Notes
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[1]
Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
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[2]
Voir, entre autres contributions, celles de Freud, 1909 ; Klein, 1923 ; Saussure, 1932 ; Ajuriaguerra, 1951 ; Diatkine, 1972 ; Flagey, 1977 ; Birraux, 2001 ; Berger, 2006 ; Catheline, 2012 ; Ciccone, 2013 et Chagnon, 2014.
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[3]
Ces critères se retrouvent dans la classification internationale des maladies, la cim-10 (oms, 1994), et dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le dsm-IV (American Psychiatric Association, 2004).
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[4]
En 1993, 82,5 % des 11,1 millions d’actes effectués par les orthophonistes concernent des clients âgés de moins de 16 ans (http://fulltext.bdsp.ehesp.fr/Cnamts/PointStat/20/1.pdf).
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[5]
Sources : tableau pages 12 et 13 de l’« Étude sur les champs d’interventions des orthophonistes » : http://www.sante.gouv.fr/img/pdf/Etude_sur_le_metier_d_orthophoniste.pdf
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[6]
Serge Boimare (1999, p. 165-168) regrette que ces méthodologies ne soient en réalité pas vraiment innovantes, mais présentées comme telles car ignorant les outils traditionnellement utilisés en psychopédagogie depuis près d’un siècle.
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[7]
Pour reprendre l’expression de Hegel, développée par Heidegger et Althusser, reprise et conceptualisée par Roussillon (2015).
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[8]
« Dans ces conceptions, la souffrance psychique est toujours une maladie, jamais une expression de mal-être, et la visée de tout acteur du soin est la “santé”, à un moindre coût » (Ciccone, 2015, p. 8).
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[9]
Nous pourrions citer le rapport polémique de l’Inserm (2005) sur les troubles des conduites et son utilisation démagogique à des fins électoralistes. Ce rapport a conduit un certain nombre de professionnels de l’enfance à créer un collectif « Pas de zéro de conduite » qui a produit plusieurs travaux (2006, 2008) dénonçant les modalités d’organisation, les résultats et les effets sur l’opinion de ce type de rapport.
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[10]
Sur son site internet, la Fédération française des « dys » présente délibérément les « troubles dys » comme « innés » tout en reconnaissant que, éventuellement, « certains enfants victimes d’un traumatisme crânien » pourraient également présenter des troubles cognitifs spécifiques touchant leurs capacités d’apprentissage. http://www.ffdys.com/troubles-dys/nature-des-troubles/introduction.htm (mise à jour du 10 juillet 2015).
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[11]
Il y a aujourd’hui un hiatus important entre une approche scientifique « neuro-développementale » qui met de côté une définition innéiste des troubles spécifiques des apprentissages et une perspective idéologique et scientiste – se réclamant d’une approche scientifique –, qui continue à nier ou à minimiser le rôle de l’influence environnementale (psychologique, pédagogique, sociale) sur ces troubles, ignorant manifestement l’existence de « travaux menés sur d’autres espèces qui ont montré que des traits fortement héritables ou héréditaires sont particulièrement sensibles aux effets de l’environnement » (Dworczak, 2004, p. 217).
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[12]
Lire à ce sujet l’important article du journal de l’Association médicale américaine consacré à l’étude de l’efficacité des psychothérapies analytiques chez les patients traités pour des troubles mentaux complexes qui s’est appuyé sur cinquante années de données médicales (Glass, 2008).
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[13]
Ce recours aux médiations est ancien dans l’histoire du soin, notamment en psychothérapie psychanalytique d’enfants. Cependant, la théorisation comme la pratique de ces médiations avaient été jusque-là négligées par les psychanalystes : les groupes à médiation sont souvent animés par des infirmiers, des éducateurs, des « art-thérapeutes », encore trop peu par des psychologues référés à l’épistémologie psychanalytique, même si cela évolue actuellement – en témoignent par exemple les nombreux travaux de recherche initiés ces dernières années par les doctorants et les enseignants-chercheurs du Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique de l’université Lumière Lyon 2 sur les médiations thérapeutiques.
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[14]
La psychanalyste Marion Milner souligne la manière dont l’enfant en psychothérapie utilise des jouets, des objets ou des matériaux divers, comme l’artiste utilise un « medium malléable ». Ce concept de « medium malléable » fut introduit par Marion Milner en 1950, puis prolongé et renouvelé par René Roussillon à partir de 1991.
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[15]
Winnicott (1974) dénomme « agonies primitives » les angoisses inimaginables du bébé, « terreurs sans nom » (Bion, 1967), terreurs extrêmes, sans fin et sans limites où le sujet n’a d’autre solution que de se retirer de l’expérience afin de pouvoir survivre. Ces expériences primitives catastrophiques n’ont donc pu être représentées, jamais figurées, car elles n’ont en quelque sorte pas été éprouvées par le sujet.
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[16]
Cette expression que nous empruntons aux remarquables travaux des équipes de la Tavistock Clinic sur cette question (Youell, 2006) se démarque de la préoccupation obsessive de la psychiatrie médicalisée de déterminer une origine causale aux difficultés d’apprentissage pour adopter le positionnement autrement plus fécond et complexe de la psychopathologie clinique qui intègre les dimensions d’intersubjectivité et de négativité des processus (Chagnon, 2014, p. 28).
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[17]
Service éducatif spécialisé et de soin à domicile (accompagnement pluridisciplinaire sur notification de la Maison départementale de la personne handicapée).
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[18]
Cette expérience groupale présentée par Frédérik Guinard sera plus longuement développée dans son travail de thèse de psychologie et psychopathologie clinique : « Troubles des apprentissages de l’enfant en période de latence. Intérêt thérapeutique des groupes à médiation », sous la direction d’Anne Brun, université Lumière Lyon 2.
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[19]
Expérience subjective décrite par Winnicott (1969) et dénommée ainsi par Roussillon (1991, p. 121), elle permet au bébé de localiser dans le domaine de la vie psychique la destructivité éprouvée à l’égard de l’objet primaire.
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[20]
Les équipes éducatives et pédagogiques essayent de contrôler tous les paramètres des dispositifs groupaux qu’ils mettent en place (nombre de jeunes, écart d’âge, homogénéité des problématiques…) de manière que tout se passe le mieux possible dans le groupe. Dans ces styles très « contenants » de prise en charge, les intervenants se retrouvent à anticiper tout risque d’émergence d’angoisses, de violences ou de plaisirs excessifs dans le groupe.
