Notes
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[1]
Dans cette expression, « court » renvoie à la définition du plan Barnier en 2009 (0 à 1 intermédiaire entre la production et la consommation) et « proximité » renvoie à proximité géographique qui peut être définie de manière kilométrique, administrative ou bien par un sentiment d’appartenir à un même territoire.
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[2]
Le réseau de chercheur·e·s impliqué·e·s dans l’observatoire des proximités a favorisé l’émergence d’un projet régional, dans le cadre de la nouvelle région Nouvelle-Aquitaine, sur les projets alimentaires de territoire (APPAL). C’est dans le cadre de ce projet que le jeu étudié dans cet article est développé.
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[3]
Depuis le début des travaux sur les circuits cours de proximité au sein du laboratoire Géolab, les résultats ont été diffusés auprès des acteurs locaux (habitants, élus, professionnels, structures d’accompagnements), à travers des supports variés, tels que des documents de 4 pages, des ateliers, des expositions, des cafés ou cinémas géographiques.
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[4]
Aujourd’hui intégré à l’approche CoOPLAaGE, développée depuis 2004 par l’Irstea [http://cooplaage.watagame.info/].
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[5]
La notion de souveraineté alimentaire est utilisée distinctement dans les univers de la production et de consommation. Elle a d’abord été utilisée dans la sphère productive comme accès au foncier et comme critique des règles de l’OMC avant d’observer un glissement de sens vers l’idée de terre nourricière, les deux notions cohabitant dans une souveraineté alimentaire polysémique : au final, l’utilisation commune d’une même notion ne garantit pas une intercompréhension réciproque.
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[6]
Alors que la notion de souveraineté alimentaire a été introduite par des mouvements contestataires de l’agriculture dominante, le succès de la notion a amené les acteurs institutionnels à l’utiliser aboutissant à une réduction à la seule défense d’une marque locale ne comportant aucun critère de mode de production.
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- [8]
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[9]
L’Alimentation Locale en Projet est le premier jeu sérieux élaboré au sein de l’équipe GEOLAB, qui avait commencé à s’intéresser aux jeux dans le cadre des séminaires évoqués dans l’introduction. L’expertise de l’équipe portait donc sur les enjeux de gouvernance et de coopération autour de l’alimentation locale. Le réseau Inpact de son côté avait une connaissance plus fine des acteurs et des montages de projets, et a permis d’apporter des éléments plus « réels » dans le jeu, par exemple le montant de ressources (temps et argent) nécessaire pour chaque action.
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[10]
Nous revenons cet aspect dans la dernière section sur le jeu comme outil de médiation.
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[11]
Ces journées annuelles permettent la rencontre des acteurs qui agissent dans le domaine des CCP et qui souhaitent se tenir au courant des évolutions de ce domaine et rencontrer d’autres personnes. La dernière journée de rencontres dans le cadre de l’Observatoire des proximités a été organisée en 2019. Elles s’intègrent depuis dans les journées organisées par PQN-A (Pays et Quartiers Nouvelle Aquitaine).
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[12]
Les ONVAR (organismes nationaux à vocation agricole et rurale) sont des organismes reconnus par le Ministère de l’Agriculture au côté des acteurs institutionnels du développement agricole.
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[13]
Il s’agit des enquêtes sur les circuits courts de proximité menées depuis 2014 au sein du laboratoire GEOLAB (Chevallier et al., 2014 ; Garnier et Dellier, 2018 ; Chevallier et Dellier, 2020).
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[14]
La restauration collective, peu citée par les producteurs de l’enquête, est une préoccupation importante des collectivités impliquées dans ces gouvernances participatives, de même que les paniers qui bénéficient d’une forte médiatisation.
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[15]
40 entretiens en 2011-2013 (Chevallier et al.), 50 entretiens en 2015-2017 (Chevallier et Dellier, 2017, 2020) et des enquêtes complémentaires réalisées spécifiquement sur les tâches dans le Pays Monts et Barrages (document de travail non publié) ainsi que des enquêtes par questionnaire (Garnier et Dellier, 2018).
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[16]
Pour aller plus loin dans l’analyse du déroulement du jeu, une psychologue a été sollicitée pour proposer une lecture sur les postures d’influence à partir du film tourné lors d’une session.
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[17]
Nous avons retrouvé la même hésitation que nous avions eue sur la diversité des personnages (section précédente « les ingrédients de base du jeu »), ce qui nous a conduit à insister sur la possibilité de s’approprier son personnage pour intégrer des préoccupations de distributeurs, artisans, etc. (section ci-après « faire germer le personnage ») sans ajouter de personnage.
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[18]
Parmi lesquels ce jeu.
Introduction
1 L’émergence des projets alimentaires de territoire vient clore une décennie de redécouverte des circuits courts de proximité (CCP [1]) par les acteurs institutionnels et associatifs. En renforçant le rôle attendu des collectivités dans l’organisation de systèmes alimentaires plus résilients, au-delà même de leur habituelle compétence sur la restauration collective, ces politiques appellent des dynamiques collectives qui rassemblent des acteurs aux attentes et conceptions hétérogènes. Dans ce cadre, ajouter « de proximité » à la définition officielle de « circuits courts » souligne le fait que la suppression des intermédiaires ne garantit pas la proximité, au sens relationnel et géographique, entre les personnes impliquées dans le circuit. Pourtant cette proximité apparaît comme l’un des moteurs et gage d’efficacité de ces initiatives (Chevallier et al., 2014). De plus, la transition d’initiatives individuelles ou collectives vers une gouvernance alimentaire territoriale repose sur la capacité des parties prenantes à concilier les différentes conceptions et intérêts à l’œuvre dans les CCP autour d’un socle commun.
2 La construction de ce socle mobilise depuis 2014 les efforts de plusieurs membres du laboratoire Geolab, notamment à travers la co-animation des journées annuelles de rencontres de l’Observatoire des Proximités, d’abord à l’échelle des Régions Limousin et Poitou-Charentes puis à celle de la Nouvelle Aquitaine depuis 2017 [2]. Les retours exprimés par les participant·e·s à ces journées laissent entendre que les acteurs se saisissent peu des résultats des recherches sur les CCP malgré les différentes formes de diffusion proposées [3], pointant notamment les enjeux du dialogue entre les différents acteurs des CCP pour la construction de dynamiques collectives. De nouvelles formes d’interactions étaient donc à imaginer. La réflexion a alors porté sur la manière de permettre aux acteurs à la fois de partager, de se comprendre et de s’approprier les résultats de la recherche par l’expérience, en s’inspirant de la notion de pédagogie expérientielle, plutôt que par une réception de contenu plus classique reprenant les principes de la pédagogie transmissive. En complément des habituelles interventions en plénière présentant de manière transmissive des résultats de recherche et ateliers problématisés, l’idée de proposer une expérience collective sous la forme d’un jeu sérieux a ainsi émergé de manière empirique, dans le cadre de la préparation de la sixième journée de l’Observatoire des Proximités prévue à Tulle en mars 2019.
3 Quelques jalons étaient déjà posés. Au sein du laboratoire, les jeux sérieux avaient été expérimentés, et « la vie de laboratoire » (Latour, Woolgar, 1979), avec ses interactions entre chercheurs, a permis le début d’une réflexion sur cet outil : la présence d’un collègue proche du groupe ComMod, collectif spécialisé dans la modélisation d’accompagnement (Daré, 2005 ; Etienne, 2010 ; 2012), s’appuyant (entre autres) sur le jeu comme outil de partage des savoirs et d’aide à la décision, a sans doute influencé notre approche. Ainsi, l’organisation, en 2015, des sessions de Watagame [4] avait conduit l’année suivante à consacrer du temps du programme COMMONS sur la gestion collective des ressources naturelles à la construction et au test de jeux destinés à vivre et observer des expériences de coopération (Barès et al., 2016). Cette démarche faisait ainsi écho aux propos de Guardialo et al. (2012) selon qui « les colloques, conférences et autres journées d’étude sur le serious game se multiplient plus vite que les pains ». Les jeux sérieux utilisés dans des démarches d’accompagnement touchent souvent à des problématiques environnementales (Etienne, 2010 ; Chlous-Ducharme et Gourmelon, 2011 ; Amalric et al., 2017). De notre côté, il s’agissait d’appliquer cet outil aux projets d’alimentation locale, en utilisant le cadre ludique, d’une part pour favoriser le partage des connaissances et une confrontation différente des savoirs entre acteurs et, d’autre part, dans un but de « décloisonnement de la recherche » (Boutet et al., 2005), qui permette une nouvelle dialectique entre scientifiques et non-scientifiques.
