Notes
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[1]
Nous avons choisi dans cet article d’abréger ainsi les titres des œuvres publiées de Schwarz-Bart : Le Dernier des Justes = DdJ ; Un plat de porc aux bananes vertes = PPBV ; La Mulâtresse Solitude = MS.
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[2]
Nous avons vérifié : le Talmud met l’accent sur le nom de la cigogne pour le justifier : la ‘hassida se préoccupe de ses compagnons (TB Hulin 63 a). Rachi ajoute que sa ‘hassidoute (générosité) consiste à veiller à nourrir ses congénères. C’est dans la tradition ‘hassidique que les disciples du Becht mettent en évidence la contradiction entre son nom et le fait que la cigogne soit un animal impur (cf. Lévitique XI, 19). L’explication est qu’elle ne se préoccupe QUE de ses congénères et pas des autres. Donc sa générosité n’est pas gratuite, désintéressée, n’est pas pour l’amour du ciel.
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[3]
Le Monde, 1er février 1967, supplément au n° 6860, p. VIII. Souligné par moi.
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[4]
Pour l’étude des procédés narratifs et des thèmes du Dernier des Justes, voir mes articles et ouvrages dans la bibliographie.
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[5]
Rosalie, surnommée « Deux âmes » (et qui se donne elle-même le nom de Solitude), est écartelée entre deux mondes parce qu’elle est le fruit « de ces amours de vaisseaux négriers, de cette étrange coutume, « la Pariade », qui avait lieu un mois avant l’arrivée au port, jetant les matelots ivres sur les ventres noirs lavés à grandes giclées d’eau de mer » (LMS, 46).
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[6]
Le Devoir de violence, Seuil, 1968, p. 191, calque de la phrase qui ouvre le dernier paragraphe du DDJ : « Parfois, il est vrai, le cœur veut crever de chagrin », p. 346.
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[7]
Cité par Adrien Huannou, La critique et l’enseignement de la littérature africaine aux États-Unis d’Amérique. Paris : L’Harmattan, 1993, p. 65.
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[8]
Sur les vicissitudes de la réception du DDJ, lire notamment Kaufmann 2002.
1Certains écrivains sont considérés dans l’histoire comme l’homme d’un seul livre. C’est le cas d’André Schwarz-Bart, devenu mondialement célèbre en quelques semaines avec Le Dernier des Justes, Prix Goncourt 1959. Ce roman, aussitôt traduit dans une vingtaine de langues, constitua l’une des premières transpositions littéraires du thème de l’extermination des juifs d’Europe. Schwarz-Bart affirmait alors que son livre n’était rien d’autre qu’un petit caillou déposé sur une tombe de nuages ; un hommage à un peuple et à sa civilisation séculaire, rayé de la carte, réduit en fumée et donc privé même de cimetières. À l’époque, on ne parlait pas encore du « devoir de mémoire » dont Schwarz-Bart devenait ainsi un précurseur. Mais déjà à ses yeux la préservation de la mémoire juive devait s’accompagner d’une solidarité agissante avec les souffrances d’autres groupes humains, associer la mémoire des persécutions d’autres peuples. C’est pourquoi Schwarz-Bart fut aussi un précurseur du devoir de la mémoire noire, bien avant que l’on n’établisse une étrange concurrence entre les génocides, que l’on ne soupèse les souffrances des uns et des autres pour en négocier la charge polémique, avant aussi que l’Occident ne reconnaisse l’esclavage comme crime contre l’humanité comme on l’avait fait, d’abord, pour la Shoah.
2Fuyant les polémiques de salon, les débats dans la presse, le jeune romancier était parti au Sénégal aussitôt après son prix, puis à Lausanne et en Guadeloupe pour composer ce qui se présentait alors comme un cycle en sept volumes : La Mulâtresse Solitude. Les deux tomes publiés n’ayant pas reçu l’accueil espéré, la suite resta dans ses tiroirs et ses écrits ultérieurs ne furent jamais livrés au regard du lecteur. Schwarz-Bart chercha délibérément à se faire oublier tant et si bien que sa mort à Pointe-à-Pitre, le 30 septembre 2006, à l’âge de soixante-dix-huit ans, passa presque inaperçue. Ses dernières volontés transformèrent ses obsèques en point d’orgue de sa vie discrète et de son œuvre : il s’était choisi une tombe de nuages, il avait souhaité qu’on l’incinère, que ses cendres soient dispersées au-dessus de l’îlet Brumant (une petite île de la Guadeloupe appartenant à la famille de son épouse antillaise, Simone, née Brumant). La dépouille charnelle de l’écrivain juif né à Metz le 23 mai 1928, dont les parents (polonais) avaient été gazés à Auschwitz en 1943 avec deux de ses frères, se consuma donc dans un crématoire de Grande Terre le 3 octobre 2006 (lendemain de Kippour), devenue fumée, comme celle de millions de ses frères juifs.
Un tombeau dans l’écriture
3Étrange destin que celui de cet homme pour qui la vie et la littérature avaient un même projet : le souvenir, la quête identitaire et la compassion, l’antiracisme et l’écoute de l’autre. Peut-on s’étonner qu’il ait symboliquement transformé ses funérailles en point final de l’œuvre inachevée ? Le Dernier des Justes s’ouvrait par cette citation d’un auteur polonais, M. Jastrun :
5Il se refermait, à la dernière page, par ces phrases qui sonnent en écho :
Ainsi donc cette histoire ne s’achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s’assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie.
7De façon délibérée, son dernier roman publié, La Mulâtresse Solitude (1972), s’achève lui aussi par une adresse au lecteur, une invite à entreprendre un pèlerinage sur les cendres du lieu où s’illustra en 1802 l’héroïne guadeloupéenne d’une insurrection d’esclaves, à laquelle le roman donne un visage et une biographie imaginaire :
Ressentant un léger goût de cendre, l’étranger fera quelques pas au hasard […] Alors, s’il tient à saluer une mémoire, il emplira l’espace environnant de son imagination ; et, si le sort lui est favorable, toutes sortes de figures humaines se dresseront autour de lui, comme font encore, dit-on, sous les yeux d’autres voyageurs, les fantômes qui errent parmi les ruines humiliées du Ghetto de Varsovie.
9Cette association dans l’écriture de deux révoltes emblématiques de peuples persécutés et humiliés, celle des esclaves marrons des Antilles et celle des juifs condamnés du Ghetto de Varsovie, annonçait dans la structure même de l’œuvre les romans déjà composés du cycle antillais à paraître : la descendante de Solitude était appelée à croiser, dans les pages d’autres livres, Moritz Lévy, frère d’Ernie Lévy, le « dernier des Justes », combattant du ghetto de Varsovie, déporté et miraculeusement revenu.
La Genèse du cycle antillais
10Rétroactivement, nombre de lecteurs et de critiques induisent que la rédaction du cycle antillais est le résultat de la rencontre, du mariage et de la collaboration d’André Schwarz-Bart avec Simone, romancière aujourd’hui justement réputée de classiques antillais.
11Il s’agit d’un regard simpliste sur un cheminement ancien du romancier juif.
12Il n’est pas lieu ici de tenter d’établir la contribution réciproque du couple, même si la presse (et depuis la critique universitaire) n’a cessé de jouer à ce petit jeu. Nous n’aborderons pas non plus les raisons qui ont poussé le couple à interrompre l’expérience d’écriture à quatre mains dès le premier tome publié, chacun des deux écrivains poursuivant une carrière parallèle. André Schwarz-Bart a néanmoins ressenti le besoin de rappeler dans toutes ses interviews de 1967 (date de la parution du PPBV), qu’il avait commencé à fréquenter les milieux antillais dès les années 1950, qu’il avait abordé la lycéenne qui allait devenir son épouse en créole, notant même que son créole à elle venait de la Guadeloupe et non de la Martinique. « On se marie généralement dans le milieu que l’on connaît », expliquait-il à Albert Lévy (Droit et liberté, mars 1967). « Ce n’est pas parce que j’ai épousé une noire que j’ai écrit un livre sur l’esclavage… Déjà, dans Le Dernier des Justes apparaissait une jeune fille de couleur », déclarait-il à Claudine Jardin (Figaro, 31 janvier 1967). Et il donnait une clé importante à Hortense Chabrier : « Le PPBV n’est pas une simple addition de nous deux, mais bien un troisième terme, absolument nouveau : un enfant en quelque sorte. D’ailleurs, ce genre de collaboration suppose un couple relié par une chair commune : de véritables enfants » (Arts, 8 février 1967, p. 15).
13Retraçant la genèse du cycle antillais et l’annonçant dans un long texte de sa main, André Schwarz-Bart expliquait alors que l’idée d’une œuvre noire s’était imposée, dans son esprit, lors d’une conversation dans le métro à l’époque des fêtes de fin d’année en 1955 : devant le découragement d’une amie antillaise qui refusait de croire à une disparition progressive du racisme (« dans cent ans, dans mille ans, une négresse restera toujours une négresse »), l’idée de lui répondre par un roman s’imposa (Figaro littéraire, 26 janvier 1967, p. 1). Il travaillait à l’époque depuis plus d’un an sur Le Dernier des Justes. Même après sa rencontre avec Simone (en mai 1959), et leur mariage, en 1961, il resta longtemps seul à porter ce cycle qui traversa 19 versions successives : les thèmes, la structure générale, les personnages, étaient déjà largement créés avant un échange épistolaire décisif : en 1964, Simone (qui avait entre-temps fait des études de lettres au Sénégal) lui rappela un incident oublié dans un langage d’une beauté, d’une justesse et d’une précision qui le frappa. Grâce à Simone, la barrière du langage qui l’empêchait de relater avec authenticité l’âme créole venait de tomber. Le premier volume, remis à l’éditeur en novembre 1966, était signé des noms associés de Simone et d’André (Simone précédant son époux sur la couverture).
