Monde(s) 2020/2 N° 18

Couverture de MOND1_202

Article de revue

La Guerre froide globale

Pages 9 à 30

Notes

  • [1]
    La révélation des dessous de la politique américaine n’empêcha pas alors certains historiens occidentaux de manifester une forme de triomphalisme : Pierre Grosser, « Histoire de la Guerre froide ou histoire des vainqueurs ? », Critique internationale, 2001/3, p. 69-80.
  • [2]
    Par exemple, la riche analyse de James Hershberg, Marigold: the Lost Chance for Peace in Vietnam (Stanford: Stanford UP, 2012) s’intéresse aux nombreux acteurs impliqués au Vietnam mais ne considère jamais leurs spécificités politiques et culturelles nationales ou leur lien avec des objectifs relevant spécifiquement de leur politique intérieure.
  • [3]
    C’est pourquoi en 2009 Antoine Marès constatait l’angle mort que représentait alors la diplomatie dans la recherche centre-européenne : Antoine Marès, « Archives et étude de la politique étrangère des démocraties populaires », in Sonia Combe (dir.), Archives et histoire dans les sociétés post-communistes, Paris, La Découverte/ BDIC, 2009, p. 111-120.
  • [4]
    Antonio Varsori, Elena Calandri, eds., The Failure of Peace in Europe, 1943-1948 (Londres: Palgrave, 2002) ; Saki Dockrill, Robert Frank, Georges-Henri Soutou, Antonio Varsori (dir.), L’Europe de l’Est et de l’Ouest dans la Guerre froide 1948-1953, Paris, PUPS, 2002 ; Wilfried Loth, ed.., Europe, Cold War and Coexistence, 1953-1965 (Londres: Routlege, 2004) ; Wilfried Loth, Georges-Henri Soutou, eds., The Making of Détente. Eastern and Western Europe in the Cold War, 1965-1975 (Londres: Routledge, 2008).
  • [5]
    Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, Piers Ludlow, Leopoldo Nuti, eds., Europe and the End of the Cold War: A Reappraisal (Londres: Routledge, 2008) ; Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, Piers Ludlow, Bernd Rother, ed., Visions of the End of the Cold War in Europe, 1945-1990 (New York: Berghahn Books, 2012) ; Leopoldo Nuti, Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, Bernd Rother, The Euromissile Crisis and the End of the Cold War (Stanford: Stanford UP, 2015).
  • [6]
    La force de frappe des institutions américaines leur permet d’attirer les chercheurs internationaux, comme de nombreux historiens chinois invités depuis 2011 au Wilson Center et publiés en langue anglaise.
  • [7]
    Melvin Leffler, Odd Arne Westad, eds., TheCambridge History of the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2010) ; Petra Goedde, Richard H. Immerman, eds., Oxford Handbook of the Cold War (Oxford: Oxford UP, 2013) ; Craig Daigle, Artemy Kalinovsky, eds., Routledge Handbook of the Cold War (Londres: Routledge, 2014).
  • [8]
    La CIA a mis en ligne certaines de ses archives : [https://www.cia.gov/library/readingroom/home] consulté en mai 2020.
  • [9]
    Justine Faure, L’ami américain. La Tchécoslovaquie, enjeu de la diplomatie américaine, Paris, Tallandier, 2004.
  • [10]
    Les déclassifications anticipées réalisées par la National Security Archive ont permis de documenter, entre autres, les actions clandestines des États-Unis en Amérique latine. Pour une réflexion historiographique et méthodologique : Piero Gleijeses, “The CIA’s Paramilitary Operations during the Cold War: An Assessment”, Cold War History (2016/3), p. 291-306.
  • [11]
    Il reste cependant beaucoup à apprendre, ce qui rend assez prématurée l’affirmation en 1997 de l’historien John L. Gaddis : We Now Know. Rethinking the Cold War History (New York: Oxford UP, 1997).
  • [12]
    Melvyn Leffler, The Specter of Communism: The United States and the Origins of the Cold War, 1917-1953 (New York: Hill and Wang, 1994) ; David Engerman, “Ideology and the Origins of the Cold War, 1917-1962”, in Melvyn P. Leffler, Odd Arne Westad, eds., The Cambridge History of the Cold War, op. cit., vol. 1, p. 20-43 (cf. note 7).
  • [13]
    Jean-François Sirinelli, Georges-Henri Soutou (dir.), Culture et Guerre froide, Paris, PUPS, 2008. L’ouvrage collectif dirigé par Anne Dulphy et al., Les relations culturelles internationales au 20e siècle (Bruxelles, Peter Lang, 2010) contient plusieurs chapitres consacrés à la Guerre froide culturelle. Voir aussi Stéphanie Gonçalves, Danser pendant la Guerre froide : 1945-1968, Rennes, PUR, 2018 ou, sur le sport, Jérôme Gygax, Olympisme et guerre froide culturelle, Paris, L’Harmattan, 2012 et Robert Edelman, Christopher Youngs, eds., The Whole World was Watching. Sport in the Cold War (Stanford: Stanford UP, 2019).
  • [14]
    Antoine Marès (dir.), Culture et politique étrangère des démocraties populaires, Paris, IES, 2007. Sur le sport et la musique du côté soviétique : Sylvain Dufraisse, Les héros du sport : Une histoire des champions soviétiques (années 1930-années 1980), Paris, Champ-Vallon, 2019 et Kiril Tomoff, Virtuosi Abroad: Soviet Music and Imperial Competition during the Early Cold War, 1945-1958 (Ithaca: Cornell UP, 2015).
  • [15]
    Tony Shaw, “The Politics of Cold War Culture”, Journal of Cold War Studies (désormais JCWS) (2001/3), p. 59-76. L’historien est notamment l’auteur de Cinematic Cold War: the American and Soviet Struggle for Hearts and Minds (Lawrence: University of Kansas Press, 2013). Pour un exemple original de la Guerre froide culturelle, voir Annabel Jane Wharton, Building the Cold War: Hilton International Hotels and Modern Architecture (Chicago: University of Chicago Press, 2001), qui analyse la manière dont les hôtels Hilton furent conçus comme des vitrines de l’American Way of Life et des instruments de la lutte anticommuniste.
  • [16]
    Sophie Coeuré, Sabine Dullin (dir.), Frontières du communisme, Paris, La Découverte, 2007.
  • [17]
    En Europe, l’Aleksanteri Institute (Helsinki) a lancé un programme de grande ampleur sur cette thématique : Sari Autio-Sarasmo, Brendan Humphreys, eds., Winter Kept Us Warm: Cold War Interactions Reconsidered (Helsinki: Aleksanteri Cold War Series, 2010) ; Sari Autio-Sarasmo, Katalin Miklossy, eds., Reassessing Cold War Europe (Londres: Routledge, 2011) ; Simo Mikkonen, Pia Koivunen, eds., Beyond the Divide: Entangled Histories and the Cold War Europe (New York: Berghahn Books, 2015) ; Simo Mikkonen, Pekka Suutari, eds., Music, Art, and Diplomacy: East-West Cultural Interactions and the Cold War (Farnham: Ashgate, 2016). En France, mentionnons le numéro des Cahiers SIRICE : Les voyages entre l’URSS et l’Occident : quelle histoire transnationale ? (2016/2), dirigé par Sylvain Dufraisse, Sophie Momzikoff et Rafael Pedemonte ; la thèse de Lidwine Warchol, « La Pologne en France : les relations entre intellectuels français et intellectuels polonais de 1966 à 1983 », soutenue à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne en 2014, sous la direction d’Antoine Marès ; les recherches de Ioana Popa sur la Guerre froide culturelle : « La circulation transnationale du livre : un instrument de la guerre froide culturelle », Histoire@Politique, 2011/3, p. 25-41 ; et celles de Christian Wenkel sur les relations entre la France et la RDA.
  • [18]
    La réception de la musique rock a, par exemple, donné lieu à de nombreux livres et articles sur la culture jeune derrière le rideau de fer, dont Alexei Yurchak, Everything Was Forever, Until it Was no More. The Last Soviet Generation (Princeton: Princeton UP, 2006) ; William Jay Risch, ed., Youth and Rock in the Soviet Bloc (Lanham: Lexington Books, 2014) ; pensons aussi au très beau film Leto de Kirill Serebrennikov (2018). Sur les coopérations scientifiques entre les deux blocs : Corine Defrance, Anne Kwaschik (dir.), La Guerre froide et l’internationalisation des sciences : acteurs, réseaux et institutions, Paris, CNRS Éditions, 2015 ; Egle Rindzeciciute, The Power of System: How Policy Sciences Opened Up the Cold War World (Ithaca: Cornell UP, 2016) ; la thèse de Laurence Roche Nye : « Coopération spatiale franco-soviétique et réseaux scientifiques en temps de guerre froide (1966-1988) : transferts, circulations, pouvoirs » (Paris-Ouest Nanterre, 2017) ou encore le numéro spécial de JCWS sur le mouvement Pugwash (2018/1). Pour une cartographie des circulations Est-Ouest, et par-delà de la Guerre froide, voir Sabine Dullin, Stanislas Jeannesson, Atlas de la Guerre froide 1947-1990 : un conflit global et multiforme, Paris, Autrement, 2020, (2e éd.).
  • [19]
    Sandrine Kott, « Par delà la guerre froide, les Organisations internationales et les circulations Est-Ouest (1947-1973) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2011/109, p. 129-143. Pour les festivals de jeunesse, voir l’article de Matthieu Gillabert, et pour le cinéma : les travaux de Caroline Moine. Voir aussi l’article de Sacha Markovic sur les réseaux transnationaux yougoslaves.
  • [20]
    Sur les mobilités de travailleurs, voir la thèse en cours de Juliette Ronsin, « “C’est Peugeot qui nous a amenés ici”. Les ouvriers (post-)yougoslaves des usines Peugeot à Sochaux-Montbéliard, de 1965 à nos jours, commencée en 2018 », sous la direction de Claire Zalc ; ou encore la journée d’étude organisée par le Cold War Research Group à Prague en février 2018 sur les migrations de travail entre l’Est et l’Ouest [https://cwrg.ff.cuni.cz/index.php/en/%5D] (consulté en mai 2020).
  • [21]
    Johanna Bockman, Markets in the Name of Socialism. The Left-Wing Origins of Neoliberalism (Stanford: Stanford UP, 2011) ; id. “Socialist Globalization against Capitalist Neocolonialism: The Economic Ideas behind the New International Economic Order”, Humanity (2015/1), p. 108-129 ; Oscar Sibony-Sanchez, Red Globalization (Cambridge: Cambridge UP, 2014) ; André Steiner, “The Globalisation Process and the Eastern Bloc Countries in the 1970s and 1980s”, European Review of History (2014/2), p. 165-181 ; Christoph Starzec, François Gardes, “Inflation in Poland in the 1970s Between Official Figures and the Reality. A Virtual Price Approach”, in Michel-Pierre Chélini, Laurent Warlouzet, eds., Slowing Down Prices. European Inflation in the 1970s, Paris, Presses de Sciences Po, 2016, p. 191-211 ; Michel Christian, Sandrine Kott, Ondrej Matejka, eds., Planning in Cold War Europe. Competition, Cooperation, Circulations (1950s-1970s) (Oldenbourg: De Gruyter, 2018).
  • [22]
    Voir les deux livres dirigés, entre autres, par Michel Hastings : La Guerre froide vue d’en bas, Paris, CNRS éditions, 2014 (avec Philippe Buton et Olivier Büttner) et La France en Guerre froide, nouvelles questions, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2015 (avec Sylvie Le Clech) ; Diane Kirby, ed., Religion and the Cold War (Londres: Palgrave Macmillan, 2003) ; Andreï Kozovoï, Par-delà le mur. La culture de Guerre froide soviétique entre deux détentes, Bruxelles, Complexe, 2009.
  • [23]
    Scott Lukas, “Beyond Freedom, Beyond Control: Approaches to Culture and the State-Private Network in the Cold War”, in Hans Krabbendam, Giles Scott-Smith, eds., The Cultural Cold War in Western Europe, 1945-60 (Londres: Routledge, 2003) ; Helen Laville, Hugh Wilford, eds., The US Government, Citizen Groups and the Cold War: the State-Private Networks (Londres: Routledge, 2006).
  • [24]
    Laura Belmonte montre par exemple combien la promotion à l’international de l’American Way of Life dans les années 1950 s’appuyait, entre autres, sur la figure de la femme au foyer cantonnée aux tâches domestiques : Selling the American Way. U.S. Propaganda and the Cold War (Philadelphie: Pennsylvania UP, 2008). D’autres recherches portent sur l’inscription internationale du féminisme dans le contexte de Guerre froide : Kristen Ghodsee, Second World, Second Sex. Socialist Women's Activism and Global Solidarity during the Cold War (Durham: Duke UP, 2019).
  • [25]
    Thomas Borstelmann, The Cold War and the Color Line. American Race Relations in the Global Arena (Cambridge: Harvard UP, 2003) ; Mary L. Dudziak, Cold War Civil Rights: Race and the Image of American Democracy (Princeton: Princeton UP, 2011). Actuellement, les historiens explorent les réseaux chinois du Black Power, comme Hongshan Li, “Building a Black Bridge”, JCWS (2018/3), p. 114-152. Par-delà l’exemple américain : Philip Muehlenbeck, ed., Race, Ethnicity, and the Cold War: a Global Perspective (Nashville: Vanderbilt UP, 2012).
  • [26]
    John R. McNeill, Corinna R. Unger, eds., Environmental Histories of the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2010) ; J.R. McNeill, “The Biosphere and the Cold War”, in Melvyn P. Leffler, Odd Arne Westad, eds., The Cambridge History of the Cold War, op. cit., vol. 3, p. 422-444 (cf. note 7) ; François Jarrige, Thomas Le Roux, La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Le Seuil, 2017.
  • [27]
    Leslie James, Elisabeth Leake, eds., Decolonization and the Cold War: Negociating Independence (Londres: Bloomsbury Publisher, 2015).
