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Article de revue

Le développement territorialisé à Douala : fondements et repérage des modalités institutionnelles d'une dynamique nouvelle

Pages 111 à 130

Notes

  • (*)
    F.S.E.G. Université de Yaoundé II-SOA - B.P. 18. SOA (CAMEROUN) jjressombe@ yahoo. fr- L’auteur tient à remercier particulièrement Hubert GERARDIN (Université Nancy 2), ainsi que les deux référés anonymes pour leurs remarques constructives.
  • [1]
    On utilisera indifféremment les expressions "Communauté Urbaine de Douala (CUD)", "Municipalité", "Exécutif Municipal" ou "Exécutif Communautaire" pour désigner la même entité.
  • [2]
    Cette loi, votée en Juillet 2004, instaure les "Collectivités Territoriales Décentralisées" (CTD) et reconnaît désormais à ces dernières le rôle d’acteurs principaux du développement local ou territorial, avec pour mission "la programmation et la mise en œuvre d’actions de développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif, dans le cadre des compétences qui leur sont transférées par l’État".
  • [3]
    Par ailleurs, les études en cours, initiées par l’Observatoire Économique Urbain de Douala, et qui portent notamment sur l’évolution de la localisation des petites et moyennes entreprises (PME) ou de l’emploi salarié apporteront également des précisions importantes sur l’impact de l’animation environnementale effectuée par la CUD dans le développement des entreprises à Douala (effets institutionnels/effets de territoire, structuration productive,… ).
  • [4]
    D’après la thèse du livre célèbre de Granier ( 1947), selon laquelle la région parisienne, avec ses pôles industriels, exerçait un processus d’attraction qui déséquilibrait le territoire français.
  • [5]
    Comme l'approche développée en termes de "semi-industrialisation" ou celle de "l'école de la régulation", celle du "développement local" est apparue comme une des tentatives de renouvellement de l'économie du développement. Considérant que les grandes mutations des années '80 (retournements spatiaux, apparition des NPI...) interpellaient les acquis théoriques sur l'industrialisation en général, cette approche proposera une adaptation de la théorie du développement à travers la problématique de l'économie spatiale (Essombè, 1990 115-126).
  • [6]
    Crevoisier ( 2001) souligne que toutes ces approches, et leurs variantes, affirment d’abord l’hétérogénéité de l’espace à travers la prise en compte des dimensions sociales, culturelles et historiques des activités productives et des compétences individuelles et collectives.
  • [7]
    La notion de "pôle de croissance", comme celle des "industries industrialisantes" (de Bernis, 1966), décrivaient le modèle de développement qui prédominait depuis les années 1950. Sur le plan industriel, celui-ci se caractérisait par la promotion des grandes entreprises (ou des grands complexes) avec un système de production et d’organisation basé sur l’extension progressive du fordisme et du taylorisme. Au niveau du territoire (l’espace économique), cette pratique s’articulait sur deux idées-forces, la polarisation et la domination. On considérait que la présence d’une activité économique en un lieu déterminé polarise d’autres activités et propage, autour une dynamique de développement. L’effet de polarisation est identifié à l’activité de l’industrie lourde, un peu comme le modèle soviétique des années 1920 où la sidérurgie et la grosse mécanique (industries "motrices") étaient alors considérées comme le moteur du développement. De son côté, l’idée de domination, dans l’analyse de l’espace économique, s’est appuyée sur l’existence supposée d’inégalités croissantes entre pays et entre régions. Il y aurait ainsi un centre et une périphérie. (voir Baran, 1967 ; Amin, 1970 ; Salama, 1979 ; Essombè, 1995).
  • [8]
    On sait aussi que la Banque mondiale, en 1986, fut la première à utiliser l’expression "le fardeau de la dette", pour désigner le facteur pénalisant que représentait désormais le niveau de la dette des États africains dans leur processus de développement.
  • [9]
    Pour ces auteurs, comme pour Aydalot ( 1986), ces différentes trajectoires de l'économie locale ou spatiale sont aussi génériques parce qu'elles entretiennent en leur sein une pluralité de variantes et de configurations spatiales.
  • [10]
    Le succès de cette stratégie dépendant, en particulier, de la proximité des centres de recherche scientifique, de la présence abondante de la main-d'œuvre universitaire potentielle, de l'existence de réseaux de coopération entre entreprises, ou d'une forte intervention en termes d'aides publiques à la recherche et au développement technologique.
  • [11]
    On sait aussi depuis que ces réseaux sont constitués de relations à finalité productive et qu'autour d’eux, l'entrepreneur mobilise deux types de ces relations, à savoir un ensemble d'institutions susceptibles d'entretenir des relations avec l'entreprise, et un réseau plus personnel et, souvent, informel (famille, amitiés), la combinaison de deux types de réseaux définissant le "milieu local" (Essombè, 1990 ; Pecqueur, 1992).
  • [12]
    Pour cet auteur, la région, dès lors qu'elle existe, est un espace vécu, vu, ressenti, aimé ou rejeté par les hommes, et projetant sur eux des images qui les modèlent.
  • [13]
    Initiateur de l’importante notion de "district industriel", qui est au centre de sa théorie de la localisation industrielle et qui, elle-même, repose sur le concept d’économie externe, Marshall ( 1890) le définissait comme le modèle d’une localisation dans la même zone géographique d’un grand nombre de petites entreprises exerçant une même activité productive, ainsi que d’un certain nombre d’autres entreprises dotées d’une activité complémentaire (fournisseurs de machineries et d’équipements). Une telle co-localisation des activités diverses permet alors de générer des effets spécifiques d’ordre dynamique : une circulation des informations et des savoir-faire qui se révèle être, en même temps, une source d’innovation, de dynamisme des entreprises ou encore, des économies d’échelle occasionnant, pour les fournisseurs de machines, par exemple, des productions adaptées aux besoins des entreprises locales et cela, à des conditions avantageuses pour ces dernières (Dimou, 1998 24-32 et 2002).
  • [14]
    Voir également schéma 1.
  • [15]
    Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale. Elle groupe, outre le Cameroun, la RCA, le Gabon, le Tchad, le Congo et la Guinée Équatoriale.
  • [16]
    Au Cameroun, elles désignent les entreprises, industrielles ou commerciales, employant moins de 10 salariés.
  • [18]
    Dans l’étude intitulée "Stratégie sectorielle de réduction de la pauvreté en milieu urbain", le ministère de la Ville faisait remarquer que même si le pourcentage des pauvres est moins élevé en ville qu’en milieu rural, "la couche de citadins pauvres s’épaissit de plus en plus, et les conditions de vie dans certaines zones urbaines sont pires que dans les zones rurales" (MINVILLE, 2003,7-8).
  • [19]
    S’il ne peut être fait ici un inventaire exhaustif de toutes les actions entreprises par la CUD depuis 2001, on peut néanmoins retenir, dans la voisinage de l’amélioration des conditions du développement des entreprises à Douala, d’autres réalisations (hors infrastructures) en matière : - d’assainissement : avec l’accroissement de 24% du taux d’enlèvement des ordures ménagères entre 2001 et 2003, une augmentation de 50% du nombre des secteurs couverts par la société locale de ramassage de ces ordures, ainsi qu’un accroissement significatif des fréquences des collectes de celles-ci, et des opérations de curetage de drains primaires dans différents quartiers de Douala, qui ont contribué à faire diminuer sensiblement les inondations dans la ville. - d’habitat social : réalisation en cours, grâce à sa structure d’économie mixte (Société d’aménagement de Douala) et en collaboration avec une firme financière française, de 500 logements sur un terrain de 15 ha (lotissement de Mbanga-Japoma, 1,5 millions) livrables avant fin 2005. Mise en chantier des études de réalisation prochaine d’autres logements successivement au nord (lotissement Lendi) et au nord-ouest de la ville (lotissement de Bonamatoumbè). - de nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) : création dans le premier arrondissement de Douala d’un centre multimédia équipé de plus d’une centaine d’appareils fonctionnant à haut débit, et mise en chantier de la réalisation de centres similaires dans chaque arrondissement de la ville, etc.
  • [20]
    dont l’Agence française de développement (AFD).
  • [22]
    Réalisé avec la participation combinée des pouvoirs publics et du secteur privé par le système "Built, Operate and Transfert" (BOT).
  • [23]
    La loi du 22 Juillet 2004 sur la décentralisation énonce les compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées (régions, communes,… ). Elle leur reconnaît dorénavant le rôle d’acteur principal du développement local, notamment, en matière du développement économique, culturel, d’utilisation des domaines privé et public de l’État, de planification et d’aménagement urbain,… Il s’est surtout agi de transférer aux collectivités territoriales décentralisées certaines compétences jusque-là fortement encadrées par l’État, dans une logique relevant plus de la déconcentration que de la décentralisation au sens plein du terme.
  • [24]
    Le Groupement interprofessionnel des entreprises du Cameroun (GICAM), basé à Douala, constitue le patronat camerounais. D’autres partenaires ont travaillé de concert avec la CUD à la mise en place de l’A 2D, notamment, le port autonome de Douala, la Fédération nationale des associations de PME (FENAP), la Chambre de commerce, d’industrie, des mines et de l’artisanat du Cameroun (Agence de Douala), ainsi que certaines associations de la société civile de Douala.
  • [25]
    La ville a été également, dès 2002, appelée à intégrer les villes africaines désignées "villes du NEPAD" (nouveau partenariat pour le développement économique en Afrique).

