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Article de revue

Une stratégie d’intégration pour l’Amérique du Sud

Pages 185 à 210

INTRODUCTION

1 L’Amérique du Sud tire de son intégration commerciale un moyen de croissance immédiat. En 2010, plus de 60 % du commerce extérieur des pays européens se réalisaient avec d’autres pays d’Europe et plus de 40 % du commerce extérieur des pays asiatiques avec d’autres pays d’Asie. En Amérique du Sud, moins de 20 % du commerce extérieur s’effectuaient entre pays de la région. Une des raisons de cette réalité se trouvait dans la précarité des infrastructures économiques. Le terme infrastructure désignant les activités économiques qui produisent les biens et les services largement utilisés par les sociétés et les foyers. Les infrastructures se caractérisent par les facteurs suivants :

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  1. les risques découlant des longs délais d’investissement ;
  2. l’impossibilité de fractionner leur expansion, spécialement dans le domaine de l’énergie et des transports ;
  3. de grandes économies d’échelle ;
  4. les coûts fixes élevés associés à leur installation ;
  5. leur faible rentabilité économique en comparaison avec d’autres activités du fait que nombre de leurs services sont publics et peuvent difficilement faire l’objet d’un paiement.

3 Mais tout le monde sait qu’il y a une corrélation directe entre l’investissement dans les infrastructures et le développement économique. Les universitaires ont parfaitement établi qu’une dotation ample et efficiente en infrastructures est cause de productivité économique et de prospérité.

4 Au cours des dernières décennies, l’Amérique du Sud a apporté une preuve de plus de cette corrélation. Le bas niveau d’investissement dans les infrastructures s’y est accompagné de faibles taux de croissance en comparaison avec le reste du monde.

5 Les crises fiscales successives qui ont frappé la région au cours des deux dernières décennies du XXe siècle expliquent en partie le bas niveau d’investissement, de même que les investissements privés dans les infrastructures durant cette période étaient plutôt liés à l’achat d’actifs plutôt qu’à la construction de nouveaux potentiels.

6 Le sous-continent sud-américain possède des infrastructures bien moindres que celles que l’on observe dans les pays développés, un fait qui s’aggrave encore lorsque l’on observe le niveau extrêmement bas d’intégration des infrastructures nationales dans le contexte régional. Le message le plus important que l’on puisse envoyer, c’est donc la nécessité pour tous les pays de la région d’investir beaucoup plus dans ce secteur. Étant donné les services disponibles au stade actuel, nous estimons que, pour pouvoir rattraper une partie du retard constaté, il faudrait y affecter au minimum 6 % du PIB annuel de la région sur 30 ans.

POTENTIEL ET PROJET DE DÉVELOPPEMENT

7 Avec les ressources dont elle dispose, l’Amérique du Sud est une des régions les plus riches du monde. Elle ne manque ni de denrées ni de moyens de production d’énergie, non plus que des autres ressources susceptibles de promouvoir un processus de développement industriel. Plus que la pression démographique, c’est l’absence d’une mobilisation adéquate de ces ressources, en particulier dans le domaine de l’énergie, qui a condamné la majorité de la population sud-américaine à son état actuel de pénurie.

8 Le développement, c’est l’énergie et une croissance de la production d’énergie entraînera l’augmentation de la densité des productions industrielle et agricole, ce qui nous rapprochera des niveaux de développement de l’Europe actuelle. Pour cela, outre le nécessaire investissement en capitaux, ce qui n’est pas le plus grand problème, nous devrons mobiliser un contingent de personnes formées de manière adéquate afin de mener à bien un programme régional intensif de développement industriel, et c’est ici que l’obstacle le plus important pourrait résider.

9 L’informatisation croissante de la société constitue un autre facteur qui doit induire un changement total dans le système régional de communication et d’information. L’élaboration d’un système régional de communication passe nécessairement par une articulation à trois niveaux : celui d’un réseau micro-ondes, celui d’un réseau de câbles en fibre optique et celui de la mise en place préalable d’un réseau de satellites en orbite basse doté des services d’un système de stations terrestres.

10 À titre d’exemple, les superports qui seront construits aux interconnexions stratégiques devront être dotés de téléports. Pour le succès d’une politique de développement au XXIe siècle, le traitement à distance sera central. En raison de l’héritage des relations commerciales avec les pays industrialisés, l’activité minière est l’activité industrielle relativement la mieux développée en Amérique du Sud. Par exemple l’or et l’argent ont été les premiers produits régionaux d’exportations du XVIe au XVIIIe siècle et ils sont devenus par la suite la principale destination des investissements étrangers dans la région ; aujourd’hui encore, ce sont des produits importants. Le cuivre du Chili et du Pérou, l’étain de Bolivie, le minerai de fer du Brésil, ainsi que d’innombrables autres minerais, occupent une place importante dans le PIB et les exportations régionaux.

11 Actuellement, la région produit une quantité considérable de « minerais de base » : 46 % des réserves mondiales de minerai de fer, 39 % pour le nickel, 33 % pour le cuivre et 28 % pour la bauxite, outre des volumes considérables de zinc, d’étain et autres minerais stratégiques : plus de 40 % des réserves pour quatre d’entre eux et plus de 25 % des réserves pour les cinq restants. Et il ne s’agit là que des réserves connues. La cordillère et le plateau brésilien sont les principaux sites miniers du sous-continent. L’objectif central en matière d’activité minière dans la région passe obligatoirement par l’emploi de techniques plus modernes de prospection, fondées sur les satellites de détection à distance ou sur les outils usuels d’aérophotogrammétrie, afin de dresser un inventaire complet des disponibilités minérales de la région.

