Outre-Terre 2006/2 no 15

Couverture de OUTE_015

Article de revue

La Chine dans l'économie mondiale de 1300 à 2030

Pages 89 à 104

Notes

  • [1]
    Cf. A. Eckstein, K. Chao, J. Chang, « The Economic Development of Manchuria : The Rise of a Frontier Economy », Journal of Economic History, 1974, p. 325-264.

Les caractéristiques de la Chine traditionnelle

1 À l’échelle mondiale, les performances de la Chine ont été exceptionnelles. En 1300, l’économie chinoise était la première de la planète en termes de revenu par habitant. En matière de technologie, d’utilisation intensive des ressources naturelles, de capacité à administrer un vaste empire territorial, la Chine surpassait l’Europe. Toutefois, en 1500, le revenu réel par habitant ainsi que les capacités technologiques et scientifiques de l’Europe occidentale avaient dépassé ceux de la Chine. Du début des années 1840 au milieu du XXe siècle, les performances de la Chine ont en fait décliné, alors que d’autres pays dans le monde connaissaient d’importants progrès économiques. Au cours du dernier quart de siècle, la croissance économique de la Chine a été très rapide, et il est probable que ce processus de rattrapage se poursuive au cours du siècle actuel. En 2030, le revenu par habitant de la Chine dépassera probablement la moyenne mondiale, et la Chine sera de nouveau la première économie de la planète, comme ce fut le cas de 1300 à 1890.

2 La Chine a été pionnière en matière de gouvernement bureaucratique. Au Xe siècle, elle était déjà administrée par des fonctionnaires ayant reçu une formation professionnelle et recrutés sur concours méritocratique. La bureaucratie chinoise, éduquée selon les principes du confucianisme, était le principal instrument pour imposer un ordre social et politique à un État unitaire s’étendant sur un immense territoire. Son pouvoir n’était contesté ni par une aristocratie terrienne ni par une Église établie, non plus que par un système judiciaire, des intellectuels dissidents ou une bourgeoisie urbaine, et les militaires ne mettaient

3 que très rarement les bureaucrates au défi. Ces derniers utilisaient une langue écrite commune à toute la Chine et l’idéologie confucéenne officielle était puissamment ancrée. Ce système était relativement efficace et peu coûteux, comparé aux gouvernements à multiples échelles de l’Europe et du Japon prémodernes. Dans le Japon des Tokugawa, shogun, daimyos et samurai constituaient environ 6,5 % de la population, pour 2 % à la bureaucratie, à l’armée et à la petite noblesse en Chine. Les prélèvements fiscaux représentaient en Chine 5 % du PNB, contre 25 % au Japon, bien que la petite noblesse chinoise bénéficiât également de la rente foncière, la bureaucratie réalisant d’importants revenus à travers des prélèvements non fiscaux.

4 En Occident, il fallut attendre plus d’un millénaire avant que ne soit mis en place, par Napoléon, le premier recrutement méritocratique de fonctionnaires ayant reçu une formation professionnelle, et les bureaucrates européens ne bénéficièrent jamais du statut social ni de l’autorité des élites chinoises. Dans chaque pays européen, le pouvoir était fragmenté entre des forces adverses et beaucoup plus diverses. L’Europe était un système d’États-nations très proches; tournés vers l’extérieur, ils entretenaient les uns avec les autres d’importantes relations commerciales et des échanges intellectuels relativement aisés. Cette fragmentation bénigne stimulait la concurrence et l’innovation à un degré impossible en Chine.

5 La bureaucratie chinoise eut un effet très positif sur l’agriculture. Comme les physiocrates européens, les bureaucrates percevaient l’agriculture comme un secteur clé qui leur permettrait d’extraire un produit net sous forme de taxes et d’impôts obligatoires. Ils contribuèrent à son développement par des travaux hydrauliques. L’essor précoce de l’imprimerie (500 ans avant l’Europe) leur permit de diffuser les meilleures techniques par le biais de manuels d’agriculture illustrés distribués dans tout le pays. Ils installèrent des fermiers dans de nouvelles régions prometteuses. Ils développèrent un système de grenier public pour atténuer les famines. Ils encouragèrent l’innovation en introduisant des graines à germination rapide pour tenter de doubler ou de tripler les récoltes. Ils promurent l’introduction de nouvelles plantations de thé sous la dynastie Tang, de coton sous les Song, de sorgho sous les Yuan – sans compter le maïs, la pomme de terre, la patate douce, les cacahuètes et le tabac du Nouveau Monde sous les Ming.

6 La pénurie de terres était compensée par l’utilisation intensive de la maind’œuvre, de l’irrigation et des fertilisants naturels. La terre était constamment en culture, on ne recourait pas à la jachère. Le besoin de fourrage et de pâturages restait minimal. L’élevage concernait surtout des animaux fouisseurs (porcs et volailles). La consommation de viande de bœuf et de lait ainsi que l’utilisation de la laine étaient rares. La petite aquaculture, pratiquée à l’échelle de tout le pays, multipliait les sources de protéines. La forte productivité des terres autorisait une plus grande densité de population, réduisait le coût du transport, augmentait le volume de la production agricole mise sur le marché, libérait de la main-d’œuvre pour l’artisanat rural, particulièrement le filage et le tissage du coton, ce qui permettait à son tour la fourniture de vêtements plus confortables, plus faciles à laver et plus sains.

7 Du VIIIe au XIIIe siècle, le centre de gravité de l’économie se déplaça. Au début de cette période, les trois quarts de la population vivaient dans le Nord, où le blé et le millet étaient les principales cultures; à la fin de la même période, ils occupaient le sud du Yangzi Jiang, une région auparavant marécageuse et peu peuplée mais que l’irrigation et les graines à germination rapide avaient transformée en espace idéal de riziculture massive, le revenu par habitant augmentant d’un tiers. Par la suite, du XIIIe siècle au début du XIXe siècle, la Chine allait être capable de nourrir une population quatre fois plus nombreuse tout en maintenant un revenu moyen par habitant plus ou moins stable. La situation du pays au XVIIIe siècle démontre à l’évidence cette faculté de croissance extensive : de 1700 à 1820, son PNB allait croître plus rapidement qu’en Europe occidentale, où le revenu par habitant augmentait d’un cinquième.

