Couverture de NEG_020

Article de revue

La fabrique du compromis sur le marché du travail suisse. Évolutions et défis actuels

Pages 59 à 71

Notes

  • [1]
    Pour les deux derniers niveaux, notre présentation s’appuiera plus spécifiquement sur le secteur de l’industrie des machines.
  • [2]
    Cette volonté est partagée par les acteurs politiques, comme l’illustrent les mesures d’accompagnement adoptées suite aux accords bilatéraux de libre circulation des personnes signés avec l’Union européenne au début des années 2000. Plutôt que de développer de nouvelles dispositions légales pour encadrer plus étroitement le marché du travail, la voie choisie a été celle de l’extension facilitée des conventions collectives (ainsi, dans certaines conditions, assouplies, les CCT peuvent être étendues à l’ensemble des entreprises d’un secteur, qu’elles soient signataires ou non de ces documents).
  • [3]
    L’article 57 de la CCT prévoit même la possibilité d’augmenter la durée annuelle du temps de travail pour une période limitée dans la mesure où cela est nécessaire « pour améliorer la compétitivité d’une entreprise et de ses emplois » en cas de crise économique.
  • [4]
    Il convient cependant de signaler des mouvements de protestation dans certains secteurs comme la construction, où les syndicats ont refusé de signer la convention collective dont le contenu leur paraissait inacceptable. Cette situation a placé les salariés devant un vide conventionnel qui permettait de mener des actions collectives sans déroger au principe de la paix du travail (rappelons que celui-ci interdit de telles actions dans le cadre de conventions collectives signées).
  • [5]
    Cette brève évocation se base sur une recherche empirique visant à analyser les conséquences de la restructuration sur la santé et le bien-être des travailleurs. Vingt-cinq entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des cadres et ouvriers de l’entreprise Alpha, ainsi qu’avec des délégués syndicaux impliqués dans la gestion de l’épisode de restructuration.

1En matière de régulation du marché du travail, la Suisse se caractérise par le souci constant de trouver des compromis entre les divers acteurs en présence : que ce soit au niveau politique, à celui de la branche ou du secteur, ou encore de l’entreprise, prédomine la volonté de trouver des solutions consensuelles, garantes de la paix et de la stabilité sociales. Ce modèle repose sur des négociations largement intégratives à l’avantage de tous les participants au jeu négociatoire, mais il implique également des coûts pour les acteurs absents de la table des négociations (notamment les travailleurs immigrés). Les récentes transformations du marché du travail suisse et des modalités de financement des entreprises remettent en cause les fondements de ce modèle. La question se pose dès lors de la possibilité même d’une négociation intégrative : ces évolutions ne risquent-elles en effet pas de déboucher sur des formes plus distributives de négociation, où les gains d’une des parties se font aux dépens de l’autre ? Plus largement : est-il encore possible de « fabriquer des compromis » dans ces circonstances ? Si oui, sous quelles conditions ? Pour répondre à ce faisceau d’interrogations, il importe d’identifier les paramètres qui ont favorisé la mise en place du compromis helvétique et la manière dont ils ont été affectés par les évolutions actuelles. Tel est l’objectif que poursuit cet article. Après avoir présenté le contexte d’émergence (section 1) et les caractéristiques principales du modèle helvétique (section 2), notre article évoque les défis posés par les évolutions récentes (section 3) et illustre les enjeux qu’elles comportent au moyen d’une étude de cas dans l’industrie des machines (section 4). Ce secteur a en effet joué un rôle décisif dans le développement économique et social de la Suisse et les évolutions qui marquent les entreprises de cette branche permettent à la fois d’illustrer et de préciser les défis auxquels est confrontée la fabrique du compromis helvétique dans le contexte contemporain.

Quelques jalons historiques

2En Suisse, l’approche contractuelle est depuis longtemps préférée aux instruments législatifs pour réguler le marché du travail. Deux dates ont marqué un tournant décisif à cet égard. En 1911, l’adoption d’une réforme du Code des Obligations (CO) fait de la Suisse le premier pays à donner une base légale aux conventions collectives de travail (CCT), alors même que l’usage de l’instrument conventionnel y est encore marginal (en 1912, seuls 7 % des actifs sont couverts par une convention collective). Cette décision, soutenue par une coalition composée des socialistes, très minoritaires dans le Parlement de l’époque, et de la frange réformatrice des partis de droite, s’inscrit dans une pratique de subsidiarité bien établie, suivant laquelle les problèmes du marché du travail doivent autant que possible être réglés par les acteurs les plus proches possibles du terrain. De fait, le soutien des acteurs politiques au développement d’un tissu industriel de petites et moyennes entreprises tournées vers l’exportation (avec l’adhésion de l’aile politique du mouvement ouvrier), a favorisé la mise en place d’une concertation organisée entre employeurs et travailleurs dès la fin du XIXe siècle. Avec la réforme du CO, les prérogatives des interlocuteurs sociaux en matière de régulation du marché du travail se voient reconnues par la loi. La période qui suit se signale par un nombre important de mouvements de grève qui culmine avec la grève générale de 1918. Dans ce contexte, l’action du gouvernement suisse (Conseil fédéral) se résume souvent à réprimer les mouvements revendicatifs des travailleurs (Debrunner, 1986), parfois de manière violente (en 1932 par exemple, l’intervention de la troupe contre des manifestants syndicaux à Genève débouche sur un bilan très lourd : 13 morts et 65 blessés). Le souci du maintien de l’ordre et de la paix sociale est ainsi d’emblée étroitement associé au principe de subsidiarité : ce n’est en effet que dans la mesure où les partenaires sociaux s’avèrent incapables de négocier et de trouver des compromis que l’État intervient.

3La deuxième date importante dans la fabrique du compromis helvétique est celle de l’adoption des conventions dites de « paix du travail ». Alors que l’État fédéral souhaite introduire une procédure de conciliation obligatoire des conflits de travail auprès des offices cantonaux de conciliation (afin d’éviter que la crise économique des années 1930 ne débouche sur une situation de conflit ouvert qui menacerait la paix sociale), procédure qui se déroulerait sous le contrôle de l’État, syndicats et associations d’employeurs de l’industrie des machines et de l’horlogerie réunissent leurs forces pour s’opposer à cette réforme. Hostiles à ce qu’ils perçoivent comme une ingérence de l’État dans les relations collectives de travail, ils décident de signer les accords dits de « paix du travail », le 19 juillet 1937. Est ainsi institué un système de résolution des conflits par la conciliation et l’arbitrage et par l’interdiction de tout moyen de lutte (grève ou lock-out) durant la période de validité des CCT. Une procédure graduelle de conciliation, mobilisant les partenaires sociaux à différents échelons (entreprise, associations, commission de conciliation et, in fine, commission arbitrale) et excluant toute intervention de l’État, est mise en place dans ces deux secteurs.

4D’abord introduits dans l’industrie, ces accords s’étendent aux autres secteurs à partir des années 1950 (Aubert, 1989). Ils permettent d’instituer des négociations sur un mode perçu comme largement intégratif, où chacun des partenaires retire des avantages de la négociation, par opposition au mode distributif suivant lequel les gains des uns coïncident avec les pertes des autres (Walton, McKersie, 1965). La « paix du travail » ainsi obtenue garantit l’instauration de relations de travail stables et peu conflictuelles. L’échange propre à la relation d’emploi fordiste (subordination au travail contre sécurité matérielle) est perçu comme équitable par les deux parties au contrat. En atteste la baisse significative des journées de travail perdues suite aux dernières vagues de grèves de 1945-1946 (Oesch, 2007). La perception positive de cet échange peut s’expliquer par le partage des gains de productivité dans le contexte de croissance économique de l’après-guerre, qui a débouché sur une amélioration généralisée des conditions de travail (salaire, temps de travail, etc.). Détaillons maintenant les modalités de ce compromis helvétique pour chacun de ses trois niveaux d’application : le droit, la branche ou le secteur, l’entreprise [1].

L’âge d’or de la fabrique du compromis suisse

5Le modèle suisse de compromis connaît son âge d’or durant la période qui va de 1950 à 1990 environ. Il se signale par l’acceptation générale du principe de subsidiarité, dans la conviction que la solution la plus adéquate est celle qui est adoptée par les acteurs les plus proches possible du terrain.

La place du droit

6La loi n’a pas une fonction d’impulsion dans le modèle helvétique de compromis : elle vient plutôt consacrer des droits minimaux, souvent inférieurs aux conditions de travail effectivement observées. Il importe en effet que la loi ne se substitue pas au contrat et que toute latitude soit laissée aux interlocuteurs sociaux pour élaborer les règles les mieux appropriées au contexte de la branche ou à celui de l’entreprise concernée. Le droit suisse du travail se caractérise donc par un contenu minimaliste : il n’y a, par exemple, pas de dispositions légales relatives au salaire minimum ou à l’obligation de plan social en cas de licenciements collectifs, les règles en matière de temps de travail sont très flexibles (45 heures par semaine, avec des dérogations possibles), les préavis de licenciement sont très courts (3 mois au maximum au-delà d’une durée de contrat de 5 ans et cela jusqu’à la fin de la carrière), etc.

7Si l’échelon légal n’intervient que marginalement dans la régulation du marché du travail, il est cependant plus sollicité pour la prise en charge de ceux qui perdent leur emploi. La Suisse s’inscrit ici dans l’optique des arrangements néo-corporatistes que l’on retrouve dans de nombreux États européens de petite taille dont l’économie est fortement dépendante du secteur des exportations (Katzenstein, 1985) : la garantie de flexibilité donnée aux secteurs exportateurs coïncide avec la volonté de soutenir ceux qui pourraient être affectés négativement par cette flexibilité, notamment ceux qui n’ont plus d’emploi. La Suisse se distingue cependant des pays scandinaves sur un point important : alors que ces derniers ont mis sur pied un État-providence étendu et généreux pour ceux qui perdent leur emploi (Esping-Andersen, 1990), la Suisse concentre ses interventions en amont, avec un accent important mis sur la préservation des emplois et une moindre attention portée sur l’indemnisation des chômeurs ou des autres catégories de personnes sans emploi. La volonté de garantir des conditions-cadres propices à la compétitivité de l’économie constitue ainsi le souci premier des législateurs suisses ; en cas de difficultés économiques, la solution du chômage technique est également privilégiée et ce n’est qu’en dernier recours qu’interviennent les instances d’indemnisation (l’assurance-chômage obligatoire n’a ainsi été mise en place qu’en 1984).

8Sur ce premier versant, celui du droit, le modèle helvétique se caractérise donc par une intervention limitée en matière de régulation du marché du travail (l’édiction des règles du jeu reste une prérogative des interlocuteurs sociaux) et par une volonté de privilégier le maintien en emploi plutôt que l’indemnisation des personnes ayant perdu leur travail.

Convention collective et partenariat social de branche

9Comme déjà indiqué, les CCT étaient rares dans les années 1900, mais leur nombre n’a cessé d’augmenter pour couvrir aujourd’hui 35 à 40 % des travailleurs. L’élaboration de tels accords n’est pas obligatoire dans tous les secteurs, elle dépend au contraire du dynamisme de la négociation collective propre à chacune de ces branches. Là où elles existent, les CCT contiennent des prescriptions plus précises que la loi mais laissent néanmoins une importante marge de manœuvre aux acteurs de l’entreprise. Ces accords, résultats d’une négociation entre associations d’employeurs et syndicats de travailleurs, comportent des normes plus ou moins contraignantes et plus ou moins précises suivant l’état des rapports de force et la convergence idéologique entre interlocuteurs sociaux. De même, les questions incluses dans les CCT (le plus souvent liées aux salaires et au temps de travail) et celles qui en sont exclues (la gestion des ressources humaines, l’emploi, la stratégie économique ou industrielle, etc.) reflètent la manière dont les compétences et responsabilités sont réparties entre partenaires sociaux : les conditions de travail sont ainsi conçues comme un objet de négociation collective, tandis que la gestion de l’emploi et des compétences est reconnue comme une prérogative patronale.

10Dans de nombreux cas, comme l’industrie des machines et la métallurgie, les CCT ne contiennent pas de disposition précise en matière de salaires, mais indiquent seulement la procédure à suivre pour fixer les salaires au début de chaque année (les acteurs à réunir autour de la table des négociations, les étapes à suivre, etc.). Les syndicats de ce secteur, dont le nombre d’adhérents n’a cessé de croître durant les décennies de l’après-guerre, se signalent par leur volonté très forte de privilégier la négociation collective, ils se sont notamment opposés à l’étatisation des assurances sociales ou à la réduction du temps de travail par voie légale. Deux arguments sont invoqués : la faiblesse du parti socialiste dans le Parlement suisse (qui rend difficile l’adoption de dispositions favorables aux travailleurs dans cette arène) et le souci de maintenir la position dominante des interlocuteurs sociaux en matière de régulation du marché du travail (Widmer, 2012) [2]. Dans les négociations collectives de ce secteur, les associations d’employeurs constituent l’acteur le plus puissant, ce qui leur permet d’affirmer leurs prérogatives en matière de gestion de l’emploi et des compétences.

L’échelon de l’entreprise

11Conformément au principe de subsidiarité, ce sont les règlements adoptés au niveau de l’entreprise qui, le plus souvent, édictent les normes les plus détaillées en matière de fixation des salaires, du temps de travail et, de manière générale, des conditions de travail (ces normes peuvent prendre la forme de conventions collectives d’entreprises dans de rares cas). De la sorte, la gestion de la main-d’œuvre peut mieux s’ajuster à la situation économique de l’entreprise, notamment au volume des commandes et aux fluctuations du marché. Dans le secteur des machines, deux caractéristiques sont au cœur de la fabrique suisse du compromis à l’échelon de l’entreprise : le paternalisme d’une part et le modèle de financements croisés d’autre part.

12D’un côté, la relation de travail est conçue sur un mode paternaliste (Noiriel, 1988) qui voit l’employeur détenir une autorité incontestée sur la gestion des affaires (gestion du personnel, stratégie économique, gestion des qualifications et de l’organisation du travail) en échange de quoi le travailleur obtient un degré plus important de sécurité matérielle qui ne se concrétise pas nécessairement au niveau des salaires, mais peut l’être par des avantages extra-salariaux (certains frais médicaux pris en charge, accès à des loisirs organisés, prix de l’essence réduit, etc.). De la sorte, est visée l’instauration d’un attachement à l’entreprise conçue comme une forme de deuxième famille. Le travailleur est ainsi plus soucieux de la qualité de son travail et des produits qu’il fabrique, il accepte des horaires de travail plus longs (la Suisse se signale en effet par une durée longue du travail en comparaison internationale – 44,3 heures en moyenne pour un salarié à temps plein selon les chiffres de l’European Working Conditions Survey, 2010, contre 42,5 heures en moyenne dans l’Union européenne). En contrepartie de concessions au bien-être des travailleurs, les employeurs peuvent de leur côté compter sur une main-d’œuvre impliquée et motivée, apte à générer des gains de productivité pouvant éventuellement déboucher sur de nouvelles avancées sociales. La prospérité économique permet alors de mettre en place un cercle vertueux au niveau de l’entreprise, sans passer par une intervention macroéconomique de type keynésien.

