Couverture de MUSUR_193

Article de revue

Éditorial

Pages 3 à 5

1Ce numéro spécial de Musurgia est dédié aux 25 ans de la revue. Il rassemble – aux côtés d’une contribution libre – les trois articles primés lors du concours d’articles organisé en 2019 à l’occasion de l’anniversaire de la revue. Célébré dans le cadre des JAM19 (Journées d’Analyse Musicale 2019) de la Société française d’Analyse musicale, cet événement ponctue un quart de siècle de parutions régulières ayant donné lieu à 26 volumes, 71 numéros et 450 contributions – introductions, articles, notes de lecture – de 245 auteurs. Les 25 ans de Musurgia marquent par ailleurs le début d’un nouveau cycle entamé deux ans plus tôt. Nicolas Meeùs, à qui la revue doit principalement l’abondance et la qualité de sa production scientifique, a en effet cédé la main en 2017 à une nouvelle équipe de rédacteurs en chef, qui grandit désormais avec les tâches qui lui ont été confiées et œuvre à asseoir et développer la revue. Cet objectif passe par l’affirmation de Musurgia en tant que revue internationale à comité de lecture, dotée d’organes de planification et d’évaluation scientifiques : un comité de rédaction et un comité de lecture, constitués à la fois de chercheurs confirmés et de plus jeunes musicologues, établis en France, en Allemagne, en Belgique, au Canada et au Royaume-Uni. Musurgia s’adosse également à un comité des institutions, qui réunit à ce jour la Société française d’Analyse musicale, le Groupe de recherches expérimentales sur l’acte musical et l’Institut de recherche en Musicologie. Ce comité, qui vise à favoriser l’articulation institutionnelle de la revue, permet d’en renforcer le rayonnement et la vitalité. Que ces institutions, à commencer par la SFAM, soient chaleureusement remerciées pour le soutien scientifique et financier qu’elles apportent à Musurgia.

2Ce rayonnement institutionnel accompagne l’ouverture à l’international d’une revue qui a l’ambition de s’affirmer en tant qu’acteur du réseau construit à l’issue du congrès de Colmar, et dont le trentième anniversaire a également été fêté en 2019. Ce positionnement se matérialise par une publication accrue en anglais dans l’optique double de créer un espace de dialogue entre différentes traditions analytiques et théoriques, et de renforcer la visibilité des publications de l’espace francophone à l’étranger. Pour ce faire, la revue sollicite avec ferveur les travaux d’analystes et de théoriciens de la musique et invite ses lecteurs à soumettre leurs propositions de publications, qu’elles soient en français ou en anglais.

3Ce moment particulier dans l’histoire de Musurgia est aussi l’occasion de remercier les éditions ESKA et son directeur Serge Kebabtchieff, qui assument depuis sa création la production et la diffusion sous forme papier et électronique de la revue. C’est aussi grâce à cette maison d’édition que chacun des lauréats du concours s’est vu offrir une série intégrale de Musurgia lors de la cérémonie de remise des prix qui s’est tenue le samedi 30 novembre 2019 au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris.

4Ce concours, lancé au printemps 2019 sur les réseaux nationaux et internationaux, a donné lieu à 18 soumissions, dont 10 en français (56 %) et 8 en anglais (44 %). Outre la langue de rédaction, l’attractivité de la revue s’observe par la provenance géographique des contributions. Neuf pays ont ainsi été représentés : 44 % des articles sont le fruit de chercheurs français, 39 % sont issus de pays voisins tels que l’Allemagne, l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni, la Pologne ou l’Ukraine, et les 17 % restants nous sont parvenus d’Australie et des États-Unis.

5Les profils des participants se sont montrés relativement équilibrés avec, d’une part, 56 % d’hommes et 44 % de femmes et, d’autre part, 56 % de contributions ayant concouru pour le prix « Jeune chercheur », qui désignait à cette occasion les chercheurs en cours de master ou de doctorat ainsi que les docteurs ayant soutenu leur thèse depuis moins d’un an. Il s’agissait d’encourager leurs recherches en destinant plus particulièrement à l’un ou l’une d’entre eux une des trois récompenses.

6Les articles soumis ont témoigné d’une riche palette méthodologique, de l’analyse tonale, modale, rythmique et formelle à l’analyse sémiologique et esthétique, en passant par l’analyse du geste, de l’orchestration et des pratiques musicales. Quant aux répertoires musicaux abordés, ils témoignent d’un intérêt particulier pour les musiques du XXe siècle – 6 articles en lien avec cette période – tout en rendant compte d’une grande diversité de répertoires : musique classique-romantique, musique baroque, musiques populaires et traditionnelles, jazz et musique de film. Cette variété augure de belles perspectives pour les domaines de l’analyse et de la théorie musicales.

