Couverture de MAV_077

Article de revue

Les mécanismes de la co-production d’une expérience : une approche par la dimension sensible

Pages 71 à 91

Notes

  • [1]
    Ce papier a fait l’objet d’une première présentation en congrès. Réf : MAYNADIER B., BENMOUSSA F.-Z., ERRAJAA K. et MAUBISSON L. (2010), « L’expérience sensible de consommation : une analyse sémiotique du cas de la consommation de café et de la marque Nespresso », 26ème Congrès de lAssociation Française de Marketing, Le Mans.
  • [2]
    Fatim-Zohra BENMOUSSA : Enseignant-chercheur, Groupe ISCAE - Maroc - fzbenmoussa@groupeiscae.ma
  • [3]
    Karim ERR AJAA : Enseignant-chercheur, ESG Management School - kerrajaa@esg.fr
  • [4]
    Laurent MAUBISSON : Maître de conférences, IAE de Tours - Université François Rabelais, Université d’Orléans, Laboratoire VALLOREM (EA 6296) - laurent.maubisson@univ-tours.fr
  • [5]
    Boris MAYNADIER : Enseignant-chercheur, ICD Business School, LaRA - bmaynadier@groupe-igs.fr
  • [6]
    Les facteurs justifiant la sélection de cette marque sont : la réussite commerciale (croissance mondiale de 35 % en moyenne durant les sept dernières années, CA de 14,35 % en 2010 en comparaison à 2009, position de leader en effectuant 2,63 milliards de vente en 2010 et ouverture de 157 boutiques au niveau mondial en 2008) (source : www.investir.fr), particularités de l’offre d’expérience (interactions sociales, multiplicité des acteurs), offre expérientielle très élaborée (design sophistiqué, habillage expérientiel moderne), la notoriété de la marque.
  • [7]
    Pour plus de précisions sur les questions du guide d’entretien, le lecteur pourra contacter les auteurs.

Introduction

1Depuis les années 80, chercheurs et praticiens étudient la manière dont on peut comprendre les expériences de consommation afin de les rendre les plus agréables possibles pour le consommateur, et les plus rentables pour les marques. La recherche sur ce sujet a abouti à des avancées significatives et a permis de mettre en lumière des dimensions et spécificités associées aux expériences (de consommation marchande ou non) en privilégiant le prisme « consommateur » (e.g. Roederer, 2012 ; cf. Tableau 1) ; d’autres travaux, tout aussi riches d’implications théoriques et managériales, se sont focalisés sur les facteurs qui rendent possibles ces expériences (e.g. Carù et Cova, 2006). Les interactions entre le consommateur et un contexte expérientiel (facteurs d’ambiance sensoriels, offre de produits et/ou de services...) sont à l’origine de l’émergence d’expériences de consommation subjectives. Ces dernières se trouvent co-produites par le consommateur et le manager de marque (au sens de Filser, 2002), et prennent forme dans un périmètre espace-temps plus ou moins bien défini. Les études qui traitent de ce sujet ne se sont pas focalisées sur ces mécanismes d’interaction car elles ont pris le parti de privilégier soit l’angle d’approche « consommateur », soit celui de la « marque ». Pourtant, afin de bien comprendre comment une expérience de consommation est co-produite, et comment les managers d’une marque peuvent la rendre possible, il semble essentiel d’étudier ces mécanismes d’interactions. C’est ce que nous proposons de faire dans cette recherche : identifier, comprendre et structurer les mécanismes de co-production d’une expérience de consommation, par le truchement de sa dimension sensible. Parallèlement, nous étudions comment un contexte expérientiel (Carù et Cova, 2006 ; Hetzel, 2002) transforme une expérience générique de consommation (qui ne met pas de marque en jeu, ou de manière mineure) en véritable expérience de marque.

Tableau 1

Synthèse de la revue de littérature à propos des propriétés des expériences de consommation (liste non-exhaustive)

Tableau 1
Auteur(s) Propriétés du contexte Propriétés de l’expérience Holbrook et Hirschman (1982) - Symbolique ; Hédonique ; Esthétique Pinker (1997) - Perception sensorielle et motrice ; Ressentis et émotions ; Créativité Pine et Gilmore (1999) - Divertissement ; Evasion Schmitt (1999) - Sensorielle ; Emotions ; Imaginaire Filser (2002) Décor ; Intrigue ; Action -
Tableau 1
Auteur(s) Propriétés du contexte Propriétés de l’expérience Hetzel (2002) Surprendre ; Proposer de l’extraordinaire ; Réveiller les instincts ; Créer un lien avec le consommateur ; Utiliser la marque au service de l’expérientiel - Carù et Cova (2003) Maestro-guide ; Architecture ; Référents ; Eléments de détails ; Rites Appropriation : Exploration ; Nidification ; Marquage Immersion : Sentiment de bien-être, de développement et de gratification Lombart et Labbé-Pinlon (2005) - Butinage ; Magasinage ; Lèche-vitrine Carù et Cova (2006) Enclavé ; Sécurisé ; Thématisé Supports : Guide ; Référents ; Communauté ; Rituels ; Formation ; Autonomisation Immersion Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland (2006) - Affectives individuelle et collective ; Cognitive individuelle ; Evasion Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland (2008) - Connexion avec l’expérience ; Déconnexion avec le réel Charfi et Volle (2011) - Cognitive ; Sensorielle ; Affective ; Sociale Roederer (2012) - Praxéologique ; Hédonico-sensorielle ; Rhétorique ; Rapport au temps

Synthèse de la revue de littérature à propos des propriétés des expériences de consommation (liste non-exhaustive)

2La problématique de ce travail consiste en l’étude de la signification de l’expérience de consommation, en mettant en perspective l’expérience de marque avec une expérience appelée ici générique. Pour y répondre, nous avons choisi d’étudier le cas de la consommation de café et de la marque Nespresso et nous proposons de nous focaliser sur la dimension sensible de l’expérience. Nous mettons ainsi la perception du sujet au centre de la question de recherche, dans une étude d’inspiration phénoménologique. Cette approche est compatible avec la complexité et l’idiosyncrasie de l’expérience vécue ; elle est originale par rapport aux études antérieures de l’expérience de consommation et s’appuie sur l’article fondateur de Holbrook et Hirschman (1982), pour qui l’expérience est d’ordre phénoménologique. L’article propose un cadre conceptuel fondé sur deux facettes de l’expérience de consommation, les dimensions subjective et de co-production. Ensuite, l’étude empirique est présentée, centrée autour du cas de la consommation de café et de la marque Nespresso. Le cas permet de construire un modèle holiste de l’expérience sensible, qui permet de mieux comprendre les mécanismes de co-production d’une expérience de consommation. Les résultats sont enfin mis en perspective avec les études reliées à l’expérience de consommation. La contribution des marques à la formation et co-production de l’expérience sensible est discutée et la conclusion présente les limites, les apports ainsi que les voies de recherche.

