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Article de revue

La droite radicale en Europe : acteurs, transformations et dynamiques électorales

Pages 16 à 22

Notes

  • [1]
    Cf. Gilles Ivaldi, Les populismes aux élections européennes de 2019 : diversité idéologique et performances électorales, Paris, Fondation Jean Jaurès, 2020.
  • [2]
    L'Enquête Sociale Européenne (European Social Survey: ESS) est une enquête scientifique internationale qui est menée tous les deux ans dans toute l'Europe depuis 2001.
  • [3]
    Roger Eatwell, « On defining the ‘Fascist Minimum’: the centrality of ideology », Journal of Political Ideologies, 1/3, 1996, p. 303-319.
  • [4]
    P. Ignazi, Extreme Right Parties in Western Europe, Oxford, Oxford University Press, 2003.
  • [5]
    M. Minkenberg, « From Pariah to Policy-Maker? The Radical Right in Europe, West and East: Between Margin and Mainstream », Journal of Contemporary European Studies, 21/1, 2013, p. 5-24.
  • [6]
    Hans.-Georg. Betz, « Contre la mondialisation : xénophobie, politiques identitaires et populisme d’exclusion en Europe occidentale », Politique et Sociétés, vol. 21, n°2, 2002, p. 9-28.
  • [7]
    Robert-Antony Altemeyer, Right Wing Authoritarianism, Winnipeg, University of Manitoba Press, 1981.
  • [8]
    Jacques Rupnik, « La démocratie illibérale en Europe centrale », Esprit, 6, 2017, p. 69-85.
  • [9]
    Voir C. Mudde (dir.), The Populist Radical Right: A Reader, Londres, Routledge, 2017.
  • [10]
    Gilles Ivaldi, De Le Pen à Trump : le défi populiste, Bruxelles, Presses de l’Université de Bruxelles, 2019.
  • [11]
    Daniel Stockemer, Tobias Lentz, Danielle Mayer, « Individual Predictors of the Radical Right-Wing Vote in Europe: A Meta-Analysis of Articles in Peer-Reviewed Journals (1995-2016) », Government and Opposition, 53/3, 2018, p. 569-593.
  • [12]
    Matthijs Rooduijn, « What unites the voter bases of populist parties? Comparing the electorates of 15 populist parties », European Political Science Review, 10/3, 2018, p. 351-368.
  • [13]
    Ces données sont issues d’échantillons nationaux représentatifs de la population âgée de 15 ans et plus, selon une méthode probabiliste, et recueillies en interviews face-à-face, selon un calendrier variant, en fonction des pays, entre septembre 2018 et mars 2019.
  • [14]
    La variable dépendante est ici le choix de vote déclaré lors la dernière élection nationale.
  • [15]
    Gilles Ivaldi, « Electoral basis of populist parties », in Reinhard C. Heinisch, Christina Holtz-Bacha, Oscar Mazzoleni (eds.) Political Populism. A Handbook, Baden-Baden, Nomos, 2018, p. 157-168
  • [16]
    Les non-votants et les non-réponses sont exclus des calculs. Pour l’ensemble des modèles, on spécifie des effets fixes par pays afin de contrôler d’éventuelles spécificités nationales et on utilise des erreurs standards robustes clustérisées au niveau des pays.
  • [17]
    Abdelkarim Amengay, Ana Durovic et Nona Mayer, « L'impact du genre sur le vote Marine Le Pen », Revue française de science politique, 67/6, 2018, p. 1067-1087.
  • [18]
    Kai Arzheimer, « Electoral Sociology: Who Votes for the Extreme Right and Why – and When? », in Cas Mudde (ed.), The Populist Radical Right: A Reader, New York, Routledge, 2016, p. 277-289.
  • [19]
    Niels Spierings, Andrej Zaslove, « Gendering the vote for populist radical-right parties », Patterns of Prejudice, 49/1-2, 2015, p. 135-162.
  • [20]
    Jie Zhen Im, Nona Mayer, Bruno Palier, Jan Rovny. « The “losers of automation”: A reservoir of votes for the radical right? », Research & Politics, January 2019.
  • [21]
    Thomas Kurer, Bruno Palier. « Shrinking and Shouting: The Political Revolt of the Declining Middle in Times of Employment Polarization. » Research & Politics, January 2019
  • [22]
    Elisabeth Ivarsflaten, Rune Stubager, « Voting for the populist right in Western Europe: the role of education », in Jens Rydgren (ed.), Class Politics and the Radical Right, Londres, Routledge, 2013, p. 122-137.
  • [23]
    Jens Hainmueller, Daniel J. Hopkins, « Public attitudes toward immigration », Annual Review of Political Science, 17/1, 2014, p. 225-249.
  • [24]
    Caroline Marie Lancaster, « Not So Radical After All: Ideological Diversity Among Radical Right Supporters and Its Implications », Political Studies, 68/3, 2020, p. 600-616.
  • [25]
    Rosie Campbell, Silvia Erzeel, « Exploring Gender Differences in Support for Rightist Parties: The Role of Party and Gender Ideology ». Politics and Gender, 14/1, 2018, p. 80-105.
  • [26]
    Hanspeter Kriesi, Julia Schulte-Cloos, « Support for radical parties in Western Europe: Structural conflicts and political dynamics », Electoral Studies, vol. 65, June 2020.
  • [27]
    Cf. Gilles Ivaldi, Les populismes aux élections européennes de 2019, op. cit.

1 L’essor et la multiplication des acteurs de droite radicale dans le champ de la compétition politico-électorale constitue un phénomène politique majeur depuis le milieu des années 1980, en Europe et au-delà dans un grand nombre de nations, qu’il s’agisse de régimes consolidés tels les États-Unis ou de démocraties plus jeunes à l’image du Brésil, de l’Inde, de l’Indonésie ou de la Turquie. Sur le vieux continent, les partis de droite radicale sont désormais installés dans la quasi-totalité des États membres de l’Union européenne [1].

