Notes
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[1]
Professeur à l’Université de São Paulo, École des Arts, Sciences et Humanités (EACH/SP), post graduation en Géographie Humaine et Sciences de l’Environnement, Namello@usp.br
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[2]
Cf. Marília Steinberger (éd.), Território, ambiente e políticas públicas espaciais, Brasília, Paralelo 15 & LGE Editora, 2006.
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[3]
Cf. Wanderley Messias da Costa, O Estado e as Políticas Territoriais no Brasil (10e éd.), São Paulo, Ed. Contexto, 1988.
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[4]
Cf. Antonio Carlos Robert, Meio Ambiente e Ciências Sociais (4e éd.), São Paulo, Annablume, 2005.
-
[5]
Cf. Anne Bourgoin-Bareilles, Guide de l’environnement, Paris, Frison-Roche, 2000.
-
[6]
Cf. Hervé Théry, Nelli Aparecida Mello, Atlas do Brasil : desigualdades e dinâmicas do território, São Paulo, Edusp, 2005.
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[7]
Cf. Claudio A. G. Egler, Gisela Aquino Pires do Rio, Cenários para a Gestão Ambiental no Brasil, 2006, www.laget. igeo.ufrj.br/egler/pdf/cenario_VF.pdf.
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[8]
Cf. Bertha Becker, Amazônia : geopolítica na virada do III milênio, Rio de Janeiro, Garamond, 2004.
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[9]
Cf. João Paulo Capobianco, « Biomas Brasileiros », in Aspásia Camargo, João Paulo Capobianco, José Antonio Puppim Oliveira (éd.), Meio Ambiente Brasil, Avanços e obstáculos pós Rio-92, São Paulo, Estação Liberdade, Instituto Socioambiental, Rio de Janeiro, Fundação Getúlio Vargas, 2002, p. 113-188.
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[10]
Cf. Romain Taravella, . La frontière pionnière amazonienne aujourd’hui : projet socio-environnemental de conservation forestière contre dynamique pastorale de déforestation. Une analyse stratégique 2000-2006 de l’action collective en « Terra do Meio » (Pará, Brésil), thèse de doctorat présentée à l’Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement (AgroParisTech), 2008.
1 Comprendre la situation actuelle de l’Amazonie brésilienne demande l’analyse des politiques publiques et de leurs répercussions sur son territoire, son environnement naturel et ses sociétés. Un groupe particulier de politiques publiques est constitué par les politiques spatiales, environnementales, territoriales, urbaines, rurales et régionales [2] vu que ces éléments en font partie intégrante. Pour Wanderley Messias da Costa [3] la politique territoriale peut être n’importe quelle activité de l’État qui implique une conception de l’espace national, dans le cadre d’une stratégie d’intervention au niveau de la structure territoriale, et possède des mécanismes concrets susceptibles de la rendre viable. Ainsi, les dimensions territoriales et environnementales sont articulées au sein des politiques publiques spatiales.
2 En ce qui concerne la gestion environnementale du territoire, il y a d’une part des conditions préalables nécessaires pour produire sans rompre la stabilité territoriale, elle-même fondée sur les principes de la durabilité environnementale et de l’utilisation rationnelle des ressources. D’autre part, il faut que la politique environnementale accompagne toute activité de gestion du territoire, que ce soit sur le territoire construit ou sur les « fonds territoriaux et leurs patrimoines naturels » [4]. Ces idées sont complétées par les arguments d’Anne Bourgoin-Bareilles dès lors qu´il s´agit d´une fonction publique avec participation des acteurs du territoire [5].
3 Je partage avec ces auteurs l´idée que la gestion territoriale doit être doublée d’une approche environnementale des éléments – air, eau et sol – considérant ceux-ci comme un patrimoine et le bien commun de la société. Ce qui renvoie donc à la responsabilité de l´État, en position d´avant-garde, et aux pressions sociales.
