Notes
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Nous remercions les éditions Nathan pour leur aimable autorisation de reproduction.
1Le texte ci-dessous est un large extrait du chapitre 4, « Place et conduite de la négociation dans les processus de décision complexe : l’exemple d’un conflit d’environnement », rédigé par Laurent Mermet, et publié dans l’ouvrage collectif La négociation. Situations et problématiques, en 1998 chez Nathan, co-signé par Guy-Olivier Faure, Laurent Mermet, Hubert Touzard et Christophe Dupont [1].
2Dans un avant-propos, les auteurs résument ainsi l’objectif de leur travail collectif : « Venant d’horizons très différents – sociologie, sciences de l’environnement, psychologie expérimentale et management – un tropisme nous a rassemblés. Nous avions tous été nourris à l’aune de la réflexion nord-américaine sur la négociation puisque c’est là-bas qu’elle connaît ses développements majeurs. Le tribut intellectuel que nous lui devons est immense car, sans elle, il n’y aurait vraisemblablement pas de théorie de la négociation formalisée. Dans le même temps, en fils prodigues et ingrats, nous avons acquis la conviction que ce même domaine d’investigation repensé dans notre configuration culturelle française pouvait et se devait de produire des harmoniques différentes. C’est cet esprit de complémentarité nécessaire, dans le partage d’une même passion plutôt que l’esprit de compétition, qui nous a animés pendant la réalisation de cet ouvrage. C’est lui que nous souhaitons communiquer à travers ces lignes. » (p. 3).
3Le lecteur vérifiera, à la lecture des pages 154 à 170 reproduites ci-après, la manière toute personnelle de Laurent Mermet de penser la négociation – et cette pensée singulière est aussi féconde que nécessaire. Féconde parce qu’elle réinscrit la négociation dans son contexte décisionnel et, par là, permet à l’analyste, et de la comparer à d’autres modalités de prise de décision (l’unilatéralisme, l’imposition, le judiciaire, etc.), et d’examiner comment celle-ci et celles-là s’articulent, toujours présentes simultanément dans les situations sociales de prise de décision en univers complexe. Nécessaire, parce que cette manière originale de conceptualiser la négociation évite de la réifier ou de la déplorer ; elle est une modalité décisionnelle et doit être traitée comme telle.
4Rappeler cela, c’est souligner la richesse de la démarche académique de Laurent Mermet : pour mieux se placer au cœur des concepts, savoir s’en éloigner et travailler à leurs marges, à partir de leur contiguïté ou de leur façon de s’opposer tout en se complétant. Les questions analytiques traitées dans ce chapitre 4 sont majeures ; elles ne sont pas toutes tranchées, loin s’en faut – car les controverses qu’elles font naître permettent au travail scientifique sur le négocié de se poursuivre. Mais Laurent Mermet a permis au débat académique de se dérouler sur une base plus saine, car éclairée par un travail définitionnel rigoureux.
5Laurent Mermet est aussi l’analyste qui, à une époque ou l’assertion n’avait pas l’évidence qui est désormais la sienne, plaidait pour une approche ne se limitant pas aux jeux formels de la négociation institutionnelle mais s’étendant à l’étude des multiples arrangements entre acteurs sociaux, prospérant dans des formes informelles et indirectes. « Il y aurait maintenant », écrit Laurent en conclusion – et nous ne pouvons que confirmer cette heuristique – « un intérêt manifeste à approfondir l’étude de négociations plus intimement imbriquées au fonctionnement des systèmes de gestion ».
6Les deux premières sections du chapitre 4, non reproduites ici, présentent les deux cas à partir desquels Laurent Mermet déploie son appareil analytique. La section 1, intitulée « Une référence souvent évoquée : la médiation des conflits environnementaux aux États-Unis », fait le récit d’une médiation intervenue dans la vallée de la Snoqualmie-Snohomish au mitan des années 1970 à propos d’une lutte des riverains contre les inondations et l’aménagement du cours de la rivière, puis décrit en détail ce processus de médiation environnementale aux États-Unis à la fin des années 1990. La section 2, « Un cas français de processus de décision complexe en matière d’aménagement et d’environnement », fait de son côté le récit d’une décision publique à propos de la création de plusieurs barrages sur le cours de la rivière Loire au mitan des années 1980, auxquels s’opposèrent nombre de riverains, notamment ceux regroupés dans le collectif « Loire vivante ». Les trois autres sections du chapitre sont reproduites ci-dessous.
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8Les décisions publiques sont toujours marquées par des divergences majeures d’intérêt ou de points de vue entre les groupes sociaux concernés. Or le système de valeurs qui prévaut aujourd’hui dans les sociétés industrielles avancées présente comme souhaitables des décisions qui intègrent autant que possible ces différences. La négociation entre les groupes concernés apparaît alors comme un mode de décision à promouvoir. Comment analyser, comment améliorer ces négociations qui concourent à la formation de la décision publique ? C’est la question dont traite ce chapitre.
9Il s’appuie sur un exemple : les conflits qui se produisent à l’interface entre projets publics d’aménagement et préoccupations d’environnement. Deux aspects de l’intérêt général s’y opposent. D’un côté, l’utilité de réaliser tel ouvrage (barrage, autoroute, etc.) ou d’autoriser telle installation (carrière, usine, etc.) est défendue par les promoteurs de ces projets. De l’autre côté, ceux que nous appellerons des « acteurs de l’environnement » (association de protection de la nature, administrations et agences publiques chargées de l’environnement, etc.) agissent pour que soit prise en compte la nécessité de réduire les effets de ces projets sur le cadre de vie (bruit, paysage, etc.), sur la faune et la flore, sur la qualité de l’eau ou de l’air. Cette action peut viser à une modification de l’ampleur ou du nombre de projets, de leurs caractéristiques techniques, de leur localisation ; elle peut aussi aller jusqu’à remettre en cause leur utilité sociale, et à revendiquer leur abandon (Mermet, 1992, p. 74-81). De tels affrontements sont légion, qu’ils soient spectaculaires et amplifiés sur la place publique par les médias, ou qu’ils se déroulent au contraire dans le huis clos feutré des cabinets ministériels. Si bien que depuis l’origine des politiques publiques d’environnement, les opérateurs de celles-ci recherchent activement des moyens de résoudre, ou encore mieux de prévenir, ces « conflits d’environnement ».
10La question des modes de résolution des conflits d’environnement est donc d’abord une question pratique. Les acteurs de l’aménagement discutent régulièrement de la manière d’organiser le mieux possible la mise en discussion des intérêts (TTS, 1996, 1997). La procédure d’enquête publique sur les projets d’aménagement, qui en est la forme la plus explicite et la plus spectaculaire, a été révisée plusieurs fois depuis quinze ans sans arriver encore aujourd’hui à une formule qui satisfasse ni les aménageurs ni les partisans de l’environnement (Réocreux et Dron, 1996).
11La place et la conduite des négociations dans la formation de la décision publique intéressent aussi la recherche en négociation. Elles y introduisent une problématique relativement nouvelle. En effet, la plupart des travaux réalisés jusqu’ici sur la négociation traitent de domaines où celle-ci constitue un mode dominant de résolution des divergences d’intérêts. C’est le cas, par exemple, en matière sociale, commerciale, diplomatique.
