au départ, a été de construire un film avec et au service des participants vivant sur le bassin versant, afin qu’il soit regardé par d’autres habitants de part et d’autre de la vallée. Les récits issus de ces moments d’échange et les discussions de chaque séance d’atelier ont fait l’objet d’une retranscription complète permettant de constituer un corpus exhaustif, sur lequel s’est appuyée la réalisatrice [6] dans l’écriture du film La Dordogne vue par ses habitants pour ses habitants. Un travail de sélection des séquences et de synthèse a été nécessaire a posteriori pour écrire une narration cohérente et faire des liens entre les 70 témoignages individuels et collectifs récoltés au cours des ateliers. Le film a ainsi été pensé comme un condensé d’extraits d’entretiens présentant la parole des citoyens. Seuls quelques éléments d’information ont été donnés par écrit au début et à la fin du film. Des images de la vallée illustrent les discours, les relations entre les habitants et l’eau. Des entretiens plus approfondis ont permis de compléter les savoirs recueillis lors des ateliers. Dans cette perspective, près de 35 entretiens avec des personnes-ressources, dont certaines également présentes aux ateliers, ont été enregistrés avec l’aide d’étudiants se formant au travail d’enquête lors de 5 journées sur le terrain organisé en janvier, puis en mars 2016. Le montage a permis d’éditer deux films, l’un de 56 minutes et l’autre de 26 minutes, une version longue plus détaillée que la version courte.
25Une fois montée, une première version du film a été projetée dans cinq salles (cinémas et salles communales) des secteurs où ont eu lieu les ateliers, afin de restituer le résultat de la recherche collective aux participants et de recueillir les impressions des habitants de la vallée. Les projections du film ont rassemblé au total plus d’une centaine de personnes. Suite aux projections, les spectateurs furent à leur tour encouragés à entamer un travail de réflexion sur leurs perceptions et représentations de la rivière et à partager leurs sentiments avec le public. Ce feed-back, phase de travail utilisée par Jean Rouch (1979), a été l’occasion de restituer une première version du film auprès des enquêtés. Les retours des participants lors des projections ont été des moments enrichissants pour prolonger la réflexion méthodologique de l’équipe de chercheurs. Certains participants ont partagé leurs regrets de ne pas voir apparaître leurs témoignages. Les spectateurs ont souhaité poursuivre les discussions soulevées dans le film, préciser et ajouter de nouvelles idées. Cet outil de recherche participative a montré de fait sa capacité à mobiliser un large échantillon de personnes.
Mobiliser les « savoirs citoyens » dans la gestion territoriale des cours d’eau
Construction des savoirs autour de la rivière Dordogne
26L’analyse des discours filmés au cours des ateliers offre un corpus riche au sein duquel différents domaines de savoirs sont analysés. Les habitants ont témoigné avec enthousiasme de leur relation avec la rivière et ses affluents. D’amont en aval, les ateliers participatifs ont montré que la rivière constitue un « trait d’union » entre les habitants de la vallée, bien qu’ils résident dans des territoires aux paysages et aux spécificités agricoles et culturelles variées. Ils ont rappelé l’histoire de cette rivière et ont mis en lumière de nombreux enjeux contemporains (concurrence ouverte sur la concession des barrages, aménagement de passes à poisson, démantèlement de seuils, etc.). Exprimant leur admiration pour ce cours d’eau, ils s’inquiètent aussi de l’évolution de son état écologique.
27Les discours développés individuellement et collectivement par les participants autour des croquis et des cartes permettent d’identifier une grande diversité des savoirs d’usage de la rivière. Nous proposons ici une typologie de ces savoirs à partir des réponses des participants à la question : « C’est quoi pour vous la rivière Dordogne ? » Pour les classifier, nous avons procédé à une analyse textuelle en relevant la cooccurrence des mots utilisés par les participants. Les termes évoqués furent regroupés dans 14 catégories. L’expression des savoirs associés à la rivière dans chaque atelier est représentée dans la figure 5.
