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Article de revue

La diversification contre la diversité ? La culture à l’heure des concentrations diagonales

Pages 91 à 117

Notes

  • [1]
    La culture est ici au singulier, en tant que raccourci du domaine culturel et non comme croyance à l’unicité ou à l’univocité de « la » Culture, dont le caractère pluriel est l’une des bases de notre raisonnement.
  • [2]
    Une partie des développements qui suivent ont fait l’objet d’une première publication dans la revue NECTART n°6, sous le titre : « La Culture est-elle soluble dans la concentration économique ? », NECTART n°6, janvier 2018. Merci à Éric Fourreau et à son équipe de son aimable autorisation.
  • [3]
    Selon l’AFP et Lexpansion.com, 20 février 2017
  • [4]
    Il s’agit de la production culturelle telle qu’elle est recensée par le Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture. Le périmètre que considère le DEPS est harmonisé à l’échelle européenne. Il comprend les sous-secteurs suivants : agences de publicité, arts visuels, architecture, audiovisuel, enseignement culturel, livre et presse, patrimoine et spectacle vivant.
  • [5]
  • [6]
  • [7]
    John Seabrook, « The mastermind behind Coachella », The New Yorker, april 2017 - https://www.newyorker.com/magazine/2017/04/17/the-mastermind-behind-coachella, consultée le 14 mars 2018
  • [8]
    Alors que les entreprises mentionnées ici font des évènements en public et des données massives des audiences la source de profits substantiels, elles rechignent à communiquer sur leurs propres données d’affaires. Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce phénomène de concentration diagonale.
  • [9]
    Exemple : SACEM, SACD, SCAM
  • [10]
    Le second marché est, à la base, celui de la revente de billets des personnes ne désirant plus aller au concert. Avec le rush sur les places pour des concerts particulièrement courus, une économie de la revente est apparue, dégageant des marges considérables. En effet, le prix des places à la revente d’un concert « fameux » peut atteindre des sommes considérables. Des firmes utilisent donc des robots pour acheter très rapidement de grands nombres de places, pour les revendre ensuite, empochant une plus-value sans aucun retour vers les artistes ou leurs producteurs. Certains de ces derniers organisent donc ce « second marché », prohibé en France mais monnaie courante dans d’autres pays, notamment anglo-saxons. Cf. Martine Robert : « Viagogo attaqué pour revente illicite de places de concerts », Les Échos, 25/01/2018, p.20
  • [11]
    Selon l’étude commandée en 2016 par le Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) à EY, la croissance du secteur musical est certes estimée à 6 %, pour une croissance globale plus de deux fois inférieure ; mais elle indique aussi que les marges y sont estimées à 1,4 % en moyenne, ce qui est très limité. (Prodiss, 2017).
  • [12]
    Un exemple parmi d’autres : lorsque Live Nation devient, en 2017, partenaire du festival Marsatac, à Marseille, il perd de l’argent dès la première édition.
  • [13]
    Merci à Emily Lecourtois, de SMartFr, de nous avoir mis sur cette piste
  • [14]
    Dans le rapport d’activité de Live Nation 2017, on découvre que le prix moyen du billet, dans les spectacles du groupe, a augmenté de 5 %, et que les dépenses des fans, dans les salles gérées par le groupe, ont augmenté de 9 %. Cf. Martine Robert : « Le géant Live Nation écrase le monde du spectacle musical », Les Échos, 5 mars 2018
  • [15]
    Merci à Grégory Fouché d’avoir émis cette suggestion lors d’une présentation de NECTART n°6 aux BIS, Nantes 2018
  • [16]
    SOLIMA : schéma d’orientation et de développement des lieux de musiques actuelles.
  • [17]
    Lors du rachat d’opérateurs qui ont fait l’objet, parfois pendant des années, de subventions publiques, on peut d’ailleurs se demander s’il est bien tenu compte de cet argent investi dans la valeur du bien, et s’il est fait un juste retour à la collectivité lors de la vente.

Introduction

1En France, la politique culturelle n’a jamais été considérée du point de vue des politiques industrielles. Certes, un département du ministère se pare désormais de l’appellation : la Direction Générale des Médias et Industries Culturelles. Elle a été créée par décret le 11 novembre 2009. Parmi ses domaines figurent le livre, le cinéma, mais de façon beaucoup moins évidente la musique, par exemple. On objectera que, depuis 2015, le ministère participe, dans pratiquement toutes les régions françaises, à une série de cycles dont la thématique, Entreprendre dans la Culture, constitue la preuve d’une sensibilité nouvelle à la portée économique du champ culturel. Mais ces deux exemples tranchent peu avec une tradition qui a plutôt, au nom de l’exception culturelle, considéré la Culture comme étrangère à l’économie dans sa version industrielle. Une telle représentation du monde des arts et de la culture a de profondes origines politiques. L’École de Frankfort en constitue le versant philosophique et critique, avec par exemple la démonstration de Walter Benjamin au sujet de la photographie et donc d’une certaine industrialisation de l’art, dont les effets délétères - la fameuse perte d’aura liée à sa reproduction argentique - n’étaient nullement compensés par la vertu d’un accès démultiplié. D’un point de vue plus économique, toute la justification de l’action publique dans le champ culturel, chez Keynes comme chez Baumol et Bowen (1966), réside dans le fait que le marché, tout industriel et développé qu’il soit, est dans une incapacité structurelle à fournir services et biens culturels dans des conditions satisfaisantes de qualité et de diversité sociales, artistiques et territoriales (Dostaler, 2005 ; Doustaly, 2013). Plus la culture procède des intérêts, moins elle est intéressante, pourrait-on dire. La culture est donc la part maudite de l’économie de marché, même si la dimension économique des activités artistiques est totalement inscrite dans l’histoire de l’art (Greffe, 2010).

2L’économie industrielle comme petite mort de la Culture est un thème récurrent dans le champ politique, comme en ont attesté, à l’occasion des négociations sur le libre-échange, la bataille française puis européenne pour l’exception culturelle, en 1994, et l’exclusion (provisoire) de la Culture du champ d’application des accords du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), encadré l’année suivante par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Cette exclusion est toujours au cœur des débats sur les échanges internationaux, comme en témoignent aujourd’hui les controverses sur le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), l’accord de libre-échange signé entre l’Union Européenne et le Canada. Celui-ci rappelle la notion d’exception culturelle, en invoquant notamment la convention Unesco sur la diversité culturelle de 2005, dont on sait que la portée contraignante est juridiquement faible (Leonetti, 2008). Mais elle ne la considère valable que pour l’audiovisuel, laissant envisager que les autres domaines de la culture pourraient être, au contraire, directement touchés (Hahn & Sauvé, 2016). C’est en particulier le cas pour les domaines que nous allons aborder dans cet article, et notamment l’organisation de concerts live, de festivals, et autres dimensions du spectacle vivant qui sont, aux dires des auteurs précités, du ressort des services d’« entertainment », donc libéralisés c’est-à-dire soumis au nouveau traité.