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[21]
Nous remarquons que les options méthodologiques de la psychanalyse convergent avec de nombreuses tentatives récentes de créer des dispositifs de réorganisation neurofonctionnelle des troubles « dys » par la stimulation de la motricité (Padovan, 1995), de la sensorialité (Tomatis, 1995) ou de la sensori-motricité (Davis, 1995) dans l’optique d’une récapitulation des différents stades du développement.
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[22]
Concernant la question de l’évaluation de ces dispositifs-cadres thérapeutiques, un travail de recherche proposera de repérer, à l’aide d’un tableau de repérage clinique, les expériences précoces de jeux d’apprentissage qui n’ont pas eu la possibilité de se vivre dans le cadre rythmique d’un plaisir partagé avec l’objet et d’une reprise intégrative seul en présence de l’objet (Brun et Guinard, à paraître).
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[23]
C’est le choix sans concession réalisé notamment par les psychiatre et docteur en neurosciences Nicolas Georgieff et Mario Sperenza (2013) pour une approche clinique de la psychopathologie de l’intersubjectivité.
« Ces enfants au carrefour de toutes nos théories nous lancent un défi passionnant et nous invitent à mieux comprendre, en nous aussi, les rapports de la vie affective et de la connaissance. »
1 Les difficultés d’apprentissage observées chez l’enfant dans un cadre scolaire constituent un objet traditionnel de la psychopathologie clinique et de la psychopédagogie. Dans le cadre des rased [1] à l’école primaire, en centre médico-psychologique ou en cabinet libéral, l’accueil et l’accompagnement des jeunes en difficulté scolaire effectués par des générations successives de psychologues cliniciens et de psychanalystes depuis le début du xxe siècle ont permis d’élaborer progressivement une lecture clinique assez fine des enjeux affectifs à l’œuvre dans la psychopathologie des apprentissages et dans le développement cognitif de l’enfant [2]. En parallèle de ces travaux se situent les apports décisifs de la psychologie du développement (un temps appelé « psychologie génétique ») avec l’importance des modélisations de chercheurs comme Piaget, Vygotski et Binet sur le fonctionnement intellectuel de l’enfant.
2 Dans ce paysage scientifique de la fin des années 1980, l’arrivée de la désignation diagnostique « troubles spécifiques des apprentissages scolaires », objet des neurosciences cognitives, est venue considérablement mettre en tension les modèles existants de compréhension des difficultés d’apprentissage sur le plan des théories du développement affectif et cognitif de l’enfant, sur le plan des méthodologies d’accompagnement et de prise en charge, ainsi que sur le plan politique, social et économique.
3 Après un bref rappel des enjeux scientifiques de ce débat contemporain entre les travaux des neurosciences et les recherches psychanalytiques concernant le champ des apprentissages, cet article montrera, à l’appui d’une situation clinique, qu’une approche psychodynamique se basant sur l’utilisation de médiations thérapeutiques rend possibles non seulement une autre lecture de ces troubles instrumentaux, mais aussi, à la faveur d’une mobilisation de la symbolisation primaire, une amélioration de leur prise en charge.
Enjeux scientifiques et débats autour des troubles spécifiques des apprentissages
4 La catégorie des « troubles spécifiques des apprentissages » concerne tout trouble instrumental affectant la mise en place et le bon fonctionnement d’apprentissages comme le langage oral, la lecture, l’écriture, le calcul, mais aussi les fonctions exécutives (Moret et Mazeau, 2013). Le vocable « spécifique » renvoie directement à une étiologie définie par la négative : ces troubles ne doivent avoir comme « cause primaire » ni un retard global, ni un handicap sensoriel, ni un environnement familial défavorable, ni des troubles mentaux avérés, ils ne seraient dus qu’à des facteurs intrinsèques au sujet, c’est-à-dire à une origine neurobiologique (Rutter, 1989 ; Fletcher et coll., 2004). Ces critères [3], qui excluent tout effet de l’environnement sur l’émergence des troubles des apprentissages affectant l’enfant dans ses acquisitions cognitives et sa progression scolaire, se situent d’emblée dans une antinomie manifeste avec les théories psychanalytiques sur la psychopathologie des apprentissages ; tant et si bien que la prise en compte de cette définition de troubles « spécifiques » des apprentissages et son acception dans les recherches en psychopathologie clinique constituent une vraie question, sujette à débat, voire à controverses.
5 Depuis l’inclusion de la « dyslexie de développement » dans la classification des maladies génétiques, le 7 mai 1997, puis la proposition de considérer les troubles du langage comme un « handicap cognitif » dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées, l’augmentation des prises en charge spécialisées en orthophonie ou en remédiation cognitive a été spectaculaire. Passant en France d’au moins 9,2 millions d’actes [4] en 1993 à près de 17,4 millions d’actes [5] en 2010, les rééducations orthophoniques du langage écrit, des troubles des fonctions exécutives et des dyscalculies, des retards de parole et du langage oral ont pratiquement vu leur nombre doubler en l’espace de vingt ans. Ces approches spécialisées ont offert de nouvelles perspectives à la prise en charge de la symptomatologie scolaire des enfants en proposant des tests de repérage et de dépistage de la dyslexie, avant et après l’entrée dans la lecture, des propositions rééducatrices, des programmes d’entraînement spécifique pour l’amélioration de la conscience phonologique, de la mémoire, de l’acuité auditive et visuelle, des repères temporo-spatiaux, etc. (Petiniot, 2012).
6 Ces « nouvelles [6] » techniques de prise en charge ont été accueillies de manière mitigée par nombre de professionnels et d’équipes médico-psychologiques qui déploraient dans cette approche les effets de simplification des symptômes présentés par l’enfant dans le cadre scolaire. En effet, en se proposant de rééduquer « spécifiquement » ces troubles, ceux-ci avaient de plus en plus tendance sur le terrain à être perçus et traités comme des « processus sans sujets [7] », comme des phénomènes sans histoire, sans signification et sans dimensions intersubjectives et intrapsychiques. Dans sa note de lecture accompagnant l’expertise collective de l’inserm « La dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie », Nicolas Georgieff remarquait que cette tendance à « subordonner de manière réductrice la psychopathologie au fonctionnement cognitif » pourrait se comprendre aussi comme une tentative de « contester la subordination inverse et tout aussi réductrice des troubles des apprentissages aux facteurs psychologiques » (2007, p. 817).