Tableau 1

PNB des pays asiatiques (1500-2003)

Tableau 1
Tableau 1 : PNB des pays asiatiques (1500-2003) (en millions de dollars internationaux, 1990) 1500 1700 1820 1950 2003 Chine 61 800 82 800 228 600 239 903 5 659 200 Japon 7 700 15 390 20 739 160 966 2 699 261 Inde 60 500 90 750 111 417 222 222 2 267 136 Bangladesh et Pakistan 49 994 430 704 Indonésie 6 046 7 598 10 970 66 358 762 545 Corée du Sud 3 282 5 005 5 637 16 045 758 415 Corée du Nord 1 518 2 315 2 607 7 293 25 310 Autres pays d’Asie orientale 10 142 13 721 17 450 114 673 1 619 288 Total Asie orientale 150 822 217 380 397 420 877 454 14 257 432 Arabie 2 475 2 475 2 861 19 583 352 894 Iran 2 400 3 000 3 857 28 128 349 873 Irak 550 550 643 7 041 25 256 Turquie 3 780 5 040 6 478 34 279 458 454 Autres pays d’Asie occidentale 1 290 1 226 1 430 17 252 284 150 Total Asie occidentale 10 495 12 291 15 269 106 283 1 470 627 Total Asie 161 317 229 671 412 689 983 737 16 002 724 Europe occidentale 44 192 81 302 160 145 1 396 188 7 741 127 États-Unis 800 527 12 548 1 455 916 8 435 588 Sources:Angus Maddison, The World Economy: AMillenial Perspective, Paris, OCDE, 2001 et The World Economy : Historical Statistics, Paris, OCDE, 2003 (données mises à jour).

PNB des pays asiatiques (1500-2003)

Angus Maddison, The World Economy: AMillenial Perspective, Paris, OCDE, 2001 et The World Economy : Historical Statistics, Paris, OCDE, 2003 (données mises à jour).

8 En dehors de l’agriculture, le système bureaucratique eut des effets négatifs. La bureaucratie et la petite noblesse qui lui était associée recherchaient en réalité la rente foncière. Elles empêchèrent l’émergence d’une bourgeoisie commerciale et industrielle indépendante sur le modèle européen. Les entrepreneurs étaient soumis aux aléas d’une mince protection légale de l’activité privée. Toute activité promettant d’être lucrative tombait sous le coup de la taxe bureaucratique. Les seules entreprises de taille considérable étaient les monopoles d’État ou publics.

9 Un fait fournit un exemple frappant de régulation bureaucratique négative : la Chine n’avait au XVe siècle pratiquement aucun contact avec le commerce international, ce qui entraîna la disparition complète de son industrie navale, pourtant sophistiquée.

Tableau 2

La diplomatie navale chinoise :

Tableau 2
Tableau 2 : La diplomatie navale chinoise : voyages aux océans « occidentaux » et « orientaux » (1405-1433) Date Nombre de Personnel militaire Endroits visités Endroits visités bâtiments et autre embarqué dans les océans dans les océans occidentaux orientaux 1405-1407 62 grands 27 000 Calicut Champa, Java, Sumatra 255 petits 1407-1409 nombre limité n.c. Calicut, Cochin Siam, Sumatra, Java 1409-1411 48 30 000 Malacca, Quilon Sumatra 1413-1415 63 29 000 Ormuz, mer Rouge, Champa Maldives, Bengale Java,Sumatra 1417-1419 n.c. n.c. Ormuz, Aden, Java, îles Ry…ky…, Mogadiscio, Malindi Brunei 1421-1422 41 n.c. Aden, Afrique de l’Est Sumatra 1431-1433 100 27 500 Ceylan, Calicut, Aden, Viêt-nam, Sumatra, Java, Ormuz, Jedda, Malindi Malacca Sources : Joseph Needham, Science and Civilisation in China, vol. 4, III, « Civil Engineering and Nautical Technology », Cambridge University Press, 1971; L. Levathes, When China Ruled the Seas : The Treasure Fleet of the Dragon Throne, 1405-1433, New York, Shuster and Shuster, 1994. Les archives officielles de ces voyages furent détruites par les bureaucrates opposés au renouvellement de telles expéditions. L’information est fondée sur les relations et les annales ultérieures.

La diplomatie navale chinoise :

Joseph Needham, Science and Civilisation in China, vol. 4, III, « Civil Engineering and Nautical Technology », Cambridge University Press, 1971; L. Levathes, When China Ruled the Seas : The Treasure Fleet of the Dragon Throne, 1405-1433, New York, Shuster and Shuster, 1994. Les archives officielles de ces voyages furent détruites par les bureaucrates opposés au renouvellement de telles expéditions. L’information est fondée sur les relations et les annales ultérieures.

10 La dynastie Song (960-1279) avait encouragé la croissance des ports et du commerce extérieur ; elle avait créé la première marine chinoise. La dynastie Yuan (1279-1368) avait poursuivi la construction navale pour transporter les céréales vers Pékin, commercer avec l’Asie et réaliser des opérations sur mer. Elle rouvrit le commerce terrestre avec l’Europe et le Moyen-Orient par la route de la Soie. Durant les premières années de la dynastie Ming (1368-1644), la Chine entreprit une série d’expéditions navales à l’intérieur des « océans occidentaux », sous le commandement de l’amiral Zheng He, un eunuque, proche collaborateur de l’empereur Yongle. Il s’agissait de consolider et d’instaurer des relations tributaires, le commerce privé restant interdit. La marine possédait 2 700 navires de patrouille et de combat, 400 grands bâtiments de guerre, 400 cargos pour le transport des céréales, et près de 300 immenses « navirestrésors » destinés aux expéditions dans les océans occidentaux. Ces derniers étaient cinq fois plus gros que les bâtiments de Vasco de Gama, l’amiral portugais qui inaugura le commerce de l’Europe avec l’Asie en longeant les côtes de l’Afrique à la fin du XVe siècle. La Chine avait tourné le dos à l’économie internationale un peu plus tôt au cours de ce même siècle, alors que sa technologie maritime était supérieure à celle de l’Europe. Pendant de longues périodes au cours des dynasties Ming et Qing, la Chine se coupa à peu près entièrement du commerce extérieur.