1 – Cadre conceptuel

3Dès 1982, Holbrook et Hirschman suggèrent que la « perspective expérientielle est phénoménologique dans l’esprit et voit la consommation fondamentalement comme un état subjectif de conscience ». L’approche phénoménologique est intéressante en ce qu’elle permet de saisir l’expérience de consommation dans sa dimension sensible. Si l’expérience peut être étudiée comme un processus d’appropriation (Carù et Cova, 2003, 2006 ; Bonnin, 2003) ou d’interactions sociales (Ladwein, Kolenc et Ouvry, 2008), les études mobilisant un cadre phénoménologique sont encore rares (e.g. Gentric, 2005). Cette approche met en évidence la place du consommateur au centre de l’expérience. Pour comprendre cette expérience dans sa dimension sensible, c’est-à-dire comme moment d’émergence de sens (Marion, 2003 ; Landowski, 2004) et le rôle qu’y joue la marque, nous mobilisons les propositions de la phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty (1945, 1964) et les éclairages de Romano (2010). La problématisation structurant cette réflexion appelle plusieurs concepts, étudiés isolément dans les travaux antérieurs. Or, il s’agit dans ce travail de considérer que ces concepts peuvent être envisagés ensemble, permettant ainsi de questionner l’expérience de consommation sensible dans son acception holiste et complexe. Pour cela, nous mobilisons dans ce travail différents concepts traditionnellement associés à l’étude des expériences de marque, la nature subjective et co-produite de l’expérience sensible de consommation.

1.1 – L’expérience de marque

4Les marques peuvent être analysées comme des objets culturels autant que des objets marchands (Lipovetsky, 2006 ; Holt, 2002 ; Baudrillard, 1970). Le monde des objets et des espaces de consommation est, en effet, le plus souvent structuré par les managers à travers une marque. Le cadre expérientiel défini par les gestionnaires a alors pour vocation d’incarner et de faire vivre l’identité de la marque et ses valeurs (Carù et Cova, 2006 ; Thompson et Arsel, 2004 ; Hetzel, 2002) par le biais entre autres du design multisensoriel des magasins, de la socialisation et d’une offre de produits et/ ou de services, sources d’expériences. La marque peut donc se définir comme un principe organisateur du contexte sensible de l’expérience de consommation. Ce concept d’expérience de marque fait l’objet d’études académiques (e.g. Carù et Cova, 2006). Les notions d’immersion et d’appropriation y sont notamment développées, montrant que l’expérience d’une marque est toujours le fruit d’une co-production entre les consommateurs et les lieux, objets et discours de la marque (Camelis et Llosa, 2011 ; Carù et Cova, 2003, 2006 ; Hetzel, 2002 ; Park, Jaworski et McInnis, 1986). Cette acception de l’expérience de marque puise sa justification dans le paradigme POS (Punj et Stewart, 1983) selon lequel une expérience vécue se fonde sur l’articulation entre personne (chaland et sujet co-producteur de l’expérience), objets (produits et accessoires associés comme les présentoirs) et situation (ambiance sensorielle, relationnelle). Cependant, rares sont les études proposant une approche phénoménologique de l’expérience de marque (e.g. Gentric, 2005 ; Benoît-Moreau, 2008). Une telle approche permettrait d’aborder le vécu subjectif et sensible du consommateur de manière holistique et de questionner la notion centrale de co-production de l’expérience de consommation, comprise ici comme un processus dans lequel le consommateur contribue au vécu à sa manière et sous l’égide du manager. Par ailleurs, la phénoménologie soutient l’idée que l’individu et le monde ne sont pas séparés et forment une unité (Merlau-Ponty, 1945). Il convient alors d’étudier le rapport de l’individu au monde. Cette idée conforte la double nature de l’expérience de consommation proposée ci-après, qui se veut en même temps subjective et co-produite.

1.2 – La nature subjective et co-produite de l’expérience sensible de consommation

5Holbrook et Hirschman (1982) considèrent que le consommateur est l’unité de production de l’expérience (in Filser, 2002). Elle est décrite comme un « état psychologique personnel - c’est-à-dire les manières que quelqu’un a de sentir, penser ou percevoir - qui change continuellement en fonction d’un environnement lui-même changeant » (Addis et Holbrook, 2001). Ceci implique une perspective à la première personne et de considérer le Soi comme l’épicentre de l’expérience sensible (Richardson, 1999). Le propos de la phénoménologie est que la perception est un acte (goûter, écouter, etc.). Toute expérience relève donc d’une co-production entre le sujet et son environnement. Les études sur l’expérience de consommation se focalisent souvent sur les actes intentionnels et praxéologiques dans la co-production de l’expérience. Le consommateur peut jouer un rôle manifestement très actif en créant lui-même des objets (Salermo, 2009) ou par des stratégies d’appropriation, voire de détournement des contextes marketing (Carù et Cova, 2003, 2006 ; Gentric, 2005 ; Bonnin, 2003 ; Debenedetti, 2003 ; Aubert-Gamet, 1996). L’étude phénoménologique de l’expérience sensible permet d’aller en-deçà de cette co-production pratique pour étudier celle qui agit dans la perception. La sensibilité constitue ici un socle pour les actes intentionnels. Elle est importante car elle structure les pratiques et les choix que l’on peut observer dans l’expérience de consommation. Elle se définit comme ouverture de Soi au monde et relève d’une sensibilité sélective (Romano, 2010, p.637 ; Thompson, Locander et Pollio, 1989) : dans l’acte de perception, les choses sont « toujours investies d’un regard, d’une valeur qui les rend dignes d’être perçues » (Le Breton, 2006, p.17). Cela engendre que la perception n’est pas conçue comme une réception passive de stimuli : il n’y a donc pas de variable qui puisse être isolée de l’intentionnalité comme acte de saisie subjective. L’expérience de visite d’un musée permet d’envisager la perception comme acte de co-production : contempler une œuvre artistique dépasse le simple acte de réceptivité sensorielle et appelle une réflexion sur la signification véhiculée par cet objet. Ce constat invite à adopter une démarche épistémologique a-causale (Gentric, 2005), la phénoménologie réfutant une supposée « réalité objective » (Merleau-Ponty, 1945) des phénomènes perçus (e.g. stimuli sensoriels). L’acte de perception relève donc de la sensibilité du consommateur. L’expérience de consommation ou de marque est intégrée dans une structure qui, à la fois, constitue et dépasse cette seule expérience. Le chercheur qui étudie l’expérience doit donc ouvrir son analyse aux conditions culturelles et linguistiques dans lesquelles elle prend place (Thompson, Locander et Pollio, 1989). La description des structures de l’expérience ne devrait donc pas se réduire à sa nature subjective, mais intégrer les conditions d’émergence de l’expérience dans un contexte élargi. Cette démarche permet de rendre compte de l’expérience sensible comme : subjective en cohérence avec l’approche phénoménologique de la perception (Merleau-Ponty, 1945) et les recherches inscrites dans ce courant (Thompson, Locander et Pollio, 1989 ; Holbrook et Hirschman, 1982) ; co-produite car elle est transaction incessante avec l’environnement (Romano, 2010) ; mise en forme par le biais de la marque (Carù et Cova, 2006 ; Hetzel, 2002 ; Park, Jaworski et McInnis, 1986).

