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Article de revue

Du tourisme de masse au tourisme situe : quelles transitions ?

Pages 155 à 182

Notes bibliographiques

  • [1]
    Cet article doit beaucoup à une communication que nous avions faite en collaboration avec Cécile Pavot, doctorante du GREL, dans le cadre d’un colloque portant sur Patrimoines et images : facteurs de développement touristique dans le Nord-Pas-De-Calais co-organisé par le GREL-ERIM et le Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, le 11 décembre 1997 à Calais. Cette communication s’intitulait : Les nouveaux visages du tourisme. Une approche par les sites symboliques. Cette contribution a été sélectionnée par des sites Internet : www.cybercable.tm.fr/~jarmah/public_html/hassan2.htm, www.reseautourisme.com/articles%20revues/lilianearticle.dwt
  • [2]
    Etant lié au développement local, ce domaine de recherche a aussi fait l’objet de deux thèses de doctorat dans le cadre de notre groupe de recherche : Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, ULCO, décembre 2006 et Séloua Gourija, Tourisme et développement durable : quelles conjugaisons ? (Expérience marocaine), ULCO, janvier 2007.
  • [3]
    Pour les premiers écrits sur cette approche voir notre contribution, Economie et Sites symboliques africains. Numéro spécial de la Revue canadienne Interculture, Volume XXVII, n°1, Cahier n°122, Hiver 1994, Montréal. Cette théorie a fait l’objet d’un doctorat d’Etat, Du rôle des croyances dans le développement économique, Université de Lille 1, 1996, publiée sous le même titre aux Editions l’Harmattan, 2002.
  • [4]
    La croissance de ce secteur du tourisme est estimée à plus de 4% par an, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme.
  • [5]
    Voir Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, Doctorat, ULCO, décembre 2006.
  • [6]
    Florence Deprest, Enquête sur le tourisme de masse. Ecologie face au territoire, Editions Belin 1997. Commentaire paru dans Sciences Humaines, n° 75, p. 64, Août/Septembre 1997.
  • [7]
    Maurice Wolkowitsch (dir), Tourisme et milieux. Comité des travaux historiques et scientifiques, 1997.
  • [8]
    Cf. Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, Doctorat, ULCO, décembre 2006.
  • [9]
    Cécile Pavot, Du méga tourisme au tourisme durable, Communication au colloque international organisé par l’Université de Aix-Marseille sur Le développement et l’environnement dans les régions méditerranéennes, Juin 1997, texte publié sous le même titre in Kherdjemil B., Panhuys H. et Zaoual H. (sous la dir.), Territoires et dynamiques économiques. Au-delà de la pensée unique, L’Harmattan, 1998, Pour plus de détails sur cette démarche interdisciplinaire sur le tourisme voir C. Pavot, mémoire portant le même intitulé, D.E.A. Changement Social, Faculté de Sciences économiques et sociales, Université de Lille 1, 1996.
  • [10]
    Cf. Séloua Gourija, Tourisme et développement durable : quelles conjugaisons ? (Expériences marocaines), Thèse de Doctorat, ULCO, janvier 2007.
  • [11]
    Cécile Pavot et Hassan Zaoual, Les nouveaux visages… op.cit.
  • [12]
    La cohérence d’un système d’offres touristiques variées suppose un niveau minimum de partenariat entre tous les acteurs concernés (populations, collectivités locales, société civile, professionnels etc.). La mise en place de stratégies de réseaux touristiques s’impose. Intervient nécessairement la définition conjointe d’objectifs (partenariat), de démarche d’une meilleure connaissance des attentes des touristes, de stratégies de production, de promotion et de commercialisation.
  • [13]
    Fondateur de l’Institut du Tourisme de valeurs, Journal permanent de l’Humanisme Méthodologique http://joumal.coherences.com
  • [14]
    Le tourisme de variété (culture, nature, architecture, sport et loisirs etc.) connaît une forte expansion, voir Moniteur du Commerce International, La spécialisation, sésame des nouveaux marchés, 11-17 1996 p.51. Le « tourisme vert », à titre d’exemple, fait l’objet d’un vif succès, un phénomène qui n’a pas échappé aux observateurs de l’évolution de la société et des nouveaux besoins qu’elle affiche. C’est ainsi que le journal le Monde, dans un article intitulé « Les vacanciers se mettent au vert » (19 mars 1992), fait remarquer : « Que le vert soit à la mode, on n’en veut pour exemple que l’engouement des citadins pour les formules d’hébergement rustique, type gîtes ruraux, le vrai luxe étant alors le calme, la facilité de circuler, l’authenticité du cadre et des relations humaines. De même, le désir d’entrer réellement en contact avec d’autres cultures, d’autres façons de vivre, motivation principale des vacanciers voyageurs, trouve aujourd’hui des réponses qui ne sont pas nécessairement lointaines et exotiques. Ainsi, le regain d’intérêt pour les cultures, les traditions et les fêtes régionales, le succès des écomusées… Comme si, à son tour, le dépaysement se mettait au vert ».
  • [15]
    Chaque site est singulier tout en en contenant des micro-sites et en étant en relation avec d’autres plus ou moins lointains. Ce sont des réalités entrelacées. De fait, l’humanité est une et plurielle ou, comme le dit, le Sous-Commandant Marcos, leader du mouvement de Chiapas du Mexique : “Un monde peut contenir beaucoup de mondes, peut contenir tous les mondes cité par John Berger, Vivre avec les pierres. Lettre au Sous-Commandant Marcos. Monde Diplomatique, Novembre, p.23, 1997.
    Ce caractère imbriqué des mondes humains qui peuplent la planète interdit tout racisme de civilisation ou de culture et fonde la force de cette formule de la théorie des sites : des racines sans racisme !. Se reporter aussi à nos propos : La mosaïque des cultures face à un monde uniforme, Foi et développement, n° 290, janvier 2001, pp. 1-5 Centre L. J. LEBRET, Texte repris par Congo-Afrique, n° 356, juin-août 2001, pp. 324-330.
  • [16]
    Susan Hunt, Le mouvement pour une économie alternative, p.17, Interculture, Vol.XXII, n°l, Cahier 102, Hiver 1989, Montréal.
  • [17]
    Cf. Jean-Michel Dewailly et Claude Sobry, Introduction de l’ouvrage collectif intitulé : Récréation, Re - Création : Tourisme et Sport Dans le Nord-Pas-de-Calais, L’Harmattan, 1997, voir aussi leur contribution à cet ouvrage collectif : Récréation, re-création : d’une dynamique récréative à un développement re-créateur, chapitre 1, p.21-p.48.
  • [18]
    Voir Hassan Zaoual, (sous la dir.), La socio-économie des territoires : expériences et théories, L’Harmattan, 1998, Paris.
  • [19]
    Alioune Ba et Gérard Dokou, L’attractivité touristique, communication au Colloque du GREL sur Les dynamiques du Développement local Dunkerque, 23 Mai 1997.
  • [20]
    Selon les dernières statistiques triennales du Ministère de la Culture et de la communication (1996), le patrimoine reçoit 32% des dépenses culturelles des communes et il consomme plus de la moitié (52%) des dépenses des départements. Dans les régions, la conservation des patrimoines arrive en deuxième place, après la production - diffusion artistique. Données de la Gazette n°33, 1997.
  • [21]
    La Région Nord-Pas-de-Calais connaît depuis plusieurs décennies de profonds changements socio-économiques. Ses anciennes industries traditionnelles (charbon, textile, sidérurgie, chantiers navals etc.) ont disparu ou perdu beaucoup de leur importance. L’héritage de ce passé industriel influence profondément une des activités qui contribuent à la reconversion régionale : le tourisme.
  • [22]
    Pour une présentation assez exhaustive de cette approche se reporter à notre ouvrage intitulé : La socioéconomie de la proximité : du global au local, L’Harmattan Collection Economie plurielle/Série Lire le site, 189 pages, 2005.
  • [23]
    Parcourues par le sens commun produit par les interactions entre les acteurs, les trois boîtes s’emboîtent et donnent lieu à une cohérence d’ensemble au concept de site. Cette interactivité contribue, dans la pratique, à construire, d’une part, un lien entre l’imaginaire du site et le réel et, d’autre part, à façonner une connaissance commune et une cohésion entre les hommes du site.
  • [24]
    C’est, d’ailleurs, ce qui confère, en particulier aux sociétés et aux économies africaines, le caractère d’organisations en grappes.
  • [25]
    Voir notre article intitulé : Homo œconomicus ou Homo situs ? Un choix de civilisation. Finance & the Common Good / Bien commun, Observatoire de la Finance, (63-72 pages), n°22, Juillet-Août 2005, Genève, Site : www.obsfin.ch
  • [26]
    Claude LLENA, Tozeur, ravagée par le tourisme, Monde diplomatique, juillet 2004.
  • [27]
    Pour une analyse critique de la globalisation comme icône des recettes du développement se reporter à notre article intitulé : Les illusions du monde global, La fin des mythes rationnels en économie, Revue Générale, Bruxelles, 139ème année, n°10, octobre 2004, pp. 31-37.
  • [28]
    Voir notre article : Migrations africaines et mondialisation. Les damnés de la terre à l’assaut de la forteresse européenne, Foi et développement, n°338, novembre 2005. Centre L. J. LEBRET, Paris
  • [29]
    CF. H. Zaoual, Management situé et développement local. Collection Horizon Pluriel, 2006, (213 pages), Rabat, Maroc.
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Hilary Putman, Raison, Vérité et Histoire, p.54, Les Editions de Minuit, 1981.
  • [32]
    Yves Mamou, La croyance en économie, Commentaire de l’ouvrage de Frédéric Lordon intitulé : Les quadratures de la politique économique, Les infortunes de la vertu. Albin Michel, Economie, 333 pages, 1997, Le Monde du 7 octobre 1997.
  • [33]
    La Sociométrie est la “sœur jumelle” dans les pays industrialisés de la Sitologie que nous avons élaborée, dans le cadre du Réseau international Cultures pour les pays du Sud. Voir nos publications du Journal international du Réseau : Cultures et Développement Quid Pro Quo à Bruxelles.
  • [34]
    Voir Catherine Derue et Hassan Zaoual, Chaos et théorie des conventions. Un essai d’application au développement local, Chapitre 3 pp. 147-167 in Territoires et dynamiques économiques op.cit.
  • [35]
    Cf. Khalid Louizi et Hassan Zaoual, Les dilemmes de l’évaluation de l’action collective : l’expérience du tourisme social, Communication au colloque : Images et Patrimoine. Facteurs du développement du tourisme dans le Nord-Pas-de-Calais. Université du Littoral. Le 11 décembre 1997.
  • [36]
    Voir Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, Thèse de doctorat, ULCO, décembre 2006
  • [37]
    Le déficit de croyances de la société contemporaine est tel que n’importe quel événement relayé par les média peut devenir, dans certaines situations, fondateur d’un “site touristique”. (Ce qui est le cas du Pont de l’Aima à Paris visité par des touristes du monde entier à la suite de l’accident malheureux de la Princesse Diana !). Ici, c’est le cas d’un « site symbolique frelaté » par cette même machine économique et médiatique qui crée le vide social. Mais, c’est une production de sens virtuel qui vient alimenter les méga systèmes (économie, technoscience et médias etc.) de la société de compétition économique en esquivant les véritables problèmes d’aujourd’hui.
  • [38]
    Daniel Fabre, « Ethnologie et patrimoine en Europe », Terrain, Numéro 22 - Les émotions mars 1994.
  • [39]
    Berard L. et Marchenay P., Le vivant, le culturel et le marchand. Les produits de terroir, in Denis Chevallier (dir.), Vives campagnes. Le patrimoine rural, projet de société, collection Mutations n° 194, Autrement, mai 2000, pp. 191-215.
  • [40]
    Jean Gadrey, Patrimoine et qualité de vie : éléments pour une approche socio-économique, p.210, in P. Cuvelier, E. Torres, J. Gadrey, Patrimoine, modèles de tourisme et développement local, L’Harmattan, 1994.
  • [41]
    Hassan Zaoual, La socioéconomie de la proximité op.cit.
  • [42]
    Jean Gadrey, Patrimoine… op.cit., p.203.

