Notes
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[1]
Thomas K. Holcomb, Introduction à la culture sourde [2013], Toulouse, Érès, 2016.
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[2]
Un film de restitution de l’expérience a été scénarisé pour tracer le processus, tout aussi important que le résultat.
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[3]
Jamal Lamrani, « L’expérience du café psycho-socio », Nouvelle Revue de psycho-sociologie, n° 27, printemps 2019.
Désormais inscrits dans la loi française et le paysage culturel national et international, les droits culturels se heurtent souvent à la difficulté de leur mise en œuvre, tant dans les actions artistiques que dans les politiques culturelles. À travers trois expériences qu’elle a menées, Danielle Pailler nous éclaire sur leurs principes et expose des démarches et méthodes que chacun est susceptible de s’approprier.
1Et si nous repartions de cette utopie et nécessité que nous ne devrions pas quitter des yeux, et de la raison, voire de la passion : comment permettre au plus grand nombre d’accéder à l’art et à la culture ? C’est bien porteurs de cette ambition que les enjeux de la démocratisation culturelle se sont mis en œuvre, depuis notamment la création du premier ministère chargé des Affaires culturelles (1959) à partir de la vision de l’emblématique André Malraux. Et durant plus de soixante ans a été réalisé, sous l’impulsion des institutions culturelles qui ont progressivement maillé le territoire français, un très dense travail d’accompagnement à la création et de transmission des œuvres qu’elles légitiment. Fondés sur le mythe de la révélation, ces engagements ont mobilisé des démarches de médiation pour convaincre des publics différenciés de venir découvrir les propositions artistiques.
2Alors oui, l’introduction des droits culturels des personnes dans les textes de la loi NOTRe (2015, art. 103) et de la loi LCAP (2016, art. 3) vient questionner cette logique historique descendante, car leur philosophie tend à remettre en cause les enjeux de la (seule) transmission d’œuvres légitimées par des experts pour faire culture (commune). Les droits culturels se fondent en effet sur un postulat « inversé » pour favoriser des dynamiques ascendantes : chaque personne serait porteuse d’une culture endogène, et il s’agirait de mobiliser ses ressources pour fonder une initiative ou un moment culturels.
3Ces droits culturels reposent sur une définition élargie et personnaliste de la culture : « Le terme “culture” recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement » (Déclaration de Fribourg, 2007, art. 2a). Ils désignent ainsi le droit qu’a chaque personne de composer, choisir, vivre son identité culturelle, d’accéder aux ressources culturelles nécessaires à son développement (éducation, information adéquate, art, patrimoine…) et de participer à la vie culturelle.
4L’introduction des lois ci-dessus rappelées sonnerait ainsi pour les professionnels du monde culturel comme une injonction à s’en emparer : elle déclenche protestations, interrogations, mais aussi, souvent, souhaits d’engagement dans l’action. Ceux-ci combinent cependant une somme de paradoxes, contradictions portées par les différentes parties concernées. Les institutions culturelles : « Mais on en fait déjà, des droits culturels, c’est comme Monsieur Jourdain… On nous parle d’un nouveau paradigme d’action, mais en quoi est-il nouveau ? » ; « En fait, c’est comme l’éducation artistique et culturelle ou la médiation ! » ; « Et puis, les projets participatifs, il ne faut pas faire que cela. Où est le plaisir, sinon, de s’asseoir dans un fauteuil et de savourer un spectacle de qualité ? » ; « Et qui, alors, est acteur culturel ? » ; « Et que fait-on, dans ce contexte, de l’exigence artistique ? » ; « Et au fait, que recouvrent vraiment les droits culturels ? » Les artistes : « Mais alors, tout le monde serait artiste ? » Et le citoyen, figure désignée sous le terme d’« habitant », qui se demande notamment : « Mais quelle différence avec l’éducation populaire ? » Cette injonction à « faire des droits culturels » est par ailleurs généralement reçue sans être notablement assortie de moyens supplémentaires ou d’une réarticulation des objectifs qu’une politique culturelle est censée porter, qu’elle s’inscrive dans des enjeux de développement local, régional ou (inter)national.