7 Par ailleurs, il faut remarquer que ces nouvelles modalités d’éducation et de soin se propagent et prospèrent dans un contexte social où le discours dominant est celui d’une langue marchande, économique, scientiste [8]. Dans ce climat singulier, il s’agit d’être attentif aux risques de dérives de l’utilisation systématique [9] d’un paradigme qui pourrait devenir un référentiel unique et de critiquer « sa méconnaissance de la psychopathologie clinique, ses tendances parfois réductionnistes, sa prétention déterministe linéaire, son essentialisme et sa croyance en une incurabilité stricte, en dépit des avancées des neurosciences elles-mêmes qui valorisent les notions de plasticité cérébrale et d’épigenèse interactive » (Chagnon, 2014, p. 10-11).
8 Car une lecture attentive des travaux neuroscientifiques nous amène en effet à considérer que les recherches fondamentales qui sous-tendent ces techniques de remédiation et de rééducation sont en réalité beaucoup plus prudentes et nuancées qu’il n’apparaît, notamment sur la question de leur causalité : en effet, si l’imagerie fonctionnelle ne laisse aucun doute aujourd’hui sur la localisation neurologique de troubles instrumentaux comme la dyslexie de développement (Habib, 2004 ; Ramus, 2005), de nombreuses interrogations subsistent encore sur les liens entre ces anomalies neurologiques et les manifestations symptomatiques présentées par les enfants et les caractéristiques culturelles du modèle d’écriture concerné (Dehaene, 2007). Plus encore, les chercheurs qui s’intéressent aux mécanismes complexes du développement cognitif élaborent aujourd’hui des modèles où « contraintes génétiques et facteurs environnementaux sont intimement imbriqués » (Dworczak, 2004, p. 17) et s’intéressent aux premières interactions bébé-environnement et au contexte d’émergence de ces troubles de la cognition et de la construction des savoirs (Findji, Ruel, Pêcheux, 1999).
9 Si repérer une causalité unilatérale dans la compréhension des troubles d’apprentissage n’est donc plus envisagé sérieusement par les chercheurs en neurosciences, du moins en ces termes, c’est en revanche profondément au travail dans les familles d’enfants en difficulté scolaire et au sein des équipes pluridisciplinaires qui les accompagnent, mais aussi chez les associations d’usagers et dans les médias, qui posent encore « tel quel » le problème de la distinction entre ce qui serait dû à l’hérédité d’une part et ce qui serait dû à l’éducation et à l’environnement d’autre part [10]. En opposant de manière simplificatrice hérédité et environnement, avec l’implicite que plus un trait serait héritable, au sens de génétiquement transmis, moins il serait modulable par l’environnement, cette tendance réductionniste produit d’importantes contradictions épistémologiques [11] lorsqu’elle se met en œuvre de présenter et d’expliquer ces troubles dits « spécifiques » au grand public, aux politiques ou aux professionnels de l’éducation.
Évolutions paradigmatiques de la psychanalyse vers de nouveaux dispositifs-cadres
10 De manière moins spectaculaire que l’arrivée des neurosciences dans le paysage scientifique et politique contemporain, la métapsychologie psychanalytique s’est vue profondément revisitée, depuis une trentaine d’années, sous l’influence de nouvelles pratiques auprès de situations cliniques dites « extrêmes », mais aussi au contact d’autres champs disciplinaires (travaux de l’école Palo-Alto, des théoriciens de l’attachement, des sciences sociales ou encore de l’éthologie…). Cette progressive transformation de la théorie psychanalytique, de ses modélisations à partir de la pratique et de ses explorations du côté des champs connexes ou étrangement familiers (citons aussi la littérature, le cinéma, la peinture…) est particulièrement méconnue chez les opposants d’une psychanalyse décrite comme datée et dépassée.
11 Dans les contextes de l’accompagnement clinique en libéral, de l’accueil en psychiatrie ou des prises en charge médico-sociales, les dispositifs « classiques » d’orientation psychanalytique ont fait preuve de leur efficacité thérapeutique [12]. Cependant, ces dispositifs standards, consistant principalement en des accompagnements individuels ou familiaux, présentent des limites dès lors que le clinicien intervient, par exemple, auprès d’enfants autistes, d’adultes psychotiques, de personnes en errance ou incarcérées. Auprès de ces cliniques « extrêmes », ou « situations limites de la subjectivité », selon la terminologie de René Roussillon (1999), les dispositifs de soin articulés autour d’un medium (comme la peinture, le modelage, la musique, l’eau, la danse, etc.) se sont avérés très pertinents, même si l’utilisation de ces media ne saurait être thérapeutique en soi, car elle nécessite la construction d’un cadre-dispositif spécifique [13].
12 L’originalité de ces médiations thérapeutiques consiste à permettre aux patients en difficulté majeure avec la symbolisation d’engager un travail de figuration à partir des qualités sensorielles d’un « medium malléable [14] » dont la manipulation s’inscrit dans une dynamique transférentielle où entre en jeu la sensori-motricité. Le clinicien doit alors opérer une extension de sa capacité d’écoute à la prise en compte de ce langage mimo-gesto-postural et se centrer sur l’associativité propre au langage du corps et de l’acte. Dans leur Manuel des médiations thérapeutiques, Anne Brun, Bernard Chouvier et René Roussillon (2013) ont récemment proposé la modélisation d’une métapsychologie des médiations thérapeutiques, qui s’inscrit dans le cadre de ces changements épistémologiques majeurs de la psychanalyse.