2 – Méthodologie de recherche

2.1 – Une étude de cas

6Afin de saisir le sens d’une expérience de consommation, la stratégie de recherche retenue est l’étude de cas unique, fondée sur l’étude de l’expérience de consommation générique du café et celle de l’expérience de la marque Nespresso [6]. Sa pertinence a été montrée par Mauss (1966, p.391) pour qui « quand un rapport a été établi dans un cas, même unique, mais méthodiquement et minutieusement étudié, la réalité en est autrement certaine que quand, pour la démontrer, on l’illustre de faits nombreux, mais disparates ». En effet, une étude de cas permet une lecture qualitative du phénomène étudié et une théorisation abductive ancrée dans les données du terrain (Eisenhardt et Graebner, 2007). Cette approche se justifie notamment par la problématique de cette recherche, encore largement à explorer. Les raisons qui nous ont conduit à sélectionner le cas du café et de la marque Nespresso sont : (1) il s’agit de produits consommés de manière quotidienne et ordinaire (Barrau, 1989), ce qui permet de constituer un terrain facile d’accès, (2) la consommation de café, si elle peut paraître anecdotique en première lecture, est investie de significations fortes (Ascher, 2005), (3) le marché du café apparaissait assez atone, en termes d’innovation, avant l’arrivée de Nespresso et de son modèle, ce qui rend le travail d’organisation de l’expérience par la marque, manifeste et inédit.

2.2 – Stratégie de production des données

7Le croisement méthodologique est approprié pour étudier un phénomène complexe et holiste comme l’expérience de consommation (Arnould et Thompson, 2005 ; Arnould et Price, 1993). Dans la perspective phénoménologique mobilisée, il est nécessaire non seulement d’avoir un accès à l’expérience vécue par les consommateurs de manière approfondie, mais aussi que les chercheurs fassent cette expérience et en rendent compte via une introspection (Wallendorf et Brucks, 1993). Cette approche permet d’améliorer les capacités d’analyses et d’interprétation des matériaux recueillis (Spiggle, 1994). Pour favoriser la robustesse de l’étude, quatre chercheurs ont participé au recueil des données ainsi qu’à l’analyse des résultats. Tout au long de cette partie, étalée sur deux années, les chercheurs se réunissaient et consignaient tous leurs échanges. Les allers-retours entre données, analyse et théorie ont permis d’enrichir l’interprétation des résultats, qui consiste à un transfert des connaissances à partir des données vers le chercheur (Spiggle, 1994). Le recueil des données a été effectué par le truchement de différentes méthodes articulées pour étudier l’expérience sensible de consommation de café et de la marque Nespresso : analyse documentaire, observation participante, introspection des chercheurs, entretiens individuels avec des consommateurs.

  • Analyse documentaire : elle permet d’étudier la marque Nespresso et le travail produit par les managers sur l’expérience de consommation de café (e.g. énonciation de l’expérience de la marque à travers des témoignages des célébrités, des experts du goût, des designers, mise en scène de l’offre). Les documents (revues, dépliants, publicités) sont recueillis dans des magasins Nespresso et sur le site Internet de la marque ; ces éléments sont considérés à la fois comme objets intégrés à l’expérience et supports des discours de la marque. Cette analyse documentaire se prête à l’approche abductive et phénoménologique privilégiée ici puisqu’elle permet de se familiariser avec l’objet d’investigation (Wacheux, 1993), de délimiter ses contours et de cerner les unités d’analyse.
  • Observation participante : l’expérience sensible n’est pleinement accessible que par les sens. Autrement dit, l’étude de l’expérience demande au chercheur de la vivre, de se l’approprier par sa sensibilité, par ses sensations, pour pouvoir lui-même produire du sens. Les chercheurs – par ailleurs tous les quatre consommateurs de café et utilisateurs de la marque Nespresso – questionnent leurs pratiques de consommation de café (de marque ou non), se rendent dans les magasins Nespresso, en consomment les produits en diverses occasions (cadre privé, professionnel, dans le magasin). Les informations recueillies sont consignées dans un journal de terrain permettant de structurer les premiers éléments de l’analyse et de porter progressivement un regard réflexif sur ce travail (Beaud et Weber, 2003).
  • Introspection du chercheur : les quatre chercheurs ayant pratiqué l’observation participante réalisent une introspection. Cette technique suppose que le chercheur est sujet de la recherche en étudiant son vécu (Richardson, 1999), sa conscience de cette expérience dans une démarche réflexive. Le corps du chercheur se présente alors comme un creuset de la pensée en formation, car il n’est pas possible, en matière expérientielle, de produire de la connaissance hors des sensations et des sensibilités en jeu. Cela a permis de mettre en perspective et de mieux appréhender l’analyse des discours des répondants, notamment face à la difficulté de mise en mots du vécu sensible. Les chercheurs ont vécu les expériences générique et de marque (magasin, cadre privé). Le récit introspectif est basé sur une consigne explicite : « rendre compte de l’expérience générique de café et de la façon dont la marque Nespresso la transforme, oriente la relation sensible au café ». Si le travail des chercheurs sur leur propre expérience de consommation est essentiel dans une étude phénoménologique, il n’est pas suffisant. La diversité et la subjectivité des modes de consommation et des sensibilités invitent à élargir le terrain : observer et interroger d’autres sujets.
  • Observations et entretiens en profondeur : ils sont réalisés auprès de 20 individus en appliquant le principe de saturation sémantique (Glaser et Strauss, 1967). Les critères de sélection sont la diversité des individus interrogés (sexe, CSP et âges variés, clients ou non de la marque Nespresso) et leur capacité à exprimer des positions diverses et pertinentes vis-à-vis de l’objet étudié (e.g. variété des modes de consommation du café, diversité des sensibilités à l’égard de l’expérience de consommation du café et de la marque Nespresso). Avant de réaliser les entretiens, les sujets sont invités à visiter une boutique Nespresso et à acheter les produits de leur choix (pour les non-clients de la marque, à acheter une ou deux ramettes de capsules de café). Lors de chaque entretien, enquêteurs et sujets consomment un café, préparé par le répondant, pour rendre compte d’une expérience d’achat, de consommation et de marque. Il s’agit non seulement de s’assurer que les répondants non-clients de Nespresso aient accès à l’expérience de marque, mais de favoriser le rapport sensible à cette expérience. Les entretiens sont transcrits en vue de l’analyse, constituant un corpus de 617 pages.

