Notes
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[1]
Voir Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, EHESS, 2012.
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[2]
Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal (1907) », trad. fr. Éliane Escoubas, La Part de l’Œil (Dossier : Art et phénoménologie), vol. 7, 1991, p. 13.
-
[3]
Sur le voyage de Hofmannsthal à Göttingen et la conférence qui s’y est tenue – intitulée Der Dichter und diese Zeit, à laquelle Husserl a pu probablement assister – voir Rudolf Hirsch, Edmund Husserl und Hugo von Hofmannsthal : eine Begegnung und ein Brief, in Carl Joachim Friedrich, Benno Reifenberg (Hrsg.), Sprache und Politik. Festgabe für Dolf Sternberger zum sechzigsten Geburtstag, Heidelberg, Lambert Schneider, 1968, p. 108-111.
-
[4]
Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal », art. cit., p. 13.
-
[5]
Idem.
-
[6]
Voir Françoise Dastur, « Husserl et la neutralité de l’art », La Part de l’Œil (Dossier : Art et phénoménologie), vol. 7, 1991, p. 19-29. Toutefois, neutralité et attitude esthétique ne doivent pas être identifiées. À ce sujet, voir aussi Christian Ferencz-Flatz, « The Neutrality of Images and Husserlian Aesthetics », Studia Phaenomenologica, 2009, no 9, p. 477.
-
[7]
Voir Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal », art. cit., p. 13-14.
-
[8]
Ibidem, p. 15. Même si nous ne devons pas oublier que dans un manuscrit de 1918 Husserl affirme que le domaine artistique peut aussi intéresser le domaine « non intuitif » : « l’art est le domaine de la phantasia mise en forme, perceptive (perzeptiver) ou reproductive, intuitive mais en partie aussi non intuitive » (Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir. De la phénoménologie des présentifications intuitives. Textes posthumes [1898-1925], trad. fr. Raymond Kassis, Jean-François Pestureau, rév. de Jean-François Pestureau, Marc Richir, Grenoble, Jérôme Millon, 2002, p. 486).
-
[9]
Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal », art. cit., p. 15.
-
[10]
Voir Ms. A VI 1/2a. Je tiens à remercier les Archives Husserl de Louvain de m’avoir permis de consulter et citer le Nachlass de Husserl.
-
[11]
Idem.
-
[12]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 168.
-
[13]
Idem.
-
[14]
Voir Danielle Lories, « Remarks on Aesthetic Intentionality : Husserl or Kant », International Journal of Philosophical Studies, vol. 14, no 1, 2006.
-
[15]
Pierre Rodrigo, « L’image, l’analogon, le simulacre : la question des “fictions perceptives” chez Husserl », La Part de l’Œil (Dossier : Esthétique et phénoménologie en mutation), vol. 21-22, 2006-2007, p. 13. Voir aussi Pierre Rodrigo, L’Intentionnalité créatrice. Problèmes de phénoménologie et d’esthétique, Paris, Vrin, 2009, p. 177-180.
-
[16]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 168-169.
-
[17]
Ibidem, p. 169.
-
[18]
Ibidem, p. 167 (le terme « parfois » a été inséré par Husserl dans la transcription du manuscrit, voir idem, note 248).
-
[19]
Je me réfère ici à la façon dont Carole Talon-Hugon a mis en garde contre une séparation simpliste entre valeur artistique et valeur marchande (voir Carole Talon-Hugon, « Valeur et esthétique, valeur marchande », Philosophique, vol. 7, 2004, p. 63-77).
-
[20]
Ms. A VI 1/2a.
-
[21]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 375.
-
[22]
Ibidem, p. 378.
-
[23]
Ibidem, p. 420.
-
[24]
Ibidem, p. 389. Trad. modifiée.
-
[25]
Voir Marc Richir, « Commentaire de Phénoménologie de la conscience esthétique de Husserl », Revue d’esthétique (Esthétique et phénoménologie), vol. 36, 1999, p. 15-23.
-
[26]
« Ce n’est pas la même chose de dire que “dans la chambre il y a une table carrée” et que “dans la même chambre il y a une table belle”. Dans ce dernier exemple […] l’affirmation suppose le point de vue esthétique de quelqu’un. […] L’objet esthétique, pour reprendre les termes kantiens de la Critique de la faculté de juger, est l’occasion (l’origine) mais aussi le terme d’un sentiment, d’un timbre émotionnel-affectif du percevoir, donc d’une réflexion subjective, ou d’une réflexion esthétique dans le percevoir même » (Fabrizio Desideri, Forme dell’estetica. Dall’esperienza del bello al problema dell’arte, Laterza, 2004, p. 34. C’est moi qui traduis).
-
[27]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 420. Trad. modifiée.