13 Dans le cadre de ces dispositifs thérapeutiques, des expériences primitives non symbolisées vont pouvoir se figurer et se mettre en sens pour le patient par l’intermédiaire d’une appropriation subjective de celles-ci. Ce sont ces expériences primitives catastrophiques qui vont se réactiver dans les groupes auprès d’enfants psychotiques (Brun, 2007) où la sensorialité du medium va permettre d’enclencher un processus de réactualisation d’éprouvés somato-psychiques impensables, souvent d’ordre agonistique [15]. Il s’agit par exemple d’angoisses de chute sans fin, de liquéfaction, de tomber en morceaux, de se répandre dans l’espace, d’angoisses d’explosion, d’aspiration, de vidange… Winnicott (1974) a insisté sur la nécessité de symboliser après coup ces agonies primitives en favorisant leurs conditions d’émergence dans le transfert. Par rapport au cadre de la cure classique, la spécificité de la symbolisation dans les médiations thérapeutiques consiste donc à s’effectuer à partir du registre sensori-moteur et dans le lien transférentiel au medium, à la fois matériau et thérapeute. C’est le transfert qui donnera un sens à ces expériences impensables, d’ordre corporel et affectif.
14 Dans cette perspective et pour revenir à la question des difficultés instrumentales chez l’enfant, nous allons examiner tout l’intérêt de cette démarche psychanalytique lorsqu’elle s’intéresse aux sujets « troublés » dans leurs apprentissages, ainsi qu’à la question de leur accompagnement.
Entendre et accompagner l’enfant en deçà des difficultés actuelles d’apprentissage
15 Une série d’expériences d’apprentissages préexiste nécessairement aux troubles instrumentaux qui sont repérés sur le plan des apprentissages dits « scolaires » : lorsqu’il commence à apprivoiser la lecture ou l’écriture, l’enfant a déjà réalisé d’importants apprentissages (la marche, la propreté, la parole, pour les plus remarquables) ainsi que de nombreuses conquêtes cognitives qui, de jeux en découvertes (reconnaissance d’animaux, apprentissage par cœur de petites comptines, association de mots, reproduction de rythme, etc.), lui ont permis d’arriver à une autonomie suffisante pour qu’une inscription à l’école devienne envisageable. Cette mise en perspective d’apprentissages préscolaires, rythmiques, psychomoteurs et langagiers avec les apprentissages scolaires, pédagogiques, comportementaux et déclaratifs, permet de reconsidérer le processus de développement intellectuel dans le contexte d’un processus de subjectivation et d’une relation d’apprentissage [16].
16 L’observation clinique des enfants en échec scolaire nous conduit en effet à repérer un vaste champ de troubles touchant à des degrés divers et de manière plurimodale plusieurs domaines de fonctions cognitives (Habib, 2004, p. 220 ; Berger, 2006, p. 196). Mais ces symptômes, qui polarisent à juste titre toute l’attention des parents et des équipes pédagogiques qui prennent en charge ces enfants, sont souvent accompagnés chez les enfants par des phénomènes moins remarqués, mais tout aussi inquiétants : un appauvrissement de leur capacité de pensée métaphorique, une pauvreté fantasmatique, une incapacité de représenter les affects à travers le langage ou d’autres moyens symboliques (Flagey, 1977 dans Chagnon, 2014, p. 38) et une restriction de leur curiosité envers les objets d’apprentissage, l’ensemble de ces caractéristiques se verrouillant dans des « peurs d’apprendre » (Boimare, 1999) et des comportements anti-apprentissages, entravant à la source tout mouvement spontané et actif en direction de nouvelles expériences.
17 La situation d’un enfant pris en charge pour des troubles spécifiques des apprentissages va nous permettre d’illustrer la manière dont une approche psychodynamique vient éclairer ces comportements qui régulièrement mettent en échec les tentatives de remédiation orthophonique en touchant aux dimensions fondamentales du plaisir d’apprendre.
18 André a 10 ans lors de son arrivée au sessad [17]. Ses parents sont séparés depuis cinq ans et la mère (45 ans) nous déclare qu’elle n’a pas « refait sa vie », car elle se consacre énormément à son travail. Son père (55 ans) travaille dans le secteur du tourisme à plusieurs centaines de kilomètres de là. Après un bilan orthophonique sont diagnostiquées chez André une dyslexie-dysorthographie importante et des difficultés à automatiser la reconnaissance de sons à l’oral et à l’écrit. En parallèle de ces troubles spécifiques d’apprentissage qui ont motivé la demande de prise en charge en sessad via la mdph et la demande parentale, d’autres difficultés scolaires sont repérées chez André : identifiées aussi bien en individuel qu’en groupe-classe, elles se traduisent par des refus de travailler, de l’exubérance, de l’insolence parfois qui obligent les intervenants à le « recadrer ». André est un enfant qui est aussi décrit comme « à fleur de peau » : sont évoqués des troubles de l’alimentation, de l’anxiété et de nombreux tics (cligne des yeux, tord la bouche).
19 À la suite d’une période d’observation durant laquelle André fera connaissance avec les professionnels intervenant au sessad, nous lui proposons de participer à un groupe « peinture » coanimé par une éducatrice spécialisée et un psychologue clinicien [18]. Le groupe peinture est composé de quatre préadolescents. Nous leur proposons dès la première séance de construire leur propre support de peinture en utilisant un grand rouleau de toile de lin et des châssis en bois. Ils peuvent ainsi choisir la taille de leur future toile et commencer le groupe par la construction de leur support. Il s’agit de couper une surface de toile et de l’agrafer sur un cadre vide. Nous les invitons ensuite à peindre avec les couleurs acryliques que nous avons disposées au centre de la pièce et en utilisant les rouleaux, les pinceaux ou les éponges « comme ils le souhaitent » pour créer un « tableau ». À la fin de chaque séance, nous encourageons un temps de nettoyage des instruments, puis un temps de déambulation parmi les toiles durant lequel ils ont la possibilité de s’exprimer au sujet des toiles des autres (nous sommes attentifs à rappeler que nous ne devons pas être dans le jugement des toiles exposées, ils sont invités à dire à voix haute ce que ces toiles leur évoquent). Tout au long du groupe, ils sont libres de terminer à tout moment leur tableau et de changer de toile.