12 Une faible partie de ces minerais est cependant raffinée dans la région, bien que celle-ci possède des sources d’énergie peu chères et abondantes, d’où une valeur ajoutée minuscule. Il y a là traditionnellement un des aspects les plus fragiles de cette activité, ce qui oblige l’Amérique du Sud à exporter ses minerais et parfois des métaux finis ou semi-finis à des prix très bas et à importer des produits finis chers contenant le métal voire, dans le meilleur des cas, des pièces détachées. Ce qui manque, ce sont les étapes intermédiaires, la manufacture de biens d’équipement et l’industrie lourde, soit les industries les moins développées de la région. En résulte un déséquilibre dangereux entre le secteur industriel des biens d’équipement et celui des biens de consommation.

13 L’optique qui prévaut dans notre programme de recherche doit privilégier les besoins de la région, alors que nous donnons actuellement priorité aux exportations. Autre point important, la recherche et le développement dans le sens d’une maîtrise complète des techniques permettant de tirer un profit maximal de tous les métaux. Nous devons donner priorité aux projets d’activité minière en tant qu’outils d’incorporation de différentes zones de la région à leurs œcoumènes (triangles Rio de Janeiro – Buenos Aires – Brasília et Caracas – Bogotá – Lima), à l’instar de ce qui a été projeté pour Carajás.

14 Pour satisfaire la demande croissante de matières premières dans la construction civile, l’industrie lourde et celle des biens d’équipement, il faudra accomplir de grands progrès dans la production par le biais d’investissements stratégiques coordonnés à l’échelle régionale comme d’accords douaniers visant à la protection des industries naissantes jusqu’à ce qu’elles soient consolidées.

15 Cette stratégie industrielle devra mettre à profit l’effet multiplicateur qui accompagne le succès du développement. Chaque réal investi rapportera beaucoup plus de réaux en commande de la part d’une dizaine d’autres industries : l’achat d’une locomotive entraînera la commande de moteurs, de châssis, de carrosseries, de pièces détachées, laquelle provoquera à son tour celle de machines-outils et de produits de fonderie, de forge, etc., ce qui augmentera la demande d’acier, d’aluminium et d’autres métaux.

16 Si l’Amérique du Sud veut recueillir tous les bénéfices de ce processus vertueux, il lui faudra construire des industries intégrées verticalement.

17 Même si tout le monde s’accorde à penser que l’objectif central de toute politique industrielle consiste à fournir à la population tous les biens nécessaires d’usage, dans le cadre de l’intégration régionale il conviendra d’accorder une attention particulière aux secteurs stratégiques, et principalement à l’industrie des équipements de défense et des biens d’équipement. Il faudra élaborer une stratégie différente de l’actuelle qui est clairement influencée par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) et qui protège la production de biens de consommation, si l’on peut dire en général qu’elle protège quoi que ce soit.

18 Les pratiques du Japon d’après-guerre et de la Chine actuelle illustrent une conception opposée et représentent un modèle plus souhaitable pour l’Union des nations sud-américaines (UNASUR). Ces deux premiers pays ont profité du change, de la politique douanière, des intérêts et autres incitations pour développer leurs secteurs de biens d’équipements et d’industrie lourde, une branche après l’autre. D’une manière générale, les industries ne progressent que si elles s’appuient sur une industrie lourde robuste. Il est fondamental que la région sud-américaine développe une politique de véritable industrialisation.

19 L’intégration de l’Amérique du Sud doit aussi englober l’évaluation et la planification du secteur industriel, principalement en ce qui concerne l’industrie lourde ou celle des produits de base : acier et fer, métaux non ferreux, cellulose, ciment, chimie anorganique et pétrochimie. Ce sont ces secteurs industriels qui transforment la matière première et la mettent, déjà élaborée, à la disposition de tous les autres secteurs. Ils requièrent en général de grands investissements.

20 L’expansion de la production d’acier est un objectif à poursuivre sans relâche. On a calculé que pour atteindre le stage de développement visé, il sera nécessaire d’obtenir l’indice actuel de consommation de l’Union européenne, soit environ 400 kg d’acier per capita. Ceci signifie qu’il faudrait multiplier par huit la production d’acier de la région, un objectif qui va certainement exiger des investissements massifs (on utilisera de préférence la méthode de réduction directe par le gaz naturel). Un autre point important pour la future sidérurgie sud-américaine est la maîtrise des alliages d’acier.

21 Quant à la production de métaux non ferreux, tout l’effort doit se concentrer sur le développement de technologies capables de réduire la consommation d’énergie dans le processus de transformation. Il convient d’accorder une attention spéciale aux « technologies de plasmas de basse fusion » qui sont à cet égard très prometteuses.

22 L’industrie pétrochimique connaît le même problème que les secteurs de l‘acier, du ciment et de la cellulose et celui des biens d’équipements : des investissements élevés en capital sont nécessaires à court terme parce que dans ces secteurs de base il faut stimuler une expansion considérable.

23 Le secteur de production de biens d’équipements va exiger également de gros investissements en recherche et développement. La robotique, l’optronique et la microélectronique, ainsi que le développement de nouveaux matériaux, sont les domaines qui exigeront des efforts importants pour obtenir des succès. Un autre effort significatif sera nécessaire pour la préparation, l’entraînement et le maintien de la main-d’oeuvre hautement qualifiée que ce secteur exigera.