11 Du point de vue stratégique, la Chine avait deux préoccupations essentielles : se protéger d’éventuelles invasions depuis la Mongolie ou la Mandchourie et garantir l’alimentation de Pékin. Le Grand Canal fut rouvert sur toute sa longueur en 1415, son fonctionnement étant amélioré par le nouveau système d’écluses qui le rendait opérationnel à tout moment. À l’approvisionnement de la capitale en céréales par la voie maritime se substitua le transport par barges sur le Canal ; les navires-trésors disparurent et les défenses côtières furent réduites. La plupart des chantiers navals furent fermés. Les arrangements tributaires avec des pays de l’océan oriental (Birmanie, Népal, Siam, Indochine, Corée et îles Ry…ky…) se poursuivirent, mais le commerce privé tout comme l’utilisation sur mer de jonques à plus de deux mâts demeurèrent interdits. Ce régime provoqua l’apparition d’un commerce illégal et d’une piraterie à grande échelle dont les principaux bénéficiaires furent les pirates chinois et japonais, ainsi que les Portugais. Ceux-ci avaient été en effet autorisés en 1557 à établir à Macao une base qu’ils conservèrent jusqu’en 1999 ; les Hollandais, qui, au XVIIe siècle, avaient tenté sans succès de les en déloger, furent expulsés de Taiwan en 1661.

Le mépris des Chinois pour l’Occident et ses conséquences

12 Jusqu’au milieu du XXe siècle, la Chine n’a pas réagi de façon adéquate au défi technologique occidental, essentiellement parce que l’idéologie, les mentalités et le système éducatif de la bureaucratie favorisaient une vision ethnocentrique, indifférente aux développements extérieurs. Il y eut des savants jésuites à Pékin pendant près de deux siècles : certains, comme Ricci, Schall et Verbiest, étaient en contact étroit avec les cercles du pouvoir, mais les élites chinoises n’éprouvaient pas réellement de curiosité pour le développement intellectuel et scientifique de l’Occident. En 1792-1793, lord Macartney apporta de la part du roi George III 600 boîtes de présents : planétarium, mappemondes, instruments mathématiques, chronomètres, télescopes, outils de mesure, vitres, objets en cuivre… La réaction officielle après leur présentation à l’empereur Qianlong fut : « Nous ne manquons de rien… Nous n’avons jamais été intéressés par les objets étranges ou ingénieux et ne possédons pas d’autres produits manufacturés en provenance de votre pays. » Cet état d’esprit, profondément enraciné, empêcha la Chine d’imiter le développement protocapitaliste de l’Occident de 1500 à 1800 et de participer par la suite à des processus de croissance économique beaucoup plus dynamiques. Elle ne commença d’établir des ambassades et des légations à l’étranger qu’à partir de 1877.

13 Or, entre 1820 et 1950, l’économie mondiale allait faire d’énormes progrès. La production mondiale fut multipliée par 8 ; le revenu par habitant par 2,6 à l’échelle planétaire, par 4 pour les Européens et par 3 pour les Japonais. Le Japon mis à part, les pays d’Asie ne progressèrent que très modestement ; en Chine, le produit national par habitant devait même diminuer. La part de la Chine dans le PNB mondial passa d’un tiers à un vingtième et son revenu réel par habitant chuta de 90 % à 20 % de la moyenne mondiale. La plupart des pays d’Asie connaissaient des problèmes semblables à ceux de la Chine, comme la présence d’institutions locales freinant la modernisation et l’instrusion coloniale étrangère ; mais la plus grande acuité avec laquelle ils se posaient en Chine explique pourquoi les résultats de ce pays furent extrêmement décevants.

Les forces internes ébranlent le régime mandchou

14 Le développement de la Chine fut interrompu tant par des causes internes que par l’intrusion des étrangers. Les désordres internes eurent un effet catastrophique sur le bien-être de la population et sur l’économie (cf. tableau 3). La rébellion des Taiping (1850-1864) toucha plus de la moitié des provinces chinoises et affecta gravement les régions les plus riches. Les cinq provinces les plus touchées avaient perdu 50 millions d’habitants entre 1820 et le début des années 1890. Certains parties de cette même région avaient en outre subi les inondations du fleuve Jaune en 1855 : le gouvernement ayant négligé les travaux d’entretien, le fleuve rompit ses digues et dévasta l’Anhui et le Jiangsu. Le fleuve, qui se jetait auparavant dans la mer après avoir suivi le tracé de la basse Huai he coulait après 1855 de Kaifeng à la péninsule du Shandong, plus de 400 km au nord de son ancien parcours. À cela, il faut ajouter les rébellions musulmanes dans le Shaanxi, le Gansu et le Xinjiang, où la répression brutale des années 1860 et 1870 entraîna une diminution de la population, et, à l’ère républicaine, les deux décennies de guerre civile (1927-1949) entre les forces du Kuomintang [Guomindang], le KMT de Tchang Kaï-chek [Jiang Jieshi], et les communistes menés par Mao Zedong.

Tableau 3

La population de la Chine par province (1819-1953)

Tableau 3
Tableau 3 : La population de la Chine par province (1819-1953) (en millions) 1819 1893 1953 Provinces les plus touchées par la rébellion Taipinga 153,9 101,8 145,3 Provinces touchées par les rébellions musulmanesb 41,3 26,8 43,1 Dix autres provinces de Chine à proprement parlerc 175,6 240,9 338,6 Trois provinces de Mandchouried 2,0 5,4 41,7 Xinjiang, Mongolie, Tibet, Ningxia, Qinghai 6,4 11,8 14,0 Total 379,4 386,7 582,7 a)Anhui, Hubei, Jiangsu, Jiangxi, Zhejiang. b)Gansu, Shaanxi, Shanxi. c)Fujian, Guangdong, Guangxi, Guizhou, Hebei, Henan, Hunan, Shandong, Sichuan et Yunnan. d)Heilongkiang, Jilin, Liaoning. Source :Angus Maddison, Chinese Economic Performance in the Long Run, Paris, OCDE, 1998, p. 47.

La population de la Chine par province (1819-1953)

Angus Maddison, Chinese Economic Performance in the Long Run, Paris, OCDE, 1998, p. 47.