20 Lors de la première séance, André va discrètement chercher dans une autre salle un crayon de papier, une gomme et une règle, alors que nous n’avions mis à disposition que de la peinture et des pinceaux. Sur sa toile de lin, il commence à tracer les contours d’une guitare, mais ne parvient pas à avancer, cela ne lui convient pas… Il ne cesse de gommer ce qu’il fait, ce qui, sur la toile de lin, produit de grandes traces grises. Les autres enfants ont tous commencé à peindre. Lors de la deuxième séance, il remplit sa palette d’une couleur jaune orangé et en remplit les trois quarts de sa toile, recouvrant ainsi le dessin au crayon de la guitare. Il fait gicler de la peinture sur les murs qui ne sont pas protégés, sur les fauteuils du bureau et même, à la fin de la séance, sur la tête de l’éducatrice. Il peint à la fois sur sa toile et sur la bâche autour de sa toile. Il utilise tellement de peinture que tout son espace devient poisseux et que la peinture passe au travers de la bâche protectrice sur le mur. Ainsi il vide à lui seul tout un tube de jaune qui était prévu pour tout le groupe et pour plusieurs séances. Il n’ajoute que très peu d’eau à sa peinture et il ne parvient pas à remplir totalement son fond malgré la quantité impressionnante de peinture employée. Il finit la séance avec les mains « pleines de jaune ».
21 Tout l’enjeu du travail en médiation thérapeutique se retrouve bien dans ces séances où la médiation peinture se révèle un « medium malléable » tel que Marion Milner l’a défini, comme désignant à la fois le matériau, la matière et le thérapeute. Le thérapeute est le représentant du medium, comme le medium est le représentant du thérapeute. Le medium malléable renvoie donc conjointement à la matérialité du cadre et à la dimension transférentielle. Le travail avec ce medium malléable va permettre l’émergence et la mise en forme de protoreprésentations, qui renvoient à une inscription des premières expériences de la relation à l’objet-environnement, expériences d’ordre sensoriel et affectif. Ces protoreprésentations se caractérisent par une indissociabilité entre corps, psyché et monde, ou entre espace corporel, espace psychique et espace extérieur. C’est la façon dont Piéra Aulagnier (1975) définit les pictogrammes, proches aussi des formes autistiques décrites par Frances Tustin (1984). Dans les médiations picturales, on pourrait les caractériser par exemple comme une « sensation main agrippée à la feuille », chez des enfants qui ne peuvent que faire de la peinture au doigt en restant longtemps collés à la feuille, une « feuille/peau caressée » ou encore un « moi/pinceau englouti dans la peinture » (Brun, 2007). Avec la constitution de son fond jaune, André vient nous traduire en gestes/sensations la question de la rencontre avec l’environnement primaire autour d’une expérience de débordement : dans un premier temps, il n’est pas là où les adultes l’attendent, il utilise un crayon, alors qu’il ne lui était présenté que de la peinture. Puis il y a du « trop », le fond de son tableau déborde de matière, submerge le lien à l’autre, il y en a tant qu’il existe une grande porosité entre la forme et le fond… Tout devient indistinct et les protections que nous avions installées pour éviter de tacher le mur se gorgent de cette matière pâteuse.
22 Au début de la quatrième séance, j’ai l’impression qu’à l’image des autres enfants du groupe André va changer de toile pour en prendre une autre, vierge. Mais, après avoir littéralement arraché la première toile de son support en bois, il se met à la froisser, la déchirer ou la marquer avec tout ce qui lui tombe sous la main. Avec l’éducatrice, nous avons beaucoup de mal à le cadrer et nous lui rappelons qu’il peut faire ce qu’il souhaite de sa toile du moment qu’il reste dans l’espace de groupe (il veut l’emmener sur la route pour la frotter sur le goudron). Il laisse tomber alors sa toile à terre et continue à la maltraiter durant toute la séance devant les autres enfants qui rient tout en étant quand même assez mal à l’aise.
23 Lors de la cinquième séance, en entrant dans la salle, André est assez surpris et presque joyeux que – à l’instar de toutes les autres toiles du groupe – nous ayons installé sa toile déchirée contre le mur. Il lance de manière assez spontanée : « Noooon ? Mais j’avais fait n’importe quoi ! », puis il reprend son attitude impertinente et emploiera toutes les séances suivantes à poursuivre sa lente et impitoyable destruction.
24 À chaque séance, André continue ainsi d’abîmer sa toile. Il se met d’abord en œuvre d’enfoncer la toile à l’intérieur d’un tube de rangement en plastique transparent, ajoute de la peinture, des objets divers et referme le tout. Puis, il se met à abîmer le tube qui contient la toile en le perçant de coups de ciseaux et d’agrafes. Il prend ensuite un bout de la bâche de protection contre le mur et le scotche tout autour du tube. Il mélange de grandes quantités de peinture pour recouvrir cet ensemble d’une pâte épaisse et verdâtre. Il brise ensuite son châssis en plusieurs morceaux pour le fixer par-dessus ce colombin. Parfois il lance celui-ci à terre comme pour en tester sa fragilité (ou sa possibilité à tacher le sol à notre insu). Nous le laissons patiemment se livrer à cette destruction continue. Notre seule exigence est que sa création ne soit pas emportée en dehors du groupe pendant son déroulement. André décidera finalement de jeter sa création dans une poubelle lors de la dernière séance.
25 Au cours de cette expérience groupale, André a intensément mis au travail nos capacités de verbalisation, de réflexivité et d’empathie… Nous avions mal pour lui, nous avions de la peine à mettre des mots sur ce qu’il faisait subir à sa création et ce qu’il nous faisait éprouver comme affects négatifs de rejet et d’agacement. En écoutant attentivement le prototype de situation relationnelle qu’André nous proposait dans le transfert de rejouer avec lui, de séance en séance, nous pouvons constater que la question centrale qui est explorée par lui à l’occasion de ce groupe est celle de sa destructivité et de la réponse de l’environnement à celle-ci. La reviviscence de cette problématique archaïque, de prime abord déconcertante chez un préadolescent au comportement globalement adapté, à l’intelligence normale et à la sensibilité artistique plutôt développée, attire notre attention sur une période de la vie psychique du nourrisson où celui-ci doit faire l’expérience d’un détruit-trouvé [19]. Pendant cette période les réponses que l’objet primaire apporte à la destructivité du sujet sont déterminantes : si l’objet exerce des représailles, des rétorsions ou un retrait en réponse aux mouvements pulsionnels de l’enfant, la destruction du lien aura lieu et le narcissisme de l’enfant restera enfermé dans un fonctionnement solipsiste. À l’inverse, si l’objet survit aux mouvements de destructivité, s’il se montre atteint par ceux-ci sans se retirer de la relation, le lien sera maintenu avec l’objet : une topique psychique commencera à s’organiser, avec une différenciation entre l’objet interne détruit par le fantasme et l’objet externe survivant à la destructivité du sujet.
