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Article de revue

La « Loi sur l’organisation du travail national ». Un nouveau monde du travail sous le Troisième Reich ?

Pages 269 à 284

Notes

  • [1]
    La Nationalsozialistische Betriebszellenorganisation, « syndicat » national-socialiste fondé en 1928 (Hans Ullrich Wehler, Deutsche Gesellschaftsgeschichte, Band 4 : Vom Beginn des Ersten Weltkrieges bis zur Gründung der beiden deutschen Staaten, 1914-1949, Munich, C. H. Beck Verlag, 2003, p. 306).
  • [2]
    Ce texte sera désormais désigné sous son acronyme allemand d’AOG.
  • [3]
    Le texte d’origine a été signé par Adolf Hitler, à l’époque encore simple chancelier, Franz Seldte, ministre du travail (Reichsarbeitsminister), le Dr Kurt Schmitt, ministre de l’économie (Reichswirtschaftsminister), le Dr Franz Gürtner, ministre de la justice (Reichsminister der Justiz), Graf Schwerin von Krosigk, ministre des finances (Reichsminister der Finanzen) et Wilhelm Frick, ministre de l’intérieur (Reichsminister des Innern). Cette loi a pu être discutée, décidée et entra en vigueur sans vote du parlement, en vertu de l’Ermächtigungsgesetz du 22 mars 1933 qui avait aboli la séparation des pouvoirs et avait donné au cabinet le pouvoir de légiférer.
  • [4]
    Gesetz über Betriebsvertretungen und über wirtschaftliche Vereinigungen vom 4. April 1933 (Reichsgesetzblatt, 1933, I, p. 161).
  • [5]
    Neumann Franz L., Behemoth. Struktur und Praxis des Nationalsozialismus 1933-1944, Cologne-Francfort, Europäische Verlagsanstalt, 1977, p. 480. Un ouvrage d’abord publié en exil et en anglais aux États-Unis en 1942-1944.
  • [6]
    broszat Martin, L’État hitlérien : l’origine et l’évolution des structures du IIIe Reich, Paris, Fayard, 1985, p. 235.
  • [7]
    Le texte porte en effet sur le chef d’entreprise et le conseil de confiance (Erster Abschnitt : Führer des Betriebes und Vertrauensrat), le commissaire du travail (Zweiter Abschnitt : Treuhänder der Arbeit), le règlement d’entreprise et les conventions salariales (Dritter Abschnitt : Betriebsordnung und Tarifordnung), la juridiction d’honneur social (Vierter Abschnitt : Soziale Ehrengerichtsbarkeit), le droit de licenciement des employés (Fünfter Abschnitt : Kündigungsschutz), le travail dans le service public (Sechster Abschnitt : Arbeit imöffentlichen Dienst), enfin les dispositions finales et transitoires (Siebenter Abschnitt: Schluß- und Übergangsbestimmungen).
  • [8]
    schoenbaum David, La révolution brune. Une histoire sociale du IIIe Reich (1933-1939), Paris, Robert Laffont, 1979, p. 118.
  • [9]
    Werner Mansfeld (Uchte, 1893-Berlin, 1953) s’engagea, après ses études de droit et son service pendant la Première Guerre mondiale, pendant 11 mois dans le Stahlhelm où il exerça, entre autres, la fonction de chef local (Ortsgruppenführer) à Essen. Après l’obtention de son diplôme et ses activités en tant que juge assesseur, il travailla, à partir de 1924, dans les services juridiques et sociaux de différentes associations patronales, dont le Reichsverband der Deutschen Industrie, et siégea dans différents conseils d’administration. Peu avant mai 1933, il devint chef de cabinet du ministère du travail tout en prenant la direction du Département III qui se consacrait au droit du travail et à la politique salariale. Il entra en mai 1933 au parti national-socialiste (NSDAP).
  • [10]
    Wolfgang Pohl (Breslau, 1896-Berlin, 1962) étudia entre 1917 et 1921 à la Friedrich-Wilhelms-Universität et à la Handelshochschule de Berlin dont il sortit diplômé en 1922. Dès 1921, il travailla en tant que cadre dirigeant à l’AEG (Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft), tandis que son activité en tant que rédacteur du Deutsche Allgemeine Zeitung lui donna accès aux réseaux de l’élite économique allemande. De 1927 à 1933, il devint attaché de presse auprès du Ministère de l’économie du Reich (service de la politique sociale). Il entra au NSDAP en mai 1933 où, à partir de novembre, il prit la direction du département des questions sociales. Ami proche de Robert Ley, il exerça de hautes fonctions dans le DAF ainsi que dans les ministères du travail et de l’économie.
  • [11]
    Ian Kershaw a défini ce concept, au sein de la sphère politique, dans un article fondateur, « “Working Towards the Führer”. Reflections on the Nature of the Hitler Dictatorship », Contemporary European History, vol. 2, no 2, juillet 1993, p. 103-118. Johann Chapoutot a poursuivi cette réflexion en étudiant la pensée de Reinhardt Höhn dans le domaine du management dans son essai Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui, Paris, Gallimard, 2020.
  • [12]
    Articles 26, 27 et 29 de l’AOG.
  • [13]
    La Betriebsrätegesetz de 1920 fut abrogée par l’article 65 de l’AOG.
  • [14]
    Articles 5 à 12 de l’AOG.
  • [15]
    Article 10 de l’AOG.
  • [16]
    Article 19 de l’AOG.
  • [17]
    Homburg Heidrun, « Autodétermination sociale ou État interventionniste ? La régulation collective des conditions de travail en Allemagne, 1890-1933 », in Bénédicte Zimmermann, Claude Didry et Peter Wagner (dir.), Le travail et la nation. Histoire croisée de la France et de l’Allemagne, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1999, p. 223-252.
  • [18]
    Sinzheimer Hugo, Der korporative Arbeitsnormenvertrag, [1907-1908], Berlin, Duncker & Humblot, 1977.
  • [19]
    Article 2 de l’AOG.
  • [20]
    Mason Tim W., « Zur Entstehung des Gesetzes zur Ordnung der nationalen Arbeit, vom 20. Januar 1934 : ein Versuch über das Verhältnis “archaischer” und “moderner” Momente in der neuesten deutschen Geschichte », in Hans Mommsen, Dietmar Petzina, Bernd Weisbrod (éd.), Industrielles System und politische Entwicklung in der Weimarer Republik, Düsseldorf, Droste, 1974, p. 322-351.
  • [21]
    Brady Robert A., The Rationalization Movement in German Industry, Berkeley, University of California Press, 1933, p. 239 et suivantes. Dès la fin des années 1920, IG Farben dépensait plus de 8 % des coûts salariaux dans sa politique sociale d’entreprise, les coûts de ces dépenses étant exemptés d’impôts.
  • [22]
    Ce qui avait été dénoncé dès 1931 par Otto Kahn-Freund dans « Das soziale Ideal des Reichsarbeitsgerichts », un article repris dans Ramm Thilo (éd.), Arbeitsrecht und Politik. Quellentexte, 1918-1933, Neuwied, Luchterhand Verlag, 1966.
  • [23]
    Hachtmann Rüdiger, « Die rechtliche Regelung der Arbeitsbeziehungen im Dritten Reich », in Dieter Gosewinkel (éd.), Wirtschaftskontrolle und Recht in der nationalsozialistischen Diktatur, Francfort, Klostermann, 2005, p. 123-155.
  • [24]
    Eden Sören, « Arbeitsrecht im NS-Staat. Die Treuhänder der Arbeit und die Kriminalisierung der Arbeitsvertragsbrüche », dans Alexander Nützenadel (ed.), Das Reichsarbeitsministerium im Nationalsozialismus. Verwaltung, Politik, Verbrechen, Göttingen, Wallstein Verlag, 2017, p. 246-281.
  • [25]
    Becker Martin, « Die Betriebs- und die Volksgemeinschaft als Grundlage des “neuen” nationalsozialistischen Arbeitsrechts. Arbeitsrechtsideologie im NS-Rechtssystem », in Marc Buggeln, Michael Wildt. (éd.), Arbeit im Nationalsozialismus, Munich, Oldenbourg, 2014, p. 104-121.
  • [26]
    Huber Ernst Rudolf, « Betriebsordnung und Tarifordnung », Juristisches Wochenblatt, 1934, p. 1019. Citation traduite : « Organ eines öffentlichen Verbandes. »
  • [27]
    Article 35 de l’AOG.
  • [28]
    Interprétation notamment défendue dans Mason Tim, Sozialpolitik im Dritten Reich. Arbeiterklasse und Volksgemeinschaft, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1977 ou Schneider Michael, Unterm Hakenkreuz. Arbeiter und Arbeiterbewegung 1933 bis 1939, Bonn, Dietz, 1999.
  • [29]
    L’article 25 de l’AOG donne en effet la liberté au Betriebsführer d’en fixer les conditions.
  • [30]
    Les relations contractuelles sont définies à l’article 2 de l’AOG.
  • [31]
    Mansfeld Wemer, « Die soziale Ehre als Grundlage des neuen Sozialsystems », dans Deutsches Recht, 1934, p. 459.
  • [32]
    Spohn Wolfgang, Betriebsgemeinschaft und Volksgemeinschaft. Die rechtliche und institutionnelle Regelung der Arbeitsbeziehungen im NS-Staat, Berlin-Ouest, Quorum-Verlag, 1987, p. 120 et suivantes.
  • [33]
    Rüdiger Hachtmann avance ainsi que le nombre de litiges portés devant les tribunaux du travail de 1931 à 1938 diminua de 65,6 %, « Die rechtliche Regelung der Arbeitsbeziehungen im Dritten Reich », in Dieter Gosewinkel (dir.), Wirtschaftskontrolle und Recht…, op. cit., p. 123-155, p. 144 et suivantes (annexes).
  • [34]
    Suivant les articles 36 et 38 de l’AOG.
  • [35]
    Rüthers Bernd, « Die Betriebsverfassung im Nationalsozialismus », Arbeit und Recht, vol. 18, no 4, avril 1970, p. 100-101.
  • [36]
    Article 29 de l’AOG.
  • [37]
    Suivant l’« Appel à tous les Travailleurs allemands » du 27 novembre 1933.
  • [38]
    Neumann Franz Leopold, Behemoth…, op. cit., p. 480.
  • [39]
    Lüdtke Alf, « Herrschaft als soziale Praxis », in Id. (éd.), Herrschaft als soziale Praxis. Historisch- und Sozial-Anthropologischen Studien, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1991 ; Id.., « La domination au quotidien. “Sens de soi” et individualité des travailleurs en Allemagne avant et après 1933 », Politix, vol. 4, no 13, 1991, p. 68-78.
  • [40]
    Siebert Wolfgang, Das Arbeitsverhältnis in der Ordnung der nationalen Arbeit, Hamburg, Hanseatische Verlagsanstalt, 1935.
  • [41]
    Citons notamment la Verordnung zur Durchführung der Verordnung über die Beschäftigung von Juden du 31 octobre 1941.
  • [42]
    Tooze Adam, Le salaire de la destruction. Formation et ruine de l’économie nazie, Paris, Les Belles Lettres, 2012.