12Souvent, il n’en va pas de même dans la formation de décision publique. Dans le cas général, celle-ci ne se présente pas sous les auspices d’une négociation dont les parties prenantes seraient clairement définies, qui aurait un début et une fin, et l’on s’appuierait essentiellement sur la capacité des partenaires à trouver un accord. La décision se forme plutôt dans le cadre d’un processus où se nouent au fil du temps les études techniques ou économique successives, les procédures d’instruction administrative ou de recours judiciaires, les jeux d’alliance et de pressions politiques, le traitement médiatique du problème et les réactions de l’opinion. Dans la mesure où aucun de ces registres différents ne domine – sauf épisodiquement – et où la décision émerge de leurs combinaisons, on parlera ici de « processus de décision complexes ».
13Bien sûr, la négociation joue un rôle essentiel dans leur déroulement et dans leur résultat. Mais elle n’est souvent ni mise en avant ni utilisée comme un cadre unificateur du processus de décision. Plutôt qu’une négociation où se forme la décision, on observe de multiples négociations très diverses, souvent brèves, souvent cachées, souvent tacites, qui se déroulent à différents moments et en de nombreux points du processus décisionnel. Même si elles y ont concouru de manière déterminante, elles n’en constituent pas pour autant le cadre principal de la décision. Dans son statut, dans la communication qui l’entoure, celle-ci pourra par exemple être présentée comme étant le résultat d’une procédure administrative, ou d’un travail scientifique et technique, plutôt que de négociations.
14Le but de ce chapitre est de montrer la nécessité de nouvelles approches de recherche afin de mieux analyser et de mieux conduire ce type de négociations. Pour y contribuer, il propose un cadre théorique adapté à cette problématique.
15On commencera par présenter un corps de doctrine et de pratique souvent utilisé comme référence en matière de résolution des conflits d’environnement par la négociation : la médiation environnementale pratiquée aux États-Unis. On évoquera son apport, mais on cernera aussi les limites théoriques et pratiques qui rendent nécessaires d’autres approches visant à améliorer la négociation dans les processus de décision publique.
16À cet effet, on présentera un cas de processus décisionnel complexe concernant des aménagements de barrages sur la Loire et ses affluents, dans le centre de la France. On s’attachera en particulier à montrer les formes multiples de négociation et d’intervention en vue de la résolution des conflits qui ont émaillé ce processus au fil des années.
17En s’appuyant notamment sur cet exemple, on proposera alors une grille de lecture théorique pour l’analyse des places et des rôles de la négociation dans un processus décisionnel complexe.
18Enfin, on s’efforcera de tirer les enseignements de ces analyses en réfléchissant aux modes d’intervention qui permettent ou permettraient de mieux négocier dans le cadre des processus décisionnels complexes sans pour autant essayer, comme le fait la médiation, de ramener ceux-ci à une négociation.
19(…)
3 – Nécessité d’un cadre d’analyse qui puisse embrasser négociations et processus de décision complexe
A – Diversité des formes de négociation
20Même schématique, ce récit suffit à montrer la diversité des négociations – ou des amorces de négociation – qui se déroulent dans les interstices ou à l’arrière-plan du processus de décision. Il y a celles que l’on voit, comme les réunions de concertation en préfecture. Il y a celles dont on connaît l’existence mais non le contenu, comme les entretiens conduits par l’ingénieur chargé de mission ou les démarches du président de l’Epala. Il y a celles que l’on devine : certaines tractations politiques, les contacts divers au niveau des cabinets ministériels. Il y a aussi les négociations qui ne disent pas leur nom et s’affichent sous une autre forme, par exemple dans le cadre du comité de pilotage de l’expertise.
21Le récit montre aussi l’importance de ces négociations pour le déroulement et pour les résultats du processus de décision. Celui-ci n’est pourtant pas présenté dans son ensemble comme une négociation.
22On a vu enfin que les négociations les plus déterminantes ne sont pas toujours les plus manifestes…
B – La médiation environnementale : un « cas limite » où le processus de décision est ramené à une négociation
23Ces constats jettent une lumière différente sur la médiation environnementale américaine présentée au début de ce chapitre.
24Il n’est pas question, à travers ces deux cas, de comparer les processus de décision français et américains. Ce serait mettre sur le même plan, d’un côté un récit à l’apologie des médiateurs et, de l’autre, une narration critique qui ne présente pas le processus de décision sous un angle particulièrement favorable. Il est hors de doute que si l’on entrait dans le détail d’un processus de décision américain – ou dans n’importe quel pays – on retrouverait de nombreuses formes de négociation.
25Mais c’est sur un autre plan que l’on voudrait ici conduire la réflexion. Par contraste avec le récit sur la Loire, ce qui frappe, dans la médiation américaine, c’est le fait qu’elle revient à ramener le processus de décision dans son ensemble à une négociation.
26Sur le plan de l’analyse, la négociation organisée par le médiateur devient (pour un temps) la structure et la dynamique principales du processus de décision. Or le cas de la Loire montre une situation très différente, dans laquelle la négociation se combine comme en une mosaïque avec d’autres dynamiques de la décision. Elle n’acquiert que de manière ponctuelle un espace en partie autonome où elle puisse explicitement se dérouler. A fortiori, la décision ne se ramène pas à une grande négociation. Pour autant, les négociations ne se réduisent pas dans ce processus à des modalités secondaires d’une décision qui serait déterminée entièrement en dehors d’elles.
27Sur le plan de l’action, de la résolution des conflits, l’intervention du médiateur américain consiste à restructurer concrètement le processus de décision pour en faire une négociation, puis à créer les conditions qui favorisent le déroulement de celle-ci. Dans le cas de la Loire, au contraire, les interventions visant à la résolution du conflit sont multiples, complexes, généralement plus indirectes et souvent plus ambiguës. En tout état de cause, elles ne peuvent pas se ramener à une formule de résolution, « la » médiation, que l’on plaquerait sur une situation.
28On retrouve cependant dans le cas français les mêmes enjeux, ou les mêmes activités, que l’on a vus présentés par les médiateurs américains comme « étapes » du processus de médiation (depuis la constitution d’instances de discussion entre acteurs, jusqu’à la recherche de solutions alternatives passant par la discussion des données techniques et économiques). Par contre ces activités ne se présentent pas ici comme les étapes fixées à l’avance de la progression planifiée vers une solution négociée, mais plutôt comme des interventions diverses, complémentaires entre elles, mais que l’on essaye d’intégrer dans une architecture de processus de décision que personne ne maîtrise vraiment.
29La médiation américaine donne à la fois une impression de simplicité (le processus se réduit à une négociation) et de maîtrise (la négociation se gère par la médiation). Cela explique sans doute en partie l’attraction qu’elle exerce comme référence pour la résolution des conflits, à la fois sur le plan des idées et sur le plan pratique.
30Pourtant, cette réduction de la décision à une négociation pose un double problème. Elle est trop sommaire sur le plan analytique : elle ne permet pas de saisir les fonctionnements réels de la négociation dans les processus de décision dans toute leur diversité, leur ambiguïté, leur instabilité – bref, leur complexité. Sur le plan de l’action, elle met en avant un mode d’intervention qui n’est applicable qu’à des situations répondant à des conditions bien précises, dont on a vu qu’elles sont rarement réunies à l’heure actuelle en France, par exemple.