26 Il faut observer qu’André a été dans un premier temps dans la mise à l’épreuve du dispositif et de ses délimitations (sorties intempestives de la salle, manipulation d’objets qui venait distraire le groupe, impertinence verbale, jets de peinture sur les murs et sur les intervenants) puis, dans un second temps, sa destructivité s’est concentrée sur l’objet médiateur qui lui était présenté : la toile, entendue à la fois comme consigne du groupe, comme support de l’acte créateur, comme représentant-chose des capacités (en)cadrantes des coanimateurs du groupe et comme surface d’inscription. À partir de la quatrième séance, cette toile va en effet être malmenée en lieu et place des intervenants qui supportent (et y survivent !) depuis le début du groupe les différentes tentatives d’André de se mettre hors-jeu. Mais elle va, à un autre niveau de transfert, lui permettre de revisiter l’histoire d’une relation d’apprentissage : celle d’un bébé qui va sans cesse jeter à terre les objets présentés par son environnement, qui va se montrer décevant face aux attentes qui pèsent sur lui, qui va rester fermement accroché à ce qu’il perd de l’objet, à ce qu’il ne parvient à réaliser avec satiété et qui va exceller à produire de la « merde », comme André pouvait régulièrement le verbaliser.
27 Après un tel traitement, impitoyable, du groupe et de l’objet médiateur proposé, l’accompagnement d’André a considérablement évolué : à l’école, l’accent s’est moins porté sur son comportement et ses difficultés que sur la créativité et la motivation dont il pouvait faire preuve lorsqu’il se trouvait en situation de confiance. D’abord fermement opposé à sa prise en charge, André a progressivement pu accepter d’être aidé (par son éducateur, par l’auxiliaire de vie scolaire) et a progressé dans la reconnaissance de ses difficultés. Il a montré peu à peu de nouvelles compétences qui l’ont notamment aidé à accéder à une sixième « classique ». Il a par ailleurs pu exprimer sa colère à ses parents concernant leur séparation et le peu de temps que chacun lui consacrait dans leur relation.
28 Les effets « positifs » de tels dispositifs peuvent apparaître paradoxaux aux équipes éducatives, ou aux parents, lorsqu’ils constatent à quel point ces expériences groupales sont parfois difficiles à vivre pour ces enfants : plutôt que d’essayer d’éviter la répétition de ce qui est difficile pour l’enfant dans les expériences d’apprentissage, ces dispositifs voient, au contraire, l’émergence d’affects intenses de tristesse ou de panique (Guinard, 2013) et sont le théâtre d’un déplacement et d’une réactualisation de ce qui se passe à l’école, en famille – ce qui peut créer des écarts avec les dispositifs pédagogiques ou éducatifs qui se veulent souvent hypercontenants [20]. Seulement, afin de pouvoir rencontrer et analyser les particularités de la zone traumatique de la vie psychique, il est d’une certaine manière inévitable que les dispositifs « répètent » celles-ci (Roussillon, 2005, p. 62). Afin que cette répétition soit tolérable, il convient d’essayer autant que possible de garantir les conditions d’analysibilité de la dynamique transféro-contretransférentielle en jeu dans le groupe et avec le medium malléable.
Intérêt et évaluation des médiations thérapeutiques dans la clinique des apprentissages
29 Si ces dispositifs groupaux de médiation comportent des effets thérapeutiques notables, ce n’est pas uniquement parce qu’ils viennent travailler les aspects extrinsèques (motivation, confiance en soi, tolérance à l’erreur) des processus d’apprentissage, mais aussi parce qu’ils interviennent sur les ressorts intrinsèques des mécanismes cognitifs, notamment à la faveur de la mise en travail de la symbolisation primaire.
30 Le langage verbal n’est pas le moyen d’expression privilégié des enfants en difficulté d’apprentissage, qui utilisent aussi le langage du corps, la motricité, la gestualité et différents modes d’expression sensoriels. C’est en effet une forme d’« associativité » non verbale qui se déploie dans ces dispositifs-cadres, une associativité liée au geste, à la succession des séquences, à l’enchaînement des formes et aux déformations que le sujet fait subir au medium. Le clinicien sera attentif à la gestualité des patients, à leurs mimiques, à leurs postures corporelles.
31 Pour le clinicien, il ne s’agira donc pas de se contenter d’interpréter « classiquement » les attaques du cadre ou l’intolérance à la frustration manifestées par les sujets dans ces groupes, mais au contraire de veiller à ce que le dispositif de médiation soit à même de se laisser « éprouver » par les sujets du groupe (Jacquet, 2011). En effet, en acceptant d’ajuster et d’adapter son dispositif afin de laisser se déployer dans le transfert des « formes de communication primitive acceptables » (Roussillon, 2005, p. 61), le clinicien va rendre possibles les conditions suffisamment bonnes de reprise de l’histoire des échecs de certaines capacités de symbolisation, des traumatismes que la fonction symbolisante de ces sujets a pu connaître.
32 Dans notre expérience du groupe peinture, il a été déterminant de laisser André poursuivre son exploration jusqu’à son terme : détruire et détruire encore cette toile que nous lui avions présentée… et faire l’expérience que, malgré tout, il n’a pas détruit le groupe. En lui restituant séance après séance sa « toile », nous lui signifions que son comportement avait un impact sur nous et laissait une trace sur le dispositif groupal, même si ce cadre-dispositif parvenait à restaurer ses paramètres de fonctionnement de séance en séance. Il est important de préciser que ces dispositifs de médiation favorisent aussi une activité réflexive et autoréflexive sur les propres activités de représentation du sujet (Brun, 2013, p. 136 ; Roussillon, 2008). Ce mouvement autoréflexif des sensations, des émotions et de l’activité représentative du sujet a un impact positif sur les phénomènes de métacognition, c’est-à-dire une activité mentale sur ses propres processus mentaux (Flavell, 1976). Cette faculté métacognitive d’apprendre à apprendre, si chère à la psychopédagogie moderne (Loarer, 1998), est considérablement mise en faillite dans les troubles dyslexiques et leur phénomène de non-discrimination figure/fond (dyslexie de type visuel ou « de surface » ; Petiniot, 2012, p. 79) et de non-congruence entre ce qui est écrit et ce qui est entendu (dyslexie linguistique ou phonologique).