14En regard de la page de titre, plusieurs ouvrages en préparation étaient annoncés : de Simone seule : Pluie et vent sur Télumée-Miracle (roman qui paraîtra en 1972). Et sous le titre global de La Mulâtresse Solitude, un cycle de sept volumes à quatre mains, dont six en préparation :
Les livres et ma vieBayangumay et la femme Solitude de GuadeloupeMartinique ho !Bogota BogotaMère AfriqueParis.
16De nombreuses allusions aux souvenirs de Bogota ou à l’Afrique surgissent au détour des pages du PPBV, indiquant que les divers volets étaient déjà construits sinon écrits (ex. p. 14, 204-205, 208, 214). À René Bourdier qui lui demandait : « Où en êtes-vous des six autres du cycle ? », André avait alors répondu :
— La suite est entièrement mise sur pied, sauf quelques passages du septième tome qui, par le truchement de Moritz Lévy, concerne le monde concentrationnaire, et précisément pour cette raison, je les ai encore laissés dans le vague volontairement puisque je ne suis pas en mesure de les écrire. Quant au reste, tout est sur pied.
— Quelle est la cadence de publication prévue ?
— En principe, un volume par an.
— Ce qui nous laisse tout de même pas mal de temps – six ans au moins avant le neuvième volume.
— De toute façon, ce n’est pas un livre que je puis écrire comme ça – si j’arrive à l’écrire. Il représentera encore de très longues périodes de travail.
18Finalement, seul le troisième volume du cycle, Bayangumay et la femme Solitude de Guadeloupe, est publié en 1972. Signé d’André seul, il porte le titre choisi pour le cycle entier : La Mulâtresse Solitude. Quant au neuvième volume, il correspond à une seconde œuvre juive annoncée dès 1959. En 1967, elle a déjà un titre : En souvenir du xxe siècle ou le récit de Moritz Lévy. Le narrateur en est le frère aîné d’Ernie, revenu de déportation. Encadrant le cycle noir, les deux romans juifs : Le Dernier des Justes et Le Récit de Moritz Lévy devaient composer avec lui un triptyque, chaque volet donnant son sens à chacun des deux autres volets. Ce dernier roman juif, souvent remanié, n’a jamais abouti.
19À Michel Salomon qui l’interrogeait pour L’Arche, en février 1967, André Schwarz-Bart expliquait que le lien entre l’œuvre noire et l’œuvre juive n’était pas arbitraire, qu’elles provenaient toutes deux d’une même inspiration (p. 65). L’intrusion de Moritz Lévy dans La Mulâtresse Solitude [p. 155, 187, 214] procède certes d’une nécessité intérieure – lui permettant de ne plus être « exilé » dans l’œuvre noire – mais elle établit également un dialogue entre les voix de Mariotte et de Moritz, « un certain duo qui est le sens de l’ensemble de l’ouvrage » (ibid.).
L’intérêt pour la souffrance noire et pour la civilisation antillaise
20Quand André Schwarz-Bart déclare dans toutes ses interventions dans la presse de 1967 que la genèse du cycle antillais remonte à 1955, il ne s’agit pas d’une reconstitution a posteriori. Quelques jours après avoir reçu le Goncourt, il confiait à Bernard Pivot qu’il se croyait « capable » d’écrire maintenant son deuxième roman « dont il a conçu le thème avant d’écrire le DdJ, il y a cinq ans » (Figaro littéraire, 12 décembre 1959 ; je souligne). Et lorsque La Terre retrouvée (journal sioniste) l’interroge la même semaine sur ses projets, il parle d’un plan de travail de plus de dix ans durant lesquels il veut écrire le deuxième livre, qui aurait déjà dû suivre, puis le troisième, le quatrième. Il précise : « Le prochain livre et le suivant ne sont pas à thème juif. Pour moi, le fait d’être un écrivain juif ne réside pas dans le thème choisi mais dans la manière de le traiter. […] Pour moi être un écrivain juif cela signifie presque la même chose qu’être juif […] cela m’oblige à participer directement ou indirectement à la vie d’êtres qui ne sont pas nécessairement juifs. » Et il rappelle à ses intervieweurs juifs, Paul Giniewski et Anne-Marie Gentilly, que le Talmud parle des Justes des Nations et qu’être juif, « c’est d’abord participer à la vie des hommes, à leur souffrance, y adhérer intérieurement, […] essayer d’apporter une lumière dans cette obscurité, essayer d’entrevoir des possibilités de justice réelle, vivante » (TR, 15 décembre 1959). Il se fixe huit ans pour revenir sans doute à un thème juif dans un dernier roman : « S’il vient en dernière position, c’est parce que je n’ai encore ni la maturité d’écrivain, ni l’expérience d’homme, ni le savoir proprement juif pour le traiter correctement. C’est un sujet qui embrasse les thèmes des communautés des survivants, de leurs rapports avec l’Allemagne d’une part et de leurs rapports avec Israël d’autre part. »
