Notes
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Sébastien Chapellon, psychologue à l’aide sociale à l’enfance de Guyane, sebastienchapellon@yahoo.fr
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[1]
« Avec » qui représente l’échange d’une manière bien différente de celle que prône la société dite de consommation qui est celle de l’avoir.
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[2]
Voir à ce propos S. Chapellon, 2008b.
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[3]
Nous renvoyons à ce propos à un précédent travail, écrit dans cette même revue (S. Chapellon, 2010).
1L’entrée à l’école, pimentée de refus larmoyants et de régressions remettant en cause les apprentissages antérieurs (la propreté par exemple), confronte l’enfant au problème de la séparation. En cela le premier pas à l’école maternelle constitue une expérience de deuil, où est expérimentée l’intériorisation des parents quittés dans la réalité. La scolarisation psychique dépend ainsi d’une capacité à négocier l’identification familiale avec le milieu scolaire qui va l’accueillir. Ainsi la « réussite », à partir de laquelle un futur adulte quittera le système fort d’un projet citoyen, résulte de cette intériorisation dans le cadre scolaire. Chez les enfants de migrants cette question de l’harmonisation des instances fondatrices de l’identité semble exacerbée par leur altérité. Or, les héritiers de l’émigration défient le système : dans sa capacité à composer avec la culture familiale.
2Les conflits qui s’y présentent offrent ainsi l’occasion de décrypter la dimension inconsciente d’un supposé problème « d’intégration ». Le praticien devra en comprendre la nature pour créer des ponts entre les rives qui séparent la famille de la société, et pouvoir ensuite ré-unir les chaises entre lesquelles le jeune est assis. Pour ce faire il importe d’élaborer le « chagrin d’école » (pour paraphraser Daniel Pennac) qui découle de l’antagonisme des liens d’appartenance de l’enfant.
3Nous proposons d’analyser comment les traces en souffrance de l’émigration des aînés se répercutent sur la rencontre avec une école dont les « murs » représentent une frontière affective. Notre réflexion vise à saisir les difficultés et potentialités propres à l’enculturation scolaire, en appréhendant les avenants inconscients du contrat par lequel l’école parachève la tâche des familles à fabriquer du « Je ».
Quand la migration brouille les identités
4La psychanalyse a ouvert la perspective selon laquelle chacun transporte en soi la figure plus ou moins archaïque de l’Autre qui a bercé son monde d’enfance. Freud a prolongé la définition de « l’être » en questionnant l’histoire des liens qui le fondent. Après ses découvertes, il est devenu évident de voir en l’homme un sujet dédoublé, véhicule d’étrangeté à lui-même. Il est moins commun de parler de références identitaires plurielles. C’est pourtant à cette dimension anthropologique, groupale, que nous convient à réfléchir les problématiques migratoires.
5L’écart entre la représentation que le migrant se forge de lui-même et celle que lui renvoie son nouvel environnement le contraint à repenser ce qu’il est, à la lumière du processus socioculturel sur lequel il s’étaye. En mettant ainsi en tension identifications passées et étayage social présent, les mouvements psychiques liés à la migration enrichissent notre manière de penser le terreau commun sur lequel « pousse » l’homme.
La migration comme crise subjective
6Le devenir adulte dépend d’une mise en forme des liens sur lesquels s’est construit l’enfant. Une « enveloppe psychique » (Anzieu, 1987) englobe le sentiment d’identité en contenant la somme des relations passées. Jean Laplanche (1999, p. 233) explique que le système psychique se referme sur lui-même et fait du ça « l’autre par excellence » : un autre interne. Or, dans le contexte migratoire cette altérité interne déborde les frontières du Moi. Le rapport aux autres, étant devenu intrinsèquement porteur « d’inquiétante étrangeté », induit un brouillage dans la capacité à s’autoreprésenter. La vie psychique moins conciliable avec le fait social rencontre un désarroi majeur. Les actes deviennent manqués dans la mesure où ils ne suffisent plus à exprimer ce que le sujet se sent être, dans une société apte à les traduire et à les investir d’une signification collective. En devenant parfois incompréhensibles pour autrui, ils deviennent inquiétants pour le sujet lui-même. À l’instar du héros dépeint par Dostoïevski dans Le Double, où les personnages qu’il croise renvoient un reflet déformé d’un lui « non-même ». C’est ce qui se passe lorsque l’exilé est confronté à une dissonance de ses attitudes par rapport aux coutumes locales. Cette expérience troublante de l’altérité nous amène à parler d’un « état psychique de migration » (Chapellon, 2008a), où s’installe une crise subjective. Elle implique des étapes à franchir vers la réappropriation de la continuité de soi.