1« Le gouvernement du Reich a adopté la loi suivante promulguée par la présente :

Première partie. Chef de l’entreprise et conseil de confiance

Article 1

2Dans l’entreprise le patron, les employés et les ouvriers travaillent ensemble, respectivement en tant que “Führer de l’entreprise” (Betriebsführer) et sa “troupe” d’employés (Gefolgschaft), pour soutenir les intérêts de l’entreprise et le bien commun, du peuple (Volk) et de l’État.

Article 2

3Le Führer de l’entreprise prend des décisions, vis-à-vis de sa troupe, sur toutes les affaires concernant l’entreprise, dans les limites fixées par cette loi.

4Il doit veiller au bien-être de sa troupe d’employés. Ceux-ci doivent lui maintenir leur fidélité, telle qu’elle est fondée dans la “communauté d’entreprise”. […]

Article 5

5Des “hommes de confiance” (Vertrauensmänner), pris parmi la troupe d’employés, sont placés aux côtés du Führer de l’entreprise pour le conseiller, quand cette dernière compte 20 employés au moins. Ils forment ensemble et sous la direction du Führer de l’entreprise le “conseil de confiance” (Vertrauensrat). […]

Article 6

6Le conseil de confiance a le devoir d’approfondir la confiance mutuelle au sein de la communauté d’entreprise.

7Le conseil de confiance est chargé de formuler des conseils sur toutes les mesures visant l’amélioration de la productivité, la définition et l’application des conditions de travail générales, et en particulier celles du règlement intérieur de l’entreprise, sur toutes les mesures servant à la mise en œuvre et à l’amélioration de la sécurité au travail, servant au renforcement des liens entre les membres de l’entreprise et des liens de ceux-ci avec l’entreprise elle-même ainsi que sur les décisions utiles au bien-être de tous les membres de la communauté. En outre, le conseil doit agir sur le règlement de tous les conflits internes à la communauté d’entreprise. Il doit être écouté, avant la fixation de sanctions en application du règlement intérieur. […]

Article 9

8Le Führer de l’entreprise établit en accord avec le chef de la NSBO [1], au mois de mars de chaque année, une liste des hommes de confiance et de leurs suppléants. La troupe des employés doit se prononcer sur cette liste peu après par un vote secret. […]

Article 10

9Le jour du travail national (1er mai), les membres du conseil de confiance prêtent le serment solennel, en présence de la “troupe” des employés, d’être au service du bien de l’entreprise et de la communauté de tous les “camarades” (Volksgenossen) sans considération pour leurs intérêts personnels et d’être un modèle pour les membres de l’entreprise dans leur mode de vie et dans l’exercice de leurs fonctions. […]

Article 12

10Le conseil de confiance est convoqué par le Führer de l’entreprise selon les besoins. […]

Deuxième partie. Commissaire du travail

Article 18

11Pour les grands territoires économiques, dont les limites ont été fixées par le ministère du travail en accord avec le ministère de l’économie et le ministère de l’intérieur, des “commissaires du travail” (Treuhänder der Arbeit) sont nommés. Ils sont fonctionnaires d’État et sont placés sous l’autorité du ministre du travail.

12Les commissaires du travail sont liés aux directives et instructions du gouvernement du Reich.

Article 19

13Les commissaires du travail doivent veiller au maintien de la paix sociale au travail. […]

Troisième partie. Règlement d’entreprise et grille salariale

Article 26

14Dans chaque entreprise, dans laquelle au moins 20 employés et ouvriers travaillent en règle générale, un règlement d’entreprise doit être produit par écrit par le Führer de l’entreprise.

Article 27

15Le règlement d’entreprise doit aborder les conditions de travail suivantes :

16

  • 1) Début et fin du temps de travail quotidien régulier ainsi que des pauses ;
  • 2) Périodicité et forme d’octroi de la rémunération ;
  • 3) Principes pour le calcul du travail à la tâche dans les usines et à la mine ;
  • 4) Fixation de la nature, du montant et du recouvrement des amendes, quand de telles sanctions sont prévues ;
  • 5) Les causes de la résiliation du contrat de travail sans préavis si cela ne fait pas référence aux dispositions légales ; […]

17Le règlement intérieur peut contenir, à côté des décisions prévues par la loi, d’autres décisions sur le montant de la rémunération et sur toute autre question portant sur le travail, en plus d’autres décisions sur la réglementation au sein de l’entreprise, le comportement des personnes qui y sont employées et sur la prévention d’accidents. […]

Article 29

18Si la rémunération des ouvriers et employés est fixée dans le règlement d’entreprise, ce dernier doit contenir des minima précis, qui laissent la place à une rémunération correspondant à la productivité de chaque membre de l’entreprise. Il faut également prendre en considération la possibilité de récompenser dans une certaine mesure des actions particulières. […]

Quatrième partie. La juridiction d’honneur social

Article 35

19Chaque membre d’une communauté d’entreprise porte la responsabilité de remplir consciencieusement les devoirs qui incombent à sa place au sein de la communauté d’entreprise. Par son comportement, il doit démontrer à l’attention de tous la dignité qui ressort de sa position au sein de la communauté d’entreprise. En particulier, il doit consacrer, pleinement conscient de sa responsabilité, toute son énergie au service de l’entreprise et doit se soumettre au bien commun.

Article 36

20Les atteintes grossières aux devoirs sociaux fondés par la communauté d’entreprise seront jugées devant les tribunaux d’honneur en tant qu’atteintes à l’honneur social. […]

Article 38

21Les peines encourues devant cette juridiction sont :

22

  • 1) L’avertissement ;
  • 2) La réprimande ;
  • 3) L’amende jusqu’à 10 000 Reichsmark ;
  • 4) La révocation de la capacité à être Führer d’entreprise […] ou de l’exercice de la fonction d’homme de confiance […] ;
  • 5) Le licenciement du poste occupé jusque-là […]. »

23Loi sur l’organisation du travail national, 20 janvier 1934 (Reichsgesetzblatt, 1934, I, p. 45-56, traduction de l’auteure).

24******

25La loi sur l’organisation du travail national (Gesetz zur Ordnung der nationalen Arbeit[2]), adoptée par le cabinet du chancelier Adolf Hitler le 20 janvier 1934 [3], entra en vigueur – comme un rituel – le 1er mai 1934, jour officiel de la « fête nationale du travail » depuis 1933. Dès cette année en effet, le monde du travail allemand avait radicalement changé et le droit du travail joua un rôle structurant dans la formation du projet social national-socialiste qui visait la création d’une « Communauté du peuple » nationale-raciste libérée des conflits de classe. Le 2 mai 1933, les « syndicats libres » furent détruits et remplacés non par la NSBO mais par le DAF (Deutsche Arbeitsfront ou Front du travail allemand), créé le 10 mai 1933. Ce dernier s’imposa alors comme seule organisation de tous les salariés, et bientôt des employeurs, mais sans compétences en matière de fixation des salaires et des conditions de travail. Ces prérogatives furent attribuées en revanche aux « commissaires du travail » (Treuhänder der Arbeit), des fonctionnaires du Reich institués par une loi du 19 mai 1933 et placés sous la seule autorité du Ministère du travail. Enfin, les différentes institutions régissant le monde du travail furent « épurées » des opposants au régime, notamment au sein des conseils d’entreprise, où les représentants de la NSBO n’avaient pu massivement entrer lors des dernières élections professionnelles. Le gouvernement décida alors, le 4 avril 1933, d’autoriser les patrons à licencier les salariés qu’ils suspectaient « d’activités hostiles à l’État » sans recours possible, et de les remplacer sur simple décision des autorités régionales [4]. Dès 1933 avait donc débuté « l’atomisation complète de la classe ouvrière allemande [5] », suivant le jugement contemporain du politologue social-démocrate Franz Leopold Neumann, les ouvriers et employés perdant alors leurs représentants et leur droit de codécision au sein des entreprises. La loi sur l’organisation du travail, « en politique sociale la référence juridique fondamentale du IIIe Reich [6] », répondit à ce vide provisoire, en formalisant a posteriori le remodelage légal du monde du travail commencé un an plus tôt. L’AOG, long texte de 73 articles répartis en sept parties [7], donna alors naissance à des « communautés d’entreprise » (Betriebsgemeinschaften) formées d’un « chef d’entreprise » (Betriebsführer) et de sa « troupe d’employés » (Gefolgschaft), les deux étant liés entre eux par des contacts étroits et harmonieux libérés de la lutte des classes. Une conception holistique des relations au sein de l’entreprise prévalut alors, imprégnée de l’idée de Volksgemeinschaft.

26De prime abord, cette loi semble donc être le produit de l’idéologie nationale-socialiste, d’un vocabulaire et d’une pensée managériales réactionnaires comme l’affirma David Schoenbaum [8]. Elle apparaît comme la négation des avancées sociales de la République de Weimar et de la réalité socio-économique de l’Allemagne des années 1930. Pourtant, les origines de ce texte ne furent pas uniquement nationales-socialistes, mais découlèrent d’un certain consensus, ce que traduit l’absence de justification (Begründung) accompagnant la loi. Les rédacteurs de ce texte étaient tout autant des hauts fonctionnaires du Ministère du Travail, Werner Mansfeld [9] en premier lieu, que des membres éminents du Front du travail, comme Wolfgang Pohl, pour citer le plus important d’entre eux [10]. Tous deux étaient en outre familiers des cercles de la grande industrie allemande, de leurs stratégies productives et managériales. Ces éléments inciteraient donc à relativiser la rupture opérée par cette loi avec l’époque de Weimar. Ainsi, dans quelle mesure cette loi découla-t-elle de l’idéologie nationale-socialiste et contribua-t-elle à la fabrique de sa « Volksgemeinschaft » ?

27De fait, la rupture nationale-socialiste se lit dans des relations hiérarchiques renforcées et imprégnées du « principe du Führer » (Führerprinzip), tandis que les entreprises firent progressivement partie intégrante, dès avant la guerre, de la « Communauté du peuple » (Volksgemeinschaft) nationale-socialiste.

L’application au monde de l’entreprise du Führerprinzip

28Le « principe du Führer » (Führerprinzip) était un principe essentiel du régime national-socialiste formulé dès Mein Kampf. Celui-ci postulait l’obéissance aux ordres du chef, l’adhésion à ses idées et la collaboration active à la réalisation des objectifs fixés même en l’absence d’ordre explicite, en travaillant « en direction du Führer[11] ». Or ce principe fut étendu au monde de l’entreprise par l’AOG.

29En effet, le « chef » ou manager de l’entreprise, quand le propriétaire n’assumait pas lui-même cette fonction, put fixer, seul, le « règlement d’entreprise » (Betriebsordnung) qui définissait les conditions de travail, de rémunération, voire de licenciement sans préavis [12].

30La loi supprima en outre le droit de regard et de contrôle des travailleurs exercés par les représentants syndicaux au sein des conseils d’entreprise – et mit fin par là même à la codécision instaurée après la guerre et la révolution de 1918-1919 [13]. Les « conseils de confiance » qui les remplacèrent dépendaient du bon vouloir du Betriebsführer, qui décidait seul de leur composition, de leur convocation et de l’ordre du jour puisque le chef en présidait les séances. Surtout, le conseil n’avait plus qu’un rôle consultatif [14]. Sa mission se bornait à collaborer activement à la politique d’entreprise telle que le chef d’entreprise l’avait décidée. Le 1er mai, les « hommes de confiance » devaient prêter un serment de fidélité à ce dernier avant d’entrer en fonction [15].

31Enfin, le « commissaire du travail » (Treuhänder der Arbeit), placé sous l’autorité directe du ministère du Travail du Reich dont il était le représentant local, exerçait des pouvoirs de contrôle et d’intervention dans les affaires des entreprises (temps de travail, salaires, licenciements…), mais uniquement en cas de besoin ou de conflits entre les dirigeants et les employés d’une entreprise, pour maintenir la « paix sociale au travail » recherchée par le régime [16]. Dans ce cadre, il avait également pour tâche de fixer seul les grilles salariales (Tarifordnungen), remplaçant les conventions collectives (Tarifverträge) rendues obsolètes par la disparition des syndicats. Et sur ce point, les commissaires contribuèrent par leur action à une étatisation de la fixation des salaires, instrument politique majeur de pilotage de l’économie.

32Ces évolutions des relations contractuelles au sein des entreprises ont constitué une rupture majeure avec le droit du travail allemand qui avait été organisé à partir des années 1890 autour de la négociation paritaire de conventions collectives (Tarifverträge) [17]. Comme Hugo Sinzheimer l’avait défini dès le début du siècle, le « contrat collectif de régulation des conditions de travail » avait eu en effet pour conséquence « un remplacement ou une limitation des droits absolus de l’employeur par une réglementation contractuelle de la relation de travail [18] ». La communauté d’entreprise devenant en 1934 un ordre dominé par son chef, la loi augmenta alors nettement les compétences décisionnelles de ce dernier [19]. Il devint le seul « maître à bord » (Herr-im-Haus), réalisant ainsi l’idéal patriarcal du patronat allemand depuis le xixe siècle.

33Mais sur ce point, en 1933, la loi ne faisait que poursuivre une évolution déjà marquée sous la République de Weimar. Tim W. Mason montra ainsi dans un article fondateur [20] que le consensus régnait entre nationaux-socialistes, conservateurs et cercles économiques sur la nécessité de renforcer la position des employeurs et de contenir les conflits internes au profit d’une « paix sociale » fondée sur un partage limité des fruits du travail. Ce consensus fut renforcé par la notable stabilité au sein du personnel travaillant au ministère du Travail du Reich avant et après 1933. L’extension des pouvoirs de direction au sein des entreprises s’ancrait plus largement dans la rationalisation croissante du processus productif au détriment des employés et des ouvriers – contrôlés jusque dans leur habillement ou leur coiffure désormais – et, partant, de leurs syndicats. Ce contrôle croissant fut certes accompagné par les efforts de certains grands groupes industriels qui développèrent, avant même la crise de 1929, une politique sociale mesurée, à l’instar d’IG Farben à Leverkusen [21], pour intégrer – comme un tout organique – les travailleurs à l’entreprise. La crise économique et sociale qui frappa violemment l’Allemagne à partir de 1929 renforça cependant la pression sur des travailleurs dont il était exigé discipline et obéissance au travail, valeurs intériorisées par toutes et tous comme seule alternative possible au chômage et à la misère. Enfin, cette pression fut soutenue par la jurisprudence en la matière, puisque les juges des tribunaux du travail s’étaient visiblement fixés comme tâche d’abolir les droits positifs des travailleurs, des conseils d’entreprise et des syndicats, quand ils entraient en conflit avec les intérêts économiques de l’entreprise [22]. L’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes ne fit donc que précipiter et radicaliser cette dynamique tout en la permettant, par la destruction des syndicats, le 2 mai 1933.

34Enfin, les « commissaires du travail » jouèrent un rôle important dans la limitation des droits des travailleurs. Certes, leurs compétences restèrent à l’origine limitées, en raison de leur faible personnel, de leur statut provisoire et de la limitation de leurs compétences à une médiation de dernière instance dans la fixation des grilles salariales, à l’instar de l’arbitrage forcé (Zwangschichtung) déjà à l’œuvre sous la République de Weimar [23]. Pourtant, si leur faible appareil bureaucratique était une réelle limite à leur action en 1933-1934, leur personnel augmenta fortement par la suite, contribuant à étendre leur champ d’action [24]. Bien plus, certains commissaires, d’un profil plus national-socialiste que les membres du ministère du Travail, purent, à la suite de Leon Daescher dans le Brandenburg, intervenir contre les ruptures de contrat sans préavis à partir de 1935. Celles-ci avaient en effet été utilisées par un nombre croissant de salariés, au départ agricoles, pour protester contre le blocage des salaires piloté par ces mêmes commissaires à la demande du gouvernement. S’appuyant sur une nouvelle interprétation des articles 22 et 36 de l’AOG, leurs décisions préparèrent la voie à un changement de paradigme en droit du travail, criminalisant ces ruptures – qui relevaient usuellement du droit civil – en menaçant leurs auteurs de sanctions pénales accrues. Or, ces commissaires réussirent à influencer les décisions du ministère du travail dans un contexte favorable, le réarmement accéléré par le Plan de Quatre Ans de 1936 rendant d’autant moins tolérable la liberté des travailleurs. Et ils obtinrent une forte expansion de leurs pouvoirs par le décret sur la fixation des salaires (Verordnung über die Lohngestaltung) du 25 juin 1938, une tendance renforcée pendant la guerre. La définition de l’entreprise et le sens du travail lui-même avaient donc connu une importante transformation idéologique sous l’influence de la pensée communautaire nationale-socialiste.

La « communauté d’entreprise », unité de base de la « Communauté du peuple »

35Le projet du régime national-socialiste était de créer une « Communauté du peuple » (Volksgemeinschaft) nationale-raciste, unie mais inégalitaire, délivrée de la lutte des classes et tournée vers le dépassement, voire le sacrifice de soi au profit du peuple (Volk).

36Ce projet social et son articulation au monde du travail furent résumés dans l’article 1 de l’AOG qui peut être considéré comme un préambule à la loi. Cet article exposait deux idées nationales-socialistes majeures, l’idée communautaire d’une part, la transformation du travail en un service (Dienst) pour le peuple et l’État de l’autre. Ainsi, les entreprises n’étaient plus seulement des entités productives de droit privé, mais constituaient également des entités sociales élémentaires, de droit public, de la « Communauté du peuple [25] ». De même, si le propriétaire de l’entreprise restait un sujet de droit privé, le droit de propriété demeurant intact, le « manager de l’entreprise » (Betriebsführer) se transforma en « organe d’une association de droit public [26] ».

37Dans ce cadre, la position de chacun, inégale par principe, était définie par des « devoirs » (Pflichten) [27], et non plus par des droits. Et dans cette relation asymétrique, les pouvoirs renforcés du chef d’entreprise pourraient rapidement nous amener à conclure à une reféodalisation univoque des relations professionnelles [28]. Ainsi, le licenciement sans préavis a souvent été mis en avant comme particulièrement défavorable aux travailleurs [29], notamment dans le contexte d’un chômage important jusqu’en 1936. Mais ces obligations étaient, dans une certaine mesure, réciproques. La « troupe d’employés » devait « fidélité » (Treue) au chef, mais celui-ci devait en prendre « soin » (Fürsorge) [30] pour le « bien commun du peuple et de l’État » (« zum gemeinen Nutz vom Volke und Staat »). La « juridiction d’honneur social » (soziale Ehrengerichtsbarkeit) fut ainsi instaurée pour lutter contre les atteintes à ces principes, et pour insuffler, plus largement, une « nouvelle mentalité sociale [31] ».

38Les tribunaux d’honneur social, le premier échelon sis au siège de chaque « commissaire du travail », étaient présidés par un juge que nommait le ministère de la Justice du Reich en accord avec le ministère du Travail, assisté par deux juges non professionnels, l’un choisi parmi les « managers d’entreprise », l’autre parmi les « hommes de confiance ». Ils étaient saisis sur demande du commissaire faisant alors fonction de procureur, lui-même ayant été saisi la plupart du temps par le DAF [32]. Au total, leur contentieux diminua en comparaison de celui des Gewerbegerichte de la République de Weimar, ne serait-ce qu’en raison de la disparition des conventions collectives [33]. Désormais les jugements portaient uniquement sur des cas particuliers opposant managers et employés. Dans ce contexte nouveau, la majorité des jugements condamnèrent des comportements indignes des Betriebsführer[34] : en cas de temps de travail trop long ou d’heures supplémentaires sans indemnisation adaptée, en cas d’espaces de travail dangereux pour la santé ou ne présentant pas les conditions de sécurité requises. Quant aux salariés et ouvriers, la juridiction fut utilisée pour punir d’éventuels comportements politiques inappropriés sur le lieu de travail, comme l’appel à la grève pour protester contre des salaires trop bas, le refus de réaliser correctement le « salut allemand » ou de lever le bras droit lors du chant des hymnes nationaux [35]. Cette juridiction joua donc un rôle dans la diffusion de la pensée communautaire nationale-socialiste, non sans difficultés. Car, si le tribunal avait pour fonction de discipliner les employés et ouvriers, il était bien difficile de juger des pensées et non des actes. Et même dans les cas de ruptures de contrat, les tribunaux d’honneur social ne suivirent pas toujours les demandes des commissaires du travail.

39Au-delà de ce caractère disciplinaire, l’AOG ouvrit d’autres possibilités pour remodeler la société en la calquant sur les principes nationaux-socialistes. D’une part, les entreprises participant à une « Communauté de l’effort et du combat » (Leistungs- und Kampfgemeinschaft) qui visait jusqu’en 1939 au réarmement et à l’autarcie, une part croissante du salaire fut liée à la productivité de l’ouvrier [36]. Cet aspect de la loi, conjugué à la destruction du mouvement ouvrier dont le remplaçant, le DAF, n’avait qu’un rôle « éducatif [37] », contribua de manière déterminante à « l’atomisation [38] » complète du monde ouvrier et à la disparition des luttes collectives par le primat donné aux intérêts individuels qui purent se calquer sur les nouveaux modèles de comportement officiels, en l’occurrence la hausse de la productivité. Dans ce monde du travail national-socialiste, les ouvriers allemands retrouvèrent un emploi et virent leur statut réévalué. Différents procédés furent à l’œuvre pour intégrer les travailleurs à la « communauté du peuple » nationale-socialiste à partir de la « communauté d’entreprise » : célébration dans les discours, gratifications matérielles et festives de la « dignité » (Ehre) du travail tous les 1er mai, politiques sociales d’entreprise encouragées par le DAF, nouvelles carrières et ascension sociale offertes pour ceux s’engageant au profit de l’entreprise, du DAF et de la Communauté. Les ouvriers et employés virent également leur statut réévalué par l’exclusion des Allemands juifs, puis après 1939, de la main-d’œuvre étrangère. C’est ainsi que le pouvoir était aussi une « pratique sociale », dans laquelle les travailleurs allemands purent s’intégrer, comme le démontra dès les années 1970 Alf Lüdtke [39]. En effet, pour être membre de la « communauté d’entreprise », il fallait être un « camarade de race » allemande, un Volksgenosse, ce qui excluait les juifs depuis les points 4 et 5 du programme du NSDAP qui avait valeur de droit. La pensée communautaire nationale-socialiste exclut donc du périmètre du droit commun, dès 1933, les juifs, mais aussi après 1939 les Tziganes et les travailleurs d’Europe de l’Est (Ostarbeiter). Et dans les entreprises, le contrat de travail (Arbeitsverhältnis) fut alors qualifié de « lien communautaire relevant du statut des individus » (personenrechtliches Gemeinschaftsverhältnis) [40]. Pour les exclus de la communauté par conséquent, furent généralisés à partir de 1939-1940, des droits du travail particuliers (Sonderarbeitsrechte), définis non seulement par la loi, mais aussi par la pensée juridique, la pratique au sein des entreprises, et la jurisprudence [41].

40

41La loi sur l’organisation du travail national, son interprétation et son application par le Ministère du travail, les commissaires et les managers d’entreprise eurent donc une action déterminante dans la régression du droit du travail, une tendance déjà présente avant 1933 mais radicalisée par la suite. Dans cette dynamique, différents facteurs jouèrent un rôle déterminant : la destruction du mouvement ouvrier allemand, l’application au monde de l’entreprise du Führerprinzip et la diffusion de la pensée communautaire. Cette évolution n’eut pas seulement comme origine une nostalgie communautaire passéiste, nostalgie qui dépassait en outre largement le cercle national-socialiste. Elle s’inscrivit également dans un contexte défavorable né de la crise de 1929, de la disparition progressive de la démocratie sociale weimarienne avant même 1933 et de la recherche d’une plus grande productivité. Bien plus, au sein même de la période nationale-socialiste, cette tendance s’accéléra – et suivit plus nettement les principes de l’idéologie officielle à partir de 1936 – sous le poids du contexte et sous l’action d’un consensus gagnant alors la majorité des acteurs du droit du travail, les commissaires du travail et le ministère du Travail du Reich en premier lieu. Ainsi, ce fut moins la loi en soi que son interprétation par ces acteurs qui joua un rôle majeur dans la transformation du monde du travail allemand ainsi que l’écho que cette transformation put trouver en partie chez les ouvriers et employés allemands.

42Plus fondamentalement, la question que pose cette analyse est celle, ancienne, du primat à donner dans cette évolution à l’économique ou au politique. Or, il nous faut souligner que, si les acteurs décisionnels du droit du travail national-socialiste, ici au cœur de notre étude, furent favorables aux employeurs, ils ne le furent que dans la mesure où ces derniers servaient les objectifs politiques du Troisième Reich, le réarmement et l’autarcie jusqu’à 1939, la création d’une « Communauté du peuple » nationale-raciste au sein d’un vaste « espace vital » par la suite [42]. Des objectifs qui faisaient alors consensus à la tête de l’État. Adopter une lecture faisant du nazisme un fascisme asservi aux intérêts de la grande industrie allemande pour en analyser les origines et le développement aboutirait donc à en atténuer la charge idéologique, tandis qu’une interprétation totalitaire effacerait la polycratie au cœur du régime et à l’œuvre dans sa radicalisation. Enfin, si la Politique fut au cœur de la dynamique sociale du régime, cela signifie que des pans entiers de la société allemande adhérèrent ou participèrent au projet de Volksgemeinschaft.


Date de mise en ligne : 23/02/2021

https://doi.org/10.3917/parl2.033.0269

Notes

  • [1]
    La Nationalsozialistische Betriebszellenorganisation, « syndicat » national-socialiste fondé en 1928 (Hans Ullrich Wehler, Deutsche Gesellschaftsgeschichte, Band 4 : Vom Beginn des Ersten Weltkrieges bis zur Gründung der beiden deutschen Staaten, 1914-1949, Munich, C. H. Beck Verlag, 2003, p. 306).
  • [2]
    Ce texte sera désormais désigné sous son acronyme allemand d’AOG.
  • [3]
    Le texte d’origine a été signé par Adolf Hitler, à l’époque encore simple chancelier, Franz Seldte, ministre du travail (Reichsarbeitsminister), le Dr Kurt Schmitt, ministre de l’économie (Reichswirtschaftsminister), le Dr Franz Gürtner, ministre de la justice (Reichsminister der Justiz), Graf Schwerin von Krosigk, ministre des finances (Reichsminister der Finanzen) et Wilhelm Frick, ministre de l’intérieur (Reichsminister des Innern). Cette loi a pu être discutée, décidée et entra en vigueur sans vote du parlement, en vertu de l’Ermächtigungsgesetz du 22 mars 1933 qui avait aboli la séparation des pouvoirs et avait donné au cabinet le pouvoir de légiférer.
  • [4]
    Gesetz über Betriebsvertretungen und über wirtschaftliche Vereinigungen vom 4. April 1933 (Reichsgesetzblatt, 1933, I, p. 161).
  • [5]
    Neumann Franz L., Behemoth. Struktur und Praxis des Nationalsozialismus 1933-1944, Cologne-Francfort, Europäische Verlagsanstalt, 1977, p. 480. Un ouvrage d’abord publié en exil et en anglais aux États-Unis en 1942-1944.
  • [6]
    broszat Martin, L’État hitlérien : l’origine et l’évolution des structures du IIIe Reich, Paris, Fayard, 1985, p. 235.
  • [7]
    Le texte porte en effet sur le chef d’entreprise et le conseil de confiance (Erster Abschnitt : Führer des Betriebes und Vertrauensrat), le commissaire du travail (Zweiter Abschnitt : Treuhänder der Arbeit), le règlement d’entreprise et les conventions salariales (Dritter Abschnitt : Betriebsordnung und Tarifordnung), la juridiction d’honneur social (Vierter Abschnitt : Soziale Ehrengerichtsbarkeit), le droit de licenciement des employés (Fünfter Abschnitt : Kündigungsschutz), le travail dans le service public (Sechster Abschnitt : Arbeit imöffentlichen Dienst), enfin les dispositions finales et transitoires (Siebenter Abschnitt: Schluß- und Übergangsbestimmungen).
  • [8]
    schoenbaum David, La révolution brune. Une histoire sociale du IIIe Reich (1933-1939), Paris, Robert Laffont, 1979, p. 118.
  • [9]
    Werner Mansfeld (Uchte, 1893-Berlin, 1953) s’engagea, après ses études de droit et son service pendant la Première Guerre mondiale, pendant 11 mois dans le Stahlhelm où il exerça, entre autres, la fonction de chef local (Ortsgruppenführer) à Essen. Après l’obtention de son diplôme et ses activités en tant que juge assesseur, il travailla, à partir de 1924, dans les services juridiques et sociaux de différentes associations patronales, dont le Reichsverband der Deutschen Industrie, et siégea dans différents conseils d’administration. Peu avant mai 1933, il devint chef de cabinet du ministère du travail tout en prenant la direction du Département III qui se consacrait au droit du travail et à la politique salariale. Il entra en mai 1933 au parti national-socialiste (NSDAP).
  • [10]
    Wolfgang Pohl (Breslau, 1896-Berlin, 1962) étudia entre 1917 et 1921 à la Friedrich-Wilhelms-Universität et à la Handelshochschule de Berlin dont il sortit diplômé en 1922. Dès 1921, il travailla en tant que cadre dirigeant à l’AEG (Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft), tandis que son activité en tant que rédacteur du Deutsche Allgemeine Zeitung lui donna accès aux réseaux de l’élite économique allemande. De 1927 à 1933, il devint attaché de presse auprès du Ministère de l’économie du Reich (service de la politique sociale). Il entra au NSDAP en mai 1933 où, à partir de novembre, il prit la direction du département des questions sociales. Ami proche de Robert Ley, il exerça de hautes fonctions dans le DAF ainsi que dans les ministères du travail et de l’économie.
  • [11]
    Ian Kershaw a défini ce concept, au sein de la sphère politique, dans un article fondateur, « “Working Towards the Führer”. Reflections on the Nature of the Hitler Dictatorship », Contemporary European History, vol. 2, no 2, juillet 1993, p. 103-118. Johann Chapoutot a poursuivi cette réflexion en étudiant la pensée de Reinhardt Höhn dans le domaine du management dans son essai Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui, Paris, Gallimard, 2020.
  • [12]
    Articles 26, 27 et 29 de l’AOG.
  • [13]
    La Betriebsrätegesetz de 1920 fut abrogée par l’article 65 de l’AOG.
  • [14]
    Articles 5 à 12 de l’AOG.
  • [15]
    Article 10 de l’AOG.
  • [16]
    Article 19 de l’AOG.
  • [17]
    Homburg Heidrun, « Autodétermination sociale ou État interventionniste ? La régulation collective des conditions de travail en Allemagne, 1890-1933 », in Bénédicte Zimmermann, Claude Didry et Peter Wagner (dir.), Le travail et la nation. Histoire croisée de la France et de l’Allemagne, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1999, p. 223-252.
  • [18]
    Sinzheimer Hugo, Der korporative Arbeitsnormenvertrag, [1907-1908], Berlin, Duncker & Humblot, 1977.
  • [19]
    Article 2 de l’AOG.
  • [20]
    Mason Tim W., « Zur Entstehung des Gesetzes zur Ordnung der nationalen Arbeit, vom 20. Januar 1934 : ein Versuch über das Verhältnis “archaischer” und “moderner” Momente in der neuesten deutschen Geschichte », in Hans Mommsen, Dietmar Petzina, Bernd Weisbrod (éd.), Industrielles System und politische Entwicklung in der Weimarer Republik, Düsseldorf, Droste, 1974, p. 322-351.
  • [21]
    Brady Robert A., The Rationalization Movement in German Industry, Berkeley, University of California Press, 1933, p. 239 et suivantes. Dès la fin des années 1920, IG Farben dépensait plus de 8 % des coûts salariaux dans sa politique sociale d’entreprise, les coûts de ces dépenses étant exemptés d’impôts.
  • [22]
    Ce qui avait été dénoncé dès 1931 par Otto Kahn-Freund dans « Das soziale Ideal des Reichsarbeitsgerichts », un article repris dans Ramm Thilo (éd.), Arbeitsrecht und Politik. Quellentexte, 1918-1933, Neuwied, Luchterhand Verlag, 1966.
  • [23]
    Hachtmann Rüdiger, « Die rechtliche Regelung der Arbeitsbeziehungen im Dritten Reich », in Dieter Gosewinkel (éd.), Wirtschaftskontrolle und Recht in der nationalsozialistischen Diktatur, Francfort, Klostermann, 2005, p. 123-155.
  • [24]
    Eden Sören, « Arbeitsrecht im NS-Staat. Die Treuhänder der Arbeit und die Kriminalisierung der Arbeitsvertragsbrüche », dans Alexander Nützenadel (ed.), Das Reichsarbeitsministerium im Nationalsozialismus. Verwaltung, Politik, Verbrechen, Göttingen, Wallstein Verlag, 2017, p. 246-281.
  • [25]
    Becker Martin, « Die Betriebs- und die Volksgemeinschaft als Grundlage des “neuen” nationalsozialistischen Arbeitsrechts. Arbeitsrechtsideologie im NS-Rechtssystem », in Marc Buggeln, Michael Wildt. (éd.), Arbeit im Nationalsozialismus, Munich, Oldenbourg, 2014, p. 104-121.
  • [26]
    Huber Ernst Rudolf, « Betriebsordnung und Tarifordnung », Juristisches Wochenblatt, 1934, p. 1019. Citation traduite : « Organ eines öffentlichen Verbandes. »
  • [27]
    Article 35 de l’AOG.
  • [28]
    Interprétation notamment défendue dans Mason Tim, Sozialpolitik im Dritten Reich. Arbeiterklasse und Volksgemeinschaft, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1977 ou Schneider Michael, Unterm Hakenkreuz. Arbeiter und Arbeiterbewegung 1933 bis 1939, Bonn, Dietz, 1999.
  • [29]
    L’article 25 de l’AOG donne en effet la liberté au Betriebsführer d’en fixer les conditions.
  • [30]
    Les relations contractuelles sont définies à l’article 2 de l’AOG.
  • [31]
    Mansfeld Wemer, « Die soziale Ehre als Grundlage des neuen Sozialsystems », dans Deutsches Recht, 1934, p. 459.
  • [32]
    Spohn Wolfgang, Betriebsgemeinschaft und Volksgemeinschaft. Die rechtliche und institutionnelle Regelung der Arbeitsbeziehungen im NS-Staat, Berlin-Ouest, Quorum-Verlag, 1987, p. 120 et suivantes.
  • [33]
    Rüdiger Hachtmann avance ainsi que le nombre de litiges portés devant les tribunaux du travail de 1931 à 1938 diminua de 65,6 %, « Die rechtliche Regelung der Arbeitsbeziehungen im Dritten Reich », in Dieter Gosewinkel (dir.), Wirtschaftskontrolle und Recht…, op. cit., p. 123-155, p. 144 et suivantes (annexes).
  • [34]
    Suivant les articles 36 et 38 de l’AOG.
  • [35]
    Rüthers Bernd, « Die Betriebsverfassung im Nationalsozialismus », Arbeit und Recht, vol. 18, no 4, avril 1970, p. 100-101.
  • [36]
    Article 29 de l’AOG.
  • [37]
    Suivant l’« Appel à tous les Travailleurs allemands » du 27 novembre 1933.
  • [38]
    Neumann Franz Leopold, Behemoth…, op. cit., p. 480.
  • [39]
    Lüdtke Alf, « Herrschaft als soziale Praxis », in Id. (éd.), Herrschaft als soziale Praxis. Historisch- und Sozial-Anthropologischen Studien, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1991 ; Id.., « La domination au quotidien. “Sens de soi” et individualité des travailleurs en Allemagne avant et après 1933 », Politix, vol. 4, no 13, 1991, p. 68-78.
  • [40]
    Siebert Wolfgang, Das Arbeitsverhältnis in der Ordnung der nationalen Arbeit, Hamburg, Hanseatische Verlagsanstalt, 1935.
  • [41]
    Citons notamment la Verordnung zur Durchführung der Verordnung über die Beschäftigung von Juden du 31 octobre 1941.
  • [42]
    Tooze Adam, Le salaire de la destruction. Formation et ruine de l’économie nazie, Paris, Les Belles Lettres, 2012.

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