21On le voit, le plan de travail qu’il annonce à la presse, en décembre 1959, est pratiquement celui qu’il détaille comme largement réalisé lors de la parution du PPBV, en janvier-février 1967, un peu plus de sept ans plus tard. Au début, la presse qui le suit à la trace fait part au public des progrès de l’écriture : Paris-Presse annonce son mariage et qu’il se documente en Martinique pour l’écriture d’un roman sur les noirs (PP, 4 juillet 1961). Le traquant à Dakar où il venait d’avoir un premier fils, le journal déclare que son roman est en préparation (PP, 8 décembre 1961). Le retrouvant à la Martinique où sa femme se préparait à accoucher deux mois plus tard, Paris-Presse précise que l’écrivain vient de terminer la seconde version de son roman (PP, 14 oct. 1962). À l’été 1963 Minute annonçait son retour en France et la sortie de son livre en hiver (16 août 1962). Mais nous l’avons dit, ce n’est qu’en novembre 1966 qu’un manuscrit est remis à l’éditeur. Avant la sortie du livre, le lauréat du Goncourt 1959 publie dans le Figaro littéraire du 26 janvier 1967 un long texte, signé de sa main, dans lequel il expose la genèse du cycle antillais. Une conférence de presse très médiatisée, le 31 janvier 1967, un entretien le lendemain dans Le Monde du 1er février et de très nombreux interviews et articles exposent ses intentions, sa stratégie. Lors de sa conférence de presse, il évoque un apologue ‘hassidique qui sera relevé par plusieurs médias : « La cigogne, en hébreu, a été appelée ‘hassida (affectueuse) parce qu’elle aimait les siens, et pourtant elle est rangée dans la catégorie des oiseaux impurs. Pourquoi ? Parce qu’elle ne dispense son amour qu’aux siens » (Le Figaro, 31 janvier 1967). Ou dans la reformulation de J.F. Held : Quelqu’un demandait à Jacob Isaac le Juif : « Comment se fait-il que la cigogne soit au nombre des oiseaux impurs alors qu’elle aime tant les siens que son nom même (hassida) veut dire amour et piété ? – C’est, répondit rabbi Jacob Isaac, qu’elle n’aime que les siens et pas les autres » (Nouvel Observateur, 8 février 1967) [2].
22Il est clair que, pour Schwarz-Bart, l’expérience historique et personnelle de la souffrance est une ouverture à la compassion pour la souffrance d’autrui. Il est probable que la source de cette attitude remonte à un souvenir d’enfance particulièrement marquant : celui du premier soir de la Pâque juive 1941, dernier seder vécu en famille, avant l’arrestation de ses parents Luise et Usher Szwarcbart et de ses deux frères, l’aîné Jacob et le nourrisson Bernard. Ce soir-là, raconte André au Figaro littéraire, c’est à lui qu’était revenu « l’honneur » de poser les questions rituelles du Ma Nichtana. La réponse du père en hébreu au petit Abraham de douze ans et demi est une formule traditionnelle mais Abraham / André la rapporte comme un dialogue personnel (un testament spirituel ?) qui le marque pour toujours : « Enfant, c’est dans une nuit toute pareille à celle-ci que nos ancêtres sortirent du pays d’Égypte, où ils étaient réduits en esclavage. » Et, ajoute l’écrivain : « Je crois que c’est cet enfant juif dont les pères furent esclaves sous Pharaon, avant de le redevenir sous Hitler, qui se prit d’un amour fraternel et définitif pour les Antillais. » (FL, 26 janvier 1967).
23L’association entre l’esclavage d’Égypte et l’univers concentrationnaire n’est pas fortuite. Des penseurs juifs de l’époque l’établissent spontanément, ainsi André Neher qui, dans son Moïse (Seuil, 1956), montre clairement le parallélisme des techniques d’humiliation et d’extermination de Pharaon et de Hitler, employant explicitement le concept d’univers concentrationnaire pour décrire les brimades et les sévices subis par les esclaves juifs (Moïse 88-91). La conclusion de Neher est que l’Exode d’Égypte a été la rupture d’un « cercle d’enfer concentrationnaire » (ibid. 91) mais aussi « la rupture d’une damnation pesant sur l’humanité misérable » et la rencontre de l’Autre : « chacun est devenu le prochain » (ibid. 92). Au-delà d’une libération du peuple juif, la soirée pascale et la fête entière expriment « la certitude de la liberté » pour l’humanité entière (ibid. 137).
