Notes
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[1]
Amadou BA : Enseignant-chercheur, LARA/ICD Paris - amadou81@live.fr
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[2]
Enquête Emploi-Formation : commerce à prédominance alimentaire/Repères & Tendances – données 2012.
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[3]
Rapport de branche 2010, convention collective n°3305, commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
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[4]
Liaisons sociales magazine/novembre 2012, p. 18.
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[5]
Enquête Ergodistrib publiée par le CISME : http://www.cisme.org/etude/asmt_ergodistrib.php
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[6]
Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12/07/2001.
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[7]
Selon Hall (1984), c’est un système qui consiste à faire plusieurs choses et traiter avec plusieurs clients à la fois.
Introduction
1Le secteur de la grande distribution française est pris dans un réseau de contraintes commun : concurrence intense, exigences de clients de plus en plus informés, saturation du marché l’obligeant à recourir aux innovations technologiques à la recherche de nouvelles voies de développement. Ces technologies entraînent des mutations profondes dans les métiers de la grande distribution. Ainsi, le commerce électronique, l’émergence des magasins en ligne ainsi que l’implantation progressive des technologies simplifiant le processus d’encaissement (self-scanning, caisses automatiques, puces RFID etc.) sont « les principales ruptures dans le paysage du commerce de détail » (Picot-Coupey, 2013). Par une approche contextualiste, l’article montre comment l’automatisation des caisses a affecté le contenu du travail d’encaissement avec un impact sur la relation commerciale, l’organisation et les conditions de travail. Dans une démarche prospective, nous essayons d’identifier les nouvelles compétences induites par l’automatisation des caisses et ses implications sur la fonction de ressources humaines. Au-delà des mutations du travail d’encaissement dans la grande distribution, l’article souligne l’importance des enjeux de gestion des ressources humaines qu’entraîne l’automatisation du travail dans les services, en général.
2Les données proviennent d’une longue immersion effectuée dans le cadre d’un contrat de recherche de trois ans dans un hypermarché 6 000 m2 située en province.
3Au-delà du transfert du travail productif vers le client souligné déjà par les approches en termes de « co-production » du service (Gradey, 1994), les caissières sont désormais obligées d’accompagner le client dans la maîtrise du service. Cet engagement subjectif remet en cause les scripts comportementaux au profit d’une relation personnalisée avec le bénéficiaire du service.
4L’analyse des évolutions du métier de caissière fait apparaître la complexité des rôles et le renforcement des interactions. Il en résulte une transformation des relations entre les clients et le personnel au contact ainsi que, paradoxalement, une intensification du travail des caissières.
5L’étude du changement technologique dans le cadre du métier d’encaissement en hypermarché met en évidence trois dimensions essentielles : relationnelle, technique et surveillance.
6Dans un premier temps, nous allons revisiter l’évolution du métier de caissière, ensuite nous déclinons la méthodologie de recherche. Enfin, nous présentons les différents résultats de la recherche pour ensuite les discuter.
1 – L’évolution du métier de caissière d’hypermarché
7La branche du commerce à prédominance alimentaire comptait 597 519 salariés en 2012 dont plus de 280 000 dans les hypermarchés, soit 47 % des effectifs de la branche. Les effectifs du secteur ont baissé de 2,1 % [2] par rapport à 2011. La population reste majoritairement féminine avec 58 % des salariés. L’âge moyen de la population est de 38,6 ans.
8Aujourd’hui, les caissières représentent 19 % des salariés de la branche du commerce à prédominance alimentaire. Selon le rapport de branche 2010 [3], on observe une baisse de 4 points entre 2007 et 2010 sur le nombre de postes d’encaissement. L’accord de GPEC signé, en novembre 2008, par la FCD (fédération des entreprises du commerce et de la distribution) et les organisations syndicales, prévoyait une diminution sensible du nombre de caissières à l’horizon 2015. Pour 2008, 2009 et 2010, « les coupes atteignent 20 000 emplois équivalents temps plein [4] ».
9« Alors que l’ouvrier est devenu un grand inconnu pour la plupart des électeurs, nous rencontrons la caissière régulièrement, nous observons son travail », écrit Askenazy (2007). « Le nouveau prolétariat, c’est elle », lance-t-il. Cette remarque soulève un coin du voile sur l’image de la caissière perçue par le grand public. Ce métier qui s’exerce en grande partie lors de la rencontre entre le client (consommation) et le personnel en contact (encaissement) est perçu comme un travail que tout le monde prétend connaître parce qu’on a juste observé la caissière scanner les produits. Quelles sont les caractéristiques de ce métier ? Dans quelles conditions travaillent les caissières ? Faut-il avoir une vision homogène du profil de caissière ? Voici autant de questions qui méritent d’être soulignées avant de voir comment ce métier se décline avec l’implantation des caisses automatiques.
1.1 – De l’image dévalorisée de la caissière à la diversité des profils
10Dans le commerce de détail français, le travail fait l’objet de distribution de rôles fortement connotés sexuellement : 95 % des postes d’encaissement sont occupées par des femmes, 44 % travaillent à temps partiel en CDI (Vignon, 2009). Sous-diplôme, insuffisance de formation professionnelle continue et promotion interne très limitée caractérisent les emplois de caissières. La littérature consacrée aux caissières montre qu’elles ont fait ce choix de métier soit par facilité (il semble assez facile de se faire embaucher dans la grande distribution) ; soit par obligation (après avoir connu une multitude d’emplois précaires, le doute et le chômage, les caissières sont heureuses d’obtenir un travail malgré sa pénibilité et ses contraintes horaires) (Alonzo, 1998 ; Scoyez et Vignon, 2009). Ainsi, devenir caissière est rarement un choix délibéré. Cependant, une fois l’emploi obtenu, nombreuses sont celles qui n’ont pas l’énergie, ni les ressources sociales pour chercher un autre travail. Il s’agit souvent d’un choix par défaut ou pour éviter l’exclusion.
11Certains auteurs (Alonzo, 1998 ; Appay, 2005 ; Benquet, 2010) soulignent que le métier de caissière symbolise le travail non qualifié et l’emploi précaire. Ce métier est traditionnellement dévolu aux femmes. « Représentée dans les années 1970 sous les traits d’une mère de famille à la recherche d’un salaire d’appoint sur un marché de l’emploi masculin et dominé par le secteur secondaire, l’image de la caissière est devenue, au cours des années 1980, une illustration marquante de la substitution du précariat au salariat » (Benquet, 2010, p. 24).
12Le terme précarité recouvre des profils sociaux qui invitent à la prudence dans son utilisation. Waelli (2009) et Benquet (2010) apportent un éclairage sur la diversité conceptuelle que recouvre cette notion. Si la précarité est ici synonyme de temps partiel, il convient d’admettre que ce temps partiel peut être choisi pour concilier vie privée/vie professionnelle. Tout emploi à temps partiel n’est pas forcément précaire. Par contre, le travail à temps partiel imposé mettant les salariés dans une situation de crise de l’emploi, constitue une forme de travail précaire. Cette forme de travail précaire est utilisée par l’employeur pour augmenter la flexibilité des salariés.
13Le « portrait monolithique » de la caissière d’hypermarché dissimule une variété de profils de ces employées comme le souligne Waelli (2008). « En insistant sur les retournements biographiques qui changent le rapport au travail, à l’emploi et à la vie privée, [sa] typologie issue du croisement des trois facteurs discriminants (lieu, âge et qualification) met en valeur l’hétérogénéité des manières d’être au travail » (p. 21). Cette mise au point invite à nuancer l’image sociale de « la caissière » d’hypermarché.
14Etre caissière est souvent considéré comme un métier par « défaut » et que seules les personnes ayant connu un échec scolaire exercent. Cependant, il y a de plus en plus d’étudiants qui occupent ce poste d’abord de façon provisoire avant d’y faire carrière. Les distributeurs recourent aujourd’hui principalement à l’emploi d’étudiants dont les attentes répondent mieux aux besoins invoqués de flexibilité (Waelli, 2009). Les caissières ont souvent un niveau bac+2 et certaines enseignes exigent un niveau d’études minimum équivalent au bac. Cette population a un rapport à l’emploi qui la distingue de la caissière considérée comme « une femme peu qualifiée, tenue par la nécessité de réaliser heures supplémentaires », (Waelli, 2008). L’auteur souligne aussi la faible dépendance des étudiants à l’emploi de caissière. Pour Alonzo (1998), l’introduction de ces nouvelles figures dans le monde des caissières a pour conséquence « de tirer la profession de caissière du côté des petits-boulots, du travail alimentaire et travail à temps partiel, donc du travail atypique » (p. 48). Aujourd’hui, les hypermarchés, marché du travail qualifié d’« ouvert » par Le Corre (2001), sont le carrefour de plusieurs profils où « des mères de familles côtoient des étudiants de passage ou des jeunes en cours d’insertion » (Waelli, 2009).
15Les perceptions sociales des caissières, souvent négatives sont aussi liées à leurs rapports avec les clients. Les caissières souffrent ainsi d’un manque de reconnaissance sur le lieu de travail de la part des acteurs impliqués (encadrement et clients). Cependant, de tels évènements ne doivent pas masquer la reconnaissance que les caissières tirent de la relation avec les clients. Ces derniers constituent parfois la source de satisfaction éprouvée dans ce métier. La relation entre le client et la caissière est ambivalente. Le client est à la fois la « bête noire » de la caissière mais également celui qui rend son travail plus valorisant.
1.2 – Les contraintes organisationnelles et relationnelles du métier d’encaissement
16L’emploi de la caissière est caractérisé par un cumul de temps partiel, de conditions de travail pénibles et de faible rémunération. Elle incarne le travail peu qualifié ou des « qualifications invisibles » et non reconnues (Soares, 1996) et répétitif. Le travail en caisse est également connu pour générer des troubles musculo-squelettiques (en 2007, le nombre de TMS dépassait 1 800 dans le secteur de la grande distribution). Ce secteur est particulièrement concerné par la dégradation de la santé au travail de ses salariés (Carpentier, 2010). Une étude publiée par la FCD en 2006 [5] montre que les indicateurs de santé des caissières se dégradent depuis quelques années sous l’influence de la répétitivité des gestes, de la manipulation de charges lourdes et de la charge émotionnelle.
17La caissière est chargée de contrôler les marchandises au passage en caisse. Elle enregistre les produits au clavier ou au scanner. Depuis l’arrivée des codes-barres, la lecture automatique des prix a allégé son travail. Cependant le rythme s’en trouve accéléré. La caissière doit maintenir la caisse et son environnement en état de propreté. En hypermarché, supermarché, ou magasin de proximité, elle doit être souriante et avoir une bonne présentation afin d’accueillir les publics les plus divers. C’est un métier difficile qui demande une excellente résistance nerveuse. C’est un travail où le sens du contact est très important. C’est ce que montrent Forseth et al. (2003) à travers la mise en place des « politiques franches » dans lesquelles le langage émotionnel est présent « regarder chacun des clients bien en face et dans les yeux […], offrir un bref contact « peau à peau » au moment où l’argent changeait de main » (p. 83). Cette dimension relationnelle est favorisée par la mise en place des politiques commerciales et le recours aux nouvelles technologies. L’activité de la caissière occupe une place importante dans le fonctionnement des magasins de la grande distribution.
18Dans un hypermarché, les caissières sont en contact permanent avec la clientèle d’où l’appellation de « personnel en contact ». Ce dernier est directement et personnellement impliqué dans la fabrication d’un service avec le client (Eiglier, 2010). Il assure la prestation de service et matérialise le service aux yeux des clients. Selon Esslimani (2006), « de par sa position, le personnel en contact est amené à gérer les dilemmes, convaincre, satisfaire et fidéliser le client pour faire de lui un partenaire durable à l’entreprise ». Lors des formations, les directions attirent l’attention des nouvelles recrues sur la position qu’elles occupent dans la sphère organisationnelle, c’est-à-dire une position de lien entre l’entreprise et la clientèle. Un tel discours sous-tend d’encaisser les critiques des clients mécontents et défendre l’image du magasin auprès de ces derniers. Soares (1996) considère ainsi les caissières, dans certains cas, comme les « pare-chocs » entre l’organisation et la clientèle.
19Ces travaux montrent l’importance de la fonction d’encaissement dans le dispositif organisationnel des points de vente. Le poste d’encaissement constitue un enjeu stratégique pour satisfaire et fidéliser le client pour s’assurer des rentrées d’argent. Il requiert une attention particulière de la part des directions. C’est ainsi que le travail des caissières est soumis à des contrôles très étroits (Scoyez et Vignon, 2009). Selon ces auteurs : « les caisses sont le lieu de matérialisation financière du commerce, une extrême rigueur est donc de mise et les erreurs de caisse ne pardonnent pas. D’autre part, la qualité de l’accueil du client est devenue depuis une vingtaine d’années un argument commercial et fait l’objet de mesures plus attentives. Or la vitesse exigée par la productivité, la rigueur requise pour la manipulation de l’argent et l’attention prodiguée au client ne correspondent pas à des logiques d’actions homogènes » (p. 77). Dès lors, les caissières doivent prendre en compte ces logiques contradictoires dans leurs activités, ce qui crée des tensions rendant leur travail plus stressant.
20Depuis deux décennies, les emplois de la distribution ont entamé ce qui pourrait s’assimiler à une révolution à cause des mutations technologiques, de la saturation du marché avec l’introduction des logiques de distinction et des transformations observées de la clientèle. « Dans ce contexte, la profession dans son ensemble devra certainement repenser les qualifications du secteur, la formation, l’évolution et les parcours professionnels d’autant que les effectifs présentent une moyenne d’âge assez jeune », souligne le projet d’avis du Conseil économique et social de février 2007.
21Avant de voir comment le métier de caissière se décline avec l’automatisation des caisses, nous présentons la méthodologie et le contexte de recherche.
2 – Méthodologie
22Les données proviennent d’une longue immersion de terrain. La recherche s’inscrit dans le cadre d’une thèse en CIFRE menée de 2009 à 2012 par l’auteur, elle-même précédée d’un contrat à durée déterminée de deux mois et d’une enquête de mémoire de master recherche en été 2008.
23La recherche s’est déroulée dans un hypermarché situé en périphérie du centre d’une grande ville de plus de 200 000 habitants de l’Ouest de la France. Ce magasin fait partie d’un groupement d’indépendants. En 2008, pour des raisons d’image et compte-tenu de la vétusté du site, la direction a entamé des travaux d’agrandissement du magasin. Cette extension a permis de mettre en place une trentaine de caisses automatiques en mode chariot venant s’ajouter aux huit caisses (panier et tapis) installées depuis 2006 qui ont servi d’échantillon expérimental. C’est le premier point de vente en France à s’équiper des automates de type chariot et à avoir 80 % de caisses libre-service (CLS) sur sa ligne de caisse. L’effectif du magasin en 2009 était d’environ de 160 salariés. Le secteur caisse comptait 38 personnes dont 29 caissières.
24Au niveau méthodologique, nous avons privilégié une analyse de données primaires en mobilisant l’observation participante et les entretiens semi-directifs.
2.1 – L’observation participante
25La recherche ethnographique repose principalement sur l’observation participante. « Cette méthode, consiste à s’immerger dans un milieu de façon prolongée et à recueillir par l’observation, les rencontres, les entretiens, la participation aux activités, des données concernant la vie sociale du groupe étudié » (Chanlat, 2005, p. 166). Le recours à cette méthode se traduit par un investissement prolongé sur le lieu d’enquête (Goffman, 1989 ; Peneff, 2009 ; Beaud et Weber, 2010). L’observation participante nous a placé au cœur de l’activité en train de se faire avec un investissement important sur le terrain. Nous avons été caissier (trois premiers mois), puis administrateur pendant onze mois avant de cumuler ce poste avec celui de responsable formation par intérim pendant un an, enfin responsable de caisse adjoint et administrateur (plus de dix mois). Durant tout au long de notre séjour, nous étions un acteur de premier plan dans la gestion de la ligne de caisse : élaboration des plannings des horaires, répartition des rôles, affectation du personnel selon le type de caisses, gestion des conflits, remontée des informations, recrutement et animation d’un module de formation pour les nouvelles recrues. Notre propre expérience mise en perspective, avec d’autres données de terrain nous ont permis de mieux saisir les contraintes de travail de la population étudiée.
26Tout au long de ces observations, nous avons tenu un journal de terrain, qui constitue, selon Pulman (2002), un élément essentiel de ce processus. Beaud et Weber (2010) estiment que la prise de note dans un journal de terrain et sa relecture permettent de créer la distanciation entre le chercheur et l’objet étudié et la place qu’il occupe dans l’organisation.
2.2 – Les entretiens semi-directifs
27Nous avons effectué deux séries d’entretiens. D’abord, en 2008 dans le cadre de notre mémoire de master recherche, nous avons fait un séjour de deux mois dans ce magasin avant d’y retourner en janvier 2009 pour y effectuer notre thèse. Nous avons effectué une douzaine d’entretiens formels auprès des caissières au cours de l’été 2008. Nous avons également rencontré la responsable des caisses, la responsable des RH et le directeur du magasin. Tous les entretiens avec les caissières d’une durée moyenne de 45 minutes ont eu lieu en dehors des heures de travail. Certains entretiens se sont déroulés en dehors des locaux administratifs selon la volonté des interviewés.
28Puis deux ans plus tard, nous avons, dans le cadre de notre travail doctoral, réalisé une trentaine d’entretiens semi-directifs d’une durée moyenne d’une heure avec chaque interlocuteur : le PDG (à deux reprises), 13 membres de l’encadrement (10 chefs de secteur et rayon et 3 responsables administratifs) et 16 employés du secteur caisse (12 caissières/administrateurs, 2 hôtesses d’accueil, 1 responsable du fichier et 1 gestionnaire du coffre). Les entretiens avec les cadres et les agents de maîtrise ont eu lieu dans les locaux du magasin pendant les heures de travail.
29Pour chaque catégorie de personnel, nous avons élaboré un guide d’entretien spécifique. Si pour l’encadrement, nous avons choisi de mettre l’accent sur le processus et la conduite du changement et les choix technologiques, managériaux et organisationnels opérés durant ce processus, pour les employés les entretiens ont essentiellement porté sur les mesures d’accompagnement avant et pendant la mise en œuvre du changement technologique et l’impact de l’automatisation sur la relation commerciale, l’organisation et les conditions du travail.
30La méthodologie privilégiée est celle de Huberman et Miles (2003) : d’abord codage inductif résultant d’une lecture répétée et comparative de chacun des entretiens, ensuite construction itérative d’un système ordonné de codification, enfin interprétation des données. Nous avons été particulièrement sensible, dans l’analyse des données, au contexte d’énonciation qui fait que le sens du discours déborde du texte. Le codage a été effectué par nous-même.
3 – Le métier de caissière au prisme de l’automatisation
31Si jusque-là, les transformations du métier sont inscrites dans une logique adaptative, l’arrivée des CLS entraîne un changement radical du métier de caissière aussi bien dans sa dimension technique que dans la relation commerciale avec les clients. Ces mutations ont des incidences sur les dimensions collectives, techniques et organisationnelles du travail en caisse.
32En plus du changement du contenu du travail d’encaissement induit par l’arrivée des CLS, on assiste à un renforcement de l’implication du client dans le passage en caisse. Dans le magasin étudié, on souligne l’arrivée d’un troisième acteur (administrateur) dont le travail existait déjà sous une autre forme. Il s’agit du travail de supervision (annulation de ticket, dépannage de caisse, gestion des plannings horaires, etc.) de la ligne de caisse assuré par les hôtesses d’accueil.
3.1 – Les dimensions techniques et relationnelles du travail de la caissière en CLS
33Trois dimensions structurent le travail de la caissière en libre-service : la relation commerciale, l’aspect technique et la surveillance.
3.1.1 – Une nouvelle dimension relationnelle du travail
34Avec les CLS, la caissière devient une hôtesse dont le rôle consiste à assister et former le client à l’usage des automates. Il s’agit principalement de l’orienter vers une caisse disponible et d’intervenir en cas de dysfonctionnement technique ou organisationnel. Ce travail implique fortement une relation basée sur la communication orale : la caissière doit aider le client en cas de problème, mais aussi lui expliquer son erreur. Par exemple, sur les caisses de type chariot, il arrive fréquemment que le client marche par mégarde sur les balances au sol, ce qui bloque automatiquement la caisse. La caissière doit alors expliquer au client le fonctionnement du système CLS. À titre d’exemple, l’explication peut ressembler à ceci « les articles doivent être posés dans le chariot vide au fur et à mesure qu’ils sont scannés et le client doit éviter de retirer ou simplement de toucher les articles scannés avant la fin de la transaction pour ne pas bloquer la machine ». Elle assure ainsi la formation du client à l’utilisation des caisses automatiques. Une caissière confie ici comment elle participe à la formation des clients à l’utilisation des CLS.
« Il faut se dire aussi que nous avons des clients habitués qui vont sur ces caisses et qui savent comment ça fonctionne. Mais il faut quand même de l’apprentissage pour les clients. Nous le faisons en aidant le client. Moi je pars du principe, quand je suis au niveau des chariots, qu’il faut commencer par le plus lourd pour eux comme les packs d’eau parce que malheureusement ils arrivent au premier dans le chariot, mais il faut aussi les virer le premier parce qu’il faut trouver de la place juste après. Donc, ça il faut leur dire comment ils doivent faire, on commence toujours par le plus lourd. Et pour les sacs c’est pareil. Il y a des gens qui mettent n’importe quoi dans leurs sacs de course alors qu’il se trouve qu’il y a du lourd encore à mettre c’est pourquoi moi je leur dis ouvertement de commencer par du lourd, toujours par le lourd. Après vous pouvez mettre tout ce que vous voulez, tout fonctionnera. C’est ça l’apprentissage, il faut leur dire. »
36Ce propos montre que la caissière joue un rôle de formation auprès du client. Il nécessite de sa part le développement d’un sens à la fois de la pédagogie et du service. Reprenant une expression schématique simple, didactique et rassurante « le lourd au fond » et après « tout fonctionnera », elle donne des lignes directrices que le client pourra ensuite affiner à sa guise. Elle le fait surtout sur un mode informel qui accentue le sentiment de personnalisation de la formation.
37Toutefois, toutes les caissières ne sont pas dotées de ces compétences qui leur permettent d’assurer ce rôle auprès des clients. Cet exemple souligne la distinction entre le savoir-faire technique que le personnel doit transmettre au client afin qu’il utilise les CLS,et le savoir-être pour le dire de manière efficace.
3.1.2 – Une dimension technique du travail maintenue
38Sur le plan technique, la mise en place des caisses automatiques se traduit par le transfert du travail productif de la caissière vers le client. Désormais c’est ce dernier qui passe les articles, scanne sa carte de fidélité et procède au paiement à la place de la caissière. La plupart des opérations sont automatisées pour faciliter le passage du client en caisse. Ce processus réduit la caissière à une assistante technique veillant au bon fonctionnement du passage en caisse des clients. Elle n’intervient qu’en cas de dysfonctionnement technique ou organisationnel. Pour ce faire, la caissière est équipée d’un badge à son propre nom avec un numéro identifiable par le système informatique. En cas de rejet d’un article par la machine suite à un mauvais étiquetage ou à un code barre erroné, la caissière appelle directement le vendeur pour obtenir le bon code ou le prix du produit en question.
39Le badge CLS est aussi un moyen de traçabilité de toutes les opérations réalisées en CLS. C’est dans ce sens qu’il augmente le sentiment de surveillance (Prunier-Poulmaire, 2000). Cet outil de travail donne l’impression que les caissières sont en permanence surveillées. C’est une façon de maintenir un management « panoptique » au sens de Foucault (1975) et Pichault (2009), mais en réalité, le travail immatériel et même parfois matériel échappe au dispositif de surveillance.
40L’intervention des caissières est plus souvent liée aux dysfonctionnements techniques ou d’ordre humain provoqués par les clients. Il s’agit des « erreurs de poids » engendrées par la mauvaise manipulation des articles par le client mais surtout par la défaillance du système. La première relève à la fois du manque de formation des clients et de la « sensibilité » du système qui fait que les opérations doivent être faites avec délicatesse. La deuxième émane d’un problème de fiabilité. En d’autres termes, les caisses ne sont pas au point ou ont besoin d’une mise à jour par un simple redémarrage du terminal. Ces dysfonctionnements requièrent de la caissière une grande disponibilité et du client de la patience. Les caissières doivent rester attentives aux signaux visuels et sonores : les caisses sont équipées d’un feu tricolore et d’un système audio. La sollicitation est accrue en période de forte affluence. Il s’y ajoute que certains paiements ne sont pas automatisés : chèques, ticket restaurant, coupons de réduction ou paiement fidélité. Dans ce cas, l’intervention de la caissière est impérative. La dimension technique est non seulement maintenue mais renforcée par les interruptions permanentes.
3.1.3 – La surveillance des caisses comme « délégation de sale boulot »
41Dans son rôle d’assistance, la caissière assure aussi des tâches de surveillance. Celles-ci visent à prévenir les tentatives de vol des clients. Lorsqu’elle fait un tel constat, la caissière alerte discrètement le service de sécurité. Sur ce dernier point, les caissières sont réticentes. Elles estiment généralement que la surveillance relève du travail des agents de sécurité et le travail d’assistance au client est assez prenant pour s’occuper de la surveillance :
« Le système n’a pas amélioré le travail de l’hôtesse parce qu’on lui demande plus que ce qu’elle devrait faire à l’origine, on lui demande plus de surveillance. Je pense que le rôle de l’hôtesse est d’aller vers le client, de l’aider, de lui conseiller et d’essayer de rester positive sur ses remarques mais pas de faire de la surveillance ».
43Ce propos montre que les caissières ont une représentation de leur rôle qui est profondément orientée vers le client au détriment de l’activité de surveillance. Cette tâche est considérée comme étant étrangère au travail de la caissière en CLS. Il s’agit ainsi d’une redéfinition du travail de la caissière qui témoigne du changement du métier d’encaissement avec l’automatisation des caisses. La surveillance est exclue des tâches de la caissière parce qu’elle entre en contradiction avec la conception morale du travail de service. Cette sélection des tâches renvoie à la notion de « dirty work » ou « délégation de sale boulot » de Hughes (1996). Pour l’auteur, « un métier ou un poste de travail consiste en un faisceau de tâches ». Or, « toutes les tâches d’un même faisceau ne sont pas également agréables à remplir et toutes n’ont pas le même prestige. Certaines sont déplaisantes ou sont considérées comme des tâches serviles ». La notion de sale boulot chez Hughes ne signifie pas nécessairement une activité physiquement sale. Elle renvoie davantage à l’idée de dégradant, au sens large. Parlant du « dirty work », Hughes (1996) montre que l’infirmière supporte un grand nombre de tâches en contradiction avec sa conception morale du travail. « Cela ne lui plaît pas, mais elle le fait. Sa place dans la division du travail consiste essentiellement à prendre en charge tout ce qui est nécessaire (quelle qu’en soit la nature) et qui risquerait de ne pas être fait. Les infirmières n’accepteraient pas cette définition mais elles s’y conforment dans la réalité » (p. 66). Pour Waelli (2009), reprenant la métaphore dramatique de Hughes « les caissiers acceptent cette tâche ingrate (surveillance) en derniers recours parce qu’ils sont seuls à pouvoir sauver la pièce », (p. 191). En réalité, la surveillance est assurée mais elle n’est pas assumée dans le discours comme faisant partie du travail des caissières. À ce propos, la posture du PDG est ambiguë :
« Moi, dans mon raisonnement, ce n’était pas d’enlever totalement les caissières sinon il fallait rajouter des vigiles donc quel est l’intérêt ? Il vaut mieux avoir des caissières que des vigiles commercialement parlant ».
45L’expression « il vaut mieux avoir des caissières que des vigiles… » montre implicitement que celles-ci doivent assurer la tâche de surveillance. Ainsi, le PDG admet la prise en charge de cette tâche par les caissières. En employant des caissières pour la faire, il les place consciemment dans un rôle de surveillant qui s’ignore, les mettant alors en situation de tension de rôles par rapport à leurs perceptions du métier. Pourtant, dans son discours habituel, il milite pour un rôle orienté vers le client. Etant souvent mobiles ou postées à la sortie du magasin, les caissières ont la mission d’assurer la surveillance du client d’autant plus que de nouvelles formes de vol apparaissent avec les caisses automatiques.
46Les trois dimensions précédemment mises en évidence (relationnelle, technique et surveillance) du travail de la caissière montrent l’évolution du métier de caissière influencée par l’automatisation des caisses. Il en résulte l’émergence de nouvelles compétences et tâches que les caissières doivent avoir et réaliser.
3.2 – La mise au travail renforcée du client
47L’automatisation dans les services a la particularité de renforcer l’implication du client ou de l’usager dans la réalisation du travail. Sur les CLS, il doit désormais scanner lui-même ses articles tout en suivant attentivement les instructions du système. Le client scanne ses articles en suivant le sens de la flèche sur l’écran indiquant « posez et scannez vos articles… ». Ainsi, il passe ses articles devant le scanner de la machine et les pose au fur et à mesure sur le plateau à charger, le chariot ou le tapis selon le modèle de caisse choisi.
48L’automatisation des caisses modifie les rapports de force entre caissière et client par le transfert du travail du premier acteur vers le second. L’aspiration à contrôler les rapports rend la rencontre entre clients et caissières souvent conflictuelle (Rafaeli, 1989). Le client n’est plus celui qui fait simplement ses courses et passe par une caissière qui scanne ses articles. Il devient un acteur à part dans la production et la consommation des biens et services. On voit ici que les distributeurs ont poussé la logique du libre-service plus loin. De plus en plus, les consommateurs se voient « obligés de travailler pour consommer » ; ce que montre Dujarier (2008) sur le travail du consommateur. L’implication du client dans le travail entraîne sa dépendance vis-à-vis de la caissière quand il n’a pas les compétences nécessaires pour se servir des automates ou en cas de dysfonctionnement technique.
49En résumé, on voit bien que cette fois, l’évolution ne consiste pas à automatiser le travail productif de la caissière mais à le transférer au client. L’innovation technologique réside alors dans la conception de l’interface homme-machine simplifiée accessible au client. Dujarier (2008) parle dans ce cas d’« autoproduction dirigée ». L’automatisation des caisses accentue ainsi la division du travail entre les deux acteurs (client/caissière) impliqués dans la production du service. Malgré les relations parfois conflictuelles, les caissières s’efforcent d’assurer la surveillance et d’aider le client qui accomplit l’activité de scannage des produits. Cette reconfiguration de la division du travail s’effectue souvent sous le regard d’un troisième acteur : l’administrateur
3.3 – L’arrivée d’un troisième acteur : le poste d’administrateur
50Dans l’hypermarché étudié, la mise en place des CLS a créé de nouveaux besoins en ligne de caisse. Le dédoublement de la ligne de caisses (50 toutes caisses confondues) et les problèmes organisationnels et techniques notés avec l’arrivée des CLS exigeant une gestion de proximité ont favorisé l’émergence d’un nouveau poste pour appuyer la responsable des caisses. Cinq personnes, toutes des anciennes caissières et hôtesses d’accueil, ont été nommées à ce poste. Ce travail existait déjà sous une autre forme. Il s’agit du travail de supervision (annulation de ticket, dépannage de caisse, gestion des plannings horaires, etc.) de la ligne de caisse jusque-là assuré par les hôtesses d’accueil. Le rôle des administrateurs consiste à assurer le bon fonctionnement des CLS. Ils assurent la fluidification du passage en caisse, l’ouverture et la fermeture du magasin et interviennent en cas de besoin auprès des caissières. Ils gèrent les pauses du personnel et remontent les dysfonctionnements rencontrés sur le terrain auprès de la responsable. Ils prennent en charge la formation technique des nouvelles recrues et les mettent à la disposition d’une caissière expérimentée.
« C’est très prenant parce qu’en plus de toutes ces fonctions, on fait aussi office d’assistante sociale auprès de nos collègues et des clients, c’est la vérité. Les gens qui vont venir dire je ne veux pas aller à telle caisse. J’appelle ça de l’assistance totale aussi bien au niveau des clients qu’au niveau des collègues. C’est quelque chose qui est très prenant et qui n’est pas forcément facile à gérer, on a beau avoir une très bonne organisation, on essaie d’avoir le maximum d’organisation mais c’est normal qu’il ait des ratés parce qu’il y a tellement de choses à gérer. On va dire qu’on doit privilégier et prendre des décisions très rapidement au détriment d’autres. Donc le poste d’administrateur c’est un poste stressant et c’est dur parce que quand on a une panne matérielle et qu’on a du monde sur la ligne de caisse, qu’on doit ouvrir un îlot et en même temps aller dépanner une caisse, pour peu qu’une borne s’y mette et qu’il y ait des pauses, il faut avoir des nerfs bien accrochés ».
52C’est un poste qui commande un sens des responsabilités car l’administrateur est appelé à prendre des décisions très rapidement dans certaines circonstances où tout semble urgent. Deux ans après la mise en place des CLS, les administrateurs ont changé de niveau de classification en passant ainsi à la catégorie 4 B de la convention collective [6]. Cette promotion offre une revalorisation de la rémunération de 70 € net par mois appréciée par les concernés. Ce que raconte cet administrateur dans le propos suivant :
« Oui c’est même important puisque c’est 70 € net par mois. C’est plus que la prime parce que moi je n’ai jamais atteint le maximum de la prime les 150 €/3mois. Donc, voilà c’est bien l’augmentation de salaire au bout de 22 ans c’est la première plus grande augmentation que je vais avoir puis ça compte pour la retraite puisque je suis à 5 ans de la retraite. Les filles auront peut-être d’autres augmentations mais moi bon… ».
54L’automatisation des caisses s’est réalisée avec l’arrivée d’un troisième acteur introduisant ainsi un poste intermédiaire entre les caissières et la responsable des caisses avec des implications en termes de pratiques de RH : un niveau de classification et une revalorisation salariale.
4 – La place de la fonction RH dans les mutations du travail d’encaissement
55Le déploiement des caisses automatiques s’est accompagné de l’émergence de nouvelles compétences pour s’adapter aux nouvelles façons de travailler et de communiquer. Ces changements ont des implications en termes de pratiques de ressources humaines. La fonction RH ne peut plus s’exercer dans une logique simplement adaptative. Elle doit anticiper les nouvelles mutations et leurs implications sur l’organisation du travail.
4.1 – Le recrutement des profils spécifiques
56Sur le plan du recrutement, l’automatisation des caisses montre qu’il ne s’agit pas d’une simple évolution des tâches mais d’un changement radical de métier. Autrefois, poste d’exécution, le travail en caisse devient maintenant essentiellement une question de qualité d’accueil et de formation des clients. Ce changement induit de nouvelles compétences et donc le recrutement de profils spécifiques au travail en CLS. Au-delà des qualités relationnelles attendues d’une caissière, l’âge est devenu un critère essentiel pour travailler en CLS. C’est un poste qui exige une grande mobilité et de la disponibilité du fait que la clientèle des CLS est essentiellement jeune.
57Le renforcement de la relation commerciale, dans une logique polychrone [7] due à l’automatisation des caisses, oblige la maîtrise à repenser les profils des candidats au poste d’hôtesses de CLS. La sélection des candidats insiste davantage sur des profils dynamiques privilégiant la capacité à trouver un équilibre entre logiques et contraintes diverses, à négocier les termes de la réponse la plus satisfaisante pour le client et pour l’entreprise.
58Présents souvent pour des plages horaires moins importantes (généralement 3H par jour), les étudiants salariés éprouvent moins de difficultés physiques liées à la station debout. L’absence d’expérience en caisse traditionnelle expliquerait leur ouverture à un métier exigeant plus de compétences relationnelles et de comportements différents de celui d’une caissière traditionnelle cantonnée à la forme de son activité habituelle. Cette catégorie de salariés répond aussi à des besoins de flexibilité.
4.2 – Des besoins en formation renforcés
59La grande distribution a été toujours connue pour sa formation rudimentaire au poste d’encaissement (Barel et Frémaux, 2010) malgré sa volonté proclamée d’offrir un service de qualité à sa clientèle. Le poste d’encaissement est considéré comme un travail qui ne requiert aucune compétence particulière. Comme le souligne Bernard (2005, p. 6), « l’activité est souvent perçue comme une tâche répétitive et automatisable ».
60Avec les CLS, les caissières assurent un travail d’assistance technique aux clients. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’assister le client mais aussi de lui transmettre une partie du savoir-faire afin qu’il puisse utiliser la machine. Cette transmission exige une pédagogie, d’abord une bonne prise de contact avec le client. Pour cela, les caissières doivent être formées pour assurer leur nouveau rôle. L’évolution du métier de caisse nécessite des efforts de formation conséquents, notamment parce que les comportements attendus sur les CLS sont très différents de ceux requis sur les caisses traditionnelles. La formation doit mettre l’accent sur les trois aspects suivants : technique, commercial et contrôle (voir Tableau 1).
Le devenir de la formation en caisse
Le devenir de la formation en caisse
61Le succès de l’automatisation dépendra du facteur humain et non de la technologie en elle-même, d’où l’importance d’accompagner le processus en termes de politiques de ressources humaines :
- L’émergence des automates met l’accent sur l’importance de la formation des caissières dans le cadre de leurs nouvelles tâches. Les actions de formation sur les aspects techniques et relationnels permettent aux caissières de résoudre les contradictions inhérentes à leur activité : productivité et relation polychrone avec la clientèle. C’est ainsi qu’elles peuvent répondre à la fois aux exigences de la clientèle tout en assurant les impératifs organisationnels de productivité et de contrôle.
- L’accompagnement du personnel en contact dans la durée lui permet de s’adapter aux contradictions inhérentes aux nouvelles contraintes et de donner un sens au « nouveau » métier.
- L’automatisation, lorsqu’elle est abordée de façon globale, c’est-à-dire en intégrant l’évolution des métiers aux caisses de même que la complémentarité des tâches entre les différents services d’une entreprise, favorise l’enrichissement du travail et la polyvalence des employés en leur permettant de changer de postes (Ba et Vignon, 2013). Le développement de la polyvalence constitue un moyen d’aménager le temps de travail (réduire les coupures entre les plages horaires) et répond également au besoin de flexibilité.
- L’accueil et l’intégration des nouvelles recrues favorisent leur implication et diminuent le sentiment d’un abandon.
4.3 – Le devenir du métier de caissière
62Alors que la prospective des métiers vise à « repérer et identifier le contenu réel des emplois à tenir et les qualifications correspondantes » (Scouarnec, 2004, p. 37), il convient de se demander si le métier de caisse est réellement en obsolescence comme le craignent de nombreux observateurs du secteur. Trois hypothèses permettent d’anticiper le devenir des métiers :
- Les métiers en transformation : évolution permanente dans le but de s’adapter aux contraintes internes et externes à l’organisation.
- Les métiers en disparition : (révolution technologique) la disparition semble être une hypothèse crédible.
- L’apparition de nouveaux métiers : caractérisée par l’émergence de nouvelles compétences et de nouvelles activités. La spécialisation est l’étape de transition entre le métier traditionnel et le nouveau métier.
63Dans le cas du métier de caissière, il semble plutôt qu’on soit face à des transformations massives qui peuvent affecter les politiques RH des entreprises à différents niveaux.
64C’est ce que nous identifions maintenant, à travers « différents scénarii possibles » (voir Tableau 2) après avoir identifié l’impact de différents phénomènes dans l’environnement externe comme le suggèrent Boyer et Scouarnec (2008) :
- les nouvelles technologies : elles ont eu un impact important sur le travail en caisse. De deux opératrices sur les caisses mécaniques des années 60, on est passé à une opératrice avec l’arrivée des caisses électroniques ; l’introduction du scanner optique dans les années 90 a intensifié le travail et conduit à une forte dégradation de la santé au travail des caissières. La diversification et l’automatisation des moyens d’encaissement entraînent des évolutions majeures des métiers en caisse.
- le jeu des acteurs : le conflit de janvier 2008 (Benquet, 2010) a conduit plusieurs enseignes à développer la polyvalence en caisse pour allonger la durée du travail. Les caissières étant parfois considérées comme de « nouvelles icônes de la paupérisation des travailleurs » (Askenazy, 2007), les pouvoirs publics incitent les distributeurs à améliorer leur niveau de vie. Par ailleurs, les soucis de performance incitent les directions à optimiser leur surface commerciale en accroissant la productivité des lignes de caisses.
- les comportements des consommateurs : l’étudiant féru de nouvelles technologies, la ménagère pressée et le retraité utilisant l’hypermarché pour garder du lien social ont tous des relations très variées avec les points de vente. Leurs attentes à l’égard des moyens d’encaissement sont probablement aussi variables que leur relation avec le magasin. De même leur relation au temps affecte la gestion du temps de travail des caissières comme le soulignent Barel et Frémaux (2010).
- les choix stratégiques des enseignes de distribution : souhaitant fidéliser leurs clients, les enseignes ont, au cours des dix dernières années, développé « des scripts d’accueil des clients qui ont fortement accru le travail émotionnel en caisse » (Scoyez et Vignon, 2009). Actuellement, certaines enseignes diversifient les formes de distribution car les hypermarchés ne semblent plus avoir le vent en poupe : vente sur Internet, drive, supérette de centre-ville, maxi-discompte, commerce mobile…
Les scénarii possibles de l’évolution du métier de caissière*
Les scénarii possibles de l’évolution du métier de caissière*
* Dans ce magasin, une version nouvelle est proposée par le belge Delhaize : le déploiement d’une solution 100 % self-scanning. En cas de contrôle (un chariot sur quatre, décidé aléatoirement par le système d’information), l’employé re-scanne le chariot avec la douchette du client. S’il n’y a pas de contrôle, la transaction dure moins d’une minute. La file d’attente est organisée façon aéroport (une seule file qui « distribue » toutes les caisses).Discussion et conclusion
65Au regard de l’état actuel de l’automatisation des caisses dans les magasins français réalisée de façon partielle (dépassant rarement deux îlots de huit caisses excepté le magasin étudié où le taux d’automatisation atteignait 80 %), il est difficile de faire un pronostic sur le devenir du métier de caissière. Pour l’instant, les caissières sont là. Cependant, force est de constater que leur métier a subi des changements importants induisant de nouvelles compétences. Les registres ont complètement changé et les rôles sont, en partie, inversés.
66L’hétérogénéité des dispositifs automatiques (self-check out chariot, self-check out panier, self-scanning, caisses semi-automatiques, etc.) fait que le métier n’est pas affecté de la même manière. Par exemple, dans certains magasins, les caisses « self-check out » sont équipées d’un poste appelé « superviseur » à partir duquel la caissière peut suivre les transactions en cours de réalisation et intervenir à distance à l’insu du consommateur. Le magasin étudié ne dispose pas de tels appareils. Sur ces postes, les caissières travaillent « à l’insu » des clients souligne Bernard (2013). « Les clients, n’étant pas en mesure de saisir le travail réalisé par les caissières, tendent à considérer qu’elles sont inactives, et, donc, inutiles aux caisses automatiques » (p. 131). Cette perception peut être une source de conflits entre les clients et les caissières.
67Désormais au-delà de l’apparence, la caissière se retrouve dans une posture très dynamique qui l’oblige à aller vers le client, le former à l’usage des automates, l’encadrer, l’assister physiquement et techniquement au besoin ou travailler depuis son poste de superviseur à « l’insu du client ». Ce n’est plus une relation avec un seul client comme en caisse traditionnelle. On assiste à un système « polychrone » (Hall, 1984) et simultané qui consiste à faire plusieurs choses et traiter avec plusieurs clients à la fois. Comme l’a souligné Bernard (2012, p. 91), « aucune des tâches n’est compliquée en soi, mais leur multiplicité et leur simultanéité rendent leur prise en charge complexe et ne laissent aucun moment de répit aux caissières ». Si théoriquement le rôle de « l’assistant CLS » consiste à accueillir, aider le client et surveiller sa transaction, sa mise en pratique est plus compliquée qu’on ne l’imagine. Une des conséquences de la transformation du métier est la remise en cause des scripts comportementaux et des civilités d’usage. Pourtant, un engagement subjectif est attendu dans la relation commerciale, mais il peut se faire au profit ou au détriment du client. Les deux acteurs peuvent entrer en contact sans observer ce que Goffman (1973) appelle les « rituels d’accès » c’est-à-dire les salutations d’usage. Souvent c’est le client qui interpelle directement la caissière pour solliciter une aide sans aucune précaution préalable.
68Avec l’automatisation, on assiste à une irruption massive de la figure du client dans la sphère professionnelle de la caissière au point de réaliser le travail productif à sa place. Un tel changement induit une perte de repères pour les opérationnels. Leur travail se charge de zones d’ombre, d’évènements aléatoires, et de tâches hétérogènes et simultanées.
69Parmi les difficultés ressenties, c’est le fait d’avoir une relation simultanée avec plusieurs clients qui semble concrètement la plus difficile à assumer. Pour y arriver, les caissières mobilisent des ressources psychologiques et physiques importantes pour faire « correctement » leur travail. Il n’existe aucun cadre de référence, aucun indicateur pour dire la norme du travail correctement réalisé. Est-ce la satisfaction du client fidèle qui part avec une intention de revenir ? Est-ce la surveillance pour éviