Pardès 2003/1 N° 34

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Article de revue

Les victimes des « victimes des victimes »...

La concurrence des victimes au fondement du droit ?

Pages 377 à 399

Notes

  • [1]
    Cf. Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar (éd.), Le droit au retour, le problème des réfugiés palestiniens, Sindbad Actes Sud, 2002, p. 378.
  • [2]
    Idem, p. 382.
  • [3]
    Cf. Dominique Vidal avec Joseph Algazy Le péché originel d’Israël, Éditions de l’Atelier, Éditions Ouvrières, 1998.
  • [4]
    Selon l’expression de Jean Michel Chaumont, La concurrence des victimes : génocide, identité, reconnaissance, La Découverte, 1997.
  • [5]
    Cet abus donna son titre au livre de Tzvetan Todorov, thèse reprise par Paul Ricœur dans La mémoire, l’histoire, l’oubli, Le Seuil, 2000.
  • [6]
    Cf. S. Trigano L’idéal démocratique à l’épreuve de la Shoah, Odile Jacob, 1999.
  • [7]
    Cf. Le droit au retour…, op. cit., p. 389.
  • [8]
    Voir infra, annexe.
  • [9]
    Voir infra, annexe.
  • [10]
    Le droit au retour…, op. cit., p. 384.
  • [11]
    Elias Sanbar rapporte les lignes essentielles du document israélien présenté lors des négociations de Taba en janvier 2001. On y découvre avec stupéfaction ce qu’un gouvernement Barak aux abois y concède : la reconnaissance d’un droit au retour, séparé de la prise en considération des droits des Juifs des pays arabes. Il y est demandé aux États arabes des « réparations aux « anciens réfugiés juifs » – bien que ces réparations « ne fassent pas partie de l’accord bilatéral israélo-palestinien » – « en reconnaissance de leurs souffrances et pertes » (dixit Sanbar, op. cit., p. 394-395).
  • [12]
    Voyons ce qu’écrit une juriste comme Monique Chemillier Gendreau : « La logique de la création de l’État d’Israël était sans doute de donner une terre à un peuple appelé juif par référence à une religion mais aussi à une histoire qui était celle d’une longue dispersion »… « camper sur l’idée d’un État juif (qui dans les faits est un leurre avec ou sans droit au retour) c’est poursuivre l’édification d’une société d’apartheid » (cf. Le droit au retour…, op.cit., p. 314).
  • [13]
    Cf. annexe.
  • [14]
    Seul un parti politique l’a prôné, le Kach, interdit par la Knesset pour racisme. Seuls deux autres partis politiques, le parti « Hérout » du député Michaël Kleiner, et, dans une moindre mesure « l’Union nationale » de Avigdor Lieberman et du rabbin-député Motty Eilon (qui est l’héritier actuel de l’ancien parti « Moledet » de feu Rehavam Zéévi) prônent l’expulsion immédiate des terroristes et de leurs familles et envisagent l’éventualité de transferts de populations concernant certains secteurs des Arabes israéliens et des Palestiniens dans le cas d’un règlement négocié avec le monde arabe ou en cas de guerre d’agression flagrante déclenchée par les États arabes (renseignement obtenu auprès de Richard Darmon).
  • [15]
    Cf. Y. Harkabi Palestine et Israël, Les éditions de l’avenir, 1972.
  • [16]
    Renseignement obtenu auprès de Catherine Leuchter.
  • [17]
    Les articles en question : 19, 20, 21, 22 et 23.
  • [18]
    Bulletin n° 4/5, décembre 2002.
  • [19]
    Sur la base des chiffres présentés par Michel Gurfinkiel in La cuisson du homard. Réflexion intempestive sur la nouvelle guerre d’Israël., Ed. Michalon, 2001.

1L’enjeu de la confrontation des perspectives générées par les thèses de l’« exclusion des Juifs des pays arabes » et du « droit au retour » des Palestiniens est immense. Il faut, pour l’apprécier, l’aborder à partir du discours palestinien qui fait concrètement « loi » en la matière, ne serait-ce que dans l’opinion publique. C’est en effet la revendication mémorielle et politique autant que morale qu’il véhicule qui vient raviver la mémoire sépharade de l’« exclusion », jusqu’ici en apparence enfouie – du moins depuis 20 ans –, en tous cas globalement méconnue. Le problème ici soulevé commande la réponse à des questions clefs pour comprendre la nature du conflit arabo-israélien et surtout du statut que l’on reconnaît à l’État d’Israël et plus largement au peuple juif. Le récit palestinien dominant implique en effet une assignation symbolique autant que politique des Juifs à une position spécifique qui les met en jeu sans que leur avis ni leur parole n’aient été sollicités. Son examen permet d’évaluer également la validité de l’argument moral palestinien contre Israël.

2On peut le résumer dans les termes d’Elias Sanbar : « L’expulsion des Palestiniens de leur patrie en 1948 est le nœud originel du conflit, le « péché originel d’Israël » selon de nombreux auteurs. De ce fait elle est l’expression, la perpétuation aussi d’une injustice fondamentale commise à l’égard d’un peuple. Elle constitue également l’abcès de fixation permanent du conflit dans la mesure où, par delà les pertes matérielles et les malheurs quotidiens de l’exil, elle a fourni la base concrète de la négation d’existence du peuple palestinien : quoi de plus facile d’affirmer la non-existence d’un absent [1] ? » « Les Israéliens sont convaincus au plus profond d’eux mêmes que reconnaître que leur entreprise “juste” s’est accompagnée d’une autre “injuste”, commise cette fois à l’encontre des Palestiniens, équivaudrait à déligitimer l’État d’Israël… Ce blocage est extrêmement difficile à dénouer et il en sera ainsi tant que les attributs d’absolu associés au statut de victime “éternelle” ne seront pas dépassés, tant que les Israéliens refuseront de reconnaître ce qu’ils savent au plus profond d’eux mêmes, à savoir que tout être humain, toute communauté, toute nation peut s’avérer, selon les circonstances, victime ou bourreau et parfois même victime et bourreau [2]. » Dominique Vidal résume bien cette position : « Ce qui est mis à nu c’est bel et bien le “péché originel” d’Israël. Le droit des survivants du génocide hitlérien à vivre en sécurité dans un État devait-il exclure celui des fils et des filles de la Palestine à vivre eux aussi en paix dans leur État ? La réponse à cette question concerne le passé mais aussi le présent. Car l’injustice commise ne peut être réparée qu’en réalisant avec plus d’un demi siècle de retard le droit des Palestiniens à une patrie [3]. »

Le contexte idéologique et moral

3C’est moins la sollicitude à sens unique pour les « réfugiés » palestiniens, au mépris de toute considération pour les réfugiés juifs du monde arabe, en nombre bien plus important, qui compte ici que la justification du discours palestinophile en fonction d’une moralité tirant ses ressources de la « concurrence des victimes ».

4Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi ce récit s’est imposé. Le mythe de l’échange entre la Shoah et l’État d’Israël (qui n’aurait été créé que comme compensation à la Shoah et pour trouver un refuge aux rescapés) l’explique. Bien avant l’Intifada, on a vu se développer toute une littérature glauque – notamment en France et pas seulement avec le livre de Norman Finkelstein – accusant l’État d’Israël et les communautés juives de tirer « prestige, profit et pouvoir » [4] de la mémoire de la Shoah. Elle constitue ce que l’on peut appeler la version « noire » et négative de la théorie de l’État d’Israël comme « compensation » (morale et humanitaire) de la Shoah, la version « blanche », positive, courante dans l’opinion publique occidentale.