24Schwarz-Bart évoque dans ce sillage la fraternité qu’il éprouva spontanément pour les Antillais par suite de leur civilisation chaleureuse mais aussi des échos que l’esclavage évoquait en lui en tant que juif (« descendant lointain d’un peuple né en esclavage et qui en émergea voici trois mille ans », FL 26 janvier 1967). Ailleurs, il précise : « Pour tout juif qui se veut attentif aux mots, le terme d’esclavage renferme d’une certaine mesure les origines mêmes de sa race » (Le Monde, 1er février 1967). Il rappelle que le respect des droits de l’étranger s’enracine dans la Bible sur le rappel lancinant de l’expérience historique de l’esclavage : « … Souviens-toi que tu as été étranger en Égypte. » Il déclare : « Être un écrivain juif, c’est être du côté des persécutés », « Les hommes sont solidaires » et il faut « aimer l’étranger pour sa différence » (Presse nouvelle, n° 81, 10 au 16 février 1967 ; éditorial et p. 6).
La Mulâtresse Solitude : une œuvre réversible
25Le lien établi entre l’œuvre juive et l’œuvre noire est donc bien le résultat d’une volonté délibérée. Schwarz-Bart m’avait confié dans un entretien à Paris, en mai 2003, que sous l’architecture complexe de la saga noire, il avait tenté d’écrire un livre « réversible », qui, comme un vêtement qu’on retourne, pouvait se lire des deux côtés à la fois : un côté noir et un côté juif… Il avait donné des pistes au lecteur, inséré des mots-clés, repris des thèmes, des phrases, mais déplorait que le public ne s’en soit pas rendu compte. Pourtant l’État d’Israël en avait pris acte en lui décernant en 1967 le Prix de la ville de Jérusalem « pour la liberté de l’homme dans la société ». Le jury avait associé dans un même souffle Le Dernier des Justes et La Mulâtresse Solitude qui venait de sortir des presses à Paris.
Au combat pour la justification de son propre peuple, il ajoute le souci des autres races opprimées, de tous ceux qui souffrent injustement aux mains de leurs frères dénaturés. La libération et la restauration de la dignité de l’homme noir ne lui paraissent pas moins impératives que le salut du peuple juif. Au nom de tous les hommes en proie à l’exclusion, au mépris, aux tortures du corps et de l’esprit, s’élève la voix dure, indignée, mais aussi pleine de compassion et d’humour triste, du romancier du Dernier des Justes et de La Mulâtresse Solitude.
27La même année, André Schwarz-Bart précisait la nature du lien de « voisinage » qui unissait, dans son esprit, les deux souffrances et les deux mémoires :
Mon rapport avec les Antillais a été profondément juif. J’éprouvais un sentiment de fraternité, c’est-à-dire la possibilité d’une communication avec ce peuple.
29Identité de la condition juive et de la condition antillaise ? Non. L’entreprise de génocide dont les juifs avaient fait l’objet instaurait, historiquement, une différence radicale. Contiguïté, plutôt, de deux expériences limites qui autorisaient un dialogue [3].
30Ce dialogue est mis en œuvre dans le discours que prononce, le 30 mars 1967, le lauréat du Prix de Jérusalem. Pour expliquer son entreprise d’écrivain, il invoque deux dictons, un proverbe africain et un apologue ‘hassidique :
L’écriture m’est venue en réponse à l’événement. Les Africains disent : « Le fusil a fait pousser un cri d’homme à l’éléphant » [puis il y a une dizaine d’années] j’ai rencontré, par hasard, une phrase de Rabbi Na’hman de Bratzlaw. Cette phrase est la suivante : « Les auteurs doivent mûrement peser le contenu de leurs écrits afin de savoir s’ils valent la peine d’être mis en un livre, car l’essentiel d’un livre est le lien qu’il établit entre les âmes. »
32Il faut noter aussi que le PPBV était dédié conjointement « à Aimé Césaire et à Elie Wiesel », évoqués également (avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor) dans le discours de Jérusalem. Devant cette attitude délibérée, le critique peut donc, à juste titre, proposer une lecture « parallèle » des deux œuvres, juive et noire.