-
[28]
Ibidem, p. 508. Je souligne.
-
[29]
Edmund Husserl, Une lettre de Husserl à Hofmannsthal, art. cit., p. 15.
-
[30]
Edmund Husserl, Philosophie première (1923-1924), 2e partie, Théorie de la réduction phénoménologique (1959), trad. fr. Arion L. Kelkel, Paris, Puf, 1972, p. 142.
-
[31]
Ibidem, 143.
-
[32]
Edmund Husserl, Leçons sur l’éthique et la théorie de la valeur (1908-1914), trad. fr. Philippe Ducat, Patrick Lang, Carlos Lobo, préface de Dominique Pradelle, Paris, Puf, 2009, p. 141.
-
[33]
Ibidem, p. 147.
-
[34]
Idem.
-
[35]
Edmund Husserl, Philosophie première, op. cit., p. 142-143 et p. 147-148.
-
[36]
Ibidem, p. 146.
-
[37]
Ibidem, p. 147.
-
[38]
Idem. Je souligne.
-
[39]
Ibidem, p. 148.
-
[40]
« L’art est le domaine de la phantasia mise en forme » (Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 486).
-
[41]
Edmund Husserl, Philosophie première, op. cit., p. 148.
-
[42]
Ibidem, p. 146-147.
-
[43]
Voir Vincenzo Costa, Verso una fenomenologia delle tonalità emotive, in G. Matteucci, M. Portera (éd.), La natura delle emozioni, Sesto San Giovanni, Éditions Mimésis, 2014, p. 140.
« artification », « imagification », « esthétisation »
1L’« artification » est une notion qui peut être définie comme un processus, un processus qui entraîne « le passage du non-art à l’art [1] ». Or, ce passage, d’un point de vue phénoménologique (et je parlerai principalement ici de phénoménologie husserlienne) peut être analysé à la lumière de deux autres mouvements essentiels, à savoir le passage du « réel » à l’« imagé » et celui de l’« attitude naturelle » à l’« attitude esthétique ». Dans cette perspective, nous pourrions donc mettre le terme d’« artification » en relation avec ceux d’« imagification » – dans le sens d’un « rendre image » – et d’« esthétisation ».
2En ce qui concerne le thème de la « considération esthétique » chez Husserl, l’un des documents les plus connus est la célèbre lettre qu’il écrivit à Hugo von Hofmannsthal le 12 janvier 1907 [2]. Ce dernier rendit visite au philosophe en décembre 1906, alors qu’il se trouvait à Göttingen pour une conférence. À cette occasion, Husserl reçut un cadeau littéraire du poète, probablement ses Kleine Dramen [3]. La lettre de Husserl naît comme une réponse à ce don, mais devient rapidement et sans équivoque l’occasion pour développer une comparaison entre la figure du phénoménologue d’un côté et, de l’autre côté, celle du destinataire de l’œuvre, avant de s’élargir à celle de l’artiste.
3Même dans cet espace bref de la lettre, Husserl tente d’attirer l’attention de Hofmannsthal sur certains traits essentiels que partageraient à son avis ces deux pratiques – phénoménologique et artistique : en effet, elles seraient intimement liées parce qu’elles supposeraient une même attitude « à l’égard de toute objectivité [4] ». De manière analogue à ce qui a lieu dans l’attitude phénoménologique,
l’intuition d’une œuvre d’art esthétique pure s’accomplit au sein d’une stricte mise hors circuit de toute prise de position existentielle par l’intellect, ainsi que de toute prise de position par le sentiment et le vouloir, laquelle présuppose une telle prise de position existentielle [5].
5En contemplant l’œuvre d’art, nous dit Husserl, nous sommes amenés à ne pas prendre position concernant l’existence de ce qui se déroule dans le monde artistique. Le parallélisme que Husserl développe entre le phénoménologue et l’« homme qui vit dans l’art » concerne ici d’abord le fait que tous deux suspendent tout jugement lié à l’existence des étants se manifestant dans leurs expériences respectives. Quand on est phénoménologue ou bien artiste (ou spectateur) il faut que l’on voie ce que l’on voit en tant que pure manifestation. Pourtant, soulignons-le, dans ces cas on ne nie pas l’existence de ce que l’on voit : cela signifierait prendre position contre son existence. Nous devrions plutôt dire que ce que voient l’artiste (ainsi que le spectateur) et le phénoménologue est neutralisé (en ce sens, en 1991, dans un important numéro de la revue La Part de l’Œil consacré à « Art et phénoménologie », François Dastur titrait sa contribution « Husserl et la neutralité de l’art [6] »). De ce point de vue, donc, le passage à l’« attitude esthétique » qui serait censé caractériser tout processus d’« artification » devrait également comporter un processus de « neutralisation ».
6La position de Husserl semble ici assez claire : la relation entre implication « existentielle » et « pure[té] esthétique » est inversement proportionnelle. Plus on est concerné par l’existence de ce qui est contemplé, moins on est ouvert à une contemplation esthétique pure [7]. Dans une telle perspective, toute préoccupation existentielle est même potentiellement une menace pour la pureté de l’expérience esthétique. Il semblerait donc que la première étape qui caractérise le processus d’artification, consisterait à supprimer tout intérêt, à la fois de l’artiste et du spectateur, pour l’existence ou la non-existence de l’objet en question. Si ce n’était le cas, l’expérience du spectateur cesserait d’être esthétiquement pure. Ce dernier serait alors touché et en même temps intéressé par l’existence de ce qu’il voit et son plaisir un plaisir « intéressé ». La jouissance impliquée pourrait s’avérer être un plaisir pour l’existence de quelque chose que l’on voudrait, par exemple, posséder et non pas simplement contempler, etc. Dans une telle position, on peut évidemment reconnaître un écho kantien – comme Husserl lui-même, nous le verrons bientôt, ne manque pas de le souligner dans un manuscrit presque contemporain de la lettre.
La question de la valeur
7En plus de la référence à la fameuse lettre à Hofmannsthal, il faut également évoquer à ce sujet un manuscrit husserlien portant le titre significatif d’« Esthétique et phénoménologie [Ästhetik und Phänomenologie] », conservé aux Archives Husserl de Louvain sous la cote A VI 1. Ce manuscrit est extrêmement important parce qu’il traite d’un aspect fondamental de la description phénoménologique de l’expérience esthétique : les notions de valeur [Wert] et de Wertnehmung (qui pourrait se traduire par « saisie de valeur » ou « prise de valeur »). La saisie d’une valeur – la prise [-nehmung] d’une valeur [Wert] – est présentée ici (en continuité avec la lettre à Hofmannsthal) en rapport avec des objets qui sont vus sans que soit prise en compte leur dimension thétique, positionnelle, c’est-à-dire en rapport avec des entités que nous évaluons sans considération pour leur nature réelle ou irréelle : neutralisées, comme nous venons de le dire.
8Nous avons vu que dans la lettre à Hofmannsthal, le phénoménologue et l’artiste (ainsi que le spectateur) partagent une même attitude : tous deux voient le monde comme une pure manifestation [Erscheinung]. Ils ne s’intéressent pas au monde en tant que « fait » réellement existant, mais au sens qui le rend possible, à ses modes de manifestation. Cependant, si le phénoménologue nous donne ce sens à travers des « concepts », l’artiste, dit Husserl, nous le donne « dans l’intuition [8] ». Il s’agit d’un artiste qui doit posséder « du génie », un artiste qui, dans une sorte d’entrelacement entre passivité et activité, doit « sui[vre] purement et uniquement son daimon [daimonion] » qui, « comme du dedans », « l’entraîne à une activité d’aveugle voyant [9] ».
9Or, dans le manuscrit A VI 1 cette suspension de l’existence est intimement liée à la question de la valeur esthétique. Husserl y écrit que dans l’expérience esthétique, nous avons : 1°) une « prise de valeur [Wertnehmen] », c’est-à-dire une intuition d’un objet axiologique-esthétique ; 2°) des sentiments particuliers, ceux auxquels la lettre à Hofmannsthal fait également référence, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas motivés par l’existence de l’objet [10]. Si les valeurs et les sentiments esthétiques ne dépendent pas de l’existence de l’objet, on peut dire qu’ils sont exclusivement liés à son « mode d’apparition en soi et pour soi [Erscheinungsweise, an und für sich] [11] ».
10Dans une section consacrée à l’« Esthétique » de l’appendice VI à Hua XXIII (appartenant au même manuscrit A VI 1), Husserl insiste sur le fait que dans l’« attitude esthétique » nous avons affaire à « un plaisir qui met l’existence hors jeu et qui est par essence déterminé par le type d’apparition [12] » Soulignons qu’il écrit justement en lien avec cette déclaration : « Voir […] la doctrine de Kant [13] ». En ce sens, Danielle Lories [14] a suggéré avec beaucoup de précision la possibilité de voir dans ces réflexions husserliennes une invitation à relire la critique du jugement esthétique comme une phénoménologie de l’attitude esthétique. Il convient également de mettre en évidence que, bien qu’il soit tout à fait possible de parler ici d’une approche que nous pouvons définir comme « désintérêt esthétique », l’expérience esthétique pour Husserl, comme déjà chez Kant, ne se définit pas simplement comme une expérience absolument désintéressée. Remarquons à cet égard que Husserl commence cette page dédiée à l’« Esthétique » en distinguant « l’intérêt à la chose [Sache] », c’est-à-dire l’intérêt pour son existence, sa position d’existence, de « l’intérêt à l’apparition », qui est crucial pour l’expérience esthétique. Deux différents types d’intérêt donc, et non pas un intérêt versus un désintérêt. Par conséquent, dans cette perspective, le mot « intérêt » ne s’oppose pas au « désintéressement ». On peut dire plutôt qu’il y a une coexistence du « désintéressement » pour l’existence et de l’« intérêt » pour l’apparition.