2 Cet article propose une analyse de l’état des forces de la droite radicale européenne. Dans ses manifestations contemporaines, cette dernière s’impose bien au-delà des frontières de l’extrême-droite stricto sensu et il importe à ce titre de considérer les multiples recompositions à l’œuvre au sein de l’espace politique radical européen, ainsi que la variété d’itinéraires et de trajectoires qu’il est possible d’y discerner parmi les acteurs qui l’incarnent.

3 À partir d’une exploitation des données de la 9e vague de l’Enquête sociale européenne [2], on s’interrogera plus particulièrement sur certains des ressorts du vote de droite radicale en Europe, sur la diversité du phénomène et sur notre capacité à dresser les profils sociologiques et attitudinaux des électorats de droite radicale tels qu’ils se distribuent aujourd’hui sur l’ensemble du continent, en fonction des contextes et des structures d’opportunités offertes à ce type d’entrepreneurs politiques.

Les droites radicales en Europe : définition et périmètre

4 Au détour des années 1980, le succès rencontré par des partis tels que le Front national français, le Vlaams Blok en Belgique ou le FPÖ autrichien a d’abord été appréhendé au prisme des mouvements fascistes dans l’entre-deux-guerres [3]. Si elle pouvait se justifier notamment au regard des racines de ces divers partis au sein des mouvances d’extrême droite et des relations ambiguës que ces derniers entretenaient avec l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, la valeur heuristique d’une approche généalogique en termes de « résurgence » du fascisme a cependant été assez tôt remise en question : à l’instar de Piero Ignazi, nombre d’auteurs se sont penchés sur la nécessité de considérer les réinterprétations doctrinales et réorientations stratégiques d’une nouvelle classe de partis extrémistes « post-industriels » en Europe [4].

5 À partir du milieu des années 1990, le concept de « droite radicale », emprunté à la sociologie politique américaine, a fourni un cadre théorique plus apte à saisir la diversité du phénomène extrémiste et ses transformations, depuis la première vague des années 1980 jusqu’à ses manifestations ultérieure  – et pour certaines très récentes.

Matrice idéologique

6 Michael Minkenberg définit l’idéologie de la droite radicale au travers du mythe d’une nation homogène, fondé sur un ultranationalisme romantique et d’essence populiste, et la remise en question des principes fondamentaux de la démocratie libérale et pluraliste que sont l’individualisme et l’universalisme [5]. Si elle défend indéniablement un projet de réforme en profondeur du système politique, économique et social, la droite radicale prétend cependant demeurer dans le cadre du régime démocratique parlementaire et de ses institutions.

7 En termes idéologiques, la droite radicale contemporaine se structure autour de trois composantes principales que sont : le nativisme, l’autoritarisme et le populisme, qui constituent, nous allons le voir, des dimensions essentielles de ses dynamiques de mobilisation dans le champ politico-électoral.

8 Le nativisme représente le noyau idéationnel central de la droite radicale et s’appréhende comme la construction symbolique d’une communauté culturellement homogène dont il s’agit de préserver l’intégrité contre toutes les menaces extérieures, au premier rang desquelles l’immigration et l’Islam [6].

9 Ce nativisme différentialiste est associé à une vision autoritaire. Tel que défini, notamment, par Robert Altemeyer, l’autoritarisme renvoie à trois éléments : d’une part, l’obéissance aux autorités et le respect de l’ordre public –au travers notamment de politiques de répression ; en second lieu, l’agression autoritaire à l’encontre des groupes minoritaires perçus comme « déviants » ; enfin, le conventionnalisme, défini comme une exigence d’adhésion aux normes et hiérarchies sociales et aux traditions établies [7]. En cela, la société politique de la droite radicale est d’abord et avant tout une société « illibérale » caractérisée par l’affaiblissement des normes et des pratiques démocratiques, et de l’ensemble des contre-pouvoirs judiciaires, médiatiques et constitutionnels. Cet illibéralisme est particulièrement net en Pologne ou en Hongrie, où ces partis ont pris le pouvoir ; la « déconsolidation » de la démocratie libérale y est au cœur du développement de ces mouvements et y va de pair avec les conflits ouverts avec l’Union européenne [8].

10 Enfin le populisme forme une troisième dimension importante de l’idéologie de la droite radicale contemporaine. Pour Cas Mudde, le populisme renvoie à une vision duale de la société politique, opposant un peuple « vertueux » à des élites repliées sur elles-mêmes et « corrompues », et affirme le primat d’une souveraineté populaire absolue et sans entraves, au travers notamment d’un appel à la démocratie directe [9]. L’adjonction du populisme est importante, à deux titres : d’une part, au travers de sa critique des élites, le populisme constitue un facteur important du soutien électoral en faveur de ces partis ; en second lieu, de par son projet de « revitalisation » démocratique, le populisme participe de la distanciation des droites radicales contemporaines d’avec une extrême-droite plus traditionnellement définie par ses penchants anti-démocratiques.

Acteurs de la droite radicale européenne : unité et diversité

11 Le concept plus « inclusif » de droite radicale offre l’opportunité d’envisager une multiplicité de trajectoires empruntées par des acteurs partisans, qui, venus d’horizons très divers, ont émulé une même stratégie de mobilisation et convergé au fil du temps vers cette même matrice idéologique nativiste-autoritaire-populiste.

