Couverture de MSS_025

Article de revue

Accès au crédit bancaire par le financement de proximité : cas des PME Camerounaises

Pages 130 à 145

Notes

  • [1]
    Micro Small and Medium Enterprises Database, SFI: http://rru.Worldbank.org/Document/Other/MSMEdatabase/msme_database.htm.
  • [2]
    Une banque est qualifiée de banque décentralisée lorsque la décision d’octroi ou non du crédit bancaire à un client est prise par le chargé de la clientèle et non par la direction générale.
  • [3]
    La définition officielle de la PME au Cameroun découle de la loi N°2015/010 du 16 juillet 2015, modifiant et complétant la loi n°2010/001 du 13 avril 2010, portant promotion des Petites et Moyennes Entreprises (PME). Ce texte propose des critères permettant de classer les entreprises dans les catégories «Très Petite Entreprise»(TPE), «Petite Entreprise» (PE), «Moyenne Entreprise»(ME). Selon ces critères, rentrent dans la catégorie PME, les entreprises ayant un effectif permanent inférieur ou égal à 100 individus et dont le chiffre d’affaires n’excède pas trois milliards de FCFA.
  • [4]
    n représente la taille de l’échantillon à calculer \(\textbf{Z }1-t \;/\; 2\) est le fractile d’ordre \(1-t \;/\; 2\) de la loi normale centrée réduite, la proportion p est le pourcentage estimé de la population qui présente le caractère ou le phénomène étudié dans la population (cette proportion est assimilée à 50% lorsque l’on n’en a aucune connaissance).
  • [5]
    Le Odds ratio quantifie le nombre la probabilité pour une PME donnée d’accéder au crédit bancaire, il est interprété de la manière suivante : Si la valeur du Odds ratio est supérieure à 1, il exprime « plus de chance » et « Moins de chance » pour une valeur inférieure à 1.
  • [6]
    Selon Granovetter (2000), la force d’un lien est une combinaison (probablement linéaire) de la quantité de temps, de l’intensité émotionnelle, de l’intimité (la confiance mutuelle) et des services réciproques qui caractérisent ce lien.

Introduction

1 En finance, l’un des facteurs déterminants pour l’émergence de l’entreprise est sa capacité à accéder au crédit de manière à adapter la dimension de ses activités aux besoins réels du marché. Dans la plupart des pays d’Afrique, l’accès au crédit bancaire constitue l’un des obstacles majeurs à l’entrepreneuriat. Plusieurs travaux montrent que cette difficulté touche particulièrement la PME (Dewatripont, 2014). En effet, les petites et moyennes entreprises (PME) occupent plus de 88,5 % de l’ensemble des entreprises africaines parmi lesquelles 70 % à 80 % sont des micros et très petites entreprises qui octroient près de 60 % des emplois [1].

2 Au Cameroun, les résultats de l’enquête initiée par le ministère des Petites et Moyennes Entreprises de l’Économie Sociale et de l’Artisanat (MINPMEESA) en 2009 et financée par l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA) indiquent que près de 77,1 % des PME camerounaises connaissent des problèmes de financement bancaire. La Commission Bancaire d’Afrique Centrale (COBAC, 2010) note qu’entre janvier 2009 et avril 2010, aucune banque camerounaise n’a accordé un crédit à long terme aux entreprises dépassant 5 % des prêts demandés en particulier aux PME. Fouda (2009) et Wanda (2007) constatent que malgré un état de surliquidité général observé, les banques n’accordent toujours pas de crédits sollicités par les entreprises en dépit de la restructuration du secteur bancaire camerounais initiée à la fin des années 1980. Selon le Doing Business (2009, 2010), les entreprises au Cameroun sont passées de la 132ème position en 2009 à la 137ème position en 2010 en ce qui concerne l’obtention des crédits bancaires. Ainsi, face à la prudence excessive des banques à accorder des financements « classiques » beaucoup de PME sont contraintes de se tourner vers des canaux alternatifs pour démarrer leur activité, traverser une phase de difficultés ou financer leur développement. Le financement de proximité fait partie de ces solutions alternatives.

3 La proximité géographique (dite spatiale) s’appréhende d’une part par la réduction de la distance (et du temps) qui sépare physiquement la banque de l’entreprise, et d’autre part par les coûts de transport engendrés par celle-ci (Pons et Quatre, 2014 ; Berger et al., 2001). Selon Angion et al. (2006), la proximité relationnelle est la capacité qu’offre une organisation de faire interagir ses membres. Elle peut être mesurée par l’appartenance à un même réseau (intra-organisation et/ou inter-organisation), plus largement, à une même communauté de destin. Celle-ci trouve d’ailleurs son fondement sur la confiance, les relations interpersonnelles (amitié, parenté, expérience), l’appartenance aux réseaux ou associations d’affaires (Mawamba, 2011 ; Granovetter, 1973), mais aussi à la durée de la relation banque/PME. Les relations de proximité sont l’une des solutions proposées par la littérature financière pour la résolution de cette difficulté vécue par les PME en général. Dans le cadre de cette recherche, nous retenons la définition proposée par Banerjee et Duflo (2014). Ces auteurs définissent les relations de proximité comme la connexion entre une banque et un client qui va au-delà d’une simple exécution des transactions financières anonymes.

4 La PME camerounaise fait face davantage au problème de développement que de création, ce qui signifie que sa croissance tient également sur le fil du crédit. De plus, en période de crise de confiance qui caractérise l’environnement camerounais, les PME subissent une frilosité sans cesse grandissante de la part des banques, relative à l’asymétrie d’information et à l’absence de vision du potentiel de celles-ci. L’instauration d’une relation de confiance marquée par la proximité entre la banque et la PME, semble constituer un pan majeur d’explication de l’accès au crédit. Cette proximité garantit une certaine confidentialité et réduit significativement le déficit informationnel décrié. La proximité en termes de relation est au centre de plusieurs travaux théoriques importants durant ces dernières années (Gardes et Machat, 2011). L’essentiel de ces travaux s’est appesanti sur l’influence des liens institutionnels dans la décision d’emprunt.

5 Nous postulons que la relation de crédit ne se limite pas à une simple transaction financière, mais dépend des liens sociaux et de la distance entre les partenaires, susceptibles d’affecter l’accès au crédit. En contexte camerounais, voire africain, la proximité entre la banque et la PME demeure un sujet insuffisamment traité par les chercheurs. Cependant, comment ne pas voir l’importance de la proximité, compte tenu non seulement de la place centrale qu’occupe le dirigeant dans la PME, comparativement à une grande entreprise, mais aussi du dysfonctionnement organisationnel qui les caractérise. Boschma (2005) distingue cinq formes de relations de proximité : la proximité géographique, la proximité cognitive, la proximité organisationnelle, la proximité sociale ou relationnelle, et la proximité institutionnelle. Mais dans le cadre de ce travail, deux sont retenues : il s’agit de la proximité géographique et de la proximité relationnelle.

6 D’où l’intérêt porté à ce sujet qui nous amène à la question suivante : Quel est l’effet de la proximité sur l’accès des PME Camerounaises au crédit bancaire ? Il est important de noter que le financement informel, notamment les tontines, ne sera pas évoqué dans ce travail en raison non seulement du caractère illusoire qu’il revêt aujourd’hui, mais aussi de l’insuffisance des informations permettant d’établir une relation de cause à effet. Notre recherche s’articule en trois points. Le premier point a pour objectif d’aborder la revue de la littérature, surtout sur les aspects relatifs au financement. Le deuxième point présente la démarche méthodologique. Le dernier expose et discute des résultats.

Revue de la littérature et hypothèses de recherche

7 Le financement de proximité est abordé ici à travers la proximité géographique et la proximité relationnelle.

Financement local sur fond de proximité géographique : facteur clé de l’accès au crédit bancaire pour la PME

8 La distance géographique entre le banquier et l’entreprise influence la décision d’octroi du crédit de deux manières. D’une part, sur le plan strictement interne, le nombre de niveaux hiérarchiques que doit traverser l’information nécessaire à la prise de décision d’octroi de crédit pour être contrôlée et validée compte tenu de sa nature spécifique et qualitative ou (« soft »), dans un cadre relationnel peut décourager le chargé d’affaires qui est en relation directe avec l’entreprise de la collecter (Stein, 2002 ; Petersen, 2004). D’autre part, au niveau externe, une distance géographique importante entre la banque et son client lui assurant déjà un avantage comparatif sur ses concurrents, permet à la banque d’être moins encline à investir dans la production d’informations privées nécessaires à l’établissement d’un avantage informationnel et donc à mettre en place une relation de proximité.

9 La théorie de la « force des liens faibles » développée par Granovetter (1973) met en évidence l’impact de la nature des liens sociaux sur l’accès aux ressources informationnelles. Ainsi, l’hypothèse centrale de cette théorie stipule que : plus la relation entre deux individus est forte, plus grande sera la possibilité que ces deux individus connaissent les mêmes personnes et, évidemment, des mêmes informations. En revanche, les liens faibles augmentent les chances d’un individu d’accéder à des personnes aux intérêts et aux connaissances multiples (Aydi, 2003). Dans le cas présent, et comme le relève Granovetter (1973), les promoteurs de PME ont développé des réseaux à liens faibles, c’est-à-dire, dans leur situation, des réseaux se situant dans des domaines proches de leurs activités. C’est ainsi qu’il existe des liens faibles véhiculant plus d’informations fraîches et uniques alors que, dans les liens forts, circulent souvent des informations redondantes. De cette manière, il est plus facile pour un dirigeant d’accéder à l’information dont il a besoin, s’il est souvent en contact avec des personnes auxquelles il est émotionnellement peu attaché. Dans cette perspective, il serait intéressant de développer des axes théoriques visant à mettre en exergue les relations entre l’accès au crédit, la contingence relationnelle et les réseaux à liens faibles au cours du processus de demande de financement des dirigeants évoluant dans un contexte de surliquidité structurelle.

10 À cet effet, les travaux portant sur les marchés locaux du crédit montrent que les banques décentralisées [2] occupent une part de marché plus importante dans les zones rurales (Brikley et al., 2003) et que cette présence améliore significativement l’accès au crédit bancaire des PME. King (2013), quant à lui, confirme le coût plus élevé des crédits obtenus auprès des banques géographiquement proches sur un échantillon de 216 firmes américaines.

11 Cependant, Degryse et Ongena (2005) relèvent que l’introduction dans l’analyse des éléments susceptibles de contrôler l’effet de l’avantage informationnel détenu par la banque, quant au risque spécifique de son client, réduit l’action de la distance sur le coût du crédit de manière forte. Ils concluent que la distance représente plus une mesure de monopole informationnel que les banques détiennent sur leurs clients.

12 Sur un échantillon de 236 PME brésiliennes, Santos et Elliott (2014) développent également un modèle allant dans le même sens. Ils considèrent l’éloignement entre la banque et l’entreprise comme un facteur de baisse d’efficacité du processus d’apprentissage générateur d’informations. Plus une banque est proche de l’entreprise financée, plus précise est sa connaissance de son activité et inversement. Aussi, les banques concurrentes situées à une distance plus importante voient-elles leur risque de sélection augmenter de manière assez forte. Carling et Lundberg (2005), ayant travaillé sur 311 PME suédoises, aboutissent également au même résultat.

13 Toutefois, il n’y a pas de consensus empirique de manière clair concernant l’existence d’un rationnement du crédit sur la proximité géographique. Petersen et Rajan (2002), aux États-Unis, soulignent que les demandes des débiteurs les plus éloignés se voient le plus souvent refusées que les autres. Ils notent néanmoins une forte diminution du phénomène avec le temps. Agarwal et Hauswald (2006), pour leur part, constatent un effet presque nul de la distance sur l’attribution du crédit bancaire si l’on contrôle de manière correcte la qualité du débiteur dans l’analyse du processus qui aboutit à la prise de décision d’octroi de crédit.

14 Uchiada et al. (2007), sur un échantillon de 1500 PME japonaises, constatent qu’il n’existe aucun lien. Les justificatifs de ce manque de résultats probants peuvent trouver plusieurs sources. D’une part, comme l’ont énoncé Petersen et Rajan (2002), le progrès des nouvelles technologies liées à l’information peut avoir réduit les problèmes de financement bancaire des entreprises en particulier des PME liés à la distance qui les sépare de leur banque. D’autre part, il est également possible que les coûts associés à la distance séparant les parties contractantes ne soient que les coûts fixes de transport et non des coûts liés à l’information (Degryse et Ongena, 2005). Au terme de ce qui précède, nous pouvons présumer l’hypothèse H1 suivante :

15

H1 : Plus les PME sont géographiquement proches de leur banque, plus elles ont accès au crédit bancaire

Financement local sur fond de proximité relationnelle : facteur d’accès au crédit bancaire et facteur réducteur des coûts de transactions de la PME

16 La proposition majeure du concept de proximité relationnelle repose sur l’argument selon lequel les réseaux des relations sociales basées sur la confiance entre acteurs constituent une ressource capitale pour la gouvernance des affaires (Bidault et Jarillo, 1995). Nahapiet et Ghospal (1998) soulignent que la proximité relationnelle engendre non seulement la confiance mutuelle entre les parties contractantes, mais permet également une meilleure circulation des informations. De ce fait, la confiance permet d’éviter les négociations contractuelles très longues, les contrôles, les conflits, mais aussi les procès entre les parties contractantes (Fukuyama, 1995). D’où l’impact positif des réseaux d’affaires et associations sur l’accès au crédit bancaire n’est pas à remettre en cause (Zeller, 1998).

17 Toutefois, le management européen (purement individualiste) est à l’opposé du management africain. La gestion africaine repose sur la famille et le clan (Etounga Manguelle, 1991). La manière de gérer l’entreprise relègue au second plan la performance de l’entreprise au profit des variables communautaires (famille, la tradition et la religion) qui se trouvent encastré dans un réseau social (Granovetter, 1985). Quelle que soit la forme du réseau de relations personnelles, le contrat procure un certain nombre d’avantages, en particulier la réduction des coûts de fonctionnement et la réduction d’incertitude (Williamson, 1985).

18 La minimisation des coûts de fonctionnement se traduit par la fixation du système de règles et de normes pouvant régir les relations entre les membres du réseau sans qu’il soit important pour eux de négocier ou de renégocier un agrément à chaque transaction. De cette manière, la stabilisation des relations d’échange évite les coûts résultant de la concurrence verticale (entre les différents niveaux du réseau) et la concurrence horizontale (entre les membres d’un même niveau). La théorie des coûts de transaction indique également qu’elle peut éliminer les coûts résultant de la recherche d’information, de nouveaux partenaires et la mise en place de nouvelles relations d’affaires.

19 Quant à la réduction de l’incertitude, Williamson (1985) fait remarquer qu’elle se fait selon l’orientation donnée au comportement des membres du réseau. Chaque membre sait contractuellement ce qu’il doit aux autres membres et ce qu’il peut en attendre. Dans cette lancée, Vazquez et Federico (2015) montrent, à partir des données de l’étude menée sur un échantillon de 2 650 PME mexicaines, que l’accès au crédit est d’autant plus facile lorsque la durée de la relation banque/entreprise est longue (supérieure ou égale à 5 ans). Ils relèvent également que lorsque la proximité relationnelle entre la banque et l’entreprise, en occurrence la PME, devient forte et intense, celle-ci crée de la confiance entre les deux parties favorisant par conséquent l’accès de la PME au crédit bancaire.

20 En matière de transactions de crédit entre le banquier et l’emprunteur, la relation de proximité relationnelle joue un rôle très important, car elle permet de réduire les asymétries informationnelles mais aussi de minimiser les coûts de transactions générés. Dans un échantillon de 2 500 PME américaines, Uzzi (1999), en étudiant l’appartenance des responsables des banques et ceux des PME dans les mêmes réseaux d’affaires et l’accès au crédit bancaire de ces dernières, fait connaître qu’il existe un effet positif entre l’appartenance aux mêmes réseaux d’affaires et l’accès au crédit bancaire des PME.

21 Ainsi, Kim et al. (2008), dans leurs travaux portant sur 4 554 syndicats et concernant 175 entreprises de 15 pays européens, américains et australiens pour la période 2003-2006, démontrent que la double appartenance du banquier et de l’entrepreneur à un réseau d’affaires ou à une association se caractérise par la décision d’octroi de crédit plus favorable par le banquier vis-à-vis de son client. Dans le même esprit, les travaux de Dietrich et al. (2014) portant sur 365 PME allemandes relèvent que la confiance mutuelle entre les parties contractantes a un effet négatif et significatif sur le taux d’intérêt dans le processus d’octroi de crédit bancaire. Les mêmes auteurs rappellent que les PME qui sont liées à leurs banques par les relations interpersonnelles très fortes peuvent bénéficier facilement d’un crédit bancaire et à un coût très bas grâce à la confiance interpersonnelle qui caractérise le comportement des acteurs.

22 Ferrary (1999) constate à son tour que les liens forts entre la banque et les dirigeants des PME clientes facilitent l’accès au crédit. La proximité relationnelle favorise non seulement l’accès au crédit bancaire, mais améliore aussi la gestion des moyens financiers reçus et garantit par conséquent le remboursement de ces derniers. Zeng et Zhang (2009) soulignent que les entreprises animées d’une proximité relationnelle élevée ont plus de chance d’accès au crédit bancaire à un coût réduit que celles dont la proximité est inexistante.

23 Dans une étude menée sur 120 entreprises du Kenya et du Zimbabwe, Fafchamps (2000) démontre que l’influence des réseaux d’affaires ou des associations joue un rôle capital dans la décision d’octroi de crédit bancaire. À l’aide d’un modèle Probit et sur 207 firmes industrielles kenyanes, Biggs et al. (2002) aboutissent aux résultats selon lesquels les réseaux ethniques favorisent l’accès au crédit bancaire des PME et donc la non appartenance des autres PME aux réseaux ne facilitent pas l’octroi du crédit bancaire. Aydi (2003), à travers ses résultats, montre que le fait pour un entrepreneur d’entretenir des liens étroits avec son banquier permet d’avoir un meilleur accès aux ressources financières. Cela se traduit par un raccourcissement des délais d’exécution des opérations et par plus de facilité dans l’obtention des services. Ces développements nous permettent donc de formuler notre deuxième hypothèse H2 qui est la suivante :

24

H2 : La proximité relationnelle de la PME avec une banque influence positivement et significativement l’accès au crédit bancaire.

Méthodologie

25 Dans cette section, nous présentons la méthodologie utilisée dans le cadre de la présente recherche. Il s’agit de mettre en exergue la démarche de collecte des données, le modèle d’analyse et l’opérationnalisation des variables.

Collecte des données

26 Dans le présent travail, la population est essentiellement constituée des Petites et Moyennes Entreprises camerounaises (PME) [3]. Afin de mieux cerner notre échantillonnage, nous avons circonscrit nos enquêtes dans les villes de Yaoundé et Douala. Le choix de ces villes est justifié par le fait que ce sont les plus peuplées en termes de population de PME. En effet, selon une étude récente initiée par le MINPMEESA et financée par l’Agence Japonaise de Coopération Internationale en 2009 sur 413 PME, près de 79,42 % des entreprises enregistrées sont localisées à Douala et à Yaoundé soit 58,60 % et 20,82 % respectivement. En appliquant la formule de détermination de la taille de l’échantillon noté (n) :

27 \((n=\frac{Z_{1-t /2}^2 * p(1-p)}{\varepsilon^2})\)[4]

28 Nous avons extrait un échantillon de 225 PME à enquêter.

29 La méthode du choix raisonné parmi tant d’autres (méthode des quotas, méthodes probabilistes, méthode par convenance) a été retenue pour la sélection de notre échantillon. L’administration du questionnaire, réalisée par nos propres soins auprès des responsables financiers ou comptables, s’est déroulée sur une période de quatre (04) mois (juillet-octobre 2015).

30 Le questionnaire de l’enquête a été construit de façon à mieux comprendre l’accès au crédit bancaire par le financement de proximité et s’étale sur trois (03) pages. Les grands types de questionnement sont les suivants :

  • A - Identification de l’entreprise et du répondant (Âge et forme juridique de l’entreprise, Secteur d’activité, Ville siège, Fonction du répondant).
  • B - Accès au crédit (L’entreprise bénéficie-t-elle ou pas du crédit sollicité ?).
  • C - Relation de proximité.

32 La proximité géographique (la distance qui existe entre la banque et l’entreprise) est-elle moins de 10 Km ou à plus de 10 Km ? Quel est le montant des coûts de transport lié aux transactions suite à une opération d’octroi de crédit entre l’entreprise et la banque ?

33 La proximité relationnelle : quel est le lien qui pourrait exister entre l’entreprise et les responsables de la banque ? Sollicite-t-elle le crédit, l’adhésion à une association ou réseau d’affaires avec les responsables de la banque ?

34 La durée de relation entre l’entreprise et la banque est-elle de moins de 5 ans ou à plus de 5 ans ?)

35 Le questionnaire a été testé de manière à vérifier que les questions étaient bien comprises. Le temps mis pour interviewer est comprise entre 1h30mn et 2h30mn.

36 L’interview a été réalisée face-à-face. Dans un premier temps, les PME sélectionnées ou concernées par l’étude ont reçu un courrier le 18 juin 2015 leur annonçant notre désir de les entretenir sur les questions présentées ci-dessus. Par la suite, nous avons pris RDV avec les différents responsables. À partir du 1er juillet jusqu’au 30 octobre (04 mois) 2015, huit (08) enquêteurs dont six étudiants de Master II et deux doctorants de l’université de Yaoundé II ont interviewé 225 PME. Malgré les RDV ratés, des séances de rattrapage ont été reprogrammés. Le taux de répondants est de 100 %.

Modèle d’analyse

37 Le modèle de régression logistique (encore appelé le modèle Logit) nous a permis d’effectuer le traitement des données et ceci grâce aux logiciels SPSS 17 et STATA 11. Afin de vérifier les hypothèses assignées à cette recherche les équations issues du modèle d’analyse sont les suivantes.

\[\operatorname{Pr}(y=i)=\beta X+\varepsilon\]

38 Où, : la variable dépendante qui prend les valeurs binaires ou 1

  • : Le vecteur des paramètres du modèle
  • : Le vecteur des variables explicatives
  • : Le terme d’erreur aléatoire

40 S’agissant de la première hypothèse, on a l’équation suivante :

\[\textbf { Soit } \textbf {Y}{_1}=\boldsymbol{\beta}\left(\textbf{X}_1+\textbf{X}_2+\textbf{X}_3+\textbf{X}_4+\textbf{X}_5\right)\textbf { + £} \hspace{1cm} (1)\]

41 Avec :

42 Y : Accès au crédit bancaire

43 X1 : Distance géographique

44 X2 : Coûts de transport

45 X3 : Taille

46 X4 : Age

47 X5 : Secteur d’activité

48 f(…) : fonction logistique

49 En ce qui concerne la deuxième hypothèse, on a l’équation suivante :

\[\textbf{Y}_2=\textbf{f}\left(\boldsymbol{\beta}_6 \textbf{X}_6+\boldsymbol{\beta}_7 \textbf{X}_7+\boldsymbol{\beta}_8 \textbf{X}_8+\boldsymbol{\beta}_3 \textbf{X}_3+\boldsymbol{\beta}_4 \textbf{X}_4+\boldsymbol{\beta}_5 \textbf{X}_5\right)\]

50 Avec :

51 Y : Accès au crédit bancaire

52 X6 : Relations interpersonnelles

53 X7 : appartenance aux réseaux ou associations d’affaires

54 X8 : durée de la relation banque/PME

55 X3 : taille

56 X4 : Age

57 X5 : Secteur d’activité

58 Ainsi présentés les deux modèles qui sont à la base de ce travail. Dans la suite de ce travail, il est question de passer à l’opérationnalisation des variables.

Opérationnalisation des variables de la recherche

59 La probabilité d’accès au crédit bancaire est expliquée dans cette recherche, par des variables qualitatives et quantitatives. Les lignes suivantes donnent l’explication de chacune d’elle.

  • - Variable à expliquer ou endogène ou encore dépendante (Y)

61 La variable à expliquer « Accès au crédit bancaire »: est une variable binaire prenant deux modalités (0 et 1) tel que défini dans les travaux empiriques de Zambaldi et al. (2011).

\[y= \begin{cases}1 & \text { si l'entreprise a accès au crédit bancaire } \\ 0 & \text { Sinon }\end{cases}\]
  • - Variables explicatives ou exogènes ou encore indépendantes (X)

63 Les variables exogènes du modèle empirique sont divisées en deux groupes. Le premier groupe est constitué des variables liées à la première hypothèse de la recherche et le second groupe à la deuxième hypothèse. Les variables de contrôle, quant à elles, caractérisent le fonctionnement et la gestion des PME.

  • - Variables exogènes liées à la proximité géographique

65 X1 : La distance en kilomètres qui sépare la banque de son siège social à celui de l’entreprise cliente. Cette variable est binaire et prend la valeur 1 si la PME est située à une distance inférieure à 10 km de sa banque et 0 si non. Les travaux empiriques de Berger et al. (2001), Kremp et Piot (2014) justifient le choix de cette distance.

66 X2 : Les coûts de transport sont opérationnalisés par la proportion des charges liées aux coûts de transport lors d’une opération de crédit bancaire entre la PME et sa banque (Vigneron, 2008).

  • - Les variables exogènes liées à la proximité relationnelle

68 X6 : Les relations interpersonnelles sont une variable binaire car prenant la valeur 1 si la PME entretient les liens particuliers (liens d’amitié, de camaraderie, liens culturels…) avec les hauts responsables (les cadres de la banque) de la banque auprès de laquelle elle sollicite le crédit et 0 si non.

69 X7 : L’appartenance de la PME aux réseaux ou associations d’affaires : Fukuyama (1995) et Aydi (2003) soulignent que les PME appartenant aux réseaux ou associations d’affaires avec leur banquier bénéficient facilement du crédit bancaire. Cette variable est binaire et prend la valeur 1 si la PME est membre d’au moins un réseau (ou association) d’affaire et 0 si non.

70 X8 : La durée de la relation banque/PME : Petersen et Rajan (2002) montrent à partir des données d’étude réalisée sur les PME américaines que l’accès au crédit bancaire est d’autant plus facile que la durée de la relation est longue (supérieure ou égale à cinq ans). Cette variable est binaire et prend la valeur 1 si la PME entretient une relation avec sa banque supérieure ou égale à cinq ans et 0 si non.

  • - Les variables de contrôle

72 En plus des variables relatives aux relations de proximité, s’ajoutent certaines variables de contrôle liées au fonctionnement et à la gestion des PME.

73 X3 : La taille de la PME : les travaux de Dewatripont (2014) soulignent que la taille de l’entreprise a une influence sur la décision d’octroi du crédit bancaire. Cette variable est mesurée par le Logarithme népérien de l’effectif c’est-à-dire le nombre des employés.

74 X4 : L’âge de la PME permet d’évaluer les dettes antérieures et témoigne de la capacité qu’a l’entreprise à surmonter les obstacles (Zambaldi et al., 2011), est mesurée par le Logarithme népérien du nombre total d’années depuis la création de l’entreprise.

75 X5 : Le secteur d’activité est une variable mesurée par la valeur 1 pour les activités qui relèvent du secteur des services et la valeur 0 si elles relèvent du secteur industriel.

76 Après avoir déroulé toute la méthodologie, nous nous intéressons à présent aux résultats.

Résultats et discussions

77 Dans cette section, nous présentons les résultats et la discussion.

Résultats

78 Nous voulons, ici, mettre en évidence les facteurs susceptibles de favoriser l’accès au crédit bancaire dans le contexte des PME camerounaises.

Proximité géographique : un facteur déterminant à l’accès au crédit bancaire de la PME camerounaise

79 À partir d’une régression logistique binaire, nous avons obtenu les résultats présentés dans le tableau 1.

Tableau 1

Résultats des estimations de l’accès au crédit bancaire et proximité géographique

Résultats des estimations de l’accès au crédit bancaire et proximité géographique

* (**) /***/indiquent respectivement la significativité à 10% ; 5% ; 1%.

80 À partir des résultats du tableau 1, nous constatons que le modèle spécifié est globalement significatif au seuil de 5 % car le LR (Log Likelihood ou rapport de vraisemblance) a une valeur empirique de 20,77>18,471 (valeur théorique de Khi-deux). De ce fait, il existe au moins une variable dans le modèle qui a un pouvoir explicatif non négligeable sur la decision d’octroi du crédit bancaire aux PME dans le cas du Cameroun.

81 La variable X1 est significative au seuil de 5 % car le odds ratio [5] montre que les PME situées à plus de 10 km voient leur chance d’accès au crédit réduite de 14,14 % par rapport à leurs homologues qui sont situées entre 0 et 10 km (85,86 % de chance). De même, nous constatons qu’une augmentation de 1 % des PME situées à plus de 10 km entraîne une baisse de 45,31 % de chance des PME situées à plus de 10 km d’accéder au crédit bancaire. S’agissant de la variable X2, elle est significative au seuil 10 % car le Odds ratio indique que les PME qui supportent plus de 50 % de charges liées aux coûts de transport ont 63,41 % de chance d’obtenir le crédit bancaire par rapport à celles qui supportent moins de 50 % de charges. De même, une augmentation de 10 % des PME qui supportent plus de 50 % de charges liées aux coûts de transport entraine une baisse de 11,22 % de chance des PME qui supportent moins de 50 % de charges d’obtenir le crédit bancaire.

82 Les résultats obtenus dans le Modèle1 montrent qu’il existe une relation significative entre la taille des PME échantillonnées et l’accès au crédit bancaire. Au seuil de 10 %, le Odds ratio montre que des PME ayant 20 à 49 employés et 50 à 100 employés ont respectivement 63,87 % et 64,31 % de chance d’obtenir un crédit bancaire par rapport à celles qui emploient moins de 20 personnes. Ce qui montre qu’une entreprise qui a un grand nombre d’employés a une probabilité plus élevée d’obtenir un crédit bancaire que celle dont l’effectif est réduit. Ce résultat rejoint celui de l’étude empirique menée par Sall (2002) et Vazquez et Federico (2015).

83 Pour ce qui est de l’âge, il n’est pas significatif dans le cas de notre recherche. Par ailleurs, comparé aux grandes entreprises qui connaissent moins d’obstacles pour obtenir un crédit bancaire, les relations de proximité, en particulier géographique permettent donc aux PME camerounaises d’accéder avec moins de difficultés au crédit bancaire et par conséquent participer avec plus d’efficacité à l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Concernant la variable secteur d’activité, nous remarquons qu’elle est significative au seuil de 10% car le Odds ratio montre que les PME exerçant dans le secteur commerce/services ont 14,40 % de chance d’obtenir le crédit bancaire par rapport à celles qui exercent dans le secteur industriel. Cependant, une augmentation de 1 % des PME exerçant dans le secteur commerce/services entraîne une baisse de 43,37 % de chance des PME évoluant dans le secteur industriel d’obtenir un crédit bancaire. Dans le cadre de cette étude, cela peut être justifié par le fait que la plupart des PME interrogées évoluant dans le secteur industriel ont bénéficié, en majorité, du crédit bancaire et représentent une taille comprise entre 50 et 100 employés. Ce résultat voudrait dire que les PME industrielles au Cameroun sont celles qui bénéficient en majorité du crédit bancaire quel que soit l’échéance.

Proximité relationnelle : un déterminant favorable à l’accès au crédit bancaire de la PME camerounaise

84 À partir d’une régression logistique, nous avons obtenu les résultats présentés dans le tableau 2 ci-dessous.

Tableau 2

Résultats des estimations de l’accès au crédit et proximité relationnelle

Résultats des estimations de l’accès au crédit et proximité relationnelle

85 Les résultats du tableau 2 indiquent que le modèle spécifié est globalement significatif à 1 %, 5 % et 10 % dans la mesure où le LR (Log Likelihood ou rapport de vraisemblance) a une valeur empirique de 36,61>20,00 (valeur théorique de Khi-deux). Précisément, il existe au moins une variable dans le modèle qui a un pouvoir explicatif non négligeable sur la decision d’octroi du crédit bancaire aux PME dans le cas du Cameroun.

86 S’agissant de la variable X6 (relations interpersonnelles), cette dernière est significative au seuil de 5 % car le Odds ratio montre que les PME n’ayant pas de relations interpersonnelles avec les responsables de leur banque ont 44,96 % de chance de ne pas obtenir un crédit bancaire par rapport à leurs homologues qui entretiennent de telles relations. Les résultats nous montrent qu’une augmentation de 1 % des PME n’ayant pas de relations interpersonnelles avec les responsables de leur banque entraîne une hausse de 67,05 % de chances pour les PME d’accéder au crédit bancaire. Ce résultat, dans le cas du Cameroun, rejoint celui de Lehmann et Neuberger (2001) qui concluent que les relations interpersonnelles entre le banquier et son client influencent positivement et significativement la décision d’octroi de crédit bancaire en faveur du client.

87 Pour ce qui est de la variable X7 (appartenance aux réseaux ou associations d’affaires), les résultats signalent qu’elle est significative au seuil de 10 % car le Odds ratio montre que les PME n’appartenant pas à un réseau ou à une association d’affaires avec les responsables de leur banque ont moins de chance d’obtenir un crédit bancaire par rapport à celles qui adhèrent dans ce type de réseau ou association. S’agissant de la variable X8 (durée de la relation banque/PME), les résultats montrent qu’elle est significative au seuil de 5 %, car Odds ratio montre que les PME ayant une relation supérieure à 5 ans avec leur banque ont 72,12 % de chance d’obtenir un crédit bancaire que celles donc la durée de la relation avec leur banque est inférieure à 5 ans. Ce résultat corrobore ceux de Petersen et Rajan (2002).

88 La variable X4 (âge de l’entreprise), comparativement au premier modèle, n’est pas significative dans le cas de cette étude en ce qui concerne le deuxième modèle. Dans la même veine, contrairement aux résultats du modèle 1, la variable X5 (secteur d’activité) n’est pas significative dans modèle 2.

Discussion

89 Globalement, les résultats obtenus, sont cohérents avec les postulats de la théorie des réseaux, et révèlent une distance par rapport aux liens forts [6]. L’accès au financement a été capté à travers la proximité géographique. À cet effet, Cerquiero et al. (2009) soulignent que les coûts de transport sont définis comme les efforts, le temps et les frais engagés par un emprunteur qui sollicite interagir avec un prêteur potentiel. Chiappori et al. (1995) en analysent les conséquences. Leur modèle indique que dans un contexte relationnel, les banques optent pour une tarification uniforme. Elles ne diminuent pas leurs prix de manière à internaliser les coûts de transport de leurs clients. La justification est que si les banques connaissent l’adresse des candidats sollicitant le financement bancaire les mêmes banques peuvent s’engager dans une politique de discrimination spatiale basée sur leurs monopoles locaux. Dans un contexte marqué par la réticence forte au financement de PME, la proximité est à la fois une source d’opportunité et de contrainte pour les PME.

90 En effet, plus le client est proche, plus le coût d’opportunité de la recherche d’un prêteur concurrent est important. Cela permet donc à la banque du voisinage d’augmenter le taux d’intérêt des crédits accordés d’un montant équivalent sans craindre qu’une offre concurrente soit préférée. Il en résulte à la fois un alignement des prix et un profit de situation pour les banques dans leur sphère de proximité. Sussman et Zeira (1995) formalisent de leur côté les coûts de transport dans le cadre des activités de sélection et de contrôle des emprunteurs réalisés par les banques. Ils construisent leur analyse autour de la notion de coûts de vérification des résultats.

91 De plus, la tontine qui renvoie implicitement à la proximité comme opportunité, semble ne plus être une alternative favorable au financement de PME en contexte camerounais. Elle relève de l’illusion financière dans la mesure où, le coût d’emprunt est plus élevé dans la tontine que dans les banques et surtout, dans la microfinance qui exerce a priori dans le social. L’évolution de la tontine a conduit à une catégorisation d’acteurs, en ce sens que c’est le niveau d’activité, voire la taille de la PME qui conditionne l’accès au crédit. L’accès au financement dans cette association est certes aisé, mais nécessite une certaine caution sociale et économique ; par exemple, être propriétaire d’un immeuble bâti.

92 De cette manière, la proximité géographique caractérisée par la distance banque/PME est fortement significative ce qui confirme la première hypothèse (H1) de cette étude à savoir : Plus la PME est géographiquement proche de sa banque, plus elle a accès au crédit bancaire au Cameroun. Cette conclusion rejoint les travaux de Berger et al. (2001), qui relèvent que les chances d’accorder le crédit bancaire à une entreprise, en particulier une PME, sont grandes lorsque celle-ci est plus proche de sa banque. Nos résultats sur la proximité relationnelle prolongent l’ensemble des travaux menés sur la notion de proximité organisationnelle, notamment ceux de Rallet et Torre (2004). Cela étant, il peut y avoir des aspects négatifs à la proximité relationnelle dont certains ont été mis en évidence par Torre et Caron (2005). Ici, nous pouvons supposer qu’une trop forte proximité relationnelle cache des relations de collusion ou de corruption. Il serait intéressant de développer ces aspects dans d’autres travaux de recherche.

93 De même, une augmentation de 1 % des PME n’appartenant pas à ce genre de réseau ou association entraine une hausse de 24,18 % de chance des PME membres de tels réseaux et associations d’affaires d’accéder au crédit bancaire. Ce résultat rejoint ceux de Santos et Elliott (2014), Kim et al. (2008) qui soulignent que l’appartenance aux réseaux d’affaires facilite l’accès au crédit bancaire, et que les PME appartenant aux associations et réseaux d’affaires bénéficient du crédit bancaire de manière significative plus que celles qui n’en font pas partie.

94 L’appartenance aux réseaux d’affaires des responsables de PME offre à ceux de leur banque des garanties plus importantes, mais exerce également un mécanisme d’auto surveillance sur chaque membre du réseau ou association, puis permet d’accroître la confiance entre la PME et sa banque. Par ailleurs, il faut noter que les réseaux dans lesquels les PME camerounaises adhèrent restent encore peu structurés et demandent d’être repensés et encadrés pour servir de véritables réseaux d’affaires pouvant faciliter l’octroi de crédit bancaire aux PME.

95 Petersen et Rajan (2002), ayant effectué des travaux sur un échantillon de 2650 PME américaines, prouvent que l’accès au crédit bancaire est d’autant plus facile lorsque la durée de la relation banque/entreprise est longue (c’est à dire à plus de 5 ans). Ainsi, la proximité relationnelle caractérisée par les relations interpersonnelles, l’appartenance au réseau ou association d’affaires et la durée de la relation entre la PME et sa banque, influence positivement et significativement l’accès au crédit bancaire. Ce résultat nous permet de confirmer la deuxième hypothèse (H2) de cette étude à savoir : La proximité relationnelle de la PME avec une banque influence positivement et significativement l’accès au crédit bancaire. Cette conclusion rejoint les travaux de Lehmann et Neuberger (2001) Petersen et Rajan (2002), Kim et al. (2008).

96 Les résultats obtenus dans le Modèle 1 montrent qu’il existe une relation significative entre la taille des PME échantillonnées au Cameroun et l’accès au crédit bancaire au seuil de 10 %, ce qui est également confirmé dans le modèle 2. Le Odds ratio indique que les PME ayant respectivement 20 à 49 employés et 50 à 100 employés ont respectivement 10,09 % et 62,31 % de chance d’obtenir un crédit bancaire par rapport à celles qui emploient moins 20 personnes. Les mêmes résultats montrent qu’une augmentation de 1 % des PME ayant respectivement 20 à 49 personnes et 50 à 100 personnes entraine respectivement une baisse de 43,18 % et 42,20 % de chance des PME ayant moins de 20 personnes d’obtenir le crédit bancaire.

Conclusion

97 L’objectif de cet article était de vérifier empiriquement l’assertion selon laquelle les relations de proximité de nature géographique et relationnelle contribuent à faciliter l’octroi des crédits bancaires aux PME. Les tests empiriques ont été effectués à partir d’un échantillon de 225 PME camerounaises localisées plus précisément dans les villes de Douala et Yaoundé. Les résultats du modèle logistique binaire d’accès au crédit bancaire montrent que les proximités géographie et relationnelle augmentent significativement les chances des PME camerounaises à la probabilité d’accès au crédit bancaire.

98 De manière générale, la significativité des relations de proximité de nature géographique et relationnelle sur l’accès au crédit bancaire passe par la réduction des asymétries d’informations et des coûts de transactions de la PME aux yeux de ses banquiers. Comparativement aux grandes entreprises, qui connaissent moins d’obstacles pour obtenir un crédit bancaire, les relations de proximité comme dans certains pays tels que les États-Unis, l’Allemagne, le Brésil, peuvent permettre aux PME camerounaises d’accéder avec moins de difficultés au crédit bancaire et, par conséquent, participer avec plus d’efficacité à l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035.

99 Les résultats des différentes estimations d’accès au crédit bancaire permettent de questionner les prédictions théoriques sur le rôle des relations de proximité, qu’elles soient géographique ou relationnelle comme facteur de fluidité du marché bancaire au Cameroun, mais également comme un moyen de réduction des coûts de transactions dans la relation banque/PME. Cette recherche constitue un input important pour une réflexion sur la mise en place et l’application des réformes institutionnelles adaptées pour un meilleur développement de l’entrepreneuriat, source de création des richesses et de croissance économique.

100 La littérature actuelle peine à établir de façon claire et robuste, le lien entre l’accès au crédit et le réseau des liens faibles appréhendés en termes d’économie de proximité, et des coûts des transactions dans un contexte marqué par la surliquidité structurelle. La présente étude illustre ainsi la nécessité, dans les contextes de financement, d’aborder la facilité d’accès au crédit non seulement dans sa globalité, mais surtout en analysant ses différentes composantes. Cette recherche montre également que la nature des relations et la confiance qui existent entre le banquier et la PME peut affecter les conditions d’emprunt. Le banquier octroie le crédit non pas pour satisfaire un ami emprunteur, mais parce que ce lien amical lui a permis d’obtenir suffisamment d’informations pour lever le risque d’aléa moral que représente tout emprunteur (Ferrary, 2003). En fait, il est légitime de penser que l’évaluation du risque ne dépend pas uniquement d’une évaluation instrumentale ; mais dépend aussi de la qualité des relations sociales qu’entretiennent les entrepreneurs avec leur banquier. Ainsi, les liens sociaux (interactions sociales : liens d’amitié, de camaraderie, liens culturels, etc.) permettent de prévoir les difficultés qu’un dirigeant d’entreprise peut rencontrer et de les résoudre. Les interactions sociales sont à l’origine d’un échange d’informations soft qui améliorent la transparence et la communication.

101 Quant aux apports managériaux, les résultats soulignent que la complexité de l’accès au crédit n’est pas essentiellement fondée sur la recherche de la rationalité en termes d’évaluation des risques, ils reposent plus globalement sur un processus décisionnel complexe. En effet, l’accès au financement peut être influencé d’une part, par le capital relationnel du promoteur de PME ; d’autre part, comme le souligne Plane (2014), par la construction des termes d’un management de la confiance pour éviter qu’a priori le secteur bancaire ne retienne pas les propositions de l’entreprise (Plane, 2014).

102 Au-delà des modestes contributions de cette étude, il est évident de reconnaître qu’elle souffre d’un certain nombre de limites liées à la construction méthodologique. Nous pouvons, tout d’abord, indexer la constitution de l’échantillon et la taille. La localisation des entreprises a été restreinte à deux métropoles : Douala et Yaoundé. Pourtant, la prise en compte des autres régions du pays aurait permis de déceler des comportements atypiques des PME en matière de relation de crédit. La faible taille de notre échantillon (225 observations) pourrait nuire à la robustesse des résultats si nous la comparons avec ceux de Petersen et Rajan (2002), Uzzi (1999) 1 500 et 2 300 observations. Nous pouvons également ajouter comme limite la mesure de l’accès au crédit.

103 Malgré la création d’une banque des PME par le gouvernement camerounais, les autorités devraient favoriser les relations de sous-traitance et de partenariat dans le but de créer un capital social. En effet, ce dernier peut permettre aux PME de mobiliser l’ensemble de leurs ressources actuelles ou potentielles liées à un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées pour accéder au financement bancaire.

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Mots-clés éditeurs : proximité géographique, financement bancaire, PME, proximité relationnelle, asymétrie d’information

Date de mise en ligne : 02/10/2023

https://doi.org/10.3917/mss.025.0130

Notes

  • [1]
    Micro Small and Medium Enterprises Database, SFI: http://rru.Worldbank.org/Document/Other/MSMEdatabase/msme_database.htm.
  • [2]
    Une banque est qualifiée de banque décentralisée lorsque la décision d’octroi ou non du crédit bancaire à un client est prise par le chargé de la clientèle et non par la direction générale.
  • [3]
    La définition officielle de la PME au Cameroun découle de la loi N°2015/010 du 16 juillet 2015, modifiant et complétant la loi n°2010/001 du 13 avril 2010, portant promotion des Petites et Moyennes Entreprises (PME). Ce texte propose des critères permettant de classer les entreprises dans les catégories «Très Petite Entreprise»(TPE), «Petite Entreprise» (PE), «Moyenne Entreprise»(ME). Selon ces critères, rentrent dans la catégorie PME, les entreprises ayant un effectif permanent inférieur ou égal à 100 individus et dont le chiffre d’affaires n’excède pas trois milliards de FCFA.
  • [4]
    n représente la taille de l’échantillon à calculer \(\textbf{Z }1-t \;/\; 2\) est le fractile d’ordre \(1-t \;/\; 2\) de la loi normale centrée réduite, la proportion p est le pourcentage estimé de la population qui présente le caractère ou le phénomène étudié dans la population (cette proportion est assimilée à 50% lorsque l’on n’en a aucune connaissance).
  • [5]
    Le Odds ratio quantifie le nombre la probabilité pour une PME donnée d’accéder au crédit bancaire, il est interprété de la manière suivante : Si la valeur du Odds ratio est supérieure à 1, il exprime « plus de chance » et « Moins de chance » pour une valeur inférieure à 1.
  • [6]
    Selon Granovetter (2000), la force d’un lien est une combinaison (probablement linéaire) de la quantité de temps, de l’intensité émotionnelle, de l’intimité (la confiance mutuelle) et des services réciproques qui caractérisent ce lien.

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