33 Le travail thérapeutique de médiation passe, nous l’avons vu, par une réactualisation sous forme de sensations hallucinées d’expériences primitives non symbolisées et corrélativement par une mise en forme de ces expériences à l’aide de protoreprésentations qui en permettront une première figuration dans un processus de symbolisation primaire (Roussillon, 2001). Lorsque ce travail va concerner les enfants en difficulté d’apprentissage, en favorisant la résurgence ou la reviviscence des activités sensori-motrices de la prime enfance (discrimination de la partie et du tout, de l’acte et de la pensée, du fond et de la forme, du vivant et du non-vivant, catégorisation, classification, etc.), les médiations thérapeutiques vont permettre ainsi à ces sujets de revisiter cet univers multi-sensoriel et polymorphe du langage. En réexpérimentant les premiers jeux d’apprentissage avec le langage qui permettent de distinguer et d’identifier les bruits, les sons, les rythmes, les formes, les couleurs et les traits, les enfants vont avoir la possibilité de reparcourir les différentes étapes de développement de leur conscience phonologique et de leur conscience graphémique (Petiniot, 2012, p. 51).
34 L’apport original de la psychanalyse concernant ce processus de récapitulation ontogénétique (proposée par d’autres dispositifs d’inspiration neurobiologique [21]) est de rendre possible un libre redéploiement de l’espace de chevauchement entre les aires de jeu d’un enfant touché par des troubles des apprentissages et de son environnement. Là où il n’était plus possible de jouer et de découvrir ensemble, des expériences de plaisir et de déplaisir peuvent de nouveau être partagées au sein de la relation d’apprentissage.
35 En proposant des groupes à médiation thérapeutique, nous ne contribuons pas seulement à lever les blocages affectifs et les obstacles secondaires qui entravent un réinvestissement des expériences d’apprentissage ; au contraire, cette méthodologie permet de librement reparcourir dans un environnement sécurisant et stimulant les différentes étapes, parfois douloureuses, de l’histoire du processus de développement psychocognitif de l’enfant coconstruit avec son environnement. La lecture psychodynamique étant à l’heure actuelle d’une grande précision en la matière dans ce qu’elle a su tirer de toutes les méthodes contemporaines d’observation du bébé.
36 Ainsi, dans l’optique d’une évaluation [22] rigoureuse des effets de leur accompagnement sur les difficultés rencontrées par ces enfants, les cliniciens repèrent à la fois la manière dont leurs troubles d’apprentissage font signe des enjeux intrapsychiques et intersubjectifs rencontrés par le sujet dans sa relation d’apprentissage « actuelle » avec son environnement scolaire et familial, mais aussi le processus par lequel ces difficultés se révèlent comme traces de la manière dont il a historiquement commencé à explorer son environnement premier en présence d’un objet « autre-sujet » (Roussillon, 1999, p. 170). Les difficultés d’apprentissage présentées par l’enfant en âge de latence seraient alors à envisager dans la continuité (ou dans la rupture) avec une relation d’apprentissage première qui constitue le contexte interactionnel et intersubjectif de ses premières acquisitions.
Conclusion
37 De la même manière que l’apport des neurosciences est aujourd’hui incontournable pour notre connaissance des modes de fonctionnement et de dysfonctionnement du développement cognitif, l’approche psychodynamique des troubles spécifiques des apprentissages (réunissant notamment les troubles « dys ») a l’avantage de rendre intelligibles les impasses des remédiations cognitives et/ou orthophoniques lorsque celles-ci se confrontent à des refus comportementaux, des blocages massifs, véritables techniques anti-apprentissages qui masquent efficacement chez ces sujets le mal-être sous-jacent aux expériences vécues dans le cadre de la relation d’apprentissage. L’évolution contemporaine des dispositifs analysants et les avancées théoriques importantes relatives aux formes primaires de la symbolisation (Brun et Roussillon, 2014) et aux processus psychiques de médiation (Chouvier, 2002) permettent aux praticiens de proposer des alternatives efficientes à des méthodologies strictement orientées vers les symptômes qui excluent les sujets en souffrance dans ses apprentissages de leurs aires d’interrelation. Enfin, face aux logiques simplificatrices contemporaines économiques et idéologiques (le plus souvent parées de bonnes intentions), il est nécessaire de toujours défendre et rappeler la richesse d’une théorie psychanalytique proposant une approche multidimensionnelle prenant en compte l’intersubjectivité [23] dans ses développements théoriques comme dans ses applications.
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Mots-clés éditeurs : neurosciences, médiations thérapeutiques, apprentissages, dyslexie, psychanalyse, symbolisation
Date de mise en ligne : 04/11/2015.
https://doi.org/10.3917/nrp.020.0077Notes
-
[1]
Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
-
[2]
Voir, entre autres contributions, celles de Freud, 1909 ; Klein, 1923 ; Saussure, 1932 ; Ajuriaguerra, 1951 ; Diatkine, 1972 ; Flagey, 1977 ; Birraux, 2001 ; Berger, 2006 ; Catheline, 2012 ; Ciccone, 2013 et Chagnon, 2014.
-
[3]
Ces critères se retrouvent dans la classification internationale des maladies, la cim-10 (oms, 1994), et dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le dsm-IV (American Psychiatric Association, 2004).
-
[4]
En 1993, 82,5 % des 11,1 millions d’actes effectués par les orthophonistes concernent des clients âgés de moins de 16 ans (http://fulltext.bdsp.ehesp.fr/Cnamts/PointStat/20/1.pdf).
-
[5]
Sources : tableau pages 12 et 13 de l’« Étude sur les champs d’interventions des orthophonistes » : http://www.sante.gouv.fr/img/pdf/Etude_sur_le_metier_d_orthophoniste.pdf
-
[6]
Serge Boimare (1999, p. 165-168) regrette que ces méthodologies ne soient en réalité pas vraiment innovantes, mais présentées comme telles car ignorant les outils traditionnellement utilisés en psychopédagogie depuis près d’un siècle.