L’impact de l’intrusion coloniale

15 La pénétration coloniale commença avec la prise de Hong Kong par les canonnières britanniques en 1842. Le but des Britanniques était de se garantir un accès libre à Canton pour y échanger l’opium indien contre du thé chinois. Une seconde attaque anglo-française détruisit en 1858-1860 le Palais d’Été de l’empereur, à Pékin. Le traité qui suivit ouvrit l’accès à l’intérieur de la Chine via le Yangzi Jiang et l’immense réseau de voies fluviales intérieures qui débouchaient à Shanghai.

16 Ce fut l’ère de l’impérialisme et du libre-échange. Les commerçants occidentaux étaient à la tête d’entreprises individuelles, pas de monopoles. Contrairement aux régimes commerciaux hostiles et mutuellement exclusifs pratiqués à l’époque du capitalisme marchand, les Britanniques et les Français avaient signé le traité Cobden-Chevalier pour instaurer un commerce européen reposant sur la clause de la nation la plus favorisée. Ils appliquèrent le même principe aux traités imposés à la Chine. C’est pourquoi douze autres pays européens, ainsi que le Japon, les États-Unis et trois pays d’Amérique latine, acquirent les mêmes privilèges commerciaux avant la Première Guerre mondiale.

17 Les traités obligeaient la Chine à maintenir des droits de douane peu élevés. Ils légalisaient le commerce de l’opium et accordaient aux étrangers des droits extraterritoriaux et une juridiction consulaire dans 92 « ports du traité », ouverts de 1842 à 1917. Certains de ces « ports » se situaient loin à l’intérieur des terres, par exemple Harbin, au centre de la Mandchourie, et Chongqing, à 1 400 km en amont sur le Yangzi Jiang. Il y avait également six territoires « loués » à la Grande-Bretagne, à la France, à l’Allemagne, au Japon et à la Russie. Pour veiller à ce que la Chine respectât bien son engagement à maintenir des droits de douane faibles, on créa une inspection des douanes maritimes (dont sir Robert Hart fut l’inspecteur général de 1861 à 1908) chargée de collecter le revenu des droits de douane au nom du gouvernement chinois. Une bonne partie de ces revenus servaient à couvrir les « indemnités » exigées par les puissances coloniales pour le remboursement du coût de l’attaque de la Chine. Ce système ne prit fin qu’en 1943.

18 Outre ces arrangements « portuaires », la Chine subit de lourdes pertes territoriales et vit le démantèlement de son réseau d’États tributaires. En 1860 furent cédés 82 millions d’hectares et une immense partie de la côte Pacifique à la Russie, qui y fit construire son nouveau port de Vladivostok. Dans les années 1860, les khanats de Tachkent, Boukhara, Samarkand, Khiva et Kokand furent intégrés à l’empire russe. En 1882, les Ry…ky… furent abandonnées au Japon. En 1885, l’Indochine passa sous souveraineté française, et en 1886 les Britanniques s’emparèrent de la Birmanie. En 1895, le Japon s’appropria Taiwan et imposa son autorité à la Corée. En 1915, la Russie obtint le contrôle de la Mongolie (extérieure) et la Grande-Bretagne celui du Tibet. En 1931-1933, le Japon s’empara des provinces de Mandchourie et du Jehol pour former l’État fantoche de Mandchoukouo. La réaction mandchoue à ces intrusions resta faible et inefficace, et aucune résistance chinoise sérieuse n’émergea avant l’attaque japonaise de 1937.

19 L’enclave internationale de Shanghai constituait le centre de ce dispositif colonial multilatéral. Les Britanniques s’établirent en 1843 sur un premier site, au nord de la « cité indigène ». Français, Allemands, Italiens, Japonais et Américains possédaient des sites voisins le long du Huangpu, face à Pudong, avec de grands terrains pour les sièges de leurs compagnies, clubs de cricket, country clubs, clubs de tennis, piscines, hippodromes, clubs de golf, théâtres, églises, écoles, hôtels, hôpitaux, cabarets, maisons de passe, bars, consulats et commissariats. On retrouvait les mêmes installations, à plus petite échelle, dans les villes de Tianjin et de Hangzhou. La plupart des Chinois qui avaient le droit d’y pénétrer étaient des domestiques.

20 Les premiers bénéficiaires de cet impérialisme de libre-échange et de privilèges extraterritoriaux furent les étrangers. Si les ports du traité étaient de brillantes enclaves de modernité, la situation des autres villes chinoises ne s’améliora pas pour autant et celle des cités touchées par la massive rébellion des Taiping de 1850-1864 se détériora. L’agriculture chinoise ne fut pas affectée de façon significative par l’ouverture du pays.

21 L’expansion des installations portuaires se poursuivit et, ajoutée à la liberté de fabriquer des objets manufacturés dont bénéficièrent les étrangers à partir de 1895, contribua très fortement à la croissance des secteurs modernes, chemins de fer, banque, commerce, production industrielle et minière y compris. Cela entraîna parallèlement la croissance d’activités capitalistes chinoises, celles pour l’essentiel des intermédiaires compradore dans les ports. Il y eut un afflux de capitaux de Chinois d’outre-mer qui avaient émigré en masse vers d’autres pays d’Asie.

22 La part des exportations dans le PNB chinois était faible (0,7 % en 1870 ; 1,2 % en 1913), bien moindre qu’en Inde, en Indonésie ou au Japon. C’est en 1928 que la Chine obtint à nouveau son autonomie douanière et que d’autres contraintes portant sur sa souveraineté dans les ports du traité furent également assouplies. Dans la première moitié du XXe siècle, le pays accusait un important déficit commercial, contrairement à l’Inde et à l’Indonésie, largement excédentaires. Les fonds que les quelque 9 millions de Chinois d’outre-mer envoyaient à leurs familles couvraient une partie du déficit ; il y eut une importante sortie d’argent en espèces dans les années 1930 consécutivement à la dévaluation américaine de 1932, d’une part, au passage de la monnaie d’argent à la monnaie de papier en 1935, d’autre part.