7Continuer de rester soi-même tout en ne cessant de changer voilà bien un des grands défis humains. Les enjeux narcissiques de ce processus qui nous fait sentir identiques sans jamais cesser de changer sont exacerbés par les modifications inhérentes à la migration. François Marty nous offre une métaphore propre à illustrer ce thème lorsqu’il fait référence à l’histoire du bateau de Persée. « Ce bateau, écrit-il, exposé au regard des Grecs, était si vieux qu’il avait fallu progressivement en changer toutes les planches. Une fois tous ces changements faits, il ne restait plus aucune des planches qui le constituaient à l’origine. Il s’agissait toujours du bateau initial et pourtant, aucun des éléments qui le constituaient à l’origine ne subsistait » (Marty, 2003, p. 69).
8Ce bateau qui, malgré tous ses changements, reste celui de Persée, est à l’image du sentiment d’identité qui nous confère l’impression de rester « fidèle à nous- mêmes », alors que les bouleversements de la vie nous ont transformés. Ainsi, pour accepter de se sentir identique à soi-même tout en ayant changé, l’homme doit procéder au deuil des liens qui en le faisant grandir l’ont rendu différent.
L’émigration comme expérience du deuil
9Quelles que soient les raisons qui contraignent quelqu’un à rompre avec ses attaches, le départ n’est pas sans conséquence. Il implique de quitter le système de relations sur lequel s’appuie l’« idée du moi » (Racamier, 1980). Les enjeux engagés par cette perte des ancrages narcissiques sont comparables à ceux du sevrage vécu par le nourrisson lors de la séparation d’avec le sein maternel.
10Les modes éducatifs à partir desquels le sujet se forme ont en effet été véhiculés à partir d’un archi-cadre culturel. Présupposés allant de soi, les types d’échanges qui fondent l’éducation sont prédéterminés par la culture. Ils dépendent des codes véhiculés inconsciemment par la société. C’est dans ce sens qu’on peut dire que les identifications familiales sont marquées par des idéaux et des interdits culturels ancestraux.
11La migration induit une séparation d’avec ces repères fondateurs, pour la plupart inconscients, et révèle ainsi douloureusement la perte du « membre fantôme » (Bleger, 1979, p. 262) que représente le cadre culturel sur lequel s’adossait le Moi. L’importance de l’étayage social devient donc perceptible lorsqu’en se rompant, il révèle la symbiose silencieuse qui reliait identité et culture. Les fils invisibles qui tissent la relation aux autres se révèlent ainsi avec force pour les migrants quand cet appareil collectif cesse, plus ou moins transitoirement, de fonctionner. On peut dire que la culture représente un contenant invisible dont l’existence et la perte se révèlent pêle-mêle lorsque l’émigration bouscule les choses qui allaient de soi.
L’école comme seconde frontière
12L’immigration entraîne un vécu d’expropriation psychique et ce à partir du moment où les repères culturels qui soudaient silencieusement les individus à la société se révèlent par leur absence. Cela n’est pas sans provoquer une déflation du sens commun. Elle contraint chacun à chercher jusqu’aux plus infimes dénominateurs communs pouvant exister entre société d’origine et d’acquisition.
13Après Georges Devereux (1973, p. 90) qui conçoit la culture comme « un axe organisateur des comportements », nous pourrions dire qu’un ensemble d’organisateurs non verbaux affilient les sujets à leurs pairs. L’unité sociale est pourvoyeuse de messages inconscients sur lesquels s’appuie chacun pour trouver son sentiment d’existence. L’idée d’être, le fait de dire « je suis », dépend d’un contenant culturel. Elle est le produit d’un « nous » qui par un aller-retour d’échanges signifiants permet de se sentir naturellement avec [1]. La plus profonde des pertes occasionnée par l’émigration provient de la disparition de ces attributs collectifs, indispensables au narcissisme. Le miroir social disparu, les adultes auront plus de difficulté à s’auto-représenter et cette idée d’un « je suis » sera moins accessible pour eux. Ils chercheront parfois à se re-trouver dans leurs enfants, au risque de se confronter à un reflet d’eux non-mêmes. Nous allons mettre au travail cette question de l’effraction du narcissisme parental, avec une clinique relative à ce que nous avons précédemment choisi d’appeler « l’antiscolarité » (Chapellon, 2008b).
Exil de la parenté : l’exemple d’un groupe de parole
14Le groupe dont il est question fut encadré par deux animateurs psychologues sensibles à l’approche clinique de la vie groupale : Mme Laure Tarcy et moi-même. Un élément essentiel au dispositif était contenu dans le fait que chaque co- animateur était porteur physique de représentations d’altérité ou de similitudes. Elle, en tant que femme créole guyanaise, ayant une connaissance pointue des modes de vie traditionnels des personnes reçues. Et moi dont la « blancheur » constituait un support projectif à l’altérité de la société française.
15Ce dispositif bifocal hétérochromé servit à accueillir quinze familles orientées vers nous par plusieurs collègues, suite aux difficultés scolaires des enfants. Parmi les parents invités seules viendront les mamans toutes d’origines étrangères.
