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Article de revue

Recomposer la mer pour devenir offshore : le projet éolien de Veulettes-sur-Mer

Pages 204 à 218

Notes

  • [1]
    Ce projet fut le seul sélectionné parmi onze projets dans le cadre d’un appel d’offres national (octobre 2003).
  • [2]
    Entretien, ex-ingénieur Enertrag France, février 2014.
  • [3]
    Premier parc offshore en mer du Nord, entré en production en 2010 (http://www.alpha-ventus.de/).
  • [4]
    Entretien, ex-ingénieur Enertrag France, février 2014.
  • [5]
    L’analyse qui suit a été conduite de 2007 à 2010 ; des compléments d’enquête réalisés début 2014 ont permis d’actualiser le devenir du projet de Veulettes-sur-mer. Au début de l’année 2014, un projet de site test pour l’éolien offshore est envisagé, soutenu par les acteurs qui, depuis 2005, se sont positionnés comme les majors de l’éolien.
  • [6]
    Une version provisoire de ce papier a été présentée au colloque international « Territoire et environnement : des représentations à l’action », Citeres, CNRS, Université François Rabelais, 8-9 décembre 2011.
  • [7]
    Les tarifs d’achat sont en place depuis 2001. En 2007, au moment de la sélection du projet de Veulettes-sur-mer, 713 MW éolien étaient installés à terre, 1 557 MW autorisés et 3 198 MW en cours d’instruction (http://www.industrie.gouv.fr).
  • [8]
    Le terme est employé dans son sens mécanique (présence ou non de pignons démultiplicateurs).
  • [9]
    À la fin 2009, 2 GW d’éolien offshore étaient installés dans l’Union européenne, notamment au Royaume-Uni, au Danemark et aux Pays-Bas (EWEA, 2010).
  • [10]
    Par une intervention du cabinet du Premier ministre (entretien, SGMER, 9 décembre 2008).
  • [11]
    L’Ademe avait commandité, depuis la fin des années 1990, des études en différents points des façades maritimes françaises (ressource en vent, conditions géotechniques, raccordement au réseau).
  • [12]
    Entretien, SGMER, 9 décembre 2008.
  • [13]
    Communiqué de presse du ministère du Développement durable.
  • [14]
    À noter autour de la question des usages, le rôle la loi Littoral du 3 janvier 1986 et des schémas de mise en valeur de la mer (SMVM).
  • [15]
    Entretien avec le SGMER, le 9 décembre 2008.
  • [16]
    Idem.
  • [17]
    Idem.
  • [18]
    Entretien avec la DDE de Dieppe, le 7 février 2008.
  • [19]
    Idem.
  • [20]
    Concession d’utilisation du DPM en dehors des ports depuis le décret du 29 mars 2004, ce dernier ayant été intégré au Code général de la propriété des personnes publiques (articles R 2124-1 à 12).
  • [21]
    Une autorisation dite Loi sur l’eau est nécessaire pour les travaux d’aménagement portuaires et autres ouvrages réalisés en contact avec le milieu marin et ayant une incidence directe sur ce milieu, dont le montant est supérieur ou égal à 1 900 k (article R. 214-1 du Code de l’environnement).
  • [22]
    Entretien, DDE de Dieppe, 7 février 2008.
  • [23]
    Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction.
  • [24]
    Idem.
  • [25]
    En comité éolien, la DDE précise : « Le SGMER n’est pas favorable à cette interprétation et privilégie la souveraineté de l’État sur le DPM. Seule une décision du Conseil d’État peut trancher cette question », préfecture de Rouen, comité éolien, réunion du 15 mai 2006, relevé des conclusions, p. 2. Aucune décision n’ayant été prise en Conseil d’État à ce propos, il semble que la DGUHC soit parvenue à imposer sa vision.
  • [26]
    Entretien, DDE de Dieppe, 7 février 2008.
  • [27]
    Idem.
  • [28]
    Préfecture de Rouen, comité éolien, réunions du 15 novembre 2005 et du 21 février 2006.
  • [29]
    Entretien, DDE de Dieppe, 7 février 2008.
  • [30]
    Cette disposition est entrée en vigueur le 1er octobre 2007, à l’article L431-4 du Code de l’urbanisme.
  • [31]
    Idem, pp. 6-10.
  • [32]
    Idem, p. 78-85.
  • [33]
    Dossier de révision simplifiée du POS de Veulettes-sur-Mer, p. 5. Le parc éolien rompt avec les dispositions usuelles des secteurs ND en associant un secteur naturel à une très grande infrastructure d’un porteur de projet privé.
  • [34]
    Idem, p. 73.
  • [35]
    Entretien avec la DDE de Dieppe, le 7 février 2008.
  • [36]
    Entretien avec la Dram, le 20 février 2008.
  • [37]
    Les enquêtes publiques, pour certaines conduites conjointement, portent sur l’autorisation de concession en DPM, la Loi sur l’eau, le PC pour les éoliennes, le PC pour le poste électrique à terre, la loi Littoral, la révision simplifiée des POS, la pose de la ligne 90 KV.
  • [38]
    La demande d’interdiction doit selon l’arrêté d’usage du DPM émaner de la préfecture maritime pour des enjeux de sécurité. Le développeur, de son côté, s’est plusieurs fois prononcé en faveur d’un principe de cohabitation entre les éoliennes et les pêcheurs.
  • [39]
    Entretien, CRP, 7 février 2008.
  • [40]
    Idem.
  • [41]
    Idem.
  • [42]
    Créée en août 1986, la CSLN est une association régie par la loi du 1er juillet 1901. Elle a pour objectif d’améliorer les connaissances concernant le littoral et son environnement.
  • [43]
    CSLN, 2007, pp. 2-3.
  • [44]
    CSLN, 2007, p. 3.
  • [45]
    Entretien, CRP, 7 février 2008.
  • [46]
    Idem.
  • [47]
    Élaborée par le Conseil international pour l’exploration de la mer (Ciem), un groupe d’experts internationaux créé en 1902, qui coordonne la recherche sur les ressources et l’environnement marins sur l’Atlantique Nord.
  • [48]
    Entretien, CRP, 7 février 2008.
  • [49]
    Idem.
  • [50]
    Les résultats de la mise en œuvre du protocole de suivi comme les modalités de calcul de la compensation pour les pêcheurs ne sont pas connues de nous – ces points n’étaient pas encore stabilisés au moment de notre enquête.
  • [51]
    Entretien avec la Dram, le 20 février 2008. En fait, les estrans, qui à marée basse constituent des paysages marins découverts par la mer, et les paysages sous-marins sont validés par le droit à l’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme.
  • [52]
    Entretien avec la DDE de Dieppe, le 7 février 2008.
  • [53]
    Enertrag, projet de parc éolien en mer de la Côte d’Albâtre, dossier de demande de permis de construire, pp. 18-19 et 42-52.
  • [54]
    Avis rendu par la Diren, le 14 novembre 2007, 3 p.
  • [55]
    Décret no 2008-851 du 26 août 2008 relatif aux conditions d’application et de répartition de la taxe annuelle sur les installations de production d’électricité, utilisant l’énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale (modifié depuis, se référer aux articles 1519 B et C du Code des impôts).
  • [56]
    Entretien, président de la communauté de communes de la Côte d’Albâtre, 29 février 2008.
  • [57]
    Enertrag, projet de parc éolien offshore « Côte d’Albâtre » au large de Veulettes-sur-Mer. Étude d’impact environnemental, pp. 285, 287 et 288.
  • [58]
    Le rapport de présentation pour la révision du POS de Veulettes-sur-Mer (p. 11) réfère à la Loi de finances rectificative du 30 décembre 2005, laquelle institue cette taxe dans le Code des impôts (articles 1379, 1519 et 1635) au profit des communes. Lors de notre entretien avec la direction des services fiscaux à Rouen, il est apparu que le décret d’application n’était toujours pas paru, voire que le ministère des Finances n’avait pas encore arrêté d’orientation.
  • [59]
    Entretien, Enertrag, 10 juin 2008.
  • [60]
    Pour une exploration de ce type de démarche à partir des enjeux d’avifaune en éolien terrestre, voir Nadaï et Labussière (2010) et Labussière et Nadaï (2011).
  • [61]
    Entretien, SGMER, 9 décembre 2008.
  • [62]
    Et l’autorisation Loi sur l’eau le 14/01/2008.
  • [63]
    Entretien, ex-ingénieur Enertrag France, février 2014.
  • [64]
    Idem.
  • [65]
    Enertrag, comité éolien du 6 novembre 2008.
  • [66]
    Notamment au travers du comité opérationnel 10 du Grenelle de l’environnement.
  • [67]
    Article R 421-8-1 du Code de l’urbanisme issu du décret n° 2012-41 du 12 janvier 2012, qui exonère les ouvrages EMR d’autorisations au titre du Code de l’urbanisme.
  • [68]
    Grenelle de la mer, « Le livre bleu des engagements du Grenelle de la mer », 10 et 15 juillet 2009, 71 p.
  • [69]
    Entretien avec le SGMER, le 9 décembre 2008.
  • [70]
    Voir en particulier le chapitre IX du projet de loi Grenelle 2, « Engagement national pour l’environnement », présenté en conseil des ministres le 7 janvier 2009, 114 p.

Introduction

1Sélectionné en 2005 [1], dans le cadre du premier appel d’offres offshore national, le projet éolien de Veulettes-sur-Mer, aussi dénommé projet « Côte d’Albâtre », constituait une première. Il incarnait la volonté de l’État de lancer un chantier à vocation exploratoire. Il s’agissait d’apprendre du cas « Veulettes » et d’en retirer pour l’État, comme pour les développeurs, une procédure reproductible. Près de dix années plus tard, ce projet n’est toujours pas sorti des eaux de la Manche.

2Ce parc est resté en suspens près de cinq années, avant d’être purgé de ses recours, en recherche d’un nouveau projet et d’une économie renouvelée. Resté à quai, son matériel est en souffrance aux quatre coins de l’Europe :

3

« Le poste électrique est stocké depuis 2008 en Normandie. Les câbles électriques […] sont stockés à Hanovre [et] près de Veulettes, sur leur touret, en attente. Tout l’acier de la première série, la première ligne de fondation, est en Norvège, prêt à être assemblé. En fait, cela ne se pratique jamais dans l’éolien, normalement on attend d’obtenir […] les autorisations administratives et le cadre tarifaire […] ; toutes ces commandes […] ont été anticipées, avec la certitude que le projet pourrait se faire… » [2]

4Ce projet retrouve en 2014 une actualité au sein d’une politique éolienne offshore qu’il a contribué, par ses errances, à infléchir. Il renaît sous la forme du projet « WIN 2 », porté par une association d’industriels de la filière éolienne (WIN) qui ambitionne son développement pour une mise en service en 2017. WIN 2 serait composé de six éoliennes sur tripodes (une technologie déjà installée en mer du Nord), telles qu’autorisées dans le cadre du projet Côte d’Albâtre et purgées de tout recours, mais dont « les équipements, les pâles, la génératrice, le mât, l’embase, etc. » ne seront « plus du made in Germany » mais fabriqués en France. L’ensemble ferait du projet Côte d’Albâtre « le premier parc éolien français en mer […] avec une expérimentation d’injection sur le réseau [électrique] », « comme le premier parc au Danemark en 1981 ou comme Alpha Ventus [3] en Allemagne » [4].

5L’essor des énergies renouvelables en mer, dont l’éolien, soulève l’enjeu d’une gestion intégrée de l’espace marin. Cette gestion prend aujourd’hui des formes diverses : nouvelles procédures d’autorisation de projet (IEA, 2010), planifications maritimes stratégiques (PMS) [Unesco, 2009]. En France, le Grenelle de la mer a débouché sur le projet d’une gouvernance élargie (MEDDTL, 2011). Cette décision intervient à la suite des difficultés rencontrées par le projet Côte d’Albâtre, considéré comme un test pour le futur de l’éolien offshore français, et dont le développement, était jusque récemment jugé encore incertain [5].

6Quelles sont les leçons de ce projet et comment ont-elles orienté le Grenelle de la mer ?

7S’inspirant de la sociologie des sciences et techniques (Akrich, 1989 ; Latour, 2005) et de la philosophie des techniques de Gilbert Simondon (1989), notre analyse suit le développement de ce projet et ses difficultés. Elle se saisit du comité éolien de Haute-Normandie, lieu de discussion et de décision, pour aborder le projet comme un « laboratoire ». Nous examinons les tentatives de ce comité pour faire exister ce parc éolien en Manche et affronter les recompositions qu’il suscite. Ces recompositions sont décrites en suivant les enjeux relatifs à l’implantation des éoliennes en mer (ancrage, présence) ainsi qu’à la connexion terrestre et sous-marine du parc éolien au réseau électrique.

8La première partie présente le matériel et la méthode d’analyse. Les parties suivantes analysent le lancement de la politique éolienne offshore en France jusqu’au Grenelle de la mer, et le développement du projet de Veulettes-sur-Mer. La dernière partie discute les récentes orientations du Grenelle de la mer à la lumière des apports de cette étude de cas et des orientations internationales en matière de planification marine stratégique [6].

Matériel et méthode

9Afin de saisir la manière dont l’éolien se déploie en mer à travers des attachements administratifs, économiques et sociaux qui recomposent le milieu marin, nous empruntons à Simondon (1989 ; 2005a) la notion d’individuation. Pour exister, l’objet technique traverse un processus d’individuation qui le fait exister comme système de relations au point de rencontre entre plusieurs milieux (non nécessairement compatibles).

10Simondon distingue trois milieux : le milieu technique, le milieu géographique et le milieu associé. Le milieu technique correspond à l’ensemble des artefacts techniques qui composent l’objet technique. Le « milieu associé » est propre à l’objet technique. Il est la condition d’existence de l’objet technique (1989, p. 57) en même temps qu’il est porté par cet objet. Il permet à l’objet technique de jouer dans le processus d’individuation une fonction de médiation : les mondes interagissent à travers lui : « L’objet technique est donc la condition de lui-même comme condition d’existence de ce milieu mixte, technique et géographique à la fois » (1989, p. 55). Ce processus de coconstruction n’est pas garanti. Il a pour enjeu la concrétisation de l’objet technique, c’est-à-dire l’organisation d’un tissu de relations réciproques qui spécifient son existence et son efficacité. Cela peut ne pas advenir, soit que ce tissu de relations reste incomplet ou qu’il soutienne de faux progrès. Alors l’objet technique peut échouer à accomplir sa (trans)formation ou bien céder à une suradaptation fonctionnelle qui tout en l’autonomisant diminue son aptitude à composer avec des milieux hétérogènes.

11Ce cadre d’analyse permet de suivre les chemins par lesquels l’éolien offshore, tout en composant avec le milieu en place, recompose ce dernier pour constituer un milieu marin associé. Le projet de Veulettes-sur-Mer nous met en présence d’une technologie « terrestre » [7] qui tente de devenir « offshore ». Le milieu marin n’étant pas le milieu terrestre, l’éolien offshore appelle la composition de nouveaux attachements permettant de le constituer comme tel. Il s’agit non seulement d’ancrer les éoliennes sur le fond marin et de les connecter au réseau électrique terrestre, mais aussi de garantir une certaine stabilité – physique, juridique, sociale – de ces liens. L’opération doit se réaliser en dépit des attachements terrestres que l’objet technique éolien semble comme vouloir emporter en mer et de ceux qui structurent de longue date le milieu marin.