13À cet échelon de la firme, la deuxième caractéristique du modèle suisse du compromis réside dans le mode de gouvernance d’entreprise, typique des économies de marché coordonnées (Soskice, 1999). Dans le secteur des machines notamment, le financement des activités entrepreneuriales passe par le modèle dit des financements croisés, qui se distingue par la mobilisation conjointe des entrepreneurs de la branche et des principales banques du pays au sein de réseaux de relations étroites. On observe ainsi une forte coordination des entreprises du secteur par des réseaux d’interconnexion de leurs conseils d’administration (Widmer, 2012). De la sorte, les directions bénéficient d’une grande indépendance dans la manière de gérer les entreprises : il n’y a pas à proprement parler de contrôle des marchés financiers à cet égard. Ainsi, les entreprises de ce secteur échappent à la fois à la régulation par la loi et à la régulation par les actionnaires. Peuvent alors émerger des formes d’autorégulation au double niveau du secteur (le partenariat social de branche) et de l’entreprise (la présence d’interconnexions dans les différents conseils d’administration favorise la non-ingérence dans les modes de gestion des autres entreprises, cela afin de préserver sa propre indépendance).

14À chacun de ces trois niveaux – loi, branche, entreprise –, se met ainsi en place un modèle spécifique de compromis. La bonne marche d’un tel dispositif requiert la minimisation, voire l’absence, de conflictualité entre les acteurs concernés, ce qui se traduit par une préférence marquée pour les solutions consensuelles et les modalités intégratives de négociation. Cependant, aux trois niveaux, le rapport de forces penche nettement en faveur des employeurs qui se présentent comme l’acteur clé de la fabrique suisse du compromis. Se déploie alors une version pacifiée du conflit de classes entre détenteurs du capital et travailleurs, mais suivant des modalités différentes selon le niveau envisagé : au niveau politique, l’accès d’un représentant du parti socialiste au gouvernement garantit son adhésion aux arrangements néo-corporatistes caractérisés par le souci prioritaire de la compétitivité économique ; au niveau de la branche, le déséquilibre du rapport de forces se traduit par la plus grande facilité des employeurs à utiliser leur droit de veto pour refuser d’entrer en matière sur certaines revendications (les syndicats acceptent ainsi les clauses de « paix du travail » car ils sont convaincus de leur incapacité à installer un rapport de forces favorable et donc préfèrent la recherche du compromis), tandis qu’au niveau de l’entreprise, ce déséquilibre aboutit souvent à des pratiques proches du paternalisme industriel du XIXe siècle : plutôt que la capacité de résistance et d’action collective des travailleurs, c’est la bonne volonté patronale qui se présente comme le facteur principal de progrès social. La fabrique suisse du compromis passe ainsi par de bonnes relations entre employeurs et travailleurs au niveau de l’entreprise, plutôt que par les conventions collectives ou la loi, et cet attachement au niveau local – le sentiment que se joue là un destin commun – constitue l’un des piliers de ce modèle de compromis. Il se fonde aussi sur la fierté du travail effectué et la qualité perçue des produits fabriqués (très importante dans le secteur des machines notamment).

15Ce modèle ne repose toutefois pas seulement sur ses modalités intégratives et sur le principe de subsidiarité. Il convient aussi de signaler la « souplesse » dans la gestion de la main-d’œuvre autorisée par les dispositions légales (notamment les possibilités offertes par la politique migratoire suisse, fondée sur le principe de la rotation de la main-d’œuvre, de ne pas renouveler les permis de séjour des travailleurs étrangers – Bonvin, 1996). Ainsi, durant les années 1970 et les deux chocs pétroliers qui les ont marquées, la solution a consisté dans le renvoi de près de 200’000 travailleurs étrangers non-détenteurs d’un permis de séjour durable (Flückiger, 1998). Ce mécanisme de l’exportation du chômage a alors servi d’amortisseur de la crise conjoncturelle, ce qui a permis de ne pas remettre en cause les avancées salariales et sociales octroyées au gros de la main-d’œuvre. En cas de difficultés économiques, la pérennité du modèle helvétique de compromis repose ainsi sur la possibilité d’externaliser les difficultés, l’existence même du compromis intégratif dépend alors de la possibilité d’exclure certaines personnes du bénéfice de ces négociations.

Les transformations actuelles

16Depuis le début des années 1990, la fabrique du compromis helvétique s’est retrouvée sous pression en raison de l’intensification de la libéralisation des échanges et de l’accroissement des pressions concurrentielles. Cette situation entraîne une remise en question des avantages accordés aux travailleurs indigènes et, en conséquence, une mise sous tension du modèle suisse. Deux éléments méritent ici une mention spécifique.