5La controverse sur les réparations des spoliations économiques subies par les Juifs durant la deuxième guerre mondiale vînt donner, dans les années 1990, un semblant de réalité à la « compensation » comme « argent » et donc profit et intérêt. La légitimation morale et humanitaire de l’existence d’Israël s’inversait alors en « excès » et abus de la culpabilité et de la repentance de l’Europe par un peuple juif dont Israël était la figure de proue [5]. Derrière la question de l’« usage » utilitariste de la mémoire de la Shoah se posait en effet une question bien plus grave : celle de la définition et de la reconnaissance des Juifs comme peuple jouissant donc d’une stature politique dans le concert des nations. Ce que démontre, en effet, la Shoah, c’est la faiblesse de la modernité politique et de l’Émancipation à assurer l’existence du peuple juif. À Auschwitz, des Juifs, citoyens individuels de leurs pays respectifs ont été assemblés en masse, comme s’ils appartenaient à un peuple étranger au cœur de l’Europe pour être exterminés. La déroute de l’Émancipation a pour revers la mise en valeur de l’auto-émancipation, le sionisme politique, le sionisme politique, le seul mouvement historique ayant pris en charge avec succès le destin collectif des Juifs.

6C’est la conscience sourde de cette équivalence qui fonde la théorie de la « compensation ». La reconnaissance de l’État d’Israël n’était en vérité ni une compensation hautainement concédée à des victimes, en dédommagement de leur tragédie, ni une solution humanitaire pour abriter des réfugiés, mais la reconnaissance que les démocraties ne pouvaient assurer le destin des Juifs, en tant qu’ils sont des citoyens individuels et qu’il fallait donc envisager la création d’un État des Juifs pour réparer cette défaillance de la modernité.

7Ce double processus conscient-inconscient sous-tend la théorie de la compensation, qui est aussi à comprendre comme déculpabilisation de la conscience moderne occidentale envers le sort réservé aux Juifs dans les murs de sa civilisation. Une telle masse de morts devient si insoutenable qu’on les exorcise en finissant par reconnaître la légitimité d’un peuple juif qui avait toujours été voué à la condition de paria [6], même (et surtout) quand les individus juifs s’étaient vus favorisés dans le cadre de l’émancipation citoyenne.

8Le discours du « droit au retour » s’inscrit justement dans ce cadre là, très complexe. Son articulation est évidente : les idéologues palestiniens ne manquent pas de rappeler systématiquement combien ils ne sont pas coupables du péché de l’Europe envers les Juifs victimes de la Shoah si bien qu’ils ne comprennent pas comment la compensation qu’elle a donné aux Juifs puisse signifier pour eux leur déracinement, la perte de leur terre et l’exil de leur peuple. Edward W. Saïd a très bien formulé cette manipulation idéologique simplificatrice et angéliquement accusatrice, en écrivant (Le Monde, 27 mai 2000) que les Palestiniens sont les « victimes des victimes ». Angélique, car si les Juifs sont « victimes », E. W. Saïd compatit à leur souffrance comme il compatit à la souffrance des Palestiniens. Or si ces derniers sont victimes, c’est du fait des premières victimes (celles qui obsèdent l’Europe) qu’ils le sont, c’est-à-dire du fait de leur mutation en « bourreaux ». Pas n’importe lesquels : les Nazis. L’État d’Israël est ainsi idéologiquement reconstruit comme la résurgence du nazisme. Ce renversement dialectique permet, de cette façon, à la mauvaise conscience européenne de s’alléger de son sentiment de culpabilité devenu acte d’accusation de ceux que l’on avait désignés comme victimes et qui s’avèrent être (ou pouvoir devenir) des monstres. C’est l’État d’Israël qui est ici désigné mais derrière lui les Juifs comme peuple. On a vu pourquoi.

9Le peuple juif peut-il être autre chose que victime ou bourreau dans la conscience moderne ? La question est posée aujourd’hui. Ainsi la conscience européenne se forge le sentiment d’avoir été trompée par les Juifs ou de s’être trompée à leur égard. Cela surélève consécutivement le statut du « peuple palestinien », qualifié de « peuple en danger » par ses supporters, campé dans les traits du « divin enfant », innocent et massacré par des monstres qui se faisaient passer pour des victimes.

10Cette dimension du « peuple » est capitale ici, on le comprend, car ce « peuple » est substitué au « peuple » juif dans le système symbolique de l’idéologie commune. La reconnaissance des Juifs comme peuple (fondant la légitimité de l’État d’Israël, consécration de son autodétermination) est donc perçue comme le synonyme de la dénégation des droits du peuple innocent, peuple réel, lui, chassé de sa terre, les Palestiniens. Pour racheter sa faute, l’Europe doit donc rétablir ce peuple pour se libérer de sa culpabilité de la Shoah, voire l’inscrire au cœur même de la démocratie européenne pour reconnaître et réparer son incapacité à faire une place au peuple juif. C’est ce qui explique les origines de la mystique bizarre qui pousse à mettre le « peuple palestinien » en tête des préoccupations des milieux les plus divers et les plus incongrus, comme on l’a vu depuis la deuxième Intifada. L’innocence du peuple palestinien que majore l’invocation du « droit au retour » (des malheureuses victimes des victimes) est d’autant mieux mise en valeur que l’on insiste sur l’innocence totale des Palestiniens et du monde arabe au regard de la solution finale et de la Shoah. S’identifier à ce peuple innocent envers les Juifs et pis, victime des Juifs, ouvre une voie royale à l’auto-innocentement des consciences coupables…

11Nous venons de décrire là le cadre psycho-idéologique qui gouverne le rapport d’une grande partie de l’opinion publique aux affaires d’Israël et du Moyen-Orient.

Du mythe à la réalité

12Bien évidemment, il y a ici une version dévoyée des faits. Elle est très « originale » – soulignons-le d’emblée – car elle perpétue le « discours du maître » tout en définissant le maître par la vertu et le sens moral, en fait la condition victimaire qu’elle reproche à Israël, et non par le pouvoir seul. Invention d’un maître-victime ! Cela s’entend clairement dans le discours d’un Sanbar : « Israël sait qu’il ne suffit pas d’être légitime pour ses citoyens, que la vraie légitimité, celle à laquelle il affirme aspirer, dépend du pardon que seule sa victime, le peuple arabe de Palestine peut donner. Or ce pardon passe par la reconnaissance de la responsabilité israélienne dans l’immense injustice commise en 1948, et par voie de conséquence du droit au retour [7]. »

13Les choses ne correspondent pas « tout à fait », en effet, à ce récit mythique. Qu’est-ce qui, dans la réalité, tout d’abord a rendu possible l’invocation d’un « droit au retour » ? Non pas l’« invasion sioniste » que représenterait l’établissement du Foyer National Juif en 1917, mais le refus arabe et palestinien permanent du partage de la Palestine mandataire en deux États, prôné par l’ONU. Les réfugiés ont quitté les lieux ou ont été expulsés des territoires israéliens en 1948 des suites d’une guerre lancée par tous les États arabes de la région visant à détruire le nouvel État d’Israël. Ils appartiennent au camp de l’agression vaincu. Ils ne sont pas innocents du drame qui leur est arrivé. Et ils ne le sont pas devenus depuis, tant du côté des États arabes qui ont maintenu les réfugiés dans des camps pour en faire des armes contre Israël, que du côté des Palestiniens dont le discours exprime – même depuis Oslo – le projet final indéfectible de détruire « l’entité sioniste ».

14Toute l’argumentation palestinienne est fondée sur la dénégation aux Juifs du statut de « peuple » (cf. la Charte Palestinienne [8]), sur la dénégation du lien historique plus qu’évident des Juifs avec cette terre, sur son droit à l’autodétermination. Les tenants de la théorie de la compensation, en tant que « discours du maître » s’imaginent ainsi qu’il a suffit d’un coup de baguette magique de l’ONU pour créer un État, une société, une culture, un peuple… Bien avant la reconnaissance de l’ONU, il y avait sur ce territoire une société très réelle et structurée, le Yishouv, et une administration quasi étatique, une langue et une culture nationales. Quant au peuple juif, ses rois trônaient à Jérusalem, 2 500 ans avant qu’on ait entendu parler des Palestiniens, pour paraphraser une célèbre expression de Benjamin Disraéli. L’ONU ne fait alors que reconnaître ce qui existe déjà et le peuple juif autant que l’État d’Israël ne tirent pas leur existence de cet acte là.

15Quant à l’innocence du monde arabe sur le plan de la Shoah, elle est plus que douteuse. Edward W. Saïd a la mémoire très sélective. La politique pronazie menée par le Mufti el Husseini engagea tout le mouvement palestinien. Le Grand Mufti de Jérusalem n’était pas n’importe qui. Oncle de Yasser Arafat, aïeul de Fayçal El Husseini, son ministre décédé en 2002, il est aujourd’hui exalté comme un héros national.

16À la tête d’un axe panarabe de soutien à Hitler il avait organisé des légions arabes dans les Balkans (en 1943 il y avait 20 000 musulmans sous le drapeau allemand) et décrété la guerre sainte contre l’Angleterre. Rendant visite à Hitler il « visita » Auschwitz où il enjoignit les gardes des chambres à gaz à être plus efficaces. L’impact du nazisme fut très fort dans le monde arabe. Il laissa sa marque en Syrie-Liban, en Égypte où les milieux militaires d’où allaient venir les dirigeants ultérieurs comme Nasser et Sadat étaient en rapport avec le pouvoir hitlérien. Après guerre, nombre de nazis notoires trouvèrent refuge dans le monde arabe et aujourd’hui il n’est que de voir l’importance de l’édition de Mein Kampf ou des Protocoles dans ces pays pour mesurer la tendance… La veille de la visite du Pape en Terre Sainte, le Grand Mufti de Jérusalem, Sheikh Ekrima Sobri déclara « le chiffre de 6 millions de Juifs tués pendant l’holocauste est exagéré et se voit utilisé par les Israéliens pour obtenir un soutien international, ce n’est pas mon problème. Les musulmans n’ont rien fait dans toute cette histoire. C’est le fait d’Hitler qui détestait les Juifs ».

17Cette mythologification a en fait deux finalités pratiques : la dépolitisation du conflit et l’anhistoricisation d’Israël. On en comprend l’utilité pragmatique car en scotomisant l’histoire réelle, les Palestiniens réussissent à se déresponsabiliser de leur passé politique qui n’a rien de particulièrement édifiant, tout en délégitimant Israël dont la nature et l’origine sont fantastiquement reconstruits pour complaire aux intérêts palestiniens. Si Israël se voit dénier par eux toute légitimité historique sur la terre d’Israël, c’est pour mieux faire écran à la faiblesse de leurs prétentions historico-politiques sur cette même terre [9]. Et de fait, ils fondent avant tout leur légitimité sur une doctrine victimaire. Celle-ci a pour avantage de ne plus poser les termes du conflit dans des termes politiques mais mythiques : « victimes », « compensation », « culpabilité », « péché originel » et non plus décisions politiques, déclarations de guerre exterminatrices, responsabilité politique… Par le biais de cette dépolitisation, ils rattachent la figure d’Israël à la symbolique antijuive qui a eu en Europe ses lettres de noblesse, en ressuscitant les plus vieux fantasmes antisémites, ceux que l’on voit se déployer depuis la deuxième Intifada. En Orient islamique, cette manipulation symbolique inscrit inévitablement le conflit hors du politique, c’est-à-dire dans le domaine de la guerre sainte et de la haine religieuse. L’islamisation du mouvement national palestinien relève ainsi d’une évolution naturelle.

Au nœud de ce syndrome : les Juifs des pays arabes

18L’analyse qui précède montre spontanément à quel point l’exclusion des Juifs des pays arabes est occultée et refoulée de façon majeure par la doctrine du « droit au retour » et sa finalité politique : la délégitimation et l’éradication de l’État d’Israël. Dans les termes moralistes de Sanbar cela donne : « S’agissant enfin de ce que des pseudo-historiens décrivent comme “le long cauchemar du séjour des juifs en terre arabe”, il suffit de préciser que les juifs ne séjournaient pas chez les Arabes, dans la mesure où… ils étaient “chez eux”, Arabes ou arabisés, habitant leurs propres patries ; que le statut de minoritaire, partagé d’ailleurs avec d’autres communautés, si inégalitaire qu’il fut, n’a absolument rien à voir avec l’antisémitisme occidental auquel on tente en vain de l’assimiler ; qu’enfin les problèmes graves n’apparurent qu’à l’approche fatidique de 1948, lorsque le travail des émissaires sionistes qui œuvraient à provoquer le départ des juifs arabes vers Israël s’alimenta de la politique imbécile de certains régimes arabes qui, en quête de boucs émissaires pour pallier leur propre incapacité à préserver la Palestine, mirent désormais en doute l’allégeance nationale de leurs administrés juifs [10]. » Il n’est pas dépourvu de sens que ce soit un Arabe chrétien qui écrive ces mots, c’est-à-dire le membre d’une nation dhimmie qui a su ce que cela signifiait d’être un « protégé » de l’islam. Comment écrire que les Juifs, ou les chrétiens, étaient « chez eux » alors que le fondement même du statut de dhimmi est la dépossession de la terre qui, des suites de la conquête, devient un bien de l’islam (une terre fay, un butin collectif perpétuel pour les musulmans) dont l’ancien propriétaire devient le « locataire » et paie le kharadj, un impôt foncier ? Les Arabes chrétiens assument souvent ce rôle de faire-valoir de l’idéologie palestinienne comme pour témoigner a contrario de l’ouverture et de la tolérance de la société islamique, opposée au racisme et au fondamentalisme d’Israël ou au colonialisme de l’Occident. C’est un trait caractéristique de la psychologie classique du dhimmi qui célèbre son dominateur pour sa « tolérance », en un acte d’allégeance au pouvoir islamique qu’exige de lui le statut de dhimmi. Un terme qualifie aujourd’hui cette psychologie : le syndrome de Stockholm. Remarquons ici l’usage du référent de l’Occident : son invocation par le camp arabe condamne Israël quand on explique sa naissance par l’antisémitisme européen (aux dépens des Palestiniens) et il absout le monde arabe quand il est question de juger son rapport aux Juifs.

19À l’inverse de ce discours mythologique, l’histoire des Juifs des pays arabes constitue un rappel direct de la dimension politique du conflit.

20Les sépharades des pays arabes ne sont pas des rescapés de la Shoah – qui a pourtant manqué de peu de les détruire – et ils constituent pourtant une majorité d’Israéliens. Premier enseignement : l’État d’Israël n’est pas la compensation promise aux survivants des camps.

21Les sépharades ont été dépouillés par les pays arabes et exclus de leurs États nations, en vertu d’une épuration ethnique de type nationaliste. Ils sont victimes des États arabes. Il y a donc des Juifs, victimes du conflit et de surcroît victimes d’Etats arabes responsables et donc, eux « aussi », porteurs d’un « péché originel ».

22En se réfugiant en Israël, en en devenant des citoyens, les sépharades ont mis en œuvre l’auto-émancipation et l’autodétermination d’une minorité éthnico-politique dominée du monde arabo-islamique. L’État d’Israël qu’ils constituent en tant que citoyens n’est donc pas étranger à l’histoire de la région et du monde arabe ni téléporté d’Europe : il naît aussi de l’histoire même de la région. Il constitue un acte de libération face à un système politico-religieux dominateur, incapable de reconnaître la liberté subjective aux non-musulmans. Jusqu’à ce jour, les États arabes et les Palestiniens leur refusent toujours la reconnaissance et le droit à l’autodétermination. Bien au contraire, ils propagent le mythe de la coexistence judéo-arabe pour rendre incompréhensible le fait qu’il n’y a aujourd’hui quasiment plus de communautés juives dans le monde arabe et accuser en retour le sionisme d’en être responsable. Ils ne se rendent même pas compte de la condition d’hommes dominés que les Juifs ont subi dans leurs pays. Israël n’est donc pas un fait colonial.

23Les sépharades ont été les colonisés de ceux qui sont devenus par la suite des colonisés. C’est la venue du pouvoir colonial qui les libéra de leur condition. Dès que ce pouvoir se retira, leur condition d’hommes libres n’était plus assurée dans ces pays. Démonstration par l’absurde de la condition dominée du Juif dans le monde arabo-islamique. Les ex-colonisés ne sont pas indemnes de la volonté de domination.

24La décolonisation des Juifs concomittante à la création de l’État d’Israël, se produit à l’âge même de la décolonisation et de l’accession à l’indépendance d’État arabes qui se créent alors. L’État d’Israël n’est pas un vestige du colonialisme. Ou alors tous les États arabes en sont… L’État d’Israël émerge de l’histoire de la région.

25Les sépharades sont la preuve vivante que les non-musulmans n’ont pas trouvé leur place dans les États arabes qui, de fait, ont fait de l’islam leur religion officielle avec toutes les conséquences imaginables pour les dhimmis, les peuples dominés de l’islam. Réversiblement, un cinquième de la population israélienne est palestinienne et citoyenne. Il y a aujourd’hui des partis politiques arabes et islamiques au Parlement israélien. On ne peut pas en dire autant des autres pays arabes… Le judaïsme n’est pas la religion officielle de l’État d’Israël qui est ainsi le seul État démocratique de la région, une démocratie adaptée à l’héritage historique de la région où le droit des personnes a été régi par les instances religieuses du fait de l’interpénétration des populations dans un univers où il n’y a pas eu d’États-nations. Par contre l’OLP demande le démantèlement des établissements juifs en « Territoires occupés », c’est-à-dire qu’elle projette un État palestinien où les Juifs seraient interdits, mais aussi les chrétiens, qui quittent en masse le territoire qu’elle est censée administrer. Israël n’envisage pas d’expulser ses citoyens arabes et chrétiens. La politique palestinienne n’est pas indemne de la propension à l’exclusion ethnique.

26On comprend que ces vérités dérangeantes soient l’objet d’un intense refoulement et d’une dénégation radicale par le camp arabe et ses thuriféraires internationaux, par la mouvance néo-tiersmondiste, les antimondialistes, mais aussi par une part importante de l’opinion publique juive et israélienne.

27Cette dernière dimension demande à être explicitée. On peut bien sûr évoquer à ce propos l’ignorance dans laquelle cette opinion est restée quant aux faits historiques. C’est un fait mais qui ne fait qu’aggraver la chose car rien ne justifie cette ignorance ou plutôt cet escamotage d’une histoire somme toute contemporaine. Elle fut en effet aussi l’objet d’un refoulement dans le monde juif, dont certaines idéologies modernes définissent la condition juive en la détachant de l’histoire et de a politique.

28Le sionisme politique – dans ses écoles les plus radicales – a voulu rompre avec la diaspora et le judaïsme afin de donner naissance à un nouveau peuple, le peuple israélien, dans le cadre d’un projet volontariste typiquement moderne. Cette perspective favorisait l’anhistoricisation de l’être juif, la coupure avec son passé, encore plus quand il était marqué par la religion et qu’il était le fait d’une population juive non européenne, ce qui était le cas des sépharades. Remarquons qu’aucun des « intellectuels de gauche » israéliens qui s’opposèrent au discours du « droit au retour » d’Arafat (Amos Oz, David Grossman par exemple) n’a évoqué la mémoire de l’exode sépharade à ce propos pour ne se fonder que sur l’argument du réalisme politique (la disparition programmée de l’État d’Israël sous cet afflux de population : quatre cinquièmes de la population israélienne). La gauche israélienne a toujours congénitalement méconnu cette histoire [11].

29Ce travers existentiel inhérent à la modernité juive (et aujourd’hui en crise) se voit encore plus renforcé quand on prend en considération le phénomène israélien des « Nouveaux Historiens », une mouvance idéologique ultra-gauchiste et post-moderniste, résolument antisioniste qui, en fait, milite contre tout État national et toute identité nationale (en l’occurrence Israël), qualifiés de fascistes… Leur propension à la dépolitisation de l’identité israélienne est évidente. Ce sont eux qui ont dressé le procès du « péché originel » d’Israël, coupable d’avoir chassé les Palestiniens pour s’installer à leur place, en faisant abstraction de la guerre déclenchée contre Israël par les États arabes (et dont étaient parties prenantes les Palestiniens) et en oubliant (ethnocentrisme ? mépris ? gauchisme tiers-mondiste ?) tout simplement que la plus grande partie de leurs concitoyens avaient été chassés, eux aussi, du monde arabe, qu’ils gardent indemne, lui, de toute culpabilité… Mais voient-ils seulement le peuple israélien, tout occupés qu’ils sont à le nier et à le stigmatiser ? Eux aussi, comme les Palestiniens (ou les Juifs assimilés) dénient l’existence d’un peuple juif [12]. Et se rendent-ils compte que « l’État de tous ses citoyens » qu’ils prônent à la place de l’État d’Israël dont ils rêvent la disparition serait demain sous l’empire de la Sharia et de l’arabisme ? L’histoire oubliera vite ceux qui jouent le rôle peu glorieux des « idiots utiles » du camp arabe.

Palestine et monde arabe dans le prisme de la comparaison

30Dans la comparaison que nous mettons en œuvre, il faut se confronter à une objection qui concerne le critère même de la mise en parallèle du destin des sépharades (l’exclusion) et des Palestiniens (exil ou expulsion). En quoi ces deux populations sont-elles comparables ? Les sépharades sont originaires de nombreux pays, les Palestiniens d’un seul pays. Tout le problème c’est qu’à l’époque où cet échange objectif de populations se produit, il n’y a pas encore de réels cloisonnements étatiques qui se sont fait jour. Les États arabes viennent d’être créés ou vont l’être. Les Palestiniens n’ont jamais constitué une entité nationale et encore moins une souveraineté. Ils font corps avec la « nation arabe » du nationalisme au point de déclarer dans leur charte, adoptée 16 ans après, qu’ils sont une partie de la nation arabe. De même, pendant très longtemps après les indépendances, les États arabes vont chercher à se forger une unité transnationale qui, toujours, échoua. L’arabisme, mouvement du nationalisme arabe (et anti-islamique), en effet, dès le début pensa à l’avenir du monde arabe sous le signe de l’unité ou de la fédération… Il y a à cette époque, autour des années 1980, confrontation de la masse du monde arabe et de la masse du monde juif et c’est à ce titre que les États arabes punissent leurs résidents juifs des actes de l’État d’Israël. Par ailleurs, comme on l’a vu [13], la population palestinienne est en grande partie immigrée des pays arabes… C’est bien plus tard, au contact (réactif) d’Israël, qu’une identité palestinienne se forgera, en tous points mimétique de l’identité israélienne.

31La comparaison est donc tout à fait plausible. On peut objectivement parler d’un échange de population. Une condition cependant pour fonder ce jugement : il faut accepter l’hypothèse que les sépharades ne sont pas un ramassis de peuplades exotiques et disparates ni des « Arabes de confession juive » et qu’ils appartiennent à un peuple juif qui comprend le judaïsme ashkénaze. La réunion de ces deux ensembles est justement l’illustration de la réalité de ce peuple (et sa difficulté). C’est l’État d’Israël qui en est justement l’illustration.

L’enjeu éthique

32On le voit, l’enjeu moral ne se situe pas là où on le croit couramment (la dite « concurrence des victimes »). Il est esquivé si l’on fait l’impasse sur le politique, car c’est dans l’épreuve du politique que, le jugement des responsabilités et des dommages étant fait, le contentieux pourra être un jour apuré et une entente mise en œuvre. Il ne fait aucun doute aujourd’hui, au bout de deux ans d’Intifada, que c’est la question de la reconnaissance du sujet politique juif confronté au refus arabo-musulman qui se pose avec centralité. La reconnaissance de l’identité palestinienne pour le monde juif ne fait objectivement pas de doute, même si son opportunité politique apparaît, après la deuxième Intifada, plus que problématique.

33La restauration de l’aspect politique du conflit doit écarter la pollution mentale qui découle de la morale victimaire et de la légitimation sacrificielle des sujets qu’elle impulse. Nul n’a besoin d’être une victime – ni de se sacrifier – pour avoir le droit d’exister. Quand la souffrance est mise en avant c’est pour cacher l’inexistence d’un droit ou une existence jugée inconsistante ou honteuse. C’est dans l’arène du politique, à l’épreuve du politique, que doit se jauger la moralité.


Le discours du maître derrière le discours de la victime

« Droit au retour » et transfert des Juifs

34Les militants de la cause palestinienne évoquent de façon constante le « transfert » des Palestiniens (en fait leur déportation dans les territoires arabes voisins d’Israël) que fomenterait l’État d’Israël en quête du moment le plus propice pour mettre un terme aux bases mêmes du conflit (l’existence des Palestiniens) ou qu’il aurait déjà perpétré en 1948 (cf. « le péché originel » de l’État d’Israël).

35L’habituelle diffamation d’Israël que cette crainte charrie implicitement (le thème du « transfert » des Palestiniens ne concerne en effet qu’une faible part de l’extrême droite israélienne [14]) recouvre en fait une vérité inavouée et pieusement cachée : le « transfert » des Juifs que programment officiellement et textuellement les deux principales forces palestiniennes en guerre avec Israël : l’OLP (devenue « Autorité Palestinienne ») et le Hamas. Nous avons là les bases inavouables mais factuelles du discours du « droit au retour ».

La dénégation de l’existence du peuple juif

36La charte de l’OLP [15], adoptée en mai 1964, lors de la fondation de l’OLP (définie comme sainte « alliance » car c’est le terme anglais de Covenant (désignant l’alliance biblique) que traduit notre mot charte) et modifiée en juillet 1968, n’a jamais été formellement annulée, quoique les membres du Conseil national palestinien y aient « renoncé » à l’occasion d’un vote à main levée, à l’occasion d’une visite de Clinton à Gaza. Dans un reportage de Charles Enderlin, sur France 2, le 2 novembre 2002 [16], on voit Yasser Arafat dire au Conseil national palestinien, en présence de Clinton : « Nous sommes ici pour poursuivre le chemin de la paix et pour respecter les engagements que nous avons déjà pris. C’est pourquoi je vous demande de lever la main pour montrer votre accord ». Tous lèvent la main. Le commentaire de Charles Enderlin : « Sous le regard du président des États-Unis, le CNP vote l’abrogation des articles de la charte de l’OLP qui stipule la destruction d’Israël » [17] est fantaisiste car l’article 33 de la Charte palestinienne stipule que ladite charte ne peut être amendée que par un vote des 2/3 des membres du Congrès national de l’OLP devenu Conseil national palestinien, réuni à cet effet. En fait, en avril 1996, le parlement palestinien avait voté la possibilité de procéder à un vote annulant la charte. Cette possibilité a été reconnue mais ce vote n’a jamais eu lieu. Yasser Arafat lui-même l’a récemment reconnu qu’il ne l’avait pas abrogée et que personne n’avait le pouvoir de l’abroger.

Les présupposés de la charte de l’OLP

Les Israéliens n’existent pas

37Article 6. « Les Juifs qui résidaient normalement en Palestine jusqu’au début de l’invasion sioniste seront considérés comme palestiniens. »

38Le même Conseil national stipule dans une résolution que « l’agression dirigée contre la nation palestinienne et sa terre a commencé avec l’invasion sioniste de la Palestine ».

39Or le début de « l’invasion sioniste » commence avec la Déclaration Balfour, en 1917 (cf. infra, article 20), de sorte qu’il faut donc comprendre que les Juifs arrivés après 1917 (et donc la troisième génération après eux) devront quitter les lieux et regagner leurs pays d’origine (sic). Ils ne pourront pas devenir des citoyens palestiniens. C’est ce que laissaient entendre les précédentes versions de l’article 6 de la Charte : « les Juifs d’origine palestinienne seront considérés comme palestiniens s’ils sont disposés à s’efforcer de vivre loyalement et pacifiquement en Palestine ». Ceux arrivés après 1917 ne sont pas dans ce cas puisqu’ils sont des envahisseurs. « Effacer les traces de l’agression » doit donc signifier effacer toute trace d’agression depuis le début de l’invasion sioniste et non depuis la guerre de juin 1967.

40Ce traitement est donc formellement discriminatoire pour les Juifs parce qu’il les exclue de la « Palestine démocratique » en fonction d’un critère différent du critère qui définit le Palestinien arabe selon l’article 5 : « Les Palestiniens sont les citoyens arabes qui habitaient en permanence en Palestine jusqu’en 1947, qu’ils en aient été expulsés par la suite ou qu’ils y soient restés. Quiconque est né de père palestinien après cette date, en Palestine ou hors Palestine, est également palestinien. »

41On voit donc très bien, à ce propos, que palestinité et arabité sont identiques et fondent la citoyenneté palestinienne, ainsi définie en fonction de critères ethniques fort peu « démocratiques ». Signalons l’anachronisme qui évoque des citoyens arabes habitant en permanence dans une Palestine qui n’a jamais constitué un État et où une « citoyenneté » politique était donc encore moins possible.

Les Juifs ne sont pas un peuple

42La gravité du projet de l’expulsion des Juifs, c’est-à-dire de la quasi-totalité des citoyens israéliens, venus après 1917, par le futur État palestinien, fonde son « évidence » et sa « moralité » sur quelques astuces rhétoriques de la même charte qui dénie à l’État d’Israël toute légitimité, à la fois en tant qu’État et en tant que peuple et qui décrète ce que sont et doivent être les Juifs : pas un peuple mais une religion.

43L’article 19 décrète que : « Le partage de la Palestine de 1947 et la création de l’État d’Israël sont nuls et non avenus, quel que soit le temps écoulé depuis cette date, étant donné qu’ils ont été opérés contre la volonté du peuple palestinien et son droit naturel à sa patrie et qu’ils sont en contradiction avec la Charte des Nations Unies, particulièrement quant aux droits des peuples à disposer d’eux mêmes. »

44L’article 20 : « La déclaration Balfour, le mandat sur la Palestine et tout ce qui en découle sont réputés nuls et non avenus. Les prétentions fondées sur les liens historiques et spirituels des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits historiques et avec une juste conception des éléments qui concourent à constituer un État. Le judaïsme étant une religion révélée, il ne saurait constituer une nationalité ayant une existence indépendante. De même les Juifs ne forment pas un seul et même peuple ayant une identité spécifique mais sont les citoyens des États auxquels ils appartiennent. »

45C’est donc au nom du judaïsme, une religion, que le sionisme est décrété « artificiel » et voué légitimement à l’éradication : l’article 22 : « le sionisme est un mouvement politique organiquement lié à l’impérialisme international… raciste… fanatique… agressif, expansionniste et colonialiste… fasciste ». Israël est défini comme l’ennemi du genre humain « source constante de menaces à la paix… dans le monde entier. »

Une déclaration de guerre au monde juif

46Article 23 : Les Palestiniens « requièrent de tous les États soucieux de maintenir des relations amicales entre peuples et de veiller à la loyauté de leurs citoyens à leurs pays respectifs, de considérer le sionisme comme un mouvement illégal et d’en proscrire l’activité ».

47Une déclaration de guerre au judaïsme mondial ne ferait pas mieux car on met les États du monde entier en garde contre leur « cinquième colonne » juive. Le sionisme s’y voit défini comme l’instigateur d’un complot mondial.

Dénégation de la légalité internationale

48La légalité, quant à elle, en prend un coup au passage car la Charte transgresse deux documents du droit international : la Déclaration Balfour, le mandat britannique sur la Palestine voté par la Société des Nations et le partage de la Palestine voté par l’ONU. Quant au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Charte le refuse royalement aux Juifs pour se l’attribuer avec un chauvinisme exclusiviste.

L’épuration ethnique

49C’est sur la base de ce tour de passe passe que le futur État « garantira la liberté du culte en permettant à chacun de s’y rendre (sauf donc aux Juifs venus après 1917 !) sans distinction de race, de couleur, de langue ou de religion ». Mais il est clair que le peuple palestinien à venir est « le peuple arabe palestinien » (article 21), rejetant « toute solution de remplacement à la libération intégrale de la Palestine ».

La charte du Hamas : les Juifs sont des dhimmis

50Même tonalité dans la charte du Hamas. Il n’y est fait aucun mystère de ce qui attend les Juifs. Faisant de la guerre contre les Juifs l’axe même du Djihad de tout l’islam mondial, il est décrété que « la terre de Palestine a été un waqf islamique… personne ne peut y renoncer ni la partager ni l’abandonner en totalité ou en partie » (article 11).

51Ainsi, l’article 13 déclare : « il n’y a de solution au problème palestinien que le djihad ».

52Les Juifs n’ont donc de condition possible que celle du dhimmi.

53L’article 31 décrète dans cet esprit : « dans l’ombre de l’islam il est possible pour les trois religions (islam, christianisme, judaïsme) de coexister dans la sécurité. Il n’y a de sécurité qu’à l’ombre de l’islam, l’histoire récente et ancienne en est le meilleur témoignage. Les membres des autres religions doivent s’abstenir de toute lutte avec l’islam concernant la souveraineté de cette région. Car s’ils devaient l’emporter le combat, la torture et le déracinement s’ensuivraient ».

54En somme, l’État d’Israël doit être détruit car sa terre est sacrée et islamique. Les Juifs qui subsisteraient parce qu’ils se seraient soumis à la loi islamique seraient rétrogradés au statut de soumission du dhimmi. Si un dhimmi (juif ou chrétien) se démet de sa soumission naturelle, la violence et l’extermination lui est réservée. Faut-il un commentaire ?

La validité de la charte de l’OLP, après Oslo

55L’Observatoire du monde juif [18] a publié un florilège de citations récentes de Yasser Arafat et de leaders palestiniens (mis au point par le Dr Emmanuel Navon) qui démontrent que les présupposés de la charte de l’OLP sont de facto à l’œuvre dans le discours palestinien, même après Oslo et sa pseudo abrogation (« Je mentirais si je vous disais que je vais l’abroger. Personne ne peut le faire » (Conférence donnée par Yasser Arafat à Harvard).

La dénégation du peuple juif

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  1. « Il n’y a pas de preuve tangible qu’il y ait la moindre trace ou le moindre vestige juif que ce soit dans la vieille ville de Jérusalem ou dans le voisinage immédiat » (Communiqué publié par le ministère palestinien de l’Information, 10 décembre 1997).
  2. « Le mur d’Al-Buraq [Mur des Lamentations] et sa place sont une propriété religieuse musulmane… [Il fait] partie de la mosquée Al Aqsa. Les Juifs n’ont aucun lien avec cet endroit » (Mufti de Jérusalem, nommé par Yasser Arafat, Al Ayyam [journal de l’Autorité palestinienne], 22 novembre 1997).
  3. « Le mur d’Al-Buraq est une propriété musulmane et fait partie de la mosquée Al Aqsa » (Le ministre des Affaires religieuses de Yasser Arafat, Hassan Tahboob, dans une interview accordée à l’agence de presse, IMRA, le 22 novembre 1997).
  4. « Ce n’est pas du tout le mur des Lamentations, mais un sanctuaire musulman » (Yasser Arafat, Maariv, 11 octobre 1996).
  5. « Tous les événements liés au roi Saul, au roi David et au roi Rehoboam se sont déroulés au Yémen, et aucun vestige hébreu n’a été trouvé en Israël pour la bonne et simple raison qu’ils n’y ont jamais vécu » (Jarid al-Kidwa, historien arabe, au cours d’un programme éducatif de l’OLP, en juin 1997 et cité dans Haaretz le 6 juillet 1997).
  6. « Jérusalem n’est pas une ville juive, en dépit du mythe biblique qui a été semé dans certains esprits. Il n’y a pas d’évidence tangible de l’existence juive d’un soi-disant « Temple du mont Era », on doute de l’emplacement du mont du Temple, il se peut qu’il ait été situé à Jéricho ou ailleurs » (Walid Awad, directeur des publications pour l’étranger du ministère de l’Information de l’OLP, interviewé par l’agence de presse IMRA, le 25 décembre 1996).
  7. « Abraham n’était pas juif, pas plus que c’était un hébreu, mais il était tout simplement irakien. Les Juifs n’ont aucun droit de prétendre disposer d’une synagogue dans la tombe des patriarches à Hébron, lieu où est inhumé Abraham. Le bâtiment tout entier devrait être une mosquée » (Yasser Arafat, cité dans le Jerusalem Report, 26 décembre 1996).

Le plan « par étapes » de la destruction d’Israël

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  1. Mai 1994 : Discours à la mosquée de Johannesburg. Yasser Arafat compare les accords d’Oslo au pacte de Houdaibiya. 2 mai 1998.
  2. Interview dans un journal égyptien : « le sort des accords d’Oslo ne sera guère différent des accords avec les Quoreish. »
  3. Novembre 1998 : « La paix d’Oslo est une paix à la Houdabiya » (15 novembre 1998. Discours prononcé devant des membres de la branche jeunes du Fatah).
  4. Novembre 1994 : « Seul un État palestinien est capable de poursuivre la lutte à mener pour chasser l’ennemi de toutes les terres palestiniennes » (Jerusalem Post, 18 novembre 1994).
  5. Juillet 1995 : « C’est le programme par étapes que nous avons tous adopté en 1974, pourquoi vous y opposez-vous ? » (Yasser Arafat, en réponse aux critiques de ceux qui sont opposés aux accords avec Israël).
  6. Septembre 1995 : « Oslo II applique, en la différant, l’une des étapes du plan par étapes de l’OLP de 1974 » (A-Daysur [journal jordanien], 19 septembre 1995.
  7. « La lutte contre l’ennemi sioniste n’est pas une question de frontières, mais touche à l’existence même de l’entité sioniste » (Bassam-abou-Sharif, porte-parole de l’OLP, Kuwait News Agency – Agence de presse koweïtienne, 31 mai 1996).
  8. « Le but stratégique est la libération de la Palestine, du Jourdain à la Méditerranée, même si cela signifie que le conflit doive durer encore mille ans ou pendant de nombreuses générations à venir » (Faisal Husseini, interview accordée à Al-Arabi [Égypte], 24 juin 2001).
  9. « La bataille ne se terminera pas avant que la totalité de la Palestine ne soit libérée » (Yasser Arafat, Voice of Palestine – La voix de la Palestine –, novembre 1995.
  10. « Bénie sois-tu, Jaffa, tes fils reviennent ; Jaffa, Lod, Haïfa, Jérusalem – vous revenez » (Yasser Arafat, cité dans Maariv, 7 septembre 1995.
  11. « Après l’établissement d’un État palestinien dans la totalité de la Cisjordanie et de Gaza, la lutte contre Israël continuera » (le député de la Knesset, Ami Bishara, supplément hébdomadaire de Haaretz, 22 mai 1998).
  12. « [Notre but est] d’éliminer l’État d’Israël et d’établir un État qui soit entièrement palestinien » (Yasser Arafat, session privée avec des diplomates arabes en Europe, 30 janvier 1996. Cité dans le Middle East Digest, 7 mars 1996).
  13. « Nous perdrons ou nous gagnerons, mais notre regard restera fixé sur notre but stratégique ; à savoir la Palestine du [Jourdain] à la mer » (Marwan Barghouti, chef du Fatah de Cisjordanie, New Yorker, 2 juillet 2001).
  14. « Nous avons décidé de libérer notre patrie par étapes. Si Israël continuait, alors, pas de problème. Si Israël dit « assez », lorsque cela arrivera, nous aurons de nouveau recours à la violence. Mais cette fois ce sera avec 30 000 soldats palestiniens armés et à partir d’une terre » (Nabil Shaath, responsable palestinien de premier plan, dans un discours fait à Naplouse [Schem], janvier 1996).
  15. « Tout ce que vous voyez et que vous entendez aujourd’hui a des raisons tactiques et stratégiques. Nous n’avons pas renoncé à nos armes. Nous avons toujours des bandes armées dans ces régions et si nous n’obtenons pas notre État nous les sortirons de nos cachettes et nous reprendrons la lutte. » (Faisal Husseini, discours à l’université de Bir-Zeit, le 22 novembre 1993).

La Palestine essentialiste

58Face à l’anhistoricisation du peuple juif, déniant à Israël tout droit d’exister, l’identité palestinienne est définie, par contre, dans des termes essentialistes. La charte déclare ainsi dans cet esprit :

59Article 1 : « La Palestine est la patrie du peuple arabe palestinien ; elle constitue une partie inséparable de la grande partie arabe, et le peuple palestinien fait partie intégrante de la nation arabe ».

60Article 4 : « L’identité palestinienne constitue une caractéristique authentique, essentielle et intrinsèque : elle est transmise des parents aux enfants ».

61Article 2 : « La Palestine dans les frontières du mandat britannique, constitue une unité territoriale indivisible ».

La « Palestine historique »

62Pour fonder le « droit au retour », le discours palestinien oppose ainsi l’authenticité de la condition de peuple des Palestiniens à l’artificialité de la collectivité israélienne. Il reconstruit par besoin une origine mythique aux Palestiniens afin qu’ils jouissent des attributs de permanence, de continuité, d’enracinement, d’autochtonie en un mot, qui feraient un peuple authentique à l’inverse de la condition d’étranger, de réfugié, de déraciné – et donc de colon (la version nouvelle du « Juif errant ») – des Juifs. On entend ainsi parler aujourd’hui – et à cette occasion – du concept de « Palestine historique », d’un peuple et d’un pays qui auraient existé de toute éternité et qu’une invasion étrangère aurait dépossédée, rendant ainsi « juste » sa reconstitution à l’ancienne. Dans l’éradication de l’État d’Israël. Tel est le discours même de l’antisionisme du début du xxie siècle.

L’entité géographique

63Or telle ne fut pas l’histoire de la « Palestine historique ». Le terme lui-même de Palestine – qui le sait ? – fut donné par l’empereur Hadrien au territoire des Royaumes de Juda et d’Israël (oui, « Judée » et « Samarie » sont les noms de lieux historiques de la « Cisjordanie ») occupés par l’Empire romain, après l’échec de la révolte juive de Simon Bar Kokhba, en 135 après J.-C. D’où venait ce nom ? Des pires ennemis du peuple juif de l’Antiquité, les Philistins. Qui étaient les Philistins ? Des envahisseurs venus des îles grecques et établis sur la côte, entre Ashdod et Gaza. Origine du mot « philistin » ? De la racine p-l-sh, « envahir ». En somme, le terme de Philistin, d’où dérivent Palestine et Palestinien, désigne l’invasion de ce territoire tant convoité. Une tradition midrachique nous dit en effet que les sept peuples canaanéens « originels » étaient eux-mêmes des envahisseurs qui avaient éradiqué du pays les premiers habitants, un peuple de géants…

64Le mandat britannique sur la Palestine, décrété par la SDN prend la suite de l’Empire ottoman dont le pouvoir allait de la Perse au Maroc et sous lequel il n’y eut jamais d’entité palestinienne. Comme il n’y en eut pas durant la brève période de l’empire islamique et des dynasties qui lui succédèrent (ommeyade, abasside, mongole, mamelouk). Il n’y eut jamais d’entité palestinienne spécifique historico-politique, séparée du cadre arabo-islamique. La région faisait partie géographiquement de la Grande Syrie. L’épisode des royaumes croisés constitue le seul exemple d’autonomie de ces territoires. Quant au mandat britannique (l’empire britannique sous supervision de la SDN succède à l’empire ottoman, lui-même héritier du bref empire islamique, successeur de l’empire byzantin, héritier de l’empire romain qui avait pris possession du royaume juif des Macchabées), il concernait à l’origine les deux rives du Jourdain. Ce n’est qu’en 1922 que la Transjordanie (la Jordanie actuelle) fut créée et détachée de la Palestine mandataire dont elle était partie intégrante, pour servir les intérêts de la politique britannique auprès de l’émir Abdallah, fondateur de la dynastie hashémite de la future Jordanie. (À ce propos, le doute plane sur les réelles intentions de l’État palestinien vis-à-vis de l’actuelle Jordanie dont la majorité de la population est palestinienne mais de citoyenneté jordanienne car, dans son article 2, la Charte palestinienne décrète de façon floue « la Palestine dans les frontières du mandat britannique, constitue une unité territoriale indivisible ».)

65Si un État palestinien n’est pas né après guerre, c’est parce que les États arabes, y compris les Palestiniens, n’ont pas accepté le partage de l’ONU et ont attaqué l’État d’Israël qui venait d’être proclamé, conformément à la décision de l’ONU. La Jordanie eut le temps d’envahir la Cisjordanie et l’Égypte la zone de Gaza, occupant des territoires désormais de statut incertain. L’entrée d’Israël, après la guerre des 6 jours provoquée par le monde arabe, asseoit une occupation sur une autre. L’occupation de ces territoires ne date donc pas de cette époque. Mais c’est alors que se lève la revendication arabe qui auparavant avait été réprimée sous la férule de fer de la Jordanie et de l’Égypte, puissances occupantes.

L’entité démographique

66La singularité identitaire des Palestiniens qui s’est aujourd’hui affirmée au contact d’Israël ne fut pas dès le départ, et peut-être n’est toujours pas dissociée de l’identité arabe globale, la « nation arabe » dans sa version nationale, ou la « Oumma » islamique, dans sa version religieuse. C’est à cette dernière que fait appel Arafat quand il invoque la « guerre sainte », le djihad pour motif de sa guerre. L’article 1 de la Charte palestinienne soulignant que le « peuple palestinien fait partie intégrante de la nation arabe » le signifie bien.

67Mais il n’y a pas que le territoire ou l’identité qui soient rétrospectivement historicisés. Le « peuple palestinien » lui-même est une invention récente, sans guère plus d’« authenticité » que les immigrants juifs du début du sionisme, si l’on veut comparer, à l’aune des critères de l’OLP elle-même. Mais, par contre, en rapport direct avec cette immigration qui fit du Foyer national juif un bassin économique attirant vers lui des vagues d’immigration venues de nombreux et divers pays arabes, jusqu’aux années 1940 (un courant migratoire qui commença en fait dès le début du xixe siècle). Une forte immigration musulmane et arabo-chrétienne venant des pays voisins (Liban, Syrie, Bédouins) profitèrent de la promulgation en 1858 d’un Code foncier autorisant la colonisation des terres vierges et « mortes ». Les riches bourgeoisies arabes s’approprièrent les terres qu’elles firent travailler aux fellah ou aux Bédouins. La population musulmane de Haïfa est ainsi originaire des Syriens du Djebel Druz. Les Arabes, sujets ottomans, pouvaient en effet s’installer sur ces terres. De 1831 à 1840, le pays était sous la juridiction de Mehemet Ali, vice roi d’Égypte : six mille colons égyptiens s’installèrent à Haïfa, et en Galilée. La vague migratoire égyptienne continua avec régularité, après coup, à Jaffa, Gaza, Tulkarem, dans les vallées du Huleh et de Beit Shean, dans la vallée du Yarkon, en Samarie, à Naplouse et la zone du « petit Triangle ». Les partisans de l’émir algérien Abd El Kader le suivirent au Liban en 1856 et s’établirent en Galilée, à Jaffa, Ramlah et Jérusalem au point qu’en 1948 la plus grande partie de la population de Safed était d’origine algérienne. En 1878, des Circassiens quittent le Caucase, annexé à la Russie, pour la Galilée. Des Bosniaques fuirent l’Autriche et s’installèrent en Galilée, sur le Carmel et dans la plaine côtière. On compte aussi des émigrations du Maroc, du Yemen, du Soudan, du Kurdistan, d’Iran… En 1917, le port de Jaffa comportait une population musulmane originaire de 25 pays musulmans. Le flot migratoire continua bien sûr sous le mandat britannique. Si l’immigration juive était limitée, l’immigration arabe ne l’était pas. Elle représenta environ 40 % de l’immigration totale, surtout en provenance de Syrie et du Liban. La population arabe des villes juives augmenta de façon considérable entre 1922 et 1946. Plus de 216 % à Haïfa, plus de 134 % à Jaffa, plus de 90 % à Jérusalem, ville à majorité juive dès 1889 [19]. Entre 1922 et 1942, la population rurale arabe connût un accroissement de 65 %. Dans les villes spécifiquement arabes, on ne constate pas bien sûr une augmentation démographique aussi prononcée, ce qui témoigne de l’importance du facteur économique juif dans la motivation migratoire. Les Britanniques consignèrent l’expulsion de 95 Juifs immigrants illégaux pour 1 001 arabes. En 1938, 30 Juifs contre 703 arabes : ce qui donne une idée de l’ampleur de la vague migratoire arabe, car il ne s’agit là que des clandestins capturés par une police aux faibles moyens.

68Cette réalité, déprimante pour le discours de la Palestine, transparaît dans l’étonnante inégalité des critères de définition de la palestinité que met en œuvre la Charte palestinienne fixant le seuil à 1917 pour les Juifs et 1947 pour les Arabes. Si le seuil de l’identité de ces derniers avait été fixé, lui aussi, à 1917, gageons qu’il n’y aurait plus eu de « peuple palestinien historique »… Il y a donc une manipulation idéologique à opposer un peuple palestinien historique et enraciné à des groupes d’immigrants juifs étrangers, sans liens entre eux ni avec Eretz Israel.


Date de mise en ligne : 27/02/2013

https://doi.org/10.3917/parde.034.0377

Notes

  • [1]
    Cf. Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar (éd.), Le droit au retour, le problème des réfugiés palestiniens, Sindbad Actes Sud, 2002, p. 378.
  • [2]
    Idem, p. 382.
  • [3]
    Cf. Dominique Vidal avec Joseph Algazy Le péché originel d’Israël, Éditions de l’Atelier, Éditions Ouvrières, 1998.
  • [4]
    Selon l’expression de Jean Michel Chaumont, La concurrence des victimes : génocide, identité, reconnaissance, La Découverte, 1997.
  • [5]
    Cet abus donna son titre au livre de Tzvetan Todorov, thèse reprise par Paul Ricœur dans La mémoire, l’histoire, l’oubli, Le Seuil, 2000.
  • [6]
    Cf. S. Trigano L’idéal démocratique à l’épreuve de la Shoah, Odile Jacob, 1999.
  • [7]
    Cf. Le droit au retour…, op. cit., p. 389.
  • [8]
    Voir infra, annexe.
  • [9]
    Voir infra, annexe.
  • [10]
    Le droit au retour…, op. cit., p. 384.
  • [11]
    Elias Sanbar rapporte les lignes essentielles du document israélien présenté lors des négociations de Taba en janvier 2001. On y découvre avec stupéfaction ce qu’un gouvernement Barak aux abois y concède : la reconnaissance d’un droit au retour, séparé de la prise en considération des droits des Juifs des pays arabes. Il y est demandé aux États arabes des « réparations aux « anciens réfugiés juifs » – bien que ces réparations « ne fassent pas partie de l’accord bilatéral israélo-palestinien » – « en reconnaissance de leurs souffrances et pertes » (dixit Sanbar, op. cit., p. 394-395).
  • [12]
    Voyons ce qu’écrit une juriste comme Monique Chemillier Gendreau : « La logique de la création de l’État d’Israël était sans doute de donner une terre à un peuple appelé juif par référence à une religion mais aussi à une histoire qui était celle d’une longue dispersion »… « camper sur l’idée d’un État juif (qui dans les faits est un leurre avec ou sans droit au retour) c’est poursuivre l’édification d’une société d’apartheid » (cf. Le droit au retour…, op.cit., p. 314).
  • [13]
    Cf. annexe.
  • [14]
    Seul un parti politique l’a prôné, le Kach, interdit par la Knesset pour racisme. Seuls deux autres partis politiques, le parti « Hérout » du député Michaël Kleiner, et, dans une moindre mesure « l’Union nationale » de Avigdor Lieberman et du rabbin-député Motty Eilon (qui est l’héritier actuel de l’ancien parti « Moledet » de feu Rehavam Zéévi) prônent l’expulsion immédiate des terroristes et de leurs familles et envisagent l’éventualité de transferts de populations concernant certains secteurs des Arabes israéliens et des Palestiniens dans le cas d’un règlement négocié avec le monde arabe ou en cas de guerre d’agression flagrante déclenchée par les États arabes (renseignement obtenu auprès de Richard Darmon).
  • [15]
    Cf. Y. Harkabi Palestine et Israël, Les éditions de l’avenir, 1972.
  • [16]
    Renseignement obtenu auprès de Catherine Leuchter.
  • [17]
    Les articles en question : 19, 20, 21, 22 et 23.
  • [18]
    Bulletin n° 4/5, décembre 2002.
  • [19]
    Sur la base des chiffres présentés par Michel Gurfinkiel in La cuisson du homard. Réflexion intempestive sur la nouvelle guerre d’Israël., Ed. Michalon, 2001.

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