12Pour autant, les processus d’individuation décrits par Simondon mettent le plus souvent l’accent sur l’incorporation par l’objet technique, « au travers d’une refonte de forme de ses artefacts », de fonctionnalités et de médiations anciennement prises en charge par son milieu associé. Le refroidissement du moteur à explosion ou de la turbine hydraulique, progressivement pris en charge grâce à la modification de la forme des bielles du moteur ou des pâles de la turbine, permet à ces objets techniques de gagner en performance, en autonomie et en aptitude à composer avec des milieux hétérogènes. Simondon, quand il appelle à un « mécanologue » comme psychologue ou sociologue des machines (1989, p. 149) reste tout de même bien peu géographe et sociologue. Il aborde l’espace au travers de sa physique et des forces avec lesquelles l’objet technique doit composer (cf. l’exploitation minière : Simondon, 2005b, p. 106 et suivantes), mais porte peu le regard sur l’espace des sociétés et son épaisseur sociohistorique ; de même, il décrit peu les collectifs d’acteurs qui officient derrière les évolutions de formes de l’objet technique et ses gains d’autonomie.

13Si la notion de milieu associé peut permettre de saisir une réalité de l’éolien dans son passage en offshore, il convient de lui adjoindre celle d’assemblage, proposée par la sociologie de l’acteur réseau, pour mieux suivre les multiples dimensions et les détours empruntés par ces processus d’individuation. Madeleine Akrich (1989) a magistralement décrit la dimension indissociablement sociotechnique des technologies et de leur processus d’émergence. Cette voie théorique a ouvert sur la caractérisation des technologies comme assemblages hétérogènes par la sociologie des sciences et techniques, composés à la fois d’humains, de non-humains, d’éléments matériels, discursifs, etc. (Latour, 2005).

14S’agissant de l’éolien, si des refontes de forme au sein du « milieu technique » de l’éolienne accompagnent son passage en offshore, ces changements ne génèrent pas vraiment de nouvelles familles technologiques. On restait, tout au moins jusqu’en 2010, sur des génératrices relevant des mêmes principes de production électrique mais ayant, à des fins de fiabilité, un couplage [8] plus direct (par exemple : machines à multiplicateurs hybrides ou à attaque directe) avec les pâles de l’éolienne, de manière à réduire le nombre de pignons démultiplicateurs qui constituent autant de points de fragilité des machines. Les interventions sont coûteuses en offshore et ces changements de forme dans les pignons conféraient une plus grande fiabilité (et autonomie) aux éoliennes en mer. En revanche, comme le montre le décours du projet de Veulettes-sur-Mer, les enjeux d’assemblage sociotechnique, au sens d’une adaptation ou de la création de normes juridiques ou techniques, de l’émergence de nouveaux collectifs, de la mise en place de dispositifs expérimentaux sont essentiels dans la création d’un milieu associé à l’éolienne (terrestre) pour tenter son passage en mer.

15L’analyse consiste donc à saisir la technologie comme un assemblage hétérogène et à suivre les procédés de couplage/découplage qui sont mis en œuvre au fil de trois enjeux : l’implantation des éoliennes (ancrage, présence), leur connexion sous-marine et leur connexion terrestre au réseau électrique. Elle procède à partir de documents graphiques et écrits ; d’observations de terrains ; d’entretiens semi-directifs (28 entretiens réalisés en sept campagnes au cours des années 2008-2009) auprès d’organismes publics, de services de l’État, de collectivités territoriales, d’associations, de bureaux d’étude et de développeurs éoliens ; et d’une observation du comité éolien (réunions mensuelles en 2008-2009) censé soutenir et accompagner le développement du projet éolien de Veulettes-sur-Mer.

Le lancement de l’éolien offshore : planifier ou expérimenter ?

16En 2000, en France, aucune administration ne s’occupe en propre de la mer, mais chacune selon sa perspective la considère tantôt comme un espace de navigation (ministère des Transports), une ressource alimentaire (ministère de l’Agriculture), un écosystème (ministère de l’Environnement), etc. Des réflexions transversales peuvent être initiées par le secrétariat général à la mer (SGMER) qui conseille directement le Premier ministre.

Fig. 1

Organigramme des administrations terrestres et maritimes en France

Fig. 1

Organigramme des administrations terrestres et maritimes en France

(source : Cired, 2010)

17Alors que l’éolien offshore n’est encore qu’expérimental, un rapport parlementaire (Dupilet, 2001) soulève en 2001 la question des moyens de sa régulation. Il suggère au niveau central d’identifier une « administration chef de file » (2001, p. 11) et au niveau régional d’élaborer « un schéma d’implantation par façade maritime » (2001, p. 12). En réponse à ce rapport, le secrétariat général à la mer (SGMER) conduit en 2002 un groupe de travail interministériel qui s’accorde sur des recommandations d’actions à court terme (lancement de projets pilotes) et à moyen terme : définition concertée des zones favorables à l’implantation d’éolien offshore, lancement d’appels d’offres pour assurer un développement de la filière régulée via ces zones et, enfin, évolution de la réglementation relative au droit d’occupation du fond de la mer. Forte de cette réflexion, la France n’est alors pas en retard pour le développement de l’éolien en mer vis-à-vis des autres pays européens. Malgré cela, ses expérimentations seront si peu concluantes qu’en une décennie aucune éolienne ne sortira de l’eau [9].

18La première étape, l’identification de zones favorables à l’éolien, se heurte au ministère de l’Industrie qui défend un principe d’auto-organisation par les développeurs éoliens. Il ne se résout que « contraint et forcé » [10], à confier une étude de définition des zones offshore à l’Ademe et à l’Ifremer, par ailleurs engagés dans une démarche prospective [11]. En pratique, ce processus ne sera jamais achevé. À l’automne 2003, une circulaire de la ministre déléguée à l’Industrie et du secrétaire d’État aux transports et à la mer court-circuite la réflexion interministérielle et annonce que le Premier ministre « a retenu la recommandation de réaliser rapidement des expérimentations de centrales éoliennes en mer tout en poursuivant la réflexion sur la localisation des parcs à plus long terme » (FR, 2003a). Pour le SGMER : « On avait donc en parallèle deux procédures, une logique mais qu’on faisait traîner et une moins rationnelle » [12]. Un appel d’offres de 500 MW est lancé, qui débouche le 14 septembre 2005 [13] sur une autorisation de production d’électricité pour le premier parc éolien offshore français (105 MW, 21 éoliennes). Pour le SGMER, la France remet sa politique publique entre les mains des développeurs : l’absence de zonage en mer réduit cet appel d’offres à une incitation sans véritable régulation. En dépit de ces remarques et d’une controverse sur le choix du projet de Veulettes-sur-Mer (CRE, 2005), le recours à l’incitation est confirmé en juillet 2006, avec l’adoption d’un tarif d’achat fixe de l’électricité produite par des éoliennes en mer (100 euros/MWh) [FR, 2006].

Veulettes-sur-Mer, un projet pour expérimenter

19En laissant partir l’éolien en mer sans l’accompagner d’aucune régulation ou concertation préalable, le ministère de l’Industrie fonde son développement sur l’idée que la mer est un potentiel éolien qui s’offre à la technologie dans son sens le plus générique. Les difficultés progressives qu’il va rencontrer suggèrent une réalité bien différente. Le projet, dont les ramifications se saisissent peu à peu du domaine maritime, met au travail les logiques et les procédures qui en règlent les usages. Il devient le centre d’une expérimentation décisive pour le futur de l’éolien en mer.

Ancrer des éoliennes : empiler des droits pour prolonger la terre

L’éolien en mer : une administration à distribuer

20À 7 km des côtes, le projet de Veulettes-sur-Mer se situe en mer territoriale, sur le domaine public maritime (DPM). Le DPM désigne l’espace comprenant l’essentiel du rivage (limite des plus hautes eaux), du sol et du sous-sol de la mer jusqu’à la limite des eaux territoriales (12 milles marins). Il s’agit d’un espace inaliénable et imprescriptible relevant de la seule tutelle de l’État. Il ne peut donc être privatisé et n’a pas vocation à recevoir des implantations permanentes. Dans les faits, sa gestion reste éclatée entre les ministères sectoriels. Au niveau local, la gestion du DPM n’étant pas décentralisée, les collectivités territoriales n’exercent aucune compétence. Ce sont le préfet de département et le préfet maritime, en tant qu’organes déconcentrés de l’État, qui jouent les rôles principaux, notamment en donnant leur assentiment préalable à toute implantation.

21Du point de vue du droit, le DPM est un espace régi par un principe de libre usage. C’est un espace public par excellence. Peu de textes précisent les règles de fond qui y sont applicables [14], même si la jurisprudence abonde. Les constructions ou les installations sur le DPM sont possibles sous condition d’obtention d’un titre d’occupation domanial. Bien que les cultures marines occupent d’importantes parties du DPM, l’éolien est symptomatique de l’arrivée de nouveaux usages de l’espace marin caractérisés par une occupation fixe : « Jusque-là, on avait des activités nomades dans un espace partagé. On a de plus en plus des activités permanentes dans un espace qui n’est plus partagé » [15].

22Pour autoriser ces nouveaux usages, le droit maritime n’est pas démuni : le modèle de la concession fournit la base d’une contractualisation entre l’État et l’usager fixant les limites spatiales et les conditions de son activité en mer. Dans le cas du projet « Veulettes », l’idée initiale est de recourir à la concession d’utilisation du DPM en dehors des ports, « compte tenu du caractère durable de l’installation » (FR, 2004a). Cela nécessite néanmoins d’en ajuster les modalités. Sa révision intervient en 2004 par décret (FR, 2004b). Elle prévoit de conditionner l’autorisation par un état des lieux initial, un suivi des impacts sur l’environnement et des mesures de démantèlement. Ce toilettage suit les recommandations du rapport interministériel de 2002 sur les éoliennes en mer. Sauf que « la concession devait initialement tout couvrir et personne n’imaginait que le droit de l’urbanisme s’introduirait par la suite » [16]. D’ailleurs, la commission interministérielle soulignait qu’« en matière de réglementation de la construction en mer de structures permanentes, le code de l’urbanisme n’est pas adapté aux spécificités du domaine marin » (SGMER, 2002, p. 50). Le SGMER explique : « La mer est un espace qui n’est pas figé ni maîtrisé par l’homme. Notre droit s’appuie sur des logiques géographiques, une mise à plat comme le propose l’urbanisme ; or, là, tout bouge » [17].

23Pourtant, « il y a de très grosses luttes d’influence au niveau national entre les administrations terrestres et maritimes » [18]. Les services de l’équipement défendent l’idée que le développement éolien relève jusqu’à présent de leur compétence et que les fonds marins ne sont que la continuité de l’espace terrestre dans les eaux territoriales françaises [19]. Paradoxalement, la concession d’utilisation du DPM en dehors des ports [20] offre un point d’appui à cette lecture au travers d’une jurisprudence admettant que les règles terrestres assurent la régulation de concessions gagnées sur la mer (Morand-Deviller, 1996).

24La direction des transports maritimes, des ports et du littoral (DTMPL), dans une note de cadrage de mai 2004, tient compte de cette jurisprudence et prend pour principe que « les dispositions valables à terre s’appliquent en mer » (FR, 2004a, p. 3) pour l’autorisation des éoliennes. Loin de clarifier la procédure d’autorisation, cette note illustre le fait que la procédure est progressivement doublement inscrite dans le droit de l’urbanisme et dans le droit maritime sans que personne ne soit en mesure de préciser les modalités de leur articulation. En d’autres termes, le préfet de département est fondé à demander une concession d’utilisation du DPM en dehors des ports, mais cela ne préjuge en rien des autres législations applicables, notamment celle sur le permis de construire.

25Dans un contexte de non-coordination entre les administrations centrales, rien ne semble pouvoir empêcher les administrations terrestres d’étendre leur champ d’action pour superposer les cultures administratives. Ce faisant, l’action de l’État va à contresens des préconisations du SGMER soulignant l’importance « d’éviter d’aggraver “l’empilement” en mer des réglementations sectorielles autonomes » (SGMER, 2002, p. 50). C’est une situation inédite. La France est alors le seul pays en Europe à avoir cumulé les procédures (EWEA, 2009), qui plus est sans être en mesure d’identifier les administrations responsables.

Le comité éolien : un laboratoire pour renégocier la frontière terre/mer

26Pour accompagner la première nationale constituée par le projet de Veulettes-sur-Mer, les services de l’État se constituent au niveau local en comité éolien sous la direction du sous-préfet de Dieppe. Le projet de Veulettes est peu ordinaire en ce qu’il cumule trois procédures – la concession d’utilisation du DPM, la Loi sur l’eau [21] et le permis de construire (PC) – relevant de codes différents (le domaine de l’État, l’environnement et l’urbanisme), et dont la troisième s’avère inhabituellement compliquée.

27Les activités en mer sont usuellement dispensées du PC car elles n’ont pas un caractère permanent (plateformes pétrolières, balisages marins, installations d’aquaculture, etc.). L’éolien, en changeant cette donne, appelle à revisiter les conditions usuelles de milieu qui fondent l’instruction du PC à terre, mais sont absentes en mer, à savoir : l’existence d’une parcelle d’implantation (pas de parcellaire en mer), d’un propriétaire (aucun sur le DPM si ce n’est l’État), d’un plan d’occupation des sols communal qui puisse garantir la compatibilité du projet (pas de POS en mer), d’une mairie de dépôt de la demande (aucune commune n’est habilitée à recevoir des demandes d’implantation en mer).

28Ainsi, la procédure du PC exige que le développeur éolien soit propriétaire du terrain. Ce « principe de base en urbanisme » [22] est impossible à satisfaire en mer, espace inaliénable par excellence. « On a alerté très vite nos collègues… on fait comment ? » La DDE de Dieppe fait remonter ses questions au niveau central, à la DTMPL qui suit le dossier Veulettes : « Ils ont été incapables de nous répondre et nous ont renvoyés vers la DGUHC [23] », son administration de référence. « On a tâtonné au moins trois ou quatre ans pour savoir comment autoriser le PC à partir d’une concession en DPM ! » [24] Finalement, la DGUHC semble avoir imposé [25], contre l’avis du SGMER, l’idée que l’arrêté de concession délivré par la préfecture maritime « valait titre habilitant à construire » [26]. Un tel montage juridique dépasse les compétences d’une administration locale, précise la DDE à Dieppe : « On est vraiment aux frontières du droit […] ; nous, nous sommes des juristes de terrain, mais pas des juristes de robe. Nous, ici, on se sent un peu petit » [27]. En l’état, le développeur éolien ne devient pas propriétaire du terrain, mais c’est la procédure d’autorisation en mer qui devient le « sol » de la procédure terrestre ; c’est pourquoi dans la succession des procédures, le PC ne peut intervenir qu’une fois la concession en DPM attribuée.

Fig. 2

Zonage NDd en mer inscrit dans la révision simplifiée du POS de Veulettes-sur-Mer

Fig. 2

Zonage NDd en mer inscrit dans la révision simplifiée du POS de Veulettes-sur-Mer

(source : Enertrag, projet de parc éolien en mer de la Côte d’Albâtre, dossier de demande de permis de construire, juillet 2007)

29Ce premier cadre de travail ne suffit pas à caler la procédure. Le développeur ne sait toujours pas dans quelle commune déposer la demande de PC [28]. Aucune disposition législative ou réglementaire ne formule la répartition de la mer entre les communes riveraines ni comment se poursuivent les limites communales en mer : « Ça ne s’est jamais fait ! Et personne ne sait faire ! C’est « un Ça fameux ne s’est casse-jamais tête fait juridique ! Et personne » [29], déclare ne sait la faire DDE. ! C’est Un détour analogue, de près d’une année (2006) par les administrations centrales nourrira l’incertitude en renvoyant à l’incapacité des cadres nationaux et internationaux en place à résoudre ce point. Il faudra au développeur et au SGMER croiser les méthodes et les cartographies pour déterminer un groupe de huit communes, réunies en concertation par la préfecture, afin de stabiliser un périmètre. Finalement, en 2007, le problème remonte au législateur, lequel prescrit par un amendement au Code de l’urbanisme [30] que le dossier de PC doit être déposé à la commune de Veulettes-sur-Mer, au motif qu’elle est le point de raccordement du parc éolien offshore au réseau électrique terrestre.