23 À partir des années 1860, les zones les plus dynamiques de l’économie chinoise furent Shanghai et la Mandchourie. Shanghai bénéficia grandement de sa localisation à l’embouchure d’un énorme réseau fluvial : au total, quelque 48 000 kilomètres de voies fluviales navigables par jonque presque toute l’année, sans compter environ 800 000 kilomètres de canaux et de voies fluviales artificielles dans la région du delta. Rien de surprenant, donc, à ce que, de 1865 à 1936, Shanghai ait réalisé entre 45 % et 65 % du commerce extérieur de la Chine [1]. C’était déjà un port important sous la dynastie Qing, avec une population de 230 000 habitants dans les années 1840. En 1938, la population atteignait 3,6millions d’habitants : c’était la plus grande ville de Chine. Elle compte aujourd’hui 16 millions d’habitants.

24 Jusqu’en 1860, la dynastie mandchoue avait fermé la Mandchourie au peuplement ethniquement chinois. C’est après avoir été obligée de céder à la Russie le territoire très faiblement peuplé du nord du fleuve Amour qu’elle commença de s’intéresser à l’implantation de Han. De 1860 à 1930, sa population décupla, passant de 3,3 à 31,3millions d’habitants, et les Russes investirent substantiellement dans la construction de voies ferrées. Après la chute des Qing, en 1911, la Mandchourie échappa au contrôle chinois. Dans les années 1920, elle était sous l’autorité d’un seigneur de la guerre, Zhang Zuolin, ami des Japonais, après l’assassinat duquel l’armée japonaise du Guandong (Kantö) s’empara de la capitale mandchoue, Mukden, et étendit son contrôle à toute la Mandchourie. En 1932, le Japon établit un État fantoche en Mandchourie, auquel elle adjoignit l’année suivante le Jehol, en Mongolie intérieure. En 1934, l’exempereur chinois Puyi fut désigné empereur du Mandchoukouo, le véritable pouvoir étant entre les mains du commandant de l’armée japonaise du Guandong, forte de 300 000 hommes. Le gouvernement chinois persuada la Société des Nations de condamner cette action. Le Japon quitta la SDN sans qu’aucune sanction lui fût imposée. En 1935, l’URSS, qui disposait depuis 1916 d’une autre ligne ferroviaire, passant au nord du fleuve Amour, pour accéder à Vladivostok, vendit son chemin de fer de l’Est chinois au Japon et abandonna le Mandchoukouo.

25 Le Japon allait beaucoup investir dans le charbon, l’extraction du métal et l’industrie mandchous. La valeur ajoutée de l’industrie moderne y fit plus que quadrupler entre 1929 et 1941, et tripla dans le secteur minier. En 1945, la Mandchourie produisait environ la moitié des produits manufacturés modernes de la Chine. La croissance annuelle du PNB atteignait en moyenne 4,1 % de 1924 à 1941. L’agriculture, la pêche et les forêts constituaient seulement un tiers environ de ce PNB. En 1945, plus d’un million de civils japonais habitaient le Mandchoukouo.

Résultats économiques de la période maoïste (1949-1978)

26 L’établissement de la République populaire marqua un brusque transformation pour les élites politiques et le système de gouvernement. Le degré de centralisation était bien plus élevé que sous la dynastie Qing ou sous le Kuomintang, s’étendant désormais aux échelons les plus bas de l’administration, aux lieux de travail, aux fermes, aux foyers. Le parti, extrêmement discipliné, maintenait l’appareil bureaucratique sous une surveillance minutieuse et régulière. L’armée était très étroitement intégrée. La propagande politique et idéologique était relayée par des mouvements de masse contrôlés par le parti. Les expropriations et la fin de la propriété privée s’accompagnèrent de l’élimination des intérêts du capitalisme national et étranger. L’économie de la Chine suivit le modèle soviétique. Après un siècle de capitulation et de soumission à l’agression et aux incursions étrangères, le nouveau régime se fit le défenseur impitoyable et accompli de l’intégrité nationale de la Chine, limitant ses liens avec l’économie mondiale. Pendant la plus grande partie de la période maoïste, il y eut très peu de contacts avec le monde extérieur. De 1952 à 1971, les États-Unis placèrent le pays sous un embargo général : commerce, circulation des personnes, transactions financières ; l’URSS fit de même à partir des années 1960.

27 La version chinoise du communisme comprenait des expériences risquées à grande échelle. Les traumatismes qu’il s’infligea à lui-même amenèrent le pays au bord du gouffre : ce furent le Grand Bond en avant (1958-1960), puis la Révolution culturelle (1966-1976), qui ébranla profondément l’éducation et le système politique. La mobilisation des ressources restait très inefficace. La Chine connut une croissance plus lente que les autres économies communistes et un peu plus faible que la moyenne mondiale, même si les résultats de son économie s’amélioraient nettement par rapport au passé. De 1952 à 1978, le PNB tripla, le produit intérieur brut par habitant augmentant de plus de 80 % et la productivité de la main-d’œuvre de 60 %. L’économie connut des transformations structurelles : en 1952, la part de l’industrie dans le PNB ne représentait qu’un sixième de l’agriculture ; en 1978, elle était plus importante que cette dernière, et ce en dépit de l’isolement politique et économique, de relations hostiles tant avec les États-Unis que l’Union soviétique et des guerres contre la Corée du Sud et l’Inde.

La période des réformes depuis 1978

28 Après 1978, ce fut le tournant majeur vers le réformisme pragmatique, marqué par l’assouplissement du contrôle central et par des transformations en profondeur du système économique ; autant de changements qui allaient permettre une plus grande stabilité dans le développement et une forte accélération de la croissance économique. Le seul pays d’Asie à faire mieux fut la Corée du Sud. L’accélération de la croissance était due pour l’essentiel à une efficacité croissante. L’agriculture collective avait été abandonnée et les décisions en matière de production étaient prises par les paysans eux-mêmes. Les activités industrielles et de services à petite échelle furent libérées du contrôle gouvernemental et leurs résultats dépassèrent largement ceux du secteur étatique. L’ouverture au commerce et aux investissements étrangers s’accentua, consolidant les forces du marché et rendant accessible un large éventail de produits aux consommateurs.