11Cependant, en ce qui concerne ce dernier point, il faut de même préciser que les caractéristiques qui ressortent de la description husserlienne ne concernent pas exclusivement l’œuvre d’art (ni la beauté naturelle de manière exclusive). Manifestement, « artistique » et « esthétique » ne sont pas synonymes (bien que chez Husserl les cas où les deux semblent se chevaucher ne soient pas rares). Quelle est donc la relation entre les processus que nous avons évoqués, entre « artification », « imagification » et « esthétisation » ?
Le moment « expressif » : « comme une image »
12Dans un autre passage important de la page sur l’« Esthétique », l’échelle de l’« esthétisation » semble déterminée par la notion d’« expression [Ausdruck] » (comme Pierre Rodrigo l’a souligné dans sa contribution à un second dossier que La Part de l’Œil a consacré à la phénoménologie, en reprenant et en relançant certains des résultats du premier dossier de 1991 [15]). Voici le passage husserlien en question :
Différentes apparitions du même objet [ne sont] pas d’égale valeur [nicht gleichwertig] dans cette direction affective [i.e. direction esthétique]. Mise en place des vases, des cendriers etc. dans le salon. « Quelle est la plus belle position ? » […] De même aussi dans la figuration d’être humain. Groupe. […] Position caractéristique. Photographie du moment […]. Le plus d’expression possible, c’est-à-dire : une stimulation la plus forte possible, la plus intuitive possible en apparition, de la conscience d’objet, c’est-à-dire non de la chose [Dinges] être humain, mais de l’être humain dans sa fonction, dans son activité (boxeur), dans son agir et pâtir, ce qui justement doit être objet de la figuration [16].
14À partir de cet extrait, je voudrais souligner ici au moins deux points : 1°) D’une part, le meilleur effet esthétique est obtenu à travers « le plus d’expression possible ». Par conséquent, écrit Husserl, « ce qui n’exprime rien, c’est l’adiaphoron [ἀδιάφορον] esthétique [17] », l’indifférent esthétique, le degré zéro de l’esthéticité. 2°) Deuxièmement, il nous faut souligner la référence à la « position caractéristique » expressive que peut offrir une « photographie du moment [Momentphotographie] ». Le choix du moment, de l’« instant fécond », rappelant les pensées de Diderot et de Lessing, est strictement lié ici à l’idée d’une image qui ne doit pas tant ressembler au réel en termes de moments partagés (couleur, forme), mais qui doit exprimer quelque chose qui semble ne pas être concerné par la différence entre conscience de l’image (avec sa « neutralité iconique ») et perception (dimension de réalité) : une action, une tension, un sentiment, une atmosphère, des forces, qui semblent ne pas être concernés, pourrions-nous dire, par le problème de l’existence réelle.