4 Une fois l’idée émise, l’équipe s’est attachée à co-construire le jeu, l’objectif étant de faciliter le dialogue, le partage et la compréhension mutuelle entre les différents acteurs de l’alimentation locale en proposant un outil d’animation mais aussi de réflexion par l’expérience autour des enjeux de la gouvernance alimentaire, tout en permettant de contourner les difficultés de la mise en œuvre d’une collaboration entre acteurs de la recherche et acteurs locaux.
5 Cet article vise donc à retracer le processus qui nous a conduit à construire le jeu l’Alimentation Locale en Projet, de la réflexion initiale sur la gouvernance alimentaire, à sa formalisation et à ses adaptations, pour questionner le rôle de cet outil dans la gouvernance alimentaire. Il propose d’abord une réflexion autour de l’articulation entre CCP, gouvernance alimentaire et jeux sérieux. La proposition et la construction du jeu sérieux « l’Alimentation Locale en Projet » est ensuite présentée. Au fil des parties, les besoins de consolidation et d’adaptation du jeu se sont révélés nécessaires afin de faciliter au maximum le dialogue, l’écoute des participant·e·s et sensibiliser ainsi au mieux les différents protagonistes aux problématiques de gouvernance territoriale en matière de développement des circuits courts de proximité, identifier notamment les jeux d’acteurs, les leviers, etc.
Le rôle des jeux sérieux dans le cadre de la gouvernance alimentaire
La question de la gouvernance alimentaire dans les circuits courts de proximité
Vers une gouvernance plurielle de l’alimentation
6 D’après Bognon et Marty (2015), alors que les communes étaient des actrices essentielles de l’alimentation jusque dans les années 1940, elles ont perdu ce rôle dans les années 1950 : « la modernisation du système alimentaire, débutée dans l’après-guerre et dont les formes et normes se déploient par la suite, donne lieu à une gouvernance des flux dominée par le secteur privé, marchand et entrepreneurial », caractérisée « par le secret stratégique d’une sphère commerciale privatisée ». À l’opposé de cette gouvernance se dessine à la fin du 20e siècle une gouvernance plurielle de l’alimentation, avec de nouveaux acteurs publics telles que les collectivités locales qui « tentent de contrevenir à l’expansion conquérante de la grande distribution. » (ibid., p. 11), et les consommateurs, pour qui « les répercussions des conclusions du Sommet de la Terre de 1992 produisent un changement dans la mentalité » (ibid., p. 11) et sont de fait « de plus en plus critiques vis-à-vis des objectifs capitalistiques des groupes de distribution alimentaire ».
7 De plus, émerge parallèlement un secteur agri-alimentaire reconnectant l’agriculture et l’alimentation alors que ces secteurs étaient relativement cloisonnés depuis l’après-guerre (Bonnefoy, Brand, 2014), sachant que la gouvernance du secteur agricole s’est elle-même progressivement élargie (Souchard, 2003 ; Gomez, Itçaina, 2014 ; Prévost, 2014 ; Peltier, 2010 ; Schweizer, Mumenthaler, 2017 ; Reed, Keech, 2019 ; Cretella, 2019).
Les difficultés de gouvernance liée à l’hétérogénéité des acteurs des CCP…
8 Les CCP s’inscrivent dans ce contexte : ils se développent aussi bien à l’initiative d’acteurs privés, de la société civile ou de structures publiques. Les CCP sont donc caractérisés par une grande diversité des acteurs impliqués, qu’il s’agisse de types d’acteurs ou de domaines d’activité. Cette diversité peut se vivre sous forme concurrentielle ou de simple cohabitation, mais on constate un mouvement fort en faveur d’une gouvernance participative. On voit émerger « un nouvel ensemble de coopérations entre différents acteurs […]. Ces nouvelles formes de coopérations se veulent davantage inclusives, horizontales et non sectorielles » (Chiffoleau et al., 2018). La gouvernance partagée se trouve même être à la fois un moyen pour développer les CCP et une fin en soi. On aboutit donc à une exigence de gouvernance alimentaire territorialisée qui soit « l’ensemble des processus de coordination des acteurs autour de l’alimentation à l’échelle territoriale, visant à favoriser leur organisation et à limiter l’atomisation des initiatives touchant aux systèmes alimentaires » (Billion, 2017).
9 La forte hétérogénéité des acteurs est un défi majeur pour concrétiser cette gouvernance alimentaire territoriale (GAT). Ces acteurs n’ont pas l’habitude de travailler ensemble, ce qui peut poser des problèmes de compréhension et de mise en route de collaborations. Il existe également des conceptions de l’agriculture et de l’alimentation qui peuvent s’opposer. Enfin, les acteurs locaux se trouvent en fait avoir peu de marges de manœuvre. Cela constitue trois freins majeurs pour le développement d’une GAT.
10 « La rencontre entre producteurs et consommateurs, présentée par les acteurs comme allant de soi, résulte d’un travail de construction d’un univers de sens commun à partir de répertoires de justification distincts » (Gomez, Itçaina, 2014). Selon l’auteur et l’autrice, le développement des CCP au Pays basque se trouvent au croisement « d’utopies économiques à la fois proches dans leurs visées et distinctes par leurs origines et par les groupes sociaux qui les portent ». Selon Chevallier et al. (2014), les motivations pour vendre ou acheter des aliments en circuits alimentaires de proximité varient selon les personnes et cela au sein d’un même corps de métier : « les néo-Limousins mettent plus fréquemment en avant des motivations d’ordre personnel (goût pour la relation clientèle, recherche d’une meilleure qualité de vie) ou sociétal (défense du milieu rural, protection de l’environnement) que les exploitants nés en Limousin, qui mettent plus fréquemment en avant des motivations économiques (meilleure valorisation des produits, nouveaux débouchés) » (ibid. : p. 345). De plus, on observe la mobilisation d’institutions a priori non dédiées au commerce alimentaire telles que les associations sportives, culturelles ou encore les comités d’entreprise. Il est donc difficile de dépasser une simple cohabitation d’acteurs et actrices aux visées différentes dans la mise en œuvre de CCP pour atteindre une collaboration qui soit efficace et volontariste. Soulard et Perrin (2014) constatent ainsi, dans leur étude de cas de Perpignan, un manque d’adhésion de partenaires aussi bien dans les espaces de réunions que dans les actions mises en œuvre. Au point que Chiffoleau et al. (2018) estiment nécessaire de mobiliser des « diplomates et interprètes capables de parler les différents langages des différents corps ».
11 Il faut alors réussir à faire dialoguer. Cela a pu se faire par exemple autour de la notion de « souveraineté alimentaire ». Mais alors que, dans le Pays basque, un glissement de sens s’est progressivement opéré pour faire converger des acteurs (Gomez, Itçaina, 2014) [5], dans le canton de Genève, cette notion mobilisée a plutôt été vidée de son sens au profit d’une des parties (Schweitzer, Mumenthaler, 2017) [6]. Selon Chiffoleau et al. (2018), les blocages sont rarement purement techniques : alors que les acteurs se plaignent de rencontrer des problèmes juridiques ou techniques, les solutions apportées ne suffisent pas à ce que des collaborations se mettent en place et ce sont souvent des temps conviviaux ludiques et informels qui servent de déclencheurs.
… et aux clivages autour de la question alimentaire
12 Toutefois, malgré tous ces efforts de rencontre, on assiste souvent à « une nouvelle segmentation de l’arène agroalimentaire. Dans beaucoup de configurations, il semble que l’on ait constitué à la faveur des procédures et des normes, des arènes diverses renvoyant à des systèmes d’acteurs spécifiques et des objectifs différents. Cela offre aux élus la possibilité de gérer des demandes et des politiques contradictoires, de sectoriser une politique transversale à moindre coût politique » (Bonnefoy, Brand, 2014).
13 Par exemple, d’après Peltier (2010) à propos des cas du Mans et de Nantes, les acteurs « retombent souvent dans une défense corporatiste qui leur paraît indépassable ». Ainsi Coulson et Sonnino (2019) considèrent que la littérature est excessivement optimiste, ne prenant pas suffisamment en compte les tensions et conflits. Elles montrent ainsi, à propos de plusieurs « coalitions » alimentaires rurales en Grande-Bretagne, que les politiques alimentaires urbaines ne peuvent être qu’un simulacre de démocratie : faute d’habitude de travailler ensemble et en raison de la complexité d’un travail pluriel, les acteurs sont condamnés à privilégier une approche consensuelle pour ne pas bloquer les échanges, de sorte que les inégalités ne peuvent être corrigées et que ce sont les mêmes personnes qui prennent les décisions, en dehors des espaces de gouvernance partagée.
14 À l’inverse de la littérature considérant que l’alimentation est un sujet suffisamment transversal pour créer des synergies entre acteurs, Cretella (2019) considère, à propos d’un échec de politique alimentaire urbaine à Pise, en Italie, que la collectivité et l’université « ont sous-estimé à quel point l’alimentation peut être un sujet conflictuel, problématique et contesté ». De même, selon Reed et Keech (2019), à propos de la politique alimentaire de Bristol, l’écart entre les initiatives citoyennes et les politiques alimentaires est tel qu’il est peu probable que l’on puisse prendre des décisions transparentes et démocratiques dans les espaces de gouvernance alimentaire locale. Il y a une inquiétude permanente des initiatives citoyennes d’être récupérées ou non comprises ou bien d’être associées à des choix qu’elles ne cautionnent pas. De plus, en raison des nombreuses relations informelles préexistantes, la plupart des décisions sont réfléchies en dehors des espaces de gouvernance alimentaire locale.
15 Enfin, quand bien même les acteurs arriveraient à se rencontrer et à dépasser leurs oppositions, il reste que les politiques alimentaires locales menées par les collectivités manquent trop de libertés en raison du contexte global et qu’il est vain de vouloir monter des politiques alimentaires strictement locales : il est important de mettre en évidence la place des acteurs absents du territoire mais qui ont un rôle déterminant sur l’alimentation (Lever et al., 2019). Les acteurs locaux sont confrontés « aux puissants effets de sentier imposés par le régime dominant, et à leur faible capacité de changement dans un système alimentaire globalisé et privatisé » (Bognon, Marty, 2015). Il reste à espérer selon ces dernières autrices que les innovations à l’échelle locale puissent venir bousculer les échelles méso et macro : « les transitions peuvent relever de perturbations majeures du paysage sur le régime (i.e. catastrophe naturelle, crise économique, etc.), de dysfonctionnements structurels dans le régime (i.e. crise politique, mouvements sociaux, etc.), et/ou d’émergence d’une ou de plusieurs niches venant se substituer au régime dominant ou l’amender en profondeur ».
16 Parmi tous ces freins, le jeu peut clairement agir sur les deux premiers (la segmentation des acteurs de l’arène agri-alimentaire et les clivages autour de la question alimentaire). D’une part, il crée un cadre ludique permettant à des acteurs qui ne se connaissaient pas de se rencontrer et d’échanger grâce aux règles du jeu, qui donnent un cadre simplifié et rapidement accessible. Le jeu peut permettre de prendre le temps de découvrir la diversité des positions, donc d’améliorer l’intercompréhension et de vivre une expérience commune qui scelle un début d’interaction sociale. D’autre part, il permet d’aborder des sujets sensibles, tel que celui des rapports de force. Ne sachant pas si les prises de position des uns et des autres pendant les séances sont liées à leur rôle affecté ou bien à leur personnalité et ce cadre étant ludique, il est possible de sensibiliser à la question.
L’appui sur les jeux sérieux pour retravailler la gouvernance
17 La littérature sur l’utilisation des jeux sérieux et les colloques ou journées d’études qui leur sont consacrés témoignent de l’essor de cet outil dans de nombreux domaines et disciplines. Leurs objectifs peuvent être multiples : améliorer la connaissance autour d’un enjeu, confronter des savoirs entre acteurs ou faciliter leurs interactions, ou encore accompagner des actions d’aménagement. Plusieurs disciplines se saisissent par ailleurs de cet outil : en économie expérimentale, le recrutement de volontaires pour jouer à des jeux informatiques de simulation des comportements est également courant : il s’agit de faire jouer un grand nombre de personnes à un même jeu pour regarder comment les résultats quantitatifs évoluent en fonction de variables telles que les formes de rémunération (Eber, Willinger, 2012).
18 Les jeux de rôle sont plus couramment utilisés et étudiés par la recherche dans le management en entreprises (Martin, 2018) et pour la formation continue des salarié·e·s (Cohard et Marciniak, 2014 ; Ndaoet al., 2017).
19 En géographie et dans les sciences de l’environnement, les jeux sérieux ont été utilisés comme outil d’échange et de concertation entre acteurs locaux dans le cadre de l’aménagement ou de la gestion environnementale. Le projet « La ville en jeux » propose un catalogue de jeux autour de l’architecture et de l’urbanisme, dont URBAX, jeu sérieux qui permet de simuler l’aménagement urbain, qui vise à une compréhension des stratégies des différents acteurs et à une connaissance des outils de l’aménagement [7]. Foncijeu, un jeu de rôle organisé autour d’un plateau, a été élaboré par des géographes de Montpellier autour de la gestion du foncier agricole périurbain. Ce jeu permet de mettre en évidence le besoin d’une approche collective et concertée dans le développement agricole d’une commune [8]. Les jeux sérieux permettent également d’aborder des questions environnementales, comme sur l’île d’Ouessant, où une équipe pluridisciplinaire (géographes, ethnologues, économistes, modélisateurs…) a développé un jeu de rôle, complété d’une démarche de modélisation multi-agents, pour partager des savoirs entre acteurs locaux autour des enjeux environnementaux de l’île, dans un contexte de recompositions sociales (Chlous-Ducharme et al., 2008 ; Chlous-Ducharme, Gourmelon, 2011). Dans le cadre du projet LittoSIm, sur l’île d’Oléron, le jeu avait pour objectif de permettre aux habitants et élus locaux de confronter leurs savoirs et leurs pratiques dans la gestion de l’aménagement littoral face aux épisodes de submersion, afin de mettre en place collectivement une stratégie de prévention efficace (Amalric et al., 2017 ; Becu et Rulier, 2018). Ces exemples nous permettent de disposer de retours d’expériences et d’analyses sur des démarches similaires. Ils démontrent également l’intérêt de l’approche ludique dans le partage des savoirs et des représentations entre acteurs, y compris dans une perspective de gouvernance partagée.
Articuler pédagogie et recherche grâce aux jeux sérieux
20 Le.la chercheur·e est fréquemment confronté·e à un dilemme classique en pédagogie lors de la transmission de ses résultats aux acteur·rices (Houssaye, 2014 ; Meirieu, 2007). Les présentations plénières lors de séminaires par exemple permettent de suivre rigoureusement une problématique mais avec un contenu souvent trop abstrait pour être approprié par les personnes en présence. Ainsi, nous avons pu noter que lorsque nous revoyons des interlocuteur·rices présent·e·s à ces journées, les échanges peuvent porter sur des thèmes abordés lors des conférences sans que le lien soit fait avec les connaissances précises apportées à ce moment-là. Nous en déduisons donc que si les journées d’études ou les séminaires constituent des occasions de créer des rencontres, la dimension recherche n’y transparaît pas suffisamment. Les ateliers permettent quant à eux de développer une démarche active facilitant l’appropriation de contenus, mais ces contenus sont très épars car il est difficile, même en problématisant précisément les ateliers, d’organiser des échanges approfondis : chaque participant·e a tendance à saisir les prises de paroles comme des occasions de parler de ses thématiques du moment, de sorte que le sujet prévu peut s’orienter rapidement vers d’autres sujets connexes.
21 Les jeux peuvent alors permettre de combiner les avantages des plénières transmissives (contenus approfondis) et des ateliers participatifs (posture active facilitant l’appropriation de contenus). De nombreux échanges sont ainsi permis tout en les cadrant : les règles du jeu semblent plus acceptables que celles du débat. L’expérience vécue en commun permet alors de confronter les résultats de recherche à une même expérience concrète pour l’ensemble des participant·e·s et maintient donc un fil rouge, évitant l’éparpillement autour de problématiques individuelles.
22 C’est dans ce contexte que le jeu sérieux « l’Alimentation Locale en Projet » a été co-construit par Geolab et le réseau Inpact grâce à deux programmes financés par la Fondation de France de 2015 à 2017 et par la Région Nouvelle Aquitaine (programme APPAL, 2018-2022). Loin d’être le fruit d’une problématisation suivie du montage d’un protocole de recherche fondé sur le jeu, Alimentation Locale en Projet (ALP) est le résultat de multiples tâtonnements pour faciliter le dialogue entre acteurs hétéroclites des CCP et sensibiliser aux enjeux de la gouvernance alimentaire, tout en faisant vivre des partenariats et en permettant la production et la diffusion des résultats des recherches en matière de CCP.
La fabrique du jeu sérieux ALP
Coopérer par le jeu
23 L’objectif du jeu sérieux « l’Alimentation Locale en Projet » est d’amener les participant·e·s à incarner des rôles d’acteurs des CCP prédéfinis (agriculteur·rice, consommateur·rice, collectivité, structure d’accompagnement) (figure 1). Le jeu doit les conduire à coopérer pour réaliser des actions en lien avec les CCP, proposées sur un plateau de jeu commun : création d’un magasin de producteurs, organisation d’un marché de plein vent, etc. Sur le fond, il est impossible qu’une action en lien avec les CCP soit mise en œuvre par un acteur seul ou par des acteurs incarnant des rôles équivalents (deux agriculteurs par exemple). L’enjeu est bien de se focaliser sur les questions de gouvernance alimentaire en obligeant les participants à coopérer, et donc à dialoguer et à entendre les arguments développés, afin de déterminer des objectifs communs et de « gagner » en réussissant à mettre en œuvre une ou plusieurs actions. Dans le cas contraire, cela conduit à mettre en évidence des points de blocage.
Figure 1 : Vue synthétique de la version finalisée du jeu sérieux « l’Alimentation locale en projet » / Overview of the final version of the serious game “l'Alimentation locale en projet”
Figure 1 : Vue synthétique de la version finalisée du jeu sérieux « l’Alimentation locale en projet » / Overview of the final version of the serious game “l'Alimentation locale en projet”
24 Dans sa première version, le jeu se déroulait en trois temps : d’abord, les participant·e·s reçoivent des unités de monnaie (UM) et des unités de temps (UT) selon leur personnage. À l’aide d’une fiche investissements, où ils notent leurs choix, ils affectent leurs ressources à des actions, en positionnant leurs jetons sur le plateau. On constate alors s’il manque des tâches pour que des actions soient réalisées et une période de débat démarre pour coordonner les investissements en temps et en argent sur les actions que le groupe souhaite réaliser. Quand le groupe considère qu’il arrive à un premier accord global, chaque personnage reçoit des gains associés et on redémarre autant de tours possibles dans la limite du temps imparti. Nous avons choisi un temps de 40 minutes de jeu, suivi d’un temps de durée libre pour échanger sur l’expérience partagée.
25 Cette première version de jeu a nécessité environ deux mois de construction, nourrie d’échanges de l’équipe de Geolab (4 personnes) avec les partenaires du réseau Inpact (4 personnes) [9]. Nous étions prêt·e·s pour un premier test le 21 mars 2019.
26 Dans une perspective de recherche, le jeu nous semblait un outil pouvant répondre à plusieurs objectifs. D’abord, les premières expériences menées au sein du laboratoire nous confortaient dans la capacité du jeu à résoudre un de nos problèmes de départ : celui de l’animation collective entre acteurs ayant des pratiques et représentations hétérogènes des circuits courts [10]. Ensuite, nous avions constaté lors de nos premières recherches en 2011-2012 et à travers les Journées des Proximités [11] que, derrière le vocable « circuits courts », les acteurs (consommateur·rice·s, producteur·rice·s, intermédiaires, institutions) ont des attentes très variées (Chevallier et al., 2014). Le jeu est ainsi conçu comme un outil d’échange et de confrontation entre les différents acteurs des CCP, permettant de questionner les enjeux de la coopération et de la gouvernance participative. Il se positionne au croisement des techniques d’apprentissage collectif et d’expérimentation en sciences sociales telles que définies par Voinov et Bousquet (2010).
Les ingrédients de base du jeu
Les personnages
27 Nous avons initialement défini cinq catégories de personnages, chaque participant·e pouvant ensuite préciser son personnage : consommateur·rice·s, producteur·rice·s, accompagnateur·rice·s (Chambres d’agriculture, organismes à vocation agricole et rurale [12], autres chambres consulaires, structures d’accompagnement à la création d’entreprises, etc.), commerçant·e·s (boucheries, épiceries, autres commerces alimentaires fixes ou ambulants, restaurants-traiteurs) et représentant·e·s de collectivités. Pour que le jeu soit plus complet et réaliste, nous aurions pu ajouter les transporteurs, les entreprises de l’agro-alimentaire, les banques, l’État et les pays, autant d’interlocuteurs·rices que nous avions rencontrées lors de nos enquêtes [13]. Nous n’avons pas débattu de ces possibilités car il était déjà nécessaire, pour des raisons de lisibilité graphique, de réduire le nombre de catégories à 4 au lieu de 5 : ainsi la catégorie commençant·e·s se retrouve dans les actions, à défaut d’être dans les personnages, ce qui laisse toute marge de manœuvre aux joueurs et joueuses pour réintégrer l’importance des commerces.
Les actions
28 Pour définir les actions collectives à réaliser, nous nous sommes appuyé·e·s sur une enquête complémentaire au Recensement Agricole auprès d’un tiers des exploitations agricoles et pour laquelle le Limousin avait été territoire pilote (figure 2). Parmi les initiatives prises par les acteurs des CCP, les catégories : organisation de marchés, mise en œuvre de points de vente collectifs, proposition de paniers et approvisionnement de la restauration collective [14], sont reprises de cette enquête. Les items de l’enquête « commerçants-détaillants », « tournée », « restauration commerciale », « correspondance » et « grandes et moyennes surfaces » sont fusionnés dans un item du jeu portant sur la création d’un « magasin tenu par un·e commerçant·e ». Nous n’avons pas conservé la vente à la ferme, considérant qu’il s’agit essentiellement d’un mode de vente individuel peu concerné par la gouvernance participative et que, lorsque la vente à la ferme intègre les produits de plusieurs producteurs, elle peut rejoindre les catégories magasins de producteurs ou marchés prévues dans le jeu. Les salons et foires sont intégrés dans la catégorie « marchés ».
Figure 2 : Modes de vente en circuits courts des exploitations du Limousin en 2010 / Different modalities of short circuit sales of the farms in Limousin in 2010
Figure 2 : Modes de vente en circuits courts des exploitations du Limousin en 2010 / Different modalities of short circuit sales of the farms in Limousin in 2010
29 À partir d’une enquête auprès de consommateurs·rices par Limoges Métropole (Garnier et Dellier, 2018) et des nombreuses interpellations lors des journées des proximités sur le besoin de recenser les initiatives, nous avons également ajouté des actions par rapport à l’enquête de 2011. Ainsi, la mise en relation des consommateurs et producteurs, souvent attendue par les consommateurs comme un levier de développement de leur consommation en circuit court, passe également par l’item « annuaire / labellisation locale ». Mais le développement des CCP ne se limite pas à des actions de mise en relation. La relocalisation de l’alimentation peut nécessiter d’augmenter la production locale, ce que nous avons considéré à travers les items « installation de producteurs en CCP », « chantiers d’insertion maraîchage » et « jardins collectifs – autoproduction ».
30 Pour mettre en place ces actions, il y a une grande diversité de tâches à réaliser. Nous n’avons pas fait d’audit des initiatives pour lister ces tâches, mais nous avons recensé les tâches évoquées spontanément dans de nombreux entretiens [15] avec l’hypothèse que si elles sont évoquées spontanément, c’est qu’elles constituent un enjeu important qui peut susciter du débat entre les personnes impliquées. Nous avons ainsi identifié deux grandes catégories de tâches :
- les tâches indispensables que seul un personnage spécifique peut faire. Par exemple, pour un marché, il est indispensable qu’un·e producteur·rice prépare son chargement et paie sa place et qu’un·e consommateur·rice fasse l’effort de faire ses courses spécifiquement sur le créneau du marché et paie ses aliments ;
- les tâches communes, non affectées a priori à un personnage. Cela représente une problématique cruciale des CCP : « quand on se passe des services de professionnels intermédiaires entre les parties, il n’y a pas de miracle : certaines tâches ne sont plus assurées, certains risques ne sont plus assumés. Qui fait l’effort de les prendre en charge ? » (Chevallier et Dellier, 2017). Les tâches communes peuvent être de deux types :
- les tâches communes indispensables : par exemple la communication, la réservation de l’espace et les contacts auprès des producteurs·rices si l’on garde l’exemple du marché ;
- les tâches communes facultatives : si ces tâches sont réalisées, l’action pourra prendre plus d’ampleur. Par exemple, renforcer la communication (tractage, affichage, confection d’une banderole) ou mettre en place une animation (buvette, grillades, musique, etc.).