29 Les nouvelles politiques chinoises étaient le fait des Chinois eux-mêmes et n’avaient rien à voir avec les prescriptions et la « transition » que l’URSS avaient proclamées et suivies. Le contraste entre les bilans chinois et soviétique des réformes est particulièrement frappant. Tandis que la Chine prospérait, l’économie soviétique s’effondrait et l’URSS se disloqua ; son PNB par habitant reste bien inférieur au sommet atteint en 1989. En 1978, le revenu par habitant de la Chine atteignait 15 % de celui de l’ex-Union soviétique ; en 2003, il en représentait 75 %.

tableau im4
La Chine sort de son isolement international (1949-2001) octobre 1949 Fondation de la République populaire de Chine, reconnue diplomatiquement par la Birmanie, l’Inde et les pays communistes en 1949, par l’Afghanistan, le Danemark, la Finlande, Israël, la Norvège, le Pakistan et le Royaume-Uni en 1950. février 1950 L’URSS accepte de fournir une aide financière et technique – prêts de 1,4 milliard de dollars au total et envoi de 10000 techniciens. La Chine reconnaît l’indépendance de la Mongolie (extérieure), se rallie à un accord sino-soviétique sur le chemin de fer de l’Est chinois, accepte les bases militaires soviétiques à Port-Arthur et à Dairen [Dalian] et les mines soviétiques dans le Xinjiang. 25 juin 1950 La Corée du Nord envahit le Sud, pénétrant jusqu’à Pusan. 27 juin 1950 Les États-Unis abandonnent leur neutralité envers Taiwan et envoient la VIIe flotte. octobre 1950 La Chine envoie des « volontaires » (au total 700 000) en Corée du Nord pour y repousser les forces de l’ONU qui progressent vers la frontière chinoise, formée par le Yalu. 1950-195l La Chine reprend le Tibet. juillet 1953 Armistice en Corée. 1954 L’Inde renonce aux anciennes revendications d’extraterritorialité formulées par la Grande-Bretagne pour le Tibet. 1958 La Chine menace Taiwan : incidents de Quemoy et de Matsu. Khrouchtchev revient sur son offre d’assistance en matière nucléaire. 1959 Rébellion au Tibet ; le dalaï-lama fuit en Inde. 1960 L’URSS rappelle ses experts et laisse les travaux inachevés. 1962 Conflit frontalier avec l’Inde sur la route Aksai Chin du Xinjiang au Tibet. 1964 Premier test nucléaire chinois (premier essai de bombe à hydrogène en 1969). 1963-1969 Conflit frontalier avec l’URSS en Mandchourie. La Chine remet en question les lignes de démarcation sino-soviétiques en Mandchourie et au Xinjiang. avril 1971 Les États-Unis lèvent l’embargo commercial sur la Chine. octobre 1971 La Chine entre aux Nations unies, Taiwan en est expulsé. février 1972 Le président Nixon se rend en Chine. septembre 1972 Visite du Premier ministre Kakuei Tanaka et normalisation des relations diplomatiques avec le Japon. 1973 Les États-Unis et la Chine établissent des relations diplomatiques de facto. décembre 1978 Les États-Unis établissent des relations diplomatiques officielles et ne reconnaissent plus Taiwan. février-mars 1979 Guerre frontalière avec le Viêt-nam après l’expulsion des Chinois et la liquidation par les Vietnamiens du régime des Khmers rouges au Cambodge. 1980 La Chine devient membre de la Banque mondiale et du FMI, entre en 1986 à la Banque asiatique de développement. !997 Hong Kong est rétrocédé à la Chine, ainsi que Macao en 1999. 2001 La Chine est admise au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Source : Cambridge History of China, vol. 14 et 15.

Cambridge History of China, vol. 14 et 15.

30 Durant la période de réformes, les tensions internationales furent moindres. La position géopolitique de la Chine, son statut et son influence augmentèrent considérablement. La Chine devint la deuxième économie mondiale en volume, dépassant le Japon avec une marge respectable et laissant l’ex-URSS loin derrière elle. Elle reprit pacifiquement le contrôle de Hong Kong et de Macao et inaugura une politique des « deux systèmes » destinée à réintégrer Taiwan dans le giron national.

31 Monopole rigide sur le commerce extérieur et politique d’autarcie avaient été abandonnés en 1978. Les décisions en matière de commerce extérieur furent décentralisées, le yuan dévalué ; la Chine devint hautement compétitive. Des « zones économiques spéciales » de libre-échange étaient créées. Du fait de ce rôle plus important du marché, la concurrence apparut, la mobilisation des ressources s’améliora, et il y eut satisfaction accrue des consommateurs.

Tableau 4

Tableau 4
Tableau 4 Valeur des exportations de marchandises asiatiques et occidentales en prix constants (1870-2003) (en millions de dollars 1990) 1870 1913 1929 1950 1973 2003 Japon 51 1 684 4 343 3 538 95 105 402 861 Chine 1 398 4 197 6 262 6 339 11 679 453 734 Inde 3 466 9 480 8 209 5 489 9 679 86 097 Indonésie 172 989 2 609 2 254 9 605 70 320 Corée du Sud 6 171 1 292 112 7 894 299 578 Philippines 55 180 678 697 2 608 27 892 Taiwan 7 70 261 180 5 761 134 884 Thaïlande 88 495 640 1 148 3 081 72 233 Total 5 243 17 266 24 294 19 757 145 412 1 547 589 France 3 512 11 292 16 600 16 848 104 161 404 077 Allemagne 6 761 38 200 35 068 13 179 194 171 785 035 Royaume-Uni 12 237 39 348 31 990 39 348 94 670 321 021 États-Unis 2 495 19 196 30 368 43 114 174 548 801 784 Total 25 005 108 036 114 026 112 489 567 550 2 311 917 Source : Angus Maddison, op. cit., 2001, p. 361 pour la période 1870-1973 ; Japon et pays occidentaux mis à jour à partir des chiffres de l’Economic Outlook de l’OCDE (2002) jusqu’en 2001 ; données fondées par la suite sur l’International Financial Statistics du FMI ; pour les autres pays asiatiques, cf. Banque asiatique de développement, Key Indicators(2005); pour Taiwan de 1870 à 1913, cf. S.P.S.Ho, Economic Development of Taiwan, Yale University Press, 1978, p. 379-380 ; pour la Corée de 1900 à 1913, cf. Angus Maddison, op. cit., 1998, p. 140,1870-1900 : mouvement des volumes considéré comme identique à celui du Japon. Pour ce qui concerne Hong Kong, en dollars de 1990, les exportations se montaient à 240 813 millions en 2003 et à 10 379 millions en 1973.