1Depuis la fin des années 1970 on assiste à travers le monde à l’abandon de l’idée d’un développement économique exclusivement centrifuge. Et ce, non seulement parce que le modèle de concentration spatiale de la production qui la sous-tendait a montré ses limites explicatives et opérationnelles, mais aussi parce que, parallèlement, on a constaté que nombre de régions infra nationales (ou de formations sociales) affichaient un dynamisme dont le soubassement se situait loin des bases du système de production et d’organisation industrielle jusqu’à lors dominant, le "fordisme".

2Essentiellement marqué par le jeu subtil d’un certain nombre d’acteurs, c’est-à-dire les entreprises et les collectivités publiques territoriales, l’économie spatiale (ou locale) ainsi mise en évidence propose une nouvelle démarche en matière de développement. Celle-ci définit un "modèle" dans lequel le système productif local n’est plus une simple juxtaposition d’entreprises mais un système d’articulations entre les instances politiques et économiques (Pecqueur, 1992) et qui, partout, remarque-t-on, permet également une meilleure adaptation à la mondialisation. Premier centre économique du Cameroun et principale porte d’entrée des pays voisins (Tchad, RCA,...), Douala, ville dont la population est estimée à 3,2 millions d’habitants et qui réalise plus de 65% du PIB national, a décidé de se doter d’un environnement amélioré en vue de maximiser le développement des activités sur son territoire. Sous les effets conjugués des conséquences de l’ajustement structurel, par exemple, la cité était devenue en l’espace de deux décennies le théâtre d’une urbanisation rapide particulière qui y a accentué la constitution des bidonvilles. De plus, avec un taux de chômage de 25,6%, contre 8% de moyenne nationale (République du Cameroun, 2003, p. 5), les conditions économiques et sociales (précarité, accroissement de la pauvreté urbaine,...) s’y sont dangereusement dégradées. Dans le même temps, la croissance démographique y reste élevée, avec un taux moyen estimé à 8% par an contre 3%, en moyenne, pour l’ensemble du pays (Devey, 2004,7). Conscient de son rôle d’acteur du développement local, l’Exécutif Municipal [1] a, depuis trois ans, entrepris un certain nombre d’actions qui tendent à faire désormais rentrer la ville dans le courant des évolutions récentes en matière de développement économique, à savoir celles impulsées par le concept et la pratique du "développement local". Devançant la nouvelle loi sur la "décentralisation" [2], la Municipalité a entrepris de prendre en charge le développement économique et social de la ville. Une attitude singulière qui se caractérise à la fois, par le contenu de plus en plus varié de ses interventions, et par son souci permanent d’amélioration de l’environnement des entreprises à Douala. Cet article est une présentation des actions récemment développées par la Communauté Urbaine de Douala, en matière d’animation économique locale, afin de contribuer à la mise en place d’un environnement favorable au développement des entreprises dans la ville (Essombè, 2004a et b) [3]. Après avoir identifié et délimité le cadre théorique d’intelligibilité du développement local et spatial (I), suivent les outils idoines mobilisés par la CUD pour modeler l’environnement des entreprises et l’économie de la ville (II).

I. CADRE THÉORIQUE D’INTELLIGIBILITÉ DU DÉVELOPPEMENT LOCAL

3Ce cadre fait apparaître le "local" comme un support essentiel du "global" et définit, en même temps, le développement local comme la résultante d’une dynamique initiée et sans cesse entretenue par des acteurs précis.

I. 1 Le local comme cadre support du global

4Depuis les années 1970, on a pu constater que l’industrialisation ne pouvait être le seul résultat d’un développement centrifuge issu des grands complexes industriels, ou des "pôles de croissance" (Perroux, 1955). À la faveur, par-ci, de la décentralisation et, par-là, de la crise du fordisme et de ses "cathédrales (construites) dans le désert" ou encore, de l’émergence des nouveaux pays industriels (NPI) asiatiques, on a examiné d’un peu plus près les causes profondes du dynamisme des espaces infra nationaux. En Europe comme en Amérique, notamment, on découvrait ainsi que l’émergence des nouveaux dynamismes régionaux consacrait, parallèlement, la fin de la suprématie des régions infra nationales anciennement industrialisées avec des grands complexes. Tandis que l’espace s’homogénéisait, les spécialisations sectorielles par région s’estompaient. En France, par exemple, le dynamisme des régions effaçait, progressivement, la vieille image de "Paris et le désert français" [4].

I. 1.1 De la crise du fordisme à l’émergence du développement local

5La problématique du développement local [5] qui en a découlé fait l’objet d’une abondante littérature économique, où elle est abordée de différentes manières. Cette nouvelle dynamique du développement des territoires a ainsi permis de mettre en évidence plusieurs approches liées à la problématique marshallienne (le "district industriel"), celles évolutionnistes des "milieux innovateurs" et, celles, dites "industrial organization" (Courlet, Pecqueur et Soulage, 1993 ; Dimou, 1998) [6]. Le constat qui est fait, à l’issue de ces travaux, est qu’il existe une nouvelle distribution des acteurs dans l’espace économique. Celle-ci s’opère tant entre les pays qu’à l’intérieur de chacun d’entre eux, et les renversements territoriaux qui s’en sont suivis ont mis à mal les modèles traditionnels de représentation de l’espace (Aydalot, 1984 ; Lacour, 1985). Le fordisme avait conduit à l’élaboration d'un discours et de pratiques de l'espace, dont la dialectique a été à l’origine d’une idéologie de l'espace économique, et qui fonctionnait comme "un paradigme" (Pecqueur, 1986). Pour l’Afrique, par exemple, cela se traduisait aussi, par la mise en place d’une industrialisation exclusivement basée sur la grande dimension (industries industrialisantes, pôles de croissance) [7], le processus généralisé de concentration spatiale de la production et un endettement qui, aujourd’hui encore, demeure un fardeau (Essombè, 1995) [8]. Or ce modèle de développement, en refusant de reconnaître une moindre spécificité aux territoires, avait également conduit à l’instauration d'un modèle de croissance de type "extensif" (extension constante de l'espace soumis à des règles). Si le problème du rôle des territoires est depuis réapparu et a été placé au cœur de l'analyse économique, c'est aussi parce que l'idéologie de l'espace polarisé (paradigme issu du fordisme) qui, pendant longtemps, avait masqué la dimension territoriale aura fini par montrer ses limites explicatives et opérationnelles. L'activité économique se spatialisait, en effet, selon la logique bipolaire de la croissance polarisée. En outre, l'espace était divisé entre des centres (avec des niveaux de développement quantitativement élevés, et avec de fortes concentrations de populations et d'activités industrielles et de services) et des périphéries (à niveaux de développement faibles, peu peuplées et faiblement industrialisées). Si la première idée largement utilisée dans l'analyse de l'évolution de l'espace économique a été la polarisation, la seconde fut celle de la domination. On expliquait alors que celle-ci naissait du fait de l'existence des inégalités croissantes entre régions et parfois entre pays. Comme dans l'analyse du sous-développement, l'interprétation de l'évolution des espaces économiques laissait transparaître l'idée que les régions (ou les pays) qui ont l’organisation productive la plus avancée imposent toujours une "règle de jeu" aux autres. On retrouvait les analyses, jadis développées en termes de "dépendance" (Essombè, 1995,23-34) et, plus généralement, de "l'échange inégal" (Emmanuel, 1975) ou encore de "développement du sous-développement" (Gunder Franck, 1977).

I. 1.2 De la pluralité des trajectoires dans le développement local

6Sous l'effet de plusieurs facteurs, comme les innovations technologiques, des attraits environnementaux particuliers, ou des externalités des collectivités territoriales organisées, voire de l’implication volontariste de celles-ci, une nouvelle interaction est apparue entre le global et le local. Celle-ci a eu pour conséquences, remarquaient Quevit et Doren ( 1993), le développement d'une multiplicité de situations spatiales particulièrement difficiles à appréhender à partir des paramètres de la bipolarité spatiale, comme en témoignait alors le déclin des régions anciennement industrialisées. L'espace s'homogénéisait et les spécialisations sectorielles s'effaçaient. Une évolution qui permettait encore à ces auteurs de dresser les différentes trajectoires de développement régional qui s'en dégageaient. C’est ainsi qu’après avoir observé, comme Aydalot ( 1986), la pluralité des formes d'organisation spatiale, Quevit et Van Doren (1993,43-45) tentaient un regroupement en quatre trajectoires génériques possibles, c'est-à-dire capables d'entretenir un type de relations spécifiques entre l'organisation du territoire, le rapport service-technologie-production et la mondialisation des échanges. Ces auteurs relevaient ainsi :

  • une trajectoire de développement spatial basée sur la science, qui s'appuie avant tout sur le rapport science et création de technologies génériques, grâce à la coopération entre les laboratoires de recherche et les entreprises de production de haute technologie [9];
  • une trajectoire liée aux fonctions stratégiques des entreprises ou des groupes industriels dans le processus de globalisation ;
  • une trajectoire fondée sur une logique de rupture/filiation, qui s'appuie davantage sur un mode d'organisation industrielle et des savoir-faire existants, tout en tirant profit de la diffusion des technologies en vue de moderniser le tissu productif et d'enclencher le processus de diversification [10];
  • une trajectoire du développement "diffus", reposant sur les capacités endogènes du milieu local (tradition entrepreneuriale locale, par ailleurs fortement structurée par des réseaux communs). Cette dernière trajectoire est également caractérisée par Courlet ( 1986) qui, à travers ce qu'il appelle "la nouvelle industrialisation", définissait l'émergence d'une organisation productive s'appuyant sur les petites entreprises (souvent créées par essaimage), à localisation variable dans l'espace infra national et qui assurent une croissance sans ruptures. Celle-ci repose alors sur la mobilisation d'une main-d'œuvre abondante et bon marché, grâce à des réseaux de solidarité spatiale et à des enracinements socioculturels profonds [11].

7En d’autres termes, on convenait aussi que le développement local peut apparaître sous une multitude de formes.

I. 2 Le développement local : une dynamique des acteurs

8Le développement local est construit à la fois, par les entreprises et les collectivités locales dans une dynamique qui tend à redécouvrir ou, simplement, à reconstruire l’identité (territoriale) collective.

I. 2.1 L'entrepreneur comme acteur du développement

9Pour expliquer les processus de développement, la science économique raisonne avec ses "boîtes à outils" de la microéconomie et de la macroéconomie (Pecqueur, 1992 ; Essombè, 1995). Dans un cas comme dans l'autre, l'acteur (ou l'entrepreneur) ne représente point l'essentiel. Puisqu'en effet, ce qui est important ce sont les lois fonctionnelles qui le font agir. Ainsi, telle délocalisation d'une usine du "Nord" s'expliquera par la recherche d'un différentiel favorable de coût de production qui pousse l'entreprise à s'installer dans un pays du "Sud". Et dans cette optique, le montant des salaires à verser, les niveaux de protection sociale des employés et celui des impôts et autres charges assimilées, sont généralement présentés comme les seuls facteurs qui déterminent le comportement de l’entrepreneur. De sorte que dans cette représentation, c'est la rationalité (ou l'objectivité) des manières d'agir qui est recherchée et mise en évidence. "L'homo oeconomicus" apparaît, en définitive, comme un être sans âme, uniquement intéressé par des mobiles élémentaires ; il s'ensuit la description d'un être juste capable de s'adapter passivement aux lois du marché. Or, on remarque que l’économie locale ou spatiale est aujourd’hui le fait d’acteurs précis, c’est-à-dire, des entreprises (souvent de petite taille et qui s’intègrent à la contexture locale, géographique, économique et sociale des territoires concernés) et des partenaires divers, dont les collectivités publiques locales, qui s’efforcent de créer, ou même de consolider, "un faisceau d’encadrements favorables" (Gourou, 1985). Ces éléments se conjuguent alors dans un jeu dans lequel le système productif local n’est plus une simple juxtaposition d’unités de production, mais un système d’articulation entre les instances politiques et économiques. C'est dire que la logique du développement, comme les différentes trajectoires vécues et précédemment recensées, démentent la vision de l'entrepreneur "être essentiellement passif". Tout ceci fait d’ailleurs apparaître la diversité et la complexité du jeu des acteurs comme la base des mutations de l'espace économique et de l'organisation industrielle. De même, la conduite des individus ne semble pas être dictée, non plus, par des contraintes extérieures qui pèseraient sur eux. Chaque acteur semble, au contraire, vouloir et pouvoir maîtriser une part de son environnement, une part que Frémont (1976), par exemple, nomme "l'espace vécu" [12]. À telle enseigne que la région, la ville et la commune deviennent des territoires pertinents pour redécouvrir, ou renouveler, une identité collective, ou pour développer des solidarités, ce qui permet au milieu de réagir aux défis des forces hétéronomes extérieures ou à la mondialisation. Le développement local en action apparaît ainsi comme la résultante d'un dialogue permanent des entreprises avec le territoire ou encore, celle des politiques territorialisées des grandes entreprises. Tout comme il peut aussi être la conséquence d’une action volontariste et dynamique des collectivités territoriales dans un rôle d'animation de l'économie locale.

I. 2.2 L'action décisive des collectivités locales (C.L.) dans l'animation économique

10L'abondante littérature économique sur le développement local et spatial met en évidence le rôle des C.L. dans l'animation du milieu économique local. On peut en retenir que de tous temps, les C.L. ont eu à recourir, par exemple, à des interventions directes auprès des entreprises, afin que celles-ci s'installent ou pérennisent leurs activités sur leur territoire. À cet effet, on recense une panoplie d'actions s’exprimant sous forme d'aides financières directes (primes diverses, actions sur l'immobilier industriel, construction et aménagement des zones industrielles à bas loyer,… ), de revalorisation du patrimoine immobilier existant (suivie des mises à disposition, soit gratuite, soit à faible coût, de bâtiments adaptés aux entrepreneurs) ou encore, de mises en place d’exonérations fiscales et autres garanties des emprunts des entreprises (Datar, 1995). Mais, compte tenu des limites de ce type d'actions, le contenu des nouvelles interventions économiques des C.L. est devenu beaucoup plus varié. Dans l'optique du développement local, on se soucie davantage de l'environnement de l'entreprise et, de façon plus générale, l’activité des C.L. se situe au niveau du service aux entreprises.

11La pratique du développement local aboutit aussi, le plus souvent, à la création de "comités locaux de bassin d’emploi" ou de "contrats de ville", qui ont pour dénominateur commun d’être assis sur un territoire, un "pays" ou un quartier dont la délimitation vise à définir un contexte géographique, culturel ou économique et d’avoir vocation d’associer tous les "acteurs" locaux ou à créer une synergie entre leurs différentes actions. Tout comme sur le plan industriel, et dans un contexte toujours marqué par la complexité et l’incertitude et où la recherche des formes alternatives de coordination impose de consacrer une plus grande place à la coordination des activités, des entreprises et des ressources humaines, la démarche peut se traduire (cas de la France) par l’encouragement à la constitution de "districts industriels" [13], à l’image de ce qui se fait en Italie (Garofoli 1985 et 1986 ; Perrat, 2001).

12On peut également reproduire à travers la figure ci-après (schéma 1) quelques structures caractérisant cette nouvelle pratique depuis plus d’une vingtaine d’années au niveau des C. L.

Schéma 1

Caractérisation du rôle des C.L. dans le développement local

Schéma 1
Schéma 1 : Caractérisation du rôle des C.L. dans le développement local Entreprises ou PME Besoins en informations, en formation,… Politiques d’implantation pour Responsables aménagement du territoire politiques locaux (ou C.L.) Services aux entreprises Pour le développement économique local  : mobilisation des institutions diverses, c'est-à-dire : ?-création en leur sein de services chargés des affaires économiques : avec des missions de développement précises,…. ?-création en leur sein de services chargés des affaires économiques : avec des missions de développement précises,…. ?-création en leur sein de services chargés des affaires économiques : avec des missions de développement précises,…. ?-création en leur sein de services chargés des affaires économiques : avec des missions de développement précises,…. ?-mise en place des "comités d’expansion" ou des "agences de développement", ?-promotion des "pépinières et/ou hôtels d’entreprises", ?-etc.,…

Caractérisation du rôle des C.L. dans le développement local

13 Il apparaît que la mobilisation des C.L. dans une politique d'animation économique locale se caractérise, à la fois par la fourniture de services aux entreprises et par l'adaptation de l'organisation administrative interne de ces collectivités afin de promouvoir des structures directement chargées d'apporter ces services aux créateurs locaux de richesses. Quant aux financements des initiatives de développement local, en Union européenne par exemple, ils peuvent également s'inscrire dans des procédures contractualisées entre l'État, les C.L. et la Communauté européenne (contrats de plans État-région, contrats de terroir, programmes de développement des zones rurales fragiles, programmes d'intérêts communautaires, etc.). Tirant les leçons à la fois des politiques industrielles, jadis, conduites en termes de "grandes entreprises" à Douala et de l’échec de celles de promotion des PME menées dans les années 1970 (problèmes de localisation et de

14Tirant les leçons à la fois des politiques industrielles, jadis, conduites en termes de "grandes entreprises" à Douala et de l’échec de celles de promotion des PME menées dans les années 1970 (problèmes de localisation et de consommation de l’espace urbain,...), mais aussi des conséquences de l’ajustement structurel (affaiblissement du dynamisme économique local, suite aux nombreuses fermetures d’entreprises et à la baisse de l’activité commerciale due à la paupérisation des consommateurs,….), et soucieuse de reconstruire la compétitivité territoriale de la ville, en particulier au niveau de la côte ouest africaine où celle-ci est en concurrence avec des cités comme Dakar, Abidjan ou Libreville, par exemple, l’Exécutif Communautaire a entrepris une démarche qui le positionne désormais comme un maillon essentiel du développement de la ville de Douala. Cette dernière s’y emploie, notamment, par la mobilisation (comme beaucoup d’autres C.L.) d’institutions de plus en plus expérimentées dans la pratique du développement local [14].

II. LA DÉMARCHE DE LA COMMUNAUTÉ URBAINE DE DOUALA

15Celle-ci se caractérise par une amélioration de l’environnement des entreprises (à travers une intense activité de réhabilitation/rénovation des infrastructures publiques locales), et par la mise en place progressive de structures d’animation du milieu économique local.

II. 2 L’amélioration de l’environnement des activités économiques à Douala

II. 2.2 Contexte et historique

16Principal centre économique de la sous-région CEMAC [15], Douala est également le premier foyer industriel du Cameroun. Depuis des décennies, la ville abrite les trois-quarts des grandes entreprises du pays (CUD, 1983 ; Barbier, 2003) et un peu plus de 60% de ses PME [16]. La crise qui affecte l’économie camerounaise, à partir de 1985/86 et après plus d’une dizaine d’années au cours desquelles le taux annuel de croissance a atteint 7%, a eu, entre autres conséquences pour l’ensemble du pays :

  • une baisse de la consommation, de 40% entre 1985/86 et 1992/93 ;
  • une augmentation de l’encours de la dette extérieure, qui passera de moins du tiers à plus des deux tiers du PIB pour la période 1985/86 - 1992/93 ;
  • la chute du taux d’investissement, de 27% à moins de 11% du PIB (République du Cameroun, 2003,2-3) ;
  • l’arrêt des créations d’emplois, tous secteurs économiques confondus, et une forte augmentation du chômage : en 1995, par exemple, son taux moyen était de 17 % pour l’ensemble du pays ; en 2003, il s’élevait encore à 18,9% dans les milieux urbains (Essombè, 1993 et 1995 ; République du Cameroun, 2003,4-5).
  • La décennie d’ajustement structurel que connaîtra ensuite le Cameroun, et dont le but était de rétablir la capacité de remboursement de la dette extérieure et la mise en place d’un ordre social par le marché (Essombè, 1993,104-106) s’est traduite, pour l’ensemble du territoire national, par des remises en cause et des bouleversements profonds. Pour la ville de Douala, la fin de l’ère de croissance, conjuguée à celle de l’ajustement structurel, a été marquée par des dégradations de situation dans plusieurs domaines.
  • Des réductions massives d’emplois, tant dans le secteur public que privé. La restructuration d’une soixantaine d’entreprises parapubliques, au début des années 1990, a donné lieu à une vague de licenciements de plus de 15 000 salariés, dont 48% concernaient la ville de Douala (Essombè, 1991 et 1993). De même, des vagues d’autres licenciements, initiés dans le secteur privé, ont concerné la ville pour 38,5% de l’ensemble des salariés ainsi remerciés dans le pays dès 1991, auxquels il convient d’ajouter des fermetures massives d’entreprises (Essombè, 1993,51-53).
  • Un accroissement du chômage urbain : le taux de chômage est passé de moins de 8%, en 1982 (CUD, 1983), à plus de 23%, en 1999, avec pour conséquence l’accélération du chômage des jeunes (de 18 à 30 ans) qui constituent la moitié de la population de la ville. Leur taux de chômage s’est situé à près de 42,5% en l’an 2000, alors que, dans le même temps, la pression démographique ne cessait de croître. Après avoir été d’environ 6% par an, en 1982 /1983, le taux de croissance de la population à Douala se situe actuellement à 8% (contre, en moyenne, 3 % pour l’ensemble du pays).
  • Cette dégradation générale de la situation de l’emploi dans la ville s’est accompagnée d’une paupérisation continue d’une grande partie de ses habitants et de l’apparition de problèmes de société (vandalisme,… ) [18].
  • Parmi d’autres implications générées par la crise économique et l’ajustement structurel à Douala, on peut retenir la dégradation des équipements publics (éclairage, voiries,… ), l’accélération de l’urbanisation non contrôlée, qui a abouti à l’apparition des bidonvilles dans toute la cité, ou encore la dégradation des zones industrielles de la ville. Après avoir connu différentes vagues de réduction des effectifs des entreprises (Essombè, 1993) et de fermetures de firmes, ces aires de production ont sombré dans un état de délabrement avancé. Avec l’urbanisation non contrôlée, les voies qui y mènent se sont très vite dégradées et ont été encombrées de marchés spontanés. Saturées d’entreprises vieillissantes, elles n’offrent plus les conditions minimales de compétitivité ou d’attraction pour de nouveaux investisseurs (Barbier, 2003).

17C’est dans ce contexte que la Municipalité a entrepris un ensemble d’actions visant l’amélioration de la "gouvernance" urbaine et le développement d’une stratégie d’animation de l’économie locale [19]. Une dynamique qui passe, notamment, par la réhabilitation de l’environnement des entreprises, la qualité des services et des équipements publics locaux étant, en effet un des facteurs essentiels du développement des entreprises, au même titre que la politique urbaine, foncière ou scolaire. Comme les entreprises, les territoires rivalisent entre eux d’une façon de plus en plus directe, de sorte que les villes, compte tenu de leur nature de concentration d’externalités et de déclencheurs d’interaction et de synergies, sont des acteurs en compétition sur la scène internationale. Pour ces raisons, il s’agissait aussi pour la CUD de développer une stratégie de compétitivité territoriale en vue de restaurer l’attractivité des entreprises au profit de la ville. L’accélération des échanges introduite et entretenue par la mondialisation, en même temps qu’elle oblige les producteurs de biens et services à des adaptations constantes aux mutations de l’économie mondiale, amène également les C.L. à imaginer, sans cesse, des solutions pour la sauvegarde de leur propre compétitivité territoriale. Le passage à la mondialisation des échanges s’accompagne d’une volonté de promouvoir la reterritorialisation des stratégies des acteurs locaux. Cela tend à démontrer que, même pour les pays africains, et plus que par le passé, l’internationalisation des marchés exige comme qualité première la capacité à s’adapter plus que "la seule capacité à produire. (Si bien que) le territoire devient (finalement) le creuset des mutations planétaires" (Pecqueur, 1992,138).

II. 2.2 La réhabilitation des infrastructures

18La réhabilitation et la modernisation des infrastructures dédiées à l’environnement des entreprises seront menées à travers des réalisations précises (voir schéma 2). Parmi celles-ci, on peut noter :

  • la réfection de la voirie entre 2001 et 2004 ( 76 millions). Ceci aura concerné (pour les chaussées et les drains) une quinzaine de grandes artères réparties sur les cinq arrondissements de Douala ;
  • le désenclavement des zones industrielles de la ville : par la rénovation et le doublement des voies des axes routiers qui mènent à ces aires de production pour un investissement de 145 millions (Africa New Destiny, 2004,27-28) ;
  • la rénovation d’autres axes routiers secondaires dans les différents arrondissements de la ville, afin de faciliter la circulation des hommes et des marchandises. On dénombre ainsi une trentaine de rues rénovées d’urgence, pour un montant de 60 millions (Ibid. et Devey, 2004,7) ;
  • de concert avec l’État et les bailleurs de fonds internationaux [20], et dans le cadre des fonds du programme Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), réhabilitation du principal pont (sur le fleuve Wouri) dont dispose la ville, pour un montant de 65 millions. Construit au début des années 1950, celui-ci relie la ville à sa banlieue industrielle ouest (Bonabéri) et à sa zone industrielle, ainsi qu’aux parties sud-ouest (productions d’hydrocarbures) et ouest (productions vivrières) du pays ;
  • la réalisation d’un réseau de câbles à fibres optiques irriguant toute la ville d’une infrastructure de communication à haut débit, ce qui permet de mettre à la disposition des entreprises des outils performants de communication, tout en facilitant leur organisation et la vitesse de leurs transactions (D’Alayer, 2004 ; Signouret, 2004).

19En effet, l’offre en infrastructures et en équipements pour les opérateurs économiques s’est à peine accrue avec la crise économique et la période de l’ajustement structurel, alors même que le nombre d’usagers augmentait sensiblement depuis et, surtout, que le niveau de service des infrastructures existantes s’était fortement dégradé suite, notamment, au manque d’entretien. Toutefois, l’amélioration de l’environnement des entreprises ne concernera pas seulement la rénovation des infrastructures existantes : celle-ci s’accompagne d’une politique de l’immobilier d’entreprise et de "parcs d’entreprises". Il en est ainsi de l’aménagement, dans le cadre des 1 000 hectares de terrain de la zone dite de "Sawa Beach", d’un parc d’entreprises de haut niveau technologique. Située en contrebas du centre administratif actuel et au sud du port, cette zone s’étale sur 12 km et devra permettre aux entreprises d’écouler plus facilement leurs productions, soit par le canal du port, soit par la voie aérienne, compte tenu de la proximité de l’aéroport de la ville. Il en va de même de la promotion d’autres nouveaux espaces d’activité à l’intérieur de Douala. En effet, les limites de l’extension des zones industrielles actuelles, la nécessité d’offrir des terrains dont les atouts sont optimisés, les rendant attractifs pour certaines activités recherchant un effet de vitrine, mais également le souci de préserver une mixité des fonctions sur l’ensemble du territoire des cinq communes que compte la ville, ont conduit la CUD à concevoir de nouvelles zones d’activités industrielles, commerciales et artisanales. C’est ainsi que l’urbanisation projetée de Douala comporte la localisation de deux nouvelles zones commerciales d’activités, grâce à la requalification/rénovation de certains quartiers ciblés du cœur de la ville, comme "la Vallée de Besseke" ( avec ses 20 000 m2 de plancher de bureaux et ses 40 000 m2 de logements notamment) ou la "Cité des Douanes". Ces derniers bénéficient d’une bonne desserte et d’un effet de vitrine le long des axes routiers urbains qui les traversent. De plus il est prévu, pour 2005, la construction d’un second pont sur le Wouri : annoncé à péage [22] ce dernier devra, notamment, faciliter davantage le contournement de la ville par route, l’écoulement des produits fabriqués dans la zone industrielle ouest, tout comme il devra amplifier les échanges entre la ville et les différentes parties sud-ouest et ouest du pays.

Schéma 2

Axes routiers réfectionnés à Douala depuis 2001 et nouvelles zones d’activités

Schéma 2
Schéma 2 : Axes routiers réfectionnés à Douala depuis 2001 et nouvelles zones d’activités Légende : Axes routiers réfectionnés ou réhabilités (axes structurants et secondaires). Vallée de Besseke, Cité des Douanes, Cité Charly, Sawa Beach etc., nouvelles zones d’activités implantées dans la ville et lotissements en cours, dont celui de Mbanga-Japoma.

Axes routiers réfectionnés à Douala depuis 2001 et nouvelles zones d’activités

II. 3 La création des structures d’animation de l’économie locale

20Afin de mobiliser les potentialités locales avec un maximum d’efficacité et de mettre en relation tous les acteurs dont le concours permet de mieux appréhender les possibilités de développement de la ville, la CUD va également procéder à la réalisation d’actions complémentaires. Elles concernent, pour l’essentiel, l’adaptation de sa propre organisation interne et la promotion, pour la première fois au Cameroun, des structures dédiées à l’animation permanente du milieu économique local.

II. 3.1 La réorganisation interne de la CUD

21La réorganisation des services internes de l’Exécutif Municipal aboutira, notamment, à la mise en place d’une Direction des affaires économiques et financières (DEFI), dont la priorité sera désormais de mobiliser, dans tous les secteurs, les opérateurs qui peuvent faciliter le développement des industries et de l’économie locale. Ce service symbolise, pour l’Exécutif Municipal, le passage d’une logique de gestion purement comptable de la ville à celle d’une "politique industrielle". Dans cette optique, il articule les actions municipales dans le domaine économique et mène des missions diverses de coordination et de réalisation de projets spécifiques touchant ce domaine. À ce titre, on peut retenir, par exemple :

  • la mise au point des stratégies de développement économique de la ville ou la mise en perspective des actions municipales en matière économique (comme les études sur l’ouverture économique de l’île de Manoka, appelée à devenir le sixième arrondissement de Douala) ;
  • la coordination ou le montage des dossiers des entreprises en difficulté et sollicitant des informations auprès de la CUD ;
  • la participation à la mise en œuvre des plans de communication et de valorisation économique de la ville, en liaison avec l’Agence de développement de Douala ;
  • le soutien à différentes actions dans le domaine de l’économie sociale ou de la promotion des institutions spécialisées en développement local ;
  • enfin, avec le vote de la nouvelle loi sur la décentralisation, il s’agira également pour ce service d’utiliser les différents outils désormais offerts par la nouvelle législation, et qui encouragent davantage une intervention économique des collectivités locales [23].

22Simultanément, soucieuse de s’ancrer dans la dynamique contemporaine de la pratique du développement local en termes de revitalisation de l’environnement des entreprises, la CUD va procéder à la mise en place des structures d’animation et de promotion économique que sont l’Agence de Développement de Douala et l’Observatoire Économique Urbain. Avec, sans doute aussi, l’idée que la promotion de l’entreprise sans celle de son environnement " n’est pas efficace " (Pecqueur, 1992, p. 123).

II. 3.2 L’Agence de Développement de Douala (ou A 2D)

23Cette institution a été créée en 2002, en partenariat, notamment avec le patronat camerounais [24]. La CUD, qui entend désormais être associée à l’animation de l’économie locale, participa activement à la mise en place de cette structure dont les missions sont les suivantes :

  • contribuer à la définition et à la promotion des services concourant, directement ou indirectement, au soutien des entreprises ;
  • aider à la maîtrise du foncier et de l’implantation des entreprises à Douala, en particulier, par une organisation et une stratégie de promotion, de prospection et d’accueil des activités de développement, et afin de participer au renforcement du tissu industriel local ;
  • encourager des actions territoriales de développement relevant des priorités de la ville et concernant la création d’emplois ;
  • être le partenaire privilégié de la CUD dans ses actions de diffusion de l’information sur la ville, ou de promotion des activités économiques, artisanales, commerciales ou culturelles.
    L’atteinte de ces missions devrait aboutir à la réalisation de différents objectifs, comme, par exemple :
  • permettre à l’Exécutif Communautaire de disposer d’un outil partagé d’information, de concertation et d’assistance pour les acteurs du développement local ;
  • disposer des avis d’une cellule spécialisée (en matière foncière notamment) pour la réalisation des conditions favorables au développement local ;
  • la supervision des études préalables et celle des actions liées à la restructuration ou à la planification de l’aménagement territorial à Douala ;
  • accroître la lisibilité régionale en créant un lieu de réflexion stratégique et de vision à long terme au service de l’ensemble des partenaires publics, institutionnels et privés de la ville ;
  • promouvoir un développement économique local durable et plus solidaire, et susceptible de générer une amélioration notoire des conditions de vie des populations (Agence de Développement de Douala, 2003).
    Il s’agissait en définitive pour la CUD, dont les moyens financiers sont limités, de créer un espace permettant de mobiliser les divers autres partenaires institutionnels en vue d’animer ou de cultiver désormais une dynamique du développement local à Douala.

II. 3.3 La promotion d’un Observatoire économique Urbain

24Celui-ci est conçu comme un dispositif d’observation et d’animation du développement de Douala. L’évolution récente du contexte économique, tant au plan international (mondialisation, renforcement de l’intégration sous-régionale) que local (conséquences de la crise, des mouvements de restructuration et de privatisation des entreprises ou de l’ajustement structurel), auquel s’ajoutent les nouvelles préoccupations en matière d’aménagement de l’espace urbain et de développement durable [25], obligent désormais aussi à adopter de nouvelles méthodes de connaissance et de veille susceptibles de permettre une meilleure anticipation des mutations à venir.

25Pour satisfaire à ces exigences, et afin de consolider son action d’acteur du développement de la ville, l’Exécutif Communautaire s’est également engagé à construire et à recourir à des indicateurs capables d’identifier les clés de réussite, ainsi que les forces et faiblesses des phénomènes socio-économiques de la ville et, surtout, à se doter des moyens de pouvoir analyser désormais leurs évolutions. Il s’agissait donc de promouvoir un outil de mesure capable de permettre une meilleure connaissance du territoire ou de l’espace économique et social de Douala.

26Dans cette optique, les missions assignées à l’Observatoire sont précisées. Elles concernent :

  • la collecte et le traitement de toutes données relatives à l’activité économique de la ville ;
  • la gestion d’une base de données sur l’économie locale, ainsi que celle d’un centre informatique économique de la ville ;
  • l’évaluation des politiques sectorielles initiées par l’Exécutif Municipal ;
  • la réalisation de toute étude de nature à éclairer ce dernier sur la situation économique et sociale de la ville ;
  • la participation aux actions de promotion de la ville, en rapport avec les administrations et les opérateurs concernés (à l’exemple de l’A 2D).

27Véritable outil d’aide à la décision en matière économique et sociale pour la CUD, l’Observatoire a également un rôle en matière de prospective, de veille et d’alerte, tout comme il est attendu qu’il permette à l’Exécutif Municipal de mieux décliner, sur le plan local, les politiques économiques et sociales nationales. Ses activités concernent tant l’économie, l’emploi, la formation, l’habitat, les zones industrielles, que l’environnement ou le tourisme à Douala, avec, pour chaque composante, la nécessité de collecter des données disponibles (ou d’en établir le cas échéant) pouvant servir à mieux comprendre les caractéristiques du territoire et du développement local. À travers l’observatoire économique urbain il s’agissait, en définitive, pour la CUD de mettre en évidence le souci de la transversalité dans le développement de Douala, et la capacité à "mettre en perspective" les phénomènes de société auxquels peut être confrontée la ville.

28Au-delà de ces pratiques courantes d’animation de l’économie locale ou de gestion des liaisons entre l’économique et le social (Greffe, 1988), il s’est surtout agi pour la CUD de dessiner les contours d’une architecture institutionnelle qui, désormais, devra s’appliquer à œuvrer pour une meilleure lisibilité et pour un accompagnement amélioré du tissu économique local. Action d’autant plus importante que la nouvelle loi sur la décentralisation de juillet 2004 n’a pas instauré un cadre précis pour l’intervention économique des collectivités territoriales décentralisées. Elle ne fonde d’ailleurs pas véritablement un droit à l’intervention, se contentant d’ouvrir des marges de tolérance circonscrites. Le rôle accordé aux CTD (cas de la collecte et de la redistribution ou de l’utilisation de la fiscalité locale) reste symptomatique d’une grande prudence et ne leur donne pas davantage de moyens pour l’élaboration de politiques d’aménagement du territoire et de la production qui seraient plus proches des besoins locaux.

CONCLUSION

29Il apparaît que le développement local naît, en définitive, de la prise de conscience que les politiques d’aménagement du territoire (logique d’État), jadis engagées pour corriger, notamment, les grands déséquilibres géographiques et socio-économiques (logique de marché), ne peuvent trouver leur pleine efficacité qu’en s’appuyant sur une organisation des volontés locales (logique de territoire). Si, historiquement, le milieu rural a été le premier champ d’application de ce concept, la ville (et ses excroissances) a démontré (depuis la crise du fordisme notamment) qu’elle en avait également le plus grand besoin.

30Le développement local traduit alors, dans sa pratique, une dynamique consistant à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies concertées pour le développement intégré des territoires. Il apparaît, dès lors, comme une délicate alchimie qui s'élabore et se transforme jour après jour dans ces nouveaux laboratoires de la société que sont les territoires. Dans cette optique, la meilleure façon de le présenter consisterait également à décrire et à analyser les expériences en cours, en sachant qu'aucune ne saurait être érigée en modèle intégralement reproductible.

31À Douala, l’Exécutif Communautaire semble, de plus en plus, se donner les moyens d’être le coordinateur des synergies de tous les acteurs du développement de la ville. Après avoir entrepris de réhabiliter et de rénover les infrastructures publiques, afin de redynamiser l’environnement des activités économiques, il affirme son rôle à travers la mise en place des structures dédiées à l’animation du tissu économique local. Avec la conviction sans doute aussi que le développement local, comme le territoire, est un "construit" à la fois socio-économique et institutionnel (Courlet, Pecqueur, Soulage, 1993).

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Mots-clés éditeurs : environnement local des entreprises, développement local, collectivités locales, territoire

https://doi.org/10.3917/med.130.0111

Notes

  • (*)
    F.S.E.G. Université de Yaoundé II-SOA - B.P. 18. SOA (CAMEROUN) jjressombe@ yahoo. fr- L’auteur tient à remercier particulièrement Hubert GERARDIN (Université Nancy 2), ainsi que les deux référés anonymes pour leurs remarques constructives.
  • [1]
    On utilisera indifféremment les expressions "Communauté Urbaine de Douala (CUD)", "Municipalité", "Exécutif Municipal" ou "Exécutif Communautaire" pour désigner la même entité.
  • [2]
    Cette loi, votée en Juillet 2004, instaure les "Collectivités Territoriales Décentralisées" (CTD) et reconnaît désormais à ces dernières le rôle d’acteurs principaux du développement local ou territorial, avec pour mission "la programmation et la mise en œuvre d’actions de développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif, dans le cadre des compétences qui leur sont transférées par l’État".
  • [3]
    Par ailleurs, les études en cours, initiées par l’Observatoire Économique Urbain de Douala, et qui portent notamment sur l’évolution de la localisation des petites et moyennes entreprises (PME) ou de l’emploi salarié apporteront également des précisions importantes sur l’impact de l’animation environnementale effectuée par la CUD dans le développement des entreprises à Douala (effets institutionnels/effets de territoire, structuration productive,… ).
  • [4]
    D’après la thèse du livre célèbre de Granier ( 1947), selon laquelle la région parisienne, avec ses pôles industriels, exerçait un processus d’attraction qui déséquilibrait le territoire français.
  • [5]
    Comme l'approche développée en termes de "semi-industrialisation" ou celle de "l'école de la régulation", celle du "développement local" est apparue comme une des tentatives de renouvellement de l'économie du développement. Considérant que les grandes mutations des années '80 (retournements spatiaux, apparition des NPI...) interpellaient les acquis théoriques sur l'industrialisation en général, cette approche proposera une adaptation de la théorie du développement à travers la problématique de l'économie spatiale (Essombè, 1990 115-126).
  • [6]
    Crevoisier ( 2001) souligne que toutes ces approches, et leurs variantes, affirment d’abord l’hétérogénéité de l’espace à travers la prise en compte des dimensions sociales, culturelles et historiques des activités productives et des compétences individuelles et collectives.
  • [7]
    La notion de "pôle de croissance", comme celle des "industries industrialisantes" (de Bernis, 1966), décrivaient le modèle de développement qui prédominait depuis les années 1950. Sur le plan industriel, celui-ci se caractérisait par la promotion des grandes entreprises (ou des grands complexes) avec un système de production et d’organisation basé sur l’extension progressive du fordisme et du taylorisme. Au niveau du territoire (l’espace économique), cette pratique s’articulait sur deux idées-forces, la polarisation et la domination. On considérait que la présence d’une activité économique en un lieu déterminé polarise d’autres activités et propage, autour une dynamique de développement. L’effet de polarisation est identifié à l’activité de l’industrie lourde, un peu comme le modèle soviétique des années 1920 où la sidérurgie et la grosse mécanique (industries "motrices") étaient alors considérées comme le moteur du développement. De son côté, l’idée de domination, dans l’analyse de l’espace économique, s’est appuyée sur l’existence supposée d’inégalités croissantes entre pays et entre régions. Il y aurait ainsi un centre et une périphérie. (voir Baran, 1967 ; Amin, 1970 ; Salama, 1979 ; Essombè, 1995).
  • [8]
    On sait aussi que la Banque mondiale, en 1986, fut la première à utiliser l’expression "le fardeau de la dette", pour désigner le facteur pénalisant que représentait désormais le niveau de la dette des États africains dans leur processus de développement.
  • [9]
    Pour ces auteurs, comme pour Aydalot ( 1986), ces différentes trajectoires de l'économie locale ou spatiale sont aussi génériques parce qu'elles entretiennent en leur sein une pluralité de variantes et de configurations spatiales.
  • [10]
    Le succès de cette stratégie dépendant, en particulier, de la proximité des centres de recherche scientifique, de la présence abondante de la main-d'œuvre universitaire potentielle, de l'existence de réseaux de coopération entre entreprises, ou d'une forte intervention en termes d'aides publiques à la recherche et au développement technologique.
  • [11]
    On sait aussi depuis que ces réseaux sont constitués de relations à finalité productive et qu'autour d’eux, l'entrepreneur mobilise deux types de ces relations, à savoir un ensemble d'institutions susceptibles d'entretenir des relations avec l'entreprise, et un réseau plus personnel et, souvent, informel (famille, amitiés), la combinaison de deux types de réseaux définissant le "milieu local" (Essombè, 1990 ; Pecqueur, 1992).
  • [12]
    Pour cet auteur, la région, dès lors qu'elle existe, est un espace vécu, vu, ressenti, aimé ou rejeté par les hommes, et projetant sur eux des images qui les modèlent.
  • [13]
    Initiateur de l’importante notion de "district industriel", qui est au centre de sa théorie de la localisation industrielle et qui, elle-même, repose sur le concept d’économie externe, Marshall ( 1890) le définissait comme le modèle d’une localisation dans la même zone géographique d’un grand nombre de petites entreprises exerçant une même activité productive, ainsi que d’un certain nombre d’autres entreprises dotées d’une activité complémentaire (fournisseurs de machineries et d’équipements). Une telle co-localisation des activités diverses permet alors de générer des effets spécifiques d’ordre dynamique : une circulation des informations et des savoir-faire qui se révèle être, en même temps, une source d’innovation, de dynamisme des entreprises ou encore, des économies d’échelle occasionnant, pour les fournisseurs de machines, par exemple, des productions adaptées aux besoins des entreprises locales et cela, à des conditions avantageuses pour ces dernières (Dimou, 1998 24-32 et 2002).
  • [14]
    Voir également schéma 1.
  • [15]
    Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale. Elle groupe, outre le Cameroun, la RCA, le Gabon, le Tchad, le Congo et la Guinée Équatoriale.
  • [16]
    Au Cameroun, elles désignent les entreprises, industrielles ou commerciales, employant moins de 10 salariés.
  • [18]
    Dans l’étude intitulée "Stratégie sectorielle de réduction de la pauvreté en milieu urbain", le ministère de la Ville faisait remarquer que même si le pourcentage des pauvres est moins élevé en ville qu’en milieu rural, "la couche de citadins pauvres s’épaissit de plus en plus, et les conditions de vie dans certaines zones urbaines sont pires que dans les zones rurales" (MINVILLE, 2003,7-8).
  • [19]
    S’il ne peut être fait ici un inventaire exhaustif de toutes les actions entreprises par la CUD depuis 2001, on peut néanmoins retenir, dans la voisinage de l’amélioration des conditions du développement des entreprises à Douala, d’autres réalisations (hors infrastructures) en matière : - d’assainissement : avec l’accroissement de 24% du taux d’enlèvement des ordures ménagères entre 2001 et 2003, une augmentation de 50% du nombre des secteurs couverts par la société locale de ramassage de ces ordures, ainsi qu’un accroissement significatif des fréquences des collectes de celles-ci, et des opérations de curetage de drains primaires dans différents quartiers de Douala, qui ont contribué à faire diminuer sensiblement les inondations dans la ville. - d’habitat social : réalisation en cours, grâce à sa structure d’économie mixte (Société d’aménagement de Douala) et en collaboration avec une firme financière française, de 500 logements sur un terrain de 15 ha (lotissement de Mbanga-Japoma, 1,5 millions) livrables avant fin 2005. Mise en chantier des études de réalisation prochaine d’autres logements successivement au nord (lotissement Lendi) et au nord-ouest de la ville (lotissement de Bonamatoumbè). - de nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) : création dans le premier arrondissement de Douala d’un centre multimédia équipé de plus d’une centaine d’appareils fonctionnant à haut débit, et mise en chantier de la réalisation de centres similaires dans chaque arrondissement de la ville, etc.
  • [20]
    dont l’Agence française de développement (AFD).
  • [22]
    Réalisé avec la participation combinée des pouvoirs publics et du secteur privé par le système "Built, Operate and Transfert" (BOT).
  • [23]
    La loi du 22 Juillet 2004 sur la décentralisation énonce les compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées (régions, communes,… ). Elle leur reconnaît dorénavant le rôle d’acteur principal du développement local, notamment, en matière du développement économique, culturel, d’utilisation des domaines privé et public de l’État, de planification et d’aménagement urbain,… Il s’est surtout agi de transférer aux collectivités territoriales décentralisées certaines compétences jusque-là fortement encadrées par l’État, dans une logique relevant plus de la déconcentration que de la décentralisation au sens plein du terme.
  • [24]
    Le Groupement interprofessionnel des entreprises du Cameroun (GICAM), basé à Douala, constitue le patronat camerounais. D’autres partenaires ont travaillé de concert avec la CUD à la mise en place de l’A 2D, notamment, le port autonome de Douala, la Fédération nationale des associations de PME (FENAP), la Chambre de commerce, d’industrie, des mines et de l’artisanat du Cameroun (Agence de Douala), ainsi que certaines associations de la société civile de Douala.
  • [25]
    La ville a été également, dès 2002, appelée à intégrer les villes africaines désignées "villes du NEPAD" (nouveau partenariat pour le développement économique en Afrique).

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