7Au-delà de ce foisonnement de profils et de sujets d’études, la rédaction en chef est particulièrement heureuse de constater que la jeune génération de chercheurs continue de s’emparer avec force et enthousiasme du vaste champ de l’analyse et de la théorie musicales. La satisfaction est même double, tant par le nombre de jeunes chercheurs ayant répondu à l’appel que par la qualité, la rigueur méthodologique et la maîtrise scientifique de leurs propositions. Jugés à l’aveugle et sans procédure différenciée, les articles des jeunes chercheurs se sont hissés au niveau de ceux de leurs aînés. Plus encore, ce sont même un doctorant, Kelvin Lee, et une doctorante, Ondine Razafimbelo, qui figurent parmi les trois articles récompensés par le jury du concours. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’équipe de Musurgia, souhaitant souligner la qualité intrinsèque des trois articles sélectionnés, a finalement décidé d’attribuer trois prix identiques, sans distinction d’âge ou d’ancienneté dans le métier.

8L’équipe renouvelle ses félicitations aux trois lauréats, appelle toute la communauté d’analystes et de théoriciens à faire vivre et rayonner la discipline en France, en Europe et au-delà en multipliant les publications, et encourage à nouveau les plus jeunes à rendre visibles leurs travaux dès leurs premiers pas dans la recherche.

9* * *

10L’article de Kelvin H. F. Lee s’intéresse au genre du poème symphonique à travers une analyse riche et extrêmement minutieuse de Pelléas et Mélisande op. 5 de Schoenberg. Outre la référence aux écrits de Schoenberg ainsi qu’à une analyse de l’œuvre publiée par Alban Berg en 1920, ce travail s’appuie sur une palette d’outils théoriques actuels – en particulier de Fred Lerdahl, Steven Vande Moortele et Richard Cohn – dans l’objectif de développer une approche personnelle visant à une meilleure explicitation de l’union étroite qui existe au sein de la pièce entre forme musicale et contenu expressif.

11L’article de José António Oliveira Martins propose un outil conceptuel novateur pour l’analyse de distances scalaires en général et de distances scalaires rencontrées dans le répertoire polytonal en particulier. À travers les notions de porosité (porosity), d’inadéquation (mismatch) et de réorientation (reorientation), cette grille de lecture met en évidence certaines stratégies de composition à l’œuvre dans les pièces polytonales de Darius Milhaud, Béla Bartók et Maurice Ravel. L’outil élaboré contribue à une meilleure compréhension des processus harmoniques et des modèles d’écoute qui sous-tendent la polytonalité. Simultanément, il pose, sans complètement y répondre, la question du rapport de la polytonalité à la tonalité.

12Ondine Razafimbelo se penche sur le substrat musical du Peau d’âne de Jacques Demy. L’auteure s’empare avec rigueur du thème de « la recherche de l’Amour », qui ouvre et fonde la trame narrative du film, pour en étudier les multiples transformations, écho de la complexité sous-jacente du conte originel. Partant d’une analyse exhaustive et particulièrement parlante des dérivations – mélodiques, harmoniques, orchestrales, etc. – du matériau de la fugue initiale, l’auteure décrypte le travail compositionnel des plus savants de Michel Legrand et montre combien le propos musical soutient, renforce et enrichit le fil dramatique de l’œuvre.

13Enfin, l’article de Jérôme Rossi, centré sur Alexis Roland-Manuel, vient compléter ce numéro « Anniversaire » en apportant une contribution supplémentaire au champ de l’analyse filmique. Prenant appui sur des extraits judicieusement choisis et transcrits de l’œuvre du compositeur, nourris de propos d’époque et éclairés par des concepts théoriques actuels sur l’écriture et les fonctions de la musique au cinéma, l’auteur propose une vaste synthèse de l’œuvre musico-cinématographique du compositeur. Acteur discret mais incontournable du passage du cinéma muet au cinéma parlant, Alexis Roland-Manuel se dévoile en serviteur fidèle de l’image, cherchant à accorder à la musique sa juste place, entre illustration décorative et soutien de la narration, entre écritures savantes et inspirations populaires, intégrant la voix au discours musical, lui-même indissociable d’une conception à plus large échelle de la bande-son.


Date de mise en ligne : 12/11/2020.

https://doi.org/10.3917/musur.193.0003
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