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Article de revue

Le post-sionisme : une vision plus juste de la société israélienne contemporaine

Pages 49 à 55

Notes

  • [*]
    Professeur à l’université Ben Gourion du Néguev, Beer Sheva, Israël. Rédacteur en chef de la revue Geopolitics.
    Texte traduit de l’anglais par Claudine Lehman et Dimitri Nicolaïdis.
  • [1]
    É. Cohen « Israël as a post zionist society », Israel Affairs, 1 (3), p. 203-214. 1995.
  • [2]
    I. Pappe, « Post zionist critique on Israël and the Palestinians », Journal of Palestine Studies, 26 (2), p. 29-41, (3) 37-43, (4) 60-69.
  • [3]
    L. Silberstein, The post-Zionism debates : knowledge and power in israeli culture, Routledge, Londres, 1999. E. Nimni (Éd.), The challenge of post zionism : alternatives to fundamentalist politics in Israel, Zed Books. 2003.
  • [4]
    A. Epstein. Voir aussi S. Aronson, « The post-zionist discourse and the critique of Israel : a traditional zionist perspective », Israel Studies, 8 (1), P. 105-129, 2003.
  • [5]
    A. Kemp, D. Newman, U. Ram & O. Yiftachel (Éds.) Israelis in conflict : hegemonies, identities and challenges. Sussex Academic Press. 2004.
  • [6]
    U. Ram, « The state of the nation : contemporary challenges to zionism in Israël » in A. Kemp et alii, op. cit., p. 305-320.
  • [7]
    D. Newman, « From national to post-national territorial identities in Israel-Palestine », Geojournal n° 53, p. 235-246. 2001. (nouvelle édition in A. Kemp et alii, op. cit.
  • [8]
    O. Yiftachel, « Ethnocracy and its discontents : minorities, protest and the israeli policy », Critical Inquiry n° 26 (4), p. 724-756.
English version

1 Face aux impasses de l’idéologie sioniste, largement dominante dans le monde universitaire comme au sein de la classe politique israélienne, y compris à gauche, le post-sionisme ne propose pas seulement une critique radicale du modèle historique originel, fondé sur l’identification entre l’État et le peuple juif à travers un territoire sacré. Il part d’abord de l’observation des mutations sociales depuis la création de l’État d’Israël et constate simplement que le modèle n’est plus opératoire, qu’il est en décalage par rapport à une société désormais ouverte sur le monde et aux modes d’organisation « post-modernes », y compris dans la manière d’occuper l’espace et de modeler le paysage.

2 La communauté universitaire israélienne participe largement au débat public qui touche aux réalités politiques et sociales du pays. Il n’est pas rare de voir des universitaires dans les débats télévisés, de lire leurs opinions dans les éditoriaux des principaux journaux israéliens ou de voir leur signature en bas de pétitions, qu’elles soient favorables ou contre la politique gouvernementale. Cette implication dans le débat public concerne souvent le conflit israélo-palestinien, mais aussi d’autres sujets sociaux et économiques, dans la mesure où une nouvelle génération, plus critique, de chercheurs en sciences sociales tentent de rendre compte de l’évolution d’une société qui s’est transformée en profondeur depuis la création du pays il y a cinquante ans.

3 Durant ces quinze dernières années, une approche critique de la société israélienne a vu le jour : le post-sionisme. Elle a souvent été à l’origine des grands débats politiques. Les tenants de cette position fournissent quelques-uns des principaux arguments de la critique post-moderne de l’État, considérant qu’un État-nation qui offrirait un statut privilégié à l’une de ses composantes ethniques ou nationales, ne pourrait pas être en même temps une véritable démocratie garantissant le principe d’égalité à tous ses citoyens. Ils considèrent plutôt qu’Israël devrait s’engager dans un processus de redéfinition de sa propre identité, conçue non plus comme un État uniquement juif ou sioniste, mais comme un État de tous ses citoyens.

4 Ce qui a commencé comme un débat académique entre sociologues s’est progressivement développé bien au-delà de la tour d’ivoire universitaire pour se transformer en une querelle politique passionnée sur le devenir de l’État. Proposer une lecture scientifique des réalités sociales n’est pas chose aisée en Israël dans la mesure où tout ce qui pourrait remettre en cause la vision dominante de l’État et de la société est automatiquement perçu comme une remise en cause existentielle de l’État. Les limites entre le monde universitaire et le monde politique se sont brouillées au point que la querelle ne s’est plus limitée au premier mais modèle désormais les modes d’intervention dans le débat public et intellectuel.

• La critique post-sioniste de l’État et le réveil du maccarthysme

5 Le terme « post-sionisme » a été utilisé en premier par le sociologue de l’université hébraïque, Érik Cohen, à la fin des années 1980 [1], et a été décliné de différentes façons tout au long des années 1990 par une école de sociologues « critiques », notamment Uri Ram à l’université Ben Gourion et Barukh Kimmerling à l’université Hébraïque. Il a été également associé à l’école des « Nouveaux historiens » ou historiens « révisionnistes » comme Ilan Pappe à l’université de Haïfa, Benny Morris à l’Université Ben Gourion, et Avi Shlaim à l’université d’Oxford [2].

6 Ces théories sont devenues, à leur tour, l’objet de beaucoup de critiques de la part des politiques et des universitaires [3]. Dans le milieu universitaire, il a toujours existé une critique de la politique du gouvernement en provenance de ce qu’on pourrait appeler l’« establishment de gauche », notamment dans les départements d’histoire et de sciences politiques du pays. Mais cette critique a toujours pris place dans un cadre conceptuel plus large où le caractère juif et sioniste de l’État d’Israël ne faisait aucun doute. La critique de la politique du gouvernement, notamment en ce qui concerne l’occupation permanente de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et le maintien des Palestiniens dans un espace de non-droit, n’a jamais remis en question les fondements idéologiques de l’État. Il allait de soi que l’État d’Israël devait rester un État juif et sioniste, bien que le prolongement de l’occupation d’une population palestinienne en forte croissance et tendant à la parité démographique avec la majorité juive menaçait l’existence même de l’État juif. La critique de gauche traditionnelle peut ainsi être perçue comme le moyen de maintenir les caractéristiques juives et sionistes de l’État. Elle permet de justifier « la solution de deux États » au conflit israélo-palestinien auprès d’une population israélienne sceptique et au sein de laquelle beaucoup estiment que le principe d’auto-détermination ne s’applique pas aux Palestiniens.

7 Le discours post-sioniste a été bien au-delà dans sa critique de l’État. Le post-sionisme a remis en question les principes de base qui définissaient l’État d’Israël, en posant comme antinomique le maintien d’un État juif/sioniste avec le respect d’une véritable démocratie égalitaire, puisqu’il est impossible que tous les citoyens soient vraiment égaux tant que l’État sera défini exclusivement comme un État-nation juif. Ce point de vue a été très critiqué par l’establishment politique et universitaire, dont l’idéologie dominante et la conception de la « critique acceptable » ont été remises en cause par une nouvelle génération d’universitaires dont beaucoup avaient été influencés par les analyses sur la globalisation et le post-modernisme, et pour qui le rôle traditionnel de l’État pouvait ne pas conduire automatiquement à une politique de séparation et d’exclusion à partir de critères ethniques.

8 Les universitaires qui ont conduit cette critique post-sioniste ont donc été accusés d’être contre l’État, de menacer l’existence d’un foyer juif en affaiblissant les fondements existentiels de l’État juif. Les plus véhémentes de ces attaques sont venues de la gauche universitaire dont les positions se voyaient affaiblies par une forme de critique plus authentique. Les universitaires qui adoptèrent l’approche post-sioniste comme une autre façon d’appréhender la réalité israélienne ont été accusés d’être trop politiques, et la qualité ainsi que l’intégrité de leurs recherches et de leurs publications ont été mises en doute. Un article récent, signé par Alek Epstein, un politologue, et paru dans Azure, une revue de pensée juive de l’Institut néo-conservateur Shalem, est assez caractéristique des nombreuses attaques de ce type publiées ici ou là : il est reproché à la communauté des sociologues d’être davantage préoccupée de donner une coloration politique à la critique post-sioniste plutôt que de faire avancer la recherche académique et la connaissance dans le champ plus large de sa discipline [4].

9 Il est désormais devenu banal de voir stigmatisée comme « post-sioniste » toute forme de critique de gauche lorsque celle-ci ne reste pas en deçà des bornes acceptables du discours universitaire dominant en Israël. Ce type d’attaques s’est accentuée au cours des trois dernières années, après l’échec des négociations de Camp David entre Israël et les Palestiniens et dans le sillage des évènements du 11 septembre aux États-Unis. La critique du discours de gauche s’est transformée en une nouvelle vague de maccarthysme à l’université comme en politique, de façon à délégitimer toute forme de critique. C’est ainsi que les partisans de nouvelles négociations destinées à apporter la paix dans la région et à mettre fin à l’occupation, sont obligés de prendre leur distance avec le stigmate du « post-sionisme » puisque cette forme de pensée n’est pas considérée comme faisant partie des intérêts à long terme de l’État. Accuser les positions politiques de la gauche sur la question du conflit israélo-palestinien d’être corrompues par le point de vue post-sioniste est devenu un réflexe trop facile. D’où la tendance, de la part des courants pacifistes majoritaires, à se démarquer de la critique post-sioniste de la société – ce qui n’aboutit qu’à une fragmentation des points de vue et à une division des forces de gauche.

10 En d’autres termes, une notion souple, inventée pour offrir une vision alternative de la société israélienne, fait désormais partie du discours politique, et est devenue le parangon négatif de la loyauté à son pays, cible de contre-critiques systématiques. L’augmentation du nombre de think tanks néo-conservateurs est assez révélateur de cette tendance, qu’il s’agisse de l’Institut Shalem ou du Centre de politiques publiques de Jérusalem, ou encore de ces institutions pseudo académiques créées, avec l’appui du gouvernement israélien, dans les Territoires occupés, comme le « Collège Ariel » dont les membres sont presque exclusivement de droite.

• Une approche post-moderne de la société israélienne

11 Mais le post-sionisme est beaucoup plus qu’une simple critique politique de la société israélienne. C’est également un cadre analytique pour comprendre une société passée du stade d’un État en formation, luttant pour son droit à l’existence, à un État qui n’est plus face à une menace existentielle collective et où les jeunes générations s’inscrivent dans un monde global auquel elles s’identifient. Si le sionisme était de fait l’idéologie d’un État en formation, émergeant dans sa forme politique à la fin du xixe et au début du xxe siècle alors que triomphait le modèle européen de l’État-nation (comment comprendre sinon la Déclaration Balfour de 1917 qui s’inscrivait dans le contexte de la fin de la Première Guerre mondiale alors que s’enclenchait le grand partage territorial du monde avec à la clé les promesses d’accession au statut d’État-nation faites à de nombreux groupes ethniques et nationaux ?), le sionisme a alors pleinement réussi, dépassant les espérances les plus folles de ses premiers concepteurs. Israël, en tant que membre à part entière de la communauté des États, a conquis sa souveraineté, l’indépendance et le droit à une certaine normalité malgré le conflit en cours. Les objectifs du sionisme, tels que perçus par les pères fondateurs, étaient de deux ordres : la création d’un asile sûr pour les Juifs persécutés du monde entier et celle d’un État moderne et normal qui trouverait sa place comme membre à part entière de la famille des nations. Israël a sans aucun doute atteint ces deux objectifs et, de ce fait, on peut raisonnablement penser qu’il est désormais temps de passer à un mode de fonctionnement post-sioniste caractérisé par l’achèvement de la construction de l’État et par un processus de développement économique et social fondé sur un schéma universel plutôt que sur une logique d’exclusion ethnique et nationale.

12 Cette analyse critique de la société laisse peu de domaines indemnes. L’ouvrage collectif publié récemment sous le titre Les Israéliens en conflit : hégémonies, identités, défis[5] offre un bon exemple de la diversité des terrains d’analyse de la société et dont les approches plus globalisantes gagnent en légitimité. Ces terrains concernent aussi bien les bédouins d’Israël que les communautés d’immigrés africains, les femmes palestiniennes que les Mizrachi (Juifs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient) et traitent de formes d’expression aussi différentes que le rock israélien ou la poésie et la chanson d’avant garde.

13 Tout aussi flagrante pour l’auteur de ces lignes, spécialiste de géographie politique et d’aménagement du territoire, cette évolution se traduit dans les changements intervenus en matière d’aménagement de l’espace urbain et régional, et les transformations du paysage liées aux nouveaux modes de peuplement du pays. Le lecteur de n’importe quel ouvrage classique de géographie humaine d’Israël sera impressionné par l’impact important de l’idéologie sur les nouveaux modes d’inscription des hommes dans le paysage israélien. En leur temps, le moshav et le kibboutz, formes spécifiques de villages ruraux collectifs et coopératifs, symbolisèrent la transcription spatiale du sionisme en tant qu’idéologie totalisante. La nature même du système des implantations juives en Palestine suffisait à refléter entièrement les objectifs socio-politiques du sionisme des premiers temps. Les communautés rurales étaient l’expression d’un égalitarisme social, « d’un retour au sol », et ont été également très efficaces dans le développement d’un système étendu de contrôle des territoires disputés. Après la formation de l’État d’Israël en 1948, le planning régional et urbain a été soumis à l’intervention et au contrôle rigide du gouvernement comme le moyen de maintenir les mêmes impératifs idéologiques – la création d’un environnement sioniste. Plus de 90 % de la terre appartenait au gouvernement, la plus grande partie étant réservée à l’agriculture. Les spéculations sur la terre et le développement urbain – qui touchent beaucoup plus d’Israéliens que le développement de l’agriculture – étaient limités à des zones relativement petites car ces évolutions étaient considérées comme anti-idéologiques par nature.

14 Au cours des années 1970, une lutte s’engagea pour modifier les conceptions dominantes de l’aménagement du territoire, les nouvelles générations de travailleurs éduqués désirant désormais vivre à l’extérieur des villes dans des communes dortoirs, mais en dehors du cadre contraignant de l’habitat collectif et coopératif. Ce qui avait été bon pour leurs parents et grands-parents ne l’était plus pour de jeunes adultes éduqués travaillant dans le secteur tertiaire et dont la vision du monde et du rôle de l’État dans une société en pleine mutation était complètement différente. Dans un premier temps, l’État, par l’intermédiaire des autorités chargées de l’aménagement du territoire, essaya de résister au changement, mais trouva vite qu’il s’agissait d’un combat perdu d’avance. Le poids des changements économiques et sociaux se montra beaucoup plus important que le pouvoir d’intervention de l’État.

• Un autre rapport à l’espace et au territoire

15 Aujourd’hui, trente ans après, le modèle de la banlieue résidentielle pour classes moyennes est caractéristique du paysage israélien, tandis que les moshavs et les kibboutz sont en voie de privatisation, et que l’agriculture n’est plus un des moyens de production importants et compétitifs pour l’économie israélienne. Pour certains, en particulier pour ceux de la génération qui a créé le pays, c’est une crise anti-idéologique. Mais pour la plupart, c’est simplement un processus normal où l’État s’adapte aux changements de comportement économique et social d’une génération qui souhaite prendre sa place dans le monde contemporain et non suivre un modèle idéologique anachronique qui a pu être pertinent quatre-vingts ou même quarante ans auparavant, mais qui ne l’est plus dans le monde moderne post-industriel. En bref, l’émergence des banlieues et l’apparition de nombreux immeubles de bureaux en centre-ville dans les principales métropoles sont caractéristiques du nouveau paysage postsioniste qui remplace progressivement le modèle étriqué d’aménagement du territoire consubstantiel du sionisme conçu comme doctrine de « construction de l’État ». Observer ces changements n’implique pas que l’on porte un jugement dessus. Ils ne sont ni « bons » ni « mauvais », mais sont simplement le reflet des nouvelles normes économiques et sociales dans le cadre d’une société jeune et dynamique.

16 L’un des principaux théoriciens du discours critique post-sioniste, le sociologue Uri Ram, a proposé la notion symétrique de néo-sionisme pour caractériser le discours de droite qui rejette également les éléments constitutifs du sionisme traditionnel compris comme idéologie de la construction d’un État moderne [6]. Le soutien de ces néo-sionistes à l’occupation des territoires palestiniens, leur opposition au retrait de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, devrait pourtant conduire inévitablement à un État binational unique dans lequel Israéliens et Palestiniens finiraient par avoir un poids démographique équivalent et logiquement à partager le pouvoir politique, et où le sionisme cesserait de constituer le fondement idéologique de l’État. Étant donné que les colons de droite et les universitaires néo-conservateurs se perçoivent eux-mêmes comme les seuls vrais patriotes, cette critique ébranle à coup sûr leurs assises idéologiques. Il n’est donc pas surprenant que, traduit dans le discours politique contemporain, se soient les post-sionistes de gauche et les néo-sionistes de droite qui s’opposent à la construction du mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens, pour des raisons diamétralement opposées. Les premiers parce qu’ils sont prêts à vivre dans un seul État binational démocratique et les autres parce qu’ils refusent les droits de souveraineté et de contrôle à tout autre groupe ethnique ou national sur le territoire de leur ancienne patrie. Mais dans les deux cas, les conséquences politiques et démographiques qu’entraînerait l’existence d’un territoire unique, seraient exactement les mêmes, bien que les formes de la relation au pouvoir (pouvoir partagé dans un cas et pouvoir sous contrôle hégémonique dans l’autre) soient complètement différentes.

17 L’importance accordée au territoire dans le cadre de l’État-nation est remise en question par les idéologies aussi bien post-sionistes que néo-sionistes. L’attachement congénital à un territoire conçu comme lieu des origines a été au cœur même du sionisme [7], depuis le désir originel de retour à l’ancienne patrie après deux mille ans d’existence en diaspora jusqu’à la revendication irrédentiste des néo-sionistes de contrôler le territoire du Grand Israël qui, d’après eux, leur a été promis par Dieu, promesse qui, en dernier recours, représente un droit inaliénable. Le pragmatisme politique caractéristique du sionisme a permis que s’impose le choix d’un partage des territoires comme le meilleur moyen de garder un morceau de territoire où les Juifs resteraient majoritaires. C’est cette même idée qui sous-tend les tentatives pour résoudre le conflit israélo-palestinien via la formation de deux États séparés, l’un israélien, l’autre palestinien, avec des frontières incontestables entre les deux. Alors que le discours post-sioniste s’adapte à l’idée d’une séparation territoriale, il s’autorise également à penser la notion de territoire unique avec un système de partage du pouvoir dans le cadre d’« un État pour tous ses citoyens » et/ou celle d’ethnocratie élaborée par le géographe critique israélien, Oren Yiftachel [8].

18 L’impossibilité d’avoir une discussion pondérée sur le post-sionisme vient du fait qu’il est immédiatement identifié, par ses détracteurs, à un discours et à un programme politiques à combattre, plutôt que comme une autre façon d’appréhender une société en pleine mutation. Malgré cela, une nouvelle génération de jeunes universitaires, regroupés autour de quelques figures académiques, étudie de nouveaux objets et propose de nouvelles analyses à l’intérieur d’un cadre conceptuel post-national désormais opératoire. On s’en rend compte lorsqu’on fréquente les séminaires organisés dans le cadre des différentes composantes des universités ou les conférences académiques partout en Israël. Deux des centres les plus importants pour ce type d’activités sont d’une part le Séminaire de recherches interdisciplinaires de l’Institut Humphrey à l’université Ben Gourion du Néguev, qui regroupe une grande partie de la culture critique, d’autre part les groupes de travail qui s’activent en permanence dans le cadre de l’Institut Van Leer de Jérusalem. S’il serait une erreur de considérer ce paradigme comme la nouvelle grille de lecture dominante pour l’analyse de la société israélienne, ce serait une erreur tout aussi dommageable que de chercher à délégitimer cette approche et à l’exclure du cadre, pourtant de plus en plus perméable et souple, du débat universitaire israélien. •

Notes

  • [*]
    Professeur à l’université Ben Gourion du Néguev, Beer Sheva, Israël. Rédacteur en chef de la revue Geopolitics.
    Texte traduit de l’anglais par Claudine Lehman et Dimitri Nicolaïdis.
  • [1]
    É. Cohen « Israël as a post zionist society », Israel Affairs, 1 (3), p. 203-214. 1995.
  • [2]
    I. Pappe, « Post zionist critique on Israël and the Palestinians », Journal of Palestine Studies, 26 (2), p. 29-41, (3) 37-43, (4) 60-69.
  • [3]
    L. Silberstein, The post-Zionism debates : knowledge and power in israeli culture, Routledge, Londres, 1999. E. Nimni (Éd.), The challenge of post zionism : alternatives to fundamentalist politics in Israel, Zed Books. 2003.
  • [4]
    A. Epstein. Voir aussi S. Aronson, « The post-zionist discourse and the critique of Israel : a traditional zionist perspective », Israel Studies, 8 (1), P. 105-129, 2003.
  • [5]
    A. Kemp, D. Newman, U. Ram & O. Yiftachel (Éds.) Israelis in conflict : hegemonies, identities and challenges. Sussex Academic Press. 2004.
  • [6]
    U. Ram, « The state of the nation : contemporary challenges to zionism in Israël » in A. Kemp et alii, op. cit., p. 305-320.
  • [7]
    D. Newman, « From national to post-national territorial identities in Israel-Palestine », Geojournal n° 53, p. 235-246. 2001. (nouvelle édition in A. Kemp et alii, op. cit.
  • [8]
    O. Yiftachel, « Ethnocracy and its discontents : minorities, protest and the israeli policy », Critical Inquiry n° 26 (4), p. 724-756.
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