31Si la médiation environnementale américaine peut être intéressante, c’est comme un cas limite. Le cas de la Loire, avec sa complexité, ses ambiguïtés manifestes, avec la négociation jouant tantôt un rôle déterminant, tantôt un rôle second dans le processus de décision, possède sans doute un caractère plus représentatif des difficultés que devrait pouvoir traiter une approche de la négociation dans les processus de décision complexes, à la fois sur le plan analytique et sur le plan de l’action pour la résolution des conflits.
4 – Un cadre pour l’analyse de la négociation dans les processus de décision complexes
32Devant ces limites de la médiation environnementale, il paraît nécessaire de proposer un nouveau cadre analytique, qui puisse embrasser les relations entre négociations et processus de décision complexe dans toute leur richesse. Pour cela, on conservera l’idée directrice que les décisions publiques devraient posséder de nombreuses caractéristiques d’une décision négociée, par exemple la représentation des groupes concernés, l’échange des points de vue et des arguments, la recherche de solutions acceptées d’un commun accord plutôt qu’imposées. On cherchera par contre à s’affranchir de la simplification qui consiste à vouloir ramener concrètement le processus de décision à une négociation.
33Pour y parvenir, il faut d’abord analyser de façon critique cette assimilation de la décision à la négociation. Il apparaît alors qu’elle combine en réalité trois simplifications distinctes, dont chacune est fondamentale :
34La première consiste à mettre en avant un mode particulier de traitement des différends – par exemple la négociation – et à renvoyer les autres – par exemple, l’affrontement de terrain ou les procédures juridiques – au second plan, alors qu’ils se combinent souvent de manière intime et complexe.
35La deuxième se traduit par le fait de situer d’emblée la réflexion sur la négociation à l’échelle de la formation de la décision dans son ensemble, faisant fi de l’emboîtement (dans le temps, dans l’espace, dans les niveaux d’organisation impliqués) des échelles de la décision.
36La troisième est de prétendre embrasser dans une même réalité la négociation comme dynamique d’ajustement des points de vue et la négociation comme forme affichée de dialogue entre les acteurs. Or il n’est pas rare que des parties négocient en apparence sans que pour autant s’instaure une réelle dynamique de négociation. Ni, à l’inverse, que la recherche d’un ajustement des positions s’effectue sans passer ostensiblement par les formes de la négociation.
37Pour poser un cadre analytique apte à saisir ensemble négociation et processus de décision, il faut s’affranchir de ces trois simplifications en leur substituant des distinctions appropriées.
A – La négociation est étroitement articulée aux autres modes de traitement des divergences d’intérêts et de valeurs
38Il suffit d’ouvrir n’importe quel ouvrage de synthèse sur la recherche en négociation pour constater que celle-ci s’est avant tout intéressée, jusqu’ici, à des situations dans lesquelles la négociation se voit attribuer explicitement – au moins à titre transitoire – un rôle central dans le processus de décision. Il en résulte un déficit dans la manière d’analyser les négociations qui ne se déroulent pas dans de telles conditions (…).
39Certes, la plupart des auteurs ont bien à l’esprit l’idée élémentaire que la négociation n’est qu’un mode parmi d’autres pour la résolution des divergences entre acteurs sociaux. Même si l’on peut discuter de leur classification, ces modes sont en nombre limité : évitement, affrontement, négociation, coopération, recours au jugement d’un tiers, recours à un texte (contrat ou loi) (voir par exemple Dupont, 1994, p. 29).
40Les relations entre négociation diplomatique et affrontement armé (réel ou virtuel), entre négociation sociale et grève, pour ne citer que deux exemples, empêchent que l’on se forme une idée excessive de l’autonomie de la négociation par rapport aux autres modes de traitement des différends. Mais la grande majorité des études sur la négociation, pour mieux centrer l’attention sur cette dernière, tendent à ne donner qu’une vision appauvrie du processus décisionnel où elle s’insère. Les différentes approches théoriques ne le prennent en compte, jusqu’ici, que de manière simplifiée et statique. Les modèles qualificatifs globaux, comme ceux de Jack Sawyer et Harold Guetzkow (1965) ou de Viktor Kremenyuk (1991), les subsument dans un inventaire de variables externes, sous des rubriques telles que « pouvoir des acteurs », « structure », etc. Dans la théorie des jeux, on les schématise et on les fige dans les règles du jeu ; données et fixées dès le départ. Enfin, Roger Fisher et William Ury (1982), en montrant que le négociateur doit avoir à l’esprit à tout moment « la meilleure alternative à une solution négociée » – c’est-à-dire ce qu’il pourrait obtenir par un autre moyen que la négociation – incitent bien, pour leur part, à une prise en compte dynamique et précise de l’évolution de l’ensemble du processus de décision, mais sans fournir davantage de précisions que cela.
41Certes, il existe bien des frontières entre les divers modes de traitement des différends. Ils ne constituent pas, contrairement à ce qu’on entend souvent affirmer, un continuum. Entre le conflit et la négociation, entre l’évitement et l’affrontement, par exemple, la transition n’est pas insensible mais passe au contraire par des seuils, des changements de registre nettement perceptibles, qui modifient les règles de l’interaction et qui, au demeurant, ne sont pas toujours faciles à provoquer (si on les souhaite) ou à éviter (si on les craint) (Mermet et Barouch, 1987).
42Mais cela n’empêche pas un acteur du processus de décision de se guider simultanément sur deux modes ou plus. Par exemple, quand la négociation se déroule en parallèle d’un affrontement direct et d’une procédure judiciaire, les acteurs gardent en vue, tout en négociant, la manière dont les processus qui se déroulent au tribunal et sur le terrain font varier en temps réel les bénéfices et les risques qui sont en jeu dans la négociation.
43On peut aller plus loin, et constater que même si les acteurs ne sont pas engagés concrètement dans une interaction autre que la négociation, ils peuvent malgré tout se guider sur ce que seraient les résultats possibles de ces processus alternatifs de traitement du différend, s’ils y recouraient (voir par exemple l’analyse proposée par Luc Vodoz (1992) et par l’auteur (Mermet, 1992, p. 152-157). La négociation en cours entre les parties prenantes et l’affrontement où elles pourraient se lancer se font écho, comme se répondent en Grande-Bretagne, le gouvernement d’un côté et de l’autre le gouvernement virtuel (shadow cabinet) formé par l’opposition, et qui permet à chacun de se faire une idée de ce qu’elle ferait si elle était au gouvernement. À l’affrontement réel répond une négociation virtuelle, et, à la négociation réelle, un affrontement virtuel.
44Un processus de décision complexe se présente donc comme un ensemble de moments, de séquences, de confrontations partielles, qui se déroulent sur l’un ou l’autre de plusieurs modes d’interaction qui se répondent. Dans ce cadre, pour étudier les négociations, il faut avant tout analyser leur place dans le processus décisionnel.
B – Une question d’échelles
45Cela doit commencer par une clarification en termes d’échelles. Nous proposons de distinguer trois catégories de négociations, en fonction de leur ampleur au regard du processus de décision où elles s’inscrivent.