16Les dix séances que nous avons partagées ont mis en exergue leur quasi- impossibilité à venir se frotter à la culture autochtone. Cette défiance vis-à-vis de la société d’accueil représenta la problématique nodale renvoyée par les participantes. Centrale à l’écueil familial qui les accaparait elle mobilisa ainsi les questionnements du groupe.
17Au départ la vie affective douloureuse manifestée par les participants était associée à l’échec scolaire des jeunes. Mais il ne fallut pas longtemps avant que des causes plus latentes ne jaillissent. Ainsi, lors de la deuxième séance, une participante fit usage de sa langue maternelle pour exposer sa souffrance. Ariane (nous l’appellerons ainsi) expliqua ne pas pouvoir exprimer les affres subies par sa famille autrement que dans sa langue. Les séances consécutives interrogèrent d’autant plus facilement les souffrances parentales que les participantes le firent en appui sur leur langue. Est-il possible d’être et de rester parent sans sa langue maternelle ?
18Ariane avait imposé le créole (langue d’autant plus fédératrice qu’elle n’était pas la langue de l’école) comme fil conducteur, à l’aide duquel elle et ses compagnes tissaient des scènes de vie communes. En appui sur « leur » langue, elles associèrent les actes transgressifs de leurs enfants avec la sensation d’être des parents hors la loi…
19« Hors la loi », c’est-à-dire exclus d’une compréhension des règles et usages courants en France. Le fait d’utiliser un alter-langage permettait d’exprimer la fracture du réciproque en la faisant subir au dispositif (autochtone). Il fallut attendre la quatrième séance pour que l’une d’entre elles, suffisamment en confiance, me demande si j’avais besoin d’une traduction. Une proposition qui sonnait comme le miroir de leurs propres attentes vis-à-vis de la société d’acquisition. Toutes avaient eu besoin de mettre à l’écart le représentant de l’institution nationale afin de lui faire vivre, par retournement, ce qu’elles-mêmes vivaient : de l’incompréhension. Après cela, Ariane put évoquer sa crainte de voir un jour la police nationale se présenter chez elle. Comme si, jusqu’alors, la langue d’émigrée avait servi à préserver chacune de l’étrangeté d’un dispositif qui risquait de servir à les « fliquer ». Cette peur se mesurait à l’aune de la façon dont le groupe avait investi ma position. Elle reflétait celle liée à l’école dont seule Mme K. avait osé franchir les murs pour rencontrer le corps enseignant. En retour les résultats de son fils étaient en pleine ascension. A contrario les autres parents, victimes de sentiments mêlés de honte et d’impuissance, s’étaient coupés de tout contact avec cette institution et semblaient en avoir coupé leurs enfants.
Frontière invisible
20Lors de la cinquième séance une des dames exprima sa sensation d’être prise dans un entre-deux impossible. Son besoin pressant de suivre le parcours scolaire de sa fille de 13 ans apparaissait contrecarré par l’angoisse que son manque de maîtrise des codes français ne lui nuise. On voyait poindre ainsi une sorte de crainte de contagion. Comme si sa position de parent immigré était une maladie transmissible à sa descendance, contre laquelle les murs du collège formaient une frontière aseptique. Cette image parentale dévalorisée était commune à toutes les participantes. Elles évoquaient l’impression que leurs foyers avaient quelque chose de contagieux, qui rejaillirait tôt ou tard sur leur descendance !
21Le groupe exhalait une douloureuse dépréciation de soi, conjuguée avec un sentiment de dévalorisation, dans une pesante tonalité dépressive. L’impression de ne plus pouvoir assumer un rôle parental trop lourd à endosser dans ce pays avait conduit trois familles à renvoyer leurs enfants au pays : « Pour qu’ils puissent être éduqués ! » D’autres participantes se disaient prêtes à faire de même si les leurs devenaient trop « intrigants ». Comme s’il ne pouvait y avoir d’éducation en dehors du lieu où les parents avaient eux-mêmes grandi.
22Les murs de l’école semblaient infranchissables. Le personnel qu’ils abritaient était source d’une crainte proportionnelle à l’impressionnante sacralisation qui en était faite. Les pensées que les familles prêtaient aux enseignants renvoyaient à des jugements de valeur négatifs. Pour tout dire, ces familles avaient peur des professionnels de l’institution scolaire. Les établissements apparaissaient comme des supports projectifs sur lesquels s’amoncelaient les angoisses générées par l’exil. La place que les jeunes y tenaient répétait celle des parents vis-à-vis de l’État en réactualisant la barrière culturelle qui les empêchait de se sentir chez eux. Cette seconde frontière les avait peu à peu coupés du système. Avec pour conséquence un clivage majeur entre éducations familiale et parentale. Les effets pernicieux de cette scission résonnaient dans leurs bouches. Notamment lorsque l’une des participantes évoqua abruptement ne plus rien vouloir savoir de ce qui se passait quand son fils était à l’école. Les visages mi- attristés mi-approbateurs de ses compagnes démontraient en miroir à quel point cette désintrication était commune. Les institutions dans leur ensemble prenaient la figure d’une forteresse opaque. Les familles leur présumaient une pensée disqualifiante quant à leur propre patrimoine civilisateur.