  • [28]
    Par exemple : Guy Laron, The Origins of the Suez Crisis (Washington DC: Woodrow Wilson Press, 2013).
  • [29]
    Paul Thomas Chamberlin, The Cold War’s Killing Field: Rethinking the Long Peace (New York: Harper Colins, 2018). Le titre fait référence au livre de John L. Gaddis envisageant la Guerre froide comme une longue paix : The Long Peace (New York: Oxford UP, 1988).
  • [30]
    Robert J. MacMahon, The Cold War in the Third World (Oxford: Oxford UP, 2013).
  • [31]
    Sara Lorenzini, Global Development: A Cold War History (Princeton: Princeton UP, 2019).
  • [32]
    Voir en particulier les activités du programme international Socialism Goes Global (porté entre autres par l’Université d’Exeter) et l’article de deux de ses animateurs : James Mark et Tobias Rupprecht, “The Socialist World in Global History. From Absentee to Victim to Co-Producer”, in Matthias Middell, ed., The Practice of Global History: European Perspectives (Londres: Bloomsbury, 2019), chap. 6. Voir aussi les volumes 2 et 3 de la Cambridge History of Communism (Silvio Pons et al., eds., Cambridge: Cambridge UP, 2017) ; Anna Calori et al., eds., Between East and South. Spaces of Interaction in the Globalizing Economy of the Cold War (Berlin: De Gruyter, 2019).
  • [33]
    David Engerman, “The Second World’s Third World”, Kritika (2011/1), p. 183-211 ; Philip Muelenbeck, Natalia Telepneva, Warsaw Pact Intervention in the Third World, Aid and Influence in the Cold War (New York: Tauris, 2018 – Natalia Telepneva est spécialiste de l’engagement du bloc soviétique en Afrique) ; pour l’Amérique latine : Tobias Rupprecht, Soviet Internationalism after Stalin. Interaction and Exchange between the USSR and Latin America during the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2015) et le numéro du JCWS (2019/3) consacré à Cuba (articles de Tanya Harmer et Renata Keller) et à la politique chilienne de Moscou – dont Rafael Pedemonte, “A case of ‘New Soviet Internationalism’: Relations between the USSR et Chile’s Christian Democratic Government, 1964-1970”, p. 4-25.
  • [34]
    Voir l’article de Sabine Dullin, Étienne Forestier-Peyrat dans ce numéro ; Artemy Kalinovsky, Laboratory of Socialist Development: Cold War Politics and Decolonization in Soviet Tajikistan (Ithaca: Cornell UP, 2018).
  • [35]
    En France : le programme de la MSH Élites africaines formées en URSS et dans les autres pays de l’ancien bloc soviétique. Histoires, biographie, expériences, le numéro des Cahiers d’ études africaines : Élites de retour de l’Est, n° 226, 2017 et les recherches de Constantin Katsakioris sur les étudiants africains et arabes dans les universités soviétiques. Sur les experts soviétiques en Chine : Austin Jersild, The Sino-Soviet Alliance: An International History (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2014) ; Deborah Kaple, “Agents of Change: Soviet Advisers and High Stalinist Management in China, 1949-1960”, JCWS (2016/1), p. 5-30.
  • [36]
    Voir l’article d’Emmanuel Droit dans ce volume ; Pierre Grosser, 1989, l’année où le monde a basculé, Paris, Perrin, 2009 ; Artemy Kalinovsky, Sergey Radchenko, eds., The End of the Cold War in the Third World: New Perspectives on Regional Conflict (Londres: Routledge, 2011).
  • [37]
    Geir Lundestad, “Empire by Invitation? The United States and Western Europe, 1945-1952”, Journal of Peace Research (1986/3), p. 263-277 ; Tony Smith, “New Bottles for New Wine: A Pericentric Framework for the Study of the Cold War”, Diplomatic History (2000/4), p. 567-591.
  • [38]
    C’est en particulier l’un des enseignements de l’ouvrage de Westad : La Guerre froide globale. Le Tiers-monde, les États-Unis et l’URSS, Paris, Payot, 2007 (2005 pour la version américaine). Céline Marangé montre elle aussi dans le cas vietnamien combien le désintérêt de Moscou fut souvent problématique pour les communistes locaux : Céline Marangé, Le communisme vietnamien, 1919-1991. Construction d’un État nation entre Moscou et Pékin, Paris, Presses de Sciences Po, 2012.
  • [39]
    Sur Cuba, voir l’article de Piero Gleijeses et Christine Hatzky, Cubans in Angola: South-South Cooperation and Transfer of Knowledge, 1976-1991 (Madison: University of Wisconsin Press, 2015) ; Michael Connelly, Aaron Coy Moulton, “Building their Own Cold War in their Own Backyard: the Transnational International Conflicts in the Greater Caribbean Basin, 1944-1954”, Cold War History (2015/2), p. 135-154.
  • [40]
    En français : Pierre Grosser, L’histoire du monde se fait en Asie. Une autre histoire du xxe siècle, Paris, Odile Jacob, 2017.
  • [41]
    Il s’agit notamment de s’éloigner de l’histoire diplomatique, en étudiant par exemple les circulations culturelles : Priscilla Roberts, ed., The Power of Culture. Encounters between China and the United States (Cambridge: Cambridge Scholars Publishing, 2016). Le terme encounters (rencontres) est actuellement le mot clé de l’histoire de la Guerre froide dans toutes ses dimensions (circulations Est-Ouest, Est-Sud, Sud-Sud).
  • [42]
    Jeremy Freidman, Shadow Cold War: the Sino-Soviet Competition for the Third World (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2015) ou Joshua Eisenman, “Comrades-in-Arms: the Chinese Communist Party’s relations with African political organizations in the Mao era, 1949-76”, Cold War History (2018/4), p. 429-445. Actuellement, plusieurs historiens se penchent sur l’action de l’Inde dans le Tiers-monde par-delà le mouvement des non-alignés (travaux de Ryan Musto).
  • [43]
    Voir l’article de David Engerman dans ce numéro. Sur l’Afrique et les capacités d’influence de ses dirigeants sur Moscou : outre les travaux de Natalia Telepneva, voir Maxim Matusevich, No Easy Row for a Russian to Hoe: Ideology and Pragmatism in Nigerian-Soviet Relations, 1960-1991 (Trenton: Africa World Press, 2003) ; id., Africa in Russia, Russia in Africa (Trenton: Africa World Press, 2006) ; Sergey Mazov, A Distant Front in the Cold War. The USSR in West Africa and the Congo, 1956-1964 (Washington: Woodrow Wilson Press, 2010) ; Alessandro Iandolo, “The Rise and Fall of the ‘Soviet Model of Development’ in West Africa”, Cold War History (2012/4), p. 683-704 ; id., “Imbalance of Power: The Soviet Union and the Congo Crisis, 1960-1961”, JCWS (2014/2), p. 32-55.
  • [44]
    Pour le CAEM et le pacte de Varsovie : Laurien Crumb, The Warsaw Pact Reconsidered: International Relations in Eastern Europe, 1955-1969 (Londres: Routledge, 2015) ; Simon Godard, « Construire le bloc par l’économie : configuration des territoires et des identités socialistes au CAEM, 1949-1989 » (thèse de l’université de Genève, 2014) ; Laurien Crumb, Simon Godard, “Reassessing Communist International Organisations: A Comparative Analysis of COMECON and the Warsaw Pact in Relation to their Cold War Competitors”, Contemporary European History (2018/1), p. 85-109. Voir aussi les articles de Jérôme Bazin et Michel Christian dans le numéro de la revue Vingtième Siècle. Revue d’histoire, « Le bloc de l’Est en question », n° 109, 2011 ; Emmanuel Droit, Les polices politiques du bloc de l’Est, Paris, Gallimard, 2019 ou les travaux de Rachel Applebaum. Les chercheurs s’intéressent aussi de plus en plus aux relations bilatérales entre démocraties populaires : Sherdon Anderson, Cold War in Soviet Bloc: Polish-East German Relations, 1945-1962 (New York: Routledge, 2018).
  • [45]
    Sur la RDA, voir l’article d’Amélie Regnauld dans ce numéro ; sur la Tchécoslovaquie : Philip Muehlenbeck, Czechoslovakia in Africa, 1945-1968 (New York: Palgrave Macmillan, 2016) et les publications de Michael Zourek sur les interventions de Prague en Amérique latine. Voir aussi le numéro de la Slavic Review sur l’action des démocraties populaires dans le Tiers-monde (2018/3), en particulier l’introduction programmatique de Theodora Dragostinova et Malgorzata Fidelis ; et sur le même thème les activités du Cold War Research Group (Prague). Pour l’action de la Pologne dans le Tiers-monde : voir les recherches de Malgorzata Mazurek (Columbia). Pour les relations entre l’Europe de l’Est et la Chine par-delà les liens privilégiés avec la Roumanie et l’Albanie : Jan Kofka, Peter Vamos (spécialiste des relations entre la Chine et l’Europe de l’Est), Sören Urbansky, “Beyond the Kremlin’s reach? Eastern Europe and China in the Cold War era”, Cold War History (2018/3), p. 251-256.
  • [46]
    Voir l’article de Vanni Pettinà dans ce volume.
  • [47]
    Il est intéressant de noter que l’histoire par le bas de la Guerre froide dans le Tiers-monde conduit à l’implication nouvelle d’anthropologues, qui souvent participent à la « désentialisation » de la Guerre froide : voir par exemple pour l’Asie Heonik Kwon, The Other Cold War (New York: Columbia UP, 2010).
  • [48]
    Ainsi l’ouvrage d’Ang Chen Guan, Southeast Asia’s Cold War: an Interpretive History (Honolulu: University of Hawaï Press, 2018) débute en 1919. Pour l’Amérique latine et la « latinaméricanisation » de la Guerre froide : voir l’article programmatique de Gilbert Joseph, “What We Now Know and Should Know: Bringing Latin America Meaningfully into Cold War Studies”, in Gilbert Joseph, Daniela Spenser, eds., In from the Cold. Latin America’s New Encounter with the Cold War (Durham: Duke UP, 2008), p. 3-46 ; à compléter par son article “Border Crossing and the Remaking of Latin American Cold War Studies”, Cold War History (2019/1), p. 141-170 et l’ouvrage dirigé par Virginia Garrard-Burnett, Mark Atwood Lawrence, Julio E. Moreno, Beyond the Eagle’s Shadow: New Histories of Latin America’s Cold War (Albuquerque: University of New Mexico Press, 2013).
  • [49]
    L’inscription de la Guerre froide dans l’histoire du Moyen-Orient est compliquée par l’accès difficile aux sources gouvernementales : Omnia El Shakry, “‘History without Documents’: The Vexed Archives of Decolonization in the Middle East”, American Historical Review (2015/3), p. 920-934 ; Nathan Citino, “The Middle East and the Cold War”, Cold War History (2019/3), p. 441-456. Sur la thématique de l’appropriation : Matthieu Rey, « “Domestiquer” la guerre froide au Moyen-Orient (1945-1961) : dynamiques externes et trajectoires irakienne et syrienne », Relations internationales, 2017/3, p. 69-84.
  • [50]
    La périodisation de la Guerre froide en Asie est bien analysée dans l’ouvrage dirigé par Tsuyoshi Hasegawa, The Cold War in East Asia, 1945-1991 (Washington DC: Woodrow Wilson Press, 2011).
  • [51]
    Alan McPherson, “Afterword”, in Virginia Garrard-Burnett et al., eds., Beyond the Eagle’s Shadow, op. cit., p. 306 (cf. note 48).
  • [52]
    Federico Romero, “Cold War History at the Crossroads”, Cold War History (2014/4), p. 685-703.
  • [53]
    John Lewis Gaddis, “The Emerging Post-Revisionist Synthesis”, Diplomatic History (1983/3), p. 171-190 ; Melvin P. Leffler, A Preponderance of Power. National Security, the Truman Administration and the Cold War (Stanford: Stanford UP, 1992).
  • [54]
    Deux exemples de cette polarisation historiographique persistante sur les origines de la Guerre froide : Arnold Offner, Another Such Victory. President Truman and the Cold War, 1945-1953 (Stanford: Stanford UP, 2002) ; Wilson Miscamble, From Roosevelt to Truman. Potsdam, Hiroshima and the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2007).
  • [55]
    C’est une des critiques, avancée surtout par des spécialistes d’Area Studies, au dernier livre d’Odd Arne Westad, The Cold War. A World History, discuté dans ce dossier par Laurence Badel et Pierre Grosser.
  • [56]
    Odd Arne Westad, La Guerre froide globale, op. cit. (cf. note 38).
  • [57]
    Ainsi, certaines réflexions du débat How Size Matters: the Question of Scale in History, organisé par l’American Historical Review en décembre 2013 peuvent s’appliquer à l’historiographie de la Guerre froide (2013/5, p. 1431-1472). Pour deux excellentes études qui discutent la Guerre froide tout en illustrant ce problème de partialité linguistique et archivistique : Matthew Connelly, Fatal Misconception. The Struggle to Control World Population (Cambridge: Harvard UP, 2010) et Daniel Immerwahr, How to Hide an Empire. A History of the Greater United States (New York: Picador, 2019).
  • [58]
    Anders Stephanson, “Fourteen Notes on the Very Concept of the Cold War”, in Gearóid Ó Tuathail, Simon Dalby, eds., Rethinking Geopolitics (Londres: Routledge, 1998), p. 62-85 ; Anders Stephanson, “Liberty or Death: The Cold War as U.S. Ideology”, in Odd Arne Westad, ed., Reviewing the Cold War: Approaches, Interpretations, Theory (Londres: Frank Cass, 2000), p. 81-100.
  • [59]
    Voir surtout le débat direct entre Stephanson et Westad in Joel Isaac, Duncan Bell, eds., Uncertain Empire. American History and the Idea of the Cold War (New York: Oxford UP, 2012), p. 19-60.
English version