Introduction

1Le but de cet article [1] est de rendre compte des travaux du Groupe de Recherche sur les Economies Locales dans le domaine du tourisme [2] et de tenter d’appliquer les principaux résultats auxquels est arrivée la théorie des sites symboliques d’appartenance [3] dans ce domaine particulier. Toute nouvelle approche présuppose des vérifications empiriques afin d’en consolider les acquis théoriques et c’est ce à quoi répond cette contribution dans un domaine encore nouveau comme celui du « tourisme postindustriel ». La théorie en question émane de l’économie du développement dans la mesure où celle-ci est un « bon laboratoire » d’études pour les échecs des conceptions économiques ne tenant pas compte de la complexité, de la diversité et des contingences des contextes d’action des agents économiques. La capitalisation de ces « erreurs fécondes » a donné lieu à l’approche particulière par les sites qui met en relief le rôle des croyances partagées par les acteurs dans tout processus économique.

2Aux vues des expériences du développement économique des pays industrialisés et celui des pays de l’hémisphère Sud, un des principes de cette théorie consiste à postuler qu’un changement économique « consistant et durable » d’un territoire donné présuppose la prise en compte du sens commun partagé des acteurs de la situation. Et ce sens commun indique comment les systèmes de valeurs et les représentations qui ont cours dans le site considéré influencent les pratiques économiques, et, plus généralement les pratiques sociales. C’est à partir de la matrice d’ordre symbolique d’un lieu donné que les comportements individuels et collectifs se manifestent dans des modèles d’action localisés et par, suite, dans des comportements et des activités économiques, ici les diverses figures du tourisme contemporain.

3Le champ d’investigation sur les nouvelles formes d’existence du tourisme est opportun pour une lecture par les croyances des acteurs, producteurs ou consommateurs, puisque qu’il s’agit d’étudier la métamorphose d’un certain nombre de valeurs immatérielles en valeurs économiques.

4Autrement, il s’agit de décrypter les motivations et les besoins émergents des agents impliqués dans le tourisme de patrimoine, vert, rural et culturel. La multiplicité des facteurs qui entrent en jeu dans ces activités et marchés fonde la pertinence d’une démarche à la fois interdisciplinaire et interculturelle des pratiques sociales, fussent-elles économiques. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrions mettre en évidence les « moteurs symboliques » et le sens qui motivent, en profondeur, l’irruption de ces nouvelles figures du tourisme.

5Pour ce faire, nous allons, d’abord commencer par un décryptage des nouvelles dynamiques touristiques. Nous isolerons d’un côté les causes qui travaillent en profondeur le déclin du tourisme de masse et de l’autre, les mobiles qui motivent la demande émergente en direction de nouveaux modèles et produits touristiques. Cette relecture des tendances du tourisme est faite tantôt à l’aide de constats empiriques tantôt à l’aide d’arguments logiques et théoriques ouvrant la voie à un approfondissement de l’analyse par les sites symboliques.

6Ensuite, dans la seconde étape de cette contribution, nous nous exercerons à mieux préciser les apports de cette approche située du tourisme. L’ultime objectif de toute la progression de notre démonstration est d’élargir le débat à la théorie du tourisme situé associant la nature, la culture et une économie respectueuse de la diversité de notre monde.

1 – Les nouvelles dynamiques touristiques

1.1 – Le déclin du tourisme de masse

7Depuis deux décennies, en dépit de la croissance touristique mondiale dopée par la réduction des coûts de transport [4], les produits que couvre le tourisme dit de masse marquent te pas. Ces signes avant coureurs traduisent un essoufflement progressif de ce type de demande touristique. Historiquement, ce constat fait suite à la crise du régime d’accumulation fordiste dans les grands pays industrialisés. D’ailleurs, c’est ce qui amène, avec un certain décalage dans le temps, les travaux spécialisés en la matière à parler aussi de la crise du tourisme fordiste [5].

8L’observation des tendances de la demande touristique mondiale laisse entrevoir, en effet, que ce type de modèle de production des services touristiques n’est plus totalement en phase avec l’évolution des besoins qu’exprime le marché. La demande touristique est devenue plus exigeante, variée et variable. Elle tend à se focaliser de plus en plus sur la qualité et exprime des besoins portant sur la culture et l’environnement. Concrètement, la clientèle recherche donc des « sites vrais » combinant l’authenticité et la profondeur de l’échange interculturel d’une part et l’harmonie avec la nature et la mémoire des lieux visités d’autre part.

9De telles exigences semblent donc en totale contradiction avec l’offre du tourisme de masse qui privilégie le profit immédiat et la grande échelle détruisant ainsi la qualité relative des sites touristiques. Comme le montre Florence Deprest [6] dans une enquête sur le tourisme de masse, ce dernier a perdu de son attrait à la fois auprès de la clientèle et auprès des spécialistes, sociologues ou économistes, du tourisme. Ce phénomène de répulsion touche aussi le tourisme dit d’élite dans la mesure où il n’échappe pas non plus à la crise du management uniformisant des activités touristiques.