17D’une part, la Suisse connaît des transformations importantes en matière de gouvernance d’entreprise, qui voient de nombreuses firmes changer de mode de financement (on passe de l’endettement bancaire qui se concrétise par des relations de long terme avec les financeurs, au recours à la levée de fonds sur des marchés financiers volatils et capricieux). Les entreprises sont donc davantage soumises aux exigences des tenants de leur valeur actionnariale. De la sorte, l’arène de la négociation collective entre employeurs et travailleurs est complexifiée par l’émergence d’un troisième acteur, le détenteur de la shareholder value, dont les intérêts ne coïncident plus nécessairement avec ceux des employeurs (Aguilera & Jackson, 2003). Ainsi, les fronts sont moins nettement délimités que dans le contexte précédent. Le conflit entre ces trois acteurs – capital, direction d’entreprise, travail - peut en effet prendre des tournures inédites telles qu’une alliance stratégique entre employeurs et travailleurs contre des financiers anonymes perçus comme les fossoyeurs de l’entreprise, ou encore une alliance entre les travailleurs et le management local de l’entreprise, soucieux de la pérennité de l’appareil de production, contre la direction générale de la holding ou de la multinationale qui s’avère plus à l’écoute des signaux donnés par les marchés financiers. La formule la plus fréquente est cependant celle qui voit le management soumis au contrôle des marchés financiers (donc dans une position d’alliance contrainte ou stratégique avec ceux-ci) et en opposition plus tranchée avec les représentants des travailleurs. La logique paternaliste et son mode intégratif de compromis se voit ainsi opposer une logique marchande (potentiellement plus distributive) d’augmentation des gains de productivité à court terme.

18Cette évolution affecte aussi l’échelon de la convention collective, où l’on observe un assouplissement des régulations adoptées. Dans le secteur des machines s’amorce un processus consistant à rationaliser la production pour augmenter la productivité, et à décentraliser davantage le niveau de la négociation collective, pour donner plus de marge de manœuvre aux entreprises (Widmer, 2012). En 1998, les employeurs du secteur ont obtenu l’annualisation du temps de travail et l’introduction d’un « article de crise » [3] en dépit des fortes oppositions syndicales. La position des syndicats de travailleurs semble ainsi affaiblie dans le nouveau contexte. Si le souci, partagé par les deux parties, de compétitivité de l’économie se présente toujours comme la clé de voûte du modèle (et de la préservation des emplois), cette compétitivité passe désormais par une flexibilisation de la relation de travail (exigée par le contexte de la mondialisation économique et financière) [4].

19D’autre part, certains leviers légaux mis en place pour permettre aux entreprises de surmonter leurs difficultés économiques ne peuvent plus être mobilisés à aussi large échelle. Ainsi, de nombreux étrangers sont désormais légalement et durablement établis sur le territoire helvétique et leur renvoi pur et simple, tel qu’il avait été pratiqué durant les années 1970, ne peut plus être envisagé. Face à cette nouvelle situation, la parade mise en place par les instances politiques consiste dans le recours accru à une autre disposition légale : le chômage technique, à savoir la possibilité donnée aux entreprises en difficultés économiques de mettre tout ou partie de leur main-d’œuvre au chômage, en la faisant rémunérer par les fonds de l’assurance-chômage à hauteur de 80 % des salaires perçus (en 2009, la période de chômage technique financée par l’État a été allongée à 2 ans pour faire face à la crise économique). La relation de travail est ainsi maintenue grâce à l’apport financier de l’État et, lorsque l’entreprise revient à meilleure fortune, elle assume à nouveau l’entier des charges salariales et sociales liées à son personnel. Cette intervention de l’État vise à permettre de surmonter une mauvaise conjoncture et à préserver le modèle helvétique sur le long terme : elle agit comme un équivalent fonctionnel de l’exportation du chômage durant les années 1970. D’une certaine manière, ce n’est plus le travailleur immigré, mais le contribuable suisse qui devient le garant externe de la pérennité du modèle.

20La situation actuelle se caractérise ainsi par un recours accru aux mécanismes de flexibilisation dans les entreprises (dans le secteur des machines, on observe une augmentation significative du nombre de contrats à durée déterminée, durant les 15 dernières années), qui se traduit par une précarisation de la relation de travail. La nécessité de cette flexibilité n’est que peu contestée au niveau politique ou à celui des acteurs de la branche et, plutôt que de l’encadrer par des dispositions normatives limitatives, on se préoccupe d’en atténuer ou d’en retarder les conséquences sociales, au travers de mécanismes comme le chômage technique. On fait ainsi le postulat que les transformations actuelles ne requièrent pas une refonte de la fabrique du compromis helvétique, qui peut continuer de fonctionner sur la base d’un droit minimaliste (incluant toutefois des amortisseurs pour les temps difficiles), de CCT ajustées aux conditions économiques de la branche (sur un mode toujours considéré – de manière peut-être paradoxale – comme intégratif) et d’un compromis envisagé comme gagnant-gagnant au niveau de l’entreprise. Ce postulat apparaît cependant discutable, ainsi que le démontre l’évocation de la restructuration actuelle de l’entreprise Alpha. Ce cas permet en effet de montrer à quel point les conditions du compromis suisse sont fragilisées dans le contexte actuel.