4 Au Brésil, et en particulier en Amazonie, la multiplication des Unités de réserves naturelles publiques (Unidades de conservação, UC), des Réserves particulières de patrimoine national (Reserva particular do patrimônio natural, RPPN) et des réserves indiennes a résulté de la pression des ONG dans la définition et la mise en œuvre de la politique elle-même, du fait du recul de l’État et de « l’espace » conquis par les premières aux côtés des syndicats agissant dans des réseaux de solidarité et se révélant des acteurs de poids associés sur les questions écologiques. Néanmoins, les représentants des secteurs productifs exercent encore des pressions très importantes comme si le développement des activités productives ne faisait pas partie d’un modèle de développement durable. Comment évaluer le réel pouvoir des agents locaux et des États face à celui, politique et économique, des entreprises, des sociétés, des grands propriétaires terriens ?
5 Il faut aussi dire que les politiques publiques brésiliennes en elles-mêmes intègrent les exigences et les conditions des conventions internationales : en les signant et en les ratifiant, puis en les approuvant, le Congrès national les transforme par la formulation de politiques nationales. Depuis les premiers accords et conventions – de l´accord-cadre sur le contrôle des substances qui détruisent la couche d’ozone aux accords sur la conservation de la biodiversité, le changement climatique et la lutte contre la désertification – le pays intériorise des objectifs, des lignes directrices et des stratégies. De même, les exigences spécifiques des projets et programmes financés sont incorporés aux objectifs des politiques. Comment cela se passe-t-il en Amazonie ?
L’AMAZONIE, SES DYNAMIQUES TERRITORIALES ET LEURS RÉPERCUSSIONS SUR L’ENVIRONNEMENT
6 Conserver l´Amazonie, c´est préserver notre capital pour le futur. Si la fin du XXe siècle traduisait déjà un nouveau « paradigme », que dire quand il s’agit de préserver la nature et la société au XXIe siècle ? Et surtout comment suivre le rythme des dynamiques en cours dans différentes régions du monde ?
7 Grosso modo, la dynamique territoriale brésilienne est extrêmement marquée par les structures de l’espace rural et de l’urbain. Dans certaines régions, on identifie chacune des structures, dans d’autres le lien entre les processus urbains et ruraux constitue des espaces mixtes, sans prédominance de l’un ou l’autre. On peut distinguer trois domaines : la forêt au nord, les pâturages au Centre, au Sud et dans l’Extrême-Nord, l’agriculture dans certaines régions bien définies du Nordeste, du Sudeste et du Sud ou dans des zones faiblement peuplées de l’Amazonie, plus au Nord [6].
8 Cette division tripartite correspond aux domaines respectifs des trois grands secteurs qui se partagent l’espace rural brésilien : a) les vastes régions encore couvertes par la végétation naturelle, b) les zones de fronts pionniers, c) les zones de cueillette, encore pratiquée sous sa forme primitive.
9 Malgré la prédominance des zones rurales en Amazonie, la dynamique urbaine y est également identifiée [7]. Dans le biome de la forêt amazonienne, la région urbanisée est, en grande partie, limitée aux capitales régionales et aux agglomérations métropolitaines (Belém et Manaus). Le nombre de villes petites et moyennes augmente générant ce qu’on a pu appeler la « forêt urbanisée » [8], même si beaucoup d’entre elles ne possèdent pas les infrastructures nécessaires.
10 Dans les zones rurales se produit une expansion de l’élevage et de la zone occupée par celui-ci, notamment dans le domaine correspondant à l’arc de déboisement, avec deux logiques simultanées : d’une part le besoin de fonder juridiquement la grande propriété terrienne ; de l’autre la nécessité d’une alternative pour valoriser la terre dégradée après les premières cultures annuelles.
11 À côté de l’élevage, c’est la production agricole qui tend à augmenter. Depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui, trois régions brésiliennes, dont deux amazoniennes, dominent en termes de volume de production et de taux de productivité du soja : la pré-Amazonie méridionale (Mato Grosso et Rondônia), la pré-Amazonie orientale (Maranhão) et Goiás et l’Ouest de Bahia.
12 Bien sûr, l’État du Mato Grosso a pour plusieurs raisons gagné une dimension internationale : d’abord l’association de la production de soja – introduite en 1981 – à la déforestation massive, en particulier dans le front pionnier (arc de de déboisement) ; ensuite c’est dans cet État qu’apparaissent les volumes les plus élevés de production de riz, une culture implantée juste après la déforestation. En fonction des prix internationaux du soja, de nouvelles zones en cours d’incorporation sont susceptibles de passer directement de la forêt à la culture du soja dont les prix compensent l’investissement en intrants.
13 Entre-temps, il y a très peu de discussions, dans d’autres régions, sur les problèmes qui peuvent découler de l’intensification de la production et de l’intégration de nouvelles zones.
14 Si, jusqu’à récemment, des zones de forêt amazonienne n’avaient pas subi de pression pour la plantation du soja, depuis le début des années 2000 des variétés ont été créées ou adaptées aux régions humides. D’un point de vue technique les contraintes se réduisent de jour en jour. Actuellement, on trouve des terres plantées de soja dans plusieurs régions amazoniennes : par exemple près de Santarém sur la Transamazonienne, entre Humaitá et Apuí, dans le Nord du Mato Grosso et sur de nombreux tronçons de l’aire d’influence de la BR 163. Dans certaines sous-régions du Mato Grosso, les zones productrices de soja ont atteint les limites des terres indiennes ou des réserves naturelles. Le problème est de savoir jusqu’à quand elles s’en tiendront là.
15 On estime que dans le biome amazonien couvrant environ quatre millions de kilomètres carrés et constitué de forêts tropicales denses, de savanes et d’aires de contact avec les savanes, il y aurait plus de 1 000 espèces d’oiseaux, de 1 300 espèces de poissons, de 21 000 espèces de plantes supérieures, de 311 espèces de mammifères, de 550 espèces de reptiles connus. Ici le plus grand problème est sans aucun doute la déforestation [9].
16 De fait, la forêt amazonienne se replie quotidiennement plus à l´ouest de la région où les communes disposent encore de 88 à 100 % de leurs zones forestières et restent donc presque intactes. Mais le déboisement a déjà atteint les bordures orientale et méridionale de l´Amazonie légale (définie en 1953 pour déterminer quelles régions étaient éligibles pour les aides au développement de l’Amazonie). Sur jusqu’à 46 % du territoire des États du Pará, du Mato Grosso et du Rondônia plus de 50 % de la couverture végétale originelle ont disparu. Dans les communes situées aux marges de la région, sur toute la bordure de l´Amazonie légale, et en particulier dans le Tocantins et le Maranhão, puis dans le Mato Grosso, la couverture végétale n´atteint pas les 2 %.
17 Autre vecteur qui marque une utilisation spécifique des « forêts naturelles », l’extraction du bois dont la demande est un facteur d’incitation à la coupe, singulièrement illégale. Le marché extérieur absorbe seulement 14 % de la production, le reste étant consommé dans le pays, dont un tiers dans le Sud-Est, en particulier l´État de São Paulo.
18 Quels sont les impacts de ces dynamiques d’utilisation de la terre au Brésil ? Le premier est la perte de la biodiversité qui résulte de la conversion de la forêt en zone agricole. Aux anciennes zones de production de la canne à sucre s’en ajoutent de nouvelles, en particulier dans les États brésiliens dotés des infrastructures pour le transport et la transformation et, surtout, près des grandes villes, véritables marchés de consommation, puisque pratiquement tout le pays fait désormais rouler les voitures à l’alcool. Les dynamiques d’utilisation changent, de l’élevage aux cultures : il y a remplacement des pâturages par des cultures temporaires comme la canne à sucre, en particulier dans les États de São Paulo, du Paraná, du Mato Grosso do Sul et de Goiás. Le bétail est de plus en plus déplacé vers le nord du pays, dans le Tocantins et le Pará par exemple. Ce qui renforce par conséquent la pression sur les forêts remplacées par des pâturages.
LES CONTRADICTIONS
19 Les initiatives et actions gouvernementales sont parfois très contradictoires. L’aménagement des infrastructures, l’avancée du front pionnier agricole et l’implantation des assentamentos (zones de colonisation) sont les trois plus importants mouvements à l’origine de forts impacts sur l’Amazonie, principalement sur la biodiversité et les populations traditionnelles.
20 Les normes et procédures juridiques exigent que les activités potentiellement polluantes soient au préalable autorisées afin que soient respectées les étapes d’évaluation des impacts environnementaux déterminées depuis 1981/1989. Malgré de très nombreuses critiques, ce mécanisme a été, sans l’ombre d’un doute, l´un des plus efficaces pour la gestion de l’environnement. Or, même s’il faisait partie des politiques régulatrices, son application dépendait des capacités d’exécution et de contrôle. L’Institut brésilien de l’environnement (IBAMA) qui en est institutionnellement responsable est devenu un obstacle aux projets introduits dans le Plan d’accélération de la croissance (PAC), en particulier ceux de nouvelles usines hydroélectriques nécessaires à la production d’énergie pour la région nord et pour tout le pays.
21 Depuis 1988 (date de promulgation de l’actuelle Constitution) presque tous les programmes d’investissements publics fédéraux destinés aux infrastructures en Amazonie ont eu des impacts importants sur l’environnement en raison de la multiplicité d’actions simultanées : les programmes « Brésil en Action » et « Avance, Brésil » (1995-2002), « Brésil pour tous » et « Plan d’Accélération de la Croissance » (2003- 2010), puis « Plan d’Accélération de la Croissance » (2011-2014) ont suscité de fortes critiques des environnementalistes.
22 Les macrostratégies du Programme Brasil, um país de todos (2003-2006) ont également suivi les orientations des anciens programmes de Fernando Henrique Cardoso, prédécesseur de Lula : lutte contre les inégalités sociales, valorisation des diversités, intégration souveraine dans la mondialisation, gestion de l’environnement, lutte contre la concentration excessive en milieu urbain. Ce n’est pas le cas du Programme d’accélération de la croissance (depuis 2007).
23 Le recul des préoccupations environnementales dans l’action gouvernementale a commencé début 2007 puisque le gouvernement fédéral, soumis aux pressions exercées par les secteurs qui dépendent de l’énergie et du bâtiment, a procédé à une restructuration de l’IBAMA, le scindant en deux : l’Institut Chico Mendes, responsable de la politique de conservation, et l’IBAMA, affaibli, responsable de la politique de surveillance.
24 Autre domaine qui renforce les contradictions, l’avancée du front pionnier et la consolidation de l’agriculture. Pour surmonter ces contradictions un des plus important défis sera l’articulation avec les autres politiques, par exemple la politique agricole laquelle devrait avoir pour objectif un territoire moins inégal et divisé et chercher à modifier l’opposition entre agrobusiness et agriculture familiale, même si les bénéficiaires et les buts des deux secteurs sont différents. Figurent ici aussi les innovations apportées par la recherche et le développement, la construction de réseaux de transport, d’énergie et de télécommunications qui ne dégradent pas l’environnement, la protection de l’environnement et le développement des technologies de l’information. De même pour l’instauration d’objectifs possibles, susceptibles d’être atteints, tels que l’amélioration de la compétitivité des régions difficiles, l´investissement dans l’éducation, l´introduction de la question de la propriété privée, la garantie de fiabilité pour le cadastre urbain et rural, l´équilibre du développement entre zones urbaines et rurales et la possibilité d’accéder aux réseaux pour les populations exclues.
LA GESTION DE L’ENVIRONNEMENT
25 À la veille de la Conférence de Rio (de 1988 à 1992), un nombre croissant de nouvelles réserves naturelles ont été créées ; de même en 2012 avec la mise en œuvre de stratégies nationales de conservation de la diversité biologique et de programmes tels que celui des Aires protégées de l’Amazonie (ARPA), qui y a beaucoup contribué.