12 La droite radicale européenne constitue, de fait, une « famille » politique relativement hétérogène. Il faut tout d’abord souligner l’institutionnalisation d’acteurs déjà anciens, en France, en Autriche, en Italie, en Belgique, en Norvège et au Danemark, doublée de l’émergence de nouveaux partis radicaux dans des nations jusque-là relativement immunes, à l’image de l’Allemagne, de la Suède, de l’Espagne, de la Finlande ou, très récemment, au Portugal.

13 L’approche en termes de « droite radicale » permet en outre d’envisager la transformation de partis conservateurs traditionnels et la réappropriation par ces derniers des thèmes phare du nativisme et du populisme. Ainsi, l’UDC/SVP en Suisse à partir des années 1990, le Fidesz de Viktor Orbán depuis 2010, Droit et Justice en Pologne ou l’EKRE en Estonie [10].

14 Ainsi que le montre le tableau 1 des résultats des principaux acteurs de droite radicale aux dernières élections nationales en Europe, beaucoup de ces acteurs occupent une place prépondérante au sein de leurs systèmes politiques respectifs, qu’il s’agisse du RN en France, de la Lega italienne ou des conservateurs radicalisés d’Europe orientale.

Tableau 1. Panorama des acteurs contemporains de la droite radicale en Europe

PaysParti (abréviation)% suffrages(1)Date(2)
AllemagneNPD0,4Sept. 2017
AfD12,6
AutricheFPÖ26,0Oct. 2017
BelgiqueVlaams Belang (VB)12,0Mai 2019
BulgariePatriotes unis Volya9,1 4,2Mars 2017
CroatieHSP0,7Juillet 2020
DanemarkDF Nye BorgerligeStram Kurs8,7 2,4 1,8Juin 2019
EspagneFE-JONS Vox0,1 15,1Nov. 2019
EstonieEKRE17,8Mars 2019
FinlandeLes Finlandais (PS) Finlandais d’abord (SKE)17,5 0,1Avril 2019
FranceFN21,3Avril 2017(3)
GrèceAube dorée (XA) ANEL2,9 3,7Juillet 2019
HongrieFideszJobbik49,3 19,1Avril 2018
ItalieLega Nord (LN)17,4Mars 2018
Fratelli-AN4,4
LettonieNA/LNNK11,0Oct. 2018
NorvègeFrP15,2Sept. 2017
Pays-BasPVV FvD BAUDET13,1 1,8Mars 2017
PolognePiS Konfederacja (KORWIN)43,6 6,8Oct. 2019
PortugalPNR Chega0,3 11,9Oct. 2019 Janv. 2021(3)
République tchèqueSPR–RSČ SPD0,2 10,6Oct. 2017
RoumaniePRM Alliance pour l'unité des Roumains (AUR)0,6 9,1Déc. 2020
Royaume-UniUKIP1,8Juin 2017
BNP0,0
SlovaquieSNS KOTLEBA-ĽSNS Sme Rodina3,2 8,0 8,2Février 2020
SlovénieSNS4,2Juin 2018
SuèdeDémocrates suédois (Sd)17,6Sept. 2018
SuisseUDC/SVP25,6Oct. 2019

Tableau 1. Panorama des acteurs contemporains de la droite radicale en Europe

(1) % des voix lors de la dernière élection parlementaire nationale ; (2) date de la dernière élection parlementaire nationale ; (3) premier tour de l’élection présidentielle.

15 Notons enfin pour terminer la présence, au sein de la galaxie de droite radicale, d’une extrême droite d’obédience néonazie et de groupes ultranationalistes violents, tels que le NPD allemand, l’Aube dorée (XA) en Grèce, le Parti populaire (KOTLEBA-ĽSNS) de Marian Kotleba en Slovaquie, le Parti croate du droit (HSP), l'extrême-droite « républicaine » incarnée par le SPR-RSČ en République tchèque ou les activistes anti-Islam de la Ligne Dure (Stram Kurs) de Rasmus Paludan au Danemark.

Les ressorts du vote de droite radicale

16 Aux côtés des travaux sur l’idéologie et le périmètre des droites radicales contemporaines, l’analyse des facteurs de vote a donné lieu à une importante littérature comparative qui s’est attachée à dresser le portrait sociologique et attitudinal de la base électorale de ces partis [11].

17 D’une manière générale, l’électorat des droites radicales reste caractérisé par une relative hétérogénéité sociologique selon les contextes nationaux [12]. S’il est possible de dégager certains traits communs, il n’existe pas en tout état de cause de profil unique ou de « portrait type » de l’électeur de droite radicale, en particulier, nous allons le voir, en Europe centrale et orientale.

L’enquête sociale européenne (2018)

18 Les données utilisées ici proviennent de la vague 9 de l’Enquête sociale européenne (European Social Survey), conduite en 2018-2019 dans la plupart des pays européens [13]. Au total, la vague 9 de l’ESS permet d’examiner 34 partis de droite radicale populiste dans 12 pays d’Europe occidentale et 10 pays d’Europe centrale et orientale (voir le détail en annexe). Trois pays sans présence de parti de droite radicale au moment de l’enquête sont retirés de l’analyse, à savoir Chypre, l’Irlande et le Portugal.

19 On teste une série de quatre régressions logistiques binaires, en contrastant le vote pour les droites radicales avec le vote pour l’ensemble des autres partis présents, et ce dans deux sous-modèles distincts pour l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est, pour tenter de tenir compte d’éventuelles variations régionales [14].

20 Les deux premiers modèles (1a et 1b) incluent uniquement les variables sociodémographiques de sexe, d’âge, de niveau de diplôme, de statut, de profession, de type de commune de résidence et de lieu de naissance des répondants. On intègre également un indice de degré de religiosité ainsi qu’une mesure subjective du niveau de vie du ménage. La profession est codifiée à partir de la Classification internationale-type des professions (CITP-ISCO) qui facilite les comparaisons transnationales.

21 Dans les deux modèles suivants (2a et 2b), on ajoute un ensemble de prédicteurs attitudinaux relatifs aux divers univers idéologiques qui structurent traditionnellement le vote de droite radicale en Europe [15]. En particulier, on considère ici l’intérêt pour la politique, le sentiment d’avoir voix au chapitre en matière politique, la confiance dans les hommes politiques, la satisfaction avec la démocratie nationale, ainsi que les attitudes envers la redistribution des richesses, les droits des homosexuels, l’intégration européenne et l’immigration, et l’attachement à la nation [16].

Profils sociologiques des électeurs de droite radicale

22 Le tableau 2 présente les résultats de la première série de modèles à partir des indicateurs sociodémographiques uniquement (1a et 1b). Globalement, les résultats confirment la littérature relative au profil sociologique des électeurs de droite radicale et aux variations qui existent encore entre les différentes manifestations du phénomène en Europe.

23 De chaque côté de l’ancien rideau de fer, l’électorat de ces partis demeure plus masculin et cet écart de genre est plus marqué encore à l’ouest de l’Europe. Ce gender gap a été, il faut le rappeler, très tôt décelé dans les travaux comparatifs et il a longtemps constitué un trait caractéristique de ces partis, quand bien même son amplitude varie selon les acteurs et les contextes [17]. Cette propension plus grande des hommes à se tourner vers la droite radicale tient à divers facteurs culturels et sociologiques, et à la plus grande réticence de l’électorat féminin face au discours radical de ces mouvements [18]. Par ailleurs, certains des enjeux traditionnels de la droite radicale, tels que l’immigration et la défiance politique, ont une plus forte résonnance au sein de l’électorat masculin, ce qui pourrait éclairer la plus grande disposition des hommes à voter pour ce type de partis [19].

24 En termes d’âge, la droite radicale trouve l’essentiel de ses soutiens dans les classes d’âges intermédiaires : les modèles 1a et 1b laissent entrevoir un effet curvilinéaire avec une probabilité plus élevée entre 30 et 60 ans, et une moindre propension à soutenir ces partis à la fois chez les plus jeunes et chez les plus âgés. Ces résultats infirment, on le voit, l’idée souvent avancée d’un phénomène principalement concentré chez les électeurs les plus âgés, notamment les générations de l’entre-deux-guerres, car plus rétives aux changements culturels contemporains.

Tableau 2. Modèles de vote de droite radicale en Europe de l’Ouest et de l’Est : régressions logistiques binaires (indicateurs socio-démographiques)

Europe de l'EstEurope de l'Ouest
(1a)(1b)
Femme (réf=homme)-0.28 (0.08)***-0.40 (0.06)***
Âge0.03 (0.02)*0.02 (0.01)*
Âge au carré-0.0003 (0.0001)*-0.0004 (0.0001)**
Niveau de diplôme (échelle)-0.06 (0.03)-0.21 (0.02)***
Statut Étudiant (réf=actif)-0.90 (0.49)-1.13 (0.26)***
Statut Chômeur0.27 (0.22)-0.19 (0.16)
Statut Handicap0.001 (0.31)0.57 (0.17)***
Statut Retraité-0.21 (0.12)0.14 (0.11)
Statut Au foyer-0.04 (0.17)0.12 (0.14)
Statut Autres0.37 (0.45)-0.47 (0.34)
ISCO Prof. Intellectuelles (réf=cadres dirigeants)0.13 (0.15)-0.26 (0.14)
ISCO Prof. Intermédiaires0.37 (0.16)*0.12 (0.13)
ISCO Employés administratifs0.52 (0.18)**0.19 (0.15)
ISCO Personnels de services0.41 (0.16)*0.44 (0.13)**
ISCO Emplois agricoles0.47 (0.22)*0.31 (0.20)
ISCO Artisans et ouvriers de type artisanal0.04 (0.17)0.42 (0.14)**
ISCO Conducteurs, ouvriers qualifiés0.52 (0.17)**0.64 (0.15)***
ISCO Ouvriers non qualifiés0.11 (0.19)0.23 (0.16)
Pauvreté subjective : facilement (réf=très facilement)-0.10 (0.11)0.03 (0.07)
Pauvreté subjective : difficilement-0.07 (0.13)0.25 (0.10)*
Pauvreté subjective : très difficilement-0.19 (0.20)-0.08 (0.20)
Religiosité (échelle)0.12 (0.01)***-0.02 (0.01)
Né dans le pays0.37 (0.22)0.06 (0.13)
Résidence Banlieue (réf =grand ville)0.13 (0.16)0.05 (0.12)
Résidence Petite ville, ville moyenne0.11 (0.10)0.03 (0.09)
Résidence Village0.27 (0.10)**0.09 (0.09)
Résidence Ferme ou campagne0.51 (0.22)*0.01 (0.14)
Constante-3.76 (0.54)***-1.15 (0.36)**
Observations801313657
Notes:*p<0.05; **p<0.01; ***p<0.001
Erreurs standards entre parenthèses, effets fixes par pays
Enquête sociale européenne 2018

Tableau 2. Modèles de vote de droite radicale en Europe de l’Ouest et de l’Est : régressions logistiques binaires (indicateurs socio-démographiques)

25 À l’ouest, le capital éducatif s’impose comme facteur déterminant : la probabilité de vote pour la droite radicale diminue de manière significative et substantielle à mesure qu’augmente le niveau de diplôme, en contrôlant l’effet des autres variables sociodémographiques. Cet effet du capital éducatif se retrouve, indirectement, dans la distribution socio-professionnelle de ces électorats : le vote de droite radicale est surreprésenté dans les catégories populaires, notamment dans le monde ouvrier industriel et au sein du prolétariat des « services » chez les employés les moins qualifiés. La variable de pauvreté subjective suggère cependant qu’il s’agit là de groupes sociaux qui ont le sentiment d’être confrontés à des difficultés financières mais ne se situent pas pour autant parmi les plus précaires. La probabilité de soutenir ce type de partis est significativement plus élevée chez ceux qui déclarent « avoir du mal à s’en sortir » et non auprès des électeurs qui se sentent les plus démunis.