1La presse nationale et internationale fait régulièrement sa Une sur la « nouvelle Guerre froide » ou la « seconde Guerre froide » qui opposerait à nouveau les États-Unis et la Russie, tensions marquées par des discours hostiles de part et d’autre, la relance de la course aux armements ou la mise en place de stratégies secrètes de subversion.

2Cette étiquette commode fige cependant l’histoire de la Guerre froide dans un cadre largement dépassé sur le plan historiographique, celui d’un conflit limité à la rivalité entre les deux Grands et envisagé principalement en termes diplomatico-militaires. Or, depuis deux décennies, l’histoire de l’affrontement Est-Ouest a été très largement revisitée dans le cadre de la « nouvelle histoire de la Guerre froide » (New Cold War History), dont ce numéro se propose de présenter les grands enjeux à travers huit articles originaux et un débat autour d’un livre emblématique de ce courant historiographique, The Cold War: A World History (2017), rédigé par l’un de ses premiers représentants, l’historien Odd Arne Westad.

3Ce renouvellement historiographique s’inscrit dans une double révolution. Une révolution méthodologique d’une part, avec l’affirmation de l’histoire transnationale et de l’histoire globale. Une révolution documentaire d’autre part, puisque la recherche sur la Guerre froide bénéficie depuis les années 1990 de la large ouverture des archives des anciennes démocraties populaires, de l’accès, plus limité, aux archives soviétiques, cubaines et chinoises, et de l’intérêt nouveau des historiens pour les fonds documentaires d’autres acteurs de la Guerre froide – étatiques et non-étatiques – en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Ce double mouvement a permis d’envisager le conflit dans ses multiples dimensions, sans le limiter à la seule analyse des relations américano-soviétiques.

4La nouvelle histoire de la Guerre froide se caractérise en effet par le souci d’intégrer à l’analyse du conflit des acteurs multiples, issus des États européens ou du Tiers-monde. Autrefois, ces pays n’étaient pas absents des recherches consacrées à l’histoire de la Guerre froide mais ils étaient considérés soit comme des objets passifs de la rivalité américano-soviétique, soit comme des partenaires mineurs des deux Grands et soumis à leur entière volonté. À l’inverse, l’histoire désormais mondiale de la Guerre froide, en « décentrant » le regard du centre (les deux Grands) vers la périphérie, permet un jeu d’échelle entre le global, le régional, le national et le local qui enrichit considérablement la compréhension du conflit. Il s’agit tout d’abord, en intégrant à l’analyse des acteurs plus nombreux, des États et leurs dirigeants, mais aussi des acteurs non-étatiques, voire des groupes et des individus, de réfléchir aux métamorphoses de la Guerre froide à ses périphéries et à ses conséquences locales grâce à une histoire « par le bas » du conflit. Il s’agit surtout, et en particulier au regard des articles rassemblés dans ce numéro, d’analyser la manière dont la Guerre froide, par son caractère mondial, a créé et/ou nourri de puissants processus d’internationalisation en favorisant la mise en contact d’espaces auparavant disjoints et en alimentant d’importantes circulations transnationales. Or cette internationalisation d’acteurs dits secondaires ou périphériques a, parallèlement, conduit à des phénomènes de réappropriation ou de domestication des enjeux du conflit, eux-mêmes sources d’autonomisation à l’égard des deux Grands. Ce triptyque internationalisation – réappropriation – autonomisation est donc au cœur de ce numéro consacré à une Guerre froide à la fois mondiale et décentrée.

5Afin d’introduire ce numéro et d’offrir une contextualisation historiographique large aux articles présentés, nous nous proposons de retracer les grandes évolutions qu’a connues l’histoire de la Guerre froide ces dernières décennies. Après un rapide rappel de la manière dont ce champ s’est reconstruit depuis le début des années 1990, nous nous pencherons sur les recherches actuellement consacrées à la rivalité américano-soviétique car, si le face-à-face entre les deux Grands n’est pas au cœur de ce numéro consacré à une Guerre froide décentrée, leur affrontement structure le conflit et offre donc un cadre indispensable à sa compréhension. Nous évoquerons ensuite les enjeux historiographiques qui ont porté la conception de ce numéro, liés à l’inscription de la Guerre froide dans le cadre de l’histoire mondiale. Il ne s’agit pas uniquement de montrer les limites d’une vision occidentalo-centrée de la Guerre froide et de souligner les spécificités de la trajectoire est-européenne et l’enjeu majeur qu’a constitué pour les deux Grands le Tiers-monde à partir du milieu des années 1950. Il s’agit aussi d’étudier ces pays comme des acteurs du conflit, en analysant leurs projets et motivations spécifiques, leur capacité à exploiter le contexte international pour les réaliser et leur marge de manœuvre à l’égard de Moscou et de Washington.

Construction et diffusion de la nouvelle histoire de la Guerre froide

La révolution documentaire et ses premières conséquences

6Notons tout d’abord combien l’ouverture des archives du bloc soviétique puis l’intérêt croissant pour les fonds documentaires issus du Tiers-monde ont conduit, dans un premier temps, et tout particulièrement aux États-Unis, à une forme de régression méthodologique et historiographique, celle d’une histoire des relations internationales très orthodoxe, centrée sur les États et leurs dirigeants.

7Ce retour de l’histoire diplomatique et des relations internationales conventionnelles s’explique par le type d’archives mobilisées par les historiens après la chute du bloc soviétique. Comme le montrent les déclassifications anticipées opérées par la National Security Archive (créée en 1985 à la George Washington University – Washington D.C.), il s’agissait notamment d’enquêter sur les pages sombres et cachées de la diplomatie américaine [1] et d’analyser les crises les plus marquantes de la Guerre froide en coopération avec plusieurs quotidiens généralistes comme le Washington Post. Puis à partir de 1993, et en coopération avec le Cold War International History Project lancé en 1991 au sein du Wilson Center International Center for Scholars (Washington D.C.), les efforts se portèrent sur « l’autre côté » du conflit en finançant des campagnes massives de collecte (et d’achat) et de traduction en anglais de documents issus d’archives du monde entier.

8Or cette documentation restait trop souvent issue des sommets de l’État et visait essentiellement à éclairer les mystères et les moments de tensions de la Guerre froide. Bien sûr, elle offrait en anglais une documentation archivistique riche et plurielle, impliquant une réelle variété d’acteurs, et permettait de comprendre maints épisodes de la Guerre froide par l’analyse des processus de décision des différents protagonistes, mais elle ne saisissait souvent que l’action politique et diplomatique des acteurs gouvernementaux [2].

9Parallèlement, en Europe centrale et orientale, la chute des régimes communistes et l’ouverture consécutive des archives libérèrent le travail des historiens. Mais dans le contexte postcommuniste, il s’agit essentiellement dans un premier temps de documenter les ravages des dictatures communistes et de célébrer la résistance des populations. Dans ce contexte, l’étude de la politique étrangère était négligée, et ce d’autant plus que dans la région elle apparaissait comme un non-sujet puisqu’il ne faisait alors guère de doute que les gouvernements communistes n’avaient été que de simples marionnettes aux mains de Moscou [3]. Cependant, au fil des années, les approches méthodologiques se diversifièrent et s’enrichirent.

Réseaux transnationaux et recherches collaboratives

10Grâce à des historiens venant d’horizons géographiques divers, l’histoire de la Guerre froide s’est progressivement et profondément renouvelée, notamment en Europe. En effet, dès la chute des régimes communistes en Europe de l’Est, se constituèrent des réseaux transeuropéens de chercheurs spécialistes de l’histoire des relations internationales et de l’histoire intérieure des pays concernés par le conflit. Leur objectif était d’écrire une histoire de la Guerre froide qui ne soit pas uniquement construite à partir de la rivalité américano-soviétique mais qui mette en valeur le rôle et les évolutions spécifiques du continent.

11Ainsi, dès 1994 les historiens Ennio Di Nolfo et Antonio Varsori (Université de Florence) lancent le programme international « Les deux Europe dans la Guerre froide, 1943-1989 », réunissant au fil des années de nombreux chercheurs (notamment en France autour de Robert Frank et Georges-Henri Soutou, en Allemagne de Wilfried Loth et en Grande-Bretagne d’Anne Deighton). Les publications collectives de ce programme sont des jalons essentiels de la nouvelle histoire de la Guerre froide, en mettant tout particulièrement en lumière l’articulation entre Guerre froide et construction européenne ou en éclairant les répercussions du conflit sur les évolutions intérieures des pays [4]. Ce vaste projet collaboratif a été prolongé par d’autres initiatives, comme le programme européen « La fin de la guerre froide et l’Europe » porté entre 2004 et 2008 par Frédéric Bozo (université Paris 3) et Marie-Pierre Rey (université Paris 1) et prolongé à partir de 2009 par leur ANR « Programme de recherche de la Sorbonne sur la Guerre froide/Sorbonne Cold War Studies Project [5]. » Ainsi, comme nous le verrons au fil de cette introduction et à la lecture des articles de ce numéro, la recherche européenne, et en particulier francophone, joue un rôle important dans la nouvelle histoire de la Guerre froide, grâce notamment ces dernières années aux recherches de nombreux jeunes chercheurs.

12Les historiens anglophones constituent évidemment un autre pôle majeur de ce renouvellement historiographique, tant par leurs recherches que par leurs structures scientifiques de diffusion du savoir et leur capacité à fédérer des chercheurs du monde entier [6]. Ainsi, en 1998 sont lancées la collection New Cold War History aux presses de l’Université de Caroline du Nord (sous la direction d’Odd Arne Westad) et celle du Cold War International History Project aux presses de l’Université de Stanford. Au même moment, deux revues emblématiques sont fondées : le Journal of Cold War Studies (JCWS, 1999, en lien avec le Harvard Project of the Cold War Studies) et Cold War History (2000, en lien avec le Cold War Studies Program et le centre IDEAS de la London School of Economics). Puis les années 2010 voient la publication de grandes synthèses collectives en anglais [7]. Toutes ces recherches, grâce à leur caractère international et collaboratif, ont permis de complexifier l’analyse de la Guerre froide, envisagée désormais comme un conflit multidimensionnel et mondial.

La rivalité américano-soviétique revisitée

Un affrontement aux multiples dimensions

13Si les origines de la Guerre froide ont mobilisé pendant longtemps l’attention des chercheurs, suscitant débats et polémiques autour de la part de responsabilité de chacun des deux Grands (historiens orthodoxes vs. historiens révisionnistes), la plupart des spécialistes s’accordent désormais sur une approche graduelle et différenciée de la dissolution de la Grande alliance, de 1945 à la rupture des années 1949-1950. Au cours de ces années charnières, l’affrontement américano-soviétique connut deux transformations essentielles qui colorèrent les décennies suivantes. D’une part, la rivalité entre les deux Grands se militarisa, comme en témoigne la signature du traité de l’Atlantique nord puis la création de l’OTAN, l’explosion en août 1949 de la première bombe atomique soviétique, l’accélération du programme nucléaire américain ou encore le discours du secrétaire d’État Acheson demandant en septembre 1950 « des soldats allemands en uniforme pour l’automne 1951 ». D’autre part, la mondialisation de la Guerre froide se confirma : après l’onde de choc de la victoire de Mao en octobre 1949, la directive américaine NSC 68 (avril 1950) dénonça les « ambitions mondiales » du Kremlin et affirma « qu’une défaite des institutions libres n'importe où serait une défaite partout ». Le déclenchement de la guerre de Corée le 25 juin 1950, suite au feu vert donné par Staline à la demande de Kim Il-sung, constitua dans ce contexte de tensions le point d’aboutissement de ce processus de militarisation et de mondialisation de l’affrontement américano-soviétique.

14Avec l’ouverture post-1990 des archives occidentales, et en particulier américaines, les historiens ont longuement revisité certains des aspects « traditionnels » de la Guerre froide liés aux tensions entre les deux Grands, en élargissant progressivement la focale chronologique à l’ensemble du conflit. Ils ont en particulier renouvelé l’analyse de la place du nucléaire dans l’affrontement américano-soviétique et démontré combien le conflit, bien que resté froid entre les deux Grands, avait été émaillé de crises particulièrement dangereuses et à l’issue incertaine. Les archives ont aussi mis à jour du côté américain l’ampleur des opérations clandestines et paramilitaires mises en place pour déstabiliser l’adversaire [8]. Les historiens ont ainsi pu reconstituer une grande partie des stratégies de déstabilisation des régimes communistes est-européens mises en place par l’Administration Truman, révélant combien Washington s’était un temps refusé à reconnaître le statu quo en Europe (infiltration de combattants derrière le rideau de fer, opérations de propagande notamment via Radio Free Europe[9]). Les opérations de la CIA dans le Tiers-monde sont elles aussi mieux documentées, notamment en Afrique et en Amérique latine [10].

15Passée l’euphorie de l’accès à des documents émanant du sommet du pouvoir et révélant (en partie) la face secrète du conflit [11], les historiens se sont tournés vers d’autres aspects de l’affrontement américano-soviétique. Il a fallu par exemple l’extinction du conflit Est-Ouest pour qu’Américains et Européens relancent le débat sur le rôle de l’idéologie dans la définition et la mise en œuvre des stratégies occidentales. Ainsi, la prise en considération du prisme anticommuniste appuie désormais la compréhension des origines de la Guerre froide, les décideurs américains interprétant les actions staliniennes comme forcément offensives et révolutionnaires [12]. Cette grille d’interprétation est d’autant plus intéressante à exploiter que, parallèlement, les historiens réévaluent la place de la sécurité et de l’idéologie dans la politique européenne de Staline, soulignent l’opportunisme et le pragmatisme de la politique soviétique dans le Tiers-monde et, à l’inverse, le moteur que la fidélité à l’internationalisme communiste a constitué pour les diplomaties chinoise et cubaine.

16Mais c’est bien l’utilisation de la culture comme instrument de déstabilisation de l’adversaire qui a été au cœur de nombreux travaux menés ces dernières décennies. Cette histoire de la Guerre froide culturelle a, par exemple, éclairé la manière dont le cinéma, le sport, la danse ou la musique sont devenus entre les mains des deux Grands des instruments efficaces de promotion de leur propre modèle et de dévalorisation de celui de l’adversaire. En France, les recherches dédiées à la Guerre froide culturelle ont bénéficié de la rencontre fructueuse entre l’histoire culturelle et l’histoire des relations internationales [13]. Si l’utilisation de la culture est désormais un pan largement étudié de la diplomatie occidentale, d’autres recherches se penchent désormais sur les actions menées par les pays du bloc soviétique [14].

17Cet élargissement à la sphère culturelle de la palette des instruments mobilisés par chacun des deux Grands a été une matrice particulièrement féconde pour, d’une part, éclairer l’existence de circulations entre les blocs et, d’autre part, envisager les effets intérieurs de l’affrontement Est-Ouest car au cours de la Guerre froide, comme l’explique l’historien Tony Shaw, « pratiquement tout, du sport au ballet, des bandes dessinées aux voyages dans l’espace, prit alors une signification politique [15] ».

Guerre froide et circulations transnationales

18Une des manifestations concrètes de la Guerre froide en Europe fut bien sûr l’érection du rideau de fer et l’établissement d’une frontière qui, jusqu’en 1989, constitua un obstacle majeur à la mobilité des personnes, des biens et des idées [16]. Cependant, les recherches sur la Guerre froide culturelle ont progressivement amené les historiens à prendre en compte l’existence de circulations par-delà le rideau de fer. L’attitude des dirigeants américains et soviétiques à l’égard des échanges Est-Ouest demeura ambiguë tout le long de la Guerre froide. Si parfois ils les encouragèrent de manière contrôlée afin, par exemple, de pouvoir porter leur message au cœur de la société adverse et d’en rapporter renseignements ou pratiques diverses, jamais ces échanges ne connurent de véritable normalisation, les régimes communistes cherchant alternativement à les canaliser, les réprimer ou les supprimer et les gouvernements occidentaux craignant qu’ils ne facilitent subversion et espionnage. Malgré ces obstacles récurrents, les circulations Est-Ouest permirent cependant l’émergence de véritables phénomènes transnationaux en Europe.

19Dans un premier temps, et dans la lignée de l’histoire de la Guerre froide culturelle, ce sont les circulations culturelles au sens large et à diverses échelles qui ont mobilisé l’attention des historiens [17]. Avec l’ouverture des archives du bloc soviétique, l’étude de la réception de ces échanges dans les sociétés socialistes a permis d’écrire une véritable histoire bilatérale et ainsi de montrer combien ces circulations Est-Ouest furent à la fois des instruments de rivalité et de compétition aux mains des États mais aussi des facteurs de rapprochements et de coopérations entre les sociétés [18]. Ces recherches, comme celles présentées dans ce numéro, ont aussi permis de mettre en lumière les espaces de rencontre entre l’Est et l’Ouest, comme les organisations internationales ou les grandes manifestations culturelles et sportives internationales ; certains pays, comme la Pologne du Dégel ou la Yougoslavie, ont aussi été des lieux de médiation importants en Europe [19].

20Depuis peu, les échanges économiques des années 1960-1980 nourrissent l’histoire transnationale de la Guerre froide, qu’il s’agisse des transferts technologiques ou des échanges de marchandises ou de personnes (des experts et spécialistes mais aussi des travailleurs [20]). Le prisme économique, adopté par plusieurs auteurs de ce numéro, permet d’articuler épuisement idéologique du modèle communiste, essor de la mondialisation libérale et fin de la Guerre froide. En effet, comme le montrent de nombreux historiens, la libéralisation de certaines économies du bloc soviétique à partir des années 1960 et leur ouverture à l’Occident (commerciale et financière de manière bilatérale mais aussi multilatérale avec l’entrée au GATT de plusieurs démocraties populaires au tournant des années 1960) ont été une composante essentielle des recompositions politico-idéologiques des années 1970 et 1980 [21].

La résonance de la Guerre froide dans les sociétés

21Si la Guerre froide n’explique pas à elle seule la porosité entre les sphères internationale et nationale, elle joue néanmoins un rôle majeur dans ce processus et, depuis quelques années, les historiens s’interrogent sur la manière dont le conflit a contribué à façonner les sociétés et à y politiser le quotidien. Ces recherches permettent notamment de compléter une histoire par le haut de la Guerre froide, centrée sur les lieux de pouvoirs et les élites qui les occupent, par une histoire sociale de la Guerre froide, fondée sur l’étude des acteurs non étatiques, sur une approche locale, voire une histoire du quotidien, du sensible, du domestique et de l’ordinaire.

22Ces recherches, dans la lignée du renouvellement historiographique né de l’histoire culturelle de la Première Guerre mondiale, ont par exemple éclairé la cristallisation au début des années 1950 d’une culture de « Guerre froide chaude », portée par divers vecteurs (médias, mouvements politiques et religieux), ancrée dans de fortes mobilisations sociales et qui se traduisit par une haine de l’ennemi et une culture de l’anxiété fondée sur l’angoisse d’une destruction imminente [22]. D’autres travaux ont pensé l’articulation entre science et Guerre froide, s’interrogeant sur l’impact du conflit sur les universités, les chercheurs et la construction des savoirs. Ces travaux ont mis à jour l’articulation forte aux États-Unis entre acteurs gouvernementaux et privés et se sont interrogés sur la marge de manœuvre de ces derniers. Beaucoup ont dans ce cadre souligné combien les acteurs privés partageaient avec leur gouvernement des objectifs communs (faire avancer la cause des États-Unis dans le monde et à terme vaincre le communisme), d’où une coopération relativement harmonieuse, fondée sur le volontariat mais dans laquelle les partenaires privés n’étaient que rarement de simples marionnettes aux mains de Washington et conservaient leur capacité à poursuivre leurs objectifs propres [23], etc.

23Certaines évolutions majeures des sociétés occidentales ont aussi été revisitées à la lumière de la Guerre froide. Par exemple, l’évolution de la place des femmes dans les sociétés et leur combat pour l’égalité s’inscrit maintenant dans une histoire genrée de la Guerre froide [24]. De même, le croisement entre Guerre froide et mouvement pour les droits civiques aux États-Unis a d’une part montré combien la dénonciation par le mouvement communiste de la condition de la communauté noire avait conduit les Administrations à s’engager contre la ségrégation afin de restaurer l’image des États-Unis dans le monde et, d’autre part, mis en lumière l’importance des réseaux transnationaux des organisations et militants noirs américains [25]. Quant aux travaux issus du croisement entre histoire de la Guerre froide et celle de l’environnement, ils soulignent le terrible impact de la compétition Est-Ouest en termes de pollution et de catastrophes écologiques [26].