L’entreprise Alpha : un cas révélateur des défis posés à la fabrique suisse du compromis

21L’entreprise Alpha, que nous dénommons ainsi pour en préserver l’anonymat, est active dans l’industrie des machines. Son développement est marqué par la spécialisation dans un marché de niche au niveau international, celui de la production d’équipements pour l’industrie des emballages, par l’acquisition d’entités concurrentes, la mise en exploitation d’usines dans plusieurs pays et la formation d’une main-d’œuvre très qualifiée. Dès sa fondation à la fin du XIXe siècle, elle se rapproche de l’idéal-type du paternalisme industriel défini par une politique volontariste d’avantages sociaux, la prise en charge de certains aspects de la vie ouvrière ainsi que des possibilités de promotion sociale au sein de l’entreprise, où la hiérarchie est bien définie (Noiriel, 1988). En 2009, plus de 5 000 ouvriers travaillent dans des sites répartis sur plusieurs pays, dont environ 2 000 en Suisse où s’effectue la production de haute valeur ajoutée.

22La crise économique de 2007-2011 introduit un élément inédit dans les relations collectives de travail au sein de l’entreprise. Le gel des investissements de la plupart des industries mondiales s’est répercuté sur l’entreprise Alpha par une diminution du chiffre d’affaires d’environ un tiers en 2009. À la différence des crises économiques précédentes, celle-ci se caractérise par une baisse généralisée des commandes dans pratiquement toutes les régions du monde. Pour faire face à la sous-utilisation des capacités de production, les usines suppriment les emplois intérimaires, introduisent le chômage technique et arrêtent la production durant plusieurs semaines. Tous les leviers légaux sont ainsi mobilisés pour préserver la relation d’emploi et maintenir le caractère intégratif du compromis au sein de l’entreprise (les intérimaires et les contribuables assument les conséquences des difficultés économiques, tandis que le noyau dur de la main-d’œuvre n’est pas affecté). Dans un premier temps, les salariés réagissent en s’adaptant à ces mesures sans craindre pour la sécurité de leur emploi (dans la mesure où Alpha n’avait jamais procédé à des licenciements collectifs jusqu’à cette date). L’incertitude quant à la reprise des commandes persiste jusqu’au jour où la direction annonce, pour la première fois dans l’histoire de l’entreprise, la suppression de plusieurs centaines emplois, soit plus de 10 % du personnel fixe. Les conditions de la négociation intégrative ne sont dès lors plus garanties.

23L’annonce des licenciements est vécue comme un moment particulièrement difficile, par l’émotion qu’elle suscite, tant pour les cadres que pour les ouvriers. Elle remet en question les fondements même de la fabrique du compromis dans l’entreprise Alpha. Ce licenciement collectif est clairement identifié comme une ligne de démarcation entre un « avant », désormais paré de toutes les vertus et remémoré avec nostalgie, et un « après », source d’anxiétés et d’insécurité (cf. Linhart, 2009 pour un exemple similaire dans l’industrie automobile française).

24L’entreprise se trouve ainsi confrontée à une forme de flexibilisation inédite pour elle : le licenciement collectif. La direction hésite à autoriser l’intervention d’un syndicat qui avait jusqu’alors interdiction de réunir les travailleurs dans les locaux de l’usine. Confrontée à une commission du personnel incapable de faire face à la situation, elle finit par envisager la gestion syndicale de la crise comme la solution comportant le moins de risques. L’employeur accepte donc la démarche proposée par le syndicat sur la base d’un « échange » décrit ainsi par l’un de nos interlocuteurs syndicaux [5] :

25

« Il a été convenu de mettre en place plusieurs groupes de travail durant la période de consultation obligatoire. Il fallait faire en sorte que tout se passe dans le calme et de manière technique. Le deal de tout cela ne se limite pas seulement à sauver des postes, mais à amener le personnel à accepter le plan social. En échange, le syndicat a été autorisé à rencontrer tout le personnel dans le cadre d’une assemblée générale, car tout devait rester confiné à l’intérieur de l’entreprise. »