26 Ces données confirment l’importance de la dimension subjective de la pauvreté dans le vote populiste de droite radicale [20]. Elles corroborent par ailleurs certaines des observations quant à la nature de la base électorale de la droite radicale populiste et la mobilisation par cette dernière d’électeurs dans les couches sociales moyennes ou basses –notamment ouvriers qualifiés, employés des services ou certaines professions intermédiaires –, exposées à l’insécurité économique et au sentiment de déclin de leur statut [21].

27 Plus largement, ces résultats sont conformes aux observations établies dans les nombreuses études empiriques qui attestent de la popularité de ces partis auprès des électeurs de plus faible capital culturel [22]. Le poids différentiel des catégories faiblement diplômées est très largement attribuable à la structuration, dans ces groupes, d’attitudes qui président généralement au choix électoral en faveur des droites radicales, en particulier les attitudes négatives à l’égard de l’immigration ou la défiance politique qui sont plus prononcées chez les électeurs de plus faible capital éducatif [23].

28 Dans l’ancien bloc soviétique en revanche, le niveau de diplôme n’a pas d’effet notable, témoignant de l’impact des droites radicales sur des secteurs plus larges de l’électorat, auprès des classes moyennes et des catégories intermédiaires, et sans lien évident ici avec le sentiment de pauvreté subjective. En Europe de l’Est, ce vote est avant tout fortement arrimé aux valeurs religieuses : le degré de religiosité des individus apparaît comme un prédicteur fort du soutien aux partis conservateurs radicalisés tels que le Fidesz hongrois, l’EKRE estonien ou, plus fondamentalement encore, le PiS polonais, là où, dans la partie occidentale du continent, le choix en faveur de la droite radicale apparaît assez largement indépendant de l’attachement à la religion.

Vote de droite radicale et attitudes

29 Les variables d’attitudes socio-culturelles, économiques et politiques introduites dans les deux modèles suivants (2a et 2b) laissent entrevoir des éléments forts de convergence entre les électorats de droite radicale des deux côtés de l’ancien rideau de fer, mais aussi certaines dissimilitudes notables qui témoignent de la spécificité du phénomène à l’Est de l’Europe (Cf. tableau 3).

30 Sans surprise, le vote de droite radicale demeure profondément structuré par les questions relatives à l’immigration. Partout en Europe, le rejet de la diversité ethnoculturelle exerce un effet significatif sur le soutien à ces partis, quel que soit par ailleurs le profil sociologique ou attitudinal des électeurs. Cet effet est très substantiel : la probabilité de se tourner vers la droite radicale décroît avec le degré d’ouverture au multiculturalisme et à l’immigration, de 0,15 à 0,04 d’une extrémité à l’autre de l’échelle en Europe orientale (modèle 2a) et plus nettement encore de 0,26 à 0,02 à l’ouest (modèle 2b).

31 En Europe occidentale, la centralité des enjeux migratoires dans le vote de droite radicale a très tôt été établie dès le milieu des années 1980. À l’Est, cet effet demeure plus modeste et y reflète l’importance prise plus récemment par ces questions dans le sillage de la crise des réfugiés de 2015. Cette dernière a vu, il faut s’en souvenir, l’émergence de nouveaux acteurs tels que Liberté et Démocratie directe (SPD) de Tomio Okamura en République Tchèque ou Sme Rodina en Slovaquie, et la surpolitisation de l’immigration par certains partis conservateurs au pouvoir, à l’instar du Fidesz de Viktor Orbán en Hongrie, du PiS en Pologne ou de l’EKRE estonien.

Tableau 3. Modèles de vote de droite radicale en Europe de l’Ouest et de l’Est : régressions logistiques binaires (indicateurs socio-démographiques et variables d’attitudes)