Savoirs associés à la rivière par les participants aux ateliers
Savoirs associés à la rivière par les participants aux ateliers
28L’importance accordée aux différents savoirs a été variable, selon le contexte social, environnemental et historique des lieux. Ainsi, à Bort-les-Orgues, les participants ont été nombreux à transmettre leurs connaissances au sujet de l’exploitation de la rivière en tant que ressource. Ils ont partagé des récits concernant l’histoire des barrages mais aussi l’histoire spirituelle et mythique de la vallée. L’un des participants de l’atelier de Bort-les-Orgues a énoncé de la manière suivante ses connaissances sur l’histoire de la Dordogne :
« Libre jusqu’en 1935, la Dordogne est devenue un fleuve soumis, impacté depuis la Bourboule jusqu’à notre territoire, voire au-delà, par les aléas de la production hydroélectrique. Le fleuve, lui-même, et tous ses affluents, ont irrémédiablement perdu leur identité, pour ne devenir, sur des dizaines de kilomètres, qu’une triste conduite. Dans la traversée de la ville de Bort-les-Orgues, la “conduite” est laissée à l’abandon tout autant par l’exploitant de l’ouvrage que par les services de la ville ».
30Cet intervenant dénonce ici une gestion industrielle de la vallée depuis la construction des barrages. Son discours caractérise la rivière « porteuse d’une identité ». Alors que cet intervenant parle d’« une triste conduite », d’autres participants ont parlé d’une « rivière emmurée ».
31À Argentat, les participants ont accordé plus d’importance aux savoirs concernant le paysage. L’espace fluvial est un territoire approprié par les personnes interrogées qui, selon l’ancienneté de leur arrivée, parlent « d’attachement », « de souvenirs », de « patrimoine » à préserver. La ville d’Argentat a été qualifiée de lieu de passage historique d’un territoire à un autre. Certains participants s’identifient à la rivière au travers de l’histoire familiale : « Petit fils de gabarrier, pour moi la rivière fait partie de la famille », dit par exemple un participant de 60 ans de l’atelier d’Argentat. Des participants ont ainsi évoqué ainsi les gabarres, bateaux emblématiques de la rivière durant les siècles passés. Il est notable que beaucoup de participants ont fait appel à leurs souvenirs d’enfance. Plusieurs amateurs de pêche ont fait part des savoirs écologiques qu’ils doivent maîtriser pour accéder aux ressources. Un des participants de l’atelier d’Argentat a évoqué sa pratique de la pêche en mobilisant ses savoirs acquis au fil des années de pratique. Ces savoirs concernent en particulier l’écologie de la rivière. Au cours de ses « parties de pêche », il a eu l’occasion d’observer de nombreuses espèces animales protégées. Il caractérise les enjeux autour des ressources halieutiques :
« La Dordogne, fabuleuse rivière pour son potentiel halieutique. La pêche domine sous plusieurs formes : pêche à la mouche, pêche classique et pêche en réservoir. Je m’identifie comme un pêcheur à la mouche, l’un des messagers sur les mutations et les risques de pollution qui modifieraient l’équilibre de la rivière et son potentiel en termes de population salmonidés riche en ombres et en truites, saumons qui repeuplent nos cours d’eau grâce aux effets des associations locales qui œuvrent pour la protection du milieu naturel, et de la construction de passes à poissons qui participent à la montée des migrateurs. La rivière Dordogne est reconnue mondialement, comme un spot incontournable de la pêche à la mouche, entre les secteurs d’Argentat et Beaulieu sur Dordogne. Des pêcheurs de renommée internationale ont déjà qualifié la Dordogne de rivière exceptionnelle, en termes de dimensions halieutiques, probablement l’une des rivières les plus belles d’Europe. Elle abrite également des espèces protégées que j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de rencontrer dans mes nombreuses parties de pêche. Par exemple, des loutres, des faucons pèlerins, et même des saumons dans la rivière au moment de la deuxième remontée migratoire de juillet ».