30Vient enfin l’enjeu de la compatibilité de l’infrastructure projetée par rapport aux documents d’urbanisme. Là encore, en dépit du soutien de l’État au titre de l’intérêt général attribué au projet [31], procédures et concertations sont nécessaires pour réviser cinq POS, de manière à créer un zonage nouveau, en lui associant une description et un règlement. Ce dernier rend compte de la vacuité du POS en la matière, la majorité de ses articles ne traitant d’aucun objet (aspect extérieur, toitures, plantations, stationnement, etc.) [32]. Sur le modèle de la planification terrestre, la mer est classée en zonage naturel (ND) [33], selon un zonage unique décliné sur cinq communes (NDa, b, c, d, e). En outre, il est précisé que le POS « n’a pas vocation à [zoner la mer], mais à prévoir l’autorisation, dans un secteur délimité […] en haute mer, de l’implantation d’éoliennes » [34].

31Finalement, tout se passe comme si le PC permettait à l’administration terrestre de prendre pied dans le projet de Veulettes, mais se déchargeait au contact du milieu marin de son pouvoir de mise en conformité du réel. Le comité éolien fonctionne dès lors comme un laboratoire où les administrations, au travers d’une tentative de superposition de trois procédures (DPM, Loi sur l’eau, PC) et à partir de questions concrètes mais capitales, explorent les possibilités de renégocier la frontière entre la terre et la mer pour tenter de se saisir de ce réel en émergence. Si l’espace et le temps de l’administration de la chose s’étirent et empruntent des circuits inouïs, c’est qu’il faut pour cela produire une nouvelle économie du jugement (valeurs, hiérarchies, méthodes de mesures, procédures d’évaluation, etc.) qui permette la constitution d’un milieu « offshore » associé au projet et articulant la terre à la mer.

32Ce processus exploratoire est la traduction concrète au niveau local de l’absence de vision des administrations centrales sur la nécessité de ce milieu associé. Les procédures existantes sont perpétuellement débordées. L’administration locale ne cache pas qu’elle avance en territoire inconnu : « Nous, ici, on est les premiers en France. On est tout seul et on se démerde ! » [35] L’appel aux administrations centrales multiplie les incertitudes et participe d’un surenchérissement procédural, lié au caractère inhabituel du montage juridique, censé sous-tendre la constitution de ce milieu. « Il y a un principe en droit qui dit “trop fort n’a jamais manqué”, donc vaut mieux un PC qui permet de verrouiller et de bétonner la procédure » [36], résume la Dram. De la même façon, le comité éolien décide de l’ouverture de sept enquêtes publiques [37], là où une seule est suffisante sur un projet éolien terrestre. Cette forte incertitude pèse sur la mise en politique du projet comme le montrent les enjeux de pêche et de paysage.

Connecter des éoliennes : suivre la pêche pour qualifier l’impact

33Si la moitié de la taxe éolienne est gérée par la préfecture au bénéfice des communes impactées visuellement, l’autre moitié est gérée par le conseil général de Seine-Maritime à destination des professionnels de la pêche. C’est avec ces derniers, représentés par le Comité régional des pêches (CRP) de Haute-Normandie (150 navires, 650 marins-pêcheurs), que s’est constitué un des rapports de force les plus importants autour du projet.

34Le parc éolien intervient dans un contexte délicat pour les pêcheurs en Manche : multiplication des usages de la mer (extraction de granulats, Port 2000) et des régulations sur la qualité des eaux (pollutions du bassin versant parisien) et l’activité de pêche (quotas). Vis-à-vis du parc éolien de Veulettes, l’inquiétude porte sur la dégradation des milieux, l’interdiction de la zone éolienne pour la pêche [38] et l’effet des champs électromagnétiques (CEM) sur les poissons.

35Ces derniers constituent une des craintes majeures des pêcheurs. Il faut rappeler que la relation de prise entre les pêcheurs et le poisson se construit par le biais de sondeurs. Les tâches très intenses sur l’écran du sondeur correspondent à des bancs extrêmement denses : « Des fois, c’est des nappes ! Ça fait vingt à trente mètres de haut sur 300 à 400 mètres de long. Au radar, ça fait un mur ! » [39] Quand le banc de poissons croise un câble téléphonique ou électrique, « tchac ! [les mains de notre interlocuteur jaillissent, signe que le banc de poissons explose], après le câble, on ne peut plus pêcher, il faut attendre que le banc se reforme, parfois durant quatre ou cinq milles » [40]. L’avantage de l’organisation naturelle en banc, qui confère une efficacité à l’action de pêche, est perdu lorsque les poissons croisent les câbles sous-marins. Pour cette raison, le raccordement du parc de Veulettes conduit les pêcheurs à demander un suivi spécifique des populations marines.

36Les contacts entre le développeur éolien et les pêcheurs sont établis depuis le début des années 2000. Les pêcheurs ont négocié avec le développeur la réalisation d’un point zéro afin de déterminer l’état de la zone de pêche avant et après les travaux, et d’arrêter le niveau des compensations. Le point zéro, en particulier son protocole, a fait l’objet de nombreuses négociations entre les pêcheurs, le développeur et les scientifiques. Les pêcheurs demandent à ce qu’il soit bien plus qu’un prélèvement de poissons. Ils exigent qu’il reflète la pratique locale de pêche et implique des experts locaux – « Ce qu’on veut, c’est que ce soit nos bateaux parce qu’ils connaissent la zone » [41]. Des contraintes de calendriers (calendrier du projet, disponibilité des équipes Ifremer, etc.) excluent l’Ifremer : le développeur n’a d’autre choix que de retenir la Cellule de suivi du littoral normand (CSLN) [42].

Fig. 3

Plan d’échantillonnage théorique relatif à l’étude halieutique sur le parc éolien offshore de Veulettes-sur-Mer

Fig. 3

Plan d’échantillonnage théorique relatif à l’étude halieutique sur le parc éolien offshore de Veulettes-sur-Mer

(source : CSLN, 2007)

37Initié en juillet 2007, le protocole du point zéro a été proposé par la CSLN, négocié avec les pêcheurs puis approuvé par l’Ifremer en décembre 2007. Dans le principe, il s’agit « d’une méthodologie d’échantillonnage composite […], qui sélectionne a priori les techniques de pêche les plus représentatives des pratiques locales et dont les résultats restent exploitables d’un point de vue scientifique » [43]. L’aire d’étude comprend plusieurs zones afin d’évaluer « la dispersion potentielle des bancs de poissons pélagiques » [44] du fait des câbles sous-marins : une zone intérieure (le parc éolien), une zone d’influence proche (2 milles autour du parc), une zone d’influence éloignée (4 milles) et une zone hors influence (5 milles) conçue comme une zone de référence, ne subissant aucune influence et constituant un point de comparaison dans le temps.

38La lecture attendue de l’aire de pêche serait d’avoir un nombre à peu près constant de prises dans chacune des zones avant la mise en place du parc, puis de voir le nombre de prises se modifier dans la zone intérieure après sa mise en place.

39Enfin, il ne suffit pas pour les pêcheurs de démontrer l’incidence du parc offshore sur la ressource halieutique. Il leur faut mesurer le manque à gagner. Non seulement « la nature […] a des cycles » [45], mais il faut encore connaître les habitudes de fréquentation de la zone par les marins-pêcheurs, les quotas dont ils disposent et les quantités de poisson pêchées [46]. Pour être indemnisé, chaque marin-pêcheur doit faire remonter sa déclaration individuelle de pêche aux affaires maritimes du département concerné. Face à l’ampleur du problème, depuis 2006, le CRP s’occupe de récolter les déclarations, chacune rapportée à une cartographie [47] composée de rectangles statistiques (1° longitude x 0,5° latitude) et produisant un découpage régulier de l’espace maritime (Guitton et al., 2003).