24 En Amérique du Sud, le Brésil dispose déjà d’une concentration raisonnable de ce secteur et il est en mesure de relever ce défi. Mais il est important que les autres pays de la région développent également leurs capacités industrielles conformément à leurs richesses naturelles et à leurs logistiques de marché. En d’autres termes, nous suggérons de créer et de déterminer des zones de concentration industrielle en fonction de l’intégration envisagée dans ces régions, de manière à rentabiliser les économies à partir des différents secteurs et de la proximité géographique des usines. On donnera la priorité, en tant que zones de concentration industrielle, à la région du Grand Buenos Aires, au triangle Rio de Janeiro – São Paulo – Belo Horizonte, au littoral du Nord-Est brésilien et aux littoraux atlantiques vénézuélien et colombien.

25 En ce qui concerne le secteur agricole, l’action programmée vise à mettre en valeur le principal capital stratégique dont dispose la région, soit ses disponibilités en eau douce et son espace physique destiné à la production alimentaire. Nous pouvons affirmer qu’il est possible de tripler rapidement la production de grains en Amérique du Sud, l’effort devant porter principalement sur une augmentation de 50 % au moins de la surface cultivée, outre un gain substantiel en productivité des terres déjà cultivées.

Carte n° 1

Répartition des activités industrielles par secteurs

figure im1
INDUSTRIES DE PRODUITS DE BASE
Produits chimiques
Acier
Métallurgie
Autres
Industrie de haute technologie
INDUSTRIES DE BIENS D’ÉQUIPEMENTS
Équipement industriel lourd
Machines agricoles, de construction et transport
Machines et équipements de haute technologie
ZONES DE CONCENTRATION INDUSTRIELLE

Répartition des activités industrielles par secteurs

Darc Costa (DR)

26 Pour que ces efforts aboutissent, il est fondamental que le processus soit induit par l’État dans les régions géographiques énumérées infra avec carte afférente. Il y a déjà des avancées privées, sujet que nous aborderons plus loin, ce qui doit être promu également dans d’autres zones :

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  1. Les plaines de la Colombie et du Venezuela, soit une zone de près de vingt millions d’hectares au sud de ces pays et qui, en raison de fortes précipitations durant une partie de l’année et d’une sécheresse pendant d’autres périodes, ont très peu été utilisées pour l’agriculture ; un programme de régulation hydrique serait peut - être la solution ;
  2. Un vaste espace du Nord-Est brésilien, actuellement privé d’activité agricole, sauf dans de petites zones irriguées ; un programme de détournement de cours d’eau et d’irrigation permettrait de gagner plus de quarante millions d’hectares à l’activité productive ;
  3. La zone sud du bassin amazonien, soit un espace qui a résulté aussi de coulées de basalte provenant des Andes et qui englobe au Brésil l’État d’Acre, le Sud de l’État d’Amazonas, ainsi que le Nord de la Bolivie et le Sud du Pérou ; il n’exige qu’une infrastructure d’accès pour être incorporé à la production agricole de la région. Zones où l’initiative privée doit être orientée vers une progression rapide :
    • les petits plateaux du Planalto brésilien ;
    • les llanos (plaines) de Colombie et du Chili ;
    • le chenal des fleuves amazoniens, du fleuve São Francisco et de l’Orénoque ;
    • le bassin du Rio de la Plata, le plus prometteur de tous.

Carte n° 2

Répartition des activités agricoles à l’échelle du continent

figure im2
1. Plaines de Colombie et du Venezuela
2. Nord-Est brésilien
3. Frange sud
4. Plaines du plateau brésilien
5. Plaines du Chili et de la Colombie
6. Canal du fleuve Amazone
7. Canal du fleuve São Francisco
8. Chaco
Cultures et pâturages
Aire à incorporer

Répartition des activités agricoles à l’échelle du continent

Darc Costa (DR)

ASPECTS GÉOPOLITIQUES

28 En raison des facilités offertes par les deux océans qui la bordent, l’Amérique du Sud a toujours offert des avantages à l’installation de l’homme le long de son littoral. Les régions côtières, mieux abritées de par leurs caractéristiques géographiques et en raison de leurs connexions avec l’intérieur du continent, se sont d’abord dotées de ports et ensuite de pôles de propagation de la civilisation.

29 La vocation géopolitique d’attraction de la côte atlantique s’atteste dans la présence d’importants bassins hydrographiques associés aux articulations du littoral et où le relief plus plat a favorisé des relations intenses avec l’intérieur. Par exemple les bassins de l’Amazone et du Rio de la Plata qui ont facilité la pénétration humaine vers l’Ouest, ce qui a permis aux Portugais, détenteurs de ces noyaux historiques, de conquérir une vaste superficie des espaces centraux de l’Amérique du Sud.

30 Quant à la côte pacifique, l’unité des zones andines a initialement contribué à l’implantation d’un seul établissement colonial, espagnol, qui s’étendait du Nord au Sud sur le versant isolé de l’océan Pacifique. Avec un littoral pauvre en options, sans grand bassin hydrographique et pour cette raison majoritairement privé de liens avec l’intérieur, l’aménagement d’une connexion avec l’Atlantique a été entrepris à travers les nudos (nœuds) et les passages de la cordillère.

31 L’analyse de la colonisation de l’Amérique du Sud révèle en outre un dualisme géopolitique, mais pas une opposition, car il y a au contraire maintenant attraction naturelle entre les deux protagonistes. Le Traité de Tordesillas lequel ébauchait les frontières avait réparti les deux grandes voies de pénétration continentale en accordant l’embouchure du Rio de la Plata aux Espagnols, ce qui leur offrait de plus amples possibilités d’expansion par les Pampas et par le Chaco ; de même qu’en concédant par hasard l’embouchure de l’Amazone aux Portugais il leur attribuait le meilleur bras du fleuve pour la navigation, ce qui leur permit de prendre possession de cette plaine septentrionale.

32 Ainsi, avec la pénétration espagnole facilitée au sud et celle portugaise au nord, le continent sud-américain fut amené, bien qu’indirectement, à une répartition approximative : 8 500 000 km2 pour les Portugais (le Brésil) et 9 300 000 km2 aux Espagnols. La géographie segmentée des Andes et le fédéralisme castillan allaient imposer une cantonnalisation de l’Amérique espagnole avec différents centres historiques et la division postérieure en plusieurs républiques. À l’inverse, le relief plus plat et la centralisation du royaume portugais allaient confirmer au Brésil sa nature de seul et unique noyau historique.

33 Du point de vue économique, l’espace portugais qui donnait sur une longue bande atlantique avait l’avantage d’être plus proche de l’Afrique et de l’Europe, mettant le Brésil en contact plus étroit avec le Portugal. Et ce bien qu’il fût stratégiquement la cible naturelle d’assauts et de tentatives de sédimentation de la part d’éléments étrangers, ce qui n’arrivait pas du côté pacifique où les Espagnols, même s’ils étaient désavantagés par la distance avec la métropole, restaient moins exposés aux invasions. Mais une conquête désordonnée devait finir par exposer davantage la métropole espagnole, laquelle nourrit toujours en Amérique des contentieux sur un vaste territoire disputé par d’autres voisins colonisateurs européens, en particulier les Anglais puisque les deux puissances allait s’opposer de l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud.

34 Depuis la fin du XIXe siècle, le sous-continent sud-américain se situe géopolitiquement dans la sphère d’influence des États-Unis d’Amérique et il est donc soumis à la capacité d’attraction politique, économique, idéologique et culturelle de ceux-ci. Or, les intérêts américains sont en conflit avec le processus d’intégration de l’Amérique du Sud, car les États-Unis s’opposent à l’émergence d’une quelconque puissance ou communauté de puissances qui puisse mettre en péril l’hégémonie nord-américaine sur le continent. Le projet proposé d’ingégration, d’une véritable union des pays sud-américains apparaît donc comme un facteur de contestation de la prépondérance des États-Unis.

DÉMOGRAPHIE ET EMPLOI

35 Sur le plan démographique l’Amérique du Sud peut être objectivement considérée comme un continent dépeuplé. Son problème réel au XXe siècle ne fut pas un taux excessif de croissance démographique, mais le fait que les taux de croissance démographique dans les différents pays, autour de 3 % de 1950 à 1970 entre ceux où ils étaient modérés et ceux où ils étaient élevés, n’avaient pas été atteints un siècle plus tôt ; pire encore, ils avaient depuis lors baissé. Cette situation de déficit démographique va nécessairement se prolonger sur de vastes espaces et elle est en mesure de ramener systématiquement à un minimum tout effort de développement dans certaines zones d’Amérique du Sud pendant plusieurs générations.

36 Le développement requiert un certain nombre de facteurs économiques liés à la question démographique :

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  1. la mécanisation progressive de l’agriculture ;
  2. une densité de population d’environ 50 habitants par km2 dans les zones à industrialiser.

38 Ceux qui ont été conditionnés au préalable par une propagande omniprésente contre la croissance démographique doivent cependant accepter d’appréhender toute population humaine comme un ensemble de producteurs. Voir les hommes comme des producteurs et non comme des consommateurs est au fondement de toute doctrine économique cherchant à placer la nature, la technique et le marché au service de l’homme, ce qui constitue un réalité s’opposant clairement à la vision libérale laquelle prêche implicitement le contraire.

39 La technologie assigne à chaque catégorie d’emploi le volume minimum d’ouvriers exigé. Cette « masse critique » équivaut au « volume » absolu de population et de force de travail nécessaire pour atteindre le niveau de développement économique global exigé pour les entreprises agricoles et industrielles.

40 Il est clair que la densité de population ne garantira pas à elle seule la croissance économique souhaitable, comme cela s’est avéré dans de nombreux pays asiatiques. Cependant, la densité appropriée est une condition absolument indispensable pour soutenir l’industrialisation, que ce soit sur l’ensemble du territoire d’un petit pays ou dans les régions étendues de grands pays. Le Canada et l’Australie qui ont réussi à s’industrialiser en concentrant leurs populations sur peu d’espaces relativement denses ont dans le même temps appliqué une haute mécanisation et un investissement en capitaux à large échelle sur leurs grandes étendues de terres cultivables. Les États-Unis se sont industrialisés le long de deux axes fortement peuplés par l’aménagement d’un grand réseau ferroviaire qui a permis de développer l’agriculture, avec des investissements de capitaux à grande échelle dans les régions de moindre densité démographique. La Suède, par contre, a réussi parce que sa petite population se concentre à la frontière sud et fonctionne comme une extension des denses concentrations démographiques du Nord de l’Europe.

41 Aucun pays n’est jamais parvenu à un véritable développement industriel durable sans la concentration de population à grande densité. Pour une raison évidente : la révolution industrielle a créé la capacité de produire à grande échelle et en quantités toujours plus importantes et variées de produits manufacturés. Afin de les fabriquer de manière efficiente, il faut un marché régional de plus en plus large qui permette d’absorber un volume suffisamment grand pour obtenir des économies d’échelle. Ici apparaît d’ailleurs la principale justification économique des avancées de la régionalisation. Plus la population environnante est dense, plus le marché potentiel est important. En supposant que l’expansion démographique entraîne naturellement un pouvoir d’achat plus élevé.

42 Mais la croissance de la densité de population exigera sans aucun doute également des infrastructures de transport adéquates afin d’acheminer les produits vers le marché. Il y a ici un autre sujet crucial ; le coût de la construction de ces infrastructures sera toutefois d’autant moins élevé par unité de produits transportés que la population sera plus dense.

43 Le commerce extérieur peut évidemment lui aussi devenir essentiel pour une croissance industrielle saine, et ce indépendamment de la taille et de la densité de population d’un pays. Mais toujours comme adjuvant du développement du marché intérieur, comme source de produits clés dont la production nationale n’est pas rentable et comme débouché des excédents produits dans le pays. À l’exception de villes comme Singapour et Hong-Kong qui sont de véritables États virtuels, soit les entrepôts industriels d’un espace bien plus étendu, aucune économie ne s’est industrialisée en accordant une priorité absolue aux exportations, mais à travers le développement en profondeur du marché intérieur pour ses produits industriels.

44 L’expérience des cas qui ont vraiment obtenu de bons résultats au XIXe siècle en Europe et en Asie, comparativement à l’Amérique du Sud du XXe siècle, démontre à quel point il est important que cette dernière maintienne des taux élevés de croissance démographique afin d’assurer des densités de population toujours plus grandes et rendre viable la croissance économique.

45 Jusqu’en 1950, la population de l’Amérique du Sud était pratiquement si éparse qu’il n’y avait aucune base de développement industriel dans aucun de ses pays. Actuellement, malgré des densités de population encore basses dans l’ensemble, il existe des regroupements avec une concentration de population suffisante – 50 habitants au km2 – capables de se lancer dans un processus d’industrialisation s’ils se connectent les uns avec les autres par des systèmes de transport efficients et s’ils opèrent en tant que marché commun régional. Aujourd’hui, l’Amérique du Sud a dans certains de ses espaces de transit comme le bassin de la Plata et le littoral atlantique la taille et la densité de population suffisantes pour y maintenir un développement industriel moderne.

46 La carte des densités de population fait apparaître que la population du sous-continent n’est pas distribuée de manière uniforme, mais elle est concentrée le long des côtes et dans quelques rares villes de l’intérieur. Dans ces zones, la densité de population est bien supérieure à la moyenne, ce qui comporte des aspects positifs et négatifs. Positifs, car cette situation permet au moins un certain développement industriel. Négatifs également, car il en ressort que l’intérieur du continent présente fort majoritairement des densités de population très basses. Le défi, c’est donc la nécessité de peupler et de rendre productifs de grandes zones situés à l’intérieur de ce vide. Nous n’exagérons pas lorsque nous affirmons que le peuplement de l’intérieur du continent sera la mesure fondamentale pour l’efficacité de quelque programme de développement que ce soit, et qu’il sera essentiel quant à l’intégration et la productivité de l’industrie sud-américaine.

Carte n° 3

Densité de la population – hab/km2

figure im3

Densité de la population – hab/km2

World Bank Indicators Development 2010

47 Étant donné ses ressources et ses caractéristiques globales, il n’y a pas de raison pour que l’Amérique du Sud n’arrive pas à se transformer en une superpuissance de 1,5 milliard d’habitants. Hormis les sommets de la cordillère, l’ensemble du territoire continental est potentiellement tout à fait habitable dès à présent, avec des sols adéquats pour les activités économiques.

48 Ainsi, pour au moins les deux tiers de son sol, l’Amérique du Sud est capable de maintenir une densité de population comparable à la moyenne européenne. Si l’on prend comme objectif un chiffre modeste de 100 personnes au km2 et en laissant un tiers généreux du territoire pratiquement vide dans l’Amazonie, les Andes et les déserts, le continent peut aller facilement jusqu’à 1,37 milliard d’habitants, soit trois fois plus que les 400 millions actuels. Et il s’agit ici d’un chiffre prudentiel. Je ne vois aucune raison pour qu’il n’y ait pas par exemple des densités de 150 personnes au km2 ou davantage sur les trois quarts ou plus du territoire sous-continental, c’est-à-dire 2,3 milliards de personnes !

49 La population d’un pays est un des plus importants facteurs de pouvoir. Personne n’a cependant jusqu’ici proposé un objectif démographique aussi audacieux. La majorité des leaders politiques sud-américains seraient effrayés par la perspective de de multiplier par quatre ou par six leurs populations nationales. Or ce sont en réalité les leaders politiques des autres continents qui s’en trouveraient à juste titre préoccupés. Voilà donc sans aucun doute un de nos objectifs les plus importants de ce siècle.

50 Un développement économique défini de manière adéquate est celui qui résulte de la productivité de la force de travail. Les objectifs du développement en Amérique du Sud doivent donc être planifiés de façon à obtenir des résultats qui s’expriment à travers une composition modifiée de l’emploi de la force de travail totale. Il faut que cette dernière s’écarte des compositions de type « pré-industriel » et « post-industriel » et aille vers une composition en accord avec la technologie moderne et l’augmentation correspondante de la densité relative potentielle de la population. Ce qui signifie que, d’ici une génération, le sous-continent devra orienter ses stratégies de développement en direction d’une croissance effective de la population économiquement active (PEA), jusqu’à se stabiliser aux alentours de 40 % de la population totale, avec un plein emploi de la PEA.

51 Les proportions minima recommandées pour la PEA sont les suivantes :

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  1. un nombre de travailleurs à la production (emplois non administratifs dans toutes les unités productives de l’activité économique) qui doit croître jusqu’à atteindre plus de 50 % de la PEA ;
  2. un emploi de ces travailleurs à la production devant se concentrer sur la production de biens d’équipements et à l’intérieur de ce secteur en particulier sur les machines et les outillages ;
  3. un emploi de plus de 3 % de la PEA affecté aux scientifiques, aux techniciens et aux ingénieurs.

