Notes
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Voir aussi le numéro 43 de la revue en ligne ethnographiques.org, “Enquêter avec les enfants et les adolescent.e.s”, paru en juin 2022 et coordonné par Florence Bouillon, Fabienne Hejoaka et Mélanie Jacquemin, https://www.ethnographiques.org/2022/numero-43.
1 Sous la direction de Virginie Baby-Collin et Farida Souiah, l’ouvrage Enfances et jeunesses en migration paru à la fin de l’année 2022, s’appuie sur les rencontres d’un séminaire interdisciplinaire qui s’est tenu pendant plusieurs années à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (mmsh) d’Aix-en-Provence. Les 21 contributions de ce livre ont ainsi toutes fait l’objet d’échanges et de discussions collectifs au cours de ce séminaire. Une introduction et une revue de littérature historicisent et contextualisent l’objet de recherche qui porte sur les enfances et les jeunesses — au pluriel — dans les espaces d’émigration, d’immigration et/ou transnational. Cinq parties composent l’ouvrage. Comme pour nombre d’ouvrages collectifs, il est ainsi aisé d’en faire une lecture sélective en fonction des centres d’intérêt. Les deux premières parties portent sur les migrations des enfants, dans un cas avec une forte implication de leur famille, et dans l’autre, sans adulte accompagnant. Et puisqu’il est question d’enfants et de jeunes, âges de prédilection pour l’éducation et la formation, les trois parties suivantes concernent : d’abord le droit à la scolarisation, puis les trajectoires scolaires, enfin les mobilités des jeunes, et notamment celles des étudiants.
2 Dans une courte introduction qui présente efficacement les enjeux principaux du livre, Virginie Baby-Collin et Farida Souiah rappellent que l’intérêt porté aux enfants dans les migrations internationales est assez récent, ces derniers ayant pendant très longtemps été considérés comme des individus passifs et accompagnant les adultes (comme avant eux, les femmes étaient exclusivement perçues comme accompagnant les hommes). Même si la part qu’il représente parmi les migrants internationaux est en baisse depuis les années 1990, le nombre de jeunes migrants augmente, notamment du fait de l’essor de phénomènes spécifiques à cette tranche d’âge (les mineurs non accompagnés [mna] et les migrations étudiantes). Parallèlement, leur visibilité s’accroît, car ces migrations enfantines et adolescentes suscitent l’attention médiatique et politique. Enfin, la multiplication des travaux académiques à leur sujet est à rapprocher de l’essor et de la structuration des études sur l’enfance et la jeunesse, sur les familles transnationales et sur l’éducation.
3 La revue de littérature de Valentina Mazzucato et Joan van Geel, intitulée Grandir et se mouvoir dans un champ social transnational, s’ouvre sur une définition des « jeunes transnationaux » qui se répartissent dans la littérature en trois catégories : (1) ceux de la seconde génération, (2) ceux dont les parents ont migré mais qui sont restés dans le pays d’origine, (3) ceux qui font eux-mêmes l’expérience de la migration. Avec cette nouvelle catégorie des « jeunes transnationaux », les auteurs cherchent à contourner la division entre première et deuxième génération (et ainsi « ne pas réduire [l’] expérience de mobilité à un seul déplacement international », celui des enfants ou des parents [p. 46]) pour éviter le « focus ethnique » (ex : Sénégalais de telle génération) et ainsi favoriser l’étude des divers types de mobilité et leurs effets sur les vies concrètes des enfants et des jeunes.