26Cette nouvelle configuration remet en cause les modalités classiques de l’échange win-win (subordination vs. sécurité matérielle) à l’échelon de l’entreprise. Il ne s’agit plus de promouvoir l’implication des travailleurs via la garantie de la sécurité de l’emploi ou le versement de salaires et/ou avantages extra-salariaux importants, mais de faire accepter le nouveau contexte d’incertitude et ses conséquences sur le mode de gestion de l’entreprise. Conformément au modèle suisse de compromis, basé sur la garantie d’avantages importants pour les insiders (le noyau dur de la main-d’œuvre) et l’exclusion de certaines catégories (qui doivent supporter les coûts des difficultés économiques lorsqu’elles surviennent), il s’agit donc de définir qui vont être les perdants de la restructuration de l’entreprise. Les solutions traditionnelles apparaissent inadéquates (les étrangers ne peuvent plus être renvoyés et le chômage technique est interprété comme une solution insuffisante par la direction). Il faut donc recourir à une autre solution : le licenciement collectif. Il y a ici quelque chose d’inédit pour l’entreprise Alpha : elle ne peut en effet plus faire porter ses difficultés par des personnes ou instances « externes » (les étrangers ou l’assurance-chômage en cas de chômage technique), les sacrifices doivent donc être supportés par des personnes qui étaient jusque-là bénéficiaires du compromis. Le caractère distributif de la négociation collective, suivant lequel les gains des uns se font aux dépens des autres, apparaît ainsi de manière plus manifeste : tant que les perdants pouvaient être relégués dans l’invisibilité (par exemple au travers de l’exportation du chômage ou de sa prise en charge par la collectivité), cette caractéristique était en quelque sorte externalisée ; dès le moment où les perdants sont des collègues de longue durée, des travailleurs comme les autres pourrait-on dire, la nature du compromis change et il devient ouvertement distributif.

27Durant la période de douze jours qui précède le renvoi des personnes licenciées, celle dite de « consultation obligatoire », le personnel, sous la conduite du syndicat, s’efforce de rechercher des économies en vue de réduire le nombre de suppressions d’emploi et de financer les indemnités octroyées aux personnes licenciées. Une très grande majorité des travailleurs réunis en assemblée décide ensuite d’approuver un plan social, proposé par la direction, qui prévoit la retraite anticipée pour environ deux tiers des travailleurs licenciés, ainsi qu’une indemnité de licenciement allant de 3 à 12 mois de salaire pour le tiers restant. En apparence, la fabrique du compromis ne semble pas remise en question par les nouvelles circonstances : la volonté de privilégier les solutions négociées par rapport aux voies légales ou réglementaires, la prégnance du principe de subsidiarité, le souci d’accorder aux personnes concernées le plus de sécurité matérielle possible (au travers d’un plan social ou d’un système de préretraites), etc., tout cela semble préservé. Cependant, un des piliers du modèle helvétique de compromis est durablement affecté : l’attachement à l’entreprise, le sentiment que, au-delà des lignes de classe ou de fonction, se joue en son sein une aventure commune. L’entreprise ne se présente plus comme un lieu de sécurité durable et de réalisation de soi, mais comme un moment, qui peut s’avérer provisoire, dans la trajectoire professionnelle d’un individu. C’est ici l’une des conditions de possibilité du compromis helvétique qui est fragilisée.

28L’évocation du cas Alpha illustre les deux défis auxquels est actuellement confronté le modèle suisse de recherche du compromis : d’une part le déplacement des frontières qui séparent la sécurité et l’insécurité au sein même de l’entreprise (on peut désormais se sentir en insécurité même en faisant partie du noyau dur de la main-d’œuvre d’une entreprise), ce qui se traduit par une perception changée de la négociation collective : un phénomène distributif plutôt qu’intégratif ; d’autre part, la fragilisation du sentiment d’identification à l’entreprise qui pourrait porter en germe une remise en question des fondements mêmes du modèle suisse. Il est cependant difficile, à ce stade, d’anticiper les conséquences de ces deux défis en termes de recomposition de la fabrique suisse du compromis sur le long terme.

Conclusion

29Le cas suisse, et plus spécifiquement celui de l’entreprise Alpha, montre que le compromis intégratif repose le plus souvent sur un socle commun de « valeurs » ou d’objectifs, qui constitue la base de ce que certains appellent la « confiance » (Mangematin et Thuderoz, 2003). Les récentes évolutions ont contribué à fragiliser ce socle commun et peuvent donc, à terme, saper les fondements du modèle suisse de compromis intégratif. À cet égard, l’engagement croissant des syndicats suisses dans la sphère politique au cours des dernières années (Widmer, 2007), afin de promouvoir plus efficacement leurs revendications (salaire minimum, diminution du temps de travail légal, etc.), pourrait être le signe d’un délitement du principe de subsidiarité qui est au cœur du modèle suisse : si les bases du compromis ne sont plus données à l’échelon de l’entreprise, on les recherche à un niveau supérieur. Il est bien sûr impossible de prédire l’avenir à cet égard, mais on peut cependant affirmer que la confiance nécessaire à l’application du principe de subsidiarité et à la mise en œuvre de négociations perçues comme intégratives à l’échelon de l’entreprise est ébranlée par les transformations en cours. Sur le plan de la théorie de la négociation, cette évocation du cas suisse pose la question de la possibilité d’un compromis qui soit gagnant-gagnant pour tout le monde : le modèle helvétique semble en effet suggérer qu’une solution win-win pour les participants à une négociation ne peut se faire qu’aux dépens de ceux qui sont écartés de ce processus, ce qui indiquerait qu’une négociation ne saurait être intégrative dans l’absolu, mais serait toujours d’une certaine façon distributive dans la mesure où les gains des parties réunies autour de la table des négociations coïncident avec les pertes des parties qui n’y sont pas représentées.