1 – Négociations interstitielles
46On parlera de négociations interstitielles pour celles qui occupent dans le processus de décision une place plus ou moins ponctuelle. On peut ranger dans cette catégorie des ajustements de points de vue rapides, qui s’insèrent dans des séquences du processus de décision qui ne sont pas forcément marquées par la négociation. Par exemple : « Est-ce qu’un tel est d’accord ou pas pour participer à une table-ronde dans un colloque où l’on dialoguera sur les points de vue des acteurs ? » ou bien « Est-ce qu’un tel accepte de relire l’étude de contre-expertise économique pour voir si elle comporte des erreurs qui pourraient envenimer la discussion ultérieure de cette étude ? » mais on peut aussi considérer comme interstitielles des négociations qui occupent un nœud du processus décisionnel. Par exemple, le préfet chargé d’intégrer les points de vue divergents des acteurs organiser une réunion d’échange de vue entre deux acteurs.
2 – Négociations composantes
47La négociation se situe à une autre échelle lorsqu’elle plus ponctuelle, mais anime (ou accompagne) toute une séquence du processus de décision. Par exemple, dans le cas de la Loire, les comités de pilotage qui ont encadré les différentes contre-expertises ont fonctionné comme lieux de négociation pendant plusieurs mois. Pendant cette période, ils ont pris en charge une partie du débat décisionnel et de ses enjeux. À cette échelle, la négociation représente un « moment » (dans le temps, dans la dynamique du processus) ou un organe (dans le dispositif) de la décision et nous parlerons alors de négociation composante.
3 – Négociations englobantes
48Enfin, on se situe encore à une autre échelle lorsqu’une négociation devient pour une assez longue durée le lieu essentiel du débat décisionnel, lorsqu’elle embrasse les principaux enjeux de la décision. Par exemple, dans le cas du barrage de la Snoqualmie-Snohomish, pendant plus d’un an entre le moment où l’affrontement des intérêts a conduit au blocage et le moment où les acteurs se sont mis d’accord pour agir d’une manière convenue, c’est tout le processus de décision qui emprunte, pour utiliser une image, le chenal de la négociation.
4 – Echelles du temps et d’organisation
49Ainsi, la place de la négociation dans le processus de décision peut-elle être :
- dans les interstices ;
- comme une séquence parmi plusieurs qui se succèdent ou se déroulent en parallèle ;
- ou encore comme le cadre qui organise pour une durée prolongée l’ensemble du processus de décision.
50Encore une fois, ces trois échelles sont données ici comme des repères schématiques. Elles assimilent d’ailleurs échelle de temps et échelle d’organisation, alors que les deux ne coïncident pas forcément. Par exemple, on peut concevoir une négociation qui accompagne tout le processus décisionnel au fil des années, mais ne traite que d’un ou de quelques enjeux – ou inversement une négociation brève, mais mettant en balance l’ensemble des enjeux de la décision. C’est dans l’étude de cas précis qu’il faut déterminer le niveau et nature exacte des distinctions d’échelles pertinentes.
51L’essentiel est ici de souligner l’idée que chaque négociation se joue à un niveau de durée et d’organisation donné du système de décision. Il importe dans chaque cas d’identifier ces niveaux pertinents, pour y situer clairement les négociations que l’on veut analyser ou conduire.
52Observer cette règle devrait permettre de mieux comprendre la relation entre chaque négociation et la situation plus large où elle s’inscrit. Cela devrait également favoriser à l’avenir l’étude des négociations interstitielles, trop souvent négligées au profit des négociations composantes ou englobantes, plus faciles à analyser comme des processus autonomes.
53S’il importe de resituer ainsi chaque négociation dans le processus de décision, on ferait fausse route en considérant qu’elle ne joue (et ne se joue) qu’à l’échelle de temps ou d’organisation où elle se déroule. Il faut prendre en compte les renvois d’échelle : par exemple, une négociation discrète et ponctuelle entre deux parties peut être déterminante dans la mise en place ultérieure d’un processus plus large et structuré de négociation entre toutes les parties concernées. De plus, les sauts d’échelle ne sont pas rares par lesquels une négociation même brève et liée à une rencontre accidentelle peut faire bifurquer l’ensemble du processus de décision. Réciproquement, une négociation englobante soigneusement structurée peut achopper durablement sur des affrontements interstitiels difficiles à percevoir, et rester infructueuse.
C – Le rôle de la négociation dans la décision : modèle directeur ou modalité de communication ?
54Les distinctions d’échelle, pour être indispensables, ne suffisent donc pas. En effet, une fois précisée la place d’une négociation dans le processus, il reste à qualifier le rôle qu’elle y joue. Sur ce plan, les ambiguïtés et les confusions sont fréquentes. Afficher et mettre en scène un processus comme étant une négociation, par exemple, est-ce vraiment négocier ? On ne manque pas d’exemples en matière d’environnement et d’aménagement dans lesquels sont mises en place des instances de concertation, des procédures de négociation, mais où la décision ne débouche nullement sur un ajustement des intérêts, ni sur une amélioration des projets d’aménagement, mais seulement sur le projet défendu depuis le début par une coalition d’acteurs dominants – d’où le terme de « pseudo-négociation » proposé par Christophe Dupont (1994) pour distinguer ce type de processus.
55À l’inverse, faire en sorte d’obtenir un ajustement des intérêts accepté par les parties, n’est-ce pas de la négociation, même si cela n’est pas affiché explicitement comme tel ? Dans le cas des barrages de la Loire, lorsque le présentateur du journal télévisé pointe sur une grande carte les quatre barrages qui étaient envisagés et le compromis finalement atteint autour de deux barrages, il n’est pas déraisonnable de considérer que l’ensemble du processus, à l’échelle de deux ou trois années, a été géré comme une négociation.
1 – Des distinctions nécessaires sur le statut de la négociation et sur le rôle qui lui est attribué
56Pour lever les ambiguïtés, pour prévenir les confusions, il faut construire une grille d’analyse qui permette, entre autres, de distinguer les diverses combinaisons entre négociation tacite et affichée, simulée et effective. Pour cela, on partira de l’idée que l’interaction entre les participants à un processus de décision peut être qualifiée de négociation à partir de la réponse à trois questions différentes :
- La communication entre les protagonistes est-elle organisée et conduite comme un dialogue sur des solutions qui permettraient de régler le différend ?
- Les comportements des protagonistes sont-ils guidés (ou peuvent-ils être expliqués de façon satisfaisante) par la recherche d’une solution agréée entre eux ?
- Le résultat du processus est-il considéré par les acteurs comme une résolution acceptable d’un commun accord ?
57Dans le premier cas, on dira que la négociation est une modalité du processus de décision ; elle lui imprime concrètement et visiblement une « forme particulière » : une suite d’échanges entre les groupes d’intérêt, affichant le souhait de parvenir à un arrangement.
58Dans le deuxième cas, on dira que la négociation joue le rôle d’une orientation (on pourrait dire aussi : d’un « fil conducteur ») dans le processus de décision. Qu’elles puissent ou non, qu’elles veuillent ou non négocier explicitement, les parties guident leurs actions et leur communication sur la recherche d’un arrangement.
59Modalités et orientation peuvent se combiner diversement :
- Si la négociation transparaît comme orientation, mais n’apparaît pas comme modalité, on parlera de négociation tacite (ou cachée, si le dialogue direct a lieu, mais n’est pas observable) ;
- Si orientation et modalités sont manifestes en même temps, on parlera de négociation effective ;
- Si la négociation apparaît comme une modalité, sans qu’il ressorte que les comportements soient vraiment guidés par une orientation de négociation, on parlera de pseudo-négociation.