53 Les proportions mentionnées correspondent à un rythme maximum de génération et d’absorption des progrès technologiques dans l’économie ; c’est-à-dire à une augmentation optimale de la productivité de la force de travail. Si la plus grande richesse sous-utilisée de l’Amérique du Sud reste sa force de travail, actuellement au chômage sur une large échelle, on peut dire que la tâche centrale du développement est d’employer pleinement cette main-d’oeuvre en cherchant à atteindre les proportions mentionnées supra concernant la composition de l’emploi. Cela signifie concrètement que, pour pratiquement éliminer le chômage actuel et absorber la croissance de sa force de travail jusqu’en 2025, l’Amérique du Sud devra tripler l’actuel contingent employé.

L’IMPORTANCE DE LA GÉOGRAPHIE

54 Si nous observons notre planète, il nous apparaît que les zones émergées correspondent à la partie plus petite de la surface terrestre, et que deux ensembles s’y distinguent. Le premier comprend majoritairement l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Dans cet ensemble, les masses continentales se répartissent basiquement sur l’hémisphère nord, se regroupant sur un demi-cercle centré sur le pôle Nord. Le second, moins puissant, comprend le continent américain.

55 Ce dernier est formé de deux masses qui s’unissent à travers un isthme, l’Amérique centrale. La masse qui forme l’Amérique du Nord s’oriente davantage vers le quadrant ouest, tandis que l’Amérique du Sud présente un exemple typique de déviation continentale vers l’Est. Ainsi, le méridien de Lima, ville située dans la sphère du Pacifique Sud, passe par Washington, dans la dépendance de l’Atlantique Nord. De même, l’Amérique orientale produit le goulet d’étranglement de l’Atlantique, ce qui fait que Recife n’est qu’à 18° de longitude de Dakar et à 10° du Cap-Vert, la terre la plus occidentale de l’Afrique.

56 Si l’on considère le méridien de Greenwich où la longitude est définie comme égale à zéro, toute la masse continentale américaine se concentre dans l’hémisphère occidental, des 36° du Cabo Branco dans le Nord-Est brésilien aux 160° du cap Prince-de-Galles en Alaska. Avec semblable positionnement, l’Amérique du Sud est bien plus isolée par l’océan Pacifique, se trouvant à une grande distance de l’Australie laquelle se trouve comme elle sur une ligne d’Est en Ouest dans le secteur du « croissant externe insulaire ». Cette analyse géographique valide l’observation selon laquelle le sous-continent sud-américain se trouve, géographiquement parlant, éloigné des grands flux de commerce international qui circulent dans les masses continentales du demi-cercle s’articulant autour du pôle Nord. C’est donc un espace destiné à l’intégration de par sa propre exclusion.

57 L’Amérique du Sud a une forme triangulaire, le secteur le plus large de ce sous-continent se concentrant dans la zone équatoriale et se rétrécissant quand il atteint la face tempérée, pour s’affiner dans la partie méridionale, face au continent qui abrite le pôle Sud : l’Antarctique où se trouve son territoire le plus éloigné. Traversée par l’équateur et par le tropique du Capricorne, sa position géographique lui confère donc, d’une manière plus générale, la nature d’un continent de l’hémisphère sud.

58 Aux deux extrémités du continent sud-américain se trouvent des territoires plus ou moins favorables à l’établissement humain : le nord chaud et pluvieux et le sud froid et stérile. Ce contraste s’équilibre dans le secteur des basses latitudes où la population, pour éviter les températures plus chaudes, particulièrement dans les pays baignés par l’océan Pacifique, a donné la préférence aux zones de plus grande altitude de la cordillère des Andes. En contrepartie, les pays baignés par l’océan Atlantique qui relie le sous-continent aux masses terrestres de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Afrique ont leurs principaux centres démographiques sur le littoral, ce qui fait du Brésil le plus peuplé de l’ensemble.

59 Ce fait résulte de l’opposition entre les deux versants océaniques du sous-continent que seule une vaste intervention d’aménagement des infrastructures pourra surmonter. En fonction de ces versants océaniques, le continent sud-américain se caractérise par deux espaces longitudinaux : celui du Pacifique avec une navigation plus extensive et des faisceaux de circulation de plus en plus importants ; celui de l’Atlantique, avec une navigation intensive et des faisceaux de circulation intercontinentale. C’est en raison de cette opposition que des zones géopolitiques neutres se sont établies ; en vertu de leur position à l’intérieur du continent, ces dernières ont prédisposé les pays sud-américains à la dissociation économique et sociale puisqu’ils vivent en se tournant le dos les uns aux autres. On ne le répètera jamais assez : toute projet d’infrastructures d’intégration doit connecter ces zones neutres entre elles et aux versants océaniques.

60 Le premier versant est constitué par le plateau brésilien et trois plaines qui sous-tendent les trois bassins hydrographiques de l’Orénoque, de l’Amazone et de la Plata lesquels s’intercalent et sont articulés structurellement sur l’Atlantique.

61 Le second versant est constitué par les Andes, une chaîne de montagnes qui se prolonge du Nord au Sud sur plus de 7 000 km, formant une véritable barrière le long de l’océan Pacifique, ce qui en fait le principal élément d’articulation de cette zone. C’est en raison de cette barrière que l’Amérique du Sud a fini par orienter son espace civilisationnel bien davantage vers l’Atlantique. Ceci découle également du fait que les plaines des fleuves Amazone, Orénoque et la Plata, lesquelles sont desservies par des réseaux hydrographiques, se tournent vers l’Atlantique dont elles sont tributaires, en s’abaissant vers lui conjointement avec les bas plateaux des Guyanes et de la Patagonie qu’on pourrait sinon appréhender comme tributaires de la cordillère des Andes.