10Cette nuée d’anomalies qui s’abat sur le tourisme dominant est donc à prendre en considération pour comprendre les nouvelles tendances de la « consommation touristique » [7]. La crise du « règne de la quantité » a donc ouvert la porte à la « qualité ». Ce qui est aussi synonyme d’une crise du paradigme et des pratiques classiques du tourisme en général ouvrant ainsi la voie à de nouvelles approches [8].

11Les observations empiriques montrent bien que la demande tourne de plus en plus le dos au tourisme de masse et de grande distance. Le déclin de l’image du tourisme balnéaire des « lointains tropiques » en est une des illustrations (le déclin du modèle des 3 S : Sea, sex and sun). Des valeurs négatives lui sont de plus en plus associées telles que l’inactivité culturelle et contacts superficiels avec les milieux d’accueil, risques nutritionnels et pollution et surtout prise de conscience des effets pervers d’un produit uniforme. L’Espagne nous en fournit un triste exemple avec de le « bétonnage » de la Costa Del Sol et bien d’autres sites sur la planète.

12Victime de son propre succès, le « méga tourisme » [9] semble ainsi répondre à la théorie du cycle de vie des produits. Après la phase de démarrage et celle de son essor (années 60-70), les sites qui ont fait l’objet d’un tourisme de masse perdent progressivement de leur attrait L’offre touristique se retrouve dans l’incapacité de maintenir son rythme de croisière et se voit ainsi dans l’obligation d’innover pour répondre aux nouveaux besoins.

13A l’évidence, la dégradation des sites touristiques est aussi à envisager sous l’angle de l’épuisement des écosystèmes [10]. La capacité de charge d’un site, notion empruntée à l’écologie globale, n’est donc pas sans limite et la limite en question semble exprimer la loi des rendements décroissants si chère à Malthus et à Ricardo. Le modèle de l’état stationnaire est susceptible aussi d’être appliqué à la saturation dont est victime, aujourd’hui, le système économique du tourisme de masse. En effet, la qualité d’un site touristique repose sur ses dotations naturelles et culturelles. Une exploitation sans limite et sans respect de celles-ci entraînent irrémédiablement un épuisement et par conséquent, une répulsion de la demande, donc des investissements. La recherche de la rentabilité maximale détruit à long terme les bases de cette même rentabilité. A sa manière, Karl Marx dirait : « Le capital est son propre fossoyeur ou la barrière de lui-même ».

14Tout indique donc que lorsqu’une pratique sociale, ici le tourisme, fait l’objet du seul paradigme économique dans sa conception et sa gestion, périclite, au-delà de son seuil de tolérance, et perd, ainsi, de sa vitalité. A brève échéance, le profit tue le profit. Tout système vivant, biologique ou social, qui s’uniformise et se spécialise s’écroule. Cette limite fonde donc la nécessité d’une nouvelle approche intégrant la pluralité des aspects d’un site donné (culture, nature, architecture, histoire etc.) tout en prenant conscience de l’importance du sens implicite des pratiques des acteurs, visiteurs et habitants du site.

15C’est cette variété de dimensions qui est au cœur de la problématique des nouveaux visages du tourisme [11]. La représentation conceptuelle (théories et modèles) et la gestion de cette diversité ne sont pas le point fort des modèles standard, loin de là. Pourtant, dans les faits, le besoin d’un pluralisme et d’harmonie dans la diversité se fait sentir.

1.2 – Les mobiles des nouvelles demandes touristiques

1.2.1 – L’essoufflement de l’uniforme

16Fondamentalement, c’est dans la diversité que la nouvelle demande touristique puise ses motivations profondes. Dans un monde en proie à la perte de repères, le besoin d’appartenance ainsi que celui d’un échange interculturel expriment le désir d’une recherche de sens de la part des acteurs. Ce constat est bien présent derrière les changements qui s’opèrent en surface dans le domaine du tourisme. Les touristes veulent être acteurs, responsables et solidaires dans leurs échanges avec d’autres mondes.

17De même, les acteurs locaux des sites faisant l’objet d’un développement touristique cherchent à participer [12] à son économie sans pour autant lui abandonner le monopole du processus sous peine d’engendrer les effets pervers constatés (marginalisation économique et sociale des acteurs locaux, destruction culturelle de leur identité, épuisement de la qualité écologique des sites concernés etc.) dans les expériences de tourisme de masse. Il y a là une convergence qui interpelle.

18A y regarder de près, il s’agit du désir d’un dialogue de sens entre les « visiteurs » et les « visités » qui cherche à se frayer un chemin à travers les décombres que le tourisme de masse uniformisant laisse derrière lui. Ici, la reconnaissance interculturelle fait son irruption et se rebelle contre les forces du marché qui ont envahi l’univers des voyages et de l’aventure. Elles en font un produit standard et organisé. En un sens, l’économie standard du tourisme empêche le dialogue des cultures et le réduit au plus à un folklore.

19L’industrie du tourisme castre ainsi paradoxalement le désir de la découverte mutuelle qui est, pourtant, à la racine de ce qui motivent en profondeur les comportements des acteurs en présence. Au fur et à mesure que cette intermédiation fait l’objet d’une marchandisation, l’authenticité de la relation d’échange disparaît et fait place à une facticité, une artificialité que la demande fuit progressivement. Le voyage devient une « cage » et donne l’impression que la mobilité spatiale est culturellement immobile dans la mesure où tout est organisé de telle manière que la rencontre avec l’autre s’apparente à un simulacre.

20Les mobiles du voyage se voient ainsi neutralisés, immobilisés, coupés de leurs objectifs profonds par les modes d’organisation de l’industrie du tourisme. Contradictoirement, en dépit du déplacement géographique, celle-ci fait ainsi voyager ses clients avec leur propre monde. Les cadences, l’hyper organisation, la recherche d’un profit maximum, bref, ce programme tue l’esprit d’aventure. L’inattendu n’est point attendu !

21Ce n’est donc pas un hasard que la demande touristique réemprunte, aujourd’hui, d’autres chemins et s’exprime avec d’autres exigences. Ce qui révèle que les phénomènes économiques ne peuvent être compris dans toute leur profondeur qu’en étant encastrés dans les changements de valeurs. En d’autres termes, les représentations symboliques des acteurs sont partie prenante dans leurs comportements économiques, un des principes de base du paradigme des sites.

22Cette exigence qui altère l’autonomie de l’économique et lui impose la nécessité d’incorporer d’autres dimensions a, d’ailleurs, conduit à une prolifération de nouvelles conceptions dans le domaine particulier du tourisme : tourisme solidaire, tourisme interculturel, tourisme de nature, écotourisme, tourisme durable, tourisme de proximité, tourisme de mémoire et d’histoire, tourisme de valeurs. Cette dernière notion est avancée par Roger Nifle [13].

1.2.2 – La victoire du multiple

23Cette typologie non limitative ici décrite est révélatrice d’un changement dans l’anthropologie du tourisme. Elle exprime de nouveaux besoins, de nouvelles valeurs quant à cette activité économique. Ce tourisme de variété [14] connaît une forte croissance et traduit la multiplicité qui est au commande des nouvelles dynamiques touristiques.

24Ainsi, à titre d’exemple, au tourisme vert s’associe aussi le tourisme de proximité sous des modes culturels et ruraux très divers. L’« exotisme » est à nos portes ! L’idée que le dépaysement est à côté de chez vous a une réelle portée. Ce dépaysement de proximité confère un contenu empirique à l’un des principes de la théorie des sites. Celle-ci postule que la diversité est omniprésente et même proliférante à la condition de changer de regard, en d’autres termes, abandonner toute pensée uniformisante. Une localité est aussi diverse qu’une région à fortiori un pays. Chaque territoire possède une grande variété de sites, donc de références imaginaires, d’histoires et de mémoires. Ces derniers, avec le voile de l’uniformisation, demeurent, pour un temps, inaperçus et ne se révèlent qu’avec des changements de visions et de paradigmes [15].

25En d’autres termes, même si de l’extérieur un territoire donné, si petit qu’il soit, nous paraît relativement homogène dans sa culture, son histoire et ses structures économiques, plus on y pratique l’immersion ou toute forme de connaissances du dedans, plus on se rendra compte qu’il recèle aussi sa propre diversité endogène qu’il hérite de ses échanges avec son monde extérieur. En somme, une identité régionale est à la fois singulière et plurielle tout en étant ouverte sur le reste du monde.

26Epistémologiquement, les réalités perçues d’un territoire sont fonction du lieu et de la manière dont on le fait. Tout dépend de notre poste d’observation (expression empruntée au philosophe-mathématicien anglais Bertrand Russel). Ce que nous observons dépend étroitement de nos croyances sociales et scientifiques et du lieu d’où nous le faisons. On ne parle jamais de nulle part. Ainsi, « Les économistes, écrit Susan Hunt, connaissent les limitations de leurs instruments théoriques, mais ils signalent que ces instruments sont les meilleurs que nous ayons. Pourtant, comme Mark Twain l’observa jadis, si le seul outil que nous possédons est un marteau tous les problèmes ont l’apparence d’un clou » [16] (souligné par nous), d’où les erreurs courantes que l’on rencontre en matière de conception et d’exécution des projets de développement national ou local et d’approches des comportements des agents.

27Ainsi, les réalités que nous observons et sur lesquelles nous voulons agir peuvent changer du tout au tout en fonction des systèmes conceptuels adoptés d’où les difficultés qui se posent lorsqu’il s’agit de définir, comme ici, les principales catégories du tourisme comme celles du loisir, du sport et leurs articulations [17]. Ces complexités incitent à adopter le principe de prudence de la démarche des sites mettant en évidence les limites des modèles réducteurs issus de la culture de maîtrise qui caractérisent les sciences sociales dominantes. Ces dernières sont programmées à produire des principes, des définitions et des fonctions de comportements qui seraient valables, une bonne fois pour toute, en tout lieu et en tout temps.

28Or, la conception qu’a l’acteur de son monde et du sens de ses actions doivent être à la racine des définitions que nous proposons d’une situation donnée. Et, à ce niveau, nous ne pouvons pas échapper à la complexité que pose la diversité des pratiques et celles des points de vue portés sur elles. La complexité de la notion de territoire illustre ce genre d’énigmes [18].

29Comme nous avons essayé de le montrer, un territoire, tout en étant un site, est, à son tour, peuplé de sites imbriqués et singuliers et ainsi de suite. Ce processus s’étend à l’infini et dévoile la grande relativité de nos représentations et nos pratiques ainsi que l’impuissance des sciences compartimentées de l’idéologie académique, appauvrie par le réductionnisme.

30Ainsi le manque d’interactivité des savoirs empêche de mettre en relief les diversités locales, sources de richesses pour un territoire donné et, par voie de conséquences, pour le pays où il se trouve. Pourtant, la variété, souvent invisible d’un site, est susceptible d’améliorer son « attractivité touristique » (expression empruntée à Alioune Ba et Gérard Dokou) [19]. Cet aspect mosaïque des territoires est d’autant plus important à prendre en considération que les nouvelles attitudes touristiques semblent se focaliser sur la diversité des cultures et des paysages de proximité.

31En somme, les individus ne semblent plus rechercher exclusivement le dépaysement lointain mais aussi les différences culturelles locales ignorées ou à redécouvrir ce qu’ils perçoivent être leurs propres racines. L’ensemble de ces motivations semble exprimer une sorte de tourisme d’émotions et d’étonnement. Ces besoins sont de plus en plus perçus par les collectivités locales qui réorientent leurs efforts vers la protection de la variété des patrimoines locaux [20].

32Comme le font remarquer Jean-Michel Dewailly et Claude Sobry pour le Nord-Pas-de-Calais [21], les potentialités touristiques de cette région ne se réduisent pas aux grandes manifestations ou aux sites habituellement connus par les médias ou visités (le Carnaval de Dunkerque, la Braderie de Lille, le Vieux Lille etc.). Au delà de cette image réductrice, la dynamique touristique régionale est, en réalité, très dense et s’étend à toutes sortes d’activités (Sports, loisirs, nature et paysages, gastronomie de terroirs, tourisme de guerre ou de mémoire etc.) et à d’innombrables sites que les nordistes, eux-mêmes, peuvent ignorer en raison du manque d’information sur la diversité de cette vieille région industrielle.

33Cependant, dans cette même région de France, les touristes/visiteurs nourrissent un intérêt grandissant pour le patrimoine naturel, culturel mais aussi industriel. En effet, une industrie qu’elle soit ancienne ou employant des technologies de pointe fait partie du « paysage » et de l’histoire d’une localité. A ce titre, même la centrale nucléaire de Gravelines est devenue le lieu de très nombreuses visites. Les chiffres sont tout à fait éloquents quant au succès de ce type de tourisme local.

34En raison de l’histoire industrielle du Nord-Pas-de-Calais, les éco-musés industriels font aussi l’objet d’une demande croissante. Selon les statistiques de l’I.F.R.E.S.I (Journées de l’IFRESI, mars 1997), 45% des personnes pratiquant ce type de loisir émaneraient de cette même région. Au niveau national, 67% des français auraient visité un site industriel contre 57% un musée national. En conséquences, la région Nord-Pas-de-Calais a un atout majeur en la matière à condition de savoir le valoriser. De nombreuses friches industrielles de la région sont susceptibles d’être valorisées comme site touristique en y combinant la culture d’aujourd’hui, la mémoire et diverses activités à inventer. D’innombrables richesses « immatérielles » restent à découvrir. Pour les opérateurs du tourisme les plus perspicaces, l’histoire est à vendre, un passé conjugué au présent !

2 – Les fondements du tourisme situé

2.1 – Les acteurs du nouveau tourisme : homo œconomicus ou homo situs

35Avant de continuer à explorer la montée en puissance du tourisme de diversité et de proximité tel que la théorie des sites [22] se le représente à la lueur de la crise du tourisme de masse, rappelons brièvement la définition du site comme concept générateur de la démarche adoptée et précisons quelques unes de ses implications touristiques.

36De façon résumée, la théorie des sites postule que le site est une cosmovision, un espace de croyances partagées qui définit le réel, à un moment donné, et par là même les conceptions et les pratiques de ses acteurs. Le concept de site articule ainsi leurs croyances, leurs connaissances et leurs comportements. Ce qui donne lieu à une pédagogie des trois boîtes dont il est question, ci-dessous, dans cette approche. Un site est, avant toute chose, une entité immatérielle, invisible. Il imprègne souterrainement les comportements individuels, collectifs et toutes les manifestations matérielles d’une contrée donnée (paysage, habitat, architecture, savoir-faire et techniques, outils, mode de coordination et d’organisation économique etc.). De ce point de vue, c’est un patrimoine collectif vivant qui tire sa consistance de l’espace vécu des acteurs.

37La « boîte noire » d’un site renferme les mythes fondateurs, les croyances, les souffrances, les épreuves endurées, les révélations, les révolutions traversées, les influences subies et/ou adoptées par un groupe humain. Les connaissances, les modèles, les théories et, plus concrètement, le savoir social sont fortement influencés par la cosmovision du site. Cette relativité suggère que chaque « territoire » a sa propre « boîte conceptuelle » qui le guide dans ses pratiques quotidiennes. De cette profondeur surgit, à la surface des faits plus ou moins visibles, une troisième boîte, la « boîte à outils », Celle-ci renferme son savoir-faire, ses techniques, ses modes d’exploitation de l’environnement. Tout indique que ce savoir-faire est intimement lié à un savoir-être (Know how and How to be).

38Les trois niveaux de réalité ici décrits par l’intermédiaire de cette pédagogie des trois boîtes sont enchevêtrés dans l’architecture du site [23] comme lieu fondamental d’entente et de coordination entre les adhérents [24]. A l’image de la « main invisible », le site induit, en effet, ses propres modes de régulation et de coordination interindividuelle. Ainsi, il n’y a pas que le marché qui soit le seul mode d’échange possible.

39De ce point de vue, l’homo situs encastre et dépasse l’homo œconomicus et lui donne vie [25]. Située dans un espace-temps anthropologiquement codifié, la rationalité économique ne saurait être supposée pure, uniforme ou même limitée en gardant une seule et unique vision du monde. Plurielle, elle se construit in situ de manière dynamique et indéterminée. De par les forces de l’enchâssement du site, la rationalité située exprime le caractère composite des univers complexes qui ont cours réellement dans la vie des hommes.

40L’homo situs comme la rationalité située sont des concepts pluriels qui font intervenir de multiples paramètres liés à l’ensemble des données et des valeurs du site considéré. De ce point de vue, ils présentent une plus grande empiricité que les concepts économiques correspondants. Ainsi, Claude Llena [26] analysant les effets pervers de l’industrie du tourisme sur une palmeraie de Tunisie, à la frontière de l’Algérie et au nord-est du Sahara, souligne l’importance des concepts sitologiques comme celui de l’homo situs. Avec le tourisme de devises, c’est le tourisme de valeurs (expression empruntée à Roger Nifle) qui est détruit.

41En effet, la mise en valeur de cette oasis de la ville de Tozeur en Tunisie, selon le modèle de l’industrie du tourisme dominant, a débouché sur une totale destruction culturelle, sociale, économique et écologique de ce site. Ici le mythe du désert pour les touristes occidentaux et mythe du développement et de l’Occident pour ceux qui se croient « sous développés » se conjuguent et donnent lieu à des catastrophes. Comme quoi, les mirages ont des conséquences bien réelles.

42Contrairement à l’homo œconomicus, fondement d’un développement irréfléchi, l’homo situs a trait à l’harmonie de l’homme avec son milieu. L’envahissement du premier sur le second, depuis le début des années 90, dans le contexte du cas d’école de Tozeur s’est traduit concrètement par des constructions d’hôtels, de terrains de golf, un aéroport et de toutes sortes d’infrastructures défigurant le site. Rare est l’eau dans cette contrée, elle faisait l’objet de tout un savoir-faire local au sein de la dite oasis. Sa captation et sa répartition faisaient l’objet de codes locaux assurant gratuitement un partage équitable au service d’une économie vivrière autosuffisante. Les homo situs locaux, par l’expérience acquise séculairement, savaient renouveler les capacités de régénération de ce site et en toute harmonie avec l’écologie locale. Ils faisaient du « développement durable » à leur manière.

43La présence d’un tourisme de masse a contribué à détourner les nappes phréatiques à son profit. On arrose du gazon en plein air, c’est-à-dire en plein désert ! La palmeraie s’en trouve progressivement desséchée. Privé de l’une de ses ressources vitales, le site est, dans ces conditions, incapable de renouveler son économie située et de transmettre son savoir-faire. Les jeunes de l’oasis ont cru au progrès [27] et ont rompu avec cette transmission éthique et technique. Ahmed, vieil écrivain public de la ville, en est le témoin : « Il y a quelques années encore, les jeunes voulaient bien faire des efforts pour respecter la tradition… Mais maintenant, cette jeunesse nous désespère. Ils ne veulent plus travailler la terre de nos ancêtres, ils préfèrent se pervertir au contact des groupes de touristes. Ils cherchent l’argent et pas l’amitié : ce sont deux choses différentes. Le musulman doit accueillir l’étranger et partager avec lui ce qu’il possède de meilleur. - Vous n’essayez pas de leur montrer où sont les valeurs du peuple tunisien ? - Bien sûr, mais ils sont fascinés par le monde occidental… » rapporte l’auteur de ce diagnostic critique de l’industrie du tourisme.

44Actuellement, la plupart des jeunes de l’Oasis chôment en attendant d’éventuels touristes dont la venue dépend de multiples paramètres en l’occurrence l’incertaine conjoncture économique dans les pays d’Europe ou tout simplement d’une information ou rumeur sur le terrorisme. En détruisant l’harmonie du site, l’industrie du tourisme l’a fait basculer dans une incertitude généralisée touchant tout les aspects de sa vie locale.

45En somme, le macro projet gouvernemental l’a dynamité, en quelque sorte, sans pouvoir lui assurer une prospérité économique et sociale. Une partie de l’oasis sert maintenant comme lieu où les jeunes en déshérence s’adonnent, en cachette du site, aux boissons alcoolisées. C’est aussi un territoire devenu dépotoir des déchets de la pollution touristique (plastique, bouteilles en tous genre etc.). En définitive, dans ce cas précis comme dans d’autres, le « développement transposé » clochardise et prépare ainsi les kamikazes sociaux du futur [28].

2.2 – Diversité de sites et créativité

46Le tourisme de diversité dont il est question ici dénote l’extrême relativité de la notion de ressource en économie. Une reconfiguration appropriée du potentiel local d’un site peut, en effet, faire émerger des ressources ignorées. Autrement dit, les ressources touristiques ou autres s’inventent et dépendent ainsi des systèmes de représentation qu’ont les acteurs du site et de la situation dans laquelle ils se trouvent [29]. Et, cette situation ne peut aucunement être correctement identifiée sans la prise en compte de la trajectoire historique et culturelle des sites en question et de leur relecture au présent. C’est à ce niveau qu’interviennent les capacités d’auto-repérage des acteurs d’un territoire donné. L’innovation commence par un « changement dans le regard ». Ce dernier ne peut se réaliser qu’avec un effort d’interprétation théorique et pratique du sens commun et des potentialités que les nouvelles croyances communes du site peuvent inspirer et consolider sous forme d’activités économiques. Ce n’est qu’à ce prix que ce qui est « non ressource » devient ressource. A ce niveau, toutes les bifurcations sont possibles.

47L’exploration des potentiels d’innovations locales du site (Les P.I.L. du site) doit donc se faire en tenant compte de l’ensemble des données sitologiques du contexte local (croyances, connaissances communes, diversité, mémoire historique etc.). Ce que ne font pas les technocrates et les économistes du développement qui, le plus souvent, se contentent de parachuter des projets sur des sites dont ils ignorent les profondeurs. Les échecs de telles procédures sont monnaie courante aussi bien dans les pays industrialisés en mal de restructuration que dans les pays dits en voie de développement.

48La raison épistémologique fondamentale en est la croyance dans l’automatisme des lois du marché et la conception aveugle que toutes les sociétés humaines, petites ou grandes, fonctionnent sur le même registre que celui d’un modèle de développement et d’évolution unique pour tous. La science, encore dominante mais en déclin intellectuel irrémédiablement, a horreur du singulier et des « variables incalculables » comme les valeurs et les cultures des acteurs en situation. Or, l’expérience démontre le contraire : la force de la diversité des situations. Ainsi, les changement sociaux prennent des bifurcations inattendues par les experts du modèle unique en raison de la réactivité des sites multiples [30].

49Dans ces singularités l’éthique et l’imaginaire du lieu sont parties prenantes dans les évolutions constatées. Et, c’est ce que ne prend pas en considération l’économie, une science, par excellence du développement et de la mondialisation. Elle se veut, jusqu’à cette dernière décennie, pure de toute « substance sociale ». Aujourd’hui, le paradigme du changement social est dans la nécessité de s’ouvrir sur le caractère multiple de la réalité des situations des acteurs. Il faut prendre acte que « le savoir est un état impur » [31].

50Ce n’est que de manière timide que la théorie économique s’ouvre aux apports de la pensée complexe et aux croyances des acteurs de la vie économique locale et nationale [32]. Frédéric Lordon, un professionnel de l’économie et chercheur au CNRS, met, en évidence et de manière explicite, l’incapacité de la science économique à répondre par des principes « vrais » aux défis des mutations auxquelles nous assistons.

51A la question : l’économie est-elle capable de nous fournir des critères pertinents et incontestables pour les acteurs et les décideurs, il répond : « C’est là une demande que malheureusement la discipline n’est pas en état de satisfaire et pour des raison qui ne tiennent pas qu’à une incapacité temporaire » (souligné par nous, cité par Yves Mamou). Ce qui fonde la nécessité d’un changement profond dans nos raisonnements et nos pratiques.

52D’ailleurs, ce même auteur avance l’idée d’une nouvelle discipline à savoir la sociométrie qu’il définit comme une science des représentations mentales de la politique économique : aucun projet ou aucune politique économique ne peut réussir sans une vision du monde partagée par les acteurs. Cette réhabilitation des croyances des acteurs économiques est en totale conformité avec les principales conclusions auxquelles nous sommes arrivés dans nos recherches sur les pratiques des projets de développement dans les pays du Sud [33]. L’adhésion des acteurs à une politique macro-économique ou à des projets de niveau local apparaît ainsi incontournable. A cet égard, il n’y a pas la moindre « loi naturelle » d’évolution des sociétés et des économies sur laquelle pourrait s’appuyer, en permanence, le théoricien ou l’expert.

53Ces nouvelles conceptions émergentes en économie sont une sorte d’« herméneutique », un déchiffrage des systèmes cognitifs des acteurs permettant de suivre leur sens commun et le degré de confiance dans les actions et transactions qui sont menées. Les faits économiques confirment, d’ailleurs, que la croissance présuppose aussi la confiance. Ce qui fait des processus économiques (et des sites dans notre terminologie et conjecture) des prophéties auto-réalisantes. Dans ces conditions, les sciences, qui se veulent « objectives », censurent la grande relativité des subjectivités des acteurs et masquent les réalités observables sur les terrains. Tant que les décideurs et les savants de l’économie resteront imperméables aux énoncés décrits ici, ils resterons les jouets des marchés et des acteurs de terrain. C’est de la myopie entretenue par l’académie, les manipulateurs s’en trouvent manipulés !

54Comme nous l’avons déjà fait remarquer, les tendances du tourisme postindustriel sont un « bon laboratoire » pour les alternatives qui conjuguent les croyances, les motivations et les pratiques d’acteurs. En fait, à travers ces nouvelles figures du tourisme, les acteurs tiennent à participer à un renouveau économique et social qui ne renie pas leurs traditions, leurs racines et leurs nouvelles croyances qui puisent leur raison d’être dans le « désenchantement du monde moderne ».

55Par ce choix, les acteurs indiquent les impasses de l’« économie désincarnée » du vieux capitalisme industriel, une économie basée sur l’accumulation du capital, la consommation des biens matériels et la destruction de la nature sans limite. Les individus sont, aujourd’hui, demandeurs de services de qualité, de relations et de sens. Ici, la rationalité du profit tout azimut cède la place à la relation et à la communication culturelle et interculturelle. Le service touristique est un des services les plus relationnels. La relation c’est l’échange et l’échange est ici, avant tout, de nature symbolique avant d’être monétaire. C’est cet « incalculable » qui est au cœur de la valeur économique des « nouveaux services touristiques ». Ces caractéristiques suggèrent toute l’importance que revêtent la confiance et la profondeur interculturelle dans les échanges marchands ou non.

56Cette mise en harmonie de l’éthique, de la culture avec les mécanismes économiques est rebelle aux anciennes théories économiques et au management traditionnel qui considèrent les acteurs d’une situation comme de simples cibles, pour ne pas dire des « idiots culturels ». Le contexte actuel est celui de la revanche des acteurs sur les systèmes. L’état de la théorie économique contemporaine le démontre bien. Les crises se jouent des modèles et, du même coup, laissent entrevoir que leurs énoncés sont réducteurs.

57De ce point de vue, le paradigme classique du marché est dans l’incapacité de lire les signaux adéquats au développement des services touristiques de qualité. Les économistes les plus perspicaces ont déjà démontré l’incomplétude des mécanismes de marché (économie des conventions). Nous faisons, ici, référence aux économistes qui portent un intérêt grandissant au rôle des institutions dans les processus économiques. Autrement dit, contrairement aux hypothèses de base de la théorie standard (transparence, informations complètes, modèle déterministe de la rationalité individuelle etc.), les marchés, à eux seuls, ne tiennent pas debout. Il existerait une zone d’opacité où l’incertitude est « reine » [34].

58Les turbulences du marché ne peuvent être combattues que par une production de conventions, de règles et de sens commun entre les acteurs, offreurs et/demandeurs. Le marché, sans institutions adéquates, s’écroule de lui-même en raison des assauts des incertitudes et des désordres qui lui sont inhérents. Ce qui veut dire, tout simplement, que la confiance et, de façon plus générale, les croyances communes sont une sorte de « carburant humain » nécessaire à la stabilité et aux dynamismes des marchés. En raison de leur nature, les services et particulièrement ceux du tourisme postindustriel, ont un profil totalement en phase avec l’idée d’une économie de la confiance qui prendrait aussi en considération l’ensemble du contexte où sont produits et consommés les services en question [35].

2.3 – Le besoin de se situer dans un monde incertain

59Le « dépaysement et ré-enracinement chez soi » est à inscrire dans l’épuisement des croyances propres à la grande société industrielle qui n’est plus capable de donner sens à la vie et aux pratiques quotidiennes des individus et des groupes d’individus. La consommation pour la consommation ne semble plus de mise et l’homme « sans qualité » de la société de la compétition industrielle est à la recherche du sens de son existence. L’émergence d’un tourisme des profondeurs basé sur de nouvelles relations à la culture des sites et à leur environnement naturel est un des signes de la crise de la civilisation industrielle. Celle-ci s’est construite sur une culture productiviste et des incitations à la multiplication à l’infini des besoins souvent artificiels.

60A y regarder de près, c’est le système de l’économie de marché qui a besoin des besoins pour réaliser les profits escomptés sans lesquels son organisation s’effondre. Ce processus fonctionne sur la base d’une psychologie du manque et de la frustration permanente, phénomènes bien connus des psychologues et des spécialistes du marketing. Ce dernier consiste, d’ailleurs, à précipiter et à exploiter, sans retenue, pour les besoins du système, un des penchants de la nature humaine, le désir de l’avoir et le mimétisme.

61Dès le XVIIe siècle, Pascal décrivait le « malheur naturel de notre condition » de la façon suivante : « Il y a eu autrefois dans l’homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace toute vide, et qu’il essaie inutilement de remplir de tout ce qui l’environne, (…) parce que ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable ». Ce gouffre est celui du bonheur par la quantité des besoins créés et satisfaits par la civilisation de la consommation de masse. C’est cette conception du désir et du bonheur qui est, aujourd’hui, en crise. Le déclin relatif du tourisme de masse en est un aspect.

62La demande qui s’exprime à travers le tourisme postindustriel est donc aussi un véritable retournement des valeurs et des représentations de la société. La nouvelle demande touristique est une « demande existentielle ». C’est un symptôme de besoins et d’activités dont le contenu « civilisationnel » n’est pas encore décrypté dans toute sa profondeur dans la mesure où il est approché que par le même paradigme d’antan, c’est-à-dire celui de l’économisme. Pourtant, cette « révolution silencieuse » traduit de nouvelles aspirations dont le sens échappe au réductionnisme, d’où l’utilité qu’a l’analyse économique de s’ouvrir aux autres sciences de l’homme et à la pluralité des cultures humaines.

63Ce n’est qu’avec ces nouvelles perspectives théoriques que la montée en puissance du tourisme de patrimoine et de proximité peut être convenablement décryptée. La proximité, la profondeur de l’échange culturel et interculturel, les nouvelles perceptions de la nature et des paysages etc. expriment un besoin profond de se situer dans un monde anonyme et dominé par la technique et une économie dé-enchâssées et aliénantes. Ce besoin de repères symboliques d’existence est à la racine du tourisme alternatif. Il fonde, du même coup, la nécessité d’une gouvernance touristique valorisant non seulement les acteurs du site touristique mais aussi les touristes en les impliquant dans un échange authentique. De ce point de vue, le tourisme situé organise l’échange interculturel et assure les durabilités sociales et écologiques [36].

64Dé-situé, l’homme moderne, celui de la société de compétition économique avec tous les effets pervers que nous connaissons, est aussi à la recherche de racines culturelles, de biotopes et de « niches » socio-relationnelles susceptibles de le mettre en harmonie avec lui-même et le monde qui l’entoure. Le « connaît-toi toi-même » d’Aristote acquiert ainsi une certaine consistance dans cette quête des citoyens de la société industrielle sans repères [37].

65En France, le succès sans précédent des journées du patrimoine dès 1997 témoigne d’ailleurs de l’engouement quasi-national pour la découverte des monuments religieux, usines nouvelles et anciennes, musées et de tout ce qui donne sens à l’appartenance. De ce point de vue, le patrimoine doit donc être perçu comme un « nouveau socle d’identité » dont les hommes ont besoin. A ce sujet, Daniel Fabre note que « Bien que nos sociétés se définissent comme modernes c’est-à-dire engagées dans un processus continu de changement historique, elles sont aussi des sociétés de conservation. La fièvre patrimoniale croissante est la forme présente de cet attachement au passé. » [38] C’est l’irrésistible montée des sites symboliques d’appartenance face au désarroi de la civilisation économique et technologique dominante.

66Ce besoin d’avoir un patrimoine culturel ou dans notre terminologie un site symbolique de référence est aussi à inscrire dans le contexte de la mondialisation et de la crise du sentiment national, en d’autres termes dans l’« effacement sensible de la patrie comme valeur supérieure ». La montée en puissance des patrimoines locaux exprime le besoin de « boussoles sociales » des individus et des groupes sociaux. Le site culturel local joue ainsi le rôle de régulateur de ces crises : « il est vraiment le bien commun, le socle d’une identité émotionnelle ». Et, « le national s’estompe, ou peut-être, s’incarne t-il dans le proche, dans la région, la localité » selon l’ethnologue Daniel Fabre. Pour, Berard L. et Marchesnay P., cette patrimonialisation « traduit un jeu subtil entre le donné local et les demandes d’une société globale » [39].

67Le besoin d’appartenance et d’auto-découverte mais aussi d’ouverture sur l’autre, semble donc incontournable pour expliquer les nouvelles attitudes dont les traces peuvent être décelées dans le tourisme culturel et durable. Chercher à connaître le lieu de son origine, apprendre ses traditions, visiter les bâtisses anciennes, bref, le patrimoine de proximité et d’appartenance exprime bien ce formidable besoin d’avoir son propre site symbolique. C’est cette nécessité vitale qui dévoile le fait que toutes ces nouvelles formes de tourisme sont, en réalité, un marché de croyances sociales.

68Les représentations collectives ont donc changé et démontrent que « les pratiques économiques sont des pratiques sociales » [40] et symboliques [41]. C’est ainsi que les sites comme patries imaginaires nourrissent et donnent sens aux modèles d’action individuels et collectifs. Tout en étant singuliers, ils sont ouverts sur leurs environnements immédiat, local, régional, national et international. Les interactions en la matière sont innombrables et complexes. C’est ce qui amène J. Gadrey, à constater, dans le domaine particulier du tourisme des patrimoines, des adoptions réciproques, donc des métissages de sites.

69En effet, si nous considérons que chaque localité a des relations de sens avec son patrimoine, il n’en demeure pas moins que celui-ci est porteur aussi d’une universalité dans sa singularité. Les visiteurs appartenant à d’autres mondes humains y trouvent, par le principe de l’éclairage en retour, non seulement des différences mais aussi des similitudes avec leurs propres conceptions du monde.. J. Gadrey note, en substance : « …l’étranger retrouve et réinterprète une partie de son propre passé au contact des témoignages du nôtre, et il partage avec nous une vision et une culture de la « grandeur » ou de la beauté de ces éléments qui ne nous sont pas réservées, faute de quoi aucune autre raison qu’une curiosité vite satisfaite ne l’amènerait à se déplacer pour bénéficier de tels services patrimoniaux [42]. Selon cet auteur, cette réappropriation est « à la source même de la composante patrimoniale des services touristiques modernes ».

70Comme nous l’avons déjà indiqué, ces nouvelles perspectives paradigmatiques qui mettent au centre de leurs dispositifs théoriques les systèmes de représentation symbolique des acteurs peuvent à la fois nous aider à décrypter en profondeur le sens des nouveaux besoins et à concevoir les précautions à prendre quant à la manière de les satisfaire. La demande économique et sociale en question révèle l’épuisement du règne de la quantité et corrélativement le besoin de donner un sens à ses besoins. En conséquence, les marchés émergeants expriment quelque chose de plus profond qu’une simple loi de l’offre et de la demande. Celle-ci, dans ses évolutions, n’en est qu’une manifestation apparente. En profondeur, il s’agit, en fait, d’un changement dans les valeurs et les représentations des acteurs. C’est ce changement dans l’imaginaire des acteurs qui est au cœur des nouvelles dynamiques touristiques. On ne peut pas donc séparer le sens que les individus donnent à leur monde extérieur, des besoins ainsi que des activités qui les satisfont. A ce sujet, la théorie des sites nous enseigne que toute économie « saine et sensée » tire sa vitalité des croyances, donc, des motivations des acteurs. Les phénomènes économiques d’offre et de demande ainsi que les conditions sociales, institutionnelles et technologiques ne peuvent aucunement échapper aux contingences culturelles et historiques des sites. Ces derniers sont donc une sorte de marqueurs pour les pratiques économiques dans leur conception, leur réalisation et leur évaluation. La variété des sites et leurs évolutions font donc de l’idée d’un modèle unique en tout temps et en tout lieu une chimère.

Conclusion

71Aux termes de cet article, il est à noter que l’essentiel des arguments exposés ont eu pour but de montrer que le tourisme postfordiste dans ses différentes variantes est à mettre en relation avec l’évolution de la société contemporaine. Dans ses valeurs et ses nouveaux besoins, celle-ci réplique à l’épuisement des croyances et des pratiques sur lesquelles s’est construite la vieille société industrielle. Les nouvelles significations symboliques qui sont à la racine du tourisme situé expriment, comme nous avons essayé de le montrer, un renversement des représentations collectives. Le « méga-tourisme » de jadis s’en trouve irrémédiablement affecté dans sa croissance économique. Ce qui démontre, une fois de plus, que le changement culturel peut avoir des effets significatifs sur le cycle des affaires d’un secteur d’activité. Cette corrélation met en porte à faux les approches qui se veulent exclusivement économiques de la vie économique d’une région, d’un pays ou d’une contrée quelconque. Les cycles économiques ont, donc, aussi des causes que seule une démarche élargie à la pluralité des dimensions de la condition de l’homme peut tenter d’approcher. Et, c’est à quoi s’emploie le paradigme des sites dans le sens où il tente d’unifier dans une même vision ce que la pensée académique sépare et formalise avec des modèles qui n’ont plus de but qu’eux mêmes.

Notes bibliographiques

  • [1]
    Cet article doit beaucoup à une communication que nous avions faite en collaboration avec Cécile Pavot, doctorante du GREL, dans le cadre d’un colloque portant sur Patrimoines et images : facteurs de développement touristique dans le Nord-Pas-De-Calais co-organisé par le GREL-ERIM et le Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, le 11 décembre 1997 à Calais. Cette communication s’intitulait : Les nouveaux visages du tourisme. Une approche par les sites symboliques. Cette contribution a été sélectionnée par des sites Internet : www.cybercable.tm.fr/~jarmah/public_html/hassan2.htm, www.reseautourisme.com/articles%20revues/lilianearticle.dwt
  • [2]
    Etant lié au développement local, ce domaine de recherche a aussi fait l’objet de deux thèses de doctorat dans le cadre de notre groupe de recherche : Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, ULCO, décembre 2006 et Séloua Gourija, Tourisme et développement durable : quelles conjugaisons ? (Expérience marocaine), ULCO, janvier 2007.
  • [3]
    Pour les premiers écrits sur cette approche voir notre contribution, Economie et Sites symboliques africains. Numéro spécial de la Revue canadienne Interculture, Volume XXVII, n°1, Cahier n°122, Hiver 1994, Montréal. Cette théorie a fait l’objet d’un doctorat d’Etat, Du rôle des croyances dans le développement économique, Université de Lille 1, 1996, publiée sous le même titre aux Editions l’Harmattan, 2002.
  • [4]
    La croissance de ce secteur du tourisme est estimée à plus de 4% par an, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme.
  • [5]
    Voir Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, Doctorat, ULCO, décembre 2006.
  • [6]
    Florence Deprest, Enquête sur le tourisme de masse. Ecologie face au territoire, Editions Belin 1997. Commentaire paru dans Sciences Humaines, n° 75, p. 64, Août/Septembre 1997.
  • [7]
    Maurice Wolkowitsch (dir), Tourisme et milieux. Comité des travaux historiques et scientifiques, 1997.
  • [8]
    Cf. Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, Doctorat, ULCO, décembre 2006.
  • [9]
    Cécile Pavot, Du méga tourisme au tourisme durable, Communication au colloque international organisé par l’Université de Aix-Marseille sur Le développement et l’environnement dans les régions méditerranéennes, Juin 1997, texte publié sous le même titre in Kherdjemil B., Panhuys H. et Zaoual H. (sous la dir.), Territoires et dynamiques économiques. Au-delà de la pensée unique, L’Harmattan, 1998, Pour plus de détails sur cette démarche interdisciplinaire sur le tourisme voir C. Pavot, mémoire portant le même intitulé, D.E.A. Changement Social, Faculté de Sciences économiques et sociales, Université de Lille 1, 1996.
  • [10]
    Cf. Séloua Gourija, Tourisme et développement durable : quelles conjugaisons ? (Expériences marocaines), Thèse de Doctorat, ULCO, janvier 2007.
  • [11]
    Cécile Pavot et Hassan Zaoual, Les nouveaux visages… op.cit.
  • [12]
    La cohérence d’un système d’offres touristiques variées suppose un niveau minimum de partenariat entre tous les acteurs concernés (populations, collectivités locales, société civile, professionnels etc.). La mise en place de stratégies de réseaux touristiques s’impose. Intervient nécessairement la définition conjointe d’objectifs (partenariat), de démarche d’une meilleure connaissance des attentes des touristes, de stratégies de production, de promotion et de commercialisation.
  • [13]
    Fondateur de l’Institut du Tourisme de valeurs, Journal permanent de l’Humanisme Méthodologique http://joumal.coherences.com
  • [14]
    Le tourisme de variété (culture, nature, architecture, sport et loisirs etc.) connaît une forte expansion, voir Moniteur du Commerce International, La spécialisation, sésame des nouveaux marchés, 11-17 1996 p.51. Le « tourisme vert », à titre d’exemple, fait l’objet d’un vif succès, un phénomène qui n’a pas échappé aux observateurs de l’évolution de la société et des nouveaux besoins qu’elle affiche. C’est ainsi que le journal le Monde, dans un article intitulé « Les vacanciers se mettent au vert » (19 mars 1992), fait remarquer : « Que le vert soit à la mode, on n’en veut pour exemple que l’engouement des citadins pour les formules d’hébergement rustique, type gîtes ruraux, le vrai luxe étant alors le calme, la facilité de circuler, l’authenticité du cadre et des relations humaines. De même, le désir d’entrer réellement en contact avec d’autres cultures, d’autres façons de vivre, motivation principale des vacanciers voyageurs, trouve aujourd’hui des réponses qui ne sont pas nécessairement lointaines et exotiques. Ainsi, le regain d’intérêt pour les cultures, les traditions et les fêtes régionales, le succès des écomusées… Comme si, à son tour, le dépaysement se mettait au vert ».
  • [15]
    Chaque site est singulier tout en en contenant des micro-sites et en étant en relation avec d’autres plus ou moins lointains. Ce sont des réalités entrelacées. De fait, l’humanité est une et plurielle ou, comme le dit, le Sous-Commandant Marcos, leader du mouvement de Chiapas du Mexique : “Un monde peut contenir beaucoup de mondes, peut contenir tous les mondes cité par John Berger, Vivre avec les pierres. Lettre au Sous-Commandant Marcos. Monde Diplomatique, Novembre, p.23, 1997.
    Ce caractère imbriqué des mondes humains qui peuplent la planète interdit tout racisme de civilisation ou de culture et fonde la force de cette formule de la théorie des sites : des racines sans racisme !. Se reporter aussi à nos propos : La mosaïque des cultures face à un monde uniforme, Foi et développement, n° 290, janvier 2001, pp. 1-5 Centre L. J. LEBRET, Texte repris par Congo-Afrique, n° 356, juin-août 2001, pp. 324-330.
  • [16]
    Susan Hunt, Le mouvement pour une économie alternative, p.17, Interculture, Vol.XXII, n°l, Cahier 102, Hiver 1989, Montréal.
  • [17]
    Cf. Jean-Michel Dewailly et Claude Sobry, Introduction de l’ouvrage collectif intitulé : Récréation, Re - Création : Tourisme et Sport Dans le Nord-Pas-de-Calais, L’Harmattan, 1997, voir aussi leur contribution à cet ouvrage collectif : Récréation, re-création : d’une dynamique récréative à un développement re-créateur, chapitre 1, p.21-p.48.
  • [18]
    Voir Hassan Zaoual, (sous la dir.), La socio-économie des territoires : expériences et théories, L’Harmattan, 1998, Paris.
  • [19]
    Alioune Ba et Gérard Dokou, L’attractivité touristique, communication au Colloque du GREL sur Les dynamiques du Développement local Dunkerque, 23 Mai 1997.
  • [20]
    Selon les dernières statistiques triennales du Ministère de la Culture et de la communication (1996), le patrimoine reçoit 32% des dépenses culturelles des communes et il consomme plus de la moitié (52%) des dépenses des départements. Dans les régions, la conservation des patrimoines arrive en deuxième place, après la production - diffusion artistique. Données de la Gazette n°33, 1997.
  • [21]
    La Région Nord-Pas-de-Calais connaît depuis plusieurs décennies de profonds changements socio-économiques. Ses anciennes industries traditionnelles (charbon, textile, sidérurgie, chantiers navals etc.) ont disparu ou perdu beaucoup de leur importance. L’héritage de ce passé industriel influence profondément une des activités qui contribuent à la reconversion régionale : le tourisme.
  • [22]
    Pour une présentation assez exhaustive de cette approche se reporter à notre ouvrage intitulé : La socioéconomie de la proximité : du global au local, L’Harmattan Collection Economie plurielle/Série Lire le site, 189 pages, 2005.
  • [23]
    Parcourues par le sens commun produit par les interactions entre les acteurs, les trois boîtes s’emboîtent et donnent lieu à une cohérence d’ensemble au concept de site. Cette interactivité contribue, dans la pratique, à construire, d’une part, un lien entre l’imaginaire du site et le réel et, d’autre part, à façonner une connaissance commune et une cohésion entre les hommes du site.
  • [24]
    C’est, d’ailleurs, ce qui confère, en particulier aux sociétés et aux économies africaines, le caractère d’organisations en grappes.
  • [25]
    Voir notre article intitulé : Homo œconomicus ou Homo situs ? Un choix de civilisation. Finance & the Common Good / Bien commun, Observatoire de la Finance, (63-72 pages), n°22, Juillet-Août 2005, Genève, Site : www.obsfin.ch
  • [26]
    Claude LLENA, Tozeur, ravagée par le tourisme, Monde diplomatique, juillet 2004.
  • [27]
    Pour une analyse critique de la globalisation comme icône des recettes du développement se reporter à notre article intitulé : Les illusions du monde global, La fin des mythes rationnels en économie, Revue Générale, Bruxelles, 139ème année, n°10, octobre 2004, pp. 31-37.
  • [28]
    Voir notre article : Migrations africaines et mondialisation. Les damnés de la terre à l’assaut de la forteresse européenne, Foi et développement, n°338, novembre 2005. Centre L. J. LEBRET, Paris
  • [29]
    CF. H. Zaoual, Management situé et développement local. Collection Horizon Pluriel, 2006, (213 pages), Rabat, Maroc.
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Hilary Putman, Raison, Vérité et Histoire, p.54, Les Editions de Minuit, 1981.
  • [32]
    Yves Mamou, La croyance en économie, Commentaire de l’ouvrage de Frédéric Lordon intitulé : Les quadratures de la politique économique, Les infortunes de la vertu. Albin Michel, Economie, 333 pages, 1997, Le Monde du 7 octobre 1997.
  • [33]
    La Sociométrie est la “sœur jumelle” dans les pays industrialisés de la Sitologie que nous avons élaborée, dans le cadre du Réseau international Cultures pour les pays du Sud. Voir nos publications du Journal international du Réseau : Cultures et Développement Quid Pro Quo à Bruxelles.
  • [34]
    Voir Catherine Derue et Hassan Zaoual, Chaos et théorie des conventions. Un essai d’application au développement local, Chapitre 3 pp. 147-167 in Territoires et dynamiques économiques op.cit.
  • [35]
    Cf. Khalid Louizi et Hassan Zaoual, Les dilemmes de l’évaluation de l’action collective : l’expérience du tourisme social, Communication au colloque : Images et Patrimoine. Facteurs du développement du tourisme dans le Nord-Pas-de-Calais. Université du Littoral. Le 11 décembre 1997.
  • [36]
    Voir Delphine Roussel, Tourisme et développement local. Expérience de la Réunion, Thèse de doctorat, ULCO, décembre 2006
  • [37]
    Le déficit de croyances de la société contemporaine est tel que n’importe quel événement relayé par les média peut devenir, dans certaines situations, fondateur d’un “site touristique”. (Ce qui est le cas du Pont de l’Aima à Paris visité par des touristes du monde entier à la suite de l’accident malheureux de la Princesse Diana !). Ici, c’est le cas d’un « site symbolique frelaté » par cette même machine économique et médiatique qui crée le vide social. Mais, c’est une production de sens virtuel qui vient alimenter les méga systèmes (économie, technoscience et médias etc.) de la société de compétition économique en esquivant les véritables problèmes d’aujourd’hui.
  • [38]
    Daniel Fabre, « Ethnologie et patrimoine en Europe », Terrain, Numéro 22 - Les émotions mars 1994.
  • [39]
    Berard L. et Marchenay P., Le vivant, le culturel et le marchand. Les produits de terroir, in Denis Chevallier (dir.), Vives campagnes. Le patrimoine rural, projet de société, collection Mutations n° 194, Autrement, mai 2000, pp. 191-215.
  • [40]
    Jean Gadrey, Patrimoine et qualité de vie : éléments pour une approche socio-économique, p.210, in P. Cuvelier, E. Torres, J. Gadrey, Patrimoine, modèles de tourisme et développement local, L’Harmattan, 1994.
  • [41]
    Hassan Zaoual, La socioéconomie de la proximité op.cit.
  • [42]
    Jean Gadrey, Patrimoine… op.cit., p.203.
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