33Le recours à des éléments historiques ou légendaires, récurrents à travers les siècles, qui charpentent l’intrigue romanesque et le destin des héros porteurs de l’identité ethnique, est un procédé adopté et développé par Schwarz-Bart dans tous ses textes publiés [4] (et sans doute dans ceux restés inédits). Le cycle noir ne fait pas exception. Solitude est la fille d’une petite négresse d’Afrique, Bayangumay, déportée avec ceux de son village natal dans un navire négrier (leur calvaire évoque dans le roman le calvaire d’Ernie et de ses compagnons déportés dans des wagons plombés). À l’arrivée, Bayangumay est marquée, étiquetée, déshumanisée (comme le furent les juifs contraints de porter l’étoile jaune et marqués dans les camps d’un numéro gravé sur l’avant-bras). Elle donne naissance à une mulâtresse après avoir été violée sur le bateau négrier par un marin blanc au cours d’une « Pariade », (triste coutume qui au-delà de l’assouvissement des instincts du plus fort avait un intérêt économique : les femmes enceintes valaient plus cher puisque porteuses d’un futur esclave [5]). Personnage historique réduit à trois lignes dans les livres d’histoire de la Guadeloupe (comme l’est Yom Tov de Joigny, modèle historique de Yom Tov Lévy), elle réchappe de l’explosion que les rebelles provoquent sur eux plutôt que d’être pris (tout comme les Juifs d’York s’étaient suicidés plutôt que de se laisser convertir de force). Devenant la première de la lignée des héroïnes du cycle, elle est condamnée à être pendue, non sans avoir d’abord donné naissance à un enfant aussitôt remis aux maîtres blancs de l’esclave. La petite Louise sera la mère d’Hortensia, née juste avant l’abolition de l’esclavage (PPBV 112). Hortensia périt dans l’éruption de la montagne Pelée le 8 mai 1902, un événement historique qui permet à Schwarz-Bart de conserver un lien thématique avec le cycle juif : toute une génération sans tombe périt dans les cendres. La fille d’Hortensia, Mariotte, quitte définitivement la Martinique et connaît l’exil à la suite de cette catastrophe, gardant dans les yeux le souvenir des « chères ombres enfouies sous la cendre du volcan » (PPBV 139). Pourrissant sur pied dans un hospice de vieillards parisien, elle déplore de mourir bientôt dans un lieu où nul ne la connaît, où nul ne viendrait se recueillir sur sa tombe, tandis que mourant en Martinique, les siens lui auraient gardé une place où elle aurait pu revenir « quoique invisible, quand je serais lasse de voyager au-dessus des nuages, entre ciel et terre » (PPBV 138). Unissant imperceptiblement les images de flammes, de cendres et de bûchers pour évoquer le « bourgeon concentrationnaire » qu’est l’hospice où les pensionnaires sont déshumanisés, dépouillés de leur identité et appelés par leur numéro, enfermés loin des regards de ceux qui continuent leur vie « normale », Mariotte ressuscite donc les visages de ses « chères ombres enfouies sous la cendre du volcan » auxquelles elle révèle : « Comment les Blancs d’ici jetaient leurs parents tout vifs dans la mort, ainsi que des truites au bleu ou de vénérables homards à l’américaine… Comment ils s’y prenaient, leur coupant un à un tous les ponts, jusqu’à l’hospice : tristes plongeurs de haut vol, à l’extrême pointe de la vie, poussés par les regards des familles qui interdisent de reculer d’un pouce : il faut sauter » (PPBV 139).
34Sous l’image des animaux cuits vivants associés au thème des vieillards sacrifiés, le lecteur attentif peut déceler ce que Schwarz-Bart appelle une équivalence, un reflet oblique de l’univers concentrationnaire :
En soi-même, le thème des vieux m’obsède depuis fort longtemps car on peut y lire, en toutes lettres, le thème de la mort ; et en filigrane, la vérité sur la civilisation occidentale qui est fondée sur l’holocauste quotidien des animaux, sur la domination de la femme, sur l’exploitation de l’homme, et sur la liquidation insidieuse des vieillards, des infirmes, des aliénés mentaux et autres laissés-pour-compte.
36Incapable d’aborder cet enfer de front, l’auteur le dépeint à travers les indices qu’on peut relever réfractés dans la vie normale, comme il l’avait fait pour Ernie qui meurt dès son entrée au camp :
Je me suis servi d’un biais en faisant vivre à mon héros, dans sa vie courante, des expériences qui, en germe, étaient déjà concentrationnaires. Le problème se ramène à des termes voisins pour La Mulâtresse Solitude : l’asile me paraît un bourgeon concentrationnaire de notre monde ; l’esclavage offre lui aussi des analogies avec cet univers. Il n’y a pas de hasard à cela : le monde concentrationnaire est le plus grand dénominateur commun de tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent.
38Nous nous proposons de mettre en évidence, dans une prochaine étude, d’autres réseaux de fils tissés entre chacun des romans publiés. Le message suggéré conduit à la compassion, à la fraternité humaine, dans le respect du particularisme de l’autre. Chantre du dialogue dans la différence, André Schwarz-Bart condamna d’ailleurs à la fin de sa vie le processus de mondialisation qu’il considérait comme le « lit de Procuste du cœur ». Il voulait que chacun affirme son identité pour mieux dialoguer au lieu de s’affronter. Son œuvre inachevée a déjà largement rempli sa mission mais son héritage reste encore mal apprécié.