3Longtemps considérée comme une ligne de défense de la culture, la revendication de l’exception culturelle est donc en train de faiblir. Nul doute en effet que l’application du CETA à la culture « non-audiovisuelle » aurait à terme des conséquences sur d’autres terrains conventionnels, à commencer par l’Organisation Mondiale du Commerce. On peut donc se demander s’il ne vaudrait pas mieux inscrire la culture dans le champ de la réflexion des politiques industrielles, plutôt que de les en exclure en prétendant les protéger des paradigmes industriels et commerciaux. Une telle inscription ne permettrait-elle pas d’identifier des solutions qui soient à même d’en reconnaître plus efficacement la singularité – et donc le traitement particulier dans l’action publique, que le déni d’industrie ? La politique industrielle est un ensemble de mesures interventionnistes des pouvoirs publics, visant à développer certaines activités économiques et à promouvoir le changement structurel. Pour Élie Cohen et Jean-Hervé Lorenzi, elle vise à promouvoir des secteurs qui, pour des raisons d’indépendance nationale, d’autonomie technologique, de faille de l’initiative privée, de déclin d’activités traditionnelles, d’équilibre territorial ou politique, méritent une intervention » (Cohen et Lorenzi, 2000, p.14). La plupart des termes de cette définition ouvrent sur des controverses qui sont utiles à considérer en regard des évolutions des différents secteurs culturels : qu’est-ce qu’un déséquilibre territorial ou politique, et sur quelle base l’établir ? Jusqu’où soutenir des activités traditionnelles ? Qu’est-ce qu’une faille de l’initiative privée, lorsque celle-ci, bien que présente, n’assure pas ce qu’il est convenu d’attendre d’une politique culturelle ?

4Le présent article n’a pas l’objectif de répondre à toutes ces questions mais il a celui d’ébaucher ce que serait une réinsertion critique de la culture dans le champ des politiques industrielles, en considérant les industries culturelles dans un sens à la fois étendu (par rapport à la version traditionnelle où elles ne se composent pour l’essentiel que de l’audiovisuel et du livre) et contingent, au gré de ses spécificités. Plus précisément, cet article va d’abord rappeler en quoi la culture est majoritairement une affaire privée en France, en dépit du discours récurrent sur l’exceptionnalité de son intervention publique. Puis nous détaillerons les principales évolutions industrielles du secteur culturel, en pointant notamment les mouvements qui affectent le secteur musical. Le phénomène de concentration diagonale, que nous allons décrire, se définit par l’entrée d’entreprises jadis spécialisées sur un segment de marché dans d’autres segments, par des moyens directs ou indirects. La concentration induit la prise de contrôle, par un nombre limité d’entreprises, de sociétés jadis indépendantes. Elle est dite « diagonale » (Meier, 2005) parce qu’elle emprunte aux trois formes connues de concentration industrielle : financière, verticale, horizontale. Nous interrogerons ensuite les motifs de ces mouvements, en distinguant 5 principales explications à ces concentrations industrielles. Le recours à la notion de motif (Bouleau, 2017) permet d’élargir l’analyse des comportements économiques, notamment du côté des émotions (Faure & Négrier, 2017). Enfin, nous nous poserons la question des réponses à apporter à ces tendances, en termes de politique industrielle, d’une part, mais aussi plus largement en termes de responsabilité sociale et politique.

1 – Paysage de la bataille

5Depuis plus d’une décennie, alors que la culture [1] marque globalement le pas en termes de chiffre d’affaires, des phénomènes de concentration se développent [2]. À tout seigneur tout honneur, au carrefour entre culture et communication, entre contenus et contenants, se trouvent les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Leur rôle majeur provient non seulement de leur puissance économique, mais aussi de leur capacité de préemption des innovations qui fourmillent dans la galaxie des start-up. On mesure à quel point ces géants contemporains disposent de la capacité, d’un côté d’obtenir des pouvoirs publics des facilités d’installation qui faussent la concurrence, tout en contestant à ces mêmes autorités le plus élémentaire pouvoir en démocratie économique : l’ajustement de la fiscalité sur les espaces de profit. En outre, alors que les 87,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires consolidé du domaine culturel en France correspondent à 597 000 emplois (Picard, 2017), les chiffres sont respectivement de 4,4 milliards et de… 5 000 emplois pour Amazon en France [3]. En culture, un emploi correspond donc à 145 000 euros de chiffre d’affaires. Chez Amazon, il en faut 880 000. Une piste pour éclairer les stratégies de développement de l’emploi, sans même évoquer la fragilisation de toute la chaîne du livre, par exemple, qu’implique le tapis rouge déroulé devant elle. Face à ce phénomène, peut-on encore invoquer Joseph Schumpeter et son concept de « destruction créatrice » (Schumpeter, 1951) sans s’interroger sur son efficience et son incidence dans des domaines aussi spécifiques que celui de la culture ?

1.1 – Changement de paradigme

6En France, la réputation d’exception que connaissent les politiques culturelles a longtemps occulté le fait que la culture y est, de façon écrasante, une affaire privée. Sur la totalité de la production culturelle de référence [4], on estime à 18 % la part de la production non marchande (c’est-à-dire dont le prix représente moins de 50 % du coût de production par un important niveau de financement public) et à 82 % celle de la production marchande (Picard, 2017). Mais si le secteur non marchand pèse d’un poids relativement limité, il occupe une place considérablement plus importante en termes d’orientation globale du domaine culturel. C’est le plus souvent lui qui assume les fonctions de pépinière, de défricheur et de soutien des esthétiques émergentes, celles-là mêmes qui seront ensuite couronnées, ou non, par les réseaux, le marché et/ou l’institution. L’intervention publique, elle-même, se situe au carrefour entre les deux ; entre Keynes, cité plus haut, et les miroirs équivoques du rayonnement territorial, qui au lieu de prolonger l’action publique en ce qu’elle a de spécifique, déploient des stratégies culturelles en lien direct avec les logiques marchandes proposées par les groupes commerciaux.

7Les enjeux de la concentration dans le domaine culturel concernent plusieurs secteurs, trop différents pour que cet article se donne pour objectif d’en faire l’analyse détaillée. Historiquement, la chronique a été d’abord défrayée par l’entrée en lice de Live Nation dans la gestion d’un festival (le Main Square à Arras), derrière laquelle – nous y reviendrons – se profilait la firme multinationale Clear Channel, opératrice de publicité, de médias et de services urbains. Mais on a tôt fait de parler, dans le même secteur musical, de Fimalac, de Lagardère, voire de TF1 ou de Sony, comme caractéristiques de ces tendances.

8Dans le secteur de l’édition, la prise de contrôle des éditions de La Martinière par Média-Participations donne naissance à un troisième grand (derrière Hachette et Editis) au chiffre d’affaires de 600 millions d’euros.

9Ces stratégies d’opérateurs culturels, auxquels on donne – parce qu’ils sont culturels – une portée politique et morale, existent depuis longtemps. Leur singularité actuelle est sans doute liée au fait qu’il ne s’agit pas de prises de contrôle au sein d’un seul segment de marché, ou au sein du seul secteur marchand. Il s’agit aussi, et c’est ce qui va nous intéresser ici, de l’intervention de groupes marchands dans un des domaines où ils n’intervenaient pas jusque-là, soit que ces derniers touchaient à des compétences et activités distinctes, soit qu’il ne s’agissait pas même d’un secteur marchand.

10Ces nouveaux phénomènes témoignent donc de la remise en question de frontières jusqu’ici admises. Elle n’est pas l’apanage des seuls acteurs privés. Un rapport sur la situation du théâtre privé a ainsi été confié au député René Bonnell, lequel fut un temps éditeur avant de se consacrer à la production audiovisuelle (Gaumont, Canal +, Octave Films, etc.). Pour résoudre les problèmes qu’il y diagnostique, il suggère un prélèvement sur la billetterie des scènes publiques pour améliorer le soutien au théâtre privé. Cette disposition suscite une levée de boucliers des scènes nationales [5], mais elle inspire aussi, de la part de Régine Hatchondo, directrice générale de la création artistique du ministère, ce commentaire : « Il va falloir quand même penser à faire tomber le mur de Berlin entre vous et le théâtre privé » [6]. Cette déclaration, qui en résume beaucoup d’autres allant dans le même sens, ne doit pas être prise comme une péripétie. Dans l’étude des politiques publiques, elle participe de ces images qui énoncent et annoncent un changement de paradigme (Muller, 2005 ; 2015), au carrefour des stratégies conscientes et des représentations symboliques. La remise en question de frontières jusque-là admises suppose que des acteurs des deux côtés en discutent la pertinence. Ici, l’idée qu’il y ait un destin absolument spécifique et bénéfique du théâtre public par rapport au privé s’est longtemps appuyée sur des missions, des contraintes, une innovation qui étaient le fait de l’action désintéressée, tandis que du côté du théâtre privé se situaient la rentabilité, le mainstream, les facilités esthétiques et commerciales. C’est précisément cette frontière mentale qui est en question, selon des causes et avec des conséquences qui touchent directement aux stratégies de groupes industriels. Par exemple, ceux-ci considèrent désormais avec convoitise des lieux (théâtres et scènes municipales, de statut public, mixte ou privé) auxquels - il y a encore quelques années - était attachée une image d’inexploitabilité et de déficit.

1.2 – La concentration musicale : combien de divisions ?

11Quels sont les acteurs qui illustrent le mieux ce changement de paradigme ? Dans un paysage marqué par une myriade de petites sociétés de production, d’une grande variété de lieux de spectacle en termes de volume, d’orientation esthétique, de statut juridique, les acteurs du changement sont ceux qui sont les plus engagés dans le regroupement d’activités jusque-là séparées. Il n’est pas possible d’en dresser un inventaire exhaustif dans le cadre de cet article, mais on peut au moins tenter d’en montrer la diversité et les convergences stratégiques.

12Live Nation est la première société à illustrer, avec le rachat du Main Square, à Arras, l’entrée de groupes industriels dans le paysage culturel et musical français. A l’origine se trouve SFX, le plus gros organisateur de concerts aux Etats-Unis, racheté par Clear Channel, une société spécialisée dans la publicité et l’audiovisuel. Bientôt celle-ci se scinde en trois structures, dont Live Nation, pour les spectacles. Dans un contexte d’effondrement des revenus tirés du disque, dans les années 2000, Live Nation devient un acteur incontournable de l’économie du « live », comparativement plus dynamique. En 2016, Live Nation est le plus grand organisateur de concerts au monde, reprenant des festivals ou en créant d’autres de toutes pièces (Lollapalooza, par exemple). Cela représente 25000 concerts, 3300 artistes sous contrat, 71 millions de spectateurs, et un chiffre d’affaires mondial de 7,5 milliards d’euros. Comme on le voit sur le diagramme n°1, les activités de Live Nation se concentrent sur la plupart des stades de la filière musicale : salles, festivals, production de spectacles, billetterie. La partie « éditions, labels » semble petite, mais il convient d’ajouter que la pratique de Live Nation, contrairement à d’autres comme Fimalac (pour les sociétés de production) ou Vivendi (pour les activités d’édition et labels), par exemple, est d’absorber les sociétés qu’elle achète, tandis que les autres leur laissent une identité autonome (cf. supra, partie suivante), d’où leur nombre important (carrés bleus chez Vivendi, ronds orange chez Fimalac).

13Fimalac, en regard de Live Nation, semble plus modeste. Son chiffre d’affaires, plus concentré sur la France, atteint 358 millions d’euros en 2016, en forte hausse par rapport à l’année précédente (+ 60 %). Cela représente tout de même plus du double du chiffre d’affaires de Live Nation en France (150 millions d’euros). La société fondée par Marc Ladreit de Lacharrière, en 1991, est active dans les secteurs immobilier, financier, numérique, et de la formation, l’hôtellerie et les loisirs. Dans le secteur culturel, Fimalac a progressivement racheté des sociétés de productions, des théâtres et des salles de spectacles, certains Zéniths et parcs d’exposition. Elle a regroupé ses activités dans 3S Entertainment, au nom emblématique (brouillage des frontières entre culture et divertissement), et organise 8000 événements par an, pour 120 millions de chiffre d’affaires dans le secteur, toutes activités culturelles et de divertissement confondues. Entre Fimalac et Live Nation, on remarque une grande similitude de diversification, qui embrasse toute la chaîne de l’industrie musicale, sauf les domaines audiovisuel et médias et, à certains égards, les complexes sportifs et de spectacle.

14Vivendi est un acteur incomparablement plus puissant que le précédent, avec des activités culturelles en musique (Vivendi Universal), médias (Canal+), production cinéma (Studio Canal), diffusion vidéo (Dailymotion), billetterie (Vivendi Ticketing) et jeux vidéos (Gameloft, Ubisoft). Elles s’insèrent dans un groupe qui dépasse très largement le cadre du spectacle ou de l’industrie musicale. Le groupe Bolloré, largement plus internationalisé que Fimalac, peut compter sur ces interactions entre industries des secteurs créatifs, de la logistique, des transports, etc. Ces interactions étaient déjà très sensibles dans les années 1980, à l’époque de la Compagnie Générale des Eaux et de ses prétentions dans les domaines audiovisuels et réseaux câblés urbains. Ces derniers étaient vécus comme le nouveau stade des ensembliers urbains, comme dans le rapport entre Clear Channel et Live Nation au départ. Les choses penchent plus nettement aujourd’hui au profit des activités artistiques et culturelles. Vivendi se positionne, à l’instar des précédents, dans la gestion de salles (L’Olympia), l’organisation ou la reprise de festivals (Les Déferlantes d’Argelès), la gestion d’un important catalogue d’artistes en contrat. Le chiffre d’affaires de Vivendi dépasse celui de Live Nation, avec 10,8 milliards d’euros en 2016, dont 4,3 milliards en France, également loin devant Fimalac.

15Lagardère Sport & Entertainment est le quatrième acteur, intégré au sein d’un groupe Lagardère dont l’actionnaire majoritaire est, depuis 2011, Qatar Investment Authority. Le groupe a pour ancêtre la société Matra (1941), investie à l’origine dans les nouvelles technologies, l’automobile, l’industrie aéronautique puis la défense, au sein de EADS, cédée en 2013. Lagardère s’est recentré dans l’édition (Lagardère Publishing), les médias (Lagardère Active), le commerce des gares (Lagardère Retail) et l’événementiel culturel et sportif. Ce dernier secteur représente autour de 500 millions d’euros. On y trouve notamment la gestion de salles de spectacles (le Bataclan, Le Casino de Paris, les Folies Bergère). La réorientation du groupe vers les industries culturelles s’opère dans un contexte de fragilité dû à trois causes : une dégradation assez ancienne de sa rentabilité ; une très nette domination du marché français, et d’une dépendance à l’égard de sa situation ; une faiblesse dans les rapports de force avec les géants de la diffusion de contenus, les GAFAM (Diard, 2016).

16AEG (Anschutz Entertainment Group) est, derrière Live Nation, le deuxième gestionnaire mondial de salles de concerts, organisateur de festivals, parmi lesquels le mythique Coachella, en Californie, et Rock-en-Seine, à Paris (en copropriété avec LNEI, de Mathieu Pigasse). Organisateur de 8000 concerts par an en 2016, AEG est encore peu présent en France, où l’installation d’un bureau date de janvier 2018. Mais il a déjà le contrôle du Palais Omnisport de Bercy (Accord Hotel Arena). Il est très difficile d’obtenir des informations financières précises d’AEG, en dépit du fait qu’il s’impose comme l’un des deux géants d’une économie du spectacle dans l’espace public. Dirigé par Philippe Anschutz, un patron solitaire et ultra-conservateur, de même d’ailleurs que John Malone, le patron de Live Nation, AEG a fait l’objet d’une campagne assez virulente au sujet du financement, par sa fondation, de groupe anti-gays, antiavortement, anti-marijuana, etc. [7]

17Vente-privee.com est de tous ces acteurs le plus caractéristique de la génération Alpha, puisqu’il s’agit d’une entreprise qui doit uniquement à internet son essor, d’ailleurs fulgurant : près de 3 milliards de chiffre d’affaires en 2017. A partir des revenus tirés de la vente en ligne, et notamment de la vente de billets de spectacle (Weezevent) l’entreprise, Vente-privee.com s’est étendue à la gestion de salles, en rachetant plusieurs théâtres parisiens (Théâtre de Paris, La Michodière, Les Bouffes parisiens), et à la production d’artistes. L’ensemble de ces activités a été regroupé dans une filiale Vente-privee Entertainment qui dépasse les 100 millions d’euros.

18Morgane, créée en 1992, regroupe des activités audiovisuelles (Belleville Production, Morgane Production), et a développé depuis plusieurs années une activité dans la production musicale et l’événementiel musical. C’est la société qui possède Les Francofolies, le Printemps de Bourges, parmi d’autres événements culturels et sportifs (la Route du Rhum, Pen Duick, Sea Events) qu’elle crée ou auxquels elle apporte des services spécialisés.

19LNEI (Les Nouvelles Éditions Indépendantes), est la holding qui coiffe l’ensemble des activités médias, culture et événements, de Mathieu Pigasse et de la Banque Lazard (environ 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017). On y trouve les participations dans Le Monde, L’Obs, Télérama, etc. ; la production audiovisuelle (AB Groupe), Les Inrocks et Radio Nova en font également partie de même que des festivals comme Rock-en-Scène ou les Nuits Zébrées. LNEI développe également un label musical, HomeRun, et Mathieu Pigasse, à titre personnel président bénévole de Territoire de Musiques, l’association qui organise les Eurockéennes de Belfort, 130000 entrées en 2017. En 2018, LNEI est moins transversal que d’autres acteurs majeurs de l’industrie musicale, mais la tendance à la diversification est la même que celle qu’on peut observer chez les « très gros » : lieux, événement production d’artistes, médias spécialisés dans le secteur culturel.

Graphique 1

L’essor des grands groupes industriels dans le secteur musical

Graphique 1

L’essor des grands groupes industriels dans le secteur musical

Source : Elaboration personnelle d’après multiples sources financières et presse générale et spécialisée

20Il n’est pas inutile de compléter l’étude de la diversification des entreprises par l’examen de leur poids financier. En effet, comme on peut le voir sur le tableau n°1, certaines entreprises peuvent apparaître assez peu développées, tout en étant de gros opérateurs en termes de puissance financière. Par exemple, Live Nation a plutôt une pratique d’absorption des sociétés qu’il acquiert. Cela fait que le groupe Live Nation apparaît modeste, comparativement à Fimalac, par exemple, qui dispose d’un nombre beaucoup plus important de sociétés. Mais c’est parce que Fimalac a plutôt pour stratégie de laisser une certaine autonomie de marque et de gouvernance aux sociétés qu’elle intègre à son groupe. De la sorte, le nombre de sociétés n’est qu’un indicateur de force marchande, qui doit être ensuite contrôlé par le chiffre d’affaires. Ce raisonnement fait de Vivendi, à l’échelle internationale, un acteur bien plus puissant que Fimalac, par exemple.

Tableau n°1

Chiffre d’affaires des principaux opérateurs diagonaux (millions d’euros 2017)

Poids mondial 2017Secteurs culturels et événementiels 2017
VIVENDI12 4445 782
LIVE NATION8 3708 370
LAGARDÈRE7 069496
FIMALACDonnées indisponibles
AEGDonnées indisponibles

Chiffre d’affaires des principaux opérateurs diagonaux (millions d’euros 2017)

*Données 2016 [8]

21Le passage en revue de ces 8 parcours nous confirme deux choses complémentaires : la première est que l’histoire des sociétés qui s’inscrivent aujourd’hui dans cette « aventure industrielle » est très diversifiée. Opérateur historique et compagnon de route de l’économie française (Vivendi, Fimalac en partie, Lagardère) ; émanation du secteur de la production qui se diversifie (Morgane, GL Events, que nous n’avons pas présentés ici, faute de place) de la finance (LNEI) de l’essor de l’économie numérique (Vente.privee.com), ou s’appuyant dessus pour s’étendre à tous les segments de marché, comme Live Nation, aujourd’hui, AEG demain. Le second enseignement est que, quels que soient l’envergure et le métier d’origine, chacun de ces groupes tend à se diversifier – le plus souvent par rachat – au-delà de son domaine initial. C’est l’hypothèse de la concentration diagonale que nous allons maintenant examiner.

2 – La diversification contre la diversité ? La concentration diagonale

22Le paysage de bataille que présente le secteur musical en France ne correspond pas à une seule forme de concentration économique. Si la distinction est relativement classique pour l’analyse de secteurs industriels qui n’ont rien à voir avec la culture, elle reste peu explicite pour celle-ci. Dans le domaine culturel, la plupart des phénomènes observés sont typiques de la diversification et de la concentration à la fois. La diversification est caractérisée par l’entrée d’entreprises jadis spécialisées sur un segment (production, gestion de salles, de festivals, label discographique, etc.) dans d’autres segments. La concentration se traduit par la prise de contrôle, par un nombre limité d’entreprises, de sociétés jadis interdépendantes, mais relevant de sous-secteurs soumis à une expertise et à des règles propres. La fusion pose donc un enjeu d’articulation de métiers, mais aussi de statuts jusque-là séparés. Un exemple parmi d’autres de cette tendance : Vivendi, du point de vue des droits d’auteurs, relève des organismes de gestion collective [9] des droits d’auteurs en tant que diffuseur, mais aussi en tant qu’éditeur, par sa représentation des artistes en catalogue. On imagine ce qu’induit cette double identité dans les rapports entre sociétés de droit et groupes industriels. La concentration est « diagonale » (Meier, 2005), puisqu’elle emprunte aux trois types de concentration classiquement distingués en économie industrielle, et notamment dans le secteur des médias (Théorêt, 2002 ; Fourie, 2010) qu’il convient d’illustrer.

2.1 – La diagonale

23La première concentration est financière et permet à une firme de prendre le contrôle d’une autre tout en lui laissant une autonomie formelle, une identité de marque. Fimalac, dirigée par Marc Ladreit de Lacharrière, correspond bien à ce modèle, avec un chiffre d’affaires de près de 250 millions d’euros (en 2016) correspondant à un pôle divertissement (3S Entertainment) qui englobait, fin 2016, 101 salles de spectacle et 12 sociétés de production, dont certaines, comme Miala, organisatrices de festivals. La préservation de l’identité des marques a pour objectif de ne pas rompre brutalement avec une personnalisation qui compte pour la valeur de ces entreprises, souvent artisanales et fragiles. Elle n’empêche pas les économies d’échelle, lorsqu’il s’agit pour la holding ou le pôle de faire adopter à ses filiales des services dont la société s’est rendue maîtresse, comme la billetterie par exemple. C’est le cas de MyTicket et de Tick&Live pour Fimalac. Plus généralement, le développement de l’économie digitale, que la seule billetterie ne résume pas, constitue un créneau où les tendances peuvent demain pousser à la déréglementation : à partir de l’identification des préférences des utilisateurs, on peut leur proposer des « goodies » en lien avec celles-ci, voire des places de type « second marché », actuellement prohibé [10]. Derrière les activités de Verified Fan, propriété de Ticketmaster et donc de Live Nation, se profile une nouvelle économie dont on ignore encore le mode de régulation.

24Dans ce premier type de concentration, on peut trouver des acteurs qui se spécialisent sur plusieurs créneaux à la fois sans pour autant embrasser l’ensemble de la chaîne de valeur artistique. La stratégie de Fimalac prétend justement exclure le « 360 degrés » au nom de la diversité artistique, tandis que Vivendi entend aller du développement à la production et la tournée des artistes, jusqu’à leur valorisation dans les médias et dans l’industrie du disque, au travers de l’ensemble des ressources de Vivendi.

25La deuxième forme de concentration est horizontale et se traduit par l’absorption de concurrents ou la duplication, dans le même sous-secteur, d’un événement par exemple. On pense ici au groupe Live Nation et à ses déclinaisons d’un même festival dans plusieurs pays – comme le Lollapalooza –, aux quelques 3 300 artistes sous contrat qui tournent dans le monde, et notamment lors des 25 500 concerts organisés annuellement par un groupe dont le chiffre d’affaires se situe, en 2016, à 7,5 milliards d’euros. Ce phénomène n’est pas si récent qu’il y paraît, puisque dans le secteur des musiques savantes René Martin avait, à une échelle certes plus modeste (et sans que cela n’engage une question de capitaux au même titre que la propriété de sociétés de production ou de festivals), dupliqué son festival La Folle Journée dans plusieurs métropoles, tout en prenant la direction d’autres festivals en France (Saint-Chartier, La Roqued’Anthéron). On peut également évoquer le groupe Lagardère et sa stratégie de production d’artistes, de la même manière que la firme avait initié la gestion de la carrière de sportifs de haut niveau. Cette concentration sur un même créneau d’activité engendre des attentes d’économies d’échelle d’une plus grande ampleur que dans le cas précédent. Par exemple, la duplication d’un événement permet de mutualiser un certain nombre de coûts : graphisme, cachets artistiques en série, continuité du dispositif technique, communication, etc.

26La troisième forme de concentration est verticale et se traduit par l’absorption de clients ou de fournisseurs. On se rapproche du « 360 degrés », plus ou moins complètement, en capitalisant sur les interdépendances qui existent entre les risques initiaux (dans le développement d’un artiste, la création d’un label, d’un lieu culturel, etc.) et les bénéfices tirés de l’ensemble des exploitations possibles d’un artiste ou d’une œuvre. Nous retrouvons le cas de Fimalac, de Vivendi ou de Live Nation, déjà cités. On peut également mentionner le cas de Sony, du côté des équipements et du disque, dont l’investissement dans la production d’artistes est bien sûr lié à l’effondrement de la rentabilité de la musique enregistrée et au déplacement des sources de profit vers le spectacle.

Graphique 2

Les sept doigts de la diagonale musicale

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Les sept doigts de la diagonale musicale

La concentration diagonale est bien liée au fait qu’il est impossible de compartimenter les entreprises et leurs dirigeants dans un seul phénomène. C’est en traversant chacun de ces champs (gestion de salle, organisation de festival, production, édition, services numériques, billetterie, produits dérivés, etc.) que l’on constate les interpénétrations en cours. Celles-ci obéissent à des motifs qu’il convient maintenant d’exposer.
Source : Auteur.

2.2 – Politique des motifs industriels

27Parce que le monde de l’industrie a toujours cultivé l’image même de la rationalisation, l’étude des comportements des groupes et de leurs leaders est souvent dominée par l’analyse stratégique simple. Les causes de leurs actions sont réputées limpides même dans un environnement incertain, et le plus souvent une approche monocausale est offerte à leur explicitation. La conquête de nouvelles positions et leur valorisation financière est souvent cette cause. Or on sait depuis longtemps que ces comportements sont socialement inscrits (Steiner, 2007), dépendent d’institutions, et ont pour base une pluralité de motifs. Cette dernière notion de « motif », mise en évidence par Gabrielle Bouleau dans l’étude des politiques environnementales, tente précisément de conjuguer les mérites de l’analyse stratégique avec deux autres approches : celle, constructiviste, des représentations sociales qui influent sur les comportements dits « stratégiques » ; et celle des sensibilités soit l’examen, à l’échelle individuelle et collective, du rôle des émotions pour éclairer ces mêmes stratégies (Bouleau, 2017). Elle est particulièrement utile pour comprendre la variété des justifications possibles à ces comportements industriels, et éclairer un paradoxe.

28En effet, ces opérations de rachat se déroulent dans une atmosphère économiquement morose en France. Et bien que le spectacle musical et de variété soit plutôt en croissance [11], ces concentrations n’ont aucunement fait la preuve de leur rentabilité, au moins à court terme. Le résultat serait plutôt inverse [12]. Comment dès lors expliquer que ces grandes manœuvres donnent à la fois l’image d’une ruée vers l’or et celle d’une bulle spéculative, dont les répercussions, si elle éclatait, pourraient affecter l’ensemble du domaine culturel ? Cinq possibilités se présentent pour résoudre un tel paradoxe : la vision, la passion, la médiation, l’attention et la caution.

2.2.1 – La vision

29La première fait crédit aux acteurs d’une capacité d’anticipation que nous n’aurions pas : les grands opérateurs, eux, seraient doués d’une hauteur de vue telle qu’ils sauraient prévoir ce que nous ne faisons que voir a posteriori. Un scénario de moyen terme : débarrassés d’interventions publiques faussant le jeu et de concurrents anéantis par la course au gigantisme, quelques acteurs dominant un vivier toujours plus nombreux et fragmenté de propositions artistiques interchangeables pourront fixer leur prix et l’imposer à des publics condamnés à en assumer l’inflation. On laisse le lecteur envisager toutes les implications d’un tel scénario. Il peut s’alimenter des effets attendus de l’entrée en vigueur du CETA, par la remise en cause possible de certaines régulations spécifiques portant sur les droits des artistes, l’interdiction des reventes, l’exception culturelle appliquée au spectacle, etc. Une autre forme d’anticipation concerne le facteur humain, et le fait que beaucoup des acteurs du champ (festivals, sociétés de production, tourneurs et accompagnateurs d’artistes, salles de spectacles) ont des dirigeants en fin de parcours professionnels et susceptibles de répondre favorablement aux sollicitations des « diagonaux ».

2.2.2 – La passion

30La deuxième possibilité met l’accent sur les passions des dirigeants, sur leurs rapports émotionnel et individuel à l’égard du spectacle. C’est une explication romantique : les acteurs concernés par ce vaste Monopoly réhabilitent la figure du sénateur de la IIIe République, et les danseuses qui vont avec. Ce n’est pas une explication sans fondement. La culture serait pour eux, par exemple, une manière de racheter l’image de sociétés dont les activités rapportent, mais ne confèrent guère de prestige à leurs dirigeants : indice de cotation en bourse et activités immobilières pour Fimalac, armement puis littérature de gare pour Lagardère, publicité, vente en ligne, services bancaires … La culture répondrait donc pour ces capitaines d’industrie à une sorte de logique de l’honneur (D’Iribarne, 1993). On retrouve ici l’explication fournie, pour la presse, par Laurent Mauduit au sujet de l’engagement dans le capital du journal Le Monde de Xavier Niel, jadis inquiété – et condamné – pour ses frasques dans l’économie du peep-show et du sex-shop (Mauduit, 2016) : « sauver » Le Monde, c’est aussi se laver d’un passé peu glorieux. L’explication convaincrait, s’il s’agissait ici ou là de moins gagner. On y croit moins s’il s’agit de valider des pertes durables.

2.2.3 – La médiation

31La troisième explication insiste sur la nature des firmes qui investissent le champ. Nous l’avons noté, aucune n’est engagée dans le secteur culturel à titre exclusif. Quelle que soit la stratégie de concentration, la culture représente même parfois une part minoritaire dans l’ensemble des activités des groupes : médias, équipements, finances, services urbains, immobilier, commerce de détail, sport. Par exemple, pour Fimalac, on estime à environ 30 % le chiffre d’affaires généré par les activités culturelles dans l’ensemble de la holding. Cependant, cette part est, à l’échelle de ces groupes, parée de valeurs que n’ont pas d’autres investissements, autrement rentables pourtant. À l’image d’un mécène faisant fructifier, grâce à son engagement auprès d’un festival, ses relations d’affaires dans les meilleures conditions qui soient, l’investissement dans la culture peut être un levier d’échange pour d’autres activités du groupe. La culture n’est plus (simplement) une danseuse. Elle devient une entremetteuse. Et si cette activation des échanges fonctionne, c’est aussi parce que le bien culturel dont il est question (un festival, un catalogue d’artistes, un lieu culturel, etc.) renvoie à ce que Luc Boltanski et Arnaud Esquerre (2017) appellent une forme de mise en valeur tendance : liée au caractère exceptionnel de sa création ou de son créateur, au récit et aux mythes qui l’entourent, aux investissements socio-libidinaux qui lui donnent chair. À condition de limiter les pertes dans l’économie du prix – ce que permet une concentration ouvrant sur des économies d’échelle –, les gains sont substantiels dans l’économie (symbolique) de la valeur. Marc Ladreit de Lacharrière est transfiguré en sauveur de la culture française. Pour un peu, il incarnerait le retour du champion national néocolbertiste dont le tournant néolibéral nous avait tristement privés.

2.2.4 – L’attention

32Quatrième explication, liée à une observation toute simple : la plupart des acteurs qui font la dynamique de concentration ont un souci particulier autour de la billetterie. On pourrait en avoir une interprétation triviale : qui contrôle la billetterie contrôle le nerf de la guerre. Mais cela va plus loin dans le monde numérique actuel. La gestion de la billetterie est en effet au cœur des ressources liées à ce que Yves Citton [13] appelle la politique de l’attention (Citton, 2014). Celle-ci, selon l’auteur, serait un enjeu majeur du capitalisme contemporain (accumuler un capital attentionnel, le valoriser), et de la civilisation : d’un côté l’usage des métadonnées, des algorithmes multiplie les possibilités de diriger notre attention. De l’autre, il contribue à une désindividuation (Cardon, 2015). Autour du comportement d’achat de billets peut en effet se greffer toute une série de stratégies d’attention : offres spéciales, connexes, propositions commerciales diverses, etc. En outre, ces environnements attentionnels partent d’un noyau qui, pour le spectateur, est fortement positivé. On peut donc penser qu’il s’agit là d’un espace attentionnel à haute valeur, donc à haut rendement, bien meilleur en tous cas que les algorithmes qui entourent le paiement de ses impôts ou la recherche d’un emploi. C’est en tous cas l’espoir de gain qui est au principe de cette mobilisation sur l’attention culturelle.

2.2.5 – La caution

33Enfin, il faut signaler une dernière explication, de moyenne portée, et qui concerne la matérialité des acquisitions réalisées. Dans une économie globalement frappée d’incertitude sur la valeur, certains investissements sont moins destinés à développer la rentabilité d’un groupe qu’à assurer un panier d’actifs, destiné à conforter les fonds propres, d’une part, et à voir venir en cas de coup dur, d’autre part. Certaines des sociétés déjà citées se sont, à ce titre, illustrées dans l’immobilier, un secteur morcelé, pas forcément ultra-rentable, même avant la mise en place d’un superimpôt sur les fortunes immobilières en 2017. Les actifs culturels (salles, labels, sociétés de production, etc.) présentent des perspectives à la fois plus simples en matière de gestion et plus stables en termes de profit que les actifs immobiliers « classiques ». Bien sûr, cette dernière explication fait peu rêver, puisque l’actif culturel n’est ici considéré qu’à partir de sa valeur non culturelle. Il dépend d’une stratégie qui est parfaitement réversible, et peut conduire demain à un désinvestissement brutal et délétère pour le secteur culturel.

3 – Non-agir et responsabilités

34Après avoir décrit et tenté d’expliciter l’essor des stratégies diagonales, il convient d’en examiner les conséquences en termes d’action. Faut-il considérer, comme cela est souvent le cas de la rhétorique libérale, que ce mouvement est inéluctable et que l’action visant à l’enrayer serait au mieux inefficace, sinon nuisible ? Faut-il au contraire estimer que de tels phénomènes appellent à une réaction, et si oui, laquelle ? Pour répondre à cette interrogation, il faut d’abord s’entendre sur l’impasse du non-agir. Ne rien faire se justifie sur trois bases possibles, diversement iniques.

3.1 – Politique de l’inaction

35Le premier argument au laisser-faire est de laisser la concurrence se développer sans entrave, en donnant au spectateur – consommateur final – le soin d’arbitrer. C’est une position triplement inique. Elle fait d’abord l’impasse sur l’inégalité foncière du rapport entre offre et demande, où entrent des capacités croissantes de séduction commerciale. Ce faisant, elle assume le pire de l’économie de l’attention. C’est en outre nier la philosophie de toute politique culturelle, qui consiste davantage à proposer aux gens ce qu’ils pourraient aimer que ce qu’ils signalent aimer. Enfin, la constitution de grands groupes diagonaux ne favorise nullement un renforcement de la concurrence qui serait favorable au « consommateur ». Bien au contraire, on voit poindre, dans le cadre même de la compétition que se livrent quelques géants, une circulation des agents de l’un à l’autre, des formes d’entente au-delà des lignes, qui font penser à cette vieille loi des oligopoles qui dérivent vers la cartellisation, soit non seulement le contrôle d’un marché par un nombre limité d’agents, mais des ententes entre ces agents qui ont clairement un impact négatif pour le « consommateur final ». La cartellisation n’est donc plus un complément qu’une alternative à la concentration, comme on l’a parfois prétendu (Barjot, 2014).

36La deuxième justification est suiviste. Elle consiste à croire à la théorie du ruissellement ou de la percolation. Selon cette vision, les revenus colossaux engendrés par le business de la culture finissent par bénéficier aux acteurs émergents, au secteur non marchand. C’est l’image des chorégraphes hip-hop incapables de vivre de leurs créations, mais survivant grâce aux shows de variétés et aux engagements publicitaires. Le problème est qu’une telle vision déséquilibre totalement l’ensemble du domaine culturel et le rend globalement dépendant du « règne de la marchandise », alors même que les ressources issues de ce ruissellement restent des plus limitées. L’observation des mouvements en cours nous porte plutôt à croire à un ruissellement inversé, plus proche de la nature et de l’adage : ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, et non l’inverse. Ce sont les myriades de petites sociétés, de structures aux marges de l’action lucrative, des coopérations public-privé, qui fournissent la matière d’une valorisation qui leur échappe en grande partie, dès lors qu’elles sont captées par les « majors ».

37La troisième tentation du laisser-faire est celle du champion national, que les politiques devraient conforter parce qu’il est national sans s’intéresser au contenu de la culture en jeu. On comprend aisément le caractère régressif et impraticable d’une telle argumentation. Non seulement il n’y a pas de champion national dans un secteur dont l’internationalisation des ressources, des appétits et des goûts est avérée depuis longtemps, mais l’idée d’en construire un de toute pièce n’a guère de sens. Elle fait enfin peu de cas des spécificités du secteur culturel et de l’impact que peut avoir, en termes de contenu, la consécration d’un acteur dominant. Rappelons par exemple que le groupe iHeartMedia, qui coiffait Clear Channel et Live Nation, a été directement accusé de censure en mettant à l’index de son empire radiophonique des propos jugés excessivement critiques à l’égard de George Bush, ou des œuvres musicales abordant des thématiques jugées indésirables après les attentats du 11 septembre 2001 (jusqu’à Imagine de John Lennon ou What a Wonderful World de Louis Armstrong) (Truitt, 2001). La capacité de ces groupes à jouer des synergies entre différentes activités entraîne également le risque d’une réduction de la programmation artistique au profit de catalogues maison, certes diversifiés dans leurs styles et genres, mais soumis au même cursus économique. Les conséquences ne sont pas moins graves pour les différents acteurs, non marchands ou artisanaux, qui concourent aujourd’hui à la pluralité des trajectoires de reconnaissance artistique, au premier rang desquels les auteurs (Tronc, 2017). Il en va de leur rôle comme des incidences globales sur l’emploi dans le secteur, ainsi que sur l’accès à la culture [14].

3.2 – Responsabilités : l’individu, l’artiste et l’action publique

38Si les politiques publiques ne peuvent rester indifférentes à ces phénomènes de concentration, c’est parce qu’ils recèlent de véritables risques pour la diversité de la vie artistique et culturelle, et pour la pluralité des acteurs (individuels et collectifs, privés lucratifs ou non, coopératifs, publics, etc.) qui la constituent et qui en représentent la richesse. Ici aussi, les pistes d’action qui se présentent sont diverses et incarnent deux visions de la responsabilité en regard des constats que nous avons établis dans la partie précédente.

3.2.1 – L’individu

39Le premier niveau est celui des responsabilités individuelles. Il s’agit d’abord de celle du « citoyen-consommateur », et va dans le sens des propositions de Yves Citton pour une « écologie de l’attention », soit la reprise de ses propres capacités d’attention face aux sollicitations qu’offre un marché concentré et sur-doté de ressources algorithmiques. En effet, c’est une chose de constater l’inégalité structurelle entre offre et demande, c’en est une autre d’en déduire une irresponsabilité de la demande sur ces enjeux. Au contraire, celle-ci doit être l’objet d’une considération renouvelée, au besoin par un soutien de l’action publique à la multiplication des chemins de traverse, de réappropriation de l’expérience culturelle face à la concentration diagonale des contenus.

3.2.2 – L’artiste

40Il s’agit ensuite des responsabilités individuelles des artistes eux-mêmes, pris dans les filets de majors cumulant toutes les casquettes. Dans la livraison n°6 de la revue NECTART, Gildas Lefeuvre, critique musical et consultant, fait le pari que la logique qui entoure l’artiste et l’enserre dans une dépendance croissante à l’égard de groupes ensembliers peut être déjouée (Lefeuvre, 2018). Tout simplement, il démontre à quelles conditions il est possible de faire tourner autour de l’artiste les différentes ressources aujourd’hui captées par les groupes, et proposer à celui-ci d’en récupérer la maîtrise, sinon la gestion directe. Pratiquement en lieu et place de notre schéma diagonal de la partie précédente, nous aurions ainsi le schéma suivant :

figure im3

41On peut discuter ce schéma, et notamment indiquer qu’une partie substantielle des revenus des musiciens ne figure pas dedans : les Assedic [15]. Mais l’essentiel du projet intellectuel (et pratique) est ailleurs : dans les ronds figurent des activités qui sont toutes potentiellement préemptées par les grandes compagnies dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler des contrats à 360°, où rien (pas même l’entretien de la fan zone) n’est laissé à d’autres. Or Gildas Lefeuvre plaide pour un 360° bottom-up, en quelque sorte, en inversant cette tendance et donner à l’artiste la possibilité de maitriser lui-même cet ensemble de liens. Il ne s’agit pas de les gérer lui-même, comme dans l’idée de l’artiste-entrepreneur de lui-même (Andonova, 2015), mais de susciter un environnement proche qui assume ces fonctions, soit dans un esprit non lucratif, soit selon une logique contractuelle qui écarte l’étau de la dépendance aux groupes diagonaux. Toute utopique qu’elle apparaisse au premier abord, cette piste mérite d’être approfondie.

3.2.3 – L’action publique

42Le second niveau, celui de l’intervention publique, présente trois pistes. Les rapports ministériels (Maistre, 2017) pointent des enjeux institutionnels (création de Maison, refonte d’organigramme ministériel). Un regard plus économico-commercial inciterait à mettre en œuvre des outils juridiques classiques, comme ceux de lutte contre les positions dominantes, par exemple. Nous mettrons ici plus l’accent sur les potentialités de l’action collective. La première des deux se concentre sur les acteurs les plus fragiles de ces filières, au besoin en sollicitant d’eux qu’ils s’accordent sur leurs intérêts communs, par exemple à l’échelle régionale. Ce sont les tentatives d’organisation par le biais de contrats de filière (Nouvelle Aquitaine), d’un réseau des musiques actuelles (Grand Est) ou de SOLIMA [16] (à plusieurs échelles territoriales) qui sont ici visées. Encore faut-il que ces initiatives ne soient pas conditionnées par une injonction à « changer de modèle économique » allant dans le sens d’une caporalisation du vaste monde associatif, coopératif, informel qu’est aujourd’hui le monde de la culture à partir d’un seul patron : l’entreprise privée à but lucratif. Ici, les stratégies culturelles des collectivités territoriales ne sont pas sans effet. La diffusion d’un discours priorisant les retombées économiques de la culture, l’orientation de projets vers des infrastructures aux capacités telles qu’elles nécessitent des programmations à forte fréquentation participent de ce mouvement de concentration au lieu de le contrecarrer. On s’en rend compte à l’examen des sociétés appelées à gérer ces équipements sous la forme de délégation de service public ou autre partenariat public-privé, comme pour les salles Zenith, les Arenas, à quelques exceptions près [17].

43La deuxième piste est une action publique d’incitation à la mutualisation. Elle touche aux formes de solidarité mécanique, qui peuvent être le fruit de nouvelles règles du jeu. Par exemple, l’introduction d’un droit de suite au profit des acteurs culturels (souvent non marchands) qui ont pris les premiers risques auprès des artistes mérite d’être discutée. Elle suscite des réserves légitimes, notamment quant au changement de mentalité du secteur non marchand, tenté de jouer les détecteurs de pépites plutôt que les éducateurs. Mais elle existe dans plusieurs disciplines sportives et a permis à de nombreux clubs amateurs de survivre. En culture, elle pose plusieurs problèmes, à commencer par la pluralité des acteurs (programmateur, manager, développeur, centre socioculturel, etc.) qui, bien souvent, seraient l’équivalent du seul « club amateur » pour le sport. Et si le droit de suite n’existe pas en droit, il est souvent pratiqué en fait, par la reconnaissance que tel artiste doit à l’espace (social, territorial) où s’est développé son art. Toute la question est de savoir si ce « retour à la communauté », aujourd’hui informel, mérite d’être formalisé.

44La troisième piste touche à la parafiscalité. Pour le spectacle vivant (secteur musical inclus), deux structures plus ou moins complémentaires et concurrentes existent : l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). L’une et l’autre prélèvent, pour leurs sous-secteurs respectifs, une taxe de 3,5 % dont le produit est reversé en droit de tirage aux affiliés (pour la plus grosse part), et d’autre part à l’ensemble des acteurs de la filière selon des modalités définies au sein de commissions sectorielles. Compte tenu des interpénétrations logiques entre les champs respectifs des deux institutions, il est parfois difficile de distinguer un spectacle qui relève de l’une ou de l’autre. Le nombre de bénéficiaires des aides est bien sûr très différent (80 pour la première, la plupart parisiens ; 591 pour le second, beaucoup plus présent en région), mais une fusion semble digne d’une discussion, vers une sorte de Centre national du spectacle sur le modèle du CNC. De même, une taxation plus sensible aux effets indésirables de la concentration décrite plus haut devrait être débattue. Enfin, à l’heure où les notions de scène et de place artistique singulière sont en plein essor (Guibert & Bellavance, 2014)15, de tels outils méritent d’être mis au service du développement territorial, selon une gouvernance plus favorable à la diversité des acteurs marchands et non marchands de la culture.

Conclusion

45Le mouvement récent de diversification de quelques grosses entreprises dans le domaine du spectacle vivant, et singulièrement du secteur musical, se traduit sous des formes très diverses, dans un champ traditionnellement marqué par une très grande hétérogénéité des acteurs en termes d’envergure, d’expertise, de statut et de vocation. Cette diversification se traduit par une concentration des activités qui procède, massivement, par rachat d’entreprises, de lieux, d’événements déjà existants. Cette concentration est diagonale dans la mesure où elle réunit, autour d’une seule entreprise, des sous-secteurs jusque-là relativement autonomes bien qu’interdépendants.

46Nous nous sommes interrogés sur les motifs de tels mouvements. Ceux-ci sont au nombre de 5 : la vision, la passion, la médiation, l’attention et la caution. Cet exposé des motifs permet d’élargir l’analyse souvent étroitement économique des raisons pour lesquelles, dans un monde incertain, les acteurs s’investissent. A la fin de ce papier, nous identifions plusieurs pistes d’action que suggèrent ces nouveaux phénomènes : l’inaction, l’action individuelle, l’action collective privée ou publique. Certaines d’entre elles sont plutôt à ranger du côté de la confortation de dispositifs (organisations régionales, parafiscalité), tandis que d’autres ouvrent sur de nouvelles discussions : mutualisation au sein de la trajectoire artistique ; responsabilité civique, réflexion sur le 360° vu à partir de l’artiste.

47Ces perspectives se situent dans un environnement particulièrement instable. Par exemple, les opérateurs qui sont au centre de ces stratégies assument le plus souvent des pertes substantielles en termes de coûts, lesquels sont fortement croissants pour des raisons de spéculation artistique (l’inflation des cachets) ou de renchérissement de certaines fonctions (la sécurité des spectacles par exemple). Cette instabilité est une raison de plus pour étendre l’explicitation des stratégies à celle des motifs. Elle permet un dialogue entre science économique, sociologie et science politique pour mieux comprendre en quoi la concentration diagonale invite à reconsidérer l’action publique.

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  • SAGOT-DUVAUROUX, D., GUIBERT, G., 2013, « Ça part en live : mutations économiques d’une filière culturelle », DEPS-IRMA, Paris, 140 p.
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Mots-clés éditeurs : coopération, festivals, secteur musical, concentration horizontale, concentration verticale, labels, mutualisation

Date de mise en ligne : 28/05/2019.

https://doi.org/10.3917/maorg.035.0091

Notes

  • [1]
    La culture est ici au singulier, en tant que raccourci du domaine culturel et non comme croyance à l’unicité ou à l’univocité de « la » Culture, dont le caractère pluriel est l’une des bases de notre raisonnement.
  • [2]
    Une partie des développements qui suivent ont fait l’objet d’une première publication dans la revue NECTART n°6, sous le titre : « La Culture est-elle soluble dans la concentration économique ? », NECTART n°6, janvier 2018. Merci à Éric Fourreau et à son équipe de son aimable autorisation.
  • [3]
    Selon l’AFP et Lexpansion.com, 20 février 2017
  • [4]
    Il s’agit de la production culturelle telle qu’elle est recensée par le Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture. Le périmètre que considère le DEPS est harmonisé à l’échelle européenne. Il comprend les sous-secteurs suivants : agences de publicité, arts visuels, architecture, audiovisuel, enseignement culturel, livre et presse, patrimoine et spectacle vivant.
  • [5]
  • [6]
  • [7]
    John Seabrook, « The mastermind behind Coachella », The New Yorker, april 2017 - https://www.newyorker.com/magazine/2017/04/17/the-mastermind-behind-coachella, consultée le 14 mars 2018
  • [8]
    Alors que les entreprises mentionnées ici font des évènements en public et des données massives des audiences la source de profits substantiels, elles rechignent à communiquer sur leurs propres données d’affaires. Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce phénomène de concentration diagonale.
  • [9]
    Exemple : SACEM, SACD, SCAM
  • [10]
    Le second marché est, à la base, celui de la revente de billets des personnes ne désirant plus aller au concert. Avec le rush sur les places pour des concerts particulièrement courus, une économie de la revente est apparue, dégageant des marges considérables. En effet, le prix des places à la revente d’un concert « fameux » peut atteindre des sommes considérables. Des firmes utilisent donc des robots pour acheter très rapidement de grands nombres de places, pour les revendre ensuite, empochant une plus-value sans aucun retour vers les artistes ou leurs producteurs. Certains de ces derniers organisent donc ce « second marché », prohibé en France mais monnaie courante dans d’autres pays, notamment anglo-saxons. Cf. Martine Robert : « Viagogo attaqué pour revente illicite de places de concerts », Les Échos, 25/01/2018, p.20
  • [11]
    Selon l’étude commandée en 2016 par le Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) à EY, la croissance du secteur musical est certes estimée à 6 %, pour une croissance globale plus de deux fois inférieure ; mais elle indique aussi que les marges y sont estimées à 1,4 % en moyenne, ce qui est très limité. (Prodiss, 2017).
  • [12]
    Un exemple parmi d’autres : lorsque Live Nation devient, en 2017, partenaire du festival Marsatac, à Marseille, il perd de l’argent dès la première édition.
  • [13]
    Merci à Emily Lecourtois, de SMartFr, de nous avoir mis sur cette piste
  • [14]
    Dans le rapport d’activité de Live Nation 2017, on découvre que le prix moyen du billet, dans les spectacles du groupe, a augmenté de 5 %, et que les dépenses des fans, dans les salles gérées par le groupe, ont augmenté de 9 %. Cf. Martine Robert : « Le géant Live Nation écrase le monde du spectacle musical », Les Échos, 5 mars 2018
  • [15]
    Merci à Grégory Fouché d’avoir émis cette suggestion lors d’une présentation de NECTART n°6 aux BIS, Nantes 2018
  • [16]
    SOLIMA : schéma d’orientation et de développement des lieux de musiques actuelles.
  • [17]
    Lors du rachat d’opérateurs qui ont fait l’objet, parfois pendant des années, de subventions publiques, on peut d’ailleurs se demander s’il est bien tenu compte de cet argent investi dans la valeur du bien, et s’il est fait un juste retour à la collectivité lors de la vente.
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