62 Ceci étant, nous pouvons articuler schématiquement le continent sud-américain autour de sept espaces de transit différents :

63

  1. Littoral atlantique – La côte de l’océan Atlantique fut l’espace originel d’accès de la civilisation occidentale au territoire de l’Amérique du Sud et ce rôle s’y maintient depuis lors avec la présence démographique et économique la plus importante sur le continent ;
  2. Littoral pacifique – Dans le passé, la côte de l’océan Pacifique servit bien plus comme instrument d’intégration de la cordillère des Andes, en raison des difficultés de trafic dans cette zone, qu’en tant qu’élément d’intégration avec les autres espaces du continent et de celui-ci avec les autres espaces émergés. Ce n’est que récemment, en raison des développements en Orient et en Eurasie, que l’utilisation de cet espace dans les courants commerciaux intercontinentaux a acquis de l’importance.
  3. Cordillère – À l’intérieur de la cordillère, le système de liaison entre les deux versants océaniques est précaire et se situe dans les passages (cols montagneux), et les nudos (noeuds), accidents géographiques andins, qui autorisent le contact entre les deux versants. Les plus importants se trouvent au sud : celui de Uspallata, entre l’Argentine et le Chili, est utilisé par l’unique voie ferrée transcontinentale du continent entre Buenos Aires et Valparaíso ; celui de Santa Rosa, en Bolivie, qui sera utilisé par le système ferroviaire bolivien, reliant La Paz à Arica au Chili (seulement pour les marchandises). Tandis que Uspallata connecte les deux versants océaniques, celui de Santa Rosa, relié au port d’Arica, ne le fera que lorsque l’on aura construit le tronçon allant jusqu’à Santa Cruz de la Sierra, déjà connecté au port de Santos sur l’Atlantique, et Cochabamba en Bolivie. Les noeuds se présentent comme des plateaux entourant un pic élevé et formant diverses ramifications andines. Ce sont des centres de dispersion d’eau, dans les lignes de moindre résistance du terrain, localisés à plus de 3 000 mètres d’altitude, entre 5° et 15° de latitude sud. L’importance de ces accidents géographiques, par rapport à l’Atlantique, se focalise sur la position qu’ils occupent dans l’amphithéâtre amazonien. Le noeud de Pasto en Colombie et celui de Loja en Équateur sont orientés vers les vallées de Putumáio et Marañon, respectivement, et donnent sur les voies hydrographiques d’accès à l’Atlantique, encore à développer. Le noeud de Cerro Pasco, au Pérou, se divise entre les vallées amazoniennes de Marañon et Purus ; tandis que celui de Vilcanota ou de Cuzco prolonge celui de Pasco en direction de la rivière Madeira. Les passages et les noeuds sont les canaux de pénétration dans la cordillère laquelle forme sinon un axe d’articulation de chaînes montagneuses inaccessibles à l’homme.
  4. Bassin de l’Orénoque – Espace qui se projette de la cordillère vers l’océan Atlantique. Ce bassin se caractérise par son insertion dans les Caraïbes en tant qu’espace terrestre de pénétration, articulé avec la cordillère et relié au littoral atlantique et au bassin de l’Amazone. Son axe d’articulation est le fleuve Orénoque.
  5. Bassin Amazonien – Il constitue une sous-région de connexion entre deux zones d’importance stratégique, soit le bassin de l’Orénoque et par conséquent des Caraïbes, et l’Altiplano bolivien, ce dernier étant appréhendé comme une espèce de heartland, protégé par l’altitude, du continent. Son axe d’articulation est le fleuve Amazone.
  6. Bassin de la Plata – Espace construit par le recadrage du prolongement de la cordillère en direction du littoral atlantique. Son axe d’articulation est la conjonction des fleuves Uruguay, Paraná et Paraguay.
  7. Plateau brésilien – Espace constitué dans l’Est de la masse continentale et formé par un bouclier cristallin de terres élevées, lequel penche de par sa position géographique et sa configuration avec le centre géographique du continent vers l’intérieur, recherchant la liaison entre le Nord et le Sud et intégrant les bassins de l’Amazone et du rio de la Plata. Son axe d’articulation est le rio São Francisco.

64 En termes d’occupation démographique, plus de quatre siècles après l’arrivée des Européens sur le continent sud-américain, nous constatons ici aussi une logique. La carte infra introduisant des concepts nouveaux qui justifient cette affirmation :

65

  • celui d’environnement spatial, ou encore de bordure spatiale ;
  • celui d’interconnexion stratégique où trois de ces espaces se rencontrent ;
  • celui de pôle d’intégration lequel fonctionne comme élément central d’intégration démographique et économique de l’espace.

66 Les pôles d’intégration localisés sont les suivants :

67

  • Littoral atlantique : Baía Blanca, Montevideo, Rio Grande, Paranaguá, Santos, Sepetiba, Vitoria, Salvador, Recife, Fortaleza, São Luís, La Guaira et Barranquilla ;
  • Littoral pacifique : Punta Arenas, Valparaíso, Ilo, Callao et Manta ;
  • Bassin amazonien : Manaus ;
  • Bassin de la Plata : Ciudad del Este, Puerto Iguazu et Foz do Iguaçu ;
  • Bassin de l’Orénoque : Puerto Ordaz ;
  • Cordillère : Santiago, La Paz, Quito et Medellín ;
  • Plateau brésilien : Petrolina et Juazeiro.

68 Est présent, même s’il reste subordonné à la priorité de l’intégration, l’objectif de la liaison avec le marché extérieur de manière à rendre possible l’expansion de la production et de l’activité commerciale dans la région, ce qui doit également permettre d’accueillir un flux de l’extérieur vers l’intérieur. Un modèle d’intégration présuppose que l’offre d’infrastructures doit être fonction de la rentabilisation des ressources de la région, tout en donnant la priorité à son autonomie et à son développement, et avec autant de valeur ajoutée et de technologie que possible. Chaque connextion requiert des infrastructures spécifiques sur les plans modal et logistique. Pour concevoir l’offre d’infrastructures nécessaire à l’intégration physique, il faut absolument tenir compte des spécificités géographiques, orographiques, topographiques et démographiques de chaque région comme de ses ressources naturelles.

Carte n° 4

Versants océaniques et pôles d’intégration

figure im4
Pôles
d’Intégration
Bassin de l’Orénoque
Bassin amazonien
Cordilière
Bande littorale du Pacifique
Bassin de la Plata
Plateau brésilien
Bande littorale de l’Atlantique
Interconnexions stratégiques
Pôles d’Intégration
Ushuaia

Versants océaniques et pôles d’intégration

Darc Costa (DR)
Tableau n° 1

Espaces de transit interconnexions stratégiques

Littoral atlantique Littoral pacifique Cordillère Ushuaia
Littoral atlantique Bassin de la Plata Cordillère Buenos Aires
Littoral atlantique Bassin de la Plata Plateau brésilien São Paulo
Littoral atlantique Plateau brésilien Bassin amazonien Belém
Littoral atlantique Bassin amazonien Bassin de l’Orénoque Georgetown
Littoral atlantique Bassin de l’Orénoque Cordillère Caracas
Bassin amazonien Bassin de l’Orénoque Cordillère Bogotá
Bassin amazonien Plateau brésilien Bassin de la Plata Brasília
Bassin amazonien Cordillère Bassin de la Plata Santa Cruz de La Sierra
Littoral pacifique Cordillère Littoral atlantique Panamá
figure im5

Espaces de transit interconnexions stratégiques

Darc Costa (DR)

69 Cette nouvelle conception géographique de l’Amérique du Sud, avec sa division entre les zones de transit, les environnements, les interconnexions stratégiques et les pôles d’intégration conjuguée au projet de développement agricole et industriel pour la région, se veut une proposition générale d’infrastructures pour le continent. Il faut prendre en considération également les effets polarisateurs et focalisateurs, régressifs et propulseurs, ainsi que les réductions et les pertes d’agglomération découlant de la situation démographique. Il convient, en vertu des principes déjà exposés par Friedrich List en 1841 d’organiser l’espace économique de sorte à exploiter au maximum les potentialités régionales en connectant les zones économiques de production et de consommation, comme de promouvoir l’intégration des régions les moins avancées dans le développement et de les relier au marché. Le système d’infrastructures idéal sera celui qui permet de mettre au mieux à profit les services de déplacement, d’offre d’énergie et de communication ainsi que de produits de base requis par le processus de production. Comme dans la nature, où tout est en quête du moindre effort, il faudra ici aussi appréhender les caractéristiques topographiques de manière à réduire au minimum la consommation d’énergie.

Carte n° 5

Intégration spatiale à l’échelle du continent sud-américain

figure im6

Intégration spatiale à l’échelle du continent sud-américain

Darc Costa (DR)

70 Parmi toutes les régions du monde, le continent sud-américain présente les meilleures conditions pour que soit établi un réseau de voies d’accès aquatique. Outre la grande extension de son littoral, les quatre bassins fluviaux qui traversent quatre de ses cinq espaces de transit (bassin amazonien, bassin de la Plata, bassin de l’Orénoque, et plateau brésilien/ bassin du rio São Francisco) constituent un potentiel incomparable de création d’un réseau de transport par voie d’eau capable d’intégrer toute la masse terrestre sud-américaine, comme le montre la carte infra.

Carte n° 6

Logistique du transport par voie d’eau

figure im7

Logistique du transport par voie d’eau

Darc Costa (DR)

71 Chaque connexion entraîne la nécessité d’établir un axe des infrastructures qui se caractérise globalement en tant que modulaire. Dans la phase finale, ces axes devront être équipés de douze pistes de roulage pour véhicules automobiles (six dans chaque sens), de deux voies ferrées électrifiées (une dans chaque sens), d’une ligne de transmission d’énergie, d’un gazoduc et d’une ligne de fibre optique.

72 L’élaboration d’un modèle d’adduction d’énergie au système, en vue de réduire les coûts de l’interconnexion des sources de production d’énergie au système d’infrastructures terrestre est d’une extrême importance.

Carte n° 7

Système d’infrastructures terrrestres

figure im8
Ushuaia

Système d’infrastructures terrrestres

Darc Costa (DR)

73 Mentionnons pour conclure ce que j’ai appelé un « canal d’articulation ». Il s’agit de fournir dans une même opération tous les services nécessaires au développement structuré des espaces. On réduira de la sorte, comme le montre la figure infra l’ensemble des interventions possibles et successives à une seule.

Figure n° 1

Schéma Canal d’articulation

figure im9
1. Gazoduc
2. Fibre optique
3. Route
4. Voie ferrée
5. Tour de transmission d’énergie électrique

Schéma Canal d’articulation

Darc Costa (DR)

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