40Pour défendre au mieux les pêcheurs, le CRP a élaboré puis fait valider, après un an d’effort – « Ifremer n’était pas d’accord. Il a fallu qu’on monte à Paris » [48] –, un réajustement de cette cartographie sous la forme d’une partition du rectangle 28FO (localisation du projet éolien) en six et non plus en quatre compartiments : « Ces carrés statistiques, c’est immense… Moi ce que je veux c’est que les gens qui pêchent dans cette zone-là [28F05] puissent le justifier » [49].

Fig. 4

Carte des zones statistiques

Fig. 4

Carte des zones statistiques

(source : Ifremer, 2006)
Fig. 5

Carte des zones statistiques de déclaration de pêche modifiée par le Comité régional des pêches

Fig. 5

Carte des zones statistiques de déclaration de pêche modifiée par le Comité régional des pêches

(2008)

41Le processus qui vient d’être décrit [50] illustre la façon dont un parc éolien en mer ne se développe pas à environnement social constant. L’arrivée du parc éolien engage un travail de redéfinition des contours des collectifs concernés par le projet. Il met en place de nouveaux attachements entre le développeur, l’administration, les pêcheurs, les poissons, l’Ifremer, etc., et compose un milieu capable de suivre, arbitrer et réguler les impacts induits par la technologie éolienne. Les enjeux de paysage sont un autre exemple de lien terre-mer induit par l’éolien « offshore » qu’il faut réguler pour garantir le développement du parc de Veulettes-sur-Mer.

Fig. 6

Photomontages de la vue depuis la plage de Veulettes sans et avec éoliennes

Fig. 6

Photomontages de la vue depuis la plage de Veulettes sans et avec éoliennes

(source : Enertrag, projet de parc éolien en mer de la Côte d’Albâtre, dossier de demande de permis de construire, juillet 2007)

Partager le visuel : distribuer la sensation pour arbitrer les compensations

42« Le paysage en mer !! [rires] La notion juridique de paysage en mer, ça n’existe pas » [51], déclare la direction régionale des affaires maritimes au Havre. La DDE, à Dieppe, malgré son approche terrestre du projet ne dément pas ce regard [52]. Pourtant, le recours au PC inclut un volet paysager. Il donne une portée juridique minimale au paysage et oblige la DDE à l’instruire. En pratique, son contenu se réduit à une description sommaire et à une brève analyse de covisibilités [53].

43Le point de vue est étoffé avec l’instruction de l’étude d’impact par la Diren de Haute-Normandie. Invoquer le rapport au littoral comme point de vue constituant du paysage permet à la Diren de faire exister et d’évaluer ce paysage comme paysage visuel, au travers des catégories traditionnelles d’administration du paysage terrestre. Celles-ci incluent notamment la présence d’éléments patrimoniaux et les covisibilités, qui sont mises en œuvre de manière située à partir de trois points de vue : les valleuses, les falaises et la plage de Veulettes-sur-Mer [54]. La Diren juge le projet positivement et sans recommandations. L’absence de réglementation spécifique des paysages marins conduit donc à un traitement de la sensation visuelle à partir de codes esthétiques forgés à terre.

44Curieusement, sur le projet de Veulettes-sur-Mer, l’enjeu paysager est moins délicat pour les services de l’environnement que pour les services fiscaux de l’État. Le projet peut motiver une compensation, au travers d’une « taxe éolienne », pour les communes littorales subissant un préjudice visuel.

45Cette taxe exige une péréquation fondée sur l’évaluation et le partage de l’incidence visuelle du parc vis-à-vis de ces communes. Comment constituer cette sensation paysagère et la mesurer ? Selon le décret 2008-851 [55], les communes éligibles sont celles situées dans un rayon de 12 milles marins autour de l’unité de production et pour lesquelles celle-ci est visible. Mais, fait remarquer un élu local, « c’est quoi la visibilité ? La loi ne précise pas […] » [56]. S’il existe un schéma d’ensemble de répartition de cette taxe [57], les modalités d’évaluation des impacts et de redistribution [58] font l’objet de négociations. Le développeur conteste l’équité du mode de calcul proposé par le ministère de l’Économie, qui désavantage les communes faiblement peuplées et fortement impactées visuellement, comme Veulettes-sur-Mer. Le développeur travaille sur de nouveaux modes de calcul qu’il soumet à l’appréciation du ministère [59].

46Ces éléments sont intéressants en ce qu’ils montrent l’importance des conditions de milieu qui rendent possible le jugement sur le paysage : nature de la sensation, mode de mise en partage, public constitué ou non. En effet, l’évaluation paysagère de la Diren profite de l’expérience acquise sur l’éolien terrestre qu’elle met en œuvre de manière située (valleuse, littoral) et face à un public familier de ces critères de jugement (comité éolien). En revanche, le ministère de l’Économie et le développeur doivent imaginer les règles d’un nouveau partage du sensible (incidence visuelle) qui ne bénéficie historiquement d’aucun antécédent.

Expérimenter, planifier pour composer un milieu « offshore »

47On voit donc qu’en l’absence de doctrine édictée au niveau central, le projet de Veulettes a exploré la constitution de son milieu associé selon plusieurs dimensions, avec toujours beaucoup de mal à clore l’assemblage qui correspondait à ce milieu, ce qui a entraîné une inflation en matière de coût et de temps pour le développeur. Ce cas extrême montre toute la difficulté en aménagement pour passer d’une logique procédurale à une « prospective du milieu » (Labussière, 2010), à partir de laquelle initier un travail de renouvellement des méthodes et des modèles d’action en fonction de l’exploration d’un cas [60].

48Le tableau qui suit résume les principes et pratiques qui ont présidé à la constitution de ce milieu en suivant les enjeux d’implantation et de connexion maritime du parc éolien.

49On constate qu’une recomposition de la relation terre-mer est à l’œuvre sur tous ces enjeux et qu’elle se joue : pour l’ancrage des éoliennes, sur le mode du droit, par empilement de procédures au moyen d’un pontage par la concession d’utilisation du DPM en dehors des ports ; dans le champ du paysage au moyen de la mise en œuvre située de normes visuelles d’instruction tenant au « Paysage-d’État » (Nadaï et Labussière, 2013, à paraître) ; dans le champ de la pêche au moyen de la mise en œuvre d’une plateforme d’expérimentation entre pêcheurs, chercheurs et développeur afin d’évaluer l’influence des champs magnétiques sur les captures de poissons.

50Sur le plan de la politique éolienne, l’analyse montre que le pôle éolien a été le lieu d’un apprentissage sur le montage de projets éoliens offshore, mais les leçons du projet de Veulettes-sur-Mer sont doubles.

51D’une part, elles pointent une impasse. Conçu initialement comme un processus d’apprentissage entre l’État et les développeurs, le projet est extrêmement coûteux et son « montage n’est pas reproductible » [61]. Dans les faits, l’administration délivra la concession d’utilisation du DPM le 16 juillet 2008 et le PC le 1er septembre 2008 [62]. À l’été 2011, différents contentieux retardent les travaux et aucune éolienne n’est encore implantée en Manche. Les actifs du projet (acier, câbles, poste électrique, etc.) sont stockés en différents points de l’Europe, en attente d’une levée des recours qui intervient fin 2012. Début 2014, alors que deux appels d’offres nationaux ont été lancés en France, une filière industrielle éolienne offshore est en cours de structuration. Une association haute normande d’industriels de cette filière a décidé d’utiliser le site et les actifs du projet – matériel et autorisations, complétés par des éléments issus de sous-traitants français – afin de développer un « pilote complet » de six éoliennes (sur les 21 prévues au départ). « Instrumenté de toutes parts », ce pilote permettra non seulement d’installer les premières éoliennes offshore en France, mais aussi d’en « tirer toute la quintessence du point de vue de la recherche, de la connaissance de l’environnement, de l’impact de l’éolien sur le milieu, de l’effet récif des fondations, etc. » [63]. Veulettes retrouve ainsi une actualité après de douloureux apprentissages. Ces derniers auront contribué à réorienter la manière d’aborder et de composer le milieu offshore pour l’éolien.

Fig. 7

Les modalités de recomposition du milieu marin associé au projet de Veulettes-sur-Mer

Fig. 7
Implantation du parc 3. Connexion sous1. Ancrage en mer 2. Présence visuelle marine Enjeu Allocation de droits (stabilité juridique) Continuité paysagère (stabilité sociale et juridique) Intégration de la pêche (compatibilité socioéconomique) Recomposition Terre/Mer (articulation droit marin/droit terrestre) Terre/Mer (continuité visuelle) Mer (milieu sociotechnique) Moyens Comité éolien (laboratoire) Accès restreint Rassembler/accélérer les processus de décisions Navette centre/périphérie Comité éolien, « Paysage-d’État », compensations Extension gouvernementalité paysage aux relations terre/mer (patrimoine/abords/covisibilités ; formes paysagères ; procédures d’instructions) Rassembler/accélérer les processus de décisions Compensations/redistributions (simulation impact visuel) Plateforme expérimentale, compensations Protocole expérimental hybride (équipement, savoir-faire des pêcheurs, représentations scientifiques et statistiques) Compensations économiques Individuation Couplage par addition (absence de doctrine, empiler) « trop fort n’a jamais manqué » Cadrage par norme située (cadrer/étendre des relations visuelles en les resituant) Couplage par expérimentation (intégrer dans un dispositif d’expérimentation)

Les modalités de recomposition du milieu marin associé au projet de Veulettes-sur-Mer

(Source : Cired, 2010)

52En effet, en 2008, pour de nombreux services, autant terrestres que maritimes, le montage juridique de « Veulettes » est une « hérésie » : la procédure est longue, elle accumule les outils juridiques et convoque le droit de l’urbanisme en mer. Pour le SGMER, ces tensions étaient prévisibles : « On a fait ce laboratoire dans les pires conditions […], les contradictions que chaque administration assumait au niveau central se sont concrétisées au niveau local » [64]. Pour le développeur, « c’est un travail de défrichage qui a permis de se rendre compte du caractère peu opérationnel de ces procédures en mer » [65]. L’expérience sur ce projet tend à valider la position du SGMER selon laquelle le passage de l’éolien en offshore appelle une recomposition du milieu marin capable de stabiliser des jeux de relations, d’éviter leur prolifération de manière à concentrer les moyens investis dans la constitution du milieu associé aux projets. À partir de mars 2008 [66], les évolutions de la politique éolienne offshore bénéficient de cette leçon, relayée par divers canaux vers le Grenelle de l’environnement qui débouche sur une suppression des ZDE (zones de développement éolien) et du permis de construire en mer [67]. Ce recadrage de la politique éolienne offshore est entériné dans son principe lors du Grenelle de la mer en juillet 2009. L’État annonce alors sa volonté de soutenir le développement des énergies marines par « une gestion intégrée en concertation avec les différents acteurs et dans le respect de l’environnement » [68].

53Pour le SGMER, ce recadrage de l’État s’effectue sur la base d’un « retour à la réflexion établie il y a six ans ». « Le projet de Veulettes a permis d’explorer des impasses » [69] d’une gestion sectorielle des enjeux et d’un transfert des procédures terrestres en mer. Les dysfonctionnements de cette gestion ont orienté de nombreux pays vers une gestion intégrée de l’espace marin (Unesco, 2009) qui trouve un nouvel élan en France après le Grenelle de l’environnement [70] et le Grenelle de la mer.

Conclusion

54L’analyse du processus de développement du projet de Veulettes-sur-Mer montre que l’éolien, plus qu’une technologie générique, possède des modes d’existence multiples, faits de ramifications développées au contact de normes et de modes de mise en partage qui l’associent à un milieu social, technique et biologique. Faute d’attention à cette nature multiple des liens de l’éolien à son milieu, les administrations ont eu bien du mal à recalibrer la technologie éolienne en rapport avec la mer, et la mer en rapport avec l’éolien. L’absence de prise en compte de ces ramifications a conduit à une vaine tentative d’exportation de l’éolien terrestre en mer : elle fondait en mer les procédures de droit terrestre sur un montage juridique mimant un milieu terrestre associé, mais faisant fi des réels attachements de la technologie à son milieu.

55Les apprentissages à partir du projet de Veulettes-sur-Mer empruntent des voies multiples et détournées. Le projet ne trouve aujourd’hui un portage renouvelé et une actualité en tant que projet pilote, qu’après avoir contribué à réorienter la politique éolienne et sa manière d’aborder le milieu offshore. Pilote instrumenté, il est actuellement promis à devenir un lieu d’expérimentation et de production de connaissance sur le milieu marin, poursuivant par-delà les étapes ici analysées, un processus de co-constitution entre la technologie et son milieu associé.

56Si l’analyse illustre, au travers des errances de ce projet, une forte dépendance de la technologie à ses modes d’assemblages passés, elle montre que ceux-ci peuvent être mis en suspens et rouverts selon d’autres logiques. L’image peut-être la plus forte de ce cas d’étude est celle d’un projet dont les actifs en souffrance sont stockés dans divers sites en Europe, en attente d’un hypothétique assemblage, alors même que ce projet poursuit son existence sous d’autres modes, travaillant inlassablement à la composition de son milieu associé.

57Ce cas d’étude montre donc, par les errances et les leçons du processus qu’il analyse, la manière dont une technologie recompose son milieu et se recompose à l’occasion de son déploiement. Il appelle à une attention redoublée à ces liens au moment où la voie d’une planification stratégique de l’espace maritime et du développement en « offshore » s’ouvre en France.

58Au-delà du cas d’étude et de l’éolien offshore, il montre toute la pertinence d’un croisement des approches de la technologie comme assemblage hétérogène avec l’approche de Gilbert Simondon sur le milieu associé et l’individuation pour comprendre les enjeux technologiques contemporains.

Remerciements

Ce travail a été réalisé avec l’appui financier du Conseil français de l’énergie, du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de la Mer (MEDDM-Programme PDD « Paysage et développement durable »), de l’Agence française de l’environnement et l’énergie (Ademe, convention no 0710C0019), de la région Île-de-France (R2DS) et du Programme interdisciplinaire énergie du CNRS et de l’Agence nationale de la recherche (ANR, Appel sociétés innovantes, 2011, Projet Collener).

Références

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Mots-clés éditeurs : Seine-Maritime (France), éolien, mer, dispositifs institutionnels, milieu associé