24La prise en compte du caractère multidimensionnel de la Guerre froide et de son impact tant international que national a ainsi conduit les spécialistes à faire du conflit un élément central de l’analyse de nombreux phénomènes des années 1940-1980, réinterprétés au prisme de l’affrontement Est-Ouest. Cette approche s’est parallèlement doublée de l’élargissement de son périmètre géographique : au fil des décennies, l’étude des périphéries de la Guerre froide et des acteurs dits « mineurs » s’est développée, enrichissant la connaissance du conflit et faisant émerger de nouvelles problématiques.

La Guerre froide mondiale et ses visages locaux

L’impact de la Guerre froide sur ses périphéries

25Le déplacement de l’analyse du centre vers les périphéries de la Guerre froide a permis tout d’abord de souligner combien le Tiers-monde fut un enjeu essentiel de la rivalité américano-soviétique. Pendant longtemps, la vision eurocentrée du conflit avait conduit les historiens à envisager le continent comme l’unique terrain de cet affrontement. Or, si évidemment l’Europe resta jusqu’à la fin de la Guerre froide une priorité absolue en termes d’intérêt national pour les deux Grands, le statu quo s’y établit relativement vite, après l’échec de la révolution hongroise puis la construction du mur de Berlin. De ce fait, la rivalité américano-soviétique glissa à la fin des années 1950 vers le Tiers-monde, se greffant alors sur le processus de décolonisation en cours [27].

26La revalorisation de l’enjeu international que représenta le Tiers-monde a permis plusieurs renouvellements historiographiques importants. Le premier est évidemment de contredire le terme même de Guerre froide forgé aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale : si les soldats des deux Grands ne s’affrontèrent jamais directement, si l’Europe échappa à un conflit limité et si parfois Moscou et Washington surent coopérer dans le Tiers-monde [28], le caractère meurtrier de la Guerre froide à ses périphéries est désormais bien documenté, en particulier en Asie [29]. Ainsi, l’attention croissante pour les enjeux extra-européens de la Guerre froide a renforcé la conscience qu’en dehors de l’Europe, elle a constitué un multiplicateur de violence, exaspérant et intensifiant des conflits locaux [30].

27Les deux Grands ne mobilisèrent pas uniquement les armes dans le Tiers-monde mais aussi leurs ressources économiques, comme le montrent plusieurs articles de ce numéro. L’enjeu de la sortie du sous-développement et de la modernisation des économies fut en effet central dans les stratégies de séduction déployées par les deux Grands, et en particulier par Moscou [31]. Il s’agissait non seulement de constituer des réseaux de clientèle mais aussi de prouver la supériorité de son propre modèle économique en créant des vitrines des succès de l’économie socialiste. En conséquence, l’étude des relations Est-Sud, bien représentée dans ce numéro, est actuellement un aspect particulièrement novateur des recherches sur la Guerre froide et s’inscrit dans ce que de nombreux historiens qualifient d’histoire de la « mondialisation rouge » ou du « socialisme global [32] ».

28Leurs recherches ont permis de réévaluer les engagements internationaux du bloc soviétique et de mieux comprendre les objectifs et stratégies de Moscou (les intérêts mercantiles l’emportant souvent sur les principes idéologiques), les modalités de son aide (formation et expertises, aides financières, relations commerciales, etc.), son coût, ses hésitations, ses succès et échecs [33]. Ces travaux mettent aussi en valeur une multiplicité d’acteurs du côté soviétique, comme les républiques fédérées [34] ou les démocraties populaires. Ils éclairent les circulations et les transferts transnationaux Est-Sud grâce, par exemple, à l’étude de la place des universités communistes dans la formation des élites du Sud ou du rôle des conseillers et d’experts soviétiques et est-européens envoyés sur place [35]. Cette histoire de l’engagement global des deux Grands permet enfin de mieux comprendre l’enchaînement mondial des événements de l’année 1989 [36].

29L’étude de la Guerre froide mondiale, en revalorisant la place des régions périphériques, a aussi ouvert la voie à une forme de renversement de l’analyse et des relations d’influence.

Les dynamiques locales de la Guerre froide : élargissement et autonomie

30En 1986, l’historien Geir Lundestad écrivit un article fondateur sur « l’empire par invitation » dans lequel il soulignait les capacités d’influence des Européens sur les États-Unis et leur rôle majeur dans l’abandon de l’isolationnisme aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. En 2000, Tony Smith proposa un raisonnement similaire à l’échelle mondiale, soulignant le rôle des acteurs dits mineurs ou périphériques dans l’extension, l’intensification et le prolongement de la Guerre froide [37]. En effet, alors que dans le Tiers-monde, plusieurs historiens soulignent les hésitations fréquentes de Moscou à s’engager trop en avant [38], notamment sur le plan militaire, d’autres analysent en revanche le rôle des dynamiques locales dans l’élargissement de la Guerre froide.

31Il s’agit par exemple de souligner les racines endogènes de la diffusion du socialisme dans le Tiers-monde, dans un contexte intellectuel favorable aux idées de planification et d’industrialisation par substitution aux importations, renforcé par l’espoir que la construction d’un appareil de production étatique soit capable de renforcer le cadre national et d’accompagner la modernisation. Il s’agit aussi de mettre en valeur l’influence de certains États sur l’élargissement du périmètre de la Guerre froide et son durcissement, à l’image du rôle de Kim Il-sung dans le déclenchement de la guerre de Corée, de la stratégie d’internationalisation de la guerre d’Algérie par le FLN, des actions des dictateurs centraméricains dans les Caraïbes ou de celles de Cuba en Afrique [39].

32Mais c’est bien la place et le rôle de Pékin comme « troisième Grand » qui actuellement mobilisent les historiens de la Guerre froide, grâce à l’ouverture très contrôlée des archives chinoises [40]. Comme le montrent les spécialistes, le schisme sino-soviétique fut en effet un élément majeur de la Guerre froide, notamment en contribuant à son élargissement, à sa durée et à ses crises. En effet, les critiques de Pékin à l’égard de Moscou conduisirent les dirigeants soviétiques, et en particulier Khrouchtchev, à tendre les relations avec Washington (comme lors de la crise de Berlin) afin de ne pas prêter le flanc aux accusations de révisionnisme et de mollesse anticapitaliste. Ces attaques chinoises n’étaient cependant pas pure rhétorique. Le rôle de l’idéologie comme moteur de la diplomatie chinoise (à l’image de Cuba) est désormais largement documenté, tant comme élément essentiel de la rupture avec Moscou à la fin des années 1950 que comme moteur de sa politique à l’égard des autres pays du Tiers-monde au nom de la fidélité à l’idéal révolutionnaire, que Pékin estimait trahi par la libéralisation khrouchtchévienne et le pragmatisme soviétique face aux États-Unis et au processus de décolonisation. Par-delà les relations avec Moscou, l’étude de la diplomatie chinoise porte actuellement essentiellement sur les relations avec les États-Unis [41] et sa stratégie à l’égard du Tiers-monde, autour du concept de « Sud Global [42] ».

33De ce fait, il s’agit aussi de réfléchir à la Guerre froide comme une ressource interne pour de nombreux pays du Tiers-monde, qui surent exploiter la rivalité entre les deux Grands tout en résistant souvent efficacement à leurs injonctions, d’où des relations « patron-client » difficiles. Face à ces divergences et résistances, Moscou sut faire preuve de pragmatisme, ce qui ne lui évita ni frustrations, ni déceptions [43]. Cette capacité de résistance et de divergence est désormais aussi un enjeu important de l’histoire des démocraties populaires. S’il ne s’agit évidemment pas de nier la centralité imposée de l’URSS et de son modèle, les recherches sur les institutions transnationales du bloc soviétique mettent en valeur l’existence de formes de multilatéralisme et les capacités de s’éloigner (prudemment) du modèle et des directives soviétiques [44]. Dans le Tiers-monde, les spécificités des stratégies des pays les plus industrialisés d’Europe de l’Est (la RDA et la Tchécoslovaquie) confirment à partir des années 1960 leur capacité, réelle mais contrôlée, à suivre des objectifs propres et à défendre leurs positions. Ainsi, elles ne furent pas seulement de simples relais de l’URSS dans le Tiers-monde mais y agirent aussi en fonction de leurs intérêts propres [45].

34Ainsi les relations entre les grandes puissances et leurs alliés furent marquées, y compris dans le cadre soviétique, par une évidente capacité d’initiative et par des formes d’autonomie à des degrés divers, dont témoignent la primauté des enjeux locaux et la protection et la promotion d’intérêts nationaux qui pouvaient entrer en contradiction avec les stratégies des deux Grands [46]. Cet accent porté sur les dynamiques locales de l’affrontement américano-soviétique a ainsi permis de croiser histoire de la Guerre froide et histoire aréale et de penser les formes locales de la Guerre froide et les processus de domestication du conflit. Opérant l’articulation féconde entre sphère intérieure et sphère internationale, ces travaux sur les sous-systèmes régionaux de la Guerre froide permettent désormais d’écrire une histoire fondée sur la diversité des acteurs (étatiques et non-étatiques), analysée à hauteur humaine [47] et soucieuse de repenser les temporalités de la Guerre froide. Il s’agit ainsi, en amont des années 1940, de montrer l’insertion de la rivalité américano-soviétique dans les logiques locales en fonction d’un contexte long, par exemple celui de la dialectique révolution – contre-révolution et de l’impérialisme états-unien en Amérique latine ou des tensions autour du communisme en Asie [48]. En aval de cette « longue Guerre froide » aux racines locales, les historiens pensent aussi l’effacement de la bipolarité dans certaines parties du monde. Ainsi, avec la défection de son allié égyptien suite à la guerre du Kippour, Moscou perdit une grande partie de ses capacités d’influence au Moyen-Orient [49]. Quant à l’Asie, elle serait sortie de la logique bipolaire dans les années 1980 du fait de la victoire communiste au Vietnam en 1975, du rapprochement sino-américain et des débuts de la libéralisation économique chinoise [50].

35Dans ce cadre, comment alors distinguer les processus initiés à cause de la Guerre froide et ceux nés pendant la Guerre froide ? Comment ne pas perdre le fil des effets malgré tout structurants de la rivalité américano-soviétique quand la Guerre froide prend tant de visages locaux et s’adapte à une telle diversité et pluralité d’expériences et de temporalités ? Comme Alan McPherson le remarque à la lumière des Latin American Cold War Studies : « Le paradoxe tient au fait que plus les historiens alimentent l’histoire de la Guerre froide dans l’hémisphère, plus la Guerre froide se dilue dans le contexte [51]. » Voilà, par-delà l’espace latino-américain, l’un des défis de cette nouvelle histoire de la Guerre froide.

Les défis de la nouvelle histoire de la Guerre froide

36Ainsi, la nouvelle histoire de la Guerre froide, – ou, mieux, les nouvelles histoires de la Guerre froide – ont produit une véritable révolution historiographique. Grâce à la possibilité d’accéder à une pluralité d’archives, elles ont finalement pallié une des limites le plus évidentes des études sur la Guerre froide avant les années 1990 : d’être fondées presque exclusivement sur des sources primaires provenant des archives des pays du bloc occidental, états-uniens et britanniques en particulier. Cette recherche multi-archivistique et multilinguistique s’est associée à la conscience croissante du rôle joué par les acteurs dit « mineurs », au-delà des deux superpuissances, de la Chine et de leurs alliés principaux. Nous avons assisté, en d’autres termes, à un agrandissement du point d’analyse et à la reconnaissance pleine du pluralisme dialectique des relations internationales de l’après-1945 [52]. Ces changements, comme nous l’avons vu, ont été accompagnés par un second processus de pluralisation des domaines d’étude et de recherche lié à la reconnaissance des multiples dimensions – géopolitiques, militaires, économiques, idéologiques, culturelles – de la compétition bipolaire entre États-Unis et URSS et en conséquence à l’étude des nombreux terrains sur lesquels les différentes guerres froides furent combattues, de la course aux armements à la productivité industrielle, des systèmes d’alliances à l’espionnage, des festivals de cinéma aux Jeux olympiques.

37Comme tous les grands tournants historiographiques, celui de la nouvelle histoire de la Guerre froide pose aussi des problèmes et révèle des contradictions qui nourrissent de nouvelles discussions et, souvent, des controverses. L’illusion – presque néopositiviste – de pouvoir arriver à une synthèse « post-révisionniste [53] », unifiant et résumant certaines des acquisitions les plus importantes des deux pôles interprétatifs des « orthodoxes » et « révisionnistes », a été rapidement rendue obsolète par un débat plus articulé et pluriel, et impraticable à cause de la persistance des polarités historiographiques mordantes bien qu’utiles à la discussion [54].

38Au-delà de l’impossibilité évidente d’une complète synthèse historiographique, trois éléments apparaissent comme les problèmes – en fait les dilemmes – provoqués par ce nouvel élan historique. Le premier est lié à la praticabilité réelle d’un agenda de recherche si ambitieux et complexe. Les compétences linguistiques, les connaissances historiques, la familiarité historiographique avec des domaines d’étude nationaux, régionaux et sous-disciplinaires variés : tous ces éléments rendent presque impossible à réaliser l’étude globale et plurielle de la Guerre froide, invoqués par plusieurs des parties [55]. L’alternative repose évidemment sur le travail d’équipe, et plusieurs projets importants ont été promus ; mais – nous le savons bien – la recherche historique ne se prête pas facilement à ces approches et l’étude de la Guerre froide ne fait pas exception.

39Directement lié à cet aspect est le risque provoqué par l’excès de diversification et pluralisme du fait des conséquences involontaires de cet effort de « décentrer » l’analyse de la Guerre froide. La nouvelle histoire de la Guerre froide a été capable de souligner le rôle, l’importance et les capacités d’action (agency) des acteurs, étatiques ou pas, auparavant négligés dans les analyses traditionnelles de la Guerre froide. Le danger, ici, est cependant double. D’un côté, on risque d’aller simplement trop loin, en mettant au second plan les deux acteurs primaires de la Guerre froide, les États-Unis et l’URSS, en oubliant, paradoxalement, que la Guerre froide a été tout d’abord une compétition idéologique et de puissance entre deux États, deux projets d’organisation de la société et de l’économie, et deux modèles, qui prétendaient être universels et globaux dans leur reproductibilité : deux théologies (et téléologies) de la modernité [56].

40De l’autre côté, un obstacle potentiellement insurmontable tient aux profondes asymétries documentaires. Ce problème est commun à une large partie de l’histoire globale, surtout celle qui se concentre sur la période contemporaine, qui peut compter sur la richesse de sources primaires mais qui souffre aussi d’un grand déséquilibre dans leur origine. Dit très simplement : pour certains acteurs et protagonistes de la Guerre froide, nous disposons de beaucoup plus de documents que pour les autres : les Archives nationales des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France – pour citer des exemples banals – offrent une quantité et variété de matériaux documentaires incommensurablement supérieurs à ceux d’autres pays (y compris certains membres de l’Alliance atlantique : les archives italiennes ou portugaises sont, par exemple, bien plus difficiles à consulter). Par conséquent, et comme parfois pour une certaine histoire globale, les nouvelles études sur la Guerre froide finissent par reposer sur des sources provenant d’un nombre limité et sélectionné de fonds ; l’objet global de leurs analyses cache souvent des sources très partielles (et parfois même monolingues [57]).

41Et cela nous amène à une dernière réflexion, lié aux recherches de l’historien suédois Anders Stephanson pour lequel ces nouvelles études de la Guerre froide ont produit une dilatation excessive – temporelle, sémantique et conceptuelle – de la Guerre froide. Dans un essai original et provocant, publié au milieu des années 1990, Stephanson proposait une périodisation courte (1947-1963) d’une Guerre froide interprétée principalement comme projet états-unien [58]. Au fil des ans, Stephanson a fréquemment proposé de nouvelles lectures et périodisations, en polémiquant ouvertement avec Westad et les tenants d’une interprétation plurielle et globale de la Guerre froide. Il leur reproche notamment de rendre l’objet d’analyse de plus en plus flou, indéterminé et indiscernable de l’histoire internationale de l’après Seconde Guerre mondiale ou même du xxe siècle (ainsi dans son dernier ouvrage, Westad propose lui-même une périodisation insolite, anticipant le début de la Guerre froide à la fin du xixe siècle [59]). Les provocations de Stephanson ne sont pas toujours convaincantes et ont suscité de nombreuses discussions, mais elles ont eu sans doute le grand mérite de nous rappeler combien partiels, incomplets et évolutifs, peuvent être les grands tournants historiographiques.

Décentrer la Guerre froide

42Ce numéro se propose donc d’éclairer certains aspects de cette nouvelle histoire de la Guerre froide en présentant huit articles, dont les analyses sont enrichies par le débat autour de l’ouvrage The Cold War: A World History d’Odd Arne Westad. Devant la profusion de l’historiographie, plusieurs choix ont présidé à la naissance de ce numéro. Ainsi, les enjeux de Guerre froide internes aux pays de l’Alliance atlantique ou l’histoire culturelle du conflit, désormais bien établis et amplement nourris en France par une grande diversité de travaux, restent périphériques dans ce numéro. Les auteurs rassemblés proposent en revanche des études de cas qui analysent la dimension mondiale de la Guerre froide à partir des pays qualifiés par Tony Smith de « junior partners ».

43Les deux Grands ne sont cependant évidemment pas absents de ce numéro, et leur place est d’ailleurs l’un des enjeux du débat conduit par Laurence Badel et Pierre Grosser avec Odd Arne Westad. Les articles de David Engerman et de Vanni Pettinà abordent la stratégie des États-Unis et leurs réseaux de clientèle dans le Tiers-monde. La politique soviétique à l’échelle mondiale est quant à elle abordée dans plusieurs articles, qui analysent les liens entre l’URSS et ses alliés (Emmanuel Droit) et montrent comment Moscou les utilisa comme des vitrines du socialisme (Matthieu Gillabert sur le cas polonais ou Sabine Dullin et Étienne Forestier-Peyrat pour l’Ukraine et la Biélorussie) ou comme relais de son influence dans le Tiers-monde (Amélie Regnauld sur la RDA). Les enjeux que représente le Tiers-monde pour Moscou (et dans une moindre mesure pour Washington) sont ainsi amplement documentés, qu’il s’agisse de manifester son soutien à la lutte anti-impérialiste ou de démontrer la supériorité de son modèle économique comme voie de sortie du sous-développement. Cependant, si les stratégies des deux Grands furent un moteur important de l’exposition à l’international de nombreux pays, les articles de Sacha Markovic sur la Yougoslavie et Piero Gleijeses sur Cuba démontrent combien les facteurs internes (affirmation de l’humanisme yougoslave ou de la solidarité socialiste et révolutionnaire) sont aussi à prendre en considération pour comprendre le positionnement international de ces deux pays.

44La dimension mondiale de l’affrontement américano-soviétique conduit donc à des formes d’internationalisation d’acteurs dits périphériques, qui se réapproprient les enjeux de la Guerre froide et transforment ainsi l’affrontement américano-soviétique en une ressource interne leur permettant de faire avancer leur intérêt national. Cette articulation entre les enjeux de Guerre froide et les logiques nationales permet d’éclairer deux dimensions importantes. D’une part, la question des motivations des dirigeants de ces pays et des tensions entre les impératifs idéologiques (Cuba) et des considérations plus pragmatiques et réalistes liées au prestige international (Ukraine/Biélorussie) ou à la croissance et au développement économiques (Vanni Pettinà pour le Mexique ou Amélie Regnauld pour la RDA). D’autre part, l’étude des processus de réappropriation permet un enjeu d’échelles particulièrement fécond, en s’interrogeant sur la place des acteurs non-gouvernementaux dans la Guerre froide, que ce soit les grandes entreprises nationales (Amélie Regnauld et David Engerman), les intellectuels et leurs réseaux transnationaux (Sacha Markovic) ou les populations locales (Matthieu Gillabert et Emmanuel Droit).

45Enfin, les articles du numéro démontrent combien ces processus de réappropriation et d’affirmation des dynamiques locales furent un important vecteur d’autonomisation de ces acteurs dits périphériques et ce au cours des décennies de la coexistence pacifique et de la Détente, lorsque l’emprise des deux Grands se desserra. Dans le cas mexicain, la volonté d’asseoir le développement économique du pays conduisit à la mise en place d’une diplomatie plus diversifiée et globale. En Inde, l’aide soviétique fut avant tout utilisée pour servir les objectifs nationaux de développement. À l’intérieur du bloc soviétique, les engagements militaires de Cuba en Afrique furent souvent décidés sans l’accord soviétique, la diplomatie est-allemande s’affranchit parfois des directives de Moscou et les dirigeants ukrainiens et biélorusses surent utiliser leur siège à l’ONU pour apprendre à exister à l’international.

Notes

  • [1]
    La révélation des dessous de la politique américaine n’empêcha pas alors certains historiens occidentaux de manifester une forme de triomphalisme : Pierre Grosser, « Histoire de la Guerre froide ou histoire des vainqueurs ? », Critique internationale, 2001/3, p. 69-80.
  • [2]
    Par exemple, la riche analyse de James Hershberg, Marigold: the Lost Chance for Peace in Vietnam (Stanford: Stanford UP, 2012) s’intéresse aux nombreux acteurs impliqués au Vietnam mais ne considère jamais leurs spécificités politiques et culturelles nationales ou leur lien avec des objectifs relevant spécifiquement de leur politique intérieure.
  • [3]
    C’est pourquoi en 2009 Antoine Marès constatait l’angle mort que représentait alors la diplomatie dans la recherche centre-européenne : Antoine Marès, « Archives et étude de la politique étrangère des démocraties populaires », in Sonia Combe (dir.), Archives et histoire dans les sociétés post-communistes, Paris, La Découverte/ BDIC, 2009, p. 111-120.
  • [4]
    Antonio Varsori, Elena Calandri, eds., The Failure of Peace in Europe, 1943-1948 (Londres: Palgrave, 2002) ; Saki Dockrill, Robert Frank, Georges-Henri Soutou, Antonio Varsori (dir.), L’Europe de l’Est et de l’Ouest dans la Guerre froide 1948-1953, Paris, PUPS, 2002 ; Wilfried Loth, ed.., Europe, Cold War and Coexistence, 1953-1965 (Londres: Routlege, 2004) ; Wilfried Loth, Georges-Henri Soutou, eds., The Making of Détente. Eastern and Western Europe in the Cold War, 1965-1975 (Londres: Routledge, 2008).
  • [5]
    Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, Piers Ludlow, Leopoldo Nuti, eds., Europe and the End of the Cold War: A Reappraisal (Londres: Routledge, 2008) ; Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, Piers Ludlow, Bernd Rother, ed., Visions of the End of the Cold War in Europe, 1945-1990 (New York: Berghahn Books, 2012) ; Leopoldo Nuti, Frédéric Bozo, Marie-Pierre Rey, Bernd Rother, The Euromissile Crisis and the End of the Cold War (Stanford: Stanford UP, 2015).
  • [6]
    La force de frappe des institutions américaines leur permet d’attirer les chercheurs internationaux, comme de nombreux historiens chinois invités depuis 2011 au Wilson Center et publiés en langue anglaise.
  • [7]
    Melvin Leffler, Odd Arne Westad, eds., TheCambridge History of the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2010) ; Petra Goedde, Richard H. Immerman, eds., Oxford Handbook of the Cold War (Oxford: Oxford UP, 2013) ; Craig Daigle, Artemy Kalinovsky, eds., Routledge Handbook of the Cold War (Londres: Routledge, 2014).
  • [8]
    La CIA a mis en ligne certaines de ses archives : [https://www.cia.gov/library/readingroom/home] consulté en mai 2020.
  • [9]
    Justine Faure, L’ami américain. La Tchécoslovaquie, enjeu de la diplomatie américaine, Paris, Tallandier, 2004.
  • [10]
    Les déclassifications anticipées réalisées par la National Security Archive ont permis de documenter, entre autres, les actions clandestines des États-Unis en Amérique latine. Pour une réflexion historiographique et méthodologique : Piero Gleijeses, “The CIA’s Paramilitary Operations during the Cold War: An Assessment”, Cold War History (2016/3), p. 291-306.
  • [11]
    Il reste cependant beaucoup à apprendre, ce qui rend assez prématurée l’affirmation en 1997 de l’historien John L. Gaddis : We Now Know. Rethinking the Cold War History (New York: Oxford UP, 1997).
  • [12]
    Melvyn Leffler, The Specter of Communism: The United States and the Origins of the Cold War, 1917-1953 (New York: Hill and Wang, 1994) ; David Engerman, “Ideology and the Origins of the Cold War, 1917-1962”, in Melvyn P. Leffler, Odd Arne Westad, eds., The Cambridge History of the Cold War, op. cit., vol. 1, p. 20-43 (cf. note 7).
  • [13]
    Jean-François Sirinelli, Georges-Henri Soutou (dir.), Culture et Guerre froide, Paris, PUPS, 2008. L’ouvrage collectif dirigé par Anne Dulphy et al., Les relations culturelles internationales au 20e siècle (Bruxelles, Peter Lang, 2010) contient plusieurs chapitres consacrés à la Guerre froide culturelle. Voir aussi Stéphanie Gonçalves, Danser pendant la Guerre froide : 1945-1968, Rennes, PUR, 2018 ou, sur le sport, Jérôme Gygax, Olympisme et guerre froide culturelle, Paris, L’Harmattan, 2012 et Robert Edelman, Christopher Youngs, eds., The Whole World was Watching. Sport in the Cold War (Stanford: Stanford UP, 2019).
  • [14]
    Antoine Marès (dir.), Culture et politique étrangère des démocraties populaires, Paris, IES, 2007. Sur le sport et la musique du côté soviétique : Sylvain Dufraisse, Les héros du sport : Une histoire des champions soviétiques (années 1930-années 1980), Paris, Champ-Vallon, 2019 et Kiril Tomoff, Virtuosi Abroad: Soviet Music and Imperial Competition during the Early Cold War, 1945-1958 (Ithaca: Cornell UP, 2015).
  • [15]
    Tony Shaw, “The Politics of Cold War Culture”, Journal of Cold War Studies (désormais JCWS) (2001/3), p. 59-76. L’historien est notamment l’auteur de Cinematic Cold War: the American and Soviet Struggle for Hearts and Minds (Lawrence: University of Kansas Press, 2013). Pour un exemple original de la Guerre froide culturelle, voir Annabel Jane Wharton, Building the Cold War: Hilton International Hotels and Modern Architecture (Chicago: University of Chicago Press, 2001), qui analyse la manière dont les hôtels Hilton furent conçus comme des vitrines de l’American Way of Life et des instruments de la lutte anticommuniste.
  • [16]
    Sophie Coeuré, Sabine Dullin (dir.), Frontières du communisme, Paris, La Découverte, 2007.
  • [17]
    En Europe, l’Aleksanteri Institute (Helsinki) a lancé un programme de grande ampleur sur cette thématique : Sari Autio-Sarasmo, Brendan Humphreys, eds., Winter Kept Us Warm: Cold War Interactions Reconsidered (Helsinki: Aleksanteri Cold War Series, 2010) ; Sari Autio-Sarasmo, Katalin Miklossy, eds., Reassessing Cold War Europe (Londres: Routledge, 2011) ; Simo Mikkonen, Pia Koivunen, eds., Beyond the Divide: Entangled Histories and the Cold War Europe (New York: Berghahn Books, 2015) ; Simo Mikkonen, Pekka Suutari, eds., Music, Art, and Diplomacy: East-West Cultural Interactions and the Cold War (Farnham: Ashgate, 2016). En France, mentionnons le numéro des Cahiers SIRICE : Les voyages entre l’URSS et l’Occident : quelle histoire transnationale ? (2016/2), dirigé par Sylvain Dufraisse, Sophie Momzikoff et Rafael Pedemonte ; la thèse de Lidwine Warchol, « La Pologne en France : les relations entre intellectuels français et intellectuels polonais de 1966 à 1983 », soutenue à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne en 2014, sous la direction d’Antoine Marès ; les recherches de Ioana Popa sur la Guerre froide culturelle : « La circulation transnationale du livre : un instrument de la guerre froide culturelle », Histoire@Politique, 2011/3, p. 25-41 ; et celles de Christian Wenkel sur les relations entre la France et la RDA.
  • [18]
    La réception de la musique rock a, par exemple, donné lieu à de nombreux livres et articles sur la culture jeune derrière le rideau de fer, dont Alexei Yurchak, Everything Was Forever, Until it Was no More. The Last Soviet Generation (Princeton: Princeton UP, 2006) ; William Jay Risch, ed., Youth and Rock in the Soviet Bloc (Lanham: Lexington Books, 2014) ; pensons aussi au très beau film Leto de Kirill Serebrennikov (2018). Sur les coopérations scientifiques entre les deux blocs : Corine Defrance, Anne Kwaschik (dir.), La Guerre froide et l’internationalisation des sciences : acteurs, réseaux et institutions, Paris, CNRS Éditions, 2015 ; Egle Rindzeciciute, The Power of System: How Policy Sciences Opened Up the Cold War World (Ithaca: Cornell UP, 2016) ; la thèse de Laurence Roche Nye : « Coopération spatiale franco-soviétique et réseaux scientifiques en temps de guerre froide (1966-1988) : transferts, circulations, pouvoirs » (Paris-Ouest Nanterre, 2017) ou encore le numéro spécial de JCWS sur le mouvement Pugwash (2018/1). Pour une cartographie des circulations Est-Ouest, et par-delà de la Guerre froide, voir Sabine Dullin, Stanislas Jeannesson, Atlas de la Guerre froide 1947-1990 : un conflit global et multiforme, Paris, Autrement, 2020, (2e éd.).
  • [19]
    Sandrine Kott, « Par delà la guerre froide, les Organisations internationales et les circulations Est-Ouest (1947-1973) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2011/109, p. 129-143. Pour les festivals de jeunesse, voir l’article de Matthieu Gillabert, et pour le cinéma : les travaux de Caroline Moine. Voir aussi l’article de Sacha Markovic sur les réseaux transnationaux yougoslaves.
  • [20]
    Sur les mobilités de travailleurs, voir la thèse en cours de Juliette Ronsin, « “C’est Peugeot qui nous a amenés ici”. Les ouvriers (post-)yougoslaves des usines Peugeot à Sochaux-Montbéliard, de 1965 à nos jours, commencée en 2018 », sous la direction de Claire Zalc ; ou encore la journée d’étude organisée par le Cold War Research Group à Prague en février 2018 sur les migrations de travail entre l’Est et l’Ouest [https://cwrg.ff.cuni.cz/index.php/en/%5D] (consulté en mai 2020).
  • [21]
    Johanna Bockman, Markets in the Name of Socialism. The Left-Wing Origins of Neoliberalism (Stanford: Stanford UP, 2011) ; id. “Socialist Globalization against Capitalist Neocolonialism: The Economic Ideas behind the New International Economic Order”, Humanity (2015/1), p. 108-129 ; Oscar Sibony-Sanchez, Red Globalization (Cambridge: Cambridge UP, 2014) ; André Steiner, “The Globalisation Process and the Eastern Bloc Countries in the 1970s and 1980s”, European Review of History (2014/2), p. 165-181 ; Christoph Starzec, François Gardes, “Inflation in Poland in the 1970s Between Official Figures and the Reality. A Virtual Price Approach”, in Michel-Pierre Chélini, Laurent Warlouzet, eds., Slowing Down Prices. European Inflation in the 1970s, Paris, Presses de Sciences Po, 2016, p. 191-211 ; Michel Christian, Sandrine Kott, Ondrej Matejka, eds., Planning in Cold War Europe. Competition, Cooperation, Circulations (1950s-1970s) (Oldenbourg: De Gruyter, 2018).
  • [22]
    Voir les deux livres dirigés, entre autres, par Michel Hastings : La Guerre froide vue d’en bas, Paris, CNRS éditions, 2014 (avec Philippe Buton et Olivier Büttner) et La France en Guerre froide, nouvelles questions, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2015 (avec Sylvie Le Clech) ; Diane Kirby, ed., Religion and the Cold War (Londres: Palgrave Macmillan, 2003) ; Andreï Kozovoï, Par-delà le mur. La culture de Guerre froide soviétique entre deux détentes, Bruxelles, Complexe, 2009.
  • [23]
    Scott Lukas, “Beyond Freedom, Beyond Control: Approaches to Culture and the State-Private Network in the Cold War”, in Hans Krabbendam, Giles Scott-Smith, eds., The Cultural Cold War in Western Europe, 1945-60 (Londres: Routledge, 2003) ; Helen Laville, Hugh Wilford, eds., The US Government, Citizen Groups and the Cold War: the State-Private Networks (Londres: Routledge, 2006).
  • [24]
    Laura Belmonte montre par exemple combien la promotion à l’international de l’American Way of Life dans les années 1950 s’appuyait, entre autres, sur la figure de la femme au foyer cantonnée aux tâches domestiques : Selling the American Way. U.S. Propaganda and the Cold War (Philadelphie: Pennsylvania UP, 2008). D’autres recherches portent sur l’inscription internationale du féminisme dans le contexte de Guerre froide : Kristen Ghodsee, Second World, Second Sex. Socialist Women's Activism and Global Solidarity during the Cold War (Durham: Duke UP, 2019).
  • [25]
    Thomas Borstelmann, The Cold War and the Color Line. American Race Relations in the Global Arena (Cambridge: Harvard UP, 2003) ; Mary L. Dudziak, Cold War Civil Rights: Race and the Image of American Democracy (Princeton: Princeton UP, 2011). Actuellement, les historiens explorent les réseaux chinois du Black Power, comme Hongshan Li, “Building a Black Bridge”, JCWS (2018/3), p. 114-152. Par-delà l’exemple américain : Philip Muehlenbeck, ed., Race, Ethnicity, and the Cold War: a Global Perspective (Nashville: Vanderbilt UP, 2012).
  • [26]
    John R. McNeill, Corinna R. Unger, eds., Environmental Histories of the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2010) ; J.R. McNeill, “The Biosphere and the Cold War”, in Melvyn P. Leffler, Odd Arne Westad, eds., The Cambridge History of the Cold War, op. cit., vol. 3, p. 422-444 (cf. note 7) ; François Jarrige, Thomas Le Roux, La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Le Seuil, 2017.
  • [27]
    Leslie James, Elisabeth Leake, eds., Decolonization and the Cold War: Negociating Independence (Londres: Bloomsbury Publisher, 2015).
  • [28]
    Par exemple : Guy Laron, The Origins of the Suez Crisis (Washington DC: Woodrow Wilson Press, 2013).
  • [29]
    Paul Thomas Chamberlin, The Cold War’s Killing Field: Rethinking the Long Peace (New York: Harper Colins, 2018). Le titre fait référence au livre de John L. Gaddis envisageant la Guerre froide comme une longue paix : The Long Peace (New York: Oxford UP, 1988).
  • [30]
    Robert J. MacMahon, The Cold War in the Third World (Oxford: Oxford UP, 2013).
  • [31]
    Sara Lorenzini, Global Development: A Cold War History (Princeton: Princeton UP, 2019).
  • [32]
    Voir en particulier les activités du programme international Socialism Goes Global (porté entre autres par l’Université d’Exeter) et l’article de deux de ses animateurs : James Mark et Tobias Rupprecht, “The Socialist World in Global History. From Absentee to Victim to Co-Producer”, in Matthias Middell, ed., The Practice of Global History: European Perspectives (Londres: Bloomsbury, 2019), chap. 6. Voir aussi les volumes 2 et 3 de la Cambridge History of Communism (Silvio Pons et al., eds., Cambridge: Cambridge UP, 2017) ; Anna Calori et al., eds., Between East and South. Spaces of Interaction in the Globalizing Economy of the Cold War (Berlin: De Gruyter, 2019).
  • [33]
    David Engerman, “The Second World’s Third World”, Kritika (2011/1), p. 183-211 ; Philip Muelenbeck, Natalia Telepneva, Warsaw Pact Intervention in the Third World, Aid and Influence in the Cold War (New York: Tauris, 2018 – Natalia Telepneva est spécialiste de l’engagement du bloc soviétique en Afrique) ; pour l’Amérique latine : Tobias Rupprecht, Soviet Internationalism after Stalin. Interaction and Exchange between the USSR and Latin America during the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2015) et le numéro du JCWS (2019/3) consacré à Cuba (articles de Tanya Harmer et Renata Keller) et à la politique chilienne de Moscou – dont Rafael Pedemonte, “A case of ‘New Soviet Internationalism’: Relations between the USSR et Chile’s Christian Democratic Government, 1964-1970”, p. 4-25.
  • [34]
    Voir l’article de Sabine Dullin, Étienne Forestier-Peyrat dans ce numéro ; Artemy Kalinovsky, Laboratory of Socialist Development: Cold War Politics and Decolonization in Soviet Tajikistan (Ithaca: Cornell UP, 2018).
  • [35]
    En France : le programme de la MSH Élites africaines formées en URSS et dans les autres pays de l’ancien bloc soviétique. Histoires, biographie, expériences, le numéro des Cahiers d’ études africaines : Élites de retour de l’Est, n° 226, 2017 et les recherches de Constantin Katsakioris sur les étudiants africains et arabes dans les universités soviétiques. Sur les experts soviétiques en Chine : Austin Jersild, The Sino-Soviet Alliance: An International History (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2014) ; Deborah Kaple, “Agents of Change: Soviet Advisers and High Stalinist Management in China, 1949-1960”, JCWS (2016/1), p. 5-30.
  • [36]
    Voir l’article d’Emmanuel Droit dans ce volume ; Pierre Grosser, 1989, l’année où le monde a basculé, Paris, Perrin, 2009 ; Artemy Kalinovsky, Sergey Radchenko, eds., The End of the Cold War in the Third World: New Perspectives on Regional Conflict (Londres: Routledge, 2011).
  • [37]
    Geir Lundestad, “Empire by Invitation? The United States and Western Europe, 1945-1952”, Journal of Peace Research (1986/3), p. 263-277 ; Tony Smith, “New Bottles for New Wine: A Pericentric Framework for the Study of the Cold War”, Diplomatic History (2000/4), p. 567-591.
  • [38]
    C’est en particulier l’un des enseignements de l’ouvrage de Westad : La Guerre froide globale. Le Tiers-monde, les États-Unis et l’URSS, Paris, Payot, 2007 (2005 pour la version américaine). Céline Marangé montre elle aussi dans le cas vietnamien combien le désintérêt de Moscou fut souvent problématique pour les communistes locaux : Céline Marangé, Le communisme vietnamien, 1919-1991. Construction d’un État nation entre Moscou et Pékin, Paris, Presses de Sciences Po, 2012.
  • [39]
    Sur Cuba, voir l’article de Piero Gleijeses et Christine Hatzky, Cubans in Angola: South-South Cooperation and Transfer of Knowledge, 1976-1991 (Madison: University of Wisconsin Press, 2015) ; Michael Connelly, Aaron Coy Moulton, “Building their Own Cold War in their Own Backyard: the Transnational International Conflicts in the Greater Caribbean Basin, 1944-1954”, Cold War History (2015/2), p. 135-154.
  • [40]
    En français : Pierre Grosser, L’histoire du monde se fait en Asie. Une autre histoire du xxe siècle, Paris, Odile Jacob, 2017.
  • [41]
    Il s’agit notamment de s’éloigner de l’histoire diplomatique, en étudiant par exemple les circulations culturelles : Priscilla Roberts, ed., The Power of Culture. Encounters between China and the United States (Cambridge: Cambridge Scholars Publishing, 2016). Le terme encounters (rencontres) est actuellement le mot clé de l’histoire de la Guerre froide dans toutes ses dimensions (circulations Est-Ouest, Est-Sud, Sud-Sud).
  • [42]
    Jeremy Freidman, Shadow Cold War: the Sino-Soviet Competition for the Third World (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2015) ou Joshua Eisenman, “Comrades-in-Arms: the Chinese Communist Party’s relations with African political organizations in the Mao era, 1949-76”, Cold War History (2018/4), p. 429-445. Actuellement, plusieurs historiens se penchent sur l’action de l’Inde dans le Tiers-monde par-delà le mouvement des non-alignés (travaux de Ryan Musto).
  • [43]
    Voir l’article de David Engerman dans ce numéro. Sur l’Afrique et les capacités d’influence de ses dirigeants sur Moscou : outre les travaux de Natalia Telepneva, voir Maxim Matusevich, No Easy Row for a Russian to Hoe: Ideology and Pragmatism in Nigerian-Soviet Relations, 1960-1991 (Trenton: Africa World Press, 2003) ; id., Africa in Russia, Russia in Africa (Trenton: Africa World Press, 2006) ; Sergey Mazov, A Distant Front in the Cold War. The USSR in West Africa and the Congo, 1956-1964 (Washington: Woodrow Wilson Press, 2010) ; Alessandro Iandolo, “The Rise and Fall of the ‘Soviet Model of Development’ in West Africa”, Cold War History (2012/4), p. 683-704 ; id., “Imbalance of Power: The Soviet Union and the Congo Crisis, 1960-1961”, JCWS (2014/2), p. 32-55.
  • [44]
    Pour le CAEM et le pacte de Varsovie : Laurien Crumb, The Warsaw Pact Reconsidered: International Relations in Eastern Europe, 1955-1969 (Londres: Routledge, 2015) ; Simon Godard, « Construire le bloc par l’économie : configuration des territoires et des identités socialistes au CAEM, 1949-1989 » (thèse de l’université de Genève, 2014) ; Laurien Crumb, Simon Godard, “Reassessing Communist International Organisations: A Comparative Analysis of COMECON and the Warsaw Pact in Relation to their Cold War Competitors”, Contemporary European History (2018/1), p. 85-109. Voir aussi les articles de Jérôme Bazin et Michel Christian dans le numéro de la revue Vingtième Siècle. Revue d’histoire, « Le bloc de l’Est en question », n° 109, 2011 ; Emmanuel Droit, Les polices politiques du bloc de l’Est, Paris, Gallimard, 2019 ou les travaux de Rachel Applebaum. Les chercheurs s’intéressent aussi de plus en plus aux relations bilatérales entre démocraties populaires : Sherdon Anderson, Cold War in Soviet Bloc: Polish-East German Relations, 1945-1962 (New York: Routledge, 2018).
  • [45]
    Sur la RDA, voir l’article d’Amélie Regnauld dans ce numéro ; sur la Tchécoslovaquie : Philip Muehlenbeck, Czechoslovakia in Africa, 1945-1968 (New York: Palgrave Macmillan, 2016) et les publications de Michael Zourek sur les interventions de Prague en Amérique latine. Voir aussi le numéro de la Slavic Review sur l’action des démocraties populaires dans le Tiers-monde (2018/3), en particulier l’introduction programmatique de Theodora Dragostinova et Malgorzata Fidelis ; et sur le même thème les activités du Cold War Research Group (Prague). Pour l’action de la Pologne dans le Tiers-monde : voir les recherches de Malgorzata Mazurek (Columbia). Pour les relations entre l’Europe de l’Est et la Chine par-delà les liens privilégiés avec la Roumanie et l’Albanie : Jan Kofka, Peter Vamos (spécialiste des relations entre la Chine et l’Europe de l’Est), Sören Urbansky, “Beyond the Kremlin’s reach? Eastern Europe and China in the Cold War era”, Cold War History (2018/3), p. 251-256.
  • [46]
    Voir l’article de Vanni Pettinà dans ce volume.
  • [47]
    Il est intéressant de noter que l’histoire par le bas de la Guerre froide dans le Tiers-monde conduit à l’implication nouvelle d’anthropologues, qui souvent participent à la « désentialisation » de la Guerre froide : voir par exemple pour l’Asie Heonik Kwon, The Other Cold War (New York: Columbia UP, 2010).
  • [48]
    Ainsi l’ouvrage d’Ang Chen Guan, Southeast Asia’s Cold War: an Interpretive History (Honolulu: University of Hawaï Press, 2018) débute en 1919. Pour l’Amérique latine et la « latinaméricanisation » de la Guerre froide : voir l’article programmatique de Gilbert Joseph, “What We Now Know and Should Know: Bringing Latin America Meaningfully into Cold War Studies”, in Gilbert Joseph, Daniela Spenser, eds., In from the Cold. Latin America’s New Encounter with the Cold War (Durham: Duke UP, 2008), p. 3-46 ; à compléter par son article “Border Crossing and the Remaking of Latin American Cold War Studies”, Cold War History (2019/1), p. 141-170 et l’ouvrage dirigé par Virginia Garrard-Burnett, Mark Atwood Lawrence, Julio E. Moreno, Beyond the Eagle’s Shadow: New Histories of Latin America’s Cold War (Albuquerque: University of New Mexico Press, 2013).
  • [49]
    L’inscription de la Guerre froide dans l’histoire du Moyen-Orient est compliquée par l’accès difficile aux sources gouvernementales : Omnia El Shakry, “‘History without Documents’: The Vexed Archives of Decolonization in the Middle East”, American Historical Review (2015/3), p. 920-934 ; Nathan Citino, “The Middle East and the Cold War”, Cold War History (2019/3), p. 441-456. Sur la thématique de l’appropriation : Matthieu Rey, « “Domestiquer” la guerre froide au Moyen-Orient (1945-1961) : dynamiques externes et trajectoires irakienne et syrienne », Relations internationales, 2017/3, p. 69-84.
  • [50]
    La périodisation de la Guerre froide en Asie est bien analysée dans l’ouvrage dirigé par Tsuyoshi Hasegawa, The Cold War in East Asia, 1945-1991 (Washington DC: Woodrow Wilson Press, 2011).
  • [51]
    Alan McPherson, “Afterword”, in Virginia Garrard-Burnett et al., eds., Beyond the Eagle’s Shadow, op. cit., p. 306 (cf. note 48).
  • [52]
    Federico Romero, “Cold War History at the Crossroads”, Cold War History (2014/4), p. 685-703.
  • [53]
    John Lewis Gaddis, “The Emerging Post-Revisionist Synthesis”, Diplomatic History (1983/3), p. 171-190 ; Melvin P. Leffler, A Preponderance of Power. National Security, the Truman Administration and the Cold War (Stanford: Stanford UP, 1992).
  • [54]
    Deux exemples de cette polarisation historiographique persistante sur les origines de la Guerre froide : Arnold Offner, Another Such Victory. President Truman and the Cold War, 1945-1953 (Stanford: Stanford UP, 2002) ; Wilson Miscamble, From Roosevelt to Truman. Potsdam, Hiroshima and the Cold War (Cambridge: Cambridge UP, 2007).
  • [55]
    C’est une des critiques, avancée surtout par des spécialistes d’Area Studies, au dernier livre d’Odd Arne Westad, The Cold War. A World History, discuté dans ce dossier par Laurence Badel et Pierre Grosser.
  • [56]
    Odd Arne Westad, La Guerre froide globale, op. cit. (cf. note 38).
  • [57]
    Ainsi, certaines réflexions du débat How Size Matters: the Question of Scale in History, organisé par l’American Historical Review en décembre 2013 peuvent s’appliquer à l’historiographie de la Guerre froide (2013/5, p. 1431-1472). Pour deux excellentes études qui discutent la Guerre froide tout en illustrant ce problème de partialité linguistique et archivistique : Matthew Connelly, Fatal Misconception. The Struggle to Control World Population (Cambridge: Harvard UP, 2010) et Daniel Immerwahr, How to Hide an Empire. A History of the Greater United States (New York: Picador, 2019).
  • [58]
    Anders Stephanson, “Fourteen Notes on the Very Concept of the Cold War”, in Gearóid Ó Tuathail, Simon Dalby, eds., Rethinking Geopolitics (Londres: Routledge, 1998), p. 62-85 ; Anders Stephanson, “Liberty or Death: The Cold War as U.S. Ideology”, in Odd Arne Westad, ed., Reviewing the Cold War: Approaches, Interpretations, Theory (Londres: Frank Cass, 2000), p. 81-100.
  • [59]
    Voir surtout le débat direct entre Stephanson et Westad in Joel Isaac, Duncan Bell, eds., Uncertain Empire. American History and the Idea of the Cold War (New York: Oxford UP, 2012), p. 19-60.
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