Europe de l'EstEurope de l'Ouest
(2a)(2b)
Femme (réf=homme)-0.27 (0.09)**-0.32 (0.07)***
Âge0.04 (0.02)*0.02 (0.01)
Âge au carré-0.0004 (0.0002)*-0.0004 (0.0001)**
Niveau de diplôme (échelle)-0.07 (0.04)*-0.13 (0.03)***
Statut Étudiant (réf=actif)-0.65 (0.52)-0.72 (0.28)*
Statut Chômeur0.23 (0.25)-0.10 (0.18)
Statut Handicap0.14 (0.34)0.70 (0.18)***
Statut Retraité-0.14 (0.14)0.15 (0.12)
Statut Au foyer0.02 (0.19)0.13 (0.16)
Statut Autres0.47 (0.49)-0.30 (0.36)
ISCO Prof. Intellectuelles (réf=cadres dirigeants)0.20 (0.17)0.02 (0.15)
ISCO Prof. Intermédiaires0.36 (0.17)*0.23 (0.15)
ISCO Employés administratifs0.53 (0.19)**0.31 (0.16)
ISCO Personnels de services0.41 (0.18)*0.47 (0.15)**
ISCO Emplois agricoles0.54 (0.25)*0.40 (0.22)
ISCO Artisans et ouvriers de type artisanal-0.03 (0.18)0.41 (0.15)**
ISCO Conducteurs, ouvriers qualifiés0.34 (0.19)0.60 (0.17)***
ISCO Ouvriers non qualifiés0.07 (0.22)0.24 (0.18)
Pauvreté subjective : facilement (réf=très facilement)-0.07 (0.12)-0.07 (0.07)
Pauvreté subjective : difficilement0.01 (0.15)-0.001 (0.12)
Pauvreté subjective : très difficilement-0.13 (0.22)-0.74 (0.23)**
Religiosité (échelle)0.09 (0.01)***-0.02 (0.01)
Né dans le pays0.30 (0.25)-0.11 (0.14)
Résidence Banlieue (réf =grand ville)0.09 (0.18)0.09 (0.13)
Résidence Petite ville, ville moyenne0.05 (0.11)0.08 (0.11)
Résidence Village0.22 (0.11)*-0.01 (0.10)
Résidence Ferme ou campagne0.55 (0.24)*-0.11 (0.15)
Intérêt pour la politique (échelle)0.09 (0.05)0.13 (0.04)**
Voix au chapitre (échelle)0.08 (0.05)-0.15 (0.04)***
Confiance dans les hommes politiques (échelle)-0.02 (0.02)-0.06 (0.02)***
Satisfaction démocratie (échelle)0.12 (0.02)***-0.07 (0.02)***
En faveur de la redistribution (échelle)-0.05 (0.04)-0.17 (0.03)***
Respect droits des homosexuels (échelle)-0.12 (0.04)***-0.23 (0.04)***
En faveur de l’intégration européenne (échelle)-0.08 (0.02)***-0.13 (0.01)***
L’immigration enrichit la culture (échelle)-0.14 (0.02)***-0.30 (0.02)***
Attachement au pays (échelle)0.03 (0.02)0.04 (0.02)*
Constante-3.00 (0.67)***2.47 (0.48)***
Observations687712877
Notes:*p<0.05; **p<0.01; ***p<0.001
Erreurs standards entre parenthèses, effets fixes par pays
Enquête sociale européenne 2018

Tableau 3. Modèles de vote de droite radicale en Europe de l’Ouest et de l’Est : régressions logistiques binaires (indicateurs socio-démographiques et variables d’attitudes)

32 En lien direct avec la question migratoire, on retrouve des deux côtés de l’ancien rideau de fer un second grand facteur traditionnel du vote de droite radicale, à savoir l’hostilité à l’intégration européenne. Les électeurs de droite radicale partagent tous une même défiance à l’égard de l’UE, qui les distingue fortement des supporters des autres partis Les modèles 2a et 2b montrent une baisse significative du soutien aux droites radicales à mesure que s’élève le degré individuel d’adhésion à l’intégration européenne. Là aussi, les différences de probabilités prédites sont substantielles, de 0,13 à 0,06 en Europe de l’Est (modèle 2a) et de 0,11 à 0,03 dans la partie ouest où la critique de l’UE est également associée à l’attachement à la nation (modèle 2b).

33 Troisième et dernier domaine de convergence, dans les deux cas, les valeurs de libéralisme culturel – approximées ici par l’opinion positive sur les droits des homosexuels – réduisent de manière sensible la propension à se tourner vers des partis de droite radicale. À l’est de l’Europe, l’effet des valeurs conservatrices est très directement lié à l’impact de la dimension religieuse, tel que nous l’avons évoqué plus haut et qui demeure par ailleurs significatif y compris lorsque sont introduites les variables d’attitudes (modèle 2a). À l’Ouest, ce résultat mériterait sans doute d’être nuancé et varie plus fortement selon les pays : l’effet négatif du libéralisme culturel est très marqué dans des pays tels que la Suisse, l’Espagne ou l’Italie. Il est en revanche pratiquement nul en France ou en Allemagne, et très légèrement positif aux Pays-Bas où la défense des droits des homosexuels est associée à un plus fort soutien au PVV de Geert Wilders ou au Forum de Thierry Baudet.

34 Ces résultats rejoignent des travaux récents qui suggèrent en effet qu’une partie de l’électorat de droite radicale en Europe occidentale s’est progressivement éloignée des valeurs traditionnelles sur les questions familiales ou de mœurs [24]. Cette évolution peut être mise en regard de celle de certains partis de droite radicale populiste sur ces questions : des mouvements tels que le PVV néerlandais, les droites radicales scandinaves ou le Rassemblement national en France se sont réapproprié certaines valeurs progressistes, souvent utilisées par ailleurs comme justification de leur opposition à un Islam dénoncé comme « rétrograde » et comme une menace pour les droits fondamentaux, notamment ceux des femmes [25].

35 S’ils se rejoignent sur certains enjeux « phares », les électorats de la droite radicale européenne divergent cependant sur trois aspects importants. Le premier concerne les variables politiques et notamment la défiance : ces éléments n’influent pratiquement pas sur le vote de droite radicale en Europe de l’Est mais jouent en revanche un rôle important à l’ouest. Les électeurs de partis tels que le RN en France, la Lega italienne ou le FPÖ en Autriche y sont beaucoup plus enclins à une critique d’essence populiste du système, ainsi qu’en attestent la faible confiance accordée aux hommes politiques et le sentiment de n’avoir pas voix au chapitre et de ne pas être entendus par les dirigeants politiques (modèle 2b).

36 Cette défiance politique s’exprime dans le jugement porté sur la vie démocratique nationale, mais là aussi, de manière distincte selon les contextes régionaux. En Europe occidentale, le vote de droite radicale est corrélé négativement avec la satisfaction avec le fonctionnement de la démocratie nationale : la probabilité prédite décroît à mesure que s’élève le niveau de satisfaction (modèle 2b). Dans la partie orientale de l’Europe, à l’inverse, le jugement porté sur le fonctionnement de la démocratie nationale est associé de manière positive au vote de droite radicale populiste : la probabilité de soutenir ces partis y est plus forte parmi les individus les plus satisfaits (modèle 2a).

37 Cette hétérogénéité est sans doute à rapprocher du niveau élevé de soutien dont bénéficient les acteurs de droite radicale dans certains pays de l’est et du statut qui est le leur au sein de leurs systèmes politiques respectifs [26]. À l’est, nombre de ces partis ont été ou sont au pouvoir –à l’image du NFSP en Bulgarie, de l’EKRE estonien, du Fidesz en Hongrie, de l’Alliance nationale (NA/LNNK) lettone ou du PiS en Pologne. Ce statut de parti gouvernemental peut, pour partie, expliquer l’effet positif de la confiance dans le parlement national sur le soutien électoral en faveur de ces acteurs.

38 Enfin, les électeurs de la droite radicale paneuropéenne montrent des profils différents quant à leurs attitudes vis-à-vis de la redistribution des richesses. On n’observe aucune corrélation significative dans les pays de l’ancien bloc soviétique ; en Europe occidentale, les supporters de ces partis apparaissent plus opposés à la redistribution. Notons que l’effet de cette dernière varie selon les pays : il est ainsi beaucoup plus marqué en Suisse, en Italie ou dans les pays scandinaves où le populisme de droite est historiquement plus libéral en matière économique. Par ailleurs, les supporters de la droite radicale européenne occupent souvent une position intermédiaire sur les questions économiques, à mi-chemin entre la droite classique et la gauche modérée, à l’image de la France ou de l’Autriche notamment [27].

39 Depuis le milieu des années 1980, la droite radicale a surgi dans un grand nombre de nations occidentales, sous des formes diverses, et suivant une variété d’itinéraires et de trajectoires.

40 En dépit de cette diversité, ces mouvements se rejoignent autour d’un même mythe d’une nation homogène, et d’un corpus doctrinal structuré par le nativisme, l’autoritarisme et le populisme. À des degrés divers, tous remettent en cause l’individualisme et l’universalisme qui constituent des principes fondateurs de la démocratie libérale pluraliste, quand bien même ces acteurs, à la différence de l’extrême-droite classique, s’inscrivent dans le cadre du régime démocratique parlementaire et de ses institutions.

41 L’analyse des données de l’Enquête sociale européenne de 2018 laisse entrevoir la relative hétérogénéité des profils sociologiques des électorats de droite radicale, s’agissant notamment des variations observables entre la partie occidentale et la frange orientale de l’Europe.

42 S’il est souvent évoqué comme la manifestation d’un symptôme de nostalgie chez les générations d’après-guerre, le vote de droite radicale semble en réalité s’ancrer dans tous les groupes d’âge, en particulier chez les actifs et chez les hommes. À l’ouest de l’Europe, la fracture éducative demeure une variable essentielle, associée à un sentiment de paupérisation des classes moyennes inférieures et des catégories populaires. En Europe centrale et orientale, le vote de droite radicale dépasse ce seul périmètre des couches moyennes-inférieures et il est avant tout fortement ancré dans les valeurs religieuses et conservatrices traditionnelles.

43 Nos résultats confirment surtout l’importance des attitudes socio-politiques dans le vote pour ces mouvements. Les enjeux relatifs à l’internationalisation, qu’il s’agisse du rejet de l’immigration ou de l’intégration européenne, s’imposent comme des facteurs essentiels du soutien apporté à ces partis, en forte résonance avec leur idéologie nationaliste et souverainiste. Enfin, si la défiance politique demeure un facteur significatif du vote de droite radicale en Europe occidentale, elle opère de manière inverse en Europe de l’Est où plusieurs de ces mouvements ont acquis un statut d’acteurs de gouvernement à l’image de la Pologne, de la Hongrie ou de l’Estonie.

44 À la lumière de ces données, on mesure l’impact potentiel de la pandémie de coronavirus qui continue, à l’heure d’écrire ces lignes, de sévir dans les nations européennes. À terme, les droites radicales pourraient être en mesure de capitaliser sur les multiples inquiétudes économiques, sociales et culturelles consécutives à la crise sanitaire, et ce d’autant plus que cette dernière affecte en particulier les groupes sociaux les plus vulnérables, les plus enclins à se tourner vers ce type de partis.

45 Les anxiétés liées à la pandémie de Covid-19 ont en outre accru la demande de protection, de sécurité et de leadership fort, et résonnent avec la question fondamentale des frontières, de la souveraineté et de la protection des intérêts nationaux. Associée, enfin, aux conséquences du changement climatique, l’explosion redoutée de l’extrême pauvreté dans les pays les plus fragiles est de nature à intensifier les flux migratoires et remettre de ce fait l’immigration au cœur de l’agenda politique, ouvrant potentiellement la voie à de nouveaux succès des droites radicales à l’avenir.


Annexe

Partis de droite radicale populiste dans l’Enquête sociale européenne (2018)(1)

PaysDroite radicale populiste
Europe de l’Est
BulgarieNFSB + Ataka (49) Volya (17)
CroatieHDSSB (14)
Rép. TchèqueSPD (72)
EstonieEKRE (61)
HongrieFidesz (524) Jobbik (124)
LettonieNA/LNNK (69) NSL (4) Latviešu Nacionālisti (4)
LituanieJL (2)
PolognePiS (374) KORWIN (13)
SlovénieSDS (152) SNS (20)
SlovaquieSNS (55) Sme Rodina (41) L’SNS (35)
Europe de l’Ouest
AllemagneAfd (96)
AutricheFPÖ (301)
BelgiqueVlaams Belang (28)
EspagneVox (104)
FinlandeFinns (135)
FranceDLF (14) RN (103)
ItalieLega (265) FdI (38)
NorvègeFrP (102)
Pays-BasPVV (82) FvD (18)
Royaume-UniUKIP (49)
SuèdeSD (141)
SuisseSVP (147)
Total électeurs populistes3 236
N pays22

Partis de droite radicale populiste dans l’Enquête sociale européenne (2018)(1)

(1) Nombre d’électeurs dans l’enquête ESS vague 9 (2018) entre parenthèses.

Mots-clés éditeurs : Extrême droite, Europe, Partis politique, Sociologie électorale

Date de mise en ligne : 06/04/2022

https://doi.org/10.3917/mate.139.0016

Notes

  • [1]
    Cf. Gilles Ivaldi, Les populismes aux élections européennes de 2019 : diversité idéologique et performances électorales, Paris, Fondation Jean Jaurès, 2020.
  • [2]
    L'Enquête Sociale Européenne (European Social Survey: ESS) est une enquête scientifique internationale qui est menée tous les deux ans dans toute l'Europe depuis 2001.
  • [3]
    Roger Eatwell, « On defining the ‘Fascist Minimum’: the centrality of ideology », Journal of Political Ideologies, 1/3, 1996, p. 303-319.
  • [4]
    P. Ignazi, Extreme Right Parties in Western Europe, Oxford, Oxford University Press, 2003.
  • [5]
    M. Minkenberg, « From Pariah to Policy-Maker? The Radical Right in Europe, West and East: Between Margin and Mainstream », Journal of Contemporary European Studies, 21/1, 2013, p. 5-24.
  • [6]
    Hans.-Georg. Betz, « Contre la mondialisation : xénophobie, politiques identitaires et populisme d’exclusion en Europe occidentale », Politique et Sociétés, vol. 21, n°2, 2002, p. 9-28.
  • [7]
    Robert-Antony Altemeyer, Right Wing Authoritarianism, Winnipeg, University of Manitoba Press, 1981.
  • [8]
    Jacques Rupnik, « La démocratie illibérale en Europe centrale », Esprit, 6, 2017, p. 69-85.
  • [9]
    Voir C. Mudde (dir.), The Populist Radical Right: A Reader, Londres, Routledge, 2017.
  • [10]
    Gilles Ivaldi, De Le Pen à Trump : le défi populiste, Bruxelles, Presses de l’Université de Bruxelles, 2019.
  • [11]
    Daniel Stockemer, Tobias Lentz, Danielle Mayer, « Individual Predictors of the Radical Right-Wing Vote in Europe: A Meta-Analysis of Articles in Peer-Reviewed Journals (1995-2016) », Government and Opposition, 53/3, 2018, p. 569-593.
  • [12]
    Matthijs Rooduijn, « What unites the voter bases of populist parties? Comparing the electorates of 15 populist parties », European Political Science Review, 10/3, 2018, p. 351-368.
  • [13]
    Ces données sont issues d’échantillons nationaux représentatifs de la population âgée de 15 ans et plus, selon une méthode probabiliste, et recueillies en interviews face-à-face, selon un calendrier variant, en fonction des pays, entre septembre 2018 et mars 2019.
  • [14]
    La variable dépendante est ici le choix de vote déclaré lors la dernière élection nationale.
  • [15]
    Gilles Ivaldi, « Electoral basis of populist parties », in Reinhard C. Heinisch, Christina Holtz-Bacha, Oscar Mazzoleni (eds.) Political Populism. A Handbook, Baden-Baden, Nomos, 2018, p. 157-168
  • [16]
    Les non-votants et les non-réponses sont exclus des calculs. Pour l’ensemble des modèles, on spécifie des effets fixes par pays afin de contrôler d’éventuelles spécificités nationales et on utilise des erreurs standards robustes clustérisées au niveau des pays.
  • [17]
    Abdelkarim Amengay, Ana Durovic et Nona Mayer, « L'impact du genre sur le vote Marine Le Pen », Revue française de science politique, 67/6, 2018, p. 1067-1087.
  • [18]
    Kai Arzheimer, « Electoral Sociology: Who Votes for the Extreme Right and Why – and When? », in Cas Mudde (ed.), The Populist Radical Right: A Reader, New York, Routledge, 2016, p. 277-289.
  • [19]
    Niels Spierings, Andrej Zaslove, « Gendering the vote for populist radical-right parties », Patterns of Prejudice, 49/1-2, 2015, p. 135-162.
  • [20]
    Jie Zhen Im, Nona Mayer, Bruno Palier, Jan Rovny. « The “losers of automation”: A reservoir of votes for the radical right? », Research & Politics, January 2019.
  • [21]
    Thomas Kurer, Bruno Palier. « Shrinking and Shouting: The Political Revolt of the Declining Middle in Times of Employment Polarization. » Research & Politics, January 2019
  • [22]
    Elisabeth Ivarsflaten, Rune Stubager, « Voting for the populist right in Western Europe: the role of education », in Jens Rydgren (ed.), Class Politics and the Radical Right, Londres, Routledge, 2013, p. 122-137.
  • [23]
    Jens Hainmueller, Daniel J. Hopkins, « Public attitudes toward immigration », Annual Review of Political Science, 17/1, 2014, p. 225-249.
  • [24]
    Caroline Marie Lancaster, « Not So Radical After All: Ideological Diversity Among Radical Right Supporters and Its Implications », Political Studies, 68/3, 2020, p. 600-616.
  • [25]
    Rosie Campbell, Silvia Erzeel, « Exploring Gender Differences in Support for Rightist Parties: The Role of Party and Gender Ideology ». Politics and Gender, 14/1, 2018, p. 80-105.
  • [26]
    Hanspeter Kriesi, Julia Schulte-Cloos, « Support for radical parties in Western Europe: Structural conflicts and political dynamics », Electoral Studies, vol. 65, June 2020.
  • [27]
    Cf. Gilles Ivaldi, Les populismes aux élections européennes de 2019, op. cit.

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