23Notre rôle de psychistes s’était modulé selon ce sentiment d’indigence familial. Nous devenions des passeurs : cherchant à retrouver une compatibilité entre leurs attentes parentales et celles de la société véhiculaire. L’objectif étant d’infléchir les perspectives morbides inhérentes à un tumultueux échange avec la société d’accueil, pour relancer le lien famille-système en redonnant sens aux récits d’un quotidien familial marqué par les ornières de la contradiction. Ces parents disaient en effet ne plus comprendre leurs enfants et ne pas se reconnaître en eux. Ils ne se retrouvaient pas dans leur descendance du fait que les jeunes transportaient un changement si profond qu’il faisait d’eux des miroirs déformants.
Partager l’enfant
24Un événement impromptu s’est produit dans le groupe qui a touché un point crucial du dispositif et du même coup notre réflexion. Lors de la troisième séance, une participante qui avait été absente les deux fois précédentes suite à son accouchement vint avec son nouveau-né. Avant le terme des présentations elle déposa sans mot dire son bébé dans mes bras. Confiant ainsi une tâche de maternage à celui qui semblait le moins qualifié, un homme blanc. Le contenu des entretiens consécutifs allait démontrer la portée symbolique de son geste. La dame avait acté un partage symbolique de l’enfant avec la société d’accueil. Je lui rendis son enfant intact, en la remerciant de la précieuse confiance qu’elle m’avait accordée. Ce geste de confiance et de partage exprimait celui, difficile, qu’elles avaient toutes à réaliser quotidiennement vis-à-vis de la société d’adoption. Au risque de la cassure.
Quand la scolarité altère l’enfant
25Comme les médias tendent à le démontrer l’école semble être un lieu privilégié pour recevoir la crise. L’institution scolaire, en tant que lieu de mise en scène de problématiques extra-scolaires, peut être conçue comme un prisme pour observer et comprendre le conflit de loyauté qui s’y exprime. Elle constitue le support figuratif par le biais duquel les enfants et les adolescents externalisent (au grand dam des professeurs) les ruptures qui s’opèrent invisiblement au sein de leurs familles.
26Les héritiers de l’immigration revêtent souvent un caractère d’inquiétante étrangeté aux yeux de leur communauté. Cela en répercussion du mécanisme d’identification à la culture véhiculaire qui les a conduits à devenir les agents de l’immigration, par rapport à leurs parents qui eux ont principalement eu à émigrer. Leurs descendants deviennent les véritables immigrés en s’appropriant un champ culturel étranger à leur famille. Ce qui rend problématique le lien à leurs aînés. L’enculturation des enfants les conduit à être porteurs de manières d’être inconnues pour leurs parents, dont elle met l’acculturation en exergue. Ce qui, comme le dit Abdelmalek Sayad (1990, p. 23), expose les jeunes au risque de devenir des « transfuges » aux yeux des grands. Ils se trouvent ainsi en danger d’avoir à rompre l’un ou l’autre des contrats intersubjectifs (familial ou sociétal) dont ils sont l’objet. Par peur de ne plus être reconnus comme membres à part entière de leur groupe d’origine ils peuvent mettre en échec leur lien d’affiliation à une société qui reste étrangère aux leurs.
27Les enfants sont ainsi au centre d’une insupportable injonction paradoxale. Plus leur milieu d’appartenance se présente comme différent de la société d’acquisition, plus naîtra le sentiment d’avoir à choisir un camp. « Leur liberté » consistera à choisir l’un des deux et donc de se vivre inévitablement déloyal vis-à-vis de l’autre : donc forcément exclu !
28Notre démarche s’est focalisée sur cette logique d’un processus d’identification pluriel, parce que la psyché enfantine reste interdépendante des groupes où elle puise son identité. Ce fait est particulièrement prégnant pour les descendants de migrants. Cela ne leur est pas propre mais prend une dimension plus insistante et plus tragique chez ces jeunes, pour qui le sentiment du nous tend à se rompre. La multiplicité et l’interférence de leurs sources d’identifications compliquent l’accès au sentiment de plénitude qui fait que grandir va à peu près de soi. C’est à ce sentiment que référait la métaphore du bateau de Persée. Si l’enfant aux prises avec une conflictualité oppressante se met à douter des liens sur lesquels repose sa croissance, alors celle-ci en sera tributaire. L’école en tant qu’instance d’enculturation a la lourde tâche d’être le lieu de mise en crise des dissonances qui en découlent. Parce que la déculturation qu’elle « propose » insensiblement constitue un agent anti-familié. La maman qui avait confié son nouveau-né au psychologue blanc posa l’envergure du problème. Que se passe-t-il durant ce temps où la famille confie l’éducation de sa descendance à une institution pourvoyeuse d’autres normes ?