60Reste la troisième question : l’obtention ou non d’un arrangement accepté d’un commun accord. Cette question correspond à un regard évaluatif porté sur la négociation – à la fois analyse de l’impact d’une négociation sur le processus décisionnel, et jugement sur cet impact. Pour souligner ce caractère évaluatif, on parlera de performance décisionnelle.
61Ce troisième regard, plus inhabituel que les précédents, est nécessaire pour analyser le rôle de la négociation dans la décision. Sans lui, un simulacre tapageur de négociation éclipserait toujours un effort discret ou bref, mais réel, de conciliation des intérêts.
2 – La négociation comme modèle
62Les notions d’orientation et de performance sont liées. La première correspond à un objectif que s’assigne(nt) un (ou plusieurs) participant(s) à la décision, et qui lui (leur) sert de fil conducteur : faire en sorte qu’elle possède certaines caractéristiques d’une décision négociée, par exemple une certaine lisibilité des positions initiales des parties, leur accord sur la décision finale, un équilibre des renoncements que la décision implique de leur part. La seconde notion, évaluative, revient à considérer que l’on peut analyser et juger après coup tout ou partie d’un processus de décision à l’aune de ces caractéristiques que l’on attend d’une négociation réussie.
63Les deux notions reviennent à poser la question la négociation comme modèle d’un processus de décision – ou d’un moment de ce processus. Elle constitue d’une part un modèle analytique. Les concepts et acquis de la recherche en négociation peuvent aider à comprendre le processus de décision, que celui-ci ait adopté ou non la négociation comme modalité de déroulement. Elle peut être utilisée d’autre part comme modèle normatif dont les parties peuvent se servir pour guider leur participation à la décision – c’est la notion d’orientation – ou pour juger le processus décisionnel et ses résultats – c’est la notion de performance. Lorsqu’il n’est pas nécessaire de distinguer les deux notions, on parlera simplement de modèle. Ce faisant, on ramène l’accent sur la distinction fondamentale entre négociation comme modalité – le processus de décision prend la forme d’une négociation – et comme modèle – le processus de décision s’analyse, se conduit et se juge au fond selon les critères propres à une résolution négociée des différends.
D – Place et rôle de la négociation : une lecture simplifiée de la diversité des situations
64Les considérations de place de la négociation (d’échelle en particulier) et de rôle de la négociation (modalité, modèle) peuvent être combinées dans un tableau croisé. On obtient alors une représentation schématique de la diversité des situations d’insertion de la négociation dans les processus de décision complexe. Voici quelques exemples de ces combinaisons.
1 – Négociations englobantes
65On peut considérer que la négociation devrait être à la fois modèle et modalité de l’ensemble du processus de décision ; c’est le modèle de politique publique que les Néerlandais appellent Policy Network (Barraqué, 1995, p. 212). Avant même de considérer un projet d’aménagement, on identifie les acteurs concernés, on les met en présence, ils cernent leurs besoins respectifs, leurs divergences. Alors seulement on met à l’étude des projets techniques pour les satisfaire, et le choix final entre eux, quelques années plus tard, résulte d’une négociation. Ici la négociation est bien le modèle puisque le processus décisionnel est guidé par la recherche d’une solution qui fasse accord ; elle est aussi la modalité puisque cette recherche, le rapprochement des points de vue et la discussion des intérêts sont mis en œuvre concrètement dans le cadre des discussions du Policy Network ; la négociation se situe à l’échelle la plus large au regard du processus de décision, puisqu’elle l’embrasse pratiquement en entier, du début à la fin.
66La négociation peut être aussi le modèle sans la modalité. La manière dont trois gouvernements successifs (de 1989 à 1993) ont traité le problème de la Loire en fournit un bon exemple. Tout s’est passé comme s’il y avait eu une négociation entre les parties prenantes. Mais la négociation n’a jamais été la modalité d’ensemble : les arbitrages ne résultent pas d’échanges directs entre toutes les parties réunies autour d’une table.
67Enfin, la décision peut être mise en scène pour une longue période comme un processus de négociation qui réunit ostensiblement et régulièrement les parties prenantes autour d’une table, sans que soient remplies les conditions d’une négociation effective, et sans qu’elle ait lieu. La négociation sert alors de façade, d’habillage, à un processus d’une autre nature (gestion autoritaire, affrontement des parties, ou évitement du problème).
2 – Négociations composantes
68À l’échelle des négociations composantes, on retrouve les trois cas de figure.
69Les réunions de concertation organisées en préfecture au sujet de la Loire, affichées comme négociations, peuvent, selon les périodes et les dossiers, avoir été de réels exercices de rapprochement des points de vue ou de simples formalités subies par des acteurs déterminés.
70On a vu avec la « mission Chapon » de 1979, et avec le fonctionnement du comité de pilotage de la contre-expertise sur le projet de Chambonchard, des exemples très parlants de négociations directes approfondies.
3 – Négociations interstitielles
71Toujours dans le cas de la Loire, on peut évoquer à plus petite échelle les négociations explicites mais ponctuelles pour constituer le comité de pilotage des études de contre-expertise, ou celles se déroulant dans les cabinets ministériels. Il s’agit bien, dans leur forme comme dans leur dynamique, de négociations effectives.
72Elles cohabitent avec des négociations tout à fait tacites. Les plus frappantes sont les multiples contacts entre experts et acteurs, souvent en tête à tête, en marge de l’étude de contre-expertise, pour discuter des points techniques nécessaires au modèle d’évaluation des besoins – dont chacun sait à quel point ils peuvent influencer les résultats de l’expertise, donc la décision. Il faut avoir entendu les hauts fonctionnaires impliqués discuter pied à pied au téléphone tel chiffre de rendement du blé, de consommation d’eau par hectare, pour mesurer l’importance de ces négociations interstitielles tacites dans la formation de la décision.
73Enfin, même si elles n’apparaissent pas dans la manière dont nous avons relaté le cas de la Loire, il n’est pas difficile d’évoquer des occasions où, ponctuellement contraints à donner les apparences de la négociation, des adversaires se soumettent un moment à son vocabulaire et à son rituel, sans songer un instant à rechercher un arrangement.
E – Des repères pour un triple travail de clarification
74Si l’on veut comprendre les négociations insérées dans les processus de décision complexe, il importe de s’éloigner du cas limite dans lequel le processus de décision peut être assimilé purement et simplement à une négociation. Pour cela, on a proposé ici un triple travail d’articulation entre négociation et autres modes de traitement des différends, de clarification des places et des rôles de la négociation dans les processus de décision complexe. La recherche en négociation doit progresser dans l’identification et l’analyse de ces négociations multiples, diverses, souvent peu visibles. Ces repères devraient permettre de l’entreprendre de manière systématique.
Place et rôle de la négociation : une grille de lecture
Place et rôle de la négociation : une grille de lecture
75Ce tableau combine les distinctions d’échelle (en ligne) et de rôle de la négociation (en colonnes) dans le processus de décision.
76Les exemples donnés en caractère standard sont tirés du cas de la Loire. Ceux en italiques correspondent à d’autres exemples mentionnés dans le texte ou à des exemples de principe.
77Le but du tableau n’est pas d’appuyer l’analyse proposée du cas de la Loire, encore moins de classer les différents modes d’interventions pour une décison négociée, mais d’illustrer le principe du travail de distinction des places et des rôles de la négociation.
5 – Méthodes d’intervention pour une décision négociée
78Sur le plan de l’action cependant, on ne peut se contenter d’analyser la négociation dans les processus décisionnels. Il faut aussi concevoir et conduire des interventions concrètes pour accroître sa part et son efficacité dans la décision. Dans ce domaine aussi, un travail de clarification et d’approfondissement est nécessaire. Nous ne ferons ici que l’esquisser, en développant successivement deux thèmes :
- La variété et la complexité des places et des rôles de la négociation dans les processus décision appellent une diversité et une adaptabilité correspondante des interventions pour résoudre les différends ;
- L’importance de la négociation dans les processus de décision, les valeurs positives qui lui sont attachées, ne doivent pas faire perdre de vue ses limites.
A – Explorer et utiliser la diversité et la richesse des méthodes d’intervention
1 – La médiation environnementale américaine : une méthode de résolution particulière, adaptée à des contextes spécifiques
79Comme on l’a vu plus haut, la médiation environnementale américaine est à prendre comme « un cas limite ». Pendant une période, le processus de décision se trouve – du moins en première analyse – dominé par une procédure de négociation. Une fois ceci obtenu, l’intervention du médiateur vise à améliorer le déroulement de la négociation et de ses résultats.
80La situation est cependant plus ambiguë : dans la plupart des cas, la médiation se surajoute en réalité à des procédures judiciaires et à d’autres formes d’affrontement. Que celles-ci soient momentanément en suspens ou qu’elles continuent à courir, elles constituent la véritable infrastructure de la médiation et de la négociation que celle-ci instaure et anime. On constate d’ailleurs que les domaines où la médiation se développe en France sont essentiellement ceux où elle peut s’appuyer sur l’arrière-plan de la justice (médiation conjugale, pénale, administrative) ou de l’affrontement hautement formalisé de la grève (négociation sociale).
81La médiation est souvent la méthode particulière de résolution des différends enfermés dans des structures conflictuelles rigides, figées dans l’opposition polaire des parties prenantes. Même dans ce cas, la multiplicité des formules de médiation souligne à quel point celle-ci doit s’adapter jusque dans le détail aux structures décisionnelles au sein desquelles elle se déroule.
2 – Reconnaître la diversité des méthodes de résolution des différends
82L’attraction exercée par la médiation ne doit pas cacher la diversité des méthodologies d’intervention pratiquées aux États-Unis pour la prévention et la résolution négociée des conflits environnementaux. Les approches qui cohabitent au sein du mouvement de l’alternative dispute resolution diffèrent sensiblement entre elles et reflètent la diversité des situations et des processus de décision que l’on rencontre à l’intérieur même des États-Unis.
83Cette diversité ne fait que s’accentuer lorsqu’on ajoute, en changeant de pays, les différences liées à la culture nationale, au système juridique et institutionnel, au contexte sociopolitique. Plutôt que de chercher à transposer – serait-ce en l’adaptant – une formule toute faite, comme celle de la médiation environnementale, il vaut mieux travailler à concevoir des méthodes et techniques d’intervention directement adaptées à tel ou tel contexte décisionnel donné. Cela suppose d’une part que l’on développe – comme on l’a proposé plus haut – les outils de diagnostic de la négociation dans le processus décisionnel. Il faut d’autre part étudier les méthodes d’intervention en tant que telles, plutôt que de s’attacher à la promotion de l’une ou de l’autre d’entre elles.
3 – Analyser les modes d’intervention existants
84Pour cela, il est souhaitable de les désigner d’un terme générique. En première analyse, le terme de médiation pourrait convenir puisqu’il peut être entendu dans un sens très large. Mais il possède aussi des définitions bien plus étroites (et souvent contradictoires entre elles) d’où résultent de multiples malentendus. On parlera donc ici d’interventions pour une décision négociée. Cette formule souligne l’idée que, s’il est souhaitable d’intervenir, ce n’est pas pour imposer la négociation comme « modalité » formelle de la décision, mais plutôt afin que le processus de décision intègre les dynamiques de la négociation nécessaires pour déboucher sur une discussion discutée, intégrant les intérêts et préoccupations des parties prenantes, et acceptables par elles – bref, conforme au « modèle » de la négociation.
85On peut constater que les acteurs de la décision sont loin d’être démunis lorsqu’il s’agit d’intervenir dans ce sens. Dans le cas de la Loire, par exemple, on les a vus mettre en œuvre, entre autres : la mission de l’ingénieur général ; les jeux d’expertise et de contre-expertise ; la mission de rapprochement des acteurs confiée au préfet coordinateur de bassin ; les réunions de préparation des arbitrages gouvernementaux.
86Aucune de ces opérations ne peut être considérée comme une médiation au sens propre du terme. Mais chacune correspond à une initiative pour faire en sorte que la négociation trouve et prenne sa place dans la résolution des différends entre acteurs et dans la formation de la décision. Même si ces interventions sont fondées sur des savoirs empiriques, elles peuvent néanmoins s’analyser en termes de méthodes et de techniques.
4 – Techniques et méthodes
87Entre « méthodes » et « techniques », on fera ici une distinction d’échelle :
88On parlera de techniques pour désigner des interventions plus ou moins fragmentaires dans le processus de décision, et qui entendent contribuer à une issue négociée – par exemple, l’organisation par un tiers d’une réunion entre parties antagonistes, ou l’animation d’un séminaire « académique » réunissant les protagonistes d’un dossier brûlant.
89On parlera de méthodes pour des interventions de plus grande ampleur (négociations composantes et englobantes) et qui organisent (au moins en partie) le processus de décision lui-même. La mission de l’ingénieur général, celle du préfet dix ans après (très différentes par leur conception et les techniques mises en œuvre) sont de cet ordre. Ces méthodes combinent toujours de nombreuses « techniques » – qu’elles soient mobilisées de façon empirique ou de manière explicite et codifiées comme dans la médiation à l’américaine.
5 – Reconnaître les points communs à diverses approches
90Cette manière de voir permet d’appréhender la diversité des méthodes et des techniques selon les pays et les cas, tout en constatant l’importance des points communs qui les rapprochent. Ainsi les méthodes utilisées dans le cas de la Loire diffèrent par bien des aspects de la médiation environnementale américaine. Mais on y retrouve nombre d’enjeux et de techniques comparables. On y reconnaît sans peine, par exemple, ce que les auteurs américains considèrent comme les « étapes » de la médiation. Expertises, contre-expertises, comités de pilotages, débats publics sur le sujet ont permis d’aller plus loin dans la « mise à plat des besoins à satisfaire » et sur la « mise en commun et la discussion des données ». Les études techniques de solutions alternatives ont apporté, jusque dans les arbitrages finaux, sensiblement la même contribution que la « recherche commune d’alternatives » dans la médiation. Quant aux résultats du processus, ils répondent à un « cahier des charges » analogue : dégager des propositions d’aménagement différentes de celles initialement envisagées, ayant été largement débattues, et satisfaisant au mieux les besoins des acteurs.