33 Initialement, nous avions envisagé d’utiliser activement le détail des tâches dans le jeu pour renforcer la transmission de connaissances et la prise de conscience de la réalité des personnes impliquées dans les CCP. Mais le jeu devenait trop compliqué à comprendre et lire. Le tableau est cependant disponible pour les animateurs·rices pour donner des exemples et aider les participant·e·s à se mettre dans la peau de leur personnage.
Des gains quantifiés
34 Pour réaliser ces tâches, il est nécessaire que les personnages y consacrent du temps et de l’argent. Et, une fois réalisées, les actions rapportent de l’argent. Cela est traduit dans le jeu par des unités de temps (UT) et des unités de monnaie (UM). L’enquête de 2011 complémentaire au Recensement Agricole recensait de manière déclarative les chiffres d’affaires et charges globales des exploitations pratiquant les CCP (Chevallier, 2013). De plus, une étude relative à « l’Élaboration d’un référentiel technico-économique dans le domaine des CCP de commercialisation » (Capt et al., 2011) avait permis de rassembler les données comptables détaillées d’un échantillon de 80 exploitations en maraîchage et 80 exploitations spécialisées en bovin lait. Toutefois, la diversité des combinaisons de modes de vente pratiqués ne permettait pas d’envisager les différences de rémunération selon chaque mode de vente. Nous n’avons donc pas pu nous appuyer sur des données pour calibrer les montants à investir et à gagner avec chaque action : nous nous sommes appuyé·e·s sur les entretiens pour une première approximation des ordres de grandeur, que nous avons soumise aux structures d’accompagnement partenaires (réseau Inpact) qui ont adapté les montants à dire d’expertes.
35 Aucune dynamique économique ne saurait se réduire à une approche monétaire (Caillé, 2005), a fortiori dans les circuits courts où les implications citoyennes et bénévoles sont nombreuses (Bucolo et al. 2019), de sorte que les dimensions non-monétaires sont incontournables (Gardin, 2006). Nous avons initialement intégré cette dimension non monétaire dans le jeu à travers des unités sociales (US) qui regroupent des facteurs non monétaires : l’utilité sociale, qui joue un rôle important dans les circuits courts (Gardin, Pinaud, 2017), de même que la réputation, l’expérience et la reconnaissance acquise dans le domaine (Chevallier, Dellier, 2020). Néanmoins, pour donner un poids à cette variable dans le jeu, nous avons dû la réintégrer dans un cadre utilitariste et individualiste en considérant que l’accumulation d’unités sociales permet à chaque individu d’être plus efficace et donc d’économiser des UT et des UM.
36 La mise à l’essai du jeu et son évolution ont été menées sur une durée d’un an grâce à dix sessions clôturées par des temps d’échanges avec les participant·e·s sur la construction.
37 Ces sessions se sont déroulées dans deux cadres différents. Dans le premier cas, cinq sessions de jeu ont été organisées entre chercheur·e·s ou avec un groupe d’étudiant·e·s de façon à avoir une expérience et des retours sur l’outil « jeu », à mettre le doigt sur des zones d’incompréhension dans les règles par exemple, mais aussi interroger les possibilités méthodologiques pour le recueil de données et l’analyse des résultats. Pour le second cadre, les temps de jeu prennent place lors d’événements en lien avec les enjeux de circuits courts de proximité ou de relocalisation de l’agriculture ou de l’alimentation, avec des acteurs impliqués / concernés par ces questions (techniciens territoriaux, élus, agriculteurs, etc.), dans l’objectif d’observer le déroulement du jeu, les interactions entre les joueurs et joueuses, les actions mises en œuvre, les points de blocage, etc., et ainsi de recueillir les données utiles à la recherche. Cinq sessions ont été administrées dans ce cadre : lors des premières, nous avons nous-mêmes proposé d’animer une session de jeu, tandis que pour les suivantes les organisateur·rice·s nous ont sollicité pour l’organisation d’une session.
38 Sans parler des parties réalisées avec des chercheur·e·s ou des étudiant·e·s, les profils des participant·e·s se sont avérés variés. Ainsi, pour les dernières sessions, on peut relever la participation de technicien.ne·s des services de l’État et de collectivités, d’élu·e·s, de producteurs·rices, de représentant·e·s du monde associatif (AMAP) ou d’accompagnement des projets agricoles (AFIPaR), etc. Connaître le vrai métier de chacun·e des participant·e·s est apparu nécessaire pour mieux comprendre leurs arguments, leurs postures. Par ailleurs, les sessions ont démontré l’intérêt du jeu pour créer la discussion, tisser du lien entre les participant·e·s en cassant notamment les rôles, les casquettes, les apparats.
39 Le contexte propre à chaque partie est donc singulier du fait du nombre de participant·e·s, de leur identité, de leur implication plus ou moins grande dans les CCP, de leur niveau d’expertise, des rôles qu’ils ont ou non le droit de prendre dans le jeu. Cela influence le déroulement des parties, les résultats.
40 À l’issue de chacune des parties, l’idée est bien entendu de prendre un temps de débriefing avec les participant·e·s de façon à identifier, collectivement, ce qui a fonctionné, quels ont été les points de blocage, etc., lors de la partie en tant que telle, de façon à prendre un peu de recul concernant les questions de gouvernance alimentaire. Ce temps nous permet également, en tant que chercheur·e·s, de croiser le déroulement de la partie en question avec les autres parties jouées, avec des travaux de recherche en lien avec les CCP, etc., de façon à approfondir la réflexion construite, offrir de nouvelles clés de lecture, etc., et transmettre de façon plus expérientielle des résultats de la recherche. Cela a nécessité la définition d’un protocole de collecte des données lors des parties.
La collecte des données : enjeux méthodologiques
41 Le besoin de garder des traces des différentes sessions pour une analyse scientifique, à travers la prise de notes, des photos, des enregistrements vidéo, était évident. Mais quels éléments souhaitions-nous analyser ? Et en conséquence, quelles informations devions-nous collecter ? Nous n’avons pas pu accéder à des exemples de protocoles d’observation de jeux, même si cette question de la collecte est discutée dans certains articles (Chlous-Ducharme et al., 2008 ; Chlous-Ducharme, Gourmelon, 2011 ; Amalric et al., 2017). Le protocole de récolte s’est donc précisé progressivement, en réponse aux questionnements qui ont émergé au fil des séances sur le type d’informations à récolter et leur homogénéisation.
42 En plus de ces questionnements, ce sont aussi des difficultés pratiques rencontrées pendant les sessions de jeu qui nous ont permis de préciser notre protocole de récolte de données. En effet, comme le soulignent Daré et al. (2010, 63), l’équipe d’animation assure une multiplicité de fonctions : elle facilite la discussion, fait respecter le temps et les règles, accompagne les joueurs et joueuses, garantit l’aspect ludique, etc., en plus d’enregistrer les actions et d’observer les comportements. On peut ajouter en ce qui nous concerne le projet de mobiliser des connaissances scientifiques pour réagir aux phénomènes observés. L’équipe doit donc assurer un nombre important de tâches, ce qui n’est pas possible pour une seule personne. Le jeu nécessite donc la présence de plusieurs personnes et une répartition des tâches, d’où une collecte parcellaire qui s’est progressivement améliorée :
- enregistrements audio-visuels : cette démarche semble rodée malgré des « bugs » techniques initiaux (interruption des vidéos ou des enregistrements) ou des mauvais cadrages (plateau insuffisamment visible) qui rendent ces matériaux difficilement exploitables. Ces enregistrements permettent de mesurer finement les temps de paroles et d’observer les postures (figure 4) [16].
- photographies : les premières photos portaient plutôt sur les interactions. Désormais cette partie est assurée par les enregistrements et c’est le plateau qui est pris en photo aux différentes étapes du jeu (figure 3, photographie 2) ;
- prise de notes : ce n’est pas toujours aisé pour une seule personne, notamment quand il faut saisir les échanges entre des participant·e·s et que plusieurs dialogues sont menés en parallèle. Elle est donc complémentaire des enregistrements audio-visuels. Notre protocole actuel prévoit une ou, si possible, deux personnes pour cette tâche, dans l’objectif de noter les présentations des personnages, les motivations de leurs investissements, les arguments mobilisés lors des négociations, ainsi que le débriefing (figure 3, photographie 3) ;
- fiche personnage : pour permettre une meilleure mise en contexte des personnages, on demande à chaque participant·e de noter sur une fiche les caractéristiques du personnage qu’il joue (âge, types de projets menés, motivation, etc.). Cette fiche permet d’avoir des informations sur les participant·e·s dans leur « vie réelle » (profession, lien avec les circuits courts, critères d’achat alimentaire, etc. – figure 3, photographie 5) ;
- fiche investissements : cette fiche nous permettait d’avoir des traces des investissements réalisés et de leurs évolutions. Elle a été testée lors des cinq premières séances puis finalement abandonnée, suite aux remarques sur sa complexité et son mauvais remplissage malgré deux versions successives (figure 4).
Figure 3 : Collecte de données lors d’une session de jeu sérieux (Angoulême le 13/02/2020) / Data collected during a serious game session
Figure 3 : Collecte de données lors d’une session de jeu sérieux (Angoulême le 13/02/2020) / Data collected during a serious game session
Figure 4 : Exemple d’une « fiche d’investissement » remplie lors d’une session / “Investment card” completed during a session
Figure 4 : Exemple d’une « fiche d’investissement » remplie lors d’une session / “Investment card” completed during a session
Les participant·e·s devaient remplir la fiche pour garder une trace de leurs premiers investissements avant d’investir le plateau. Cela devait nous permettre de garder une trace et éviter d’être influencé·e·s par les autres participant·e·s au moment de poser ses pions.45 L’ensemble de ces matériaux permet ainsi à la fois d’alimenter les temps de débriefing à l’issue des parties, mais aussi d’interroger l’intérêt de ce jeu sérieux concernant les réflexions relatives à la gouvernance alimentaire.
Du jeu, outil de médiation, à l’expérience, dispositif d’observation scientifique : le besoin d’une phase d’adaptation et de consolidation du jeu
Un jeu en constante évolution afin de faciliter l’analyse de la gouvernance alimentaire
46 La passation des premières parties a permis une maturation du jeu : chaque session était suivie d’une phase de réflexion sur les améliorations possibles du jeu, présenté comme en phase de co-construction. Nous avons eu peu de retours sur les règles, mises à part quelques demandes de modifications à la marge sur le calibrage des investissements ainsi que des gains et des échanges, ou d’abandon des unités sociales trop complexes à intégrer et des interrogations sur la diversité des personnages [17]. L’essentiel a porté sur l’animation : les choix d’énonciation des règles et mécanismes du jeu avec plus ou moins de précision ; le rôle de l’animation pendant la session ; la structuration des débats d’après-jeu.
Tableau 1 : Synthèse des principales évolutions du jeu entre la version initiale et la version stabilisée / Summary of the main changes of the serious game between the initial version and the stabilised version
Version initiale du jeu | Version stabilisée du jeu | |
1 | Présentation détaillée des règles | Présentation courte des règles |
2 | Brève présentation des personnages | Fiches personnages détaillées, temps d’appropriation et de présentation de son personnage |
3 | Affectation aléatoire des personnages aux participant·e·s | Affectation de rôles différents de ceux de la vie quotidienne |
4 | Absence de contextualisation de la partie | Petit débat introductif pour définir le contexte territorial |
5 | Flou sur le rôle de l’animateur·rice pendant le jeu | Explication sur le rôle de l’animateur·rice : rappel des règles, gestion du temps, pas animateur·rice d’une réunion |
6 | Débriefing portant essentiellement sur les règles du jeu | Débriefing portant sur des questions de recherche, suggérées aux participant·e·s pour analyser le déroulé du jeu |
Tableau 1 : Synthèse des principales évolutions du jeu entre la version initiale et la version stabilisée / Summary of the main changes of the serious game between the initial version and the stabilised version
Chaque évolution est numérotée et expliquée ci-après.Degré de précision des règles
47 La phase d’amorçage du jeu, qui consiste à délivrer aux joueurs et joueuses les informations nécessaires pour pouvoir intégrer la partie dans de bonnes conditions, a été plusieurs fois rediscutée. Si les cinq premières minutes de la partie devaient être consacrées à la présentation des règles du jeu, elles ont été dépassées en pratique, notamment lors des premières sessions. Les participant·e·s ont posé un nombre important de questions, ont eu besoin d’un temps pour s’imprégner du jeu. La réflexion ayant suivi concernait alors le degré de précision des règles à donner : à quel point faut-il être interventionniste ? Quel degré de liberté laisser ? L’argument retenu pour réduire la phase d’appropriation des règles (que ce soit par un tour d’essai ou par des échanges) est que dans les réunions de GAT, il y a également des phases de tâtonnement sur les normes structurant les échanges du fait de la faible interconnaissance entre participant·es hétérogènes, comme indiqué dans la revue de littérature ci-dessus.
Raconter une histoire, se mettre dans la peau du personnage
48 Lors des premières parties, la phase de négociation démarrait directement après que les participant·e·s avaient placé leurs pions. Il n’est pas toujours évident d’appréhender le couplage d’un jeu de plateau et d’un jeu de rôle : en effet nous avons observé que les participant·e·s accordaient peu d’importance à leur rôle et cherchaient juste à maximiser collectivement les gains du jeu de plateau, comme si l’hétérogénéité des points de vue n’était pas un problème. Une nouvelle phase de jeu a ainsi été ajoutée, dès la partie jouée au Lonzac, avec un temps attribué à chacun pour argumenter, motiver ses choix, ses investissements. Cette initiative avait été déjà été testée spontanément lors de l’une des parties réalisées à Tulle. Elle a été renforcée en rédigeant des fiches personnages plus détaillées (figure 5) : sur la base de nos entretiens de précédentes recherches, ces fiches comportaient des suggestions ou des questions que les participant·e·s étaient invité·e·s à se poser pour créer leur propre personnage.
Figure 5 : Fiches personnages, ces fiches aident les participant·e·s à s’approprier leur personnage et permettent de garder des traces pour la recherche / Character cards. These cards help participants to take ownership of their character
Figure 5 : Fiches personnages, ces fiches aident les participant·e·s à s’approprier leur personnage et permettent de garder des traces pour la recherche / Character cards. These cards help participants to take ownership of their character
Se mettre à la place des autres
49 Dans le cadre du jeu de rôle, si l’objectif est de pousser chaque acteur des CCP à comprendre les positionnements des autres afin d’identifier les points de blocage des projets et trouver les solutions pour y remédier, il semble plus cohérent que chacun endosse le rôle d’un personnage qui ne correspond pas au sien dans la vraie vie. Ce rôle peut aider à se décentrer et à moins prendre la posture de l’expert. Cela peut aussi permettre d’observer comment sa posture professionnelle est perçue par les autres. Ne pas jouer son rôle peut cependant amener à véhiculer certains stéréotypes liés aux représentations que chacun·e peut avoir de telle ou telle fonction et conduire à des échanges caricaturaux irréalistes (Chlous-Ducharme et al., 2008 ; Amalric et al., 2017), mais il est possible d’intégrer un temps de réaction dans les échanges de fin de session : par exemple une élue pourra réagir à la manière dont son rôle d’élue a été joué par un participant.
Contextualisation territoriale de la partie
50 Dès les premières parties organisées, la question d’une mise en contexte territorial a été soulevée. Ainsi, les participant·e·s ont parfois souhaité des précisions sur le territoire d’exercice des acteurs du jeu en justifiant que les enjeux, et donc les actions prioritaires, diffèrent s’il s’agit d’un territoire plus dense, plus viticole, etc. La question est désormais posée aux participant·es : « avez-vous un territoire particulier en tête » ? Un consensus émerge parfois rapidement comme au Lonzac, où les participant·e·s étaient des élu·e·s et des habitant·e·s du territoire. Mais si ce n’est pas le cas, nous invitons simplement les participant·e·s à détailler s’ils le souhaitent leur territoire lors de la présentation de leur personnage. Dans les sessions de jeu où les participant·e·s se sont accordés sur une contextualisation territoriale, les échanges sont souvent nourris de références au territoire, et les négociations sont plus riches d’éléments concrets, comme des lieux, des acteurs, des situations. Dans les échanges sur le territoire il a également été questionné le fait que les collectivités dans le jeu soient équitablement dotées en ressources, tant les écarts peuvent être marqués dans les territoires. Toutefois, nous n’avons pas ouvert la possibilité de définir des dotations différentes entre personnages.
L’animation du jeu
51 L’idée initiale était que les animateur·rice·s interviennent le moins possible dans la partie pour ne pas influencer les échanges : une fois les règles expliquées, il ou elle se contente de contrôler le temps et distribuer les gains. Or, il arrive par exemple que des duos ou trios se forment autour du jeu et discutent entre eux, en parallèle les uns des autres. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il n’y a pas de leader qui se dégage des participant·e·s au cours de la partie ou qu’il n’y a pas d’habitude d’écoute. La tendance spontanée était alors de se tourner vers les animateur·rice·s au lieu de trouver des solutions entre participant·e·s. Nous marquons désormais formellement un temps de rupture entre le moment où nous parlons beaucoup pour expliquer le jeu et le moment où nous nous contentons de surveiller le temps et distribuer les gains : si un rôle de leader ou d’animateur doit émerger, il émergera spontanément. Mais ce n’est pas posé comme une nécessité a priori et fera précisément l’objet d’une analyse après le jeu.
Analyse de la séance de jeu
52 À l’issue des 40 minutes de jeu, les animateur·rices proposaient de réagir sans donner de cadre a priori. Cela amenait les participant·e·s à parler essentiellement des règles. Ce temps passé sur les règles était utile dans la phase d’émergence du jeu mais nous orientons désormais la discussion sur l’analyse des comportements et résultats du jeu. Pour cela, nous introduisons une courte partie transmissive pour signaler trois domaines de recherche qui permettent de comparer leur vécu avec des expériences réelles de GAT analysées dans la littérature.
53 Un thème proposé est de repérer l’ordre dans lequel les actions ont été mises en place pendant la séance en signalant que selon les territoires, on n’observe pas les mêmes ordres ni les mêmes blocages (Darrot et al., 2019). Par exemple, dès les deux premières parties, les résultats obtenus se sont révélés très différents, avec des situations de blocage atteintes rapidement dans l’une des parties et pas dans l’autre, notamment du fait de la posture adoptée par l’un des participants ou par le choix collectif de commencer par des actions très gourmandes en temps et en argent. Cela amène à questionner les priorités d’actions observées sur leurs propres territoires. Un autre thème est la répartition des capacités des participant·e·s à influer sur la dynamique du groupe. Il ne s’agit pas de dénoncer des inégalités car il en existe toujours – il ne suffit pas de réunir une diversité de personnes autour de la table pour que tout le monde s’exprime et qu’il y ait donc concertation (Barnaud et al., 2010) – mais de les analyser et de réfléchir aux facteurs qui les structurent et aux outils mobilisables [18] pour les réduire (Chevallier, Dellier, 2020). En effet, si de manière générale, lors du débriefing, l’ensemble des participant·e·s prend la parole pour exprimer son ressenti sur le jeu, commenter les actions et les dynamiques du groupe, lors de certaines sessions, des participant·e·s ont eu tendance à monopoliser la parole, notamment en raison de leurs compétences dans les circuits courts. Cela nous a conduit à intervenir pour distribuer la parole de manière plus équilibrée, en veillant à ce que les personnes se sentant moins « légitimes » ou moins à l’aise pour prendre la parole puissent s’exprimer. Cela met en évidence les pouvoirs informels au sein des groupes, présents même dans un cadre ludique (Chevallier et Dellier 2020)
54 En présentant les inégalités dans les GAT comme des phénomènes normaux inévitables, la posture de recherche crée un cadre autorisant à aborder ce sujet sensible. Un autre thème également proposé est celui de l’hétérogénéité des conceptions des circuits alimentaires de proximité (Chevallier et al. 2014 ; Gauthier et Mazières, 2017) : pour cela nous proposons de revenir sur les arguments mobilisés pendant la séance.
55 À la différence des jeux du groupe ComMod, nos sessions de jeux ne s’adressent au même groupe qu’une seule fois. Il n’est donc pas possible de prendre le temps de d’analyser les dynamiques de jeu à tête reposée pour faire un retour plus tard aux participant·e·s et s’appuyer sur la littérature pour prendre du recul sur les situations vécues. Pour dépasser les commentaires intuitifs et informels, trois chantiers sont nécessaires. Tout d’abord, il faut un protocole de collecte de données pour comparer les phénomènes observés pendant le jeu avec d’autres sessions de jeu et avec les résultats de recherches précédentes. Ensuite, il faut pouvoir analyser ces données, ce qui pose des questions épistémologiques. Enfin, il faut identifier en amont des connaissances scientifiques et préparer des contenus diffusables pour être capables de puiser dans ces connaissances en fonction des phénomènes observés lors des sessions.
Analyser le corpus issu des sessions de jeu : quels apports pour la gouvernance alimentaire ?
56 Le travail entamé avec la construction du jeu sérieux et l’organisation des premières sessions est loin encore d’aboutir à des résultats solides en matière de réflexion concernant la gouvernance alimentaire notamment. À l’issue de dix sessions de jeu, dont seulement les deux dernières avec une version du jeu et un protocole de collecte des données stabilisés, les différents matériaux récoltés nous permettent cependant d’explorer plusieurs pistes de réflexion, qui pourront être approfondies lors des nouvelles sessions de jeu.
57 Ainsi, l’élaboration d’une grille d’analyse recueillant les principales informations pour chaque session constitue un premier outil de réflexion et de comparaison. La grille, qui prend appui sur les matériaux récoltés (notes, fiches participants, photos, enregistrements), est constituée de plusieurs parties : d’abord une « carte d’identité » de la session, qui permet une mise en contexte (lieu, date, nombre de participant·e·s, un schéma de la disposition spatiale), suivie d’un tableau qui recense pour chaque participant·e son profil, les caractéristiques qu’il attribue à son personnage et les motivations qui guident ses investissements. Sont également indiqués, sous forme de tableau, les actions et les investissements réalisés à chaque tour. Enfin, une partie synthétise les arguments guidant les négociations et les échanges du débriefing. Cet outil, qui permet de synthétiser et comparer les données pour les différentes sessions, nous a confronté à notre propre subjectivité lors de l’observation et de l’analyse. Comme souligné par Barreteau et al. (2010, p. 22-23), « malgré le soin apporté dans la rédaction collective des cadres des documents de description et d’évaluation des cas, il reste une part de subjectivité dans leur enregistrement qui doit être prise en compte dans l’analyse. Une hétérogénéité s’ajoute à cette subjectivité, [les documents] étant renseignés par un (ou des) auteur(s) différent(s). Pour limiter ce risque méthodologique, toutes les interprétations et les analyses comparatives ont été discutées avec les personnes ayant renseigné les documents originaux ». En effet, un échange entre animateur·rice·s a posteriori des sessions de jeu a pu mettre en lumière des interprétations différentes des interactions entre participant·e·s, des éléments notés par l’un mais pas par l’autre, voire des erreurs dans la prise de notes.
58 Une deuxième piste de réflexion concerne la réalité que nous observons. En effet, le jeu, à l’instar des modèles développés par le collectif ComMod, peut être vu comme un « monde virtuel » qui permet la « simulation de processus supposés représentatifs de dynamiques du monde réel » (Barreteau et al., 2010, p. 24). Cela implique un double processus de traduction et d’interprétation : d’une part du monde réel vers le monde virtuel (dans la mise en place du jeu), puis du monde virtuel au monde réel. Le jeu nous a confronté à des « interférences » entre réel et virtuel, brouillant les frontières entre les deux : parfois, des joueurs et joueuses adoptent des stratégies de jeu qui sont en contradiction avec leurs valeurs et leurs pratiques dans la vie quotidienne. Un participant a, par exemple, admis avoir participé aux négociations animé par un esprit de compétition, avec des comportements opposés à ses pratiques et valeurs réelles. Dans ce cas, comment interpréter ce qui se passe dans le monde virtuel pour le monde réel ? Quel est l’apport d’un comportement « faux » pour une analyse des dynamiques des projets alimentaires ? Parfois, nous avons observé le processus inverse : des participant·e·s contournent des rôles préétablis par le jeu pour faire correspondre leur personnage à leur propre expérience. Ainsi, l’employée d’un lycée, à qui était attribué le rôle d’une collectivité, a présenté son personnage comme l’intendante d’un lycée et toute son action était ainsi orientée vers la restauration collective d’un établissement. Ici, le monde réel prend le dessus sur le monde virtuel, questionnant encore le processus d’interprétation.
59 Ces « interférences » peuvent ainsi être abordées dans le moment du débriefing, qui justement « assure le chemin retour entre monde virtuel et monde réel » (Barreteau et al., 2010 p. 38). Ce moment d’échange à l’issue du jeu permet justement d’aborder ces questions, car les participant·e·s sont invité·e·s à échanger sur la dynamique du processus (déroulement du jeu, ce qui a bien fonctionné, éventuels éléments de blocage) puis les échanges sont progressivement amenés vers le « monde réel » en deux étapes avec, en premier lieu, une réflexion sur les leçons à tirer de l’expérience si on devait poursuivre le temps de jeu, puis en invitant les participant·e·s à s’exprimer sur les différences ou convergences qui ont pu émerger au cours des négociations, sur la coopération et sur la dynamique collective qui pourraient assurer le bon déroulement des projets d’alimentation locale.
Conclusion
60 Notre objectif initial lors de la création du jeu sérieux ALP était de favoriser le dialogue entre acteurs des circuits-courts de proximité afin d’identifier des leviers de facilitation de la gouvernance alimentaire, en dépassant les limites perçues des temps de transmission de connaissances. Si la définition du jeu et la construction de la première version ont été rapides, le calibrage s’est avéré plus long : dix sessions réparties sur une année. En effet, nous avons été confronté·e·s à trois difficultés à solutionner. Tout d’abord, l’articulation entre simplification et réalisme nécessite d’adapter les règles pour ne pas casser la mécanique du jeu tout en conservant sa vraisemblance. Ensuite, d’un jeu de plateau nous avons progressivement adopté et renforcé la dimension jeu de rôle pour rendre le jeu sérieux plus immersif et offrir plus de liberté d’action aux joueurs et joueuses conformément à notre objectif de recherche participative. Enfin, si les résultats de la recherche ont fortement contribué à définir la première version du jeu, les évolutions successives se sont plus appuyées sur les retours des participant·e·s. Il s’agirait maintenant de dépasser une logique de cohabitation entre jeu et recherche pour engager une véritable interaction mettant plus explicitement les résultats de la recherche au cœur des échanges. Cela peut passer par une prise en main progressive du jeu par des associations, des collectivités, etc., afin d’utiliser le jeu comme un outil d’analyse des points de blocage du développement des CCP sur un territoire particulier par exemple, ou encore comme un outil d’animation facilitant le dialogue et l’écoute dans le cadre d’un projet spécifique.
61 Le renforcement de la dimension territoriale sera l’objet des prochains développements du jeu ALP. Elle reste en effet très diversement mobilisée selon les groupes dans la version actuelle du jeu malgré son caractère éminemment central dans la question des circuits courts de proximité. Nous envisageons, dans la continuité du processus participatif de fabrication du jeu, de tester différentes modalités, notamment de comparer les intérêts et limites d’un terrain de jeu virtuel versus un découpage géographique réel adapté au contexte et au profil des participant·e·s. Si la première solution offrirait a priori des facilités dans l’analyse comparée des résultats des différentes sessions de jeu, la seconde, par son ancrage au réel, pourrait favoriser l’implication des participant·e·s (Amalric et al., 2017).
62 Le jeu sérieux cumule plusieurs avantages. Il facilite la tenue d’échanges plus problématisés avec les participant·e·s, y compris sur des sujets sensibles grâce à la dimension ludique. Il permet également de combiner diffusion des précédents travaux de recherche et collecte de nouveaux matériaux. Enfin, après cinq années de partenariat avec la Frcivam Limousin et l’Adear Limousin, c’était la première fois que nous parvenions à véritablement co-produire un résultat en croisant nos compétences. Jusqu’ici, nous avions co-organisé des restitutions et fait des relectures croisées de nos écrits, mais nous n’avions pas pu véritablement co-produire. Ce n’est pas la moindre vertu des jeux que de pouvoir renforcer la dimension participative des recherches (Etienne, 2010).
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Mots-clés éditeurs : coopération, gouvernance alimentaire, jeu sérieux, jeu de rôle, territoire
Mise en ligne 09/05/2022
https://doi.org/10.4000/norois.11884Notes
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[1]
Dans cette expression, « court » renvoie à la définition du plan Barnier en 2009 (0 à 1 intermédiaire entre la production et la consommation) et « proximité » renvoie à proximité géographique qui peut être définie de manière kilométrique, administrative ou bien par un sentiment d’appartenir à un même territoire.
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[2]
Le réseau de chercheur·e·s impliqué·e·s dans l’observatoire des proximités a favorisé l’émergence d’un projet régional, dans le cadre de la nouvelle région Nouvelle-Aquitaine, sur les projets alimentaires de territoire (APPAL). C’est dans le cadre de ce projet que le jeu étudié dans cet article est développé.
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[3]
Depuis le début des travaux sur les circuits cours de proximité au sein du laboratoire Géolab, les résultats ont été diffusés auprès des acteurs locaux (habitants, élus, professionnels, structures d’accompagnements), à travers des supports variés, tels que des documents de 4 pages, des ateliers, des expositions, des cafés ou cinémas géographiques.
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[4]
Aujourd’hui intégré à l’approche CoOPLAaGE, développée depuis 2004 par l’Irstea [http://cooplaage.watagame.info/].
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[5]
La notion de souveraineté alimentaire est utilisée distinctement dans les univers de la production et de consommation. Elle a d’abord été utilisée dans la sphère productive comme accès au foncier et comme critique des règles de l’OMC avant d’observer un glissement de sens vers l’idée de terre nourricière, les deux notions cohabitant dans une souveraineté alimentaire polysémique : au final, l’utilisation commune d’une même notion ne garantit pas une intercompréhension réciproque.
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[6]
Alors que la notion de souveraineté alimentaire a été introduite par des mouvements contestataires de l’agriculture dominante, le succès de la notion a amené les acteurs institutionnels à l’utiliser aboutissant à une réduction à la seule défense d’une marque locale ne comportant aucun critère de mode de production.
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[9]
L’Alimentation Locale en Projet est le premier jeu sérieux élaboré au sein de l’équipe GEOLAB, qui avait commencé à s’intéresser aux jeux dans le cadre des séminaires évoqués dans l’introduction. L’expertise de l’équipe portait donc sur les enjeux de gouvernance et de coopération autour de l’alimentation locale. Le réseau Inpact de son côté avait une connaissance plus fine des acteurs et des montages de projets, et a permis d’apporter des éléments plus « réels » dans le jeu, par exemple le montant de ressources (temps et argent) nécessaire pour chaque action.
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[10]
Nous revenons cet aspect dans la dernière section sur le jeu comme outil de médiation.
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[11]
Ces journées annuelles permettent la rencontre des acteurs qui agissent dans le domaine des CCP et qui souhaitent se tenir au courant des évolutions de ce domaine et rencontrer d’autres personnes. La dernière journée de rencontres dans le cadre de l’Observatoire des proximités a été organisée en 2019. Elles s’intègrent depuis dans les journées organisées par PQN-A (Pays et Quartiers Nouvelle Aquitaine).
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[12]
Les ONVAR (organismes nationaux à vocation agricole et rurale) sont des organismes reconnus par le Ministère de l’Agriculture au côté des acteurs institutionnels du développement agricole.
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[13]
Il s’agit des enquêtes sur les circuits courts de proximité menées depuis 2014 au sein du laboratoire GEOLAB (Chevallier et al., 2014 ; Garnier et Dellier, 2018 ; Chevallier et Dellier, 2020).
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[14]
La restauration collective, peu citée par les producteurs de l’enquête, est une préoccupation importante des collectivités impliquées dans ces gouvernances participatives, de même que les paniers qui bénéficient d’une forte médiatisation.
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[15]
40 entretiens en 2011-2013 (Chevallier et al.), 50 entretiens en 2015-2017 (Chevallier et Dellier, 2017, 2020) et des enquêtes complémentaires réalisées spécifiquement sur les tâches dans le Pays Monts et Barrages (document de travail non publié) ainsi que des enquêtes par questionnaire (Garnier et Dellier, 2018).
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[16]
Pour aller plus loin dans l’analyse du déroulement du jeu, une psychologue a été sollicitée pour proposer une lecture sur les postures d’influence à partir du film tourné lors d’une session.
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[17]
Nous avons retrouvé la même hésitation que nous avions eue sur la diversité des personnages (section précédente « les ingrédients de base du jeu »), ce qui nous a conduit à insister sur la possibilité de s’approprier son personnage pour intégrer des préoccupations de distributeurs, artisans, etc. (section ci-après « faire germer le personnage ») sans ajouter de personnage.
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[18]
Parmi lesquels ce jeu.