33Ce pêcheur met en garde face aux pollutions qui modifieraient l’équilibre écologique de la rivière Dordogne. Dans la continuité de cette intervention, plusieurs participant·e·s ont témoigné de leurs préoccupations concernant les conditions du milieu soumis aux éclusées des aménagements hydrauliques situés en amont.
34À Carlux, les participants ont parlé de l’espace de loisirs et du tourisme (canoë, gabarres, camping, gastronomie), des activités agricoles, du patrimoine, du paysage marquant le secteur moyen de la Dordogne. Ils ont exprimé leur attachement au milieu fluvial et leurs regrets concernant la dégradation du milieu.
35À Sainte-Foy-la-Grande, ils ont discuté de l’abandon de la rivière et de ses ports fluviaux. Le lit du cours d’eau est colmaté par les algues vertes et ses eaux sont polluées. La navigation est difficile sur ce tronçon aval, bien que des activités d’aviron et de kayak pourraient se développer au bénéfice des loisirs et du tourisme. Plusieurs participants des ateliers de Sainte-Foy-la-Grande ont partagé leurs savoirs sur l’état de la rivière et les possibilités de navigation :
« La Dordogne est historiquement une voie navigable. On entretient les voies ferrées, les voies routières, mais la Dordogne est une voie d’eau qui n’est pas entretenue. Les ports ont été dégradés. […] Certaines plantes envahissent le lit de la rivière et s’accrochent aux hélices et pagaies des bateaux endommageant ainsi les embarcations ».
37Les associations de navigateurs demandent donc à EPIDOR de considérer le nettoyage du lit de la rivière pour faciliter la navigation. Le dragage de la rivière est en effet indispensable à la navigation, selon les amateurs et les associations spécialisées dans le domaine nautique. Or, les individus favorables à cette pratique de la navigation, comme dans la citation suivante, s’opposent à ceux qui souhaitent maintenir les bancs de sable et les bras morts favorables à la biodiversité dans le lit de la rivière :
« Je suis étonné qu’il n’y ait pas de bateau ! Une rivière vivante, c’est une rivière avec des bateaux, des gens qui montent, qui descendent ».
39Les amateurs de nautisme souhaitant dompter la rivière pour pouvoir plus facilement y naviguer s’opposent ainsi souvent aux pêcheurs, aux passionnés d’ornithologie et aux naturalistes qui souhaitent conserver une rivière « naturelle », visant notamment à limiter les interventions sur le lit de la Dordogne. Cet exemple illustre l’existence, lors des entretiens et débats publics, de controverses quant aux interactions entre les activités humaines et l’état des milieux aquatiques.
40À Saint-André-de-Cubzac, les participants ont abordé tous azimuts les enjeux paysagers, la réhabilitation des ports fluviaux indispensable à la navigation, la pratique du surf sur le mascaret, la chasse dans les marais.
41Les différents ateliers ont eu ainsi en commun de favoriser l’énonciation de savoirs d’ordre temporel et spatial s’appuyant d’une part sur l’histoire, du néolithique à l’époque contemporaine, sur le patrimoine, et d’autre part sur l’espace présent caractérisé par l’écologie du milieu ou la navigation. L’expression de ces savoirs, l’appréciation locale de l’état de la rivière, l’histoire des usages et des aménagements, les valeurs économiques accordées aux ressources et aux aménités, les valeurs esthétiques, olfactives attribuées à un ensemble paysager permettent d’identifier la/les « culture(s) de la rivière ». Cette culture ou ces cultures contribuent à la construction individuelle et collective d’une identité riveraine et à l’appropriation de l’espace fluvial constituant le « territoire ». Le film met ainsi en valeur le sentiment d’appartenance en faisant ressortir une identité commune autour de la rivière de part et d’autre du bassin versant.
Entre savoirs « experts » et savoirs « profanes » : un rapport de pouvoir territorialisé
42Les récits collectés au cours des ateliers montrent le potentiel que pourrait apporter une prise en compte des « savoirs citoyens ». Ces paroles apportent des savoirs précis issus d’une observation de long terme des lieux et des milieux. Ces savoirs sont fondés sur des savoirs historiques transmis collectivement, des expériences plus familiales, des expériences personnelles et sensibles du paysage et des sentiments d’attachement qu’un expert, au regard distancié, ne pourrait avoir. Les experts professionnels pourraient bénéficier de ces savoirs, à l’occasion d’une démarche comparable à la nôtre, pour penser ces interactions entre sociétés et milieux à l’échelle du bassin versant.
43Outre la difficulté à faire reconnaître les savoirs des citoyens, les démarches participatives rencontrent aussi des limites en termes de représentativité de la diversité des savoirs, car elles peuvent être utilisées comme une arène et faire l’objet d’un accaparement par des habitants dominants économiquement, politiquement et socialement et ayant un plus grand pouvoir au niveau territorial. Cela a été le cas à l’issue des projections, lors de débats au cours desquels des associations ou des agents des EPTB ont fait valoir leurs intérêts, tout en étant légitimés par le caractère démocratique des événements.
44À Sarlat-la-Canéda, par exemple, des participants à la projection-débat ont exprimé leur déception face au manque d’engagement exprimé par les personnes témoignant dans le film, qualifiées d’« admiratives » et de « contemplatives ». L’un des spectateurs-acteurs, agent de l’EPTB EPIDOR, a indiqué une lacune du film : « C’est agréable d’entendre parler de la rivière, mais il manque une dimension politique ». Tandis que les habitants expriment une forme de résignation considérant que les barrages resteront en place sur le long terme, n’envisageant pas la possibilité de leur démantèlement, les gestionnaires aimeraient entendre des propositions concrètes et opérationnelles plutôt que des discours qualifiés de « nostalgiques » ou « passéistes ». Ainsi, les savoirs locaux sont exprimés d’une manière qui n’est pas toujours reconnue et reçue par les acteurs dominants, ce qui peut être un frein à leur prise en compte dans les processus de décision.
Expertise citoyenne et enjeux autour des aménagements du territoire
45L’« expertise citoyenne » s’appuie ici sur l’expérience et le vécu des habitants le long de la rivière. Les ateliers et les débats suite aux projections du film ont fait émerger des querelles relatives à l’acceptation de futurs aménagements du territoire. Les barrages notamment sont perçus comme un problème social et écologique, mais aussi comme un atout économique. En amont, le traumatisme partagé dans le film autour de l’engloutissement des villages en amont de la vallée au travers du témoignage de Ginette Aubert (2008) est revenu lors des discussions avec les spectateurs du film projeté à Bort-les-Orgues. Certains spectateurs ont souhaité exprimer leur sentiment : « Ici on est nostalgiques car les barrages ont enseveli les souvenirs de nos familles » ; « Nous connaissons un traumatisme collectif ». Certains spectateurs expriment aussi leur résignation : « En bas, s’ils veulent restaurer leurs ports [les ports de Plagne ou de Bergerac utilisés pour la navigation fluviale], ils peuvent encore le faire. Ici on ne peut rien restaurer, même quand ils vident les barrages ». Ils ont aussi fait part de leur opposition à ces aménagements : « Les barrages n’auraient jamais pu être construits de nos jours, tant l’opposition aurait été virulente ». Les opposants regrettent la destruction des villages de fond de vallée, mais aussi l’interruption de la continuité écologique de la rivière indispensable aux poissons les plus nobles (comme les saumons et les truites). Néanmoins, d’autres participants ont expliqué que les barrages génèrent encore beaucoup de revenus sous la forme de taxes perçues par les communes et les communautés de communes. Les exploitants d’hydroélectricité (EDF et SHEM-ENGIE principalement) subventionnent des associations, comme l’association De villages en barrages. Ce soutien financier permet à ces associations de réunir de nombreux habitants de la vallée autour de la valorisation du patrimoine et du paysage local. Les membres de cette association portent donc un regard positif sur les barrages, qui font pour eux partie du paysage. L’association aménage des sentiers de randonnées le long des gorges de la Dordogne pour valoriser ce paysage et le rendre accessible au grand public.