15Porter l’attention sur la manière dont l’expérience esthétique croise la distinction entre la nature et l’art signifie aussi étudier la manière dont elle articule la différence entre réalité et image (le second couple ne coïncidant pas avec le premier). Cela est essentiel parce que Husserl semble mettre l’accent sur la valeur esthétique du mode de manifestation, ce qui suggère en effet que même dans le cas d’un objet perceptif capturé dans l’expérience esthétique, on peut parler d’une expérience d’image (c’est en ce sens que l’on parle ici d’un processus d’« imagification »). En effet, bien que tous les processus d’esthétisation ne donnent pas lieu à un processus d’artification, on pourrait se demander, avec Husserl, ce qu’il arrive à la perception de la nature, des choses, quand on les vit esthétiquement. Comment caractériser la perception, le wahr-nehmen, le « prendre-pour-vrai » (qui, au sens spécifique qui lui est donné par Husserl, est un « prendre-pour-vraiment-existant »), au moment où, dans mon vécu, l’existence est mise hors-jeu ? Husserl se demande ainsi : « Pourquoi la nature, un paysage agit-il [parfois] comme “image” [18] ? »
Le « retournement » esthétique
16Dans le manuscrit A VI 1, parmi les différentes manières qui sont évoquées pour parler de la valeur de l’œuvre d’art, il est également fait mention de la valeur technique (dans ce cas celle de la Madone de Raphaël) et de la valeur économique qu’une œuvre peut acquérir pour le marché de l’art. Cette valeur, du moins dans un premier temps [19], peut être considérée comme quelque chose d’extérieur à l’œuvre, dans le sens que l’œuvre peut l’acquérir indépendamment de sa facture intrinsèque. Quoi qu’il en soit, pour Husserl, le véritable point critique concerne la relation entre le plaisir esthétique originel que nous ressentons lors de la rencontre avec une œuvre et l’« intuition d’une valeur [Werterschauen] » qui se produit dans cette expérience. Husserl pose la question de manière très simple et pourtant inextricable : « Quel est le rapport entre la saisie des valeurs [Wertnehmen], l’intuition des valeurs [Werterschauen] et le plaisir esthétique [ästhetische Gefallen] ? Sont-ils égaux ? C’est-à-dire, sont-ils la même chose ou coïncident-ils [20] ? »
17Essayons donc d’approfondir ces liens entre la nature du plaisir et l’intuition de la valeur. À cet effet, il est utile de mentionner un manuscrit de 1912 de Husserliana XXIII (texte n. 15h), sur lequel Marc Richir avait déjà attiré l’attention en 1999 dans un numéro de la Revue d’esthétique consacrée à « Esthétique et phénoménologie ». Dans ce manuscrit, c’est encore la liaison intime entre la conscience esthétique et la dimension axiologique qui finit sous la loupe phénoménologique : « L’évaluation esthétique, écrit Husserl, dépend par essence de la distinction entre conscience d’un objet en général et type d’apparition de l’objet [21]. »
18Il faut remarquer en particulier que le sentiment esthétique ne s’adresse pas à l’objet « travers[ant] […] l’apparition », mais à l’apparition elle-même et à l’objet « seulement “par égard pour l’apparition” [22] ». En d’autres termes, l’intention ne passe pas par la manifestation pour viser directement le « quoi », le Was, de la manifestation. Il y a plutôt une sorte de repli sur le comment, sur le Wie : nous ne vivons pas dans le « quoi » en le saisissant comme existant, nous « vi[vons] dans l’apparaître [23] ». C’est précisément avec ce pli, avec ce « retour » au « comment » de l’apparition, que se produit le changement qualitatif d’où vient le sentiment esthétique. C’est exactement ce « retournement [Rückwendung] sur l’apparition » qui « donne vie au sentiment d’origine [24] » (qui, comme nous l’avons mentionné plus haut, possède idéalement un degré zéro, à savoir l’adiaphoron esthétique). Richir a beaucoup insisté sur ce point [25]. Un « retournement », un « pli », que l’on pourrait décrire en termes de mouvement de réflexion qui se donne toujours et encore – de manière kantienne – sans jamais trouver la possibilité d’une conceptualisation, un mouvement « circulaire » dans lequel l’objet esthétique devient « le terme » et « l’origine » du sentiment sans jamais enfermer un tel dynamisme dans l’immobilisme d’un concept [26].
19Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, l’attitude esthétique, bien que ne s’intéressant pas à l’existence de la chose, n’est pas du tout une attitude tout à fait désintéressée, mais plutôt un intérêt désintéressé (« désintéressé » en ce qui concerne l’existence) pour le mode de l’apparition : l’intérêt qui peut être suscité par la position de l’objet est réorienté vers le mode de manifestation, non affecté par les questions positionnelles. Ainsi, nous commençons à entrevoir la façon dont ce changement d’intérêt ouvre en même temps une autre question décisive : dans une telle attitude, justement a-positionnelle par rapport à l’existence, y-a-t-il de la place pour une position qui ne soit pas existentielle ? Pour une position de valeurs correspondant à la saisie des valeurs [Wertnehmung] ? Husserl lui-même semble indiquer cette direction quand, toujours dans un manuscrit de 1912 (appendice XL à Husserliana XXIII), rappelant d’une part que dans l’expérience esthétique nous « n’accomplis[sons] aucune prise de position envers l’apparaissant », il revendique d’autre part la possibilité d’une exception significative, à savoir celle d’une « prise de position esthétique de l’affectivité (Gemüt) », la possibilité d’« accompli[r] » un « évaluer esthétique [27] ».
20Dans un autre appendice (LVIII) à Husserliana XXIII, probablement datant de 1917, il fait référence à une « valeur de beauté [Schönheitswert] » manifestée à travers une déclaration de position : la valeur est posée. Dans l’expérience de la beauté, nous aurions ainsi une beauté ressentie comme valeur. Nous faisons l’expérience de l’« objet de l’évaluation beau [Schön-Wertung] ». Si d’une part, dans l’expérience esthétique on ne se prononce pas sur l’existence ou l’inexistence d’un objet, d’autre part, on peut néanmoins affirmer, même dans la rencontre avec « un simple fictum, une “image” » – c’est-à-dire quelque chose qui en soi est un « rien » –, qu’il y a un beau qui est […] un objet idéal [28] ».
Spectateurs intéressés
21Une fois de plus, nous constatons qu’une telle appréciation ne doit pas nécessairement avoir lieu dans la sphère artistique. La reconnaissance de la beauté n’est pas exclusivement liée à l’expérience de l’œuvre d’art, mais à une valeur ressentie. Dans l’attitude esthétique, que ce soit dans une image ou dans la réalité, nous ne nous adressons donc ni à l’existence du sujet de l’image (comme cela pourrait être le cas dans le premier cas), ni à l’existence perceptive de l’objet en chair et en os (comme cela pourrait se produire dans le second cas, où l’on pourrait même parler, dans la suite de notre raisonnement, de « réalité imagée »), et pourtant nous pouvons parler – comme le suggère Husserl – d’une sorte d’existence de valeurs qui se révèlent dans la sphère du sentiment.
22Même dans le cas d’une expérience concernant ce « rien d’existence » (qui est donc l’image pour Husserl), concernant de pures manifestations a-positionnelles, de « simples ficta », il est possible de saisir une existence, « précisément » celle d’un « objet idéal » axiologique. De plus, s’il est vrai que les évaluations esthétiques ne doivent pas nécessairement avoir lieu dans la sphère artistique, s’il est vrai qu’un processus d’« esthétisation » ne donne pas nécessairement lieu à un processus d’« artification », nous devons pourtant encore comprendre si tout processus d’« artification » ne présuppose pas une « esthétisation » phénoménologique, au sens d’une prise de valeur ressentie dans le mode d’apparition. Nous trouvons dans les leçons sur la « philosophie première » de 1923-1924, que Husserl avait pensé publier à maintes reprises, un indice pour aller dans cette direction. Ici, nombre d’aspects discutés jusqu’à présent trouvent une formulation renouvelée dans des pages très intenses sur la dimension axiologique qui est à la base de la création (et de la jouissance) artistique. En effet, il est particulièrement significatif de trouver ici des références du côté artistique, qui est justement abordé à partir du rapport intime entre la valeur et le sentiment.
23Husserl concluait la lettre de 1907 à Hofmannsthal par un post scriptum qui énonçait « trois règles d’or de l’artiste (au sens le plus large du terme), en même temps que les secrets notoires de toute véritable grandeur [29] ». L’une d’entre elles, à laquelle nous avons déjà fait référence, affirme que l’artiste doit être guidé par « son daimon [daimonion] » qui « l’entraîne à une activité d’aveugle voyant ». Il est donc significatif que dans Philosophie première, cette dimension « voyante-aveugle » trouve justement son point d’irradiation dans la notion de valeur, dans la notion d’une « δύναμις » conçue comme un « idéal […] obscur […] » que l’on poursuit par un « processus de valorisation continu [30] ». L’artiste travaille cette valeur à travers le « plaisir » et le « déplaisir [31] », mais sans avoir recours aux concepts. Encore une fois, cette validité doit d’abord être ressentie, car l’attitude esthétique – l’écho de la troisième critique kantienne est encore bien perceptible – est celle du sentiment. À proprement parler, « la raison axiologique avec ses fonds est pour ainsi dire dissimulée à elle-même [32] ». En réalité, « une raison simplement évaluative ne voit pas, ne conçoit pas, n’explicite pas, ne prédique pas [33] ».
24Certes, la « raison logique » peut, avec son « flambeau » mettre en lumière ce que la Wertnehmung a déjà constitué dans la sphère de l’affectivité [34]. Pourtant, pour cette même raison – comme le suggère Husserl – on ne peut pas dire que l’historien de l’art et le critique d’art opèrent dans une attitude esthétique, parce que leur attitude change essentiellement dans l’attitude théorique [35]. Si la valeur esthétique ressentie est cachée en elle-même, pour ainsi dire, et a besoin d’un acte qui la puisse expliciter, on pourrait alors aller jusqu’à suggérer que l’art peut aussi brandir son « flambeau », qui n’est toutefois pas celui de la raison logique. L’art ne se limite pas à éclairer conceptuellement une valeur déjà ressentie, mais répond à ce besoin d’éclairage en proposant un processus qui peut, par variation, faire ressentir cette valeur à son destinataire, qui peut ainsi se découvrir axiologiquement intéressé.