Encadré 1 - Guide d’entretien[7]

Thème I : Expérience générique de consommation de café (Sous-thèmes : moments de consommation, évocations associées à cette consommation).
Thème II : Expérience de la marque (Sous-thèmes : connaissance de la marque (produits, publicités, valeurs, magasin), évocations liées à la marque, expériences d’achat et de consommation antérieure de produits Nespresso, expériences et motivations de visite de magasins Nespresso).
Thème III : Expérience de la visite du magasin (réalisée pour les besoins de l’étude) (Sous-thèmes : expérience et ressentis émotionnels vécus lors de visite du magasin Nespresso, modalités de sélection des produits achetés, achat des produits, ressentis émotionnels vécus à l’issue de la visite du magasin, évaluation de la visite du magasin).
Thème IV : Expérience de consommation des produits Nespresso dans un cadre privé (Sous-thèmes : expérience de consommation des produits Nespresso, contexte de consommation des produits, modalités de l’utilisation de la machine Nespresso, évaluation de la congruence entre les attentes et la consommation des produits, rôle de la consommation dans la perception de la marque).
Thème V : Authenticité de l’expérience de marque Nespresso (Sous-thèmes : Singularité de l’offre expérientielle de Nespresso, attachement à cette marque)

2.3 – Méthode d’analyse

8L’analyse du corpus se fait à mesure du recueil de données (cf. Figure 1) à travers les allers-retours entre le terrain, l’analyse et la théorisation (Spiggle, 1994 ; Bergadaà et Nyeck, 1992). Elle est fondée sur un cercle herméneutique (Romano, 2010, p.859 ; Thompson, Locander et Pollio, 1989), consistant en une suite d’itérations entre une lecture des textes et l’analyse spécifique de certaines de leurs parties. Il ne s’agit pas seulement d’allers-retours entre une lecture holiste et une lecture spécifique des données, mais d’un mode de compréhension par lequel chacun des éléments n’a de sens que dans la mesure où ils forment, reliés les uns aux autres, un tissu duquel on ne peut les séparer, c’est-à-dire une complexité (Morin, 2005). Cette démarche d’analyse s’appuie sur un quadruple codage des données, entrepris par les auteurs dans un but réflexif et de complétude (Morin, 2005). Les questionnements de ce travail structurent l’analyse : quel est le rapport du sujet avec le café (sa complexité, son idiosyncrasie) (Soi) ? Comment l’expérience de consommation du café est-elle vécue, coproduite par le consommateur et le manager ? Quelles sont les facettes de cette expérience ? Quel est le regard réflexif que porte le sujet sur cette expérience (sens) ? Les éléments du matériau en rapport avec ces questionnements sont articulés (Figure 1).

Figure 1

Schématisation du processus abductif de la méthodologie de recherche

Figure 1

Schématisation du processus abductif de la méthodologie de recherche

3 – Analyse et interprétation des résultats

3.1 – Un modèle d’inspiration phénoménologique de l’expérience de consommation

9La réflexion aboutit à une modélisation de l’expérience sensible de consommation et de la place de la marque dans ce vécu. Le modèle proposé (Figure 2), développé à partir des travaux en sémiotique (Boutaud et Véron, 2007), est présenté sous la forme d’un nœud qui lie six dimensions de l’expérience autour du Soi du consommateur. La structure de ce modèle est construite progressivement et cherche à rendre compte de la complexité de l’expérience tout en distinguant deux niveaux (pôles de la subjectivité et régimes de co-production) qui se décomposent en six dimensions qui sont intrinsèquement liées et indissociables dans l’analyse. Conformément à la perspective phénoménologique, la subjectivité de l’individu est au centre du modèle. Elle s’ouvre sur l’environnement, sur le mode de la co-production. Les trois pôles de la subjectivité – sens, sensibilité et sensation – sont un déploiement du Soi en trois dimensions inter-reliées et propres à l’individu. Les trois régimes de co-production de l’expérience – co-présence, co-figuration et co-existence – représentent la rencontre du sujet avec son environnement. Ils sont investis de significations multiples et constituent un monde d’interactions et d’échanges avec les autres et les objets du monde.

Figure 2

Schéma de l’expérience sensible de consommation

Figure 2

Schéma de l’expérience sensible de consommation

3.2 – Pôles de la subjectivité : sensation, sensibilité et sens

10Ces pôles représentent le déploiement de la subjectivité du consommateur dans l’expérience de consommation. Si les managers peuvent avoir une action sur la forme des régimes de co-production de l’expérience, ils ne peuvent accéder directement aux pôles de la subjectivité de l’individu. Régimes et pôles ne sont pas étanches et la mise en forme de l’expérience par la marque est susceptible d’avoir un effet indirect sur le consommateur via les régimes de co-production. C’est ce dont nous rendons compte dans l’analyse des pôles de la subjectivité.

  • Sensation : ce pôle correspond à un effet interne chez un individu découlant de la saisie des stimuli par les sens lors de l’expérience de consommation. Sont concernés les cinq sens, la perception du temps et les sensations des mouvements et provenant de l’intérieur du corps. La littérature en marketing propose peu d’analyses de la signification de la sensation lors de l’expérience (Gentric, 2005). La sensation du plaisir est ici saisie par les voies sensorielles, comme le décrit Hetzel (2004) dans le cadre de l’étude de la construction du sens dans l’univers de la cuisine. La consommation de café implique des goûts et des odeurs, mais aussi des sensations de plaisir et d’excitation (boisson stimulante). Remarquons l’importance des sensations au-delà des cinq sens, des rapports synesthésiques ou coenesthésiques. Les sens peuvent se mélanger, se croiser et se renforcer comme, par exemple, le goût et l’odeur du café : « J’ai essayé de le consommer comme chez moi, non c’était pareil... si je me suis dit l’odeur... ce n’est pas facile de se souvenir quand même, mais au départ, j’ai pris le café et je l’ai juste senti, je voulais juste sentir le café, l’odeur... je ne l’ai même pas goûté, je l’ai reposé, puis je l’ai repris, je l’ai goûté et oui l’odeur était importante et je l’ai consommé, vécu là-bas, comme quand je prends autant de plaisir à le prendre chez moi » (Alain). L’émergence des sensations participe à la construction du moment, ancré dans le régime de la co-présence, de la matérialité et du moment présent. Entre aussi, dans le jeu des sensations, la capacité du sujet à leur donner du sens : il apparaît que la mise en mots des sensations (verbalisation du souvenir des sensations) permet de mieux les sentir.
  • Sensibilité : ce pôle se définit comme la capacité de l’individu à sentir et ressentir l’expérience. La sensibilité est une dimension sémiotique à la fois individuelle et collective. Elle est collective car il existe des partages de sensibilités. Mais elle est aussi le fruit d’une signification construite individuellement par le parcours de vie de chacun dans le cadre d’expériences privées, représentées par le pôle du sens : « J’ai senti une ou deux bougies mais après moi je ne les verrais pas dans la maison, ce ne sont pas mes odeurs » (Judith) ; « Très sensible aux couleurs dans mon travail (créatrice de mode), la riche palette de coloris pourpre, rouge sombre et cuivré (les capsules de café) qui me rappelle l’automne à New York » (Nespresso magazine, n˚01/09). La sensibilité n’est pas seulement tournée vers les stimuli du régime de la co-présence, mais aussi vers celui de la co-existence. Les valeurs liées à un univers de consommation, générique ou de marque, entrent alors en jeu dans le cadre des valeurs hypermodernes de la société. La sensibilité est subjective (« mes odeurs » ; « mon travail »), mais reste à analyser en lien avec les régimes de co-production qui lui sont proches.
  • Sens : ce pôle est compris comme direction, orientation comme dans l’expression « sens de la vie ». C’est la capacité à intégrer le vécu dans une construction narrative de soi et/ou du monde. Le sens d’une expérience s’étudie dans le cadre d’un récit de soi ou du monde qui entoure le sujet (Belk, 1988 ; Mick et Buhl, 1992). Dans notre cas, le sens se présente comme une construction narrative à partir du vécu immanent. Par exemple, un souvenir constitue une construction signifiante pour un individu. De nombreux autres modes de construction du sens de l’expérience sont identifiés tels que la consommation de café pour lutter contre la fatigue : « Ça doit remonter à l’enfance... puisque... mes parents buvaient du café filtre, c’était des grosses... des gros bols de café et le rituel du matin ; mon père était pâtissier, il se levait très tôt le matin, genre vers 3h du matin et je me souviens qu’il venait nous réveiller à 6h30 pour qu’on prenne le bus à 7h30 et c’était... du coup il reprenait le petit déjeuner avec nous... il en profitait il rebuvait du café avec nous et c’est vrai que c’était une odeur... mais j’en ai bu tard, vraiment tard le café, j’en ai bu je crois vers 17, 18 ans et j’ai trouvé ça trop fort... mais j’ai toujours aimé l’odeur, l’odeur ça a toujours été... je trouvais ça très agréable. Voilà. » (Alexa) ; « Décembre, c’était mon cadeau de Noël de mon frère (...). Nespresso c’est pas mal, ça me ferait plaisir » (Alexandre). Le sens apparaît comme un effet de la réflexivité de la pensée, un retour du sujet sur soi. Entre les régimes de la co-figuration et de la co-existence, interviennent notamment les souvenirs (« ça doit remonter à l’enfance ») et l’inscription de la consommation dans des rapports sociaux (« mon cadeau de Noël (...) de mon frère ») ou des moments de vie (e.g. pause café, petit déjeuner).

3.3 – Les régimes de co-production de l’expérience sensible de consommation

11Si les pôles de la subjectivité sensible représentent la production de la signification comme processus d’individuation (Anzieu, 1995), les régimes de co-production rendent compte de la rencontre du sujet avec le monde extérieur, contexte de l’expérience. Celui-ci est ici considéré sous deux aspects : soit générique, soit géré par la marque. Le contexte expérientiel est analysé comme vécu par un sujet et non comme un monde objectif. Les managers interviennent sur ces régimes de co-production de l’expérience, alors qu’ils ne peuvent accéder directement aux pôles de la subjectivité du consommateur.

  • Co-existence : régime concernant le rapport entre les valeurs et le projet existentiel de la marque avec ceux des individus et des sociétés. Il relève de la capacité des acteurs à co-exister par le partage, au moins partiel, d’un ensemble de valeurs. La mise en forme de la signification par la marque vise à la faire entrer en résonance avec les valeurs structurantes de la société. La théorie de l’hypermodernité (Ascher, 2000 ; Lipovetsky, 2006) nous offre une lecture de ces valeurs, qui participent à la sensibilité d’une époque. Par exemple, la marque élève au rang de valeur existentielle l’urbanité, la bonne gestion de l’espace, le minimalisme. Elle propose alors un mode de co-existence dans cette société et avec les individus potentiellement consommateurs : « Les collections CitiZ portent un message d’indépendance et de versatilité qui reflète l’esprit urbain et industriel de la ligne de machines » (Nespresso magazine, n˚01/09) ; « J’associe cette marque à une bonne qualité... euh... c’est quelque chose, c’est design, à la fois jeune, chic, oui c’est un peu BCBG, c’est un peu in (...) le design assez chic (...) à la fois populaire, pas populaire mais ça fait très... urbain, oui les gens de la ville qui aiment les bonnes choses et les jolies choses » (Judith).
  • Co-présence : régime correspondant à la rencontre entre un sujet et les qualités sensibles immanentes du contexte expérientiel à un moment donné. Le design de la marque (dimensions sociale et spatiale) contribue à la valorisation de l’expérience sensible de consommation. La co-présence permet une expérience des valeurs existentielles de cette dernière. Le percolateur « CitiZ » devient, selon les mots de son designer, « l’expérience ultime du minimalisme ». Le minimalisme se manifeste et se concrétise par une économie d’espace, là où la valeur d’urbanité est exprimée par les formes esthétiques évoquant les buildings américains du début du XXe siècle. Le sens de ces manifestations n’existe que sous le régime de la co-présence avec l’individu consommateur, alors co-producteur par ses usages. Mais ces pratiques, si elles appartiennent à l’individu, sont configurées par la marque, incarnées dans le design de ses produits. Dans cette perspective, la congruence de la mise en forme du contexte expérientiel avec les valeurs de la marque et les attentes du consommateur est essentielle : « Il suffit d’observer la vie en ville pour comprendre à quel point l’espace est un luxe. Les citadins modernes excellent dans l’art de se mouvoir dans les espaces les plus confinés et d’exploiter ceux-ci au maximum de leurs possibilités. C’est à ce phénomène que Nespresso dédie sa toute nouvelle machine : CitiZ ; le meilleur du design compact et intelligent au service du meilleur du café » (Nespresso magazine, n˚01/09) ; « La déco je la trouve sympa, il n’y a pas des couleurs flashy, c’est du marron, du blanc, du beige, non c’est très joli, sobre... en plus les vendeurs sont habillés pareil en beige avec du doré pour les filles en chemisier, non c’est très joli, assorti, la lumière, il y a juste ce qu’il faut » (Alexandre).
  • Co-figuration : régime discursif visant à saisir l’expérience sensible par le langage. La possibilité de mettre des mots sur le vécu est essentielle pour pouvoir lui donner une signification générale. Dans cette optique, le régime de co-figuration met en jeu les constructions et interprétations discursives impliquant des stratégies rhétoriques de la part de la marque et du consommateur de manière à rendre intelligible et partageable l’expérience sensible. La marque met en forme la signification de l’expérience en usant de figures comme l’emphase (sémantique du sublime, de la perfection et de l’excellence), la métaphore (entre le café et le vin) ou la métonymie (e.g. discours sur l’origine des cafés, l’Italie). Ce faisant, elle fournit ce matériel linguistique au consommateur qui fait l’expérience de la marque, car il est difficile pour celui qui a peu de sensibilité dans le domaine, d’exprimer ses sensations et de s’initier : « Le goût de l’excellence : il en va du café comme du vin (...) Si les cafés Nespresso sont appelés Grands Crus, c’est pour souligner que seuls les normes de qualités et les critères de sélection les plus exigeants sont retenus dans le processus qui mène du grain de café à la tasse » (Nespresso magazine, n˚01/09) ; « Le café loupé il est souvent tout noir, il n’y a même pas de mousse, il est âcre, amer, trop acide » (Alexa).

4 – Discussions

4.1 – La dimension sensible de l’expérience

12Notre étude nous conduit à analyser l’expérience sensible de consommation dans la perspective phénoménologique. Cette expérience correspond à un vécu subjectif, le Soi en constitue le centre qui se déploie en trois pôles de la subjectivité – sens, sensation et sensibilité. Elle est en même temps conçue comme une co-production structurée en trois régimes – co-présence, co-figuration et co-existence.

4.2 – L’individu au centre de l’expérience sensible de consommation

13Cette expérience met en jeu un principe d’individuation : les pôles de la subjectivité et les trois régimes de co-production incarnent la « conscience simultanée d’être soi-même et d’être présent au monde » (Anzieu, 1995, p.262). La pensée se construit, en partie, à partir du regard de l’individu sur ses propres actions. Dans ce cadre, l’expérience de consommation se présente d’abord comme une expérience du choix. Or, la nécessité de choisir pour soi-même constitue un des ressorts du principe d’individuation (Ascher, 2000), c’est-à-dire de singularisation de la personne. Cette dernière repose sur la transformation de la sensibilité par la réflexivité. Cette approche hypermoderne est centrale pour comprendre pourquoi se positionne, au centre de la signification de l’expérience sensible, le Soi, c’est-à-dire le cœur d’une subjectivité réflexive et sensitive. L’étude de l’expérience sensible permet de réaffirmer l’importance d’une analyse de la consommation hédonique : le principe de plaisir individuel – qui est aussi partagé (De Singly, 2005) – est central. Holbrook et Hirschman (1982) insistent sur cette question, contrebalançant ainsi les analyses strictement transactionnelles ou cognitives de la consommation. Les analyses macro-sociales (Lipovetsky, 2006) insistent, quant à elles, sur cette dimension hédonique en contrepoint d’une conception ostentatoire et statutaire de la consommation. Si la sensibilité contemporaine se veut hédonique et que l’individu recherche des sensations, c’est pour sentir et ressentir réflexivement sa singularité. L’expérience sensible se joue dans les dimensions corporelle et mentale, « le café corps et âme », dit la signature de la marque Nespresso. En effet, la consommation générique de café prend souvent son sens dans la nécessité de se réveiller ou rester éveillé. Le café procure des sensations qui répondent à une sensibilité hédonique autant qu’à une raison gastronomique et à une nécessité sociale. De même, ce sens se construit par l’acquisition de compétences. Ainsi, pour « bien consommer », il est de plus en plus nécessaire d’acquérir des compétences permettant de faire les meilleurs arbitrages. Ce sont les trois pôles de la subjectivité qui sont mobilisés, car l’expérience sensible doit répondre à une sensibilité, procurer des sensations et intégrer le sens subjectif.

4.3 – La mise en forme de l’expérience par la marque

14La marque Nespresso propose une expérience de préparation du café complètement individualisée grâce à un système de capsules. Cette individualisation de la consommation implique une certaine organisation du choix, dans une perspective hédonique : proposer des cafés qui procurent des sensations agréables et, en même temps, faciliter le choix du café qui correspond à la sensibilité de chaque sujet. La mise en forme des expériences de consommation par les marques (Tableau 2) n’est pas neutre du point de vue de l’évolution des sensibilités hypermodernes. Elle participe à les définir à travers, entre autres, des dispositifs de captation au sens de la sociologie du « travail marchand » (Cochoy, 2004). Il ne faut pas voir ici un pouvoir absolu du marketing sur les sensibilités contemporaines, car si le phénomène est massif, il n’est pas omniprésent. Ce pouvoir des marques n’opère que lorsque la sensibilité des consommateurs s’y ouvre et que le consommateur fait preuve d’une intentionnalité, d’un effort délibéré vis-à-vis de la marque. Cette intentionnalité est la condition même de l’interaction avec le monde perçu, d’une « mise en scène de la vie quotidienne » (Goffman, 1973).

Tableau 2

Illustration des principales recommandations managériales

Tableau 2
La marque apparaît comme un mode d’organisation du sens (Semprini, 2005) et de l’expérience sensible de consommation. – En marketing expérientiel, le produit ne compte pas pour lui-même, mais pour l’expérience qu’il procure. – Une autre logique de la modernisation réside dans la diminution de matière des objets pour un bénéfice expérientiel accru. Si la marque permet de co-produire l’expérience, elle ne peut le faire que via des régimes de co-production, sans pouvoir agir directement sur la subjectivité du consommateur. – Une analyse des produits dans le régime de la co-existence montre que ces derniers gagnent en sens s’ils s’inscrivent dans les logiques et valeurs hypermodernes. – Un système figuratif de couleurs, les publicités, les conseils des vendeurs, le consumer magazine sont autant de supports de discours permettant à la marque de donner une forme spécifique à l’expérience de consommation du café. La consommation devient alors, dans le régime de co-figuration, une « dégustation ». – Les modèles de percolateurs les plus récents de la marque Nespresso sont plus étroits que les plus anciens. Cette étroitesse, sur le plan de la co-présence, répond à une valeur de minimalisme identifiable à la fois dans la marque et l’hypermodernité. – La minimalisation des produits s’accompagne d’un travail sur le régime de la co-figuration : il s’agit de leur donner, par la marque, une valeur de signe qui redouble leur valeur fonctionnelle. En effet, les percolateurs étroits prennent la forme de buildings dans un style art déco. Dans cette perspective, malgré la logique minimaliste, l’objet ne disparaît pas complètement mais est doté de valeurs qui lui permettent de co-exister : ici, l’urbanité de la gamme CitiZ, dans un monde largement urbanisé (Ascher, 1995).

Illustration des principales recommandations managériales

15Enfin, le modèle proposé représente l’aboutissement de cette recherche. Sa spécificité exploratoire autorise des développements additionnels pour vérifier sa stabilité et le compléter éventuellement. En effet, une transposition de ce modèle dans d’autres cas d’expériences de consommation et de marque n’est pas exclue ; à titre illustratif, il peut être opportun d’examiner les ressorts et les mécanismes de l’expérience sensible à l’œuvre dans le cadre des activités de consommation ordinaires (e.g. cuisine, shopping) et extraordinaires (e.g. sports extrêmes) et des marques (e.g. Nature & Découvertes, Harley Davidson). Dans une optique managériale, l’application de ce modèle in-situ appelle des compétences académiques et managériales différenciées : sémioticiens, designers, architectes, chercheurs, responsables de marques... La complémentarité de ces expertises disciplinaires peut rendre saisissable la complexité de l’expérience de consommation et de marque, notamment en mobilisant une approche multi-méthodes comme c’est le cas dans cette étude.

Tableau 3

Illustration des apports du croisement méthodologique sur les pôles de subjectivité

Tableau 3
Unités du modèle Exemples de verbatim / extraits d’analyse documentaire / compte rendu d’observation [ou matériaux] Méthodes Pôle du sens « Avant c’était ma femme qui me faisait le café. (...) mais depuis que l’on a la Nespresso, c’est moi qui le fait, même quand on a des invités. Je leur fais déguster un café adapté à leur goût (...). C’est simple, le café est d’une qualité constante, toujours à la même température » (Guy). La gamme de café est simplifiée, linéaire. Elle est structurée autour d’un code couleurs. Elles sont sombres pour les cafés à gout intense (fort), claires pour les plus légers. Très peu de clients font la différence entre un arabica et robusta lorsqu’il consomme un café Nespresso (observation participante). « Les grands crus : Intenso, Espresso, Pure Origine, Lungo, Decaffeinato » (site Internet, brochure de la marque Nespresso). Entretiens en profondeur Observation participante Analyse documentaire Pôle de la sensation « Née de crus aux arômes singuliers liés dans un style rond et velouté. Découvrez la palette aromatique Espresso » (site Internet Nespresso). « J’aime le déguster dans un verre (...). Moi c’est quand l’eau coule et que ça fait un beau café avec de la mousse, le coloris du café, moi c’est plus visuel que dans les odeurs. C’est plus le visuel que le reste » (Guy). La répondante Claire, non cliente de la marque, a su faire le café au domicile du chercheur sans aucune indication de sa part. Elle a reproduit ce qu’elle a appris en magasin d’un point de vue fonctionnel et nous a parlé de ses sensations tactiles avec la machine : le contact avec l’aluminium, le bruit de la machine (...) (observation). Analyse documentaire Entretien en profondeur Observation
Tableau 3
Unités du modèle Exemples de verbatim / extraits d’analyse documentaire / compte rendu d’observation [ou matériaux] Méthodes Pôle de la sensibilité Au début de ma collocation, quand un ami arrivait on lui proposait de boire une bière. Depuis qu’il a acheté une Nespresso, c’est un café. Peut-être que l’âge est à prendre en considération (Introspection). « Très sensible aux couleurs dans mon travail (créatrice de mode), la riche palette de coloris pourpre, rouge sombre et cuivré (les capsules de cafés) qui me rappelle l’automne à New York » (Nespresso magazine, n˚01/09). Introspection Analyse documentaire

