Notes
-
[1]
Audrey CHARBONNIER-VOIRIN : Enseignant-Chercheur en GRH, Inseec Business School - acharbonnier@inseec.com
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[2]
Laura MARRET : RH Généraliste, L’Oréal LaSCAD et IGS-RH - laura.marret@gmail.com
-
[3]
Carolina PAULO : Contrôleur de gestion sociale, BNP Paribas Real Estate - carolina.pintopaulo@gmail.com
-
[4]
StepStone (2011), « Enquête sur la communication de la marque employeur » en ligne menée auprès de 5 929 personnes en recherche d’emploi et 823 sociétés dans huit pays européens.
StepStone (2013), « Enquête sur le recrutement par les réseaux sociaux en Europe » (http://tinyurl.com/lqvoxj6).
Adecco (2014), « Social Recruiting : A global Study » auprès de 17 272 candidats et 1 501 recruteurs de 24 pays (http://tinyurl.com/lqydose).
Manpower (2014), Infographie « Digitalisation du recrutement : les candidats attendant avant tout… de l’expertise » réalisée à partir de 200 entretiens de candidats (http://www.manpowergroup.fr/digitalisation-recrutement/).
Cegos (2014), Baromètre « Usages et impact du digital et des réseaux sociaux dans l’entreprise » (http://tinyurl.com/kv6ayde). -
[5]
Voir par exemple les interviews récentes de Didier Baichère, Vice-President Human Resources France d’AKKA Technologies (http://tinyurl.com/mxl87qb) ; David Rivel et Alon Laniado, cofondateurs de la société PathMotion (http://tinyurl.com/k6wras4) ou Didier Pitelet, fondateur de Moon’s Factory (http://tinyurl.com/mbl6su9).
1La guerre des talents qui sévit dans de nombreux secteurs d’activité et la prise de conscience des employeurs de la nécessité d’attirer des profils en phase avec la culture de leur organisation les ont conduits à engager un travail de fond sur le développement et la communication de leur marque employeur.
2La marque employeur représente l’ensemble des avantages communiqués par une organisation afin d’en faire un lieu de travail attractif, de référence. Dans cette perspective, les entreprises ont investi différents outils pour communiquer sur ces avantages et attirer de potentiels candidats. En plus des outils traditionnellement utilisés (site Internet de l’entreprise, job-boards ou forums entreprises par exemple), un nombre croissant d’organisations mobilise désormais les médias sociaux tels que LinkedIn, Viadeo, Facebook ou Twitter dans leur politique d’attraction et de recrutement (Fallery, Girard et Rodhain, 2011) et réfléchit à la création ou à la formalisation d’un réseau d’ambassadeurs (Charbonnier-Voirin et Vignolles, 2015).
3Si plusieurs études s’intéressent à la capacité de la marque employeur à attirer des candidats qualifiés sur le long terme (Cable et Turban, 2001 ; Collins et Steven, 2002 ; Kapoor, 2010 ; Roy, 2008), très peu ont cherché à comprendre comment les candidats recherchent et perçoivent les informations liées à un potentiel employeur et surtout, quelles conséquences ont ces perceptions dans le processus de candidature, à l’heure où le numérique facilite l’accès à une multitude de sources d’informations, formelles ou informelles, sur un employeur potentiel.
4Plusieurs enquêtes professionnelles récentes menées par des acteurs du recrutement (StepStone, Adecco, Manpower, Cegos, Apec, LinkedIn… [4]) tendent à montrer que les réseaux sociaux numériques sont de plus en plus fortement utilisés par les employeurs et les candidats pour rechercher des informations sur l’entreprise et sur le poste. Selon les professionnels des ressources humaines [5], les réseaux sociaux sembleraient être utilisés par les candidats pour rechercher de « l’authenticité et des preuves » et participeraient ainsi à la recherche d’une plus grande transparence et sincérité dans les informations diffusées par les entreprises dans leur rôle d’employeur. Mais à notre connaissance, aucune recherche ne s’est récemment intéressée au processus de recherche d’informations des candidats dans un contexte marqué par la multiplication des sources d’informations disponibles sur un employeur et dans lequel l’acte de candidature a grandement évolué.
5Comme le notent Cable et Turban (2001), nous en savons peu sur le rôle du candidat dans le processus de recherche et d’interprétation des informations concernant un employeur. Si des études ont examiné le contenu de l’information (Wanous, 1992), la crédibilité des sources d’informations (Allen, Van Scotter et Otondo, 2004), l’impact des attitudes et comportements du recruteur sur les perceptions des candidats (Rynes, 1991), en revanche, les recherches menées sur les médias utilisés, le processus de recherche et de sélection des informations par les candidats et l’impact de la perception de ces informations sur leurs attitudes et comportements sont rares et parfois « anciennes » (Allen et al., 2004). Des questionnements subsistent : quelle est la stratégie de recherche d’informations des candidats sur un potentiel employeur en particulier quant aux avantages à travailler pour une organisation ? Comment perçoivent-ils la marque employeur communiquée sur différents supports et à différentes étapes du processus ? Quelles conséquences ont ces perceptions sur leurs attitudes et leurs comportements à l’égard d’un potentiel employeur, notamment sur leur décision de candidater ? Quand, comment et pourquoi les candidats seraient-ils positivement ou négativement influencés ?
6Cet article a pour objectif d’apporter des éléments de réponse au travers d’une étude qualitative menée auprès de 20 personnes à la recherche d’un nouvel emploi. Ce faisant, il propose de mieux comprendre comment les candidats se renseignent sur un potentiel employeur, quelle crédibilité ils accordent aux informations diffusées par différentes sources et ce qui peut les inciter à candidater ou au contraire à ne pas poursuivre le processus.
7Il est important de savoir comment les candidats recherchent, interprètent et utilisent les informations trouvées sur un potentiel employeur. Ces éléments sont essentiels pour permettre aux organisations d’améliorer la stratégie de communication de leur marque employeur et rendre plus efficace leur processus de recrutement et l’expérience vécue par les candidats.
8Après avoir défini le concept de marque employeur et présenté les enjeux du développement d’une marque employeur cohérente et transparente, les apports de la littérature inhérents au processus de recherche d’informations des candidats seront présentés et synthétisés par la formulation de propositions de recherche. La seconde partie présentera les résultats de l’étude qualitative menée auprès de 20 candidats, de manière à mieux comprendre leur stratégie de recherche d’informations dans un contexte où ils peuvent mobiliser de nombreuses sources, formelles comme informelles. L’objectif sera de mieux cerner comment ces informations conditionnent leurs attitudes et comportements à l’égard de l’employeur pour la suite du processus. La conclusion présentera les contributions théoriques et managériales de l’étude, ses limites et proposera des pistes de recherches futures.
1 – La recherche d’informations par les candidats sur la marque employeur des organisations : les enjeux d’une marque employeur cohérente et transparente
9Après avoir défini le concept de marque employeur, la partie théorique s’attachera à synthétiser les apports de la littérature sur la recherche d’informations par les candidats à propos d’un potentiel employeur puis les enjeux inhérents au développement d’une marque employeur perçue comme cohérente et transparente pour les personnes à la recherche d’un emploi.
1.1 – La marque employeur : définition et contenu
10La marque employeur est définie comme « l’ensemble des avantages fonctionnels, économiques et psychologiques fourni par l’employeur et identifié par l’employé. » (Ambler et Barrow, 1996). La marque employeur est envisagée comme une proposition de valeur et une « promesse d’emploi unique » à destination des salariés actuels et potentiels (Ewing et al., 2002 ; Franca et Pahor, 2012 ; Soulez et Guillot-Soulez, 2011). Elle inclut les attributs réels du travail et de l’organisation perçus par les collaborateurs (marque employeur interne) et par les candidats (marque employeur externe). Si le nombre de ces avantages varie selon les études (3 dimensions théoriques pour Ambler et Barrow, 1996 ; 5 facteurs pour Berthon et ses collègues, 2005 ; 10 attributs pour Collins et Steven, 2002 ; 20 pour Knox et Freeman, 2006…), des recoupements peuvent être réalisés concernant les attributs de la marque employeur énoncés par la littérature, liés à l’intérêt du travail (missions, degré d’autonomie, créativité), aux opportunités de développement et de carrière, à l’environnement professionnel notamment l’ambiance de travail et aux avantages économiques (salaire, promotion, sécurité de l’emploi). En fonction des organisations, la localisation ou l’équilibre vie privée/vie professionnelle peuvent constituer des avantages sur lesquels les entreprises communiquent. Rappelons que l’objectif de la marque employeur est de promouvoir une promesse d’emploi unique, distincte de ses concurrents (Charbonnier-Voirin et Vignolles, 2015).
11Ce faisant, la marque employeur favoriserait l’attractivité de l’entreprise (Cable et Turban, 2001 ; Collins et Steven, 2002 ; Knox et Freeman, 2006) et la qualité des candidatures (Kapoor, 2010 ; Roy, 2008). Elle augmenterait les chances d’acquérir un personnel compétent en phase avec ses valeurs (Backhaus et Tikoo, 2004). Cable et Turban (2001) rappellent l’importance de la marque employeur pour les personnes à la recherche d’un emploi car ceux-ci développent des croyances sur leurs employeurs potentiels qui constituent la base de leur décision de candidater à une offre. Les auteurs mettent en avant le fait qu’une entreprise développant une marque employeur forte sera préférée par les candidats. Une marque employeur forte nécessite d’une part une communication efficace de sa stratégie en interne comme en externe (Sutherland, Torricelli et Karg, 2002). D’autre part, elle requiert une cohérence entre ce que l’organisation est (sa culture, ses valeurs, sa structure, sa politique RH) et les messages externes qu’elle souhaite véhiculer, sans quoi la marque employeur s’avérerait préjudiciable (Charbonnier-Voirin et al., 2013 ; Mark et Toelken, 2009 ; Soulez et Guillot-Soulez, 2011). Plusieurs auteurs mettent en avant le fait que la marque employeur crée des attentes chez les candidats vis-à-vis de l’organisation (Backhaus et Tikoo, 2004 ; Ewing et al., 2002) et contribue ainsi à la formation d’un contrat psychologique avant même le recrutement (Backhaus et Tikoo, 2004). La construction et la communication d’une marque employeur « identifiable et unique » connaît ainsi un réel enjeu de cohérence et de transparence, qui s’est substitué à une communication digitale concentrée sur des valeurs de modernité puis de responsabilité sociale (Hennequin, 2013).
1.2 – La recherche d’informations à propos d’un employeur potentiel
12Selon l’enquête menée par StepStone en 2011 sur la communication de la marque employeur, 95 % des personnes en recherche d’emploi effectueraient des recherches sur un potentiel employeur avant de postuler. Si les pourcentages varient selon les enquêtes menées par les acteurs du recrutement (en fonction des caractéristiques et de l’origine géographique des répondants), plusieurs d’entre elles montrent que les candidats utiliseraient comme première source d’informations le site Internet de l’entreprise (plus de 80 %), suivi par les moteurs de recherche (Google notamment), les réseaux personnels (entre 40 et 70 %) et les réseaux sociaux numériques (Facebook, Twitter, LinkedIn et/ou Viadéo : 20 à 55 % des répondants, les plus forts pourcentages étant associés aux populations cadres) (Enquêtes Manpower, 2014 ; StepStone, 2011 et 2013 ; Adecco, 2014 ; APEC 2012). Selon les rapports StepStone 2013 et Adecco 2014, les personnes à la recherche d’un poste utiliseraient ces réseaux avant tout pour chercher des offres d’emploi et collecter des informations concernant des employeurs potentiels. Ils représenteraient une plateforme facile d’accès et économique pour connecter les individus et les organisations, créer du lien et permettre aux candidats d’être informés des opportunités et des actualités de l’entreprise (Humera et Aftab, 2016).
13Selon Allen et ses collègues (2004), les médias utilisés influencent la crédibilité perçue des messages diffusés par l’entreprise au travers de la quantité et du type d’informations disponibles pour les candidats. Cette crédibilité serait également dépendante des degrés d’expertise et de fiabilité perçus de la source (Ilgen, Fisher et Taylor, 1979). Les médias « riches », capables de transmettre une variété d’informations en termes de contenu et de matériaux (données textuelles, visuelles et iconiques, écrites, orales…) seraient plus crédibles et persuasifs pour deux raisons. Ils permettraient en premier lieu aux candidats de vérifier l’exactitude des informations et de résoudre les ambiguïtés potentielles (Allen et al., 2004). Les médias riches seraient également capables de créer un état affectif plus positif chez le candidat, qui percevrait une plus forte présence sociale, qui correspond à la capacité du média de restituer les caractéristiques d’une communication interpersonnelle en face à face (Lombard et Ditton, 1997). Le candidat aurait aussi dans ce cas l’impression de recevoir une information plus individualisée (focus personnel plus élevé ; Allen et al., 2004). À ce titre, des recherches ont montré que les informations obtenues sur l’employeur au travers d’un échange direct (avec le recruteur, les salariés) sont jugées plus crédibles et persuasives que celles obtenues au travers d’un média d’informations (Fazio et Zanna, 1981 ; Popovich et Wanous, 1982).
14Ces arguments nous conduisent à formuler les propositions selon lesquelles :
- P1 : Les personnes à la recherche d’un emploi vont croiser différentes sources d’informations pour évaluer la crédibilité de la marque employeur d’une organisation avant de postuler.
- P2 : Les sources d’informations sur la marque employeur riches et directes sont perçues comme les plus crédibles.
15La multiplication des sources d’informations devrait ainsi conduire les organisations à être plus cohérentes et transparentes auprès des candidats dans la communication de leur marque employeur.
1.3 – La cohérence et la transparence au service de la marque employeur
16Le succès de la marque employeur réside dans la cohérence entre les discours de l’employeur et ses actes, sans quoi elle aurait l’effet inverse escompté et deviendrait toxique, engendrant notamment le départ des nouvelles recrues (Mark et Toelken, 2009). L’étude menée par Charbonnier-Voirin et ses collègues (2013) montre à ce titre qu’un écart négatif entre la perception de la marque employeur avant et après le recrutement est associé à des déceptions, voire à la rupture du contrat psychologique et influence significativement l’intention de quitter l’entreprise et la désimplication des collaborateurs.
17Le processus de recrutement constitue potentiellement le début de la relation d’emploi (Cable et Turban, 2001 ; Boudreau et Rynes, 1985) et la crédibilité perçue des informations concernant l’employeur à ce stade semble essentielle pour la suite, notamment dans le choix de poursuivre le processus. L’attitude à l’égard de l’employeur en amont du processus détermine les attitudes et comportements ultérieurs du candidat (Allen et al., 2004). Les personnes à la recherche d’un emploi sont en quête de vérité et de transparence sur leur futur employeur (Roth et Roth, 2005 ; enquête StepStone 2011). L’enjeu consiste par conséquent pour une organisation à afficher une réelle cohérence entre la marque employeur interne et la marque employeur externe d’une part et à faire preuve de sincérité sur l’emploi à pourvoir et les conditions de travail. Il semble à cet égard impératif que les messages véhiculés par la marque employeur se concentrent sur ce que sont réellement les avantages à travailler pour l’organisation.
18Ces arguments nous conduisent à formuler les propositions suivantes :
- P3 : Une marque employeur perçue comme cohérente et transparente sur différentes sources engendre une attitude positive du candidat à l’égard de l’employeur, qui agira positivement sur l’intention de candidater et la suite du processus.
- P4 : Des incohérences et/ou la difficulté à trouver des informations sur un potentiel employeur induiront des attitudes et des comportements négatifs chez les candidats à son égard.
19Selon Thorsteinson et ses collègues (2004), adopter un discours trop idéaliste est en tout état de cause préjudiciable pour les organisations. Les chercheurs ont à ce titre déjà montré que l’utilisation de descriptions réalistes des emplois (Realistic Job Preview ; Popovich et Wanous, 1982) est la plus efficace dans la décision de postuler et pour la satisfaction et la fidélisation ultérieures des collaborateurs. Cette approche, tournée vers l’ouverture, l’honnêteté et la franchise à toutes les étapes du recrutement (Roth et Roth, 1995) vise à communiquer les aspects attractifs comme moins attractifs d’un poste. Des études ont montré que les sources internes sont perçues comme étant plus dignes de confiance lorsqu’elles donnent un message équilibré d’informations positives et négatives (Jacoby et al., 1992 ; Cable et Turban, 2001).
- P5 : Une marque employeur mettant en avant des aspects positifs et moins positifs de l’organisation et du travail sera perçue comme la plus cohérente et la plus transparente. Elle engendrera des attitudes positives chez les candidats à l’égard d’un potentiel employeur.
20Au travers de ces propositions, il s’agit de mieux comprendre la manière dont procèdent les candidats lorsqu’ils se renseignent sur un potentiel employeur et ce qui peut favoriser, ou au contraire être préjudiciable, à leur attitude à l’égard de l’employeur et à leur intention de poursuivre le processus. Afin d’apporter des éléments de réponse, une étude qualitative a été réalisée auprès d’un échantillon de 20 répondants.
2 – Étude empirique : la recherche d’informations sur la marque employeur par les candidats et leurs conséquences sur leurs attitudes et comportements à l’égard de l’employeur
21Dans cette partie seront exposées la méthodologie employée ainsi que les caractéristiques des personnes interrogées. Dans un second temps, les réponses obtenues seront analysées.
2.1 – L’étude qualitative réalisée auprès de 20 candidats
22La méthodologie utilisée repose sur une démarche qualitative et des entretiens semi-directifs. À cette fin, un guide d’entretien a été créé. Les questions sont exposées ci-dessous, dans le Tableau 1.
Guide d’entretien
Guide d’entretien
23Les entretiens ont été retranscrits puis une grille d’analyse a été générée afin d’identifier les thèmes et les sous-thèmes communs et transversaux à l’ensemble des entretiens. Une procédure de double codage a été réalisée (Miles et Huberman, 1991).
2.2 – Présentation des caractéristiques de l’échantillon
24Les répondants ont entre 22 et 57 ans. Afin d’obtenir une plus grande diversité de réponses et d’avoir des points de vue variés, les personnes interrogées sont issues de formations, de niveaux d’étude, de postes et de domaines d’activité différents. Néanmoins, les enquêtes professionnelles ayant tendance à montrer que les populations cadres sont les plus utilisatrices des médias sociaux dans leur recherche d’un nouvel emploi, nous avons privilégié cette cible pour notre étude. Les caractéristiques des répondants sont précisées dans le Tableau 2.
Présentation des répondants de l’étude qualitative
Présentation des répondants de l’étude qualitative
2.3 – Les résultats obtenus grâce à l’étude qualitative
25Après avoir présenté le processus de recherche d’informations sur un potentiel employeur, les perceptions des messages communiqués par différentes sources seront analysées. Dans un dernier temps seront développées les conséquences de ces différentes perceptions sur les attitudes et les comportements des candidats à l’égard d’un potentiel employeur.
2.3.1 – Le processus de recherche d’informations sur un employeur potentiel : sources consultées et principales raisons de leur utilisation
26Conformément aux résultats d’enquêtes professionnelles récentes (voir par exemple StepStone 2013 ou Adecco 2014), la présente étude montre que les personnes consultent systématiquement en premier lieu le site Internet de l’entreprise lors de leur recherche d’informations sur un potentiel employeur. L’argument invoqué est que celui-ci « regroupe l’ensemble des informations » (G) et « permet d’avoir une vision globale » (F). Si l’entreprise est peu ou pas connue des répondants, ceux-ci vont d’abord se concentrer sur les caractéristiques principales de l’organisation : sa taille, sa localisation, son activité, son chiffre d’affaires et sa place sur le marché. Les recherches concernent également ses produits/services, ses marques et sa clientèle. De précédentes études ont montré que les caractéristiques organisationnelles stables et objectives comme la taille, la localisation ou le secteur sont utilisées comme des filtres avant qu’un emploi spécifique ne soit considéré (Cable et Turban, 2001 ; Turban et Keon, 1993).
27Les candidats vont ensuite s’intéresser aux postes et aux missions avant de rechercher des informations qu’ils qualifient de plus subjectives, en premier lieu sur la culture de l’entreprise, du moins ses valeurs, et si le site en donne l’information, « ce qu’elle propose à ses salariés » (OR) : les conditions de travail et la politique RH (A, D, G, MM, OR, CW), l’environnement et l’ambiance de travail (D, E, SM, BV, DB, MM, OR), les possibilités de mobilités et d’évolutions de carrière (D, DB), de formation (OR, CW), la rémunération (DB, TL)…
28Selon la teneur des informations du site institutionnel, les répondants peuvent réaliser des recherches complémentaires, via des moteurs de recherche (ici Google) ou éventuellement la presse professionnelle. Mais l’étude montre que la grande majorité des personnes interrogées utilise ensuite au moins un réseau social numérique dans le cadre de leur recherche d’informations sur un potentiel employeur. 60 % en utilisent 2 (généralement LinkedIn et Facebook pour 50 %). Seul un répondant n’utilise aucun média social dans ses recherches (B). LinkedIn est le média le plus utilisé par nos répondants (14 personnes, dont une n’utilisant que Viadeo), mais généralement bien moins fréquemment que Facebook (utilisé par la moitié des répondants, les plus jeunes ; les plus anciens jugeant ce média « moins professionnel »), puis viennent ensuite Twitter (6 personnes, travaillant dans le marketing, la publicité et le commerce) et des sites permettant de connaître l’avis de salariés (ou anciens salariés) à propos de leur employeur (Glassdoor et/ou Indeed ou des forums cités par 3 personnes).
2982 % des répondants jugent « important », voire « incontournable » ou « indispensable » pour une entreprise d’être présente sur les médias sociaux à l’ère du digital. Outre le fait que l’entreprise soit ainsi visible et « prouve qu’elle est moderne », « dans l’air du temps » (OR, MM, DB, AL, CW), elle montre aussi une image positive de dynamisme, d’ouverture à la communication et d’interactions avec ses publics. Cette présence numérique permet de « créer un lien avec ses consommateurs et ses salariés » (E), rejoignant ainsi la recherche menée par Girard et ses collègues (2011) qui montre que les comptes entreprises Facebook et Twitter sont des outils de contact au service de la marque employeur.
30Pour 8 répondants sur 10, les médias sociaux permettent de mieux se renseigner et plus facilement sur l’entreprise, avec un accès à une information plus dense et actualisée, « en temps réel » (OR), notamment pour Facebook et Twitter : « ce sont des médias très réactifs vis à vis de l’information » (DB). G note que « les entreprises sont plus actives sur ces réseaux et elles vont partager des articles et des contenus de manière plus instantanée », « que l’on ne trouve pas forcément sur le site Internet de l’entreprise » (CO). Plusieurs répondants notent la possibilité de davantage cibler les informations recherchées et de créer des notifications qui leur en facilitent l’accès.
31Ils estiment souvent important « d’avoir accès à un maximum d’informations » (OR), « afin de mieux connaître l’entreprise avant de postuler » (AL). Dans cette perspective, l’ensemble des répondants a mentionné l’opportunité de « se rapprocher d’une personne de (leur) entourage pour en savoir plus » (C). Si les répondants ont des connaissances dans l’entreprise, ils vont « très rapidement les contacter pour en savoir plus » (F) et « avoir un regard interne » (CD). Si les répondants n’ont pas de connaissance dans leur entourage proche, il est fréquent (une personne sur deux) qu’ils cherchent, via les réseaux sociaux numériques, à « identifier les personnes qui travaillent dans les entreprises afin d’obtenir des informations supplémentaires » (CW). Au regard de notre première proposition, les résultats de l’étude suggèrent que les candidats utilisent plusieurs sources d’informations en fonction de leur profil pour obtenir dans un premier temps un contenu riche et actualisé au sujet d’un potentiel employeur.
32Le schéma suivant synthétise le processus de recherche d’informations issu de nos observations.
Le processus de recherche d’informations sur un employeur potentiel : sources utilisées et principales raisons de leur utilisation
Le processus de recherche d’informations sur un employeur potentiel : sources utilisées et principales raisons de leur utilisation
2.3.2 – Les perceptions des informations recueillies sur un potentiel employeur
33Concernant la perception des informations communiquées officiellement par l’entreprise (site institutionnel et médias sociaux professionnels dont l’entreprise est propriétaire), les répondants disent très majoritairement avoir confiance dans celles-ci, qu’ils considèrent comme fiables, notamment pour le site institutionnel : « Pour moi, lorsque une information est communiquée sur une page officielle, ce sont des informations vraies » (LC), « sûres » (CO), « sensées être fiables » (OR). Les « entreprises sont tenues à une certaine transparence (…) et ne peuvent se permettre de dire n’importe quoi » (B). « C’est leur carte de visite et donc il ne peut pas y avoir des choses mensongères » (F). Ces arguments sont systématiquement mentionnés et expliquent aussi la raison pour laquelle les personnes se dirigent d’abord sur le site Internet, puis éventuellement vers les médias sociaux dont l’entreprise est propriétaire, considérés comme les sources les plus fiables.
34La majorité des répondants différencie néanmoins nettement les éléments objectifs (informations chiffrées notamment) des éléments liés à l’environnement de travail que beaucoup qualifient de subjectifs. Si les caractéristiques principales et objectives de l’organisation sont jugées fiables et assez rarement vérifiées (par 3 personnes lorsqu’ils postulent pour des PME), les répondants sont plus critiques vis-à-vis des avantages communiqués à travailler pour une organisation. Si trois personnes affichent une certaine « méfiance » vis-à-vis des informations communiquées sur la marque employeur, 13 autres répondants mentionnent plutôt le fait d’avoir conscience que la réalité peut-être « embellie » (CO, AL, A, F), par une « communication positive » (B). BV fait « assez confiance quand c’est l’entreprise qui émet le message, même si (elle) sait que les messages mettent en avant les éléments marketing, avec des arguments commerciaux (…) et que les messages sont orientés ». Pour cette majorité d’interviewés, ces éléments comportent tout de même nécessairement « une part de vérité » (TL, F). Leur objectif est alors d’obtenir plus d’informations en sollicitant notamment le ressenti des personnes qui travaillent dans l’entreprise (collaborateurs et recruteurs). L’entourage proche, du moins connu, est si possible privilégié et jugé plus crédible que les avis pouvant être obtenus par le biais de forums, Facebook ou des sites tels que Glassdoor. Dans ce cas, les répondants restent méfiants, notamment car ils ne peuvent identifier la source. Ils ont tendance à juger la fiabilité des commentaires au travers de leur grand nombre concordant et les considèrent comme un simple « complément d’informations » (B). De manière générale, les candidats restent prudents vis-à-vis des informations données par des collaborateurs, jugées comme étant « subjectives » (F), « dépendantes des expériences de chacun » (D), nécessitant de « vraiment faire la part des choses » (C). Contrairement aux résultats de certaines enquêtes, telles que StepStone, le réseau (dans son ensemble) n’est pas jugé comme plus fiable que les informations « officielles » par nos répondants, mais permet de multiplier les points de vue et d’enrichir le contenu afin de se faire un avis personnel.
35L’entretien de recrutement est considéré comme une rencontre clé qui permettra un contact direct et riche pour s’informer sur l’employeur et « ressentir l’atmosphère » (C). L’étude rejoint ainsi des recherches antérieures qui ont montré que les informations obtenues au travers d’une expérience directe sont jugées plus crédibles et persuasives que celles obtenues au travers d’un média d’information (Fazio et Zanna, 1981 ; Popovich et Wanous, 1982). Contrairement aux résultats de certaines études (Ilgen et al., 1979 ; Cable et Turban, 2001), les recruteurs ne sont pas considérés comme moins dignes de confiance que d’autres sources d’informations.
36Ainsi, au regard de notre première proposition, la recherche d’informations sur la marque employeur, perçues comme subjectives et potentiellement idéalisées par les communications institutionnelles, conduit les candidats à croiser différentes sources dans l’optique de se forger une opinion plus réaliste. Concernant notre seconde proposition, si les contenus riches semblent effectivement plébiscités, en revanche, les sources d’informations directes ne sont pas nécessairement perçues comme les plus crédibles. Les répondants privilégient les sources institutionnelles. Si l’expérience vécue avec le recruteur est une étape cruciale, en revanche, les témoignages de collaborateurs, bien que valorisés, sont considérés comme plus subjectifs et donc sujets à caution.
2.3.3 – Les conséquences d’un manque de cohérence ou de transparence perçue de la marque employeur sur les attitudes et les comportements des candidats
37La connaissance sur la marque employeur influence la manière dont les candidats réagissent à l’égard de l’employeur (Cable et Turban, 2001). Il ressort en premier lieu des entretiens que la richesse des contenus et la cohérence des informations trouvées sur l’employeur auprès de différentes sources renforcent l’image de l’employeur et la confiance des candidats à son égard. Comme le note A « plus on sait à qui on a à faire et que les informations se recoupent, plus la confiance se crée » et plus il est facile de faire un choix. À l’inverse, les candidats vont se méfier lorsqu’ils perçoivent des incohérences, que l’employeur « survend » trop un poste ou l’environnement du travail et lorsqu’ils ne trouvent pas une information qui leur semble importante, cette absence étant associée à « quelque chose que l’entreprise se reproche » (E, G, CW, OR). Le témoignage de OR est sur ce point représentatif : « Pour moi, une entreprise qui ne communique pas, je vais me méfier, car ça laisse supposer qu’elle a des choses à cacher. Tout comme je vais me méfier d’une entreprise qui ne communique que des aspects positifs ».
38Il ressort des entretiens que plus les candidats se méfient des informations diffusées par l’employeur, plus ils vont chercher à les vérifier par différents moyens, accroissant ainsi leur méfiance à l’égard de l’employeur. De précédentes recherches ont montré que la crédibilité du processus de communication influence positivement les attitudes à l’égard de l’organisation et l’intention de poursuivre le processus de recrutement (Allen et al., 2004). A contrario, notre étude montre que dans le meilleur des cas, le manque de confiance conduit à des a priori et une attitude négative vis-à-vis de l’employeur et plusieurs répondants disent dans ce cas hésiter à postuler : « Si on a beaucoup de difficultés à trouver l’information, c’est que l’entreprise masque quelque chose, et ce ne sont pas des conditions et un climat dans lequel j’aimerais travailler » (MM) ; « J’aurais beaucoup de mal à postuler pour une entreprise en laquelle je n’ai pas confiance. Je chercherais encore plus à justifier ce sentiment de non-confiance ». « Si je suis méfiante dès le début, c’est pour moi ensuite difficile d’être à l’aise sur mon poste, dans l’entreprise » (D). B affirme que l’intention de candidater est « comme une relation : quand on n’a pas confiance en quelqu’un, on ne cherche pas à s’en rapprocher ».
39Plusieurs personnes postulent tout de même : « Je postulerais mais avec méfiance, en attendant d’avoir des éclaircissements en entretien » (CO). Comme indiqué ultérieurement, la rencontre avec le recruteur et l’observation du futur lieu de travail restent pour la majorité des interviewés une étape cruciale pour s’informer sur l’employeur et éventuellement lever les ambiguïtés préalablement perçues.
40Conformément à notre troisième proposition, l’étude montre ainsi qu’une marque employeur perçue comme cohérente et transparente entraîne des attitudes positives chez le candidat, en particulier en termes d’image employeur et de confiance envers lui. Ce faisant, l’organisation paraît plus attractive, en termes d’intention et de décision de candidater. Inversement et conformément à la quatrième proposition, le manque d’informations ou des incohérences au sujet de l’employeur questionnent le candidat qui est plus méfiant à son égard. Ils détériorent l’image employeur et son attractivité. Ces résultats nous conduisent à proposer le modèle de relations suivant, synthétisé dans le Schéma 2.
Proposition d’un modèle de relations entre les informations recueillies sur la marque employeur et les attitudes et comportements du candidat à l’égard de l’employeur au cours du processus de candidature
Proposition d’un modèle de relations entre les informations recueillies sur la marque employeur et les attitudes et comportements du candidat à l’égard de l’employeur au cours du processus de candidature
2.3.4 – Les informations sur le poste : des attentes d’un contenu riche et équilibré
41Au travers de cette étude, les répondants ont beaucoup insisté sur l’importance du contenu du poste et de ses missions au regard des autres avantages pouvant être communiqués par l’organisation. La description du poste est l’élément pour lequel les personnes attendent le plus d’informations et la plus grande transparence. Or, sur ce point, plusieurs répondants estiment bénéficier de trop peu d’informations en amont du processus et ont souligné l’opacité rencontrée vis-à-vis de nombreux employeurs : intitulé peu précis ou non caractéristique, description sommaire, voire non représentative de la réalité, rémunération non communiquée par exemple. Les candidats sont à la recherche de descriptifs détaillés et de présentations des métiers par les collaborateurs, notamment sous la forme de témoignages vidéos permettant de « montrer la réalité du terrain » (A) et de « les laisser le plus possible s’exprimer sur ce qu’ils vivent » (D). Cela rejoint le principal résultat de l’étude menée par Walker et ses collègues (2009) qui montre que les témoignages vidéo de salariés « ordinaires » sont considérés comme étant riches, attractifs et crédibles pour les candidats. Notre étude met également en lumière que le simple fait d’indiquer un contact dans l’entreprise permettant de mieux se renseigner sur le contenu du poste est valorisé et accroît la confiance des candidats.
42Conformément à la dernière proposition, les candidats interviewés ont exprimé l’attente d’être informés des aspects négatifs liés au poste en particulier qui selon eux existent nécessairement : « Chaque poste a des côtés positifs et négatifs, c’est la réalité. Autant être sincère pour éviter toute déception » (MM) ; « Il n’existe pas de poste où il n’y a pas d’aspects négatifs (…). Il faut être cohérent avec la réalité, ça évite de croire que tout est beau et rose et d’être ensuite déçu » (CO). SM conclut à ce sujet une analyse partagée : « Autant être honnête dès le départ, ça renforce le sentiment de confiance (…) et cela permet de faire un choix en toute connaissance de cause, donc plus efficace et cohérent ».
43L’étude apporte un soutien à la proposition no 5 et permet d’approfondir les conséquences d’une information équilibrée sur le poste (positive et négative) sur les attitudes des candidats. De précédentes recherches ont montré que les sources internes sont perçues comme dignes de confiance lorsqu’elles donnent un message équilibré d’informations positives et négatives (Jacoby et al., 1992 ; Cable et Turban, 2001). Si les recherches montrent que les candidats exposés aux aspects négatifs d’un poste sont moins nombreux à postuler (Martin, 1996), il a également été montré que les personnes qui décident finalement de candidater risquent moins de quitter l’entreprise les premiers mois (Lifson, 1996). Dans le cas où les informations se révèleraient fausses ou non cohérentes avec la réalité, cela est associé à des déceptions, voire à une véritable trahison, très préjudiciable pour la suite de la relation d’emploi : « Si, quand tu arrives sur le poste, tu t’aperçois qu’il y a un nombre d’aspects négatifs incalculable, ça va être difficile d’envisager le long terme avec l’entreprise ». N’oublions pas que le processus de recrutement constitue le début de la relation d’emploi. Il détermine les attentes des candidats, les raisons pour lesquelles il accepte un emploi et il affecte durablement leurs attitudes et comportements à l’égard de l’employeur (Cable et Turban, 2001 ; Boudreau et Rynes, 1985).
44Notons enfin qu’une large majorité des interviewés se dit plus encline à postuler pour une entreprise présentant plus d’aspects négatifs que positifs plutôt que pour une entreprise qui ne communique pas ou peu d’informations. Les répondants y voient une valeur de transparence et et de respect vis-à-vis du candidat qui semble plus attirante. Une étude menée par Meglino, Ravlin et De Nisi (1997) tend cependant à montrer que le nombre d’aspects négatifs doit rester inférieur aux points positifs. Dans le cadre de notre étude, il semble que les aspects négatifs, afin de ne pas « rebuter » les candidats, peuvent être communiqués au fur et à mesure du processus de recrutement en fonction du nombre souhaité de candidatures. Communiquer un nombre relativement restreint au début du processus transmet une valeur de transparence et peut permettre de mieux cibler les candidatures, jusqu’au moment des entretiens, où il est alors attendu une information complète et « vraie » sur le poste et ses conditions d’exercice.
Conclusion
45Après avoir présenté les contributions théoriques et les implications managériales de cette étude, les limites et les voies de recherche seront discutées.
Apports théoriques et implications managériales
46Cet article, en explorant par une méthodologie qualitative, la manière dont les candidats recherchent et interprètent les informations trouvées sur un potentiel employeur, explicite en premier lieu le processus de recherche d’informations des candidats à propos d’un potentiel employeur dans un contexte marqué par la multiplication des sources d’informations, formelles comme informelles.
47L’étude montre que les candidats utilisent différentes sources de manière complémentaire en fonction de leur profil pour disposer d’informations riches et actualisées sur un potentiel employeur. Les candidats différencient les recherches concernant les caractéristiques objectives de l’entreprise (taille, localisation, secteur, produits/services…) des différents avantages communiqués par la marque employeur. L’étude montre que les caractéristiques de la marque employeur sont perçues par les candidats comme subjectives et potentiellement idéalisées par les communications institutionnelles. Ce faisant, elles conduisent les candidats à croiser différentes sources d’informations pour se forger une opinion plus réaliste (site et réseaux sociaux numériques institutionnels, sources directes).
48L’étude rejoint les résultats obtenus par Allen et ses collègues (2004) en montrant que les médias institutionnels dont le contenu est perçu comme riche et cohérent sont jugés les plus fiables et les plus attirants. Elle montre également que les expériences directes, en particulier avec le recruteur, sont valorisées (Fazio et Zanna, 1981). De précédentes recherches ont déjà suggéré que les messages sur l’entreprise communiqués en face à face sont considérés comme plus pertinents, crédibles et attirant plus l’attention (Breaugh & Billings, 1988). En revanche, l’étude nuance le rôle des témoignages de collaborateurs, qui bien que valorisés, sont considérés comme plus subjectifs et donc sujets à caution, d’autant plus s’ils ne font partie du réseau proche du candidat.
49Cet article explore enfin les conséquences de la transparence ou au contraire d’un manque de cohérence et/ou de transparence de la marque employeur sur les attitudes et les comportements des candidats, depuis l’image employeur et le degré de confiance (vs méfiance) des candidats envers l’employeur jusqu’à la décision de candidater. Il propose ainsi pour la première fois un modèle de relations entre les perceptions des candidats des informations recueillies sur la marque employeur et leurs attitudes et comportements à l’égard de l’employeur au cours du processus de candidature.
50Ce faisant, cette étude a des implications directes pour les professionnels du recrutement, depuis la communication institutionnelle jusqu’à l’entretien de recrutement. Concernant la communication institutionnelle, l’étude montre que les candidats croisent le plus souvent au moins deux sources d’informations institutionnelles ; le site Internet et au moins un réseau social, non pas dans l’objectif premier de vérifier la fiabilité des informations diffusées par l’employeur, mais afin de trouver une richesse de contenus et de formats et obtenir ainsi plus d’informations actualisées sur les organisations susceptibles de guider leur choix. Plus les informations sont accessibles, claires et cohérentes sur différentes sources, plus la confiance accordée à un potentiel employeur est grande. Inversement, l’absence d’informations, les incohérences ou la perception d’une survalorisation de l’employeur ou du poste engendrent de la méfiance. Un degré de méfiance trop élevé va certainement conduire le candidat à ne pas poursuivre le processus. Il va sinon procéder à des recherches additionnelles, en particulier auprès de personnes travaillant dans l’entreprise : les collaborateurs pour évaluer leur ressenti, et/ou le recruteur pour éclairer les zones d’ombre.
51Plus généralement, l’étude met en lumière le fait que les candidats sont à la recherche d’une plus grande proximité avec un potentiel employeur, au travers d’occasions d’expériences plus directes (opportunités de contact avec le recruteur ou des collaborateurs exerçant le métier ; accessibilité des coordonnées, témoignages, chats, forums, conférences ou journées « portes ouvertes »). Les candidats expriment également une attente forte quant à la précision et à la véracité des descriptifs de poste, envisageant les aspects positifs comme négatifs. L’utilisation de descriptions réalistes des emplois semble ainsi essentielle (Popovich et Wanous, 1982). Cette stratégie permettrait de s’assurer d’un recrutement plus qualitatif et moins coûteux en termes de traitement des candidatures de la part de l’entreprise. Pour les candidats, cela témoigne de valeurs d’honnêteté et de respect susceptibles d’engendrer des conséquences positives sur le long terme, que la personne soit recrutée (en termes de loyauté) ou non (en termes de bouche-à-oreille positif à propos de l’employeur).
52L’étude montre enfin le rôle crucial de l’entretien de recrutement, pendant lequel le candidat va chercher à ressentir l’atmosphère du lieu de travail et à obtenir des informations cohérentes et honnêtes. Il semble ainsi pertinent de repenser l’étape de l’accueil du candidat. Une visite des locaux, la présentation des futurs collègues, l’opportunité d’échanges moins formels (petit déjeuner avec l’équipe par exemple)… donnent des informations complémentaires pertinentes à la fois pour le candidat, l’équipe et le recruteur, nécessaires pour accroitre les chances de succès d’un recrutement.
Les limites de l’étude et les voies de recherche futures
53Une première limite réside dans la composition de l’échantillon. Si les personnes interrogées ont des profils différents (âge, formation, expérience…) qui ont permis de mettre en lumière de grandes tendances sur la manière dont ils recherchent et interprètent les informations à propos d’un potentiel employeur, il semble pertinent de poursuivre l’étude sur des cibles plus homogènes de la marque employeur. Ces études, qualitatives ou par questionnaires, peuvent appréhender différentes générations ou différents métiers, dont les pratiques de recherche d’informations (utilisation des médias sociaux numériques en particulier) et les attentes sur un potentiel employeur peuvent différer.
54Une étude quantitative permettrait notamment d’évaluer plus précisément les usages des médias sociaux professionnels dans le cadre d’une recherche d’informations sur l’employeur en fonction de l’âge, du niveau d’expérience ou du diplôme, du secteur d’activité. Les études professionnelles menées jusqu’à présent (StepStone, Adecco, Manpower, Cegos, Apec, LinkedIn…) reposent sur des échantillons dont les caractéristiques sont tellement différentes et parfois peu explicites qu’il est aujourd’hui très difficile d’obtenir des données permettant de quantifier objectivement le phénomène et ainsi d’aider les entreprises à affiner leurs stratégies de communication de leur marque employeur. Une étude par questionnaires permettrait également de tester les relations causales mises en exergue dans le présent article.
55Afin de compléter les résultats, il serait également particulièrement intéressant de suivre des candidats lorsqu’ils recherchent effectivement des informations sur un potentiel employeur. La tenue d’un journal de bord répertoriant les actions et les perceptions ainsi que la mise en place de « traceurs » permettant de savoir précisément quelles sources ont été consultées, combien de temps et si le candidat a poursuivi ou non le processus de recherche et de candidature constitueraient des méthodologies particulièrement pertinentes pour préciser ce processus de recherche d’informations et l’impact de différents formats et sources. Il serait également possible de savoir à partir de quand et pourquoi les candidats perçoivent qu’une entreprise « survend » les avantages à travailler pour elle.
56L’entretien de recrutement, en tant que moment crucial de la relation d’emploi, mérite également des recherches additionnelles. Certaines organisations ont récemment fait évoluer le processus, en organisant, plus qu’un (ou plusieurs) entretien(s), un véritable parcours de recrutement pouvant intégrer : un dossier (complet) de présentation du candidat ou la demande d’une candidature originale, des jeux de rôles (testant ainsi sa motivation, sa persévérance ou sa créativité) ; des temps d’immersion ou des moments de rencontres et d’échanges entre les candidats et les collaborateurs (testant ainsi les valeurs, les personnalités, l’atmosphère de travail). Il serait intéressant d’examiner l’influence de ces méthodes sur l’expérience candidat d’une part et sur l’efficacité de l’intégration et du recrutement d’autre part.
57En conclusion, la présente recherche constitue une étape importante dans la compréhension du processus de recherche et d’interprétation des informations collectées par des personnes à la recherche d’un emploi à propos d’un employeur potentiel, dans un contexte marqué par la multiplication des sources d’informations disponibles. L’étude permet d’appréhender comment ces informations peuvent agir sur leurs attitudes et comportements à l’égard de l’employeur pour la suite du processus. Ce faisant, elle incite à des recherches additionnelles, notamment par questionnaires, sur les perceptions des candidats des informations diffusées sur la marque employeur et la manière dont elles les influencent tout au long de ce processus.
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Notes
-
[1]
Audrey CHARBONNIER-VOIRIN : Enseignant-Chercheur en GRH, Inseec Business School - acharbonnier@inseec.com
-
[2]
Laura MARRET : RH Généraliste, L’Oréal LaSCAD et IGS-RH - laura.marret@gmail.com
-
[3]
Carolina PAULO : Contrôleur de gestion sociale, BNP Paribas Real Estate - carolina.pintopaulo@gmail.com
-
[4]
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Cegos (2014), Baromètre « Usages et impact du digital et des réseaux sociaux dans l’entreprise » (http://tinyurl.com/kv6ayde). -
[5]
Voir par exemple les interviews récentes de Didier Baichère, Vice-President Human Resources France d’AKKA Technologies (http://tinyurl.com/mxl87qb) ; David Rivel et Alon Laniado, cofondateurs de la société PathMotion (http://tinyurl.com/k6wras4) ou Didier Pitelet, fondateur de Moon’s Factory (http://tinyurl.com/mbl6su9).