Angus Maddison, op. cit., 2001, p. 361 pour la période 1870-1973 ; Japon et pays occidentaux mis à jour à partir des chiffres de l’Economic Outlook de l’OCDE (2002) jusqu’en 2001 ; données fondées par la suite sur l’International Financial Statistics du FMI ; pour les autres pays asiatiques, cf. Banque asiatique de développement, Key Indicators(2005); pour Taiwan de 1870 à 1913, cf. S.P.S.Ho, Economic Development of Taiwan, Yale University Press, 1978, p. 379-380 ; pour la Corée de 1900 à 1913, cf. Angus Maddison, op. cit., 1998, p. 140,1870-1900 : mouvement des volumes considéré comme identique à celui du Japon. Pour ce qui concerne Hong Kong, en dollars de 1990, les exportations se montaient à 240 813 millions en 2003 et à 10 379 millions en 1973.
Tableau 5

Dynamique des revenus et des exportations, 1950-2003

Tableau 5
Tableau 5 : Dynamique des revenus et des exportations, 1950-2003 (taux de croissance annuel moyen composé) PNB par habitant Volume des exportations 1950-1973 1973-1990 1990-2003 1950-1973 1973-1990 1990-2003 Japon 8,1 3,0 0,9 15,3 6,7 2,6 Chine 2,9 4,8 6,8 2,7 10,3 16,5 Inde 1,4 2,6 3,9 2,5 3,7 12,8 Indonésie 2,6 3,1 2,6 6,5 6,0 8,1 Corée du Sud 5,8 6,8 4,7 20,3 13,2 12,5 Philippines 2,7 0,7 1,0 5,9 6,9 10,0 Thaïlande 3,7 5,5 3,4 4,9 11,5 5,5 Taiwan 6,7 5,3 4,3 16,3 12,6 9,2 Hong Kong 5,2 5,5 2,1 0,6 5,5 2,1 France 4,0 1,9 1,3 8,2 4,2 5,2 Allemagne 5,0 1,7 1,2 12,4 4,5 5,1 Royaume-Uni 2,4 1,9 2,0 3,9 4,0 4,3 États-Unis 2,5 2,0 1,7 6,3 4,9 5,6 L’interaction avec l’économie mondiale augmenta massivement : commerce, afflux d’investissements directs, multiplication des possibilités données aux Chinois d’étudier et de voyager à l’étranger tout comme aux étrangers de se rendre en Chine. Le stock en investissements directs étrangers pour 1998 était plus important que celui de n’importe quel autre pays, mis à part les États-Unis et le Royaume-Uni. La Chine a en même temps eu la prudence de conserver le contrôle des mouvements de capitaux internationaux les plus volatils. Bien qu’il lui ait fallu attendre quinze ans avant d’être admise au sein de l’Organisation mondiale du commerce, elle est désormais le troisième exportateur de la planète.

Dynamique des revenus et des exportations, 1950-2003

Perspectives

32 La Chine a encore d’importants problèmes à résoudre. La disparité entre régions reste très grande – le revenu moyen par foyer à Shanghai est presque huit fois plus élevé que dans le Guizhou, la province la plus pauvre. Les gros différentiels entre villes et campagnes en matière de revenu, d’éducation, de santé et d’emploi sont des raisons majeures de frustration.

33 De vastes entreprises industrielles d’État, rescapées de la période Mao, subsistent. La plupart d’entre elles à pertes considérables. Elles survivent grâce aux subventions du gouvernement et aux prêts que les banques d’État sont contraintes de leur accorder, même si leur importance relative a décliné de façon significative. En 1996, le secteur industriel d’État employait 43 millions de personnes ; ce chiffre est retombé à 18 millions en 2001.

34 Le gros volume d’emprunts non productifs, dans un secteur bancaire en grande partie contrôlé par l’État, représente un autre problème majeur (et lié au premier), même s’il ne se pose pas dans des proportions aussi considérables qu’au Japon : l’État ne mobilise pas de manière efficace les fonds reçus des épargnants.

35 Il est néanmoins difficile d’envisager avec pessimisme l’avenir d’une économie qui a manifesté un tel dynamisme au cours du dernier quart de siècle, où l’investissement étranger et le commerce étranger ont fortement contribué à améliorer la mobilisation des ressources. Certes, par rapport aux standards internationaux, la Chine demeure un pays à bas revenus et à basse productivité, mais, précisément pour cette raison, elle a des chances de rattraper rapidement son retard que n’ont pas des économies plus avancées, plus proches des frontières de la technologie. Les pays en retard peuvent puiser dans le fonds technologique de ceux qui sont en pointe dans la constitution de leur capital humain et physique, dans le processus d’ouverture de leurs économies au commerce international et dans la mise en place d’institutions susceptibles de promouvoir la capacité d’absorption et la stabilité politique, comme le Japon entre 1868 et les années 1970. Quand les pays qui sont en train de rattraper leur retard se rapprocheront des pays de tête, en revanche, leur taux de croissance se ralentira sans doute.

Tableau 6

La Chine dans le système économique mondial (1300-2030)

Tableau 6
Tableau 6 : La Chine dans le système économique mondial (1300-2030) Chine Japon Inde Europe États-Unis Monde Chine/Monde occidentale population (millions) 1300 100,0 10,5 88,0 58,4 1,7 360,0 0,28 1500 103,0 15,4 110,0 57,3 2,0 438,4 0,23 1820 381,0 31,0 209,0 133,0 10,0 1 041,8 0,37 1913 437,1 51,7 303,7 261,0 97,6 1 791,1 0,24 1950 546,8 83,8 359,0 304,9 152,3 2 524,3 0,22 1973 881,9 108,7 580,0 358,8 211,9 3 916,5 0,23 2003 1 288,4 127,2 1 049,7 394,4 290,3 6 280,0 0,21 2030 1 485,0 121,0 1 409,0 380,0 358,0 8 270,0 0,18 PNB par habitant (dollars internationaux, 1990) 1300 600 475 500 593 400 530 1,13 1500 600 500 550 771 400 566 1,06 1820 600 669 533 1 204 1 257 667 0,90 1913 552 1 387 673 3 458 5 301 1 525 0,36 1950 439 1 921 619 4 579 9 561 2 111 0,21 1973 839 11 434 852 11 416 16 689 4 091 0,21 2003 4 392 21 218 2 160 19 638 29 054 6 453 0,68 2030 14 415 28 599 6 228 30 146 44 600 11 413 1,26

La Chine dans le système économique mondial (1300-2030)

tableau im8
Chine Japon Inde Europe États-Unis Monde Chine/Monde occidentale PNB (milliards de dollars internationaux, 1990) 1300 60,0 5,0 44,0 34,6 0,7 190,0 0,32 1500 61,8 7,7 60,5 44,2 0,8 248,3 0,25 1820 228,6 20,7 111,4 160,1 12,5 695,3 0,33 1913 241,3 71,7 204,2 902,3 517,4 2 732,0 0,09 1950 239,9 161,0 222,2 1 396,2 1 455,9 5 330,0 0,05 1973 740,0 1 242,9 494,8 4 096,5 3 536,6 16 022,7 0,05 2003 5 659,2 2 699,0 2 267,1 7 745,4 8 435,6 40 525,3 0,14 2030 21 406,0 3 460,0 8 775,0 11 455,0 15 967,0 94 382,0 0,23 Source pour 1300-2003, cf. Angus Maddison, op. cit., 2003, mis à jour. Les projections de population pour 2030 découlent de la variante médiane de la Population Division des Nations unies; cf. World Population Prospects, 2000 Revision, New York, ONU, 2001. Les projections par habitant pour les différentes parties de l’économie mondiale sont une version révisée de <www.ggdc. net/ Maddison>,«Evidence to House of Lords Committee on Economic Affairs». Elles ne résultent pas d’un exercice économétrique, mais se fondent sur une analyse des variations du rythme de la croissance dans les différents secteurs de l’économie mondiale, et la probabilité de leur poursuite ou de leur évolution. Les estimations ci-dessus des niveaux de PNB sont ajustées de façon qu’elles reflètent les parités du pouvoir d’achat selon l’indice de l’année 1990 ; cf. Angus Maddison, op. cit., 1998, p. 149-166. En Chine, le pouvoir d’achat du yuan est beaucoup plus élevé que le taux de change. Les analyses comparatives commettent souvent des erreurs significatives parce qu’elles ignorent les pièges de la conversion des taux de change et sous-estiment donc sérieusement le niveau du PNB chinois. Cela est vrai dans la presse, dans les discours politiques et chez certains économistes. Ainsi, les journaux affirment fréquemment que le Japon est la deuxième économie mondiale, bien que son PNB, comparé au PNB chinois, soit plus de moitié moindre. Les statistiques officielles chinoises exagèrent par ailleurs la croissance du PNB pour des raisons expliquées inAngus Maddison, ibid., 1998, qui réévalue en détail les résultats économiques de la Chine jusqu’en 1995. Pour 1995-2003, j’ai effectué le même type d’ajustement vers le bas par rapport aux estimations officielles de croissance en valeur ajoutée réelle dans l’industrie et les services « non productifs ».

pour 1300-2003, cf. Angus Maddison, op. cit., 2003, mis à jour. Les projections de population pour 2030 découlent de la variante médiane de la Population Division des Nations unies; cf. World Population Prospects, 2000 Revision, New York, ONU, 2001. Les projections par habitant pour les différentes parties de l’économie mondiale sont une version révisée de <www. ggdc. net/ Maddison>,«Evidence to House of Lords Committee on Economic Affairs». Elles ne résultent pas d’un exercice économétrique, mais se fondent sur une analyse des variations du rythme de la croissance dans les différents secteurs de l’économie mondiale, et la probabilité de leur poursuite ou de leur évolution. Les estimations ci-dessus des niveaux de PNB sont ajustées de façon qu’elles reflètent les parités du pouvoir d’achat selon l’indice de l’année 1990 ; cf. Angus Maddison, op. cit., 1998, p. 149-166. En Chine, le pouvoir d’achat du yuan est beaucoup plus élevé que le taux de change. Les analyses comparatives commettent souvent des erreurs significatives parce qu’elles ignorent les pièges de la conversion des taux de change et sous-estiment donc sérieusement le niveau du PNB chinois. Cela est vrai dans la presse, dans les discours politiques et chez certains économistes. Ainsi, les journaux affirment fréquemment que le Japon est la deuxième économie mondiale, bien que son PNB, comparé au PNB chinois, soit plus de moitié moindre. Les statistiques officielles chinoises exagèrent par ailleurs la croissance du PNB pour des raisons expliquées inAngus Maddison, ibid., 1998, qui réévalue en détail les résultats économiques de la Chine jusqu’en 1995. Pour 1995-2003, j’ai effectué le même type d’ajustement vers le bas par rapport aux estimations officielles de croissance en valeur ajoutée réelle dans l’industrie et les services « non productifs ».

36 Le tableau 6 indique des perspectives quant au rôle à venir de la Chine dans l’économie mondiale et pour ce qui est de ses chances de croissance dans le prochain quart de siècle par rapport à d’autres économies majeures. J’ai estimé que serait enregistré un ralentissement important du taux de croissance par habitant, taux qui passerait de 6,8 % par an pendant la période 1990-2003 à 4,5 % par an entre 2003 et 2030. Ce ralentissement est garanti par le fait que la Chine, pendant sa période de réformes, a pu augmenter le taux d’activité et le niveau moyen d’éducation de la main-d’œuvre à un point qui ne peut se reproduire ; on peut s’attendre à ce que la prime de productivité découlant du processus de rattrapage décline au fur et à mesure que le pays se rapprochera des frontières de la technologie. Mais, même à partir de ces prémisses plutôt conservatrices, la Chine redeviendra la première économie du monde en 2030, avec un PNB d’un peu plus de 21 000 milliards de dollars (selon les prix et le pouvoir d’achat de 1990), et les États-Unis prendraient la deuxième place avec un PNB d’environ 16 000milliards de dollars (en termes de prix et de pouvoir d’achat de 1990). Le niveau moyen par habitant équivaudra au tiers de celui des États-Unis et sera situé bien au-dessus de la moyenne mondiale.

37 Traduit de l’anglais par Mélanie Torrent

Notes

  • [1]
    Cf. A. Eckstein, K. Chao, J. Chang, « The Economic Development of Manchuria : The Rise of a Frontier Economy », Journal of Economic History, 1974, p. 325-264.
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