39Parmi les nombreux auteurs noirs qu’il inspira, signalons le cas curieux de Yambo Ouologuem, Malien de vingt-huit ans qui n’hésita pas à calquer la structure du Dernier des Justes, à en démarquer des paragraphes entiers et à en pasticher des phrases symboliques pour en offrir une leçon diamétralement inversée. Son roman cruel et sans illusions Le Devoir de violence (Prix Renaudot 1968), dénonce les ancêtres et les maîtres noirs corrompus de l’Afrique. La légende des Lévy y est remplacée par celle des Saïfs, une dynastie guerrière « négro-juive » aux prénoms délibérément hébraïques, baptisée et nourrie de Coran, qui depuis 1202 jusqu’à nos jours massacre, exploite et gruge la population locale. Mais le style est vigoureux et le désir de voir s’affirmer une authentique identité africaine est sincère (« Souvent il est vrai, le cœur veut crever de chagrin, qui voit son pays jongler désespérément avec lui-même, corps immense à la recherche de son identité [6] »). Au lieu de désavouer Ouologuem, Schwarz-Bart lui rendit cet hommage :
« Je ne m’inquiète en aucune façon de l’usage qui a été fait du Dernier des Justes… J’ai toujours considéré mes livres comme des pommiers, heureux que mes pommes soient mangées et heureux que l’un de mes pommiers soit désormais transplanté dans un sol différent. Je suis donc touché, bouleversé même, qu’un écrivain noir se soit inspiré du Dernier des Justes pour écrire un livre tel que Le Devoir de violence. Ce n’est donc pas M. Ouologuem qui m’est redevable, mais c‘est moi qui lui suis redevable [7]. »
41Cette ardeur dans la volonté de désamorcer l’accusation de plagiat qui frappait alors Ouologuem est caractéristique de l’homme et révélatrice de l’écrivain. Les blessures dont il avait lui-même souffert de la part de ses critiques, y compris de lecteurs juifs et noirs, ne lui inspirèrent jamais haine et violence mais compassion et générosité [8]. Ce sont pourtant ces blessures qui expliquent le silence dans lequel il s’enferma, n’écrivant plus que pour lui-même et refusant de livrer au lecteur des textes dont certains sont aujourd’hui détruits et perdus à jamais.
Bibliographie
Références
Œuvres d’André Schwarz-Bart
- Le Dernier des Justes, Seuil, Paris 1959 ; Livre de Poche 1968.
- Un plat de porc aux bananes vertes (avec Simone Schwarz-Bart), Seuil, Paris 1967.
- La Mulâtresse Solitude, Seuil, Paris 1972 ; Livre de Poche 1974 ; Collection Points roman 1983. Collection Points, 1996.
- Hommage à la femme noire (Essai : six tomes, avec Simone Schwarz-Bart), Éditions Consulaires, Paris, 1989.
Études de Francine Kaufmann sur Le Dernier des Justes
- Francine Kaufmann, Le Dernier des Justes, d’André Schwarz-Bart : genèse, structure, signification. Doctorat de troisième cycle en littérature française sous la direction du professeur Guy Michaud, université de Paris X – Nanterre, mai 1976.
- F. Kaufmann, Pour relire Le Dernier des Justes – Réflexions sur la Shoah, Méridiens-Klincksieck. Paris 1986, 248 p.
- F. Kaufmann, « La genèse du Dernier des Justes d’André Schwarz-Bart », REJ (Revue des Études juives) CXLII (1-2), 233-242. Paris, 1983.
- F. Kaufmann, « Un pionnier de la littérature de la Shoah : Le Dernier des Justes d’André Schwarz-Bart », YOD n° 25, 37-66. Paris, 1987.
- F. Kaufmann, « Entretien avec André Schwarz-Bart », Pardès, n° 6, 147-158. Paris, 1987.
- F. Kaufmann, « La naissance d’un discours littéraire juif autour de la Shoah en France et en Israël », Pardès 9-10, p. 60-72, éd. Shmuel Trigano. Paris, 1989.
- F. Kaufmann, « Les enjeux de la polémique autour du premier best-seller français de la littérature de la Shoah », Myriam Ruszniewski-Dahan et Georges Bensoussan éd., Revue d’Histoire de la Shoah n° 176, sept.-déc. 2002, numéro sur « La Shoah dans la littérature française », 68-96. Paris, 2002.
Articles de presse sur le cycle noir
- (Les) Arts : 8 au 14 février 1967, p. 14-15, Hortense Chabrier : « Schwarz-Bart et l’écriture ».
- Combat, 9 février 1967, p. 7, Alain Bosquet : « La réussite des Schwarz-Bart ».
- Droit et liberté, n° 260, mars 1960, p. 30-31 : « Le mystère de la Diaspora noire », interview Albert Lévy.
- (Le) Figaro, 31 janvier 1967, Claudine Jardin, La Mulâtresse Solitude.
- (Le) Figaro littéraire n° 1084, jeudi 26 janvier 1967, « André Schwarz-Bart s’explique sur huit ans de silence : pourquoi j’ai écrit La Mulâtresse Solitude ». Signé A. S-B, p. 1 et 8-9.
- (Le) Figaro Littéraire, 9 février 1967, Robert Kanters, « André Schwarz-Bart au bout d’une nuit noire et blanche », p. 5.
- (Le) Figaro Littéraire, n° 1343, 11 février 1972, Robert Kanters, « Au-delà de toute solitude », p. 13.
- L’Arche n° 120, février 1967 : « Quand le dernier des justes rencontre la mulâtresse Solitude, un entretien (de Michel Salomon) avec André et Simone Schwarz-Bart », p. 25-29.
- L’Arche n° 121, mars 1967, p. 49, Wladimir Rabi : « Un acte d’amour ».
- L’Arche n° 180, 26 février au 25 mars 1972, R (abi), « Une épopée judéo-noire », p. 70.
- L’Aurore du 2 février 1967, Gilbert Ganne : « Je ne suis plus un désespéré parce que je ne suis plus un homme seul ! »
- L’Aurore littéraire du 7 février 1967, non signé : « Quand le soleil des Antilles éclaire le soir d’une vie ».
- (Le) Journal du dimanche, 12 février 1972, Kléber Haedens : « De la révolte, du feu et de la souffrance ».
- Juvénal, 10 janvier 1967, Jean-Pierre Faucher : « Les bananes sont amères ».
- (Les) Lettres françaises n° 1169, du 9 au 15 février 1967, p. 1 et 8 : René Bourdier « Sept ans après Le Dernier des Justes ».
- Le Monde, 1er février 1967, supplément au numéro 6860, p. VIII : « Du Dernier des Justes à la Mulâtresse Solitude : « Le monde concentrationnaire est le plus grand dénominateur commun de mes livres… », nous déclare André Schwarz-Bart », propos recueillis par Jean-Pierre Gorin.
- Le Monde des Livres, 25 février 1972, Pierre-Henri Simon : La Mulâtresse Solitude d’André Schwarz-Bart.
- (Le) Nouvel Observateur, 8 février 1967, Jean-François Held : « Schwarz-Bart accuse : La gauche s’obstine à confondre victimes et agresseurs », p. 6-7.
- Presse nouvelle, n° 81, 10 au 16 février 1967, éditorial et p. 6-8 : ITW de Jean Liberman : « Entretien avec André Schwarz-Bart : Auschwitz et Hiroshima, nouvelles coordonnées de l’esprit ».
- Paris-Match, 9 décembre 1972 : « Simone Schwarz-Bart, une femme sans prix », p. 7.
- Réforme, 15 avril 1967, Bernard Gros : « Sous la nuit de l’épiderme ».
- (La) Terre retrouvée n° 13, 1er avril 1972, Guy Le Clech : « Itinéraire de Schwarz-Bart ».
Notes
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[1]
Nous avons choisi dans cet article d’abréger ainsi les titres des œuvres publiées de Schwarz-Bart : Le Dernier des Justes = DdJ ; Un plat de porc aux bananes vertes = PPBV ; La Mulâtresse Solitude = MS.
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[2]
Nous avons vérifié : le Talmud met l’accent sur le nom de la cigogne pour le justifier : la ‘hassida se préoccupe de ses compagnons (TB Hulin 63 a). Rachi ajoute que sa ‘hassidoute (générosité) consiste à veiller à nourrir ses congénères. C’est dans la tradition ‘hassidique que les disciples du Becht mettent en évidence la contradiction entre son nom et le fait que la cigogne soit un animal impur (cf. Lévitique XI, 19). L’explication est qu’elle ne se préoccupe QUE de ses congénères et pas des autres. Donc sa générosité n’est pas gratuite, désintéressée, n’est pas pour l’amour du ciel.
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[3]
Le Monde, 1er février 1967, supplément au n° 6860, p. VIII. Souligné par moi.
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[4]
Pour l’étude des procédés narratifs et des thèmes du Dernier des Justes, voir mes articles et ouvrages dans la bibliographie.
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[5]
Rosalie, surnommée « Deux âmes » (et qui se donne elle-même le nom de Solitude), est écartelée entre deux mondes parce qu’elle est le fruit « de ces amours de vaisseaux négriers, de cette étrange coutume, « la Pariade », qui avait lieu un mois avant l’arrivée au port, jetant les matelots ivres sur les ventres noirs lavés à grandes giclées d’eau de mer » (LMS, 46).
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[6]
Le Devoir de violence, Seuil, 1968, p. 191, calque de la phrase qui ouvre le dernier paragraphe du DDJ : « Parfois, il est vrai, le cœur veut crever de chagrin », p. 346.
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[7]
Cité par Adrien Huannou, La critique et l’enseignement de la littérature africaine aux États-Unis d’Amérique. Paris : L’Harmattan, 1993, p. 65.
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[8]
Sur les vicissitudes de la réception du DDJ, lire notamment Kaufmann 2002.