4 La première partie de l’ouvrage, centrée sur les migrations d’enfants qui se déploient dans le cadre de stratégies familiales, comporte trois chapitres. Ester Serra Mingot étudie la reproduction sociale de familles soudanaises réfugiées aux Pays-Bas qui, ayant acquis la nationalité néerlandaise, ont fait le choix de migrer vers le Royaume-Uni avec leurs enfants pour des raisons éducatives. L’anthropologue montre que la recherche d’une meilleure protection sociale n’est pas ici le moteur de cette nouvelle migration, mais plutôt l’idée de « (dé)placer correctement les enfants » (p. 54), de trouver un « lieu approprié » pour que les enfants reçoivent une éducation scolaire de qualité, ce qui se révèle plus aisé au Royaume-Uni. Dans un second chapitre intitulé « On m’a pas dit le pourquoi et le comment ». Quand la mobilité est imposée par la famille, Hugo Bréant analyse trois catégories de mobilités subies par les enfants et adolescents relatées par des migrants togolais et comoriens à l’âge adulte. D’abord, « l’éloignement comme sanction familiale » (p. 67) dans un sens ou dans l’autre : vers le pays de migration, vers le pays d’origine des parents, ou encore vers un tiers pays (dans une institution religieuse ou confié à un proche). La punition répond à des comportements perçus comme déviants par les parents et surtout mettant en danger l’éducation scolaire et l’avenir de l’enfant. La seconde catégorie est celle des mariages arrangés, comme migration imposée à des adolescentes comoriennes vers la France. Enfin, la troisième mobilité contrainte est celle, plus banale, mais rarement considérée comme telle, du projet familial qui inclut les enfants dans la migration, mais pas nécessairement dans la décision. Aurélie Fillod-Chabaud est l’autrice du dernier chapitre qui porte sur l’adoption par kafala d’enfants arrivant du Maghreb et « adoptés » par des parents français musulmans. L’enquête sociologique repose sur des entretiens et des questionnaires. En arabe, la kafala veut dire « prendre en charge », « prendre soin » sans créer de lien de filiation. Ce dispositif de prise en charge d’un enfant est présent dans les Codes de la famille de l’Algérie et du Maroc, qui se positionnent ainsi contre l’adoption (simple ou plénière), prohibée par l’islam. Le chapitre relate les trajectoires institutionnelles semées d’embûches pour les parents et les enfants (entrée sur le territoire, reconnaissance de l’adoption, demande de nationalité, etc.). Ceci dans un contexte où la kafala est peu encadrée juridiquement et reconnue de façon disparate, et parfois incohérente, par les trois domaines d’administration suivants : « la protection de l’enfance, les guichets de l’immigration et de l’état civil, et les institutions judiciaires ». Par exemple au niveau des départements, 11 % des services de la protection de l’enfance refusent d’instruire les kafala, notamment pour des raisons politiques (la kafala n’est pas une adoption) ou budgétaires (le service est en sous-effectif [p. 89]). Le chapitre se termine sur une réflexion sur la « stratification des désirs parentaux » (p. 91) et la variable « désirabilité d’un enfant » (p. 94) (en fonction du pays d’origine, de la couleur de peau, de l’âge, du cadre de l’adoption…) rendus visibles par des prises en charge différenciées selon les positionnements des services de l’adoption et de la protection de l’enfance.
5 Dans une deuxième partie intitulée Migrer seuls ?, quatre chapitres considèrent les récits et trajectoires des mineurs et des jeunes migrant seuls, ainsi que l’encadrement législatif et institutionnel de leurs déplacements et de leur accueil. Chiara Pettenella a mené une enquête sociologique auprès des acteurs des institutions européennes à Bruxelles et à Malte. La chercheuse documente les luttes au sujet de l’encadrement des mineurs non accompagnés en Europe. En France, en Espagne et en Italie, la prise en charge des mineurs non accompagnés roms, marocains, subsahariens, égyptiens, a d’abord été nationale et portait sur la scolarisation et la formation, avant que l’Union européenne ne commence un cadrage des mna avec l’objectif du « children mainstreaming, cet instrument trans-sectoriel » (p. 106) qui vise à garantir les droits de l’enfant dans toutes les politiques publiques au niveau national et communautaire. La requalification de la question des mna en termes de risque puis de « menace transnationale » (par Frontex et Europol [p. 115]), montre le glissement de leur prise en compte vers le contrôle sécuritaire et la lutte contre la criminalité organisée. Le chapitre révèle ainsi à quel point est mince la frontière entre pratiques de protection (de l’enfance) et pratiques de surveillance, entre politiques sociales et contrôle des migrations. Le chapitre suivant s’ouvre sur une citation, « Parce que je suis un homme, pas un lâche », pour interroger les représentations de genre entourant les migrations des jeunes qui quittent l’Algérie ou la Tunisie. Monika Salzbrunn, Farida Souiah et Simon Mastrongelo analysent les discours et actes des harraga. Ces « brûleurs » (de frontières, de passeports, des étapes nécessaires au départ) sont surtout de jeunes hommes issus de milieu urbain et populaire qui migrent en traversant la Méditerranée. L’ethnographie multisituée a été complétée par une « netnographie » (réseaux sociaux [p. 137]) et une analyse d’un corpus de chants sur les harraga, mettant en scène le rite de passage que peut constituer cette migration pour les jeunes hommes quand elle apparaît a contrario trop risquée et non conforme aux normes de genre pour les jeunes femmes. Daniel Senovilla Hernandez et Océane Uzureau entremêlent dans le troisième chapitre les récits de trois jeunes mineurs non accompagnés venus de Guinée et du Mali qui évoquent tour à tour et de manière approfondie : le contexte d’origine, le voyage puis la vie en France. Le dispositif méthodologique ayant permis d’accéder à des récits d’adolescents aussi denses est décrit précisément. L’approche informelle par l’espace public, ici la rue où les jeunes passent une bonne partie de leur temps, a été priorisée, permettant le partage de moments d’inactivité et de moments sportifs. Ensuite, des outils participatifs comme les « ateliers collectifs d’information » (p. 140) ont permis d’expliquer et de légitimer la position des chercheurs. Les entretiens ne sont intervenus qu’après environ une année de suivi des trois jeunes garçons, évitant ainsi les discours convenus qu’ils peuvent avoir l’habitude de proposer dans le cadre de leur suivi juridique et administratif. Le dernier chapitre, écrit par Robin Cavagnoud, analyse les trajectoires biographiques d’adolescents vénézuéliens âgés de 12 à 17 ans qui ont migré seuls ou avec leur famille au Pérou. La déstructuration des familles, les problèmes de santé des proches et la faim poussent les adolescents à différentes formes d’autonomisation, notamment la mise au travail puis la migration pour rejoindre des amis ou des apparentés. Lorsqu’ils arrivent au Pérou sans être accompagnés d’un adulte, les autorités les interceptent parfois et les confient à des institutions, qui les considèrent alors comme des enfants « en situation d’abandon » (p. 171). Ce placement des mineurs va alors à l’encontre de leur quête d’autonomie mais aussi de leurs responsabilités familiales.
6 Dans une troisième partie, cinq chapitres viennent présenter différents enjeux de la scolarisation des migrants mineurs en France. Dans le premier chapitre, Simona Tersigni propose une analyse sociohistorique de l’orientation quasi systématique des élèves migrants vers les formations professionnelles. À la fin du XIXe, les « écoles de demi-temps » (p. 180), créées au sein même des usines imposent la scolarisation des ouvriers étrangers de moins de 12 ans. Ces jeunes migrants, notamment italiens ou espagnols, ont procédé au « petit remplacement » (p. 189) des enfants ouvriers français du fait des politiques successives limitant l’âge de leur mise au travail. Le chapitre invite ainsi à interroger les « politiques d’âge » en même temps que les « économies morales qui s’ajustent aux secteurs économiques sous tension » (p. 196). Le chapitre suivant s’intéresse aux élèves « allophones nouvellement arrivés » (eana). Maïtena Armagnague et Isabelle Rigoni mettent les injonctions institutionnelles à l’inclusion en regard des conditions de vie des enfants migrants (alimentation, santé, logement) et du manque de préparation et de formation des enseignants. Dans le troisième chapitre, Thomas Douniès s’intéresse aux différentes étapes du processus de distinction entre les adolescents « scolarisables » et « non scolarisables » : la reconnaissance ou non de la minorité par l’Aide sociale à l’enfance (ase), l’évaluation du niveau scolaire et linguistique par le Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (casnav), de la motivation par le Centre d’information et d’orientation (cio), l’affectation scolaire par la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (dsden). Il révèle ainsi le pouvoir discrétionnaire des acteurs de ces institutions locales, la mise en concurrence des publics liée à la rareté des places disponibles (entre mineurs, « mijeurs » et majeurs, entre étrangers et nationaux). Le quatrième chapitre, écrit par Céline Persini, se concentre ensuite sur l’orientation scolaire des mna, souvent « vers des filières professionnelles courtes préparant à des métiers en tension » (p. 234). Cette orientation est pourtant le fruit de logiques divergentes — scolaire, économique, juridique, administrative (enjeu de la régularisation) — incarnées par les adultes entourant les jeunes : les éducateurs des Maisons d’enfants à caractère social (mecs), les enseignants de Français langue étrangère (fle) ou des Unités pédagogiques pour élèves allophones nouvellement arrivés (upe2a), les bénévoles du Réseau éducation sans frontières (resf). Un chapitre sur l’expérience du confinement par les élèves migrants d’un lycée général de Marseille vient clore cette partie de l’ouvrage. Les autrices, Virginie Baby-Collin, Cécile Exbrayat, Polina Palash et Luna Russo, s’appuient notamment sur des journaux de bord écrits par des élèves à la demande de leur enseignante de Français langue seconde (fls). Les journaux relatent l’ennui, le sommeil perturbé, mais aussi la peur pour les proches restés dans le pays d’origine, les difficultés matérielles et les circulations empêchées. Le confinement a ainsi engendré chez ces élèves un certain nombre de retards (défaut de socialisation en français), voire de décrochages scolaires (notamment pour travailler).