6 – Sortir des recettes, pour cultiver la diversité des combinaisons méthodologiques
91Il faut donc ramener l’enjeu des modalités d’intervention et de négociation à leur véritable niveau : celui d’un choix à chaque fois reconsidéré de techniques et de méthodes. Face à la diversité et la complexité des situations décisionnelles, il faut dépasser les recettes toutes faites, disposer d’une large palette de techniques, et les agencer dans des méthodes adaptées à chaque cas.
92Le modèle américain de médiation combine : une panoplie donnée de techniques destinée à permettre telle ou telle fonctionnalité décisionnelle (le diagnostic des acteurs, la mise à plat des besoins, etc.) ; et une combinaison donnée de ces outils, dans une méthode définie à l’avance.
93Rien n’impose de se confiner dans ce cadre. L’important est que la méthode d’intervention mise en œuvre remplisse bien, en partant du processus de décision tel qu’il est, les fonctions nécessaires pour le guider vers une résolution négociée (au sens large que nous donnons ici à ce terme).
7 – Clarifier les performances attendues de la décision
94Cette conception, dans la mesure où elle conduit à prendre en considération des négociations qui ne s’affichent pas formellement en tant que telles, suppose que l’on précise les critères au regard desquels on estime qu’une décision est « négociée » ou non. Il n’est pas question, bien sûr, de les fixer sur un plan général et de façon rigide, mais seulement d’inviter chaque praticien, chaque chercheur, à y travailler dans le cadre et selon la perspective qui l’intéresse.
95Cela soulève bien sûr des questions importantes. Les notions de performance, d’orientation, de modèle, doivent aider à les aborder.
96L’idée d’orientation relativise les techniques et les formes affichées de la négociation ; elle nous invite à en analyser les dynamiques les plus profondes, à être attentifs aux représentations des acteurs, à réfléchir aux critères selon lesquels nous concevons la négociation, et donc aux objectifs que nous poursuivons en intervenant à l’appui d’un processus de décision.
97L’idée de performance décisionnelle met en relief les résultats du processus de décision. Si l’on prend par exemple comme critères la satisfaction des besoins des groupes sociaux et la recherche d’une rationalité collective de l’aménagement (par exemple, en termes de limitation des coûts ou de ménagement de l’environnement et des ressources naturelles), les décisions prises en matière d’aménagement de la Loire peuvent faire l’objet d’une évaluation mitigée. D’un côté, le remplacement du barrage de Serre-de-la-Fare par des solutions alternatives pour protéger Brives-Charensac des inondations peut être considéré comme une réelle intégration des points de vue, qui conduit à une meilleure satisfaction globale de la société, tout en répondant aux besoins des divers acteurs. De l’autre côté, le rejet de la solution intégratrice que constituait la reconstruction possible du barrage de Rochebut sur le Cher peut être vu comme un échec de la négociation, un aboutissement qui écarte les préoccupations des uns, sans pour autant mieux satisfaire les besoins des autres. Cette appréciation dépend cependant de l’échelle à laquelle on se place. On peut considérer par exemple, comme certains protagonistes de ce dossier, que le médiocre résultat du processus décisionnel sur Chambonchard est le prix à payer pour l’équilibre – plus satisfaisant – du plan d’ensemble « négocié » sur la Loire.
98Quant à l’idée de modèle, elle incite à utiliser les théories et les expériences de négociation environnementale les plus effectives (c’est-à-dire où la négociation est à la fois modèle et modalité de la décision) comme analyseurs et comme guides pour conduire les interventions les plus indirectes ou plus partielles visant une décision négociée. Par exemple, la référence aux diverses étapes de la médiation environnementale permet d’éclairer certaines lacunes du processus de décision concernant le barrage de Chambonchard de 1986 à 1993. D’abord, la mise en place de la résolution du différend est bancale, parce que certains acteurs refusent a priori le principe de la recherche d’une solution acceptée par les deux parties. Ensuite, l’expression claire des désaccords entre les acteurs sur les valeurs en matière d’environnement et d’aménagement ne trouve pas de forum où elle puisse s’exprimer autrement que dans la controverse politique par voie de presse, et être reconnue réciproquement ; elle reste donc le soubassement d’une logique d’affrontement. Enfin, et c’est la suite logique de ces positions, certains acteurs ne se sentent pas engagés par les solutions intégratives proposées, ni obligés de justifier leur position, dans la mesure où ils peuvent l’imposer.
99Dans ces conditions – et dans de nombreux cas plus ou moins similaires – rien ne permet d’affirmer que ce sont les modalités de négociation qui sont en défaut ; de nombreux signes suggèrent au contraire que c’est la négociation comme modèle pour coordonner les comportements et stratégies des acteurs qui n’est pas suffisamment partagée. Il faut alors la replacer dans une réflexion plus large sur les processus et les structures décisionnels.
B – Remettre la négociation à sa place
1 – Les techniques ne peuvent se substituer à la volonté d’accord des partenaires
100Étudier la place de la négociation dans la décision doit en effet conduire, sur un plan pratique, à (re)mettre la négociation à sa place dans la résolution des problèmes d’environnement. Or, depuis 1990, comme l’illustre la multiplication des « chartes d’environnement » (municipales, départementales, etc.), l’idée de gérer des problèmes environnementaux par la concertation a connu en France une véritable vogue. Mais les progrès enregistrés en la matière conduisent parfois à des attentes excessives. Dans ce contexte, des dysfonctionnements dans la décision publique comme celui que l’on vient d’évoquer sont souvent interprétés, en substance, de la façon suivante : « Ce qui nous manque en France, c’est une capacité (encore) accrue à négocier, à aider les acteurs à trouver entre eux des solutions consensuelles. »
101Le cas de l’aménagement de la Loire suggère un diagnostic plus nuancé. Qu’a-t-il manqué dans un cas comme celui de Chambonchard ? De nombreux acteurs n’avaient pas ménagé leur peine pour promouvoir la recherche négociée d’une solution, pour y participer. Les aides, les interventions, les initiatives de concertation ont effectivement conduit à une solution qui avait impliqué la plupart des acteurs et qui répondait aux besoins mis en avant par tous les groupes sociaux. Or, cette solution n’a pas été retenue. Ce n’est pas la volonté de la plupart des acteurs qui a fait défaut, ni les techniques et méthodes de négociation. Le médiocre résultat constaté est le fruit d’une structure de décision où quelques acteurs puissants préfèrent imposer une solution unilatérale plutôt que de se rallier à une solution négociée.
2 – Faire la part des difficultés de processus et celle des défauts de structure
102Il ne s’agit pas, loin de là, de conclure que les méthodes mises en œuvre aujourd’hui en France soient tout à fait adaptées, ou qu’il n’y ait nul besoin de progresser dans ce domaine, ni de s’inspirer d’exemples étrangers.
103N’endossons pas non plus la décharge facile qui renvoie au « manque de volonté politique », comme à un génie qui refuserait de sortir de sa lampe. La « volonté politique » de se rallier à une solution négociée, pour reprendre une formule de Fisher et Ury (1982), n’est pas essentiellement une question de bonne volonté. Elle tend à manquer lorsque la structure de la situation d’action rend trop tentant d’imposer une solution de manière unilatérale – parce que c’est plus facile, parce que cela comporte des avantages importants, parce qu’il est difficile de faire autrement, ou simplement parce que l’on s’estime fondé à le faire. En insistant sur la nécessité de l’impasse comme condition nécessaire de leur entreprise, les médiateurs américains ne disent pas autre chose.
104Pour cultiver une résolution plus négociée des problèmes de décision, il faut donc faire avec pertinence la part des problèmes de conduite de la négociation et celle des structures de décision.
105À ce défi pratique répond un enjeu théorique fondamental pour les chercheurs en négociation. Chacun d’eux est en effet appelé à prendre position dans un champ de tensions entre deux extrêmes. Le premier revient à considérer que la structure (des intérêts, des pouvoirs) détermine le résultat. Le processus n’est alors qu’un détail d’itinéraire pour se rendre en un point tracé d’avance. Ce serait par exemple la position de spécialistes des relations internationales qui considéreraient que celles-ci sont surdéterminées par les rapports de force entre les nations. Le second extrême consiste à penser que c’est le processus de négociation lui-même qui est déterminant. Comme le proclame le titre d’un ouvrage de vulgarisation sur la négociation – You Can Negotiate Anything (Cohen, 1982) – en s’y prenant bien l’on pourrait tout obtenir.
106Le poids respecté à la structure et au processus, et la nature de l’articulation entre eux constituent des points majeurs de différenciation entre les différentes conceptions et approches de la négociation. Mais rares sont les chercheurs en négociation qui adhéreraient à l’un des deux extrêmes. Si les structures déterminent d’avance le résultat, pourquoi s’intéresser à la négociation ? Inversement, qui défendrait l’idée que, moyennant une bonne gestion du processus, on peut obtenir des résultats de négociation équilibrés, quelle que soient la structure décisionnelle et les pouvoirs en jeu ? Et portant, nombreux sont les acteurs des décisions publiques environnementales qui semblent aujourd’hui s’accrocher à cette idée !
107Le cas de Chambonchard et de nombreux exemples analogues montrent que, souvent, en matière d’aménagement et d’environnement, ce n’est pas la capacité de négociation qui manque pour parvenir à des décisions publiques appropriées. Dans bien des cas où l’on proclame la nécessité de toujours plus de discussion, de concertation, etc., le véritable moyen d’obtenir de meilleures décisions en aménagement serait de modifier les structures de la négociation, c’est-à-dire les règles de la décision, et les rapports de force entre les acteurs. Quand ceux-ci ont avantage à trouver un accord, quand aucun d’entre eux ne peut « passer en force », ou n’a pas intérêt à le faire, tout porte à penser que des interventions adaptées aux particularités de la situation peuvent être conçues sans difficultés majeures. Il n’est pas interdit alors de penser que les réformes à répétition des procédures d’enquête publique en France s’attaquent à un symptôme – les débats houleux et souvent stériles autour des décisions d’infrastructures – plutôt qu’au problème fondamental : la difficulté ou la réticence qu’éprouvent nombre d’aménageurs, dans le cadre où s’organise aujourd’hui leur action, à prendre en compte dans leurs projets la diversité des préoccupations et la pluralité des intérêts.
Conclusion
108La médiation des conflits d’environnement et d’aménagement aux États-Unis constitue une référence intéressante pour réfléchir aux conditions de résolution négociée des conflits en matière de décision publique. Mais cela ne doit pas (comme c’est parfois le cas) conduire à la considérer comme le modèle de méthode à généraliser. La médiation n’est qu’une formule d’intervention particulière, et bien d’autres existent pour la résolution négociée des différends ou, selon la formule plus positive que nous avons retenue, pour la formation négociée de la décision. Nous voudrions, par le travail de clarification entrepris ici, stimuler une réflexion plus systématique sur leur diversité et leur adéquation aux contextes décisionnels. Pour cela, il faut se donner les moyens d’une analyse précise des places et des rôles de la négociation dans les processus de décision tels qu’ils se présentent effectivement, avec les spécificités liées aux particularités du problème traité, au cadre national institutionnel, juridique, culturel, politique.
109Plus largement, la recherche en négociation devrait se pencher davantage sur les négociations multiples (des négociations interstitielles aux négociations englobantes) qui font partie intégrante des processus de décision complexes et qui y jouent un rôle si fondamental.
110L’étude des processus de décision publique en environnement tels qu’ils se déroulent en France a constitué pour nous une puissante incitation à aller dans ce sens. Les négociations formelles n’y jouent pas un rôle déterminant, et la recherche d’arrangements prospère dans des formes informelles, indirectes, très diverses. Mais les perspectives ainsi ouvertes ne se limitent pas à ce domaine.
111Que l’on pense, par exemple, aux innombrables négociations interstitielles qui ponctuent l’activité quotidienne d’une entreprise, aux négociations latentes qui sous-tendent le jeu de ses structures. Les unes et les autres sont vitales pour sa gestion et son développement. On comprend certes pourquoi la recherche en négociation s’est concentrée jusqu’ici sur ces moments forts et lisibles de la vie de l’entreprise que sont la négociation sociale et la négociation commerciale. (…) Il y aurait maintenant un intérêt manifeste à approfondir l’étude de négociations plus intimement imbriquées au fonctionnement des systèmes de gestion.
112Enfin, l’étude des modes de résolution des conflits ne doit pas reposer sur des attentes irréalistes. L’amélioration des processus de négociation ne peut prétendre escamoter les rapports de force mais seulement, et à condition qu’ils soient assumés collectivement par les acteurs, leur apporter une issue plus constructive.
Références citées
- Barraqué Bernard (éd.) (1995), Les politiques de l’eau en Europe, Paris, La Découverte.
- Cohen Herb (1982), You Can Negotiate Anything, New York, Bantam Books.
- Dupont Christophe (1994), La Négociation. Conduite, théorie, application, Paris, Dalloz.
- Fisher Roger et William Ury, Comment réussir une négociation, Paris, Seuil.
- Kremenyuk Viktor (1991), International Negotiation, San Francisco, Jossey-Bass.
- Mermet Laurent (1992), Stratégies pour la gestion de l’environnement. La nature comme jeu de société ?, Paris, L’Harmattan.
- Mermet Laurent et Gilles Barouch (1987), « Résoudre les problèmes d’environnement à travers conflits et négociations », dans Gilles Barouch et Jacques Theys, L’environnement dans l’analyse et la négociation des projets, Paris, Germes, p. 357-367.
- Réocreux Anne et Dominique Dron (1996), Débat public et infrastructure de transport. Rapport au ministre de l’environnement, Paris, La Documentation française.
- Sawyer Jack et Harold Guetzkow (1965), « Bargaining and Negotiation in International Relations”, dans Herbert Kelman, International Behaviour : A Social-Psychological Analysis, New York, Holt-Rinehart-Winston.
- TTS. Techniques, territoires et sociétés (1996 et 1997), « Projets d’infrastructure et débat public », n° 31 et n° 34, Paris, METL.
- Vodoz Luc (1992), « Enjeux et limites du recours à la négociation », dans Jean Ruegg, Nicolas Mettan et Luc Vodoz, La négociation : son rôle, sa place dans l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, p. 279-296.
Notes
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[1]
Nous remercions les éditions Nathan pour leur aimable autorisation de reproduction.