Michel de Certeau (1985), écrivant la formule selon laquelle « l’acculturation est toujours antagoniste », synthétise en quoi l’introduction d’une culture exo-familiale implique une certaine mise à mort de la famille interne. L’acculturation issue de la scolarité rend l’enfant plus ou moins antagoniste à ses racines et à lui-même. Certains jeunes « résolvent » ce dilemme en mettant en échec leur scolarité, afin de préserver les liens affectifs qu’ils sentent menacés. D’autres rompront avec les attaches symboliques à leur milieu culturel.
Mal-être
29L’entrée à l’école est contemporaine d’une sortie du foyer d’où s’ensuit un réaménagement des normes qui lui sont associées. Cette épreuve impose du non-familier au sein du cocon familial. Elle intime l’exigence de perception du non-nous et amplifie le sentiment d’altérité entre les aînés et leurs descendants. Les identifications sociales de l’enfant peuvent à son insu faire de lui l’infortuné messager d’une inquiétante étrangeté. Elles l’exposent à la rupture de ses liens filiaux en réactivant l’altérité de ses parents vis-à-vis de la société. Il peut s’ensuivre la mise en place d’une mobilisation défensive du narcissisme familial, contre l’exposition à la réactivation des blessures issues de l’émigration. L’enfant, colporteur inconscient de l’étrangeté que véhiculent ses identifications sociales, devient dépositaire d’un conflit aussi imperceptible que pathogène. Porteurs des difficultés qu’engendrent les antagonismes de ses modèles, ses « actes parlants » (Racamier, 1992) obligent les institutions extra-familiales à reconsidérer leur valeur de socle identificatoire. Les héritiers de l’émigration auront en tout cas quelque chose à dire du rapport société-famille. Ils sont contraints de l’élaborer plus que nul autre enfant. L’aspect inconciliable des messages qu’ils reçoivent peut en effet devenir envahissant au point d’envenimer le conflit œdipien. La différence générationnelle s’avérera chez eux d’autant plus problématique qu’elle sera complexifiée par un phénomène de brouillage des places. Il s’avère en effet que la baisse d’efficience des valeurs traditionnelles génère un affaiblissement des codes parentaux. Le problème de transmission qui en découle est accru par ce que Colette Lhomme-Rigaud et Philippe Désir (2005) nomment une « parentification » des enfants, qui guident parfois leurs aînés dans le système d’acquisition (lisant les documents, traduisant les interlocuteurs institutionnels et… expliquant le bulletin scolaire). Les effets délétères de ce brouillage générationnel se répercutent sur l’autorité de la famille ainsi que sur celle des institutions parentales de transfert [2]. Le problème qui s’exerce dépasse le cadre du conflit des générations en touchant la structuration familiale préalable à ce conflit.
Conflits de loyauté
30Le « contrat narcissique » (Aulagnier, 1975) passé entre l’environnement familial et l’enfant contient les attentes et fantasmes que les adultes déposent sur le devenir de leurs descendants. Il constitue l’alliance par laquelle les enfants règlent leurs pas sur ceux de leurs aînés. Ce contrat, où se scelle l’opération réciproque du grandir et du faire grandir, est mis à mal à partir du moment où les messages sociaux en circulation contredisent les codes parentaux. Les attentes formelles des parents poussent leurs descendants à intégrer les apprentissages scolaires et les normes qui y ont trait : « Écoute la maîtresse, ramène de bonnes notes et tu nous combleras d’aise. » Cependant, de manière plus profonde les parents attendent que la façon d’être de leurs rejetons se conforme aux normes enracinées dans leur culture. Les « bonnes » manières de ces derniers constitueront la gageure non verbale de la continuité filiale. Le sentiment que l’enfant aura de satisfaire le contrat narcissique dont il est l’objet garantira sa croissance psychique. Mais lorsque le système contredit invisiblement l’énoncé parental, l’impression de satisfaire ce contrat indispensable au narcissisme se rompt et le lien filial avec. Les relations intersubjectives peuvent ainsi se nimber d’ambiguïté car tout en désirant que leur enfant réussisse (s’adapte), les parents continuent d’avoir besoin qu’il leur ressemble. Les degrés de divergence que comportent le discours formel et le message inconscient qui le compose peuvent les rendre totalement contradictoires.
31L’injonction faite explicitement de réussir à l’école expose la famille à l’intrusion de phénomènes imprévus. Cette « réussite » induit en effet l’adaptation à de nouveaux codes, dont l’étrangeté peut envenimer de manière inattendue les liens d’affiliation. Il se scelle alors un « contrat familial sur le négatif » (Kaës, 1993), où est demandé à l’enfant de maintenir à tout prix l’union aux siens. Les jeunes y répondent par des résistances au système véhiculaire. À l’instar du phénomène mis en évidence par Paul Willis (1978), à propos des enfants d’ouvriers qui produisaient du chahut pour former « une résistance culturelle » à la domination symbolique exercée par l’école.
32La rupture avec le système scolaire peut donc résulter d’un besoin paradoxal de réussite. Elle répond à ce que René Kaës nomme un « pacte dénégatif », forgé sur des injonctions inconscientes à l’union au groupe. « Un tel pacte, explique l’auteur, soutient le lien par l’accord inconscient conclu entre les sujets sur le refoulement, le déni ou le rejet des motions insoutenables motivées par le lien » (Kaës, 1989, p. 126). Il assure la continuité des investissements relationnels par rapport à la subsistance des idéaux. Ce pacte sert à préserver les liens à l’intérieur de la famille, lorsque ses membres ressentent qu’une menace plane inconsciemment sur eux. Par ce biais ils mettent de côté un conflit qui ne manque pas de s’exercer malgré tout. Les injonctions inconscientes qu’il véhicule freinent néanmoins l’accès à des modèles extra-familiaux. Elles préservent la continuité des liens au groupe d’appartenance, mais en complexifient la sortie. Les effets en sont visibles dans les comportements antisociaux, mais ce peut être, à l’inverse, une aliénation au système véhiculaire qui se produit. Son résultat peut se manifester dans certaines évictions familiales (« tu ne te marieras qu’avec un des nôtres »). Soit par des comportements d’« antifamilialité », chez des jeunes qui attaquent l’idéal parental, notamment par des fausses déclarations de maltraitance [3] pour tester la légitimité que la société accorde à leur famille.
Inclusion ou exclusion ?
33En cherchant à répondre aux souhaits de réussite et d’adaptation à la société d’acquisition, l’enfant entre inconsciemment en conflit avec les coutumes familiales. L’apprentissage de nouveaux codes peut l’amener à enfreindre nombre de règles séculaires non explicites et le rendre tabou pour les siens. Le jeune qui intègre certaines manières d’être socialement admises peut enfreindre à son corps défendant les tabous de son milieu. Dans les situations évoquées par les membres du groupe beaucoup des enfants étaient ainsi devenus « incompréhensibles », après que leurs identifications avaient déformé leur rapport à l’unité familiale. Ainsi les adolescents « renvoyés au pays pour y être éduqués convenablement » devaient porter en eux les marques de cette « maladie nosocomiale » que peut représenter l’intégration du mode d’existence alter-culturel. L’adolescent vit alors des moments de coupure entre lui et son milieu, et ressent des manifestations d’incompréhension ou de rejet par ses pairs en réponse à des attitudes valorisées au dehors. Le risque narcissique qui s’ensuit peut conduire le jeune à mettre en échec les normes véhiculaires. L’enfant ne se sentant plus exister nulle part, ne trouvant plus une place qui lui serait assignée, tentera par des moyens inappropriés de s’en sortir. Rappelons à ce propos la situation d’une des mamans, dont le fils qui, tout comme elle, n’était pas né sur le sol français, lui causait « beaucoup de souci ». Elle le mit en demeure de changer, s’il ne voulait pas être renvoyé en Haïti. Cette menace fit rétorquer à l’adolescent un criant : « Je suis français ! » En « réponse » à ce tonitruant et douloureux cri d’identité elle s’est dite prête à déchirer ses papiers… d’identité. Cet exemple n’est pas sans refléter le clivage que vivent nombre de jeunes, doublement déshérités de l’être avec et de l’être de.
Rupture dans l’affiliation
34Les enfants issus de l’immigration sont dans l’obligation d’avoir à revivre et à traiter les traces en souffrances des deuils non élaborés par leurs aînés. Les processus psychiques conditionnés par la migration se répartissent le long d’un axe sur lequel les parents seraient plus amenés à gérer les processus liés à l’émigration. Tandis que les enfants, contraints d’assimiler et de s’assimiler à l’intérieur d’une nouvelle géographie sociale, seraient dans l’obligation de franchir une étape inconnue pour leur lignée. Ce qui peut les enrichir plus que les autres, mais aussi les contraindre à rompre leurs liens filiaux, voire à cliver leur psychisme en scindant leur Moi en autant de « morceaux » que de modèles contradictoires. Ce recours défensif face aux incohérences et aux incompatibilités du réel engrange un sentiment de perte d’unité. Les faits de société retranscrits dans la presse donnent la triste occasion d’en contempler les effets désintégrateurs. L’exclusion sociale mise en acte par certains jeunes témoigne d’une quête désespérée d’inclusion. Ils peuvent aussi tenter de résoudre le paradoxe que cet entre-deux indigeste leur impose en provoquant une éviction familiale, qui s’oppose au maintien des alliances inconscientes. Pensons aux jeunes femmes qui coupent tout lien avec leur communauté originelle par amour d’un « étranger ».
La plupart du temps les contradictions qui conduisent à ces ruptures reposent sur des termes culturels à tel point enracinés dans l’infra-verbal qu’on ne peut les observer que dans les infimes détails propres à témoigner de la désaffiliation qui s’opère entre l’enfant et les siens. Cette rupture inconsciente, très discrète durant l’enfance, devient par contre extrêmement bruyante avec le passage à l’adolescence. Ainsi, lorsque le processus pubertaire réanime les problématiques infantiles laissées en suspens, le conflit des générations peut être démultiplié par son chevauchement avec celui d’enculturation. Les troubles qui sont alors ravivés puis exportés dans la réalité des liens pourront s’avérer trop violents, tant pour les familles qu’envers les institutions parentales de transfert, ce pour quoi il apparaît essentiel d’en traduire les causes suffisamment tôt. Afin de pouvoir envisager les moyens dont dispose la société, pour prévenir le moment où les adolescents auraient à lui « reprocher » par leurs actes de ne pas avoir su attribuer une place à leurs parents. Il s’agit de se demander comment le système véhiculaire peut s’harmoniser avec l’économie psychique souvent fragilisée de ces familles. Le principe selon lequel les migrants devraient être les seuls comptables de leur intégration correspond de notre point de vue à la cause centrale de l’échec du modèle « d’assimilation ». Il faut au contraire pouvoir marquer la différence dont ils sont le véhicule, tout en pensant la nôtre.
Co-naître
35Michel Nicolet et François Rastoldo (1997) démontrent que l’enseignement de la langue maternelle à l’école ouvre des perspectives de réussite élevées. Plus que la langue d’origine, c’est l’image des parents que le corps enseignant accueille ainsi symboliquement. L’enfant qui voit ses deux mondes apparemment antinomiques coexister peut les intriquer dans son esprit. L’institution scolaire, en proposant un accueil symbolique aux valeurs parentales, aménage une cohérence psychique à l’enfant. À ce propos Alice Cherki (2006, p. 29) fait le constat selon lequel il importe, dans tout travail pédagogique ou éducatif, que la mère et le père « s’ils ne peuvent eux-mêmes aider l’enfant, investissent le pédagogue ou l’éducateur, que ces derniers puissent recevoir, dans le lien avec les parents, une reconnaissance sans rupture ». Le professionnel est de cette façon investi en tant qu’« objet parental de transfert » (Gutton, 2003). Cela passe par un lien sans faille avec l’école qui doit savoir négocier avec les parents. Leur accueil doit y être valorisé, dans l’esprit d’un vivre ensemble, credo de certaines expériences pédagogique privilégiant la vie de quartier. Les ponts sociaux qui permettent à l’enfant de transporter sereinement ses différents apprentissages sont le moteur d’une indispensable harmonie ! De manière princeps il importe que les adultes entourant l’enfant reconnaissent et acceptent l’altérité culturelle dont ils sont le reflet. Afin que ce dernier, se regardant sereinement en eux, puisse inscrire l’ensemble de son monde affectif dans l’entreprise de construction de soi. Sans se sentir en devoir d’avoir à choisir l’un ou l’autre des éclats d’un miroir brisé.
36L’institution scolaire, en tant qu’institution d’enculturation par essence, est ici mise au défi par l’immigration. Celui de réussir à contenir et véhiculer les images familiales, aussi multiples soient-elles ! C’est toute une histoire d’ouverture d’adaptation et de souplesse. En cela notre système institutionnel n’est pas très « doué ». Ou pas très partant pour une aventure qui est aussi celle d’une évolution des prêts-à-penser techniques qui empêchent la réciprocité.
Reprenons à notre compte la formule du poète Jean Cocteau : « Miroirs, vous feriez mieux de réfléchir plus souvent ! » Notre rôle de miroir, quelquefois plus déformant que réfléchissant, doit nous inviter à prendre une certaine distance avec nos coutumes professionnelles.
Perspectives pratiques
37Entrer/sortir : voilà les mots clefs qui jalonnent la pratique auprès de familles exposées à l’extrême de ce que peut être l’idée de rupture. Si elles acceptent avec plus ou moins de méfiance de venir nous rencontrer, c’est pour saisir ce qui de dissemblable (entre elles et le tissu social, entre elles et leurs enfants) fait rupture. L’extrême violence induite par les rivages de l’altérité nécessite une modulation de nos cadres, qui permette de tempérer la dissymétrie dont ils sont intrinsèquement porteurs. La famille migrante qui accepte par exemple d’entrer dans le bureau du psychologue cherche moins à « guérir » qu’à s’y re-trouver. La simplicité d’un échange où existe la réciprocité représente en soi une issue face à la désagrégation du sens. Une amarre face au monde confondant de l’inconnu. Notre position se doit d’être apaisante, parce qu’elle réfléchit en elle-même l’idée d’étrangeté. Le cadre de la rencontre avec le professionnel, parce qu’il est intrinsèquement porteur d’étrangeté, figure un sas qui peut être le préalable à la réappropriation des vécus migratoires enclavés. Le regard que nous avons à porter sur le dispositif doit se centrer sur le fait qu’il est animé par un représentant de l’État. Ce fait, s’il passe inaperçu pour un usager autochtone, est omniprésent chez les migrants, qui nous conçoivent avant tout dans notre étrangeté. Cette distance de statut peut contenir un support de travail en soi. À l’instar de l’hétérochromie des cliniciens du groupe, qui a permis un aller-retour souple entre ici et là-bas, connu et inconnu ! Tout professionnel, garant d’une représentativité de l’institution nationale, est de facto posté à cette place où l’étrangeté peut servir (ou empêcher) la découverte de la similitude.