7 La quatrième partie traite des trajectoires scolaires des jeunes migrants (avec ou sans leur famille) puis des jeunes de seconde génération. Dans le premier chapitre, Eduardo Carillo Cantu et Victor Zuniga s’intéressent aux parcours scolaires fracturés de jeunes migrants partis avec leurs parents des États-Unis vers le Mexique. Les auteurs rappellent les trois grandes phases de la migration mexicaine vers les États-Unis : la grande circulation, la grande migration (jusqu’à 12,5 millions de Mexicains nés au Mexique résidaient aux États-Unis en 2005 [p. 276]), la grande expulsion (dont des enfants citoyens étatsuniens en âge scolaire) et évaluent la possibilité du maintien ou non de l’instruction obligatoire. Le chapitre suivant porte sur une migration spécifique, celle de 72 jeunes jummas qui ont fui le Bangladesh et qui ont passé un an et demi dans un camp de réfugiés en Inde, avant d’être accueillis en France par des familles françaises. Paul Nicolas analyse leur plus ou moins grande réussite scolaire en fonction de leur âge à leur arrivée, des liens renoués avec leur famille restée dans le pays d’origine, du milieu social de celle-ci, de l’encadrement et du suivi scolaires par les familles françaises. Il cherche ainsi à répondre à la question suivante : les parcours scolaires de ces enfants sont-ils à rapprocher de ceux des enfants d’immigrés, des enfants adoptés à l’international, des enfants arrachés à leur famille, ou des mna ? Enfin, dans le troisième chapitre, Yaël Brinbaum questionne le maintien de « l’avantage des filles » (p. 311) dans les aspirations et les trajectoires des enfants d’immigrés. Grâce aux données du panel 2007-2016 de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (depp) du ministère de l’Éducation nationale, l’analyse des trajectoires scolaires jusqu’au baccalauréat des enfants nés en France de parents immigrés confirme l’avantage scolaire des filles, et ce quelle que soit le pays de provenance. Toutefois, le taux de réussite au baccalauréat montre que l’écart entre filles et garçons varie en fonction des régions géographiques d’origine. Par comparaison avec les jeunes d’origine française pour qui cet écart est de 10 points, il est beaucoup plus élevé pour les descendants de Maghrébins (16 points) et de Subsahariens (23 points), mais il est plus faible pour les descendants d’Asiatiques (4 points).
8 La dernière partie de l’ouvrage comporte cinq chapitres qui proposent un tour d’horizon des recherches récentes sur les étudiants qui migrent à l’international. À partir du Maghreb, Sylvie Mazella analyse dans un premier chapitre les mobilités étudiantes vers la France d’un point de vue historique jusqu’à « l’internationalisation in situ » (p. 345) et ses liens avec la libéralisation en cours de l’enseignement supérieur. Puis l’autrice s’intéresse aux jeunes Subsahariens qui viennent poursuivre leurs études dans un des pays du Maghreb, destinations présentant l’avantage d’être accessibles sans visa. Dans un deuxième chapitre, Hicham Jamid décrit précisément le cadre juridique évolutif, les démarches administratives et les différents coûts associés à un déplacement vers la France pour les étudiants extra-européens. De l’agence EduFrance créée en 1998, aux Centres pour les études en France (cef) jusqu’à Campus France, les stratégies de la France pour à la fois attirer et sélectionner des étudiants étrangers ainsi que le « marathon administratif » (p. 353) pour ces derniers sont analysés, également à l’aune du « changement de statut » lorsque les études se terminent ou sont interrompues. L’auteur présente ensuite les trajectoires et « carrières de papier » concrètes de plusieurs étudiantes et étudiants, qui bénéficient de l’appui du Réseau universitaire sans frontière (rusf), qui lutte pour régulariser leur séjour et pour faire face au pouvoir discrétionnaire des agents des préfectures. Un troisième chapitre étudie le cas de Chypre-Nord comme « destination alternative » (p. 370) pour les étudiants subsahariens. Théotime Chabre y relate comment l’enseignement supérieur est devenu la première activité économique du territoire avec 88 % d’étudiants étrangers (p. 377) « perçus comme des consommateurs » (p. 385). Les « conseillers en éducation » sont ainsi des intermédiaires de recrutement dont certains sont eux-mêmes étudiants. Les student agents sont rémunérés par leur université chypriote et choisis pour leur réseau dans leur pays d’origine (notamment le Nigeria). La géographe Itane Lacrampe-Camus analyse dans un quatrième chapitre les trajectoires migratoires de jeunes adultes équatoriens arrivés enfants en Espagne. Détenteurs de la double nationalité, ils se rendent en général pendant plusieurs années à Londres pour y faire l’expérience de l’autonomie, y apprendre l’anglais, s’y former et y acquérir des compétences professionnelles. À leur arrivée, ces jeunes s’appuient sur les réseaux sociaux latino-américains en ligne (Facebook, WhatsApp) pour trouver un logement sur le marché de la sous-location et un travail la plupart du temps précaire, entrant de fait souvent en concurrence avec les « anciens migrants » (qui ne possèdent pas la nationalité d’un État membre de l’espace Schengen [pp. 396-397]). Dans un dernier chapitre, Hadrien Dubucs présente les parcours de jeunes adultes français ayant émigré aux Émirats arabes unis. Contrairement aux migrations en famille des cadres, plus fréquemment étudiées, il évoque les stagiaires et les jeunes « entrepreneurs » dans un contexte de diversification économique « post-pétrolière » (p. 407). Le chapitre questionne l’idée qui consiste à vouloir se faire « une place au soleil » et montre que, comme d’autres migrations de jeunes adultes célibataires, il s’agit au départ de migrations temporaires sur le registre de l’aventure, « la tentative, la parenthèse, et le rebond » (p. 414).
9 Cet important volume de 471 pages est le premier en langue française à se donner comme objet d’étude les migrations des enfants et des jeunes, et ce, quels que soient leur statut administratif, leurs motifs personnels de migration, le sens de la migration (vers un pays de destination, d’origine, de nouvelle destination, Nord-Nord, Sud-Sud, etc.) ainsi que le fait de migrer en famille ou en étant « non accompagné », de façon subie ou choisie. On peut regretter l’absence d’une conclusion, notamment pour proposer un cadre conceptuel général et pointer à la fois les acquis de l’ensemble des 21 chapitres, et les manques et les pistes de recherche à approfondir. L’intérêt de cette publication, qui marquera sans aucun doute les champs à la fois des études migratoires et des études sur l’enfance et la jeunesse, réside également dans l’attention portée aux changements sémantiques significatifs (d’enfant à migrant, d’étudiant étranger à étudiant international, etc.) ainsi qu’aux dispositifs méthodologiques [1] pour traiter de la question des enfants ou des adolescents. La mise en avant de destinations (Chypre-Nord) et de statuts (stagiaires, élèves des écoles de demi-temps, etc.) peu documentés et des migrations en provenance et vers l’Afrique sont à noter comme un point fort permettant d’envisager les changements en cours et à venir de la géographie mondiale des migrations.
Notes
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Voir aussi le numéro 43 de la revue en ligne ethnographiques.org, “Enquêter avec les enfants et les adolescent.e.s”, paru en juin 2022 et coordonné par Florence Bouillon, Fabienne Hejoaka et Mélanie Jacquemin, https://www.ethnographiques.org/2022/numero-43.