-
[7]
Pour reprendre l’expression de Hegel, développée par Heidegger et Althusser, reprise et conceptualisée par Roussillon (2015).
-
[8]
« Dans ces conceptions, la souffrance psychique est toujours une maladie, jamais une expression de mal-être, et la visée de tout acteur du soin est la “santé”, à un moindre coût » (Ciccone, 2015, p. 8).
-
[9]
Nous pourrions citer le rapport polémique de l’Inserm (2005) sur les troubles des conduites et son utilisation démagogique à des fins électoralistes. Ce rapport a conduit un certain nombre de professionnels de l’enfance à créer un collectif « Pas de zéro de conduite » qui a produit plusieurs travaux (2006, 2008) dénonçant les modalités d’organisation, les résultats et les effets sur l’opinion de ce type de rapport.
-
[10]
Sur son site internet, la Fédération française des « dys » présente délibérément les « troubles dys » comme « innés » tout en reconnaissant que, éventuellement, « certains enfants victimes d’un traumatisme crânien » pourraient également présenter des troubles cognitifs spécifiques touchant leurs capacités d’apprentissage. http://www.ffdys.com/troubles-dys/nature-des-troubles/introduction.htm (mise à jour du 10 juillet 2015).
-
[11]
Il y a aujourd’hui un hiatus important entre une approche scientifique « neuro-développementale » qui met de côté une définition innéiste des troubles spécifiques des apprentissages et une perspective idéologique et scientiste – se réclamant d’une approche scientifique –, qui continue à nier ou à minimiser le rôle de l’influence environnementale (psychologique, pédagogique, sociale) sur ces troubles, ignorant manifestement l’existence de « travaux menés sur d’autres espèces qui ont montré que des traits fortement héritables ou héréditaires sont particulièrement sensibles aux effets de l’environnement » (Dworczak, 2004, p. 217).
-
[12]
Lire à ce sujet l’important article du journal de l’Association médicale américaine consacré à l’étude de l’efficacité des psychothérapies analytiques chez les patients traités pour des troubles mentaux complexes qui s’est appuyé sur cinquante années de données médicales (Glass, 2008).
-
[13]
Ce recours aux médiations est ancien dans l’histoire du soin, notamment en psychothérapie psychanalytique d’enfants. Cependant, la théorisation comme la pratique de ces médiations avaient été jusque-là négligées par les psychanalystes : les groupes à médiation sont souvent animés par des infirmiers, des éducateurs, des « art-thérapeutes », encore trop peu par des psychologues référés à l’épistémologie psychanalytique, même si cela évolue actuellement – en témoignent par exemple les nombreux travaux de recherche initiés ces dernières années par les doctorants et les enseignants-chercheurs du Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique de l’université Lumière Lyon 2 sur les médiations thérapeutiques.
-
[14]
La psychanalyste Marion Milner souligne la manière dont l’enfant en psychothérapie utilise des jouets, des objets ou des matériaux divers, comme l’artiste utilise un « medium malléable ». Ce concept de « medium malléable » fut introduit par Marion Milner en 1950, puis prolongé et renouvelé par René Roussillon à partir de 1991.
-
[15]
Winnicott (1974) dénomme « agonies primitives » les angoisses inimaginables du bébé, « terreurs sans nom » (Bion, 1967), terreurs extrêmes, sans fin et sans limites où le sujet n’a d’autre solution que de se retirer de l’expérience afin de pouvoir survivre. Ces expériences primitives catastrophiques n’ont donc pu être représentées, jamais figurées, car elles n’ont en quelque sorte pas été éprouvées par le sujet.
-
[16]
Cette expression que nous empruntons aux remarquables travaux des équipes de la Tavistock Clinic sur cette question (Youell, 2006) se démarque de la préoccupation obsessive de la psychiatrie médicalisée de déterminer une origine causale aux difficultés d’apprentissage pour adopter le positionnement autrement plus fécond et complexe de la psychopathologie clinique qui intègre les dimensions d’intersubjectivité et de négativité des processus (Chagnon, 2014, p. 28).
-
[17]
Service éducatif spécialisé et de soin à domicile (accompagnement pluridisciplinaire sur notification de la Maison départementale de la personne handicapée).
-
[18]
Cette expérience groupale présentée par Frédérik Guinard sera plus longuement développée dans son travail de thèse de psychologie et psychopathologie clinique : « Troubles des apprentissages de l’enfant en période de latence. Intérêt thérapeutique des groupes à médiation », sous la direction d’Anne Brun, université Lumière Lyon 2.
-
[19]
Expérience subjective décrite par Winnicott (1969) et dénommée ainsi par Roussillon (1991, p. 121), elle permet au bébé de localiser dans le domaine de la vie psychique la destructivité éprouvée à l’égard de l’objet primaire.
-
[20]
Les équipes éducatives et pédagogiques essayent de contrôler tous les paramètres des dispositifs groupaux qu’ils mettent en place (nombre de jeunes, écart d’âge, homogénéité des problématiques…) de manière que tout se passe le mieux possible dans le groupe. Dans ces styles très « contenants » de prise en charge, les intervenants se retrouvent à anticiper tout risque d’émergence d’angoisses, de violences ou de plaisirs excessifs dans le groupe.
-
[21]
Nous remarquons que les options méthodologiques de la psychanalyse convergent avec de nombreuses tentatives récentes de créer des dispositifs de réorganisation neurofonctionnelle des troubles « dys » par la stimulation de la motricité (Padovan, 1995), de la sensorialité (Tomatis, 1995) ou de la sensori-motricité (Davis, 1995) dans l’optique d’une récapitulation des différents stades du développement.
-
[22]
Concernant la question de l’évaluation de ces dispositifs-cadres thérapeutiques, un travail de recherche proposera de repérer, à l’aide d’un tableau de repérage clinique, les expériences précoces de jeux d’apprentissage qui n’ont pas eu la possibilité de se vivre dans le cadre rythmique d’un plaisir partagé avec l’objet et d’une reprise intégrative seul en présence de l’objet (Brun et Guinard, à paraître).
-
[23]
C’est le choix sans concession réalisé notamment par les psychiatre et docteur en neurosciences Nicolas Georgieff et Mario Sperenza (2013) pour une approche clinique de la psychopathologie de l’intersubjectivité.