  • Aguilera Ruth V. et Gregory Jackson (2003), “The Cross-National Diversity of Corporate Governance: Dimensions and Determinants”, Academy of Management Review, vol. 28/3, pp. 447-65.
  • Aubert Gabriel (1989), « Les conventions collectives et la paix du travail en Suisse », Revue internationale du travail, vol. 128/3, pp. 411-26.
  • Boillat Valérie et al. (2009), La valeur du travail, Lausanne, Antipodes.
  • Bonvin Jean-Michel (1996), « Les réponses suisses au phénomène migratoire », L’année sociologique, vol. 46/2, pp. 449-74.
  • Debrunner Fabienne (1986), Une tentative de réglementation des rapports de travail (1919-1924), Université de Genève, Mémoire de Licence.
  • Esping-Andersen Gøsta (1990), The three worlds of welfare capitalism, Princeton N.J., Princeton University Press.
  • Flückiger Yves (1998), “The Labour Market in Switzerland: the end of a special case?”, International Journal of Manpower, vol. 19/6, pp. 369-95.
  • Katzenstein Peter J. (1985), Small States in World Markets, Industrial Policy in Europe, New York, Cornell University Press.
  • Linhart Danièle (2009), Perte d’emploi, perte de soi, Ramonville-Saint-Agne, Erès.
  • Mangematin Vincent et Christian Thuderoz (dir.) (2003), Des mondes de confiance. Un concept à l’épreuve de la réalité sociale, Paris, CNRS.
  • Noiriel Gérard (1988), « Du “patronage” au “paternalisme” : la restructuration des formes de domination de la main-d’œuvre ouvrière dans l’industrie métallurgique française », Le mouvement social, n° 144, pp. 17-35.
  • Oesch Daniel (2007), “Weniger Koordination, mehr Markt? Kollektive Arbeitsbeziehungen und Neokorporatismus in der Schweiz seit 1990”, Swiss Political Science Review, vol. 13/3, pp. 337–368.
  • Soskice David (1999). “Divergent Production Regimes: Coordinated and Uncoordinated Market Economies in the 1980s and 1990s”, in Kitschelt Herbert & al. (Eds.), Continuity and Change in Contemporary Capitalism, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 101-34.
  • Walton Richard & Robert McKersie (1965), A Behavioral Theory of Labor Negotiations, New York, Mc Graw-Hill.
  • Widmer Frédéric (2007), « Stratégies syndicales et renouvellement des élites : le syndicat FTMH face à la crise des années 1990 », Swiss Political Science Review, vol. 13/2, pp. 395-431.
  • Widmer Frédéric (2012), La coordination patronale face à la financiarisation. Les nouvelles règles du jeu de l’industrie suisse des machines, Zurich, Seismo.

Mots-clés éditeurs : compromis, gouvernance des entreprises, convention collective, droit du travail, négociation intégrative et distributive, flexibilité

Date de mise en ligne : 30/01/2014

https://doi.org/10.3917/neg.020.0059

Notes

  • [1]
    Pour les deux derniers niveaux, notre présentation s’appuiera plus spécifiquement sur le secteur de l’industrie des machines.
  • [2]
    Cette volonté est partagée par les acteurs politiques, comme l’illustrent les mesures d’accompagnement adoptées suite aux accords bilatéraux de libre circulation des personnes signés avec l’Union européenne au début des années 2000. Plutôt que de développer de nouvelles dispositions légales pour encadrer plus étroitement le marché du travail, la voie choisie a été celle de l’extension facilitée des conventions collectives (ainsi, dans certaines conditions, assouplies, les CCT peuvent être étendues à l’ensemble des entreprises d’un secteur, qu’elles soient signataires ou non de ces documents).
  • [3]
    L’article 57 de la CCT prévoit même la possibilité d’augmenter la durée annuelle du temps de travail pour une période limitée dans la mesure où cela est nécessaire « pour améliorer la compétitivité d’une entreprise et de ses emplois » en cas de crise économique.
  • [4]
    Il convient cependant de signaler des mouvements de protestation dans certains secteurs comme la construction, où les syndicats ont refusé de signer la convention collective dont le contenu leur paraissait inacceptable. Cette situation a placé les salariés devant un vide conventionnel qui permettait de mener des actions collectives sans déroger au principe de la paix du travail (rappelons que celui-ci interdit de telles actions dans le cadre de conventions collectives signées).
  • [5]
    Cette brève évocation se base sur une recherche empirique visant à analyser les conséquences de la restructuration sur la santé et le bien-être des travailleurs. Vingt-cinq entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des cadres et ouvriers de l’entreprise Alpha, ainsi qu’avec des délégués syndicaux impliqués dans la gestion de l’épisode de restructuration.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.88

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions