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Article de revue

L'évolution des rapports entre Israël et l'Iran, déclin de l'hégémonie occidentale au Moyen-Orient

Pages 483 à 492

Notes

  • [1]
    Université de Trieste.
  • [2]
    Le gouvernement iranien avait à l’origine témoigné une certaine hostilité à l’indépendance d’Israël, comme en atteste le vote négatif de l’Iran à l’assemblée des Nations unies le 29 novembre 1947, cf. U. Bialer, « The Iranian Connection in Israel’s Foreign Policy : 1948-1951 », Middle East Journal, 39/2, printemps 1985, p. 292-315.
  • [3]
    Cf. S. Sobhani, The Pragmatic Entente : Israeli-Iranian Relations, 1948-1988, New York, 1989.
  • [4]
    Après 1967, l’Iran et Israël montèrent une société pour la construction de l’oléoduc Eilat-Askhelon de façon à remédier à la fermeture du canal de Suez. Au cours des premières années, l’oléoduc transporta en moyenne dix millions de tonnes par an, ce qui dépassait les besoins d’Israël. Les importations à partir de l’Iran passèrent de 1,3 millions de dollars en 1967 à 5,8 millions en 1977 ; Les exportations israéliennes de 22,3 millions de dollars en 1970 à 103, 2 en 1977, Israël, Central Bureau of Statistics, vol. XXI, p. 219, vol. XXIX, p. 222-223.
  • [5]
    La population israélienne tripla de 1948 à 1958, atteignant les deux millions de personnes en raison de l’exode des juifs des pays arabes. Pendant plusieurs années, le paysage israélien fut caractérisé par des bidonvilles d’immigrants en fonction de l’origine géographique. Jusqu’en 1948, 71 % de la population israélienne était ashkénaze. Au début des années 1960, la composante séfarade avait atteint les 52 %. Le gouvernement israélien dut intégrer des centaines de milliers de personnes sur le marché du travail et dans le système scolaire et construire des infrastructures de base inexistantes, cf. G. Ben Meir, Oriental Jews in Israel. Problems and Prospects, Jérusalem, Jewish Forum, 24-25 octobre 1966.
  • [6]
    En 1963, par exemple, l’ayatollah Khomeyni affirmait dans une conférence : « … Il nous frappe. Il vous frappe, vous la nation. Il veut s’emparer de votre économie. Il veut éliminer votre commerce et votre agriculture. Il veut prendre le contrôle de vos richesses. Il veut que ses agents écartent toutes ces choses qui lui font obstacle..., cette barrière sur son chemin… », cf. Ruhollah Khomeyni, Islam and Revolution : Writings and Declarations of imam Khomeyni, Berkeley University Press, 1981.
  • [7]
    Des enquêtes se référant aux deux dernières années du gouvernement du Chah témoignent d’un vaste réseau d’activités commerciales et financières israéliennes et rapportent l’ouverture d’une école israélienne à Téhéran. La collaboration israélo-iranienne déboucha en 1977 sur l’accord militaire Project Flower qui prévoyait la construction conjointe d’un missile d’une portée de 200 km avec variante de lancement à partir d’un sous-marin, cf. Digital National Security Archives, Minutes from Meeting Held in Tel Aviv between H.E. General M. Dayan, Foreign Minister of Israel and General H. Toufanian, Vice Minister of War, « Imperial Government of Iran », Top Secret Minutes from Israel’s Ministry of Foreign Affairs, 18 juillet 1977.
  • [8]
    Cf. S. Hunter, Iran and the World : Continuity in a Revolutionary Decade, Boomington, Indiana University Press, 1990.
  • [9]
    L’ayatollah Khomeyni rejeta l’initiative de l’aile la plus radicale du gouvernement allant dans le sens d’un envoi au Liban d’un corps de dix mille hommes, soutenant que l’exportation de la révolution iranienne devait passer avant tout par la consolidation de ses propres valeurs idéologiques et culturelles. En outre, à partir de la seconde moitié des années 1980, on enregistre dans la rhétorique du régime iranien une atténuation vis-à-vis d’Israël, cf. J. Alpher, The Iran-Iraq War : Impact and Implications, New York, Oxford University Press, 1989.
  • [10]
    L’Irangate portait sur la vente d’armes américaines à l’Iran malgré l’interdiction formelle imposée par le Congrès. Les États-Unis poursuivant de la sorte deux objectifs : le financement de la guérilla au Nicaragua et l’affaiblissement des deux pays musulmans impliqués dans le conflit. Un deuxième objectif partagé par Israël. Au total, 80 % des fournitures militaires reçues par l’Iran après l’invasion irakienne dépendirent de la médiation d’Israël, cf. S. Segev, The Iranian Triangle : The Untold Story of Israel’s Role in the Iran-Contra Affair, New York, Free Press, 1988.
  • [11]
    Le gouvernement Rafsanjâni (1989-1997) resta très tiède à l’égard tant de la première intifada que du processus de paix. Rafsanjâni et le ministre des Affaires étrangères, « Ali-Akbar Velâyati, déclarant à plusieurs reprises n’être pas hostiles à un accord de paix israélo-palestinien à condition qu’il soit « mutuellement satisfaisant pour les deux parties ». Des affirmations évidemment suivies de mises au point accusant Israël de déstabiliser la région. Du reste, Israël allait très vite dépeindre l’Iran en termes pittoresques. Rabin parlant de « vague islamique trouble », des « ténèbres d’un régime sanguinaire » ; quant à Pérès, en l’occurrence peu respectueux de l’histoire de la Shoah, il le qualifie de « plus dangereux qu’Hitler » de « capitale du terrorisme, du fondamentalisme et de la subversion ». Des mots très différents des termes utilisés par Rabin lors d’un entretien : « L’Iran est le meilleur ami d’Israël et nous n’avons aucune intention de changer d’attitude vis-à-vis de Téhéran », Agence France-Presse, 28 octobre 1987. La propagande iranienne se mettant alors à traiter Israël de « chancre de l’Occident », de « vermine sioniste », de « vile prostituée des États-Unis », cf. P.J. White, W.S. Logan (éd.), Remaking the Middle East, Oxford University Press, Oxford, 1997.
  • [12]
    Le gouvernement iranien accorda encore une fois un couloir aérien aux avions américains et il collabora avec l’intelligence américaine afin de déloger les organisations d’al-Qaïda et de promouvoir la formation d’un gouvernement stable à Kaboul. Outre une volonté de rompre l’isolement dans lequel Téhéran se trouvait, les flux migratoires à partir des zones d’Afghanistan frappées par la guerre devenaient critiques. Selon un rapport de Médecins sans Frontières, il y avait 900 000 réfugiés afghans officiellement recensés en 2008 sur le territoire iranien, Médecins sans Frontières, « L’Iran, terre d’accueil pour les Afghans », 30 juillet 2008, <www.msf.fr>.
  • [13]
    L’Iran détient encore aujourd’hui 10 % des parts de la société française Eurodif qui produit actuellement un quart de l’uranium enrichi dans le monde. L’Iran du Chah avait fin 1974 accordé un prêt d’un milliard de dollars pour la construction de l’usine d’enrichissement de l’uranium à Tricastin. Après la Révolution de 1979, l’Iran rompit le contrat et réclama le remboursement du prêt. La France remboursa en définitive le gouvernement des ayatollahs à hauteur d’1,6 milliard de dollars (accord de 1991), cf. le documentaire de D. Lorentz et D. Carr-Brown, La République atomique, 2001, <www.arte-tv.com>.
  • [14]
    La coopération russe dans le secteur n’est pas exempte d’instrumentalisation. Avec une technologie russe différente, les travaux sur le réacteur ne s’achevèrent pas en 2006 ; le lancement ne démarra que le 23 août 2010 (pour être ensuite retardé à diverses reprises). Le coût pour l’Iran depuis 1976 a été estimé à hauteur de 4-6 milliards de dollars. En 2002, une étude de faisabilité du ministère russe de l’Énergie atomique concluait qu’il eût été plus avantageux pour Téhéran de construire deux nouveaux réacteurs, cf. Global Security, Weapons of Mass Destruction, Buchehr, 20 juin 2010, <www. globalsecurity.org>.
  • [15]
    Cf. E. Chorin, H. Malka, « Iran’s Soft Power Creates Hard Realities », Middle East Notes and Comment, avril 2008, p. 2,
  • [16]
    Selon les États-Unis, l’Iran aurait enrichi des quantités d’uranium. Téhéran déclarant vouloir continuer à enrichir l’uranium à 20 %. Le passage à l’uranium militaire requiert de l’uranium enrichi à 90 % mais l’enrichissement de 20 % à 90 % est beaucoup plus rapide que le processus qui mène de 3,5 % à 20 %, cf. Hubbard H.W. « Plutonium from Light Water Reactors as Nuclear Weapon Material », Nonproliferation Policy Education Center (NPEC), 2003.
  • [17]
    L’Administration Obama a récemment abrogé les sanctions imposées précédemment à des structures russes accusées de fournir de la technologie militaire et nucléaire à l’Iran. Les compagnies pétrolières chinoises les plus importantes continueront à développer leurs projets en Iran. La République islamique fait enregistrer ailleurs plusieurs de ses bâtiments, nombre d’entre eux battant aujourd’hui le pavillon maltais ou celui de certains pays asiatiques. De nombreuses sociétés par actions iraniennes sont en train d’agir dans le même sens, cf. Y. Shichor, « China’s Voting Behavior in the U.N. Security Council », China Brief, 6, 18, Jamestown Foundation, 9 mai 2007 et State Department, Office of the Spokesman, « U.S.-China Strategic and Economic Dialogue 2010 Outcomes of the Strategic Track », 25 mai 2010, <www.state.gov/r/pa/ prs/ps/2010/05/142180.htm>.
  • [18]
    Le Times révélait en janvier 2007 un plan détaillé de frappes sur les sites nucléaires en Iran : « … des bombes conventionnelles guidées laser auraient creusé des tunnels à l’intérieur de cibles établies » ; ensuite, des « minibombes nucléaires » ciblant l’installation de Natanz auraient explosé souterrainement de façon à éviter la contamination radioactive, U. Mahnaimi, New York, Sarah Baxter, Washington, « Revealed : Israel plans nuclear strike on Iran », The Sunday Times, 7 janvier 2007.
  • [19]
    Cf. S. Simon, « An Israeli Strike on Iran », Contingency Plannning Memorandum, n5, Council on Foreign Relations, New York, novembre 2009, p. 1-5.
  • [20]
    Selon les estimations de l’U.S. Government Accountability Office (GAO), le prix du pétrole augmenterait continûment de 6 à 11 dollars le baril au cours des premiers dix-huit mois de conflit avec l’Iran, en tenant compte du fait que l’Agence internationale de l’énergie mettrait à disposition ses propres réserves ; le prix du pétrole pourrait augmenter pendant les premières semaines jusqu’à 200 dollars le baril, cf. GAO (éd.), Firms Reported in Open Sources as Having Commercial Activity in the Iran’s Oil, Gas and Petrochemical Sectors, GAO-10-515R, Washington, D.C., 23 mars 2010.
  • [21]
    Même si le lobby pro-israélien des États-Unis donne quelques signaux de réorientation, la prudence du Président américain est compréhensible. En cas d’hypothétique rupture avec Israël, l’axe républicains-pro-israéliens (ces derniers se retrouvant aussi bien chez les démocrates) pourrait le mettre en minorité. Et puis une crise diplomatique avec Israël risquerait de geler toute la question moyen-orientale pour des décennies.
  • [22]
    Données de l’Economist Intelligence Unit, « Country Profile, Egypt, Jordan, Israel, Libanon », 1999/2009.

RAPPORTS ENTRE ISRAËL ET L’IRAN JUSQU’À LA RÉVOLUTION KHOMEYNISTE

1 Jusqu’à la révolution khomeyniste de 1979 les relations entre l’Iran et Israël se caractérisèrent par leur efficacité. L’Iran fut le deuxième pays musulman à reconnaître l’État d’Israël en 1950 après la Turquie en 1949 [2]. Du point de vue israélien, il s’agissait d’un événement important parce qu’il brisait un isolement diplomatique difficile et inaugurait la phase du periphery concept selon la formule du Premier ministre de l’époque, David Ben Gourion, qui, après avoir constaté l’impossibilité objective d’établir une alliance avec les pays arabes, soulignait la nécessité pour Israël d’établir des rapports avec les « voisins des voisins », c’est-à-dire l’Éthiopie, l’Iran et la Turquie. Les accords suivants garantirent le flux migratoire par le territoire iranien des juifs irakiens orientés vers Israël [3] et ils ouvrirent des perspectives d’approvisionnement en pétrole pour l’État hébreu. En effet, après la guerre d’indépendance de 1948, l’Égypte avait interdit le transit des pétroliers en direction du port de Haïfa de même que l’Irak l’utilisation de l’oléoduc Kirkuk-Haïfa. Mais comme l’État hébreu n’avait pas accès à des approvisionnements directs, il fut obligé de conclure des transactions à des prix plus élevés. Consécutivement à la reconnaissance d’Israël par l’Iran, la National Iranian Oil Company (NIOC) allait satisfaire jusqu’à 90 % des besoins énergétiques d’Israël de 1950 à 1970 [4].

2 Avant la guerre des Six Jours, les États-Unis ne considéraient pas Israël comme un allié militairement fiable vu ses dimensions démographiques et territoriales réduites et compte tenu des difficultés économiques importantes rencontrées par l’État hébreu durant ses premières années d’existence [5]. L’Iran, pour sa part, voulait devenir le partenaire stratégique naturel des États-Unis sur la rive nord du golfe Persique, les Américains renforçant militairement leurs alliés consécutivement à l’expérimentation de sa bombe thermonucléaire par l’URSS. Après le coup d’État de la CIA contre le Premier ministre Mohammad Mossadegh en 1953, le régime de Téhéran devint pour Washington, au moins jusqu’en 1967, le référent géopolitique moyen-oriental. À l’époque, l’Iran constituait dans la région à plusieurs égards une exception. Depuis les années 1960, le gouvernement du Chah avait amorcé un processus d’énergique occidentalisation du pays qu’auraient dû faciliter la rente pétrolière, le soutien militaire américain et en partie la technologie comme les compétences israéliennes dans les domaines médical, agricole et scientifique. Le Chah, cependant, négligeait le climat de forte instabilité sociale avec d’un côté le mécontentement des mouvements progressistes de gauche et, de l’autre, la résistance du clergé conservateur. Deux fronts, qui pour être profondément divisés sur le fond, se retrouvaient dans l’anti-sionisme et dans l’anti-américanisme [6]. Raison pour laquelle les médias respectifs n’allaient pas beaucoup évoquer les relations entre les deux pays, les accords restant officieux.

3 Même si l’alliance iranienne perdit de son importance pour Israël en raison d’événements et de phénomènes régionaux comme le déclin du nationalisme arabe, l’amélioration des rapports entre l’Iran et l’Égypte sous Sadate, l’accord d’Alger avec l’Irak de 1975 sur le Chatt al-Arab, les rapports économiques et stratégiques continuèrent à se développer y compris dans les années 1970. À la veille de la Révolution de 1979, le rapport entre les deux pays était aussi structuré que multiple et sans doute conviendrait-il d’en approfondir le rôle pendant le conflit Iran-Irak [7].

RÉVOLUTION ISLAMIQUE

4 Après le succès de la révolution khomeyniste, l’hostilité envers Israël devint manifeste. Arafat fut le premier étranger à visiter officiellement l’Iran. À cette occasion, on lui remit symboliquement les clés du bureau commercial israélien de Téhéran qui remplissait sous le Chah des fonctions d’ambassade. Toutefois, la distance entre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le nouveau régime iranien restait nette, ce qui ne pouvait pas manquer d’avoir des conséquences. En effet, Arafat était un leader sachant se mouvoir avec habileté sur la scène diplomatique bipolaire ; il veillait donc à ce que son discours sur la question palestinienne demeure compréhensible pour les Occidentaux et le fondait sur la laïcité, la démocratie, la séparation des pouvoirs, excluant de la sorte en principe des « métanarrations » doctrinales dangereuses. Par contre, l’Iran révolutionnaire allait d’emblée présenter rhétoriquement la Palestine comme « terre de l’Islam », renvoyer à la guerre sainte, exalter le martyre et décrire avec des accents épiques les crimes de l’Occident et d’Israël. Les rapports avec les Palestiniens se refroidirent presque immédiatement, dès que la guerre avec l’Irak eut éclaté, à cause du soutien formel de l’OLP au gouvernement de Bagdad. Le régime iranien commençant à soutenir les groupes palestiniens opposés à Arafat, comme le Front populaire pour la libération de la Palestine-Commandement général d’Ahmed Jibril, le Jihad islamique et le Hamas sans compter le Hezbollah au Liban [8].

5 Mais la politique étrangère du gouvernement révolutionnaire iranien à ce sujet ne prévoyait pas d’implication directe. L’ayatollah Khomeyni était en effet d’avis que la question palestinienne concernait avant tout les Palestiniens, puis les pays arabes limitrophes d’Israël et seulement pour finir l’Iran [9]. En outre, l’Iran et Israël, pendant les années 1980, avaient un ennemi naturel commun, incarné par le bloc arabe lequel, après la paix israélienne avec l’Égypte, considérait l’Irak de Saddam Hussein comme la seule possibilité de revanche militaire vis-à-vis de l’État hébreu. Si l’Irak l’avait emporté dans la guerre contre l’Iran, il se serait proposé comme nouvelle puissance régionale, militaire et pétrolière. Une hypothèse qui était évidemment impensable pour Israël. Des deux adversaires, l’Iran était pour le gouvernement israélien la menace mineure : il restait isolé par rapport aux États-Unis, à l’Union Soviétique et au reste du monde arabe ; il était géographiquement plus éloigné ; ses perspectives technologiques demeuraient réduites compte tenu de la fermeture imposée par le nouveau régime. Semblables prémisses et une collaboration de plus de vingt ans entre Israël et l’Iran dans la période précédente expliquent le rôle décisif de l’État hébreu dans l’Irangate[10]. Les deux pays s’installèrent jusqu’au début des années 1990 dans une espèce de paix froide qui excluait des contacts officiels mais comportait des accords souterrains importants et ancrés dans le contexte géopolitique du Moyen-Orient.

LA CHUTE DU MUR DE BERLIN

6 L’effondrement de l’Union soviétique produisit des changements importants dans les équilibres du Moyen-Orient. Du moment où la menace irakienne était réduite après la défaite essuyée pendant la première guerre du Golfe, deux acteurs régionaux allaient émerger : l’Iran et la Turquie. Au début des années 1990, le ministre israélien des Affaires étrangères, Shimon Pérès, exposa à un monde sans URSS son projet de nouveau Moyen-Orient, un espace de paix et de développement où la combinaison de l’économie et la technologie israélienne, d’une part, de la mobilisation des ressources et de la main-d’œuvre arabe à bas prix, de l’autre, jouerait un rôle fondamental. Une projection géopolitique du ministre travailliste qui promouvait l’hégémonie d’Israël dans la région et envisageait par la force des choses l’isolement de l’Iran. Cette perspective était substantiellement partagée par les États-Unis qui se gardèrent d’inviter les Iraniens aux négociations de Madrid en 1991 alors que ceux-ci avaient accordé aux pilotes américains un couloir aérien pendant la guerre contre Saddam Hussein et avaient réduit, progressivement, leur soutien financier aux groupes de la résistance palestinienne et au Hezbollah. La tentative israélienne d’isoler l’Iran inaugura une nouvelle phase de la rhétorique israélo-iranienne : les Israéliens renvoyant à la menace nucléaire incarnée par l’Iran et les Iraniens soulignant le rôle déstabilisateur joué par Israël dans la région [11].

7 L’attitude de l’Iran envers l’Occident allait changer sous la présidence modérée de Khâtami (1997-2005). Pendant la guerre d’Afghanistan, l’Iran et les États-Unis maintinrent des contacts de haut niveau et le nouvel exécutif iranien fit du rétablissement des relations diplomatiques avec les États-Unis un objectif déclaré [12]. Or, le Président George W. Bush allait déclarer le 29 janvier 2002 que l’Iran faisait partie intégrante de l’« axe du mal », bloquant de la sorte toute négociation possible avec Téhéran. L’option américaine privait la coalition modérée, déjà en difficulté, de marge de manœuvre et elle renforçait l’aile conservatrice qui avait toujours soutenu l’impossibilité d’un accord avec les États-Unis ainsi que la nécessité de miser sur le mécontentement des masses arabes. Le gouvernement d’Ahmadinejâd allait logiquement relancer l’alliance avec le Hezbollah et le Hamas, redéfinir la politique de pénétration culturelle dans le monde arabe, augmenter les dépenses militaires et mettre en exergue le programme nucléaire civil.

LA QUESTION DU NUCLÉAIRE

8 La question du nucléaire iranien date de 1957, quand le Chah signa un accord de coopération nucléaire avec les États-Unis « au service de la paix ». En 1970, l’Iran adhéra au Traité de non-prolifération nucléaire, l’Égypte et l’Iran lançant quatre ans plus tard un appel à transformer le Moyen-Orient en zone exempte d’armes de destruction de masse. La même année, le programme nucléaire civil iranien envisageait la construction d’une vingtaine de centrales sur deux décennies, censées fournir 25 % de la production nationale d’électricité ; la France et l’Allemagne participeraient respectivement à la construction de deux et quatre de ces sites [13] ; une disposition prévoyant encore la stricte supervision par les États-Unis, limitant donc la souveraineté nationale du pays et suscitant des réticences chez le Chah. Comme on n’avait pas encore évalué soigneusement, à l’époque, les risques et les coûts du nucléaire, la confiance dans ce type d’énergie était répandue. Mais consécutivement au premier choc pétrolier de 1973, le Chah considéra qu’il n’était pas rentable de continuer à produire de l’énergie électrique à partir du pétrole, que mieux valait financer la construction de ces installations grâce à une rente pétrolière en hausse. L’ambitieux projet nucléaire iranien allait s’enliser en conséquence de la révolution khomeyniste et de la guerre contre l’Irak. Quand le gouvernement iranien réexamina l’option du nucléaire civil en 1984, il se trouvait internationalement isolé. Ce fut en définitive le gouvernement russe qui s’offrit à achever la construction de la centrale de Buchehr à partir de 1995 [14]. Le problème de la possible menace nucléaire iranienne commença à être soulevé par les États-Unis après 1992 et par le gouvernement israélien en 1994, en réaction aux pressions exercées par l’Égypte afin qu’Israël signe le Traité de non-prolifération nucléaire.

9 Depuis, les alertes quant à l’imminence d’une bombe atomique iranienne n’ont plus cessé, mais la date est invariablement reportée. Le dossier est aujourd’hui très politisé et il est bien difficile de se faire une idée du potentiel réel de l’Iran compte tenu de l’évidente absence de crédibilité des acteurs impliqués. Par exemple il est difficile de croire aux argumentations de l’Iran qui avance un besoin de produire de l’énergie nucléaire afin de satisfaire ses besoins intérieurs, quand il est désormais évident que les coûts concernant ce projet ont dépassé tout devis raisonnable et que les frais auxquels a fait face Téhéran seront difficilement amortis si l’on considère la durée moyenne d’une installation nucléaire civile. De la même façon que les États-Unis, préoccupés par l’hypothèse d’un Iran nucléarisé, ne prêtent pas autant d’attention à l’armement nucléaire israélien, ou à celui de pays socialement très instables comme le Pakistan, l’Inde ou le Kirghizistan. Il faut enfin rappeler qu’Israël et de nombreux pays arabes possèdent des armes chimiques et bactériologiques, soit la bombe atomique du pauvre. Au demeurant : la Russie, les États-Unis et l’Union européenne ne sont-ils pas les plus grands producteurs et fournisseurs de technologie nucléaire (et plus généralement d’armements) au monde ? Il est surprenant qu’ils ne se rendent pas compte des risques liés à la concentration d’armes au Moyen-Orient et qu’ils se préoccupent pas de parvenir à un accord de contrôle sur les entreprises qui opèrent en ce sens.

10 Si l’Iran inquiète, c’est surtout en raison de son objectif déclaré de déplacer les équilibres géostratégiques de la région qui sont actuellement encore favorables à Israël et à l’Occident. Dans cette perspective, Téhéran a lancé au cours des dix dernières années une vaste campagne de pénétration culturelle et économique en Asie centrale et dans les pays arabes, de l’Irak au Maroc et de l’Arabie saoudite à l’Égypte : financements de mosquées, d’institutions de bienfaisance, d’écoles coraniques, de pèlerinages et de subventions aux couches sociales défavorisées. Les régimes sunnites s’inquiétant de semblables initiatives susceptibles de provoquer des tensions dangereuses au sein des sociétés [15]. Qui plus est : si l’Iran venait un jour à se doter de la bombe atomique, son prestige auprès de masses insatisfaites dans les pays arabes s’en trouverait grandi. Autant de raisons pour lesquelles Téhéran a tout intérêt à laisser planer l’éventualité d’une menace nucléaire crédible [16]. Si cette réalité advenait, d’autres pays arabes se sentiraient en outre autorisés à emprunter la même direction et le Moyen-Orient n’en serait que plus difficile encore à contrôler.

11 Ce qui frappe, c’est l’absence d’un projet crédible pour tout le Moyen-Orient. Le fait que Washington ait enterré la proposition (irano-) turco-brésilienne, fondée sur une proposition de l’Agence internationale de l’Énergie atomique (AIEA) d’octobre 2009 laquelle envisageait le transfert à l’étranger de 1 200 kg de matière fissile faiblement enrichie à partir de l’Iran en échange de 120 kg de combustible enrichi à 20 % destiné au réacteur médical de Téhéran dans un délai maximum d’un an, a considérablement restreint la marge de manœuvre de l’Administration américaine, même si les contacts officieux n’ont pas été interrompus. Les États-Unis soutiennent que même si l’accord turco-brésilien avait été appliqué, l’Iran aurait conservé une quantité importante d’uranium enrichi à 3,5 %. Et ils posent la suspension de l’enrichissement comme un préalable pour entamer des négociations. Les Iraniens insistent au contraire sur le caractère pacifique de leur programme nucléaire ; ils soulignent que le droit d’enrichir l’uranium est établi par le Traité de non-prolifération et demandent par conséquent un traitement égal à celui des autres pays se trouvant dans les mêmes conditions. Mieux, le régime des ayatollahs insiste : c’est désormais l’Iran qui subit depuis des décennies les sanctions et l’étranglement militaire du fait des Américains à ses frontières, alors qu’Israël qui reste pour le moment la seule puissance nucléaire de la région a menacé plusieurs fois de le bombarder. La mobilisation diplomatique de la Maison-Blanche pour faire approuver les sanctions internationales récentes et à venir contre Téhéran interroge quant à un déclin de la capacité de l’Occident à gérer les crises internationales.

12 Un sentiment répandu est que les États-Unis ont du mal à comprendre que désormais l’ordre mondial (même s’il reste précaire et à élaborer) repose sur des équilibres multipolaires. Le refus d’examiner de manière plus approfondie les implications éventuelles de l’initiative turco-brésilienne a été interprété au Moyen-Orient comme une énième démonstration de l’unilatéralisme américain et du mépris dans lequel Washington tient les initiatives diplomatiques d’autres pays. Au-delà de la propagande américaine qui a présenté comme un succès diplomatique le soutien formel de la Chine et de la Russie à de nouvelles sanctions contre l’Iran en juin 2010, ce dernier accord laisse d’importantes questions géopolitiques ouvertes. Il prévoit en effet l’application des sanctions à condition que celles-ci ne contrecarrent pas les intérêts économiques respectifs en Iran. Les sanctions pourraient même bénéficier aux deux pays (eur) asiatiques, car l’embargo occidental tient les exportations énergétiques de l’Iran à distance des marchés européens, excluant du même coup une compétition avec les exportations russes et réorientant les premières en direction de la Chine [17]. Ce qui vaut aussi bien pour les échanges commerciaux et les transactions financières. Un train de sanctions en définitive inefficace puisqu’il va permettre à l’Iran de trouver des marchés alternatifs aux marchés occidentaux et par conséquent de contenir ses pertes alors que d’autres que les Occidentaux vont en fin de compte bénéficier de cet état de fait.

L’OPTION MILITAIRE ISRAÉLIENNE

13 L’actuelle géopolitique israélienne part d’un axiome : dès lors que l’un ou l’autre des pays du Moyen-Orient se sera doté de l’arme nucléaire, il y aura menace pour la sécurité de l’État hébreu et déstabilisation du cadre régional. C’est la raison pour laquelle les derniers gouvernements israéliens ont tous envisagé à plusieurs reprises d’attaquer les sites nucléaires iraniens, comme cela s’était produit en 1981 en Irak et en 2007 en Syrie [18]. Mais aujourd’hui la situation est différente, car l’Iran a des capacités de défense supérieures à celles de l’Irak d’il y a trente ans et de la Syrie d’il y a quatre ans. Et en cas de conflit prolongé, Téhéran pourrait compter sur le soutien probable, quoique indirect, de la Turquie et surtout de celui de la Russie et de la Chine qui ont souligné à plusieurs reprises l’importance de leurs intérêts en République islamique.

14 Et puis il faut prendre en compte un éventuel désaccord des États-Unis avec semblable initiative d’Israël. Plusieurs facteurs allant dans le sens d’un scepticisme américain. Même si les Israéliens possèdent la technologie qu’exige une attaque contre les sites iraniens, l’opération ne serait pas facile [19]. Les cibles importantes sont au moins au nombre de trois : le site d’enrichissement d’Ispahan où l’uranium brut est converti en hexafluorure d’uranium ; celui de Natanz qui compte désormais 8 300 centrifugeuses ; Arâk où un réacteur de plutonium est en construction et devrait être opérationnel avant 2012. Outre qu’il existe une série de sites mineurs, comme celui de Qom, qui ne sont pas pour le moment encore bien localisés. Plus généralement : l’opération irait au-delà du raid limité dans le temps. Elle pourrait en fin de compte déboucher sur une compression, mais pas sur le démantèlement de l’industrie nucléaire iranienne, le coût politique de l’aventure ayant dès lors été supérieur aux bénéfices retirés.

15 Israël, s’il voulait frapper l’Iran, risquerait de violer l’espace aérien de trois pays qui éprouvent peu d’inclination pour Jérusalem. Si les Israéliens opèrent par le Nord, ils devront passer la frontière Syrie-Turquie, ce dernier pays OTAN étant désormais en état de rupture avec Israël. Une autre option prévoit l’implication de la Jordanie et de l’Irak dont l’espace aérien est de toute façon contrôlé par les États-Unis. La route méridionale, enfin, équivaudrait à la traversée de l’espace aérien de la Jordanie, de l’Arabie saoudite et du Koweït. Dans tous les cas de figure, il faudrait couvrir un rayon de plus de 1 750 km et utiliser des avions-citernes mis en orbite dans l’espace aérien international. D’un point de vue strictement militaire, il ne s’agit pas là de conditions optimales puisque la vitesse des pilotes israéliens s’en trouverait réduite, d’autant que les temps d’exposition à la défense aérienne de l’Iran augmenteraient. L’opération, pour être plus efficace, devrait se fonder sur l’effet de surprise, mais plusieurs circonstances sont susceptibles de réduire cet effet et d’alerter les Iraniens comme d’aux autres pays éventuellement impliqués. Complication supplémentaire : les Israéliens devraient renforcer leurs moyens de défense à la frontière nord et y déplacer des contingents militaires. Enfin, il faut considérer la possibilité d’une guerre asymétrique tout le long des frontières israéliennes avec le Hezbollah et le Hamas ou même sur le territoire de l’État hébreu. Israël peut naturellement décider de frapper aussi les bases de ces formations à Gaza et au Liban, produisant ainsi les conditions d’un véritable conflit régional aux développements imprévisibles.

16 Pour les États-Unis aussi les conséquences seraient négatives, puisqu’ils risqueraient d’être impliqués à terme sur un nouveau théâtre d’opérations avec des résultats incertains. Et puis il y aurait les suites logiques de cette démarche : hausse prévisible, immédiate et brutale, du prix du pétrole [20] liée au transport dans le golfe Persique – attaques conventionnelles et non conventionnelles ; aggravation du terrorisme islamique au niveau international ; renforcement probable du régime iranien, comme cela avait été le cas pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988) ; et paradoxalement l’accélération définitive du programme nucléaire de Téhéran.

CONCLUSION

17 Il est dommage que l’Administration Obama ne se soit que peu écartée du sillage de ses prédécesseurs, quelques critiques très générales de l’action menée par Israël mises à part [21]. Aujourd’hui, par contre, l’Iran, nonobstant sa progressive radicalisation, est moins isolé qu’il y a dix ans du fait même des initiatives occidentales et israéliennes qui se sont succédées ces dernières années souvent pour endiguer ses politiques. Mais le Moyen-Orient est resté une des régions du monde hautement militarisées. Il est difficile de penser que les États-Unis puissent continuer à ne pas reconnaître l’Iran en tant qu’interlocuteur avec ses propres et légitimes exigences de sécurité et qu’Israël prétende longtemps à la fois vouloir maintenir la disparité stratégique – 200 têtes nucléaires – avec ses voisins et poursuivre la paix. D’autant que la modernisation de la région, dans ces conditions, s’en trouvera empêchée et que le fondamentalisme risque d’être l’unique opposition possible pour des générations entières de jeunes. Alors que les projections démographiques les plus prudentes sur les 25 ans à venir assignent aux pays de la région une croissance de 30 à 70 % selon les cas [22]. Comme il s’agit d’économies peu diversifiées, fortement dépendantes des exportations pétrolières ou bien en voie de développement avec un secteur primaire encore considérable, et puis affligées par la pénurie commune à tous les États de la région en ressources hydriques, d’amples mouvements migratoires des jeunes générations sont prévisibles au cas où les choses resteraient inchangées : d’abord en direction des villes les plus peuplées, puis vers la rive opposée de la Méditerranée, avec la formation de marges urbaines favorables aux fondamentalistes. Israël aussi devrait se demander jusqu’à quand il pourra soutenir des conditions aussi exceptionnelles, étant donné ses soldes migratoires depuis un certain temps négatifs, une forte dépendance de l’Amérique et l’affaiblissement de la laïcité que connaît le pays.

18 Ce dont a probablement besoin le Moyen-Orient, mais qu’Obama n’est pas en mesure de mettre en chantier, ce serait une conférence de paix historique ouverte sans préjugés à tous les acteurs politiques de la région, aux États-Unis, à l’Union européenne, à la Russie et à la Chine avec pour objectif de lancer un processus de coopération approfondie et visant au désarmement, à l’interaction économique, à la gestion commune des principales ressources et au respect des droits des plus faibles.

19 // TRADUIT DE L’ITALIEN PAR GABRIELE FERLUGA

Notes

  • [1]
    Université de Trieste.
  • [2]
    Le gouvernement iranien avait à l’origine témoigné une certaine hostilité à l’indépendance d’Israël, comme en atteste le vote négatif de l’Iran à l’assemblée des Nations unies le 29 novembre 1947, cf. U. Bialer, « The Iranian Connection in Israel’s Foreign Policy : 1948-1951 », Middle East Journal, 39/2, printemps 1985, p. 292-315.
  • [3]
    Cf. S. Sobhani, The Pragmatic Entente : Israeli-Iranian Relations, 1948-1988, New York, 1989.
  • [4]
    Après 1967, l’Iran et Israël montèrent une société pour la construction de l’oléoduc Eilat-Askhelon de façon à remédier à la fermeture du canal de Suez. Au cours des premières années, l’oléoduc transporta en moyenne dix millions de tonnes par an, ce qui dépassait les besoins d’Israël. Les importations à partir de l’Iran passèrent de 1,3 millions de dollars en 1967 à 5,8 millions en 1977 ; Les exportations israéliennes de 22,3 millions de dollars en 1970 à 103, 2 en 1977, Israël, Central Bureau of Statistics, vol. XXI, p. 219, vol. XXIX, p. 222-223.
  • [5]
    La population israélienne tripla de 1948 à 1958, atteignant les deux millions de personnes en raison de l’exode des juifs des pays arabes. Pendant plusieurs années, le paysage israélien fut caractérisé par des bidonvilles d’immigrants en fonction de l’origine géographique. Jusqu’en 1948, 71 % de la population israélienne était ashkénaze. Au début des années 1960, la composante séfarade avait atteint les 52 %. Le gouvernement israélien dut intégrer des centaines de milliers de personnes sur le marché du travail et dans le système scolaire et construire des infrastructures de base inexistantes, cf. G. Ben Meir, Oriental Jews in Israel. Problems and Prospects, Jérusalem, Jewish Forum, 24-25 octobre 1966.
  • [6]
    En 1963, par exemple, l’ayatollah Khomeyni affirmait dans une conférence : « … Il nous frappe. Il vous frappe, vous la nation. Il veut s’emparer de votre économie. Il veut éliminer votre commerce et votre agriculture. Il veut prendre le contrôle de vos richesses. Il veut que ses agents écartent toutes ces choses qui lui font obstacle..., cette barrière sur son chemin… », cf. Ruhollah Khomeyni, Islam and Revolution : Writings and Declarations of imam Khomeyni, Berkeley University Press, 1981.
  • [7]
    Des enquêtes se référant aux deux dernières années du gouvernement du Chah témoignent d’un vaste réseau d’activités commerciales et financières israéliennes et rapportent l’ouverture d’une école israélienne à Téhéran. La collaboration israélo-iranienne déboucha en 1977 sur l’accord militaire Project Flower qui prévoyait la construction conjointe d’un missile d’une portée de 200 km avec variante de lancement à partir d’un sous-marin, cf. Digital National Security Archives, Minutes from Meeting Held in Tel Aviv between H.E. General M. Dayan, Foreign Minister of Israel and General H. Toufanian, Vice Minister of War, « Imperial Government of Iran », Top Secret Minutes from Israel’s Ministry of Foreign Affairs, 18 juillet 1977.
  • [8]
    Cf. S. Hunter, Iran and the World : Continuity in a Revolutionary Decade, Boomington, Indiana University Press, 1990.
  • [9]
    L’ayatollah Khomeyni rejeta l’initiative de l’aile la plus radicale du gouvernement allant dans le sens d’un envoi au Liban d’un corps de dix mille hommes, soutenant que l’exportation de la révolution iranienne devait passer avant tout par la consolidation de ses propres valeurs idéologiques et culturelles. En outre, à partir de la seconde moitié des années 1980, on enregistre dans la rhétorique du régime iranien une atténuation vis-à-vis d’Israël, cf. J. Alpher, The Iran-Iraq War : Impact and Implications, New York, Oxford University Press, 1989.
  • [10]
    L’Irangate portait sur la vente d’armes américaines à l’Iran malgré l’interdiction formelle imposée par le Congrès. Les États-Unis poursuivant de la sorte deux objectifs : le financement de la guérilla au Nicaragua et l’affaiblissement des deux pays musulmans impliqués dans le conflit. Un deuxième objectif partagé par Israël. Au total, 80 % des fournitures militaires reçues par l’Iran après l’invasion irakienne dépendirent de la médiation d’Israël, cf. S. Segev, The Iranian Triangle : The Untold Story of Israel’s Role in the Iran-Contra Affair, New York, Free Press, 1988.
  • [11]
    Le gouvernement Rafsanjâni (1989-1997) resta très tiède à l’égard tant de la première intifada que du processus de paix. Rafsanjâni et le ministre des Affaires étrangères, « Ali-Akbar Velâyati, déclarant à plusieurs reprises n’être pas hostiles à un accord de paix israélo-palestinien à condition qu’il soit « mutuellement satisfaisant pour les deux parties ». Des affirmations évidemment suivies de mises au point accusant Israël de déstabiliser la région. Du reste, Israël allait très vite dépeindre l’Iran en termes pittoresques. Rabin parlant de « vague islamique trouble », des « ténèbres d’un régime sanguinaire » ; quant à Pérès, en l’occurrence peu respectueux de l’histoire de la Shoah, il le qualifie de « plus dangereux qu’Hitler » de « capitale du terrorisme, du fondamentalisme et de la subversion ». Des mots très différents des termes utilisés par Rabin lors d’un entretien : « L’Iran est le meilleur ami d’Israël et nous n’avons aucune intention de changer d’attitude vis-à-vis de Téhéran », Agence France-Presse, 28 octobre 1987. La propagande iranienne se mettant alors à traiter Israël de « chancre de l’Occident », de « vermine sioniste », de « vile prostituée des États-Unis », cf. P.J. White, W.S. Logan (éd.), Remaking the Middle East, Oxford University Press, Oxford, 1997.
  • [12]
    Le gouvernement iranien accorda encore une fois un couloir aérien aux avions américains et il collabora avec l’intelligence américaine afin de déloger les organisations d’al-Qaïda et de promouvoir la formation d’un gouvernement stable à Kaboul. Outre une volonté de rompre l’isolement dans lequel Téhéran se trouvait, les flux migratoires à partir des zones d’Afghanistan frappées par la guerre devenaient critiques. Selon un rapport de Médecins sans Frontières, il y avait 900 000 réfugiés afghans officiellement recensés en 2008 sur le territoire iranien, Médecins sans Frontières, « L’Iran, terre d’accueil pour les Afghans », 30 juillet 2008, <www.msf.fr>.
  • [13]
    L’Iran détient encore aujourd’hui 10 % des parts de la société française Eurodif qui produit actuellement un quart de l’uranium enrichi dans le monde. L’Iran du Chah avait fin 1974 accordé un prêt d’un milliard de dollars pour la construction de l’usine d’enrichissement de l’uranium à Tricastin. Après la Révolution de 1979, l’Iran rompit le contrat et réclama le remboursement du prêt. La France remboursa en définitive le gouvernement des ayatollahs à hauteur d’1,6 milliard de dollars (accord de 1991), cf. le documentaire de D. Lorentz et D. Carr-Brown, La République atomique, 2001, <www.arte-tv.com>.
  • [14]
    La coopération russe dans le secteur n’est pas exempte d’instrumentalisation. Avec une technologie russe différente, les travaux sur le réacteur ne s’achevèrent pas en 2006 ; le lancement ne démarra que le 23 août 2010 (pour être ensuite retardé à diverses reprises). Le coût pour l’Iran depuis 1976 a été estimé à hauteur de 4-6 milliards de dollars. En 2002, une étude de faisabilité du ministère russe de l’Énergie atomique concluait qu’il eût été plus avantageux pour Téhéran de construire deux nouveaux réacteurs, cf. Global Security, Weapons of Mass Destruction, Buchehr, 20 juin 2010, <www. globalsecurity.org>.
  • [15]
    Cf. E. Chorin, H. Malka, « Iran’s Soft Power Creates Hard Realities », Middle East Notes and Comment, avril 2008, p. 2,
  • [16]
    Selon les États-Unis, l’Iran aurait enrichi des quantités d’uranium. Téhéran déclarant vouloir continuer à enrichir l’uranium à 20 %. Le passage à l’uranium militaire requiert de l’uranium enrichi à 90 % mais l’enrichissement de 20 % à 90 % est beaucoup plus rapide que le processus qui mène de 3,5 % à 20 %, cf. Hubbard H.W. « Plutonium from Light Water Reactors as Nuclear Weapon Material », Nonproliferation Policy Education Center (NPEC), 2003.
  • [17]
    L’Administration Obama a récemment abrogé les sanctions imposées précédemment à des structures russes accusées de fournir de la technologie militaire et nucléaire à l’Iran. Les compagnies pétrolières chinoises les plus importantes continueront à développer leurs projets en Iran. La République islamique fait enregistrer ailleurs plusieurs de ses bâtiments, nombre d’entre eux battant aujourd’hui le pavillon maltais ou celui de certains pays asiatiques. De nombreuses sociétés par actions iraniennes sont en train d’agir dans le même sens, cf. Y. Shichor, « China’s Voting Behavior in the U.N. Security Council », China Brief, 6, 18, Jamestown Foundation, 9 mai 2007 et State Department, Office of the Spokesman, « U.S.-China Strategic and Economic Dialogue 2010 Outcomes of the Strategic Track », 25 mai 2010, <www.state.gov/r/pa/ prs/ps/2010/05/142180.htm>.
  • [18]
    Le Times révélait en janvier 2007 un plan détaillé de frappes sur les sites nucléaires en Iran : « … des bombes conventionnelles guidées laser auraient creusé des tunnels à l’intérieur de cibles établies » ; ensuite, des « minibombes nucléaires » ciblant l’installation de Natanz auraient explosé souterrainement de façon à éviter la contamination radioactive, U. Mahnaimi, New York, Sarah Baxter, Washington, « Revealed : Israel plans nuclear strike on Iran », The Sunday Times, 7 janvier 2007.
  • [19]
    Cf. S. Simon, « An Israeli Strike on Iran », Contingency Plannning Memorandum, n5, Council on Foreign Relations, New York, novembre 2009, p. 1-5.
  • [20]
    Selon les estimations de l’U.S. Government Accountability Office (GAO), le prix du pétrole augmenterait continûment de 6 à 11 dollars le baril au cours des premiers dix-huit mois de conflit avec l’Iran, en tenant compte du fait que l’Agence internationale de l’énergie mettrait à disposition ses propres réserves ; le prix du pétrole pourrait augmenter pendant les premières semaines jusqu’à 200 dollars le baril, cf. GAO (éd.), Firms Reported in Open Sources as Having Commercial Activity in the Iran’s Oil, Gas and Petrochemical Sectors, GAO-10-515R, Washington, D.C., 23 mars 2010.
  • [21]
    Même si le lobby pro-israélien des États-Unis donne quelques signaux de réorientation, la prudence du Président américain est compréhensible. En cas d’hypothétique rupture avec Israël, l’axe républicains-pro-israéliens (ces derniers se retrouvant aussi bien chez les démocrates) pourrait le mettre en minorité. Et puis une crise diplomatique avec Israël risquerait de geler toute la question moyen-orientale pour des décennies.
  • [22]
    Données de l’Economist Intelligence Unit, « Country Profile, Egypt, Jordan, Israel, Libanon », 1999/2009.
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