26 De 1992 à 2012 l’augmentation des surfaces protégées sous gestion du gouvernement fédéral a été de 115 %. Les 157 réserves naturelles représentaient un total de 272 942 kilomètres carrés en 1992 ; en 2012 il est passé à 750 476 kilomètres carrés avec 310 aires totalisant 8,8 % du territoire national. Plus de 80 % (82,1 %) de ces zones de protection stricte se trouvent en Amazonie, donc très loin, mais suivent le Cerrado (savanes arborées) qui en concentre 12,9 %, puis la Forêt atlantique avec 2,9 % du total et la Caatinga (Forêt blanche, constituée pour l’essentiel de petits arbres épineux), avec 1,3 % (Institut brésilien de géographie et de statistique, IBGE, 2012).
27 Il convient ici de se demander quelle Amazonie nous aurons d’ici cinquante ans si les niveaux d’exclusion sociale et de dégradation de l´environnement se maintiennent. Nous vivons dans un monde contradictoire et l’avenir de la région dépendra d’un meilleur équilibre entre la faiblesse de la politique de l´environnement et la capacité d´action (et de pression) exercée par certains groupes sociaux.
28 Si l´on prétend élaborer un nouveau modèle de développement et les politiques publiques afférentes, il faut organiser le territoire et valoriser simultanément le capital social et le capital naturel. Mais il faut aussi reconstruire les structures de l´État (tout comme les institutions responsables de l’aménagement et du développement régional) et autres instances de conception et d´exécution des politiques publiques.
29 Surtout il convient de faire bénéficier toute la population brésilienne de la concentration de grandes étendues de terres publiques dans la région amazonienne et donc nécessairement instaurer une gestion territoriale de l´environnement. Une gestion qui ne produira de bons résultats que si l´on investit dans la capacité de la société locale à s´imposer.
30 Du point de vue de la mise en œuvre des programmes environnementaux, comme le Zonage Écologique-Économique (ZEE), le Programme national pour la conservation de la biodiversité avec ses aires prioritaires pour la conservation et la Politique forestière nationale, les politiques susceptibles d’être couronnées de succès n’appréhenderont pas seulement le capital social établi, mais aussi les richesses naturelles et les vulnérabilités reconnues. Les conditions pour l’introduction de la Convention de la Biodiversité ont été mises en place par la Politique nationale de la biodiversité (2002), l’installation du Conseil national de la biodiversité – Conabio (2003), le Plan d’Action (2006) et le Plan national des aires protégées (PNAP). Les axes de la Politique de conservation de la biodiversité ont déterminé 900 aires prioritaires pour la conservation et 79 éco-régions. Le SNUC (Système national des unités de conservation) est dans ce cadre l´institution principale de conservation, tandis que pour la gestion de l’eau, la surveillance des cours d’eau (résolution 20 du Conseil national de l’environnement, CONAMA) et le paiement pour l’utilisation sont des instruments majeurs. La responsabilité des institutions environnementales doit être partagée avec d’autres acteurs.
31 La politique de protection des aires naturelles par la transformation en réserves naturelles tant fédérales que des États (cf. carte n° 1 infra) a bien avancé quant à la création de nouvelles unités. Il y a eu une augmentation significative en nombre et en superficie d´aires destinées à la protection, même si demeurent également des problèmes aussi bien de régulation foncière que d’absence de contrôle comme de ressources financières et humaines. Manquent aussi à la population proche de ces aires un intérêt et une connaissance suffisants pour participer à un processus qui leur est généralement inconnu.
32 Les aires d’occupation récente en Amazonie, certaines sous-régions comme la Terra do Meio, la région d’Urucu, l’axe de la route BR-364 ainsi que les fronts d’expansion de l´exploitation du bois en Amazonie doivent faire l´objet de redéfinition quant à l’usage du sol et des ressources. Ce sont des zones marquées par des dynamiques locales très rapides et qui devraient devenir des priorités politiques. La régulation et la fiscalisation doivent être intégrées dans le processus de façon à ce que les objectifs puissent être réellement atteints.
33 Depuis la promulgation de la Politique forestière, les initiatives locales, par exemple en Amazonie, sont tournées vers l’établissement de nouveaux modèles de gestion. Consolider les processus d’insertion compétitive des produits locaux par le développement de nouvelles chaînes productives, incluant plus de valeur agrégée, peut être significatif pour le renforcement de l’économie régionale sans que soit reproduit le modèle actuel de conversion forestière, de déforestation, de substitution à la végétation originelle. Ne serait-ce pas une façon de rendre plus effectives les initiatives récentes du gouvernement fédéral comme la concession d’exploitation de forêts nationales impliquant aussi bien les petits que les grands propriétaires dans le développement de l’activité forestière en tant que base économique ?
NOUVELLES PERSPECTIVES : L’AMÉNAGEMENT ET LA GESTION DE LA PRODUCTION DURABLE
34 Penser une reconstruction de la politique publique de gestion environnementale territoriale signifie se doter dans ses propositions d’une vision stratégique des différentes utilisations du territoire et examiner comment celles-ci peuvent être optimisées pour le développement national. L’État fédéral est la seule institution capable de cette vision globale du territoire.
35 Le débat sur le zonage écologique et économique du pays en vue de son aménagement a pris un temps très long, mais depuis 2011 le macro-zonage de l’Amazonie est approuvé et peut servir de fondement à d’autres politiques publiques. Il se compose de trois principales unités sous-régionales : a) l’Amazonie orientale et méridionale (macro-région d’occupation consolidée), zone où il doit servir à consolider la dynamique et la réhabilitation des zones ; b) l’Amazonie centrale, avec l’expansion des axes nationaux d’intégration et de développement, mais où l’on devrait en même temps accélérer les politiques de conservation par un zonage écologique et économique afin de compenser les effets des axes c) l’Amazonie occidentale, sous-région marquée par les rythmes naturels et où les actions doivent être guidées par une planification et une surveillance ciblées.
36 La géographe Bertha Becker a souvent réaffirmé pendant sa carrière que le zonage écologico-économique constituait un outil permettant de rompre avec le cloisonnement des politiques spatiales. Différents mécanismes et instruments ont été élaborés pour la gestion de l´environnement des territoires dont certains sont susceptibles de s’appliquer à la rentabilisation des terres publiques en matière de conservation de l´environnement (cf. Carte n° 2 infra). L´aménagement du système foncier a été un sujet prioritaire dans des programmes comme le Programme Amazonie durable (PAS), plan d´action pour la prévention et le contrôle du déboisement, et le Programme ARPA qui englobent tant des activités de régularisation parmi leurs actions à court terme que l´aménagement territorial à proprement parler sur le long terme.
37 Or, si l´État fédéral et les États fédérés ont en mains près de la moitié des terres amazoniennes, comment ne pas mobiliser ce patrimoine stratégique et, de fait, le faire profiter au bien-être des générations actuelles et futures ?
38 L’utilisation des produits de la forêt est un autre défi, car il s’agit en même temps d’un avantage pour la conservation de la forêt tropicale et d’un fondement de consolidation pour l´industrie à base forestière déjà existante, à partir des expériences de gestion forestière, et d’une opportunité de définition des politiques d´incitation et de soutien aux usages multiples de la forêt. Le secteur forestier représente actuellement 4,5 % du PIB brésilien : 28 milliards de dollars, 6,7 millions de personnes employées, 255 fabriques de papier et de cellulose dans 16 États, 7 000 unités de traitement primaire dans la seule région amazonienne, 110 industries sidérurgiques à base de charbon de bois et 13 500 industries du meuble, la majorité se trouvant dans les régions Sud-Est et Sud (IBAMA, 2002).
39 La création des Districts forestiers peut servir d´expérience de durabilité de la production forestière, car ils sont susceptibles de fonctionner territorialement comme un obstacle au déboisement accéléré auquel on a assisté ces dernières décennies. Qui plus est, l´ouverture de nouvelles firmes d´exploitation de produits de la forêt à l´intérieur de Districts forestiers durables peut constituer un apport supplémentaire par le biais des certifications. Ainsi, on pourrait non seulement rentabiliser le bois, mais s´intéresser également aux produits phytothérapiques et cosmétiques, aux graines, à l´artisanat, à l´écotourisme et aux services environnementaux comme la production/purification de l´eau et l´absorption de CO2. Toutefois, la définition de zones à usages forestiers multiples doit être complétée par les mécanismes d´une politique de mise en ordre.
40 Le débat sur la Loi de Gestion des forêts a été l’un des plus polémiques. Cette dernière a été promulguée par le président le 2 mars 2006 et institué, dans la structure du ministère de l´Environnement, le Service forestier brésilien et le Fonds national de développement forestier. Non seulement de par l´aspect institutionnel, mais aussi en fonction du temps prévu pour chaque concession et de possibles bénéfices pour le secteur forestier, les nouveaux instruments économiques prévus, comme la concession forestière, les services environnementaux, l´assurance environnementale, entre autres, doivent être inclus dans la loi n° 6.938/81 et ses modifications postérieures, c’est-à-dire faire partie de la législation spécifique de l´environnement.
41 Un autre aspect intéressant est que cette loi a créé des mécanismes qui empêchent les anciens grileiros (occupants abusifs de terres publiques) d´utiliser le déboisement comme démonstration de propriété dans le but d´obtenir un droit de propriété sur la terre. Un mécanisme qui exige cependant une présence et une surveillance continues. Quiconque est au fait de l’histoire récente sait bien qu’il sera déjà difficile d’exercer un suivi continu des entreprises ayant obtenu la concession. Par ailleurs, les spécialistes se demandent s´il n´y a pas incohérence à permettre l´exploitation (durable !) de la forêt par le biais de la gestion sylvicole si l’on considère à quel point les mécanismes de contrôle sont fragiles.
42 Comme le rappelle Romain Taravella, « la problématique des déboisements en Amazonie n’est que le symptôme de ce mal profond qu’est l´absence de contrôle de l´État sur les terres publiques de la région » [10]. S´il y a consensus entre les auteurs et les institutions à propos de l´absence de l´État, quels mécanismes pourraient être mis en place de manière à changer cet état de fait ? Outre l’interprétation de semblable absence en tant que plaie de la mondialisation (dont on ne pourra pas s’affranchir de sitôt), il serait aussi nécessaire d´affronter les idiosyncrasies locales et en particulier la transformation d´un État qui semble ne s´occuper que de l’élite politique et économique nationale dans un pays réellement démocratique.
43 Comment donc réduire les incertitudes de l´exploitation et de la gestion ? Le nouveau Service forestier brésilien devrait affronter un défi de grande ampleur. Accompagnera-t-il techniquement la gestion et les replantations de flore native ? Ou bien les plantes natives seront-elles facilement remplacées par des espèces à croissance rapide ? Voilà des questions encore sans réponse. Le Plan annuel d´agrément fédéral (PAOF) concerne toutes les forêts publiques, et c´est dans ce contexte qu´a été approuvé le concept de District forestier durable. L´approbation préliminaire par le Congrès des concessions de terres publiques d´une superficie supérieure à 2,5 mille hectares est devenue obligatoire. Mais on a tout lieu de craindre que le Comité gestionnaire formé par le ministère de l´Environnement et six autres ministères finira par bureaucratiser lourdement le processus productif.
44 La création de trois types d´exploitations forestières a été approuvée : les unités de conservation pour l´exploitation durable de la forêt, y compris les aires destinées aux communautés traditionnelles, telles que les réserves extractivistes (des espaces destinés à l’utilisation durable et à la conservation des ressources naturelles renouvelables par la population) ou celles des quilombolas (descendants d’esclaves fugitifs) ; les projets de développement durable (dans des zones de colonisation rurale) ; enfin l´exploitation par des entreprises privées, soit les concessions pour l´exploitation de produits du bois et d´autres produits, établies par le bais d´appels d´offre publics. La concession sera de 40 ans, avec une évaluation des projets tous les trois ans. Aussi bien les entreprises que les populations natives pourront postuler.
45 Du point de vue de la politique de mise en ordre du territoire, de nouvelles forêts nationales pourront être créées dans les aires où il y a une connaissance suffisante de la biodiversité et les plus appropriées à un usage durable de façon à pouvoir suivre les directives de la politique nationale de conservation de la biodiversité. S’il y a consensus... Une excellente occasion, en tout cas de donner priorité aux hotspots, philosophie qui est au fondement de la constitution des listes de l´Union mondiale pour la nature (UICN) appréhendant les aires vulnérables, menacées et en extinction.
46 Dans ce contexte la troisième voie pour les politiques publiques de gestion environnementale territoriale c’est la conservation de la biodiversité qui permet de répondre aux obligations faites par la Convention de la Biodiversité. Intégrant le PNAP, le projet ARPA géré par le Fonds mondial pour la nature (World Wide Fund for Nature, WWF) a aménagé 43 réserves naturelles dans le biome amazonien (13 de protection intégrale et 30 d’usage durable) de 2002 à 2007. Pendant cette période a été créé le Fonds brésilien pour la biodiversité et les actions réalisées dans ce cadre de 2010 à 2013 ont beaucoup soutenu la gestion des unités de conservation soumises aux pressions du déboisement ; un programme qui doit s’achever en 2016 après avoir investi dans la consolidation de toutes les aires déjà créées.
47 En conclusion on peut dire que malgré quelques revers les politiques publiques internes avancent avec la création de mécanismes juridiques, techniques et de financement. Bien que cela opère très lentement et parfois sans coordination entre les politiques sectorielles un des résultats les plus importants a été la création des treize réserves naturelles à protection intégrale qui a permis de bloquer l’émission de 430 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère. La consolidation du SNUC s’articule donc bien avec le Plan national de changement climatique. Ces avancées à l’intérieur pourront en outre conforter les discours et les engagements de la politique extérieure du pays. On peut toutefois critiquer les très grands retards avec lesquels les décisions politiques ont été prises, ce qui peut mettre en danger la qualité de l’environnement et son utilisation durable.
Notes
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[1]
Professeur à l’Université de São Paulo, École des Arts, Sciences et Humanités (EACH/SP), post graduation en Géographie Humaine et Sciences de l’Environnement, Namello@usp.br
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[2]
Cf. Marília Steinberger (éd.), Território, ambiente e políticas públicas espaciais, Brasília, Paralelo 15 & LGE Editora, 2006.
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[3]
Cf. Wanderley Messias da Costa, O Estado e as Políticas Territoriais no Brasil (10e éd.), São Paulo, Ed. Contexto, 1988.
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[4]
Cf. Antonio Carlos Robert, Meio Ambiente e Ciências Sociais (4e éd.), São Paulo, Annablume, 2005.
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[5]
Cf. Anne Bourgoin-Bareilles, Guide de l’environnement, Paris, Frison-Roche, 2000.
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[6]
Cf. Hervé Théry, Nelli Aparecida Mello, Atlas do Brasil : desigualdades e dinâmicas do território, São Paulo, Edusp, 2005.
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[7]
Cf. Claudio A. G. Egler, Gisela Aquino Pires do Rio, Cenários para a Gestão Ambiental no Brasil, 2006, www.laget. igeo.ufrj.br/egler/pdf/cenario_VF.pdf.
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[8]
Cf. Bertha Becker, Amazônia : geopolítica na virada do III milênio, Rio de Janeiro, Garamond, 2004.
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[9]
Cf. João Paulo Capobianco, « Biomas Brasileiros », in Aspásia Camargo, João Paulo Capobianco, José Antonio Puppim Oliveira (éd.), Meio Ambiente Brasil, Avanços e obstáculos pós Rio-92, São Paulo, Estação Liberdade, Instituto Socioambiental, Rio de Janeiro, Fundação Getúlio Vargas, 2002, p. 113-188.
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[10]
Cf. Romain Taravella, . La frontière pionnière amazonienne aujourd’hui : projet socio-environnemental de conservation forestière contre dynamique pastorale de déforestation. Une analyse stratégique 2000-2006 de l’action collective en « Terra do Meio » (Pará, Brésil), thèse de doctorat présentée à l’Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement (AgroParisTech), 2008.