38Donnée première du travail de la rencontre notre identité professionnelle fait de nous des figures de la différence, porteuses d’un vécu préalable de domination (culturelle, économique) et de notre cadre un lieu de passage entre familier et non-familier. La représentation d’hostilité véhiculée par un monde dans lequel les familles ne baignent souvent que par l’intermédiaire de leurs enfants doit alimenter nos conceptions.
Mme K. a montré la démarche à suivre quand, franchissant l’enceinte du collège de son fils, elle a réussi à conjuguer école et famille. Cependant les parents ne peuvent être les seuls à vouloir ce lien d’« intégration ».
Donner de sa personne
39Au fil des lignes qui se sont esquissées nous avons accompagné pas à pas le cheminement de l’enfant, sur le trajet vertigineux qu’il avait à accomplir pour s’enculturer tout en préservant ses liens filiaux. Cheminement jonché d’actes en souffrance de traduction psychique. Les antagonismes entre ses mondes peuvent faire du petit d’homme un apatride psychique et un exilé du savoir. C’est à ce point de nouage, où la problématique de l’écolier renvoie aux cassures de son réseau identificatoire, que nous proposons de soigner le lien. Il importe de revisiter notre dispositif, pour en faire une passerelle capable de se substituer à l’enfant dans ce qui était sa fonction pathogène d’intermédiaire.
40L’exemple de la dame qui mit son bébé dans mes bras fut significatif. Elle marqua la confiance qu’elle voulait placer dans le cadre en testant la malléabilité du psychologue, à qui elle demandait de s’extraire d’une certaine « coutume professionnelle ». Les participantes firent de même en imposant leur propre langue, afin de mesurer si le cadre pouvait s’adapter à leur désadaptation.
41Les mamans du groupe nous surprenaient par leur intérêt pour des récits personnels. Elles évaluaient et traduisaient par ce biais les comportements de leurs enfants. Ces attentes singulières, adressées au psychologue blanc plus qu’à sa collègue, démontrent à quel point le statut d’étranger potentialise un ancrage symbolique propre à renverser un omniprésent rapport d’hostilité. Comme l’ont montré ces dames, les familles sont contraintes de tester l’adaptabilité des cadres où elles sont reçues. Elles interrogent pour ce faire l’éthique de l’être-avec qui leur sert d’architecture informelle, en questionnant l’identité du professionnel : derrière son costume et sa coutume. C’est cette quête qui rendait les mamans du groupe si friandes des récits personnels que pouvaient livrer les co-thérapeutes. Nous pensons en effet qu’un certain don de soi, un « don de simple humanité », comme dit Paul Fustier (2000, p. 104), peut aider à briser la glace. Il rend préhensible notre altérité, quand l’omniprésence d’une « paranoïa culturelle » (Green, 1990, p. 257) bloque les liens. De facto le cadre valide devient celui par lequel on réussit à « accrocher » la famille. Il faut partir du principe selon lequel les parents ne peuvent être les seuls responsables de l’immigration de leurs descendants. Il s’agit de leur « tendre une perche ». La création d’espaces de médiatisation nécessite des réaménagements du cadre, où les professionnels devront faire preuve d’une plus grande souplesse, pour s’adapter à ces parents qui tous les jours s’adaptent à nous.
42Ce qui nécessite de s’extraire des aspects figés et de la raideur parfois trop coutumière de nos pratiques, en sachant rester disponible aux espaces-temps plus informels. En prêtant attention aux moments et aux lieux inattendus que choisissent ces familles en mal de familiarité, pour apprivoiser et s’approprier l’altérité dont les professionnels sont porteurs. Encore faut-il oser s’y aventurer, les expérimenter et les théoriser. C’est un projet que nous appelons de nos vœux.
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Mots-clés éditeurs : culture, rupture, transmission, entre-deux, famille, identité, altérité
Date de mise en ligne : 27/05/2011
https://doi.org/10.3917/nrp.011.0207Notes
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[*]
Sébastien Chapellon, psychologue à l’aide sociale à l’enfance de Guyane, sebastienchapellon@yahoo.fr
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[1]
« Avec » qui représente l’échange d’une manière bien différente de celle que prône la société dite de consommation qui est celle de l’avoir.
-
[2]
Voir à ce propos S. Chapellon, 2008b.
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[3]
Nous renvoyons à ce propos à un précédent travail, écrit dans cette même revue (S. Chapellon, 2010).