Date de mise en ligne : 26/11/2014

https://doi.org/10.1051/nss/2014039

Notes

  • [1]
    Ce projet fut le seul sélectionné parmi onze projets dans le cadre d’un appel d’offres national (octobre 2003).
  • [2]
    Entretien, ex-ingénieur Enertrag France, février 2014.
  • [3]
    Premier parc offshore en mer du Nord, entré en production en 2010 (http://www.alpha-ventus.de/).
  • [4]
    Entretien, ex-ingénieur Enertrag France, février 2014.
  • [5]
    L’analyse qui suit a été conduite de 2007 à 2010 ; des compléments d’enquête réalisés début 2014 ont permis d’actualiser le devenir du projet de Veulettes-sur-mer. Au début de l’année 2014, un projet de site test pour l’éolien offshore est envisagé, soutenu par les acteurs qui, depuis 2005, se sont positionnés comme les majors de l’éolien.
  • [6]
    Une version provisoire de ce papier a été présentée au colloque international « Territoire et environnement : des représentations à l’action », Citeres, CNRS, Université François Rabelais, 8-9 décembre 2011.
  • [7]
    Les tarifs d’achat sont en place depuis 2001. En 2007, au moment de la sélection du projet de Veulettes-sur-mer, 713 MW éolien étaient installés à terre, 1 557 MW autorisés et 3 198 MW en cours d’instruction (http://www.industrie.gouv.fr).
  • [8]
    Le terme est employé dans son sens mécanique (présence ou non de pignons démultiplicateurs).
  • [9]
    À la fin 2009, 2 GW d’éolien offshore étaient installés dans l’Union européenne, notamment au Royaume-Uni, au Danemark et aux Pays-Bas (EWEA, 2010).
  • [10]
    Par une intervention du cabinet du Premier ministre (entretien, SGMER, 9 décembre 2008).
  • [11]
    L’Ademe avait commandité, depuis la fin des années 1990, des études en différents points des façades maritimes françaises (ressource en vent, conditions géotechniques, raccordement au réseau).
  • [12]
    Entretien, SGMER, 9 décembre 2008.
  • [13]
    Communiqué de presse du ministère du Développement durable.
  • [14]
    À noter autour de la question des usages, le rôle la loi Littoral du 3 janvier 1986 et des schémas de mise en valeur de la mer (SMVM).
  • [15]
    Entretien avec le SGMER, le 9 décembre 2008.
  • [16]
    Idem.
  • [17]
    Idem.
  • [18]
    Entretien avec la DDE de Dieppe, le 7 février 2008.
  • [19]
    Idem.
  • [20]
    Concession d’utilisation du DPM en dehors des ports depuis le décret du 29 mars 2004, ce dernier ayant été intégré au Code général de la propriété des personnes publiques (articles R 2124-1 à 12).
  • [21]
    Une autorisation dite Loi sur l’eau est nécessaire pour les travaux d’aménagement portuaires et autres ouvrages réalisés en contact avec le milieu marin et ayant une incidence directe sur ce milieu, dont le montant est supérieur ou égal à 1 900 k (article R. 214-1 du Code de l’environnement).
  • [22]
    Entretien, DDE de Dieppe, 7 février 2008.
  • [23]
    Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction.
  • [24]
    Idem.
  • [25]
    En comité éolien, la DDE précise : « Le SGMER n’est pas favorable à cette interprétation et privilégie la souveraineté de l’État sur le DPM. Seule une décision du Conseil d’État peut trancher cette question », préfecture de Rouen, comité éolien, réunion du 15 mai 2006, relevé des conclusions, p. 2. Aucune décision n’ayant été prise en Conseil d’État à ce propos, il semble que la DGUHC soit parvenue à imposer sa vision.
  • [26]
    Entretien, DDE de Dieppe, 7 février 2008.
  • [27]
    Idem.
  • [28]
    Préfecture de Rouen, comité éolien, réunions du 15 novembre 2005 et du 21 février 2006.
  • [29]
    Entretien, DDE de Dieppe, 7 février 2008.
  • [30]
    Cette disposition est entrée en vigueur le 1er octobre 2007, à l’article L431-4 du Code de l’urbanisme.
  • [31]
    Idem, pp. 6-10.
  • [32]
    Idem, p. 78-85.
  • [33]
    Dossier de révision simplifiée du POS de Veulettes-sur-Mer, p. 5. Le parc éolien rompt avec les dispositions usuelles des secteurs ND en associant un secteur naturel à une très grande infrastructure d’un porteur de projet privé.
  • [34]
    Idem, p. 73.
  • [35]
    Entretien avec la DDE de Dieppe, le 7 février 2008.
  • [36]
    Entretien avec la Dram, le 20 février 2008.
  • [37]
    Les enquêtes publiques, pour certaines conduites conjointement, portent sur l’autorisation de concession en DPM, la Loi sur l’eau, le PC pour les éoliennes, le PC pour le poste électrique à terre, la loi Littoral, la révision simplifiée des POS, la pose de la ligne 90 KV.
  • [38]
    La demande d’interdiction doit selon l’arrêté d’usage du DPM émaner de la préfecture maritime pour des enjeux de sécurité. Le développeur, de son côté, s’est plusieurs fois prononcé en faveur d’un principe de cohabitation entre les éoliennes et les pêcheurs.
  • [39]
    Entretien, CRP, 7 février 2008.
  • [40]
    Idem.
  • [41]
    Idem.
  • [42]
    Créée en août 1986, la CSLN est une association régie par la loi du 1er juillet 1901. Elle a pour objectif d’améliorer les connaissances concernant le littoral et son environnement.
  • [43]
    CSLN, 2007, pp. 2-3.
  • [44]
    CSLN, 2007, p. 3.
  • [45]
    Entretien, CRP, 7 février 2008.
  • [46]
    Idem.
  • [47]
    Élaborée par le Conseil international pour l’exploration de la mer (Ciem), un groupe d’experts internationaux créé en 1902, qui coordonne la recherche sur les ressources et l’environnement marins sur l’Atlantique Nord.
  • [48]
    Entretien, CRP, 7 février 2008.
  • [49]
    Idem.
  • [50]
    Les résultats de la mise en œuvre du protocole de suivi comme les modalités de calcul de la compensation pour les pêcheurs ne sont pas connues de nous – ces points n’étaient pas encore stabilisés au moment de notre enquête.
  • [51]
    Entretien avec la Dram, le 20 février 2008. En fait, les estrans, qui à marée basse constituent des paysages marins découverts par la mer, et les paysages sous-marins sont validés par le droit à l’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme.
  • [52]
    Entretien avec la DDE de Dieppe, le 7 février 2008.
  • [53]
    Enertrag, projet de parc éolien en mer de la Côte d’Albâtre, dossier de demande de permis de construire, pp. 18-19 et 42-52.
  • [54]
    Avis rendu par la Diren, le 14 novembre 2007, 3 p.
  • [55]
    Décret no 2008-851 du 26 août 2008 relatif aux conditions d’application et de répartition de la taxe annuelle sur les installations de production d’électricité, utilisant l’énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale (modifié depuis, se référer aux articles 1519 B et C du Code des impôts).
  • [56]
    Entretien, président de la communauté de communes de la Côte d’Albâtre, 29 février 2008.
  • [57]
    Enertrag, projet de parc éolien offshore « Côte d’Albâtre » au large de Veulettes-sur-Mer. Étude d’impact environnemental, pp. 285, 287 et 288.
  • [58]
    Le rapport de présentation pour la révision du POS de Veulettes-sur-Mer (p. 11) réfère à la Loi de finances rectificative du 30 décembre 2005, laquelle institue cette taxe dans le Code des impôts (articles 1379, 1519 et 1635) au profit des communes. Lors de notre entretien avec la direction des services fiscaux à Rouen, il est apparu que le décret d’application n’était toujours pas paru, voire que le ministère des Finances n’avait pas encore arrêté d’orientation.
  • [59]
    Entretien, Enertrag, 10 juin 2008.
  • [60]
    Pour une exploration de ce type de démarche à partir des enjeux d’avifaune en éolien terrestre, voir Nadaï et Labussière (2010) et Labussière et Nadaï (2011).
  • [61]
    Entretien, SGMER, 9 décembre 2008.
  • [62]
    Et l’autorisation Loi sur l’eau le 14/01/2008.
  • [63]
    Entretien, ex-ingénieur Enertrag France, février 2014.
  • [64]
    Idem.
  • [65]
    Enertrag, comité éolien du 6 novembre 2008.
  • [66]
    Notamment au travers du comité opérationnel 10 du Grenelle de l’environnement.
  • [67]
    Article R 421-8-1 du Code de l’urbanisme issu du décret n° 2012-41 du 12 janvier 2012, qui exonère les ouvrages EMR d’autorisations au titre du Code de l’urbanisme.
  • [68]
    Grenelle de la mer, « Le livre bleu des engagements du Grenelle de la mer », 10 et 15 juillet 2009, 71 p.
  • [69]
    Entretien avec le SGMER, le 9 décembre 2008.
  • [70]
    Voir en particulier le chapitre IX du projet de loi Grenelle 2, « Engagement national pour l’environnement », présenté en conseil des ministres le 7 janvier 2009, 114 p.

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