25Dans les pages de Philosophie première, la possibilité de parler d’un intérêt désintéressé à propos de l’expérience esthétique trouve également une formulation plus articulée. Le facteur décisif dans ce sens est la référence à l’« intérêt affectif [36] » et la caractérisation de la valeur comme thème de l’intention esthétique. Ici aussi, la distinction entre les différents types d’intérêt correspond au parallélisme terminologique entre Wahrnehmung – qui peut être défini en termes de position d’existence – et Wertnehmung, cette saisie de valeur qui, comme nous venons de le voir, peut être donnée sans intérêt dans les questions liées à l’existence réelle (ou non) de quelque chose. En fait, Husserl écrit que
la valeur elle-même, dans sa vérité axiologique [Wertwahrheit], n’est pas perçue [wahrgenommen], mais pour ainsi dire saisie axiologiquement [wertgenommen] ; ce que la perception [Wahrnehmung] accomplit pour la chose pure et simple, la saisie axiologique [Wertnehmung] l’accomplit pour la valeur [37].
27Quelle est donc la prise de position que nous sommes autorisés à accomplir dans ce cas-ci ? Le « spectateur esthétique » – et dans ce contexte cela veut dire le spectateur de l’œuvre d’art – « vit dans l’intérêt axiologique [38] », qui est – nous venons de le voir – un « intérêt affectif ». Ceci est donc un moment positionnel qui ne concerne pas directement le rien d’existence qui est le fictum artistique, mais la Wertnehmung, la saisie de valeur. On peut alors ne pas s’intéresser au fait que l’objet-image est véritablement un rien d’existence, ou à la position de son sujet, mais s’intéresser néanmoins à l’existence d’un « objet de valeur [Wertobjekt] [39] ». De ce point de vue, chaque processus d’artification peut être fondé sur un processus d’évaluation, qui peut impliquer différentes régions axiologiques.
28Si nous pouvons opérer ce changement d’intérêt, c’est aussi parce que la possibilité de percevoir une valeur ne semble pas affectée par la différence entre régime perceptuel et régime iconique. Les œuvres d’art, les « formations » de la Phantasie – comme on peut les définir avec Husserl [40] – révèlent alors leur capacité à nous ouvrir un horizon de valeurs. Et cela signifie nous ouvrir à un « τέλος [41] » particulier que nous ressentons dans la sphère du sentiment. Un telos qui possède le pouvoir productif de la dynamis : « le moi […] veut […] atteindre l’objet esthétique en tant qu’il est cette valeur concrète déterminée en soi », l’objet ressenti dans sa valeur est « ἐνέργεια » de cette même « δύναμις » dans la « pure jouissance esthétique [Kunstgenuß] comblée [42] ».
29Si la valeur ne peut se manifester en tant que telle que comme quelque chose qui attire le sujet, c’est-à-dire dans la mesure où le moi la perçoit émotionnellement comme quelque chose dans laquelle il y va de soi-même [43], alors dans la rencontre avec les œuvres d’art, plongés dans les possibilités de répondre aux valeurs qui nous sont données en elles, nous pouvons, avec une responsabilité particulière, nous dire enfin spectateurs axiologiquement intéressés.
Notes
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[1]
Voir Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, EHESS, 2012.
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[2]
Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal (1907) », trad. fr. Éliane Escoubas, La Part de l’Œil (Dossier : Art et phénoménologie), vol. 7, 1991, p. 13.
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[3]
Sur le voyage de Hofmannsthal à Göttingen et la conférence qui s’y est tenue – intitulée Der Dichter und diese Zeit, à laquelle Husserl a pu probablement assister – voir Rudolf Hirsch, Edmund Husserl und Hugo von Hofmannsthal : eine Begegnung und ein Brief, in Carl Joachim Friedrich, Benno Reifenberg (Hrsg.), Sprache und Politik. Festgabe für Dolf Sternberger zum sechzigsten Geburtstag, Heidelberg, Lambert Schneider, 1968, p. 108-111.
-
[4]
Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal », art. cit., p. 13.
-
[5]
Idem.
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[6]
Voir Françoise Dastur, « Husserl et la neutralité de l’art », La Part de l’Œil (Dossier : Art et phénoménologie), vol. 7, 1991, p. 19-29. Toutefois, neutralité et attitude esthétique ne doivent pas être identifiées. À ce sujet, voir aussi Christian Ferencz-Flatz, « The Neutrality of Images and Husserlian Aesthetics », Studia Phaenomenologica, 2009, no 9, p. 477.
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[7]
Voir Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal », art. cit., p. 13-14.
-
[8]
Ibidem, p. 15. Même si nous ne devons pas oublier que dans un manuscrit de 1918 Husserl affirme que le domaine artistique peut aussi intéresser le domaine « non intuitif » : « l’art est le domaine de la phantasia mise en forme, perceptive (perzeptiver) ou reproductive, intuitive mais en partie aussi non intuitive » (Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir. De la phénoménologie des présentifications intuitives. Textes posthumes [1898-1925], trad. fr. Raymond Kassis, Jean-François Pestureau, rév. de Jean-François Pestureau, Marc Richir, Grenoble, Jérôme Millon, 2002, p. 486).
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[9]
Edmund Husserl, « Une lettre de Husserl à Hofmannsthal », art. cit., p. 15.
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[10]
Voir Ms. A VI 1/2a. Je tiens à remercier les Archives Husserl de Louvain de m’avoir permis de consulter et citer le Nachlass de Husserl.
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[11]
Idem.
-
[12]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 168.
-
[13]
Idem.
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[14]
Voir Danielle Lories, « Remarks on Aesthetic Intentionality : Husserl or Kant », International Journal of Philosophical Studies, vol. 14, no 1, 2006.
-
[15]
Pierre Rodrigo, « L’image, l’analogon, le simulacre : la question des “fictions perceptives” chez Husserl », La Part de l’Œil (Dossier : Esthétique et phénoménologie en mutation), vol. 21-22, 2006-2007, p. 13. Voir aussi Pierre Rodrigo, L’Intentionnalité créatrice. Problèmes de phénoménologie et d’esthétique, Paris, Vrin, 2009, p. 177-180.
-
[16]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 168-169.
-
[17]
Ibidem, p. 169.
-
[18]
Ibidem, p. 167 (le terme « parfois » a été inséré par Husserl dans la transcription du manuscrit, voir idem, note 248).
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[19]
Je me réfère ici à la façon dont Carole Talon-Hugon a mis en garde contre une séparation simpliste entre valeur artistique et valeur marchande (voir Carole Talon-Hugon, « Valeur et esthétique, valeur marchande », Philosophique, vol. 7, 2004, p. 63-77).
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[20]
Ms. A VI 1/2a.
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[21]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 375.
-
[22]
Ibidem, p. 378.
-
[23]
Ibidem, p. 420.
-
[24]
Ibidem, p. 389. Trad. modifiée.
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[25]
Voir Marc Richir, « Commentaire de Phénoménologie de la conscience esthétique de Husserl », Revue d’esthétique (Esthétique et phénoménologie), vol. 36, 1999, p. 15-23.
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[26]
« Ce n’est pas la même chose de dire que “dans la chambre il y a une table carrée” et que “dans la même chambre il y a une table belle”. Dans ce dernier exemple […] l’affirmation suppose le point de vue esthétique de quelqu’un. […] L’objet esthétique, pour reprendre les termes kantiens de la Critique de la faculté de juger, est l’occasion (l’origine) mais aussi le terme d’un sentiment, d’un timbre émotionnel-affectif du percevoir, donc d’une réflexion subjective, ou d’une réflexion esthétique dans le percevoir même » (Fabrizio Desideri, Forme dell’estetica. Dall’esperienza del bello al problema dell’arte, Laterza, 2004, p. 34. C’est moi qui traduis).
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[27]
Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 420. Trad. modifiée.
-
[28]
Ibidem, p. 508. Je souligne.
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[29]
Edmund Husserl, Une lettre de Husserl à Hofmannsthal, art. cit., p. 15.
-
[30]
Edmund Husserl, Philosophie première (1923-1924), 2e partie, Théorie de la réduction phénoménologique (1959), trad. fr. Arion L. Kelkel, Paris, Puf, 1972, p. 142.
-
[31]
Ibidem, 143.
-
[32]
Edmund Husserl, Leçons sur l’éthique et la théorie de la valeur (1908-1914), trad. fr. Philippe Ducat, Patrick Lang, Carlos Lobo, préface de Dominique Pradelle, Paris, Puf, 2009, p. 141.
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[33]
Ibidem, p. 147.
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[34]
Idem.
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[35]
Edmund Husserl, Philosophie première, op. cit., p. 142-143 et p. 147-148.
-
[36]
Ibidem, p. 146.
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[37]
Ibidem, p. 147.
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[38]
Idem. Je souligne.
-
[39]
Ibidem, p. 148.
-
[40]
« L’art est le domaine de la phantasia mise en forme » (Edmund Husserl, Phantasia, conscience d’image, souvenir, op. cit., p. 486).
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[41]
Edmund Husserl, Philosophie première, op. cit., p. 148.
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[42]
Ibidem, p. 146-147.
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[43]
Voir Vincenzo Costa, Verso una fenomenologia delle tonalità emotive, in G. Matteucci, M. Portera (éd.), La natura delle emozioni, Sesto San Giovanni, Éditions Mimésis, 2014, p. 140.