46À Sarlat-la-Canéda, par exemple, des représentants associatifs sont intervenus pour dénoncer des plans de développement routiers visant à aménager une voie rapide avec deux ponts et un tunnel pour contourner le site classé du château de Beynac. Ces aménagements pourraient avoir des effets sur l’hydromorphologie de la rivière.
47Des représentants d’associations appelaient à une mobilisation intitulée : « Sauvons la vallée : patrimoine humain, historique et écologique », car cet aménagement destiné à l’amélioration de la circulation automobile et notamment des touristes pendant la haute saison pourrait produire d’importants dégâts écologiques dans le secteur concerné. Il s’agissait, au moment de notre passage, d’une période électorale et ces associations ont profité de cette arène pour faire passer leur message, pour convaincre du bien-fondé de leur combat. La référence aux textes législatifs sur l’environnement, et notamment la mention de la concertation à cinq partenaires (État, collectivités, acteurs économiques, syndicats et associations de protection de l’environnement), est ici révélatrice du désir de ce groupe d’habitants de la vallée de participer aux décisions concernant la gestion de la rivière. Ainsi, tandis qu’à Sarlat-la-Canéda, des membres du collectif Sauvons la vallée de la Dordogne ont exprimé leur opposition à l’aménagement de routes de déviation, à Sainte-Foy-la-Grande plusieurs intervenants ont expliqué que leur territoire est peu attractif depuis que le fleuve n’est plus navigable et reste en marge en raison d’aménagements routiers désuets. L’aménagement des routes semble ici nécessaire pour le développement économique local. C’est ainsi que certains ateliers furent organisés avec le soutien des groupes d’opposition aux majorités municipales. Ces réunions étaient donc l’occasion pour les habitants de partager et de convaincre le public présent en vue de peser lors de prochaines élections.
48Suite à cette production collective de discours sur l’espace fluvial, les participants aux ateliers ont formulé des constats et des inquiétudes sur l’état actuel et le devenir du territoire. En faisant connaître et reconnaître ces propositions sous la forme de discours, cette expérience participative a contribué aux débats locaux sur les perspectives possibles de la gestion d’une rivière partagée et commune aux riverains.
Conclusion : vers une meilleure prise en compte des savoirs citoyens dans les politiques de gestion des cours d’eau
49Les démarches participatives espèrent rendre audible la voix de ceux à qui est habituellement déniée la légitimité de prendre part aux décisions (Callon, Lascoumes et al., 2001 ; Sintomer, 2008 ; Anadon, 2013). Le film construit avec une approche participative (« les habitants parlent aux habitants ») est un outil qui a fait ses preuves puisqu’il contribue à faire entendre la parole des citoyens, à faire valoir leurs savoirs et leurs prises de position (Seguin, 2013). Il a été employé comme un outil permettant d’inciter et de poursuivre les échanges et le débat suite aux projections.
50Par notre démarche, nous avons offert un espace pour la construction d’une identité collective autour de la rivière Dordogne, un territoire commun, en mobilisant et valorisant l’engagement des riverains, et ceci en marge d’une gestion technique de la rivière. Les résultats de l’étude montrent que la Dordogne n’est pas la même rivière pour tous les participants qui ont des usages et des approches variés du milieu. La diversité des savoirs qui ont résonné dans les débats concernant l’état des ressources et du milieu serait légitime à prendre en compte pour une gestion intégrée des cours d’eau (Rivière-Honegger et al., 2015 ; Ferraton, 2016). Néanmoins, dans le cas de cette étude, la recherche participative s’est concentrée sur le plan théorique et expérimental. Ici, l’interaction directe entre les habitants, citoyens aux savoirs profanes, et les acteurs responsables des décisions, élus et experts, n’a pas été envisagée comme ce fut le cas dans d’autres études (Seguin, 2013), notamment dans le cadre des CLE. Cela pourrait faire l’objet d’une future recherche.
51En valorisant la diversité des regards sur la rivière, l’objectif opérationnel de cette approche a été de sensibiliser le public local, les gestionnaires du bassin versant et les membres des commissions locales de l’eau aux savoirs des habitants, et de soutenir une gestion plus participative de la rivière. Les participants aux ateliers et aux entretiens, ainsi que les spectateurs présents aux séances de diffusion du film, ont exprimé le besoin de mieux faire entendre leurs engagements, leurs attachements et leur enthousiasme (Cadoret, 2017 ; Sébastien, 2016). Certains ont mobilisé leurs savoirs ordinaires, tandis que d’autres ont déjà acquis des « savoirs militants » et la maîtrise de savoirs et/ou de savoir-faire politiques en intégrant des réseaux d’acteurs : association, parti politique, groupe informel, etc. (Nez, 2011). Pour l’ensemble des participants, cette expérience a été l’occasion de prendre du recul sur leurs savoirs et d’échanger avec d’autres. Elle soutient donc le processus d’apprentissage social et la prise de conscience de la capacité des individus à participer au processus délibératif (Pahl-Wostl et al., 2008). Notre rôle de chercheur a été, dans ce cadre, de favoriser la prise de conscience des problématiques environnementales et de soutenir les « capabilités », les capacités des citoyens les plus faibles décrites par Amartya Sen (Monnet, 2008), autrement dit l’« empowerment », c’est-à-dire l’autonomisation et le pouvoir d’agir des individus.
52Nous espérons in fine encourager une participation citoyenne plus active dans le débat public, afin de parvenir à une gestion de l’eau tenant davantage compte des dimensions sociales et culturelles en vue d’améliorer la vie démocratique du gouvernement de l’eau (Narcy, 2013). L’objectif ultime est ici de contribuer à la « gouvernance de l’eau » ou à la « démocratie de l’eau » (Lesage, 2013), en améliorant la qualité du processus qui mène à la prise de décision.
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Mots-clés éditeurs : vidéo documentaire, attachement à un lieu, savoir citoyen, appropriation du territoire, territoire, expertise citoyenne, participation citoyenne, recherche participative, citoyenneté, attachement à un espace
Date de mise en ligne : 11/12/2018.
https://doi.org/10.3917/parti.021.0117Notes
-
[1]
La participation a été progressivement institutionnalisée à partir des années 1980, avec les chartes pour l’environnement, puis suite à la loi Barnier de 1995 instituant la Commission nationale du débat public, la consécration constitutionnelle via l’article 7 de la Charte de l’environnement adoptée en 2005, ainsi que l’expérience de « gouvernance à cinq » du Grenelle de l’environnement et son prolongement actuel dans les réflexions sur une « gouvernance concertée ». Elle fait partie des injonctions de la loi sur les milieux aquatiques.
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[2]
La chaire Capital environnemental et gestion durable des cours d’eau, de l’Université de Limoges, est un programme de recherche (2013-2020) initié par le laboratoire GEOLAB (UMR 6042, CNRS/UBP Clermont-Ferrand/Université de Limoges), la Fondation partenariale de l’Université de Limoges, et la SHEM. L’objectif général de la chaire est de rechercher des aspects sociaux de la gestion des cours d’eau en France. Pour cela, une équipe pluridisciplinaire a été constituée. Le projet présenté dans cet article a été initié par Jamie Linton, géographe, responsable de la chaire, Natacha Jacquin, politologue, animatrice des ateliers et Émilie Crémin, réalisatrice du film, géographe et première auteure de cet article.
-
[3]
La Dordogne peut être considérée comme une rivière affluente de la Garonne ou comme un fleuve car elle rejoint la Garonne dans l’estuaire de la Gironde. Le terme utilisé dépend donc du choix des auteurs.
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[4]
Ce film intitulé La Dordogne vue par ses habitants est consultable en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=7hMjVQYix0E (accès le 08/10/2018).
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[5]
Seuls un IUT rattaché à l’Université de Limoges dans la commune de Brive, et un IUT et un département d’études juridiques et économiques rattachés à l’Université de Bordeaux à Périgueux, dispensent des enseignements supérieurs publics dans le bassin versant.
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[6]
La réalisatrice du film, Émilie Crémin, docteure en géographie, est l’une des auteures de cet article.