5Et pourtant, avec ce contexte législatif, aujourd’hui contrarié par une crise sanitaire impactant si fortement les actes de création artistique et les pratiques culturelles, s’impose l’occasion d’ouvrir ensemble les possibles pour se rapprocher de ce défi : pourquoi et comment, ayant partagé quelques fondamentaux pour les définir, tendre concrètement vers la mise en œuvre des droits culturels ? Car c’est bien de cette tentative qu’il s’agit. L’enjeu n’est en effet pas tant dans le défi binaire (Est-ce que l’action respecte les droits culturels ?) que dans une perspective de questionnement sincère : En quoi ce que je fais et la façon dont j’agis participent à la réalisation des droits culturels des personnes ? De quelles balises de sens, de pensée et d’action se doter pour adopter l’état d’esprit qui conditionne la mise en réalité (en partage) des droits culturels ? Il s’agit alors d’élargir la représentation de ce qui fait culture, de partager une vision de ce qui définit les ressources culturelles pour (re)fonder un commun d’engagement. Cela afin de (re)créer du lien avec les personnes (surtout celles qui sont peu familières du fait culturel institutionnel, celles dites « éloignées » – mais éloignées de quoi ? d’elles-mêmes ? de leur capacité à prendre conscience de leurs ressources culturelles endogènes ?), si justement on postule que chaque personne est intrinsèquement porteuse d’une culture et potentiellement créatrice de culture.
6Un pont est alors à franchir – et non des moindres –, un nœud de tension très dense, dans le partage de ce postulat. Des mots qui s’enchaînent en simplicité et qui pourtant « renversent la table des valeurs [1] », celle qui a prévalu dans la mise en œuvre de la démocratisation culturelle. Il ne s’agit pas de tout mélanger, entre professionnels et amateurs, entre culturel et socioculturel. Il s’agit plutôt de favoriser un double mouvement réciproque de reconnaissance et de légitimation, de partager le fait que les uns – les artistes – en font une activité professionnelle « cœur de vie », « nécessité », et que cela permet à d’autres d’élargir ce qui fait, fonde et densifie la surface culturelle, pour une rencontre métissée entre des sources diversifiées de ce qui fait culture. On l’appréhende bien ici dans son acception anthropologique.
7Finalement, c’est ne pas considérer que l’enjeu des institutions serait « seulement » (ce qui est en soi un énorme défi) d’établir les conditions de la création artistique et permettre l’accès à des œuvres constituées pour des publics aux caractéristiques socio-économiques diversifiées. Il s’agit de donner accès aux moyens d’expression, de création et de diffusion par un système de légitimations diversifiées, de reconnaissance mutuelle, d’introduire concrètement des enjeux de réciprocité. La vie culturelle (au sens large) est alors appréhendée non seulement comme la transmission d’œuvres choisies par des experts, mais aussi en tant que processus permanent et dynamique de construction collective (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 2009). Revendiquons ces enjeux de complémentarité et non d’opposition pour dépasser les clivages encore très prégnants, notamment quand est mobilisée la fameuse question de l’exigence artistique !
8Ainsi, pour mettre les droits culturels des personnes en action, en réalité, en partage questionnant, il s’agit d’élargir le spectre des situations pour permettre des croisements fertiles, reconnaître et identifier la diversité des ressources culturelles, admettre la valeur de la culture intrinsèque (incorporée) que chaque personne détient (quelquefois sans même en avoir conscience). Et ainsi élargir la nature des acteurs concernés (dans les champs du social, du médical, de l’urbain, du rural…), qui en coopérant sur des espaces de vie peuvent co-créer des situations d’initiatives et de partages culturels. Avec cette urgente nécessité, que nous rappelle notamment l’actualité sanitaire, de (re)territorialiser les activités.
9Tous ces éléments in fine interrogent : « Mais la culture, pour quoi faire ? » Il existe différents scénarios encore très (trop) clivants : favoriser principalement l’accès à l’offre artistique et culturelle et/ou générer des situations artistiques pour créer les conditions d’un lien social choisi, investi. L’essentiel serait, en connaissance de cause et en conscience, de les assumer. Il est aussi nécessaire de tenter, d’expérimenter, de faire, d’agir pour apprendre, de créer des prototypes non pas de lieux (ou pas seulement), mais de dynamiques territoriales traversant des institutions ouvertes sur leur environnement de proximité (réelle et augmentée), ce qui permettrait de tendre vers ce commun (de vision, de création). Chacun pourrait alors en prendre soin, car chacun dans sa singularité y serait convié parce que reconnu dans sa spécificité en tant que personne porteuse d’une culture. Le monde a besoin (terriblement) de ces convergences et alliances au service de cette tentative de mieux faire humanité (Lucas et Rossard, 2019).
10Dans cette perspective, nous avons créé différentes situations pour faire vivre ces contextes d’activation des droits culturels dans une approche systémique. Nous nous sommes donc confrontée à l’exigence de l’action pour mettre en œuvre les droits culturels par le biais de micro-projets. Ceux-ci peuvent préfigurer des essaimages, afin de permettre la dissémination à laquelle l’innovation artistique, culturelle et sociale devrait conduire. Nous avons choisi pour illustrer cet article trois cas contrastés de mise en œuvre et en vitalité des droits culturels. Des expérimentations qui cherchent à combiner deux mises en tension : d’une part, entre le penser et l’agir ; d’autre part, entre l’idéal et le réel.
« Qu’est-ce qui fait culture pour toi ? »
11Casablanca (Maroc), novembre 2019, en partenariat avec l’Atelier de l’Observatoire, « espace d’art et de recherche ». L’enjeu de cette expérimentation réalisée durant dix jours consécutifs était de faire prendre conscience à des personnes qu’elles sont porteuses d’une culture endogène composée de connaissances (transmises, acquises…) et de capacités d’expression. Elle représente en effet de formidables ressources d’identification, de création, de mise en « reliance » avec soi, les autres et les différentes formes de cultures en présence. Nous avons déployé dans ce cadre une méthodologie d’accompagnement de jeunes artistes (étudiant.e.s à l’école des beaux-arts de Casablanca et lauréat.e.s de l’école des beaux-arts de Tétouan) placés en immersion dans Casablanca. Tout en les sensibilisant aux fondamentaux des droits culturels (enjeux cognitifs), l’objectif était de leur faire choisir en toute subjectivité (enjeux expérientiels et sensibles) ce qui à leurs yeux fait culture dans cette ville. La culture est ici appréhendée comme précisé plus haut, dans une perspective anthropologique (« j’ai repéré un artisan qui…, un café qui…, un groupe de femmes dans mon quartier qui… ; j’ai la croyance que ce marabout…, que cette île avec ces sorcières… »). Il y a donc eu des déambulations collectives selon les destinations choisies par les participants, des collectes de paroles, la création in situ de traces sensibles. Afin de mobiliser leurs capacités de transformation créatrice (ici exacerbées, puisque c’étaient de jeunes artistes en formation), il leur a été demandé de faire à la fin du processus des propositions artistiques (vidéos, œuvres plastiques, performances…), comme autant de traductions de leurs choix de ressources culturelles identifiées dans la ville. Ces traductions créatives avaient vocation à être exposées dans le musée citoyen qu’initie l’Atelier de l’Observatoire. Trois types de ressources culturelles sous le prisme des droits culturels ont ainsi été mobilisées : celles de ces étudiants, résidents et natifs (ou non) de Casablanca, en tant que porteurs d’une culture ; celles de ces artistes en formation ; et celles des habitants de la ville qu’ils ont sollicités. Les effets de ce type de démarche ont un pouvoir transformatif sur les personnes (car on parle bien des droits culturels des personnes) [2].
Mobiliser les droits culturels comme outil de management interne
12Cette idée est née d’un constat fondé sur une incohérence : comment revendiquer la mise en œuvre des droits culturels vis-à-vis des parties prenantes externes si on ne les respecte pas en interne ? Cela a été en effet observé lors de la mise en place d’une formation-action au sein d’une direction territoriale de la culture : « On nous demande d’être à l’écoute des porteurs de projet, de les respecter dans leur vision, mais nous, en tant que salariés, nous ne le sommes pas… » Animée par ce constat, nous avons accompagné entre septembre 2019 et juillet 2020 PaQ’la Lune, une compagnie de théâtre qui célébrait ses 20 ans. Si son projet était initialement basé sur les principes de l’éducation populaire, les élus du conseil d’administration et la direction salariée souhaitaient le refonder à l’aune des droits culturels. Nous avons donc défini les modalités d’un processus longitudinal de coopération, à raison d’une journée par mois, avec l’ensemble des salariés. Ce type de démarche, en s’offrant le luxe du temps (pour l’infusion, le partage, l’intégration), permet de pointer en analogie l’importance du processus tout autant voire plus que le résultat, un des fondements éthiques des droits culturels. Une première journée de travail a été ouverte aux partenaires institutionnels les plus proches (Ville, bailleurs sociaux, maisons de quartier, financeurs), pour un temps collectif d’exploration de ce que sont les droits culturels et de la manière dont l’association s’en était déjà saisie. Les temps de travail suivants ont permis d’illustrer la logique des droits culturels en valorisant les ressources culturelles en présence au sein du groupe (une salariée, d’origine brésilienne, nous a appris les pas d’une danse traditionnelle, une autre, d’origine marocaine, nous a offert un conte de son enfance…). Ce sont autant de partages qui ont permis d’illustrer cette nécessaire posture d’écoute, de reconnaissance de ces ressources comme autant d’espaces de lien, de partage, d’identification. D’autres séances collectives, axées sur les représentations de ce qui fait culture, ont permis de co-concevoir des actions et expérimentations à mener selon la logique des droits culturels, des espaces d’invention individuels et organisationnels.
13Christophe Chauvet, directeur artistique de PaQ’la Lune, a évalué ce processus apprenant en ces termes : « Les différentes étapes de la démarche ont été riches, tant sur le plan humain (relation à l’autre) qu’intellectuel (appropriation de la singularité du projet associatif de PaQ’la Lune et de son inscription dans les enjeux des droits culturels). Ce processus en six grandes étapes aura aussi été l’occasion d’expérimenter en interne un des fondements des droits culturels : considérer que chacun.e est une ressource et qu’il/elle peut contribuer au même titre que les autres. Chacun.e a pu révéler son potentiel et partager ses ressources. Les réflexions ont été partagées par tous/toutes, et chacun.e a pu participer à un réel processus de co-création. Cette démarche nous a permis de mieux prendre conscience du fait qu’il n’y a pas une catégorie au sein de l’équipe qui aurait le monopole de la créativité et de la création. Cela nous a permis de confirmer que chacun doit, à son endroit, être dans une posture de médiateur. En effet, nous avons depuis plusieurs années insisté sur le fait que le travail de médiation traverse tous les axes et qu’ainsi, que l’on soit artiste interprète, créateur, animateur, intervenant ou coordinateur, chacun fait de la médiation. S’il y a des médiateurs culturels et sociaux, c’est dans le but d’aller plus loin dans l’accompagnement de personnes en situation de précarité. Par ailleurs, ce travail nous a permis de réaffirmer une définition large de la culture qui ne se limite pas à l’art et à la création, mais recouvre de nombreux autres champs. Cela a réimpulsé des attentes de voir davantage de projets de créations collectives associant artistes et habitants, et forts de ce travail, nous avons lancé un nouveau projet à l’été 2020, “Toi, moi et les autres”, qui invite des auteurs, des comédiens et des habitants à s’interroger ensemble sur la période que nous vivons autour de la crise sanitaire. Enfin, ce travail a recréé un souffle commun au sein de l’association, qui est en plein développement et travaille depuis plusieurs années sur divers sites avec des équipes parfois un peu éloignées les unes des autres. Nous avons interrogé la place de l’habitant dans le fonctionnement de l’association et plusieurs évolutions sont à noter depuis juillet dernier. Pour la première fois, des habitants d’Angers ont intégré le conseil d’administration. Nous avons aussi revu la temporalité de nos actions qui jusqu’alors étaient pensées en année scolaire. Les bénéfices de ce travail sont donc nombreux, tant au niveau de notre organisation, de notre projet, de sa mise en œuvre sur le terrain, que des espaces de co-création internes qu’il a générés. »
14Au-delà de ces enjeux de management interne, la mise en œuvre des droits culturels interroge les enjeux externes de coopération territoriale. Nous avons ainsi conçu une expérimentation afin de permettre la « reliance » entre les ressources culturelles en présence, ayant formulé l’hypothèse que c’était bien l’une des conditions de leur activation.
Mobiliser les droits culturels pour faire coopérer les acteurs d’un territoire
15El Jadida (Maroc), octobre 2018. Comment fédérer les acteurs culturels d’un territoire, permettre une approche écosystémique des ressources en présence ? C’est la réponse que nous avons déployée dans cette ville de taille modeste au patrimoine objectif riche (murailles portugaises classées au Patrimoine mondial de l’Unesco), au dynamisme culturel historiquement intense, mais dont les « faiseurs » n’étaient pas en lien – comme nous le constatons trop souvent. Nous avons pour ce faire mobilisé la méthodologie du café psycho-socio [3]. Celle-ci propose un temps et un espace de sociabilité, une source de questionnement qui facilite la distanciation, le développement d’une réflexion collective et individuelle à partir d’interrogations sur la problématique du départ. Nous avons ainsi posé un cadre avec des objectifs : mieux faire culture ensemble en mettant en œuvre des médiations permettant de coopérer. Nous avons partagé dès le départ les différents axes de la coopération : comment passer du fait que l’on « tisse » des liens à la nécessité de co-construire des projets communs – du « quoi » au « comment », de l’individuel au collectif, de l’imaginaire illusoire à l’imaginaire fécond. Nous sommes alors partis d’une méta-question pour que chacun.e ensuite propose au groupe sa propre question, c’est-à-dire ce qui l’interroge sur la manière de mieux faire culture ensemble, et donc d’activer les droits culturels des personnes. C’est un diagnostic problématisé qui s’est ainsi collectivement créé. Ce processus a permis aux parties prenantes d’entrer en interrelation (le préalable à tout enjeu de coopération – « qui es-tu ? », « d’où agis-tu ? »), en résonance de sens. Les participants ont collaboré tout au long du processus dans une logique ascendante, valorisant les ressources culturelles en présence dans une approche écosystémique, à partir d’une question choisie par le groupe, pour in fine élaborer des axes de travail communs et des solutions. Une boucle circulaire d’apprentissage collectif s’est ensuite déployée dans le temps pour créer des questionnements et des projets en meilleure synergie.
16En somme, faire vivre les droits culturels nécessiterait que l’ensemble des parties concernées adoptent une posture, une conviction, un état d’esprit « extravertis » (partir de l’Autre, le reconnaître avec sincérité dans sa potentielle densité culturelle intérieure), qu’une méthodologie d’action soit co-définie dans une appréhension écosystémique du territoire pour une mise en lien « résonnante » des ressources en présence. Les exemples d’expérimentations sont ici mobilisés afin de leur offrir une portée plus large que celle du cas particulier et d’en faire des sources d’inspiration pour les postures initiales qu’elles supposent et les méthodologies d’action auxquelles elles recourent.
17Ces expérimentations nous révèlent au final trois conditions de mise en œuvre des droits culturels :
- Co-concevoir les conditions de contexte, de mise en relation (que chacun puisse prendre sa place) et d’écoute, dans un cadre posé.
- Créer les conditions tangibles et symboliques de la proximité (relationnelle, avec le processus de création, affective, identitaire…).
- Conférer de la légitimité aux personnes en donnant de la valeur à leurs ressources (en leur permettant ainsi de gagner en confiance), car reconnaître l’autre comme un pair qui contribue à la vie culturelle exige une forte empathie.
19Si la mise en œuvre des droits culturels n’a rien d’une route toute tracée, elle emprunte assurément des chemins semés de relations humaines.
Mémo
- 1959 : création du premier ministère chargé des Affaires culturelles, avec pour paradigme la démocratisation culturelle.
- 2007 : les droits culturels sont adoptés sous forme de 12 articles dans la Déclaration de Fribourg.
- 2015 et 2016 : les droits culturels sont inscrits dans la législation française : art. 103 de la loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ; art. 3 de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP).
- Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 21 – Droit de chacun de participer à la vie culturelle (art. 15, § 1a) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 2009.
- Jean-Michel Lucas et Aline Rossard, Droits culturels des personnes. Préconisations pour la région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux, Région Nouvelle-Aquitaine, 2019.
- Patrice Meyer-Bisch, « Le droit de participer à la vie culturelle, premier facteur de liberté et d’inclusion sociale », in La Contribution de la culture à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, colloque international, Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles, octobre 2010, p. 16.
- François Pouthier, « Recompositions intercommunales : vers des “projets culturels de territoire” ? », NECTART, n° 10, 2020, p. 120-129.
- Christian Ruby, Abécédaire des arts et de la culture, Toulouse, L’Attribut, 2015.
Notes
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[1]
Thomas K. Holcomb, Introduction à la culture sourde [2013], Toulouse, Érès, 2016.
-
[2]
Un film de restitution de l’expérience a été scénarisé pour tracer le processus, tout aussi important que le résultat.
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[3]
Jamal Lamrani, « L’expérience du café psycho-socio », Nouvelle Revue de psycho-sociologie, n° 27, printemps 2019.