Illustration des apports du croisement méthodologique sur les pôles de subjectivité

Conclusion

16La recherche sur le sens de l’expérience sensible de consommation pose la question de l’élaboration de la signification par les individus en situation de consommation (Mick et al., 2004). Trois pôles de la subjectivité sensible – le sens, la sensibilité, la sensation – ainsi que trois régimes de co-production du vécu du consommateur sont proposés, modélisés et définis. Cette recherche est construite sur la base d’une étude qualitative empirique de l’expérience sensible de la consommation de café et de la marque Nespresso. Elle tente d’offrir une approche différente et complémentaire d’analyse de l’expérience de consommation. En effet, le focus proposé sur sa dimension sensible (qui ne se limite pas aux 5 sens) permet une construction théorique originale, robuste et opératoire. Il s’agit aussi d’apporter un point de vue spécifique sur l’individu dans le cadre de la théorie hypermoderne. Comprendre les comportements de consommation et les pratiques managériales, c’est aussi les situer dans un cadre macro-social. Ceci est essentiel car l’individu n’est pas réductible à la figure du consommateur, et comprendre cette dernière ne peut se faire sans une approche holistique. Les managers peuvent trouver ici une grille d’analyse de l’expérience de consommation sensible, générique ou de marque. Il s’agit de travailler l’offre marketing non pas dans la seule perspective du produit, mais dans celle de la co-production de l’expérience sensible. Les limites et voies de recherche concernent la construction de l’objet de recherche, les partis pris épistémologiques et méthodologiques. La question du sensible n’intègre pas ici tous les apports de la littérature en marketing (et particulièrement, celle qui traite des dimensions de l’expérience de consommation ; cf. Tableau 1). Chacune des dimensions de l’expérience sensible pourrait être mise à l’épreuve d’un nouveau terrain de recherche et discuté de manière approfondie au regard de cette littérature. Enfin, la théorisation ne peut prétendre à une transférabilité à tous les autres cas de consommation et à toutes autres catégories de produit. Cependant, l’étude en profondeur du cas du café et son analyse sémiotique systématique sur une longue période permet une théorisation robuste, apte à être reconstruite dans d’autres situations en éprouvant cette méthode de travail et la grille de lecture afférente.

Bibliographie

Bibliographie

  • ADDIS M. et HOLBROOK M. (2001), “On the link between mass customisation and experiential consumption : An explosion of subjectivity”, Journal of Consumer Behavior, Vol. 1, N˚ 1, p. 50-66.
  • ANZIEU D. (1995), Le Moi Peau, Dunod, Paris.
  • ARNOULD E. et PRICE L. (1993), “River magic : extraordinary experience and the extended service encounter”, Journal of Consumer Research, Vol. 20, N° 1, p. 24-45.
  • ARNOULD E. et THOMPSON C. (2005), “Consumer Culture Theory (CCT) : Twenty Years of Research”, Journal of Consumer Research, Vol. 31, N° 4, p. 868-882.
  • ASCHER F. (1995), Métapolis, ou l’avenir des villes, Odile Jacob, Paris.
  • ASCHER F. (2000), La société hypermoderne ou ces événements qui nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs, L’Aube, Paris.
  • ASCHER F. (2005), Le mangeur hypermoderne, Odile Jacob, Paris.
  • AUBERT-GAMET V. (1996), Le design d’environnement commercial dans les services : appropriation et détournement par le client, Thèse de doctorat en sciences de gestion, IAE d’Aix-en-Provence.
  • BARRAU J. (1989), « Café boisson, café institution », Terrain, N° 13, p. 92-97.
  • BAUDRILLARD J. (1970), La société de consommation, Denoël, Paris.
  • BEAUD S. et WEBER F. (2003), Guide de l’enquête terrain, La découverte, Paris.
  • BELK R. (1988), “Possessions and the extended self”, Journal of Consumer Research, Vol. 15, N° 2, p. 139-168.
  • BENOIT-MOREAU F. (2008), La première rencontre mémorable entre un consommateur et une marque, Thèse de doctorat en sciences de gestion, Université Paris Dauphine.
  • BERGADAA M. et NYECK S. (1992), « Induction et déduction dans la recherche en marketing », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 7, N° 3, p. 23-44.
  • BONNIN G. (2003), « La mobilité du consommateur en magasin : une étude exploratoire de l’influence de l’aménagement spatial sur les stratégies d’appropriation des espaces de grande distribution », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 18, N° 3, p. 7-29.
  • BOUTAUD J.-J. et VERON E. (2007), Sémiotique ouverte, itinéraires sémiotiques en communication, Lavoisier, Paris.
  • CAMELIS C. et LLOSA S. (2011), « Intégrer l’expérience dans la gestion de l’image de la marque de service », Décisions Marketing, N° 61, p. 11-22.
  • CARU A. et COVA B. (2003), « Approche empirique de l’immersion dans l’expérience de consommation : les opérations d’appropriation », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 18, n° 2, p. 47-65.
  • CARU A. et COVA B. (2006), « Expériences de marque : comment favoriser l’immersion du consommateur ? », Décisions Marketing, N° 41, p. 43-52.
  • CHARFI A. et VOLLE P. (2011), « L’expérience d’immersion en ligne : un nouvel outil pour les sites marchands », Revue Française du Marketing, N°234/235, p. 49-65.
  • COCHOY F. (2004), La captation des publics : « c’est pour mieux te séduire, mon client », Presses Universitaires du Mirail, Toulouse.
  • DEBENEDETTI S. (2003), « L’expérience de visite des lieux de loisir : le rôle central des compagnons », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 18, N° 4, 2003, p. 43-58.
  • DE SINGLY F. (2005), L’individualisme est un humanisme, L’Aube, Paris.
  • EISENHARDT K. et GRAEBNER M. (2007), “Theory building from cases : opportunities and challenges”, Academy of Management Journal, Vol. 50, N° 1, p. 25-32.
  • FILSER M. (2002), « Le marketing de production de l’expérience : statut théorique et managérial », Décisions Marketing, N° 28, p. 13-22.
  • FORNERINO M., HELME-GUIZON A. et GOTTELAND D. (2006), « Mesurer l’immersion dans une expérience de consommation : premiers développements », Actes du Congrès International de l’Association Française du Marketing, Nantes.
  • FORNERINO M., HELME-GUIZON A. et GOTTELAND D. (2008), « Expériences cinématographiques en état d’immersion : effets sur la satisfaction », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 23, N° 3, p. 93-111.
  • GENTRIC M. (2005), La relation client-magasin : de la stimulation sensorielle au genius loci, Thèse de doctorat, Université de Rennes I.
  • GLASER B. et STRAUSS A. (1967), The discovery of grounded theory, Strategy for qualitative research, Aldine Publishing Compagny, New York.
  • GOFFMAN E. (1973), La mise en scène de la vie quotidienne. 2. Les relations en public, Les éditions de minuit, Paris.
  • HETZEL P. (2002), « La mise en scène de l’identité d’une marque de luxe sur son lieu de vente : l’approche expérientielle des magasins Ralph Lauren », Revue Française du Marketing, N° 187, p. 61-72.
  • HOLBROOK M. et HIRSCHMAN E. (1982), “The experiential aspects of consumption : consumer fantasies, feelings and fun”, Journal of Consumer Research, Vol.9, N°2, p.132-140.
  • HOLT D. (2002), “Why do brands cause trouble ? A dialectic theory of consumer culture and branding”, Journal of Consumer Research, Vol. 29, N° 1, p. 70-90.
  • LADWEIN R., KOLENC C. et OUVRY M. (2008), « Expérience de consommation télévisuelle et médiation sociale : le cas de la “Star Academy” », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 23, N° 3, p. 71-92.
  • LANDOWSKI E. (2004), Passions sans nom : essai de socio-sémiotique III, PUF, Paris.
  • LE BRETON D. (2006), La saveur du monde, une anthropologie des sens, Métailié, Paris.
  • LIPOVETSKY G. (2006), Le bonheur paradoxal, essai sur la société d’hyperconsommation, Gallimard, Paris.
  • LOMBART C. et LABBE-PINLON B. (2005), « Conséquences non-transactionnelles du comportement de butinage : modèle théorique et test empirique », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 20, N° 1, p. 21-42.
  • MARION G. (2003), « Apparence et identité : une approche sémiotique du discours des adolescents à propos de leur expérience de la mode », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 18, N° 2, p. 1-29.
  • MAUSS M. (1966), Sociologie et anthropologie, PUF, Paris.
  • MERLEAU-PONTY M. (1945), Phénoménologie de la Perception, Gallimard, Paris.
  • MERLEAU-PONTY M. (1964), Le visible et l’invisible, Gallimard, Paris.
  • MICK D. et BUHL C. (1992), “A meaning based model of advertising experiences”, Journal of Consumer Research, Vol. 19, N° 3, p. 317-338.
  • MICK D., BURROUGHS J., HETZEL P. et BRANNEN M. (2004), “Pursuing the meaning of meaning in the commercial world : an international review of marketing and consumer research founded on semiotics”, Semiotica, Vol. 152, N° 1, p. 1-74.
  • MORIN E. (2005), Introduction à la pensée complexe, Le Seuil, Paris.
  • PARK W., JAWORSKI B. et MCINNIS D. (1986), “Strategic Brand Concept-Image Management”, Journal of Marketing, Vol. 50, N° 4, p. 135-145.
  • PINE J. et GILMORE J. (1999), The experience economy, Harvard Business School Press, Cambridge.
  • PINKER S. (1997), How the mind works, Norton, New York.
  • PUNJ G. et STEWART D. (1983), “An interaction framework of consumer decision making”, Journal of Consumer Research, Vol. 10, N° 2, p. 181-196.
  • RICHARDSON A. (1999), “Subjective experience : Its conceptual status, method of investigation, and psychological significance”, The Journal of Psychology, Vol.133, N°5, p.469-485.
  • ROEDERER C. (2012), « Contribution à la conceptualisation de l’expérience de consommation : émergence des dimensions de l’expérience au travers de récits de vie », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 27, N° 3, p. 81-96.
  • ROMANO C. (2010), Au cœur de la raison, la phénoménologie, Folio, Paris.
  • SALERMO A. (2009), « L’expérience créative du consommateur : le rôle de l’orientation motivationnelle dans l’activité de loisir créatif », Recherche et Applications en Marketing, Vol. 24, N° 1, p. 69-92.
  • SCHMITT B. (1999), Experiential marketing : how to get customers to sense, feel,think, act, relate to your company and brands, The Free Press, New York.
  • SEMPRINI A. (2005), La marque, une puissance fragile, Vuibert, Paris.
  • SPIGGLE S. (1994), “Analysis and interpretation of qualitative data in consumer research”, Journal of Consumer Research, Vol. 21, N° 3, p. 491-503.
  • THOMPSON C., LOCANDER W. et POLLIO H. (1989), “Putting Consumer Experience Back into Consumer Research : The Philosophy and Method of Existential-Phenomenology”, Journal of Consumer Research, Vol. 16, N° 2, p. 133-146.
  • THOMPSON C. et ARSEL Z. (2004), “The Starbucks Brandscape and Consumers’ (anticorporate) Experience of Glocalization”, Journal of Consumer Research, Vol.31, N°3, p. 631-642.
  • WACHEUX F. (1996), Méthodes qualitatives et recherches en gestion, Economica, Paris.
  • WALLENDORF M. et BRUCKS M. (1993), “Introspection in consumer research : implementation and implications”, Journal of Consumer Research, Vol. 20, N° 4, p. 339-359.

Notes

  • [1]
    Ce papier a fait l’objet d’une première présentation en congrès. Réf : MAYNADIER B., BENMOUSSA F.-Z., ERRAJAA K. et MAUBISSON L. (2010), « L’expérience sensible de consommation : une analyse sémiotique du cas de la consommation de café et de la marque Nespresso », 26ème Congrès de lAssociation Française de Marketing, Le Mans.
  • [2]
    Fatim-Zohra BENMOUSSA : Enseignant-chercheur, Groupe ISCAE - Maroc - fzbenmoussa@groupeiscae.ma
  • [3]
    Karim ERR AJAA : Enseignant-chercheur, ESG Management School - kerrajaa@esg.fr
  • [4]
    Laurent MAUBISSON : Maître de conférences, IAE de Tours - Université François Rabelais, Université d’Orléans, Laboratoire VALLOREM (EA 6296) - laurent.maubisson@univ-tours.fr
  • [5]
    Boris MAYNADIER : Enseignant-chercheur, ICD Business School, LaRA - bmaynadier@groupe-igs.fr
  • [6]
    Les facteurs justifiant la sélection de cette marque sont : la réussite commerciale (croissance mondiale de 35 % en moyenne durant les sept dernières années, CA de 14,35 % en 2010 en comparaison à 2009, position de leader en effectuant 2,63 milliards de vente en 2010 et ouverture de 157 boutiques au niveau mondial en 2008) (source : www.investir.fr), particularités de l’offre d’expérience (interactions sociales, multiplicité des acteurs), offre expérientielle très élaborée (design sophistiqué, habillage expérientiel moderne), la notoriété de la marque.
  • [7]
    Pour plus de précisions sur les questions du guide d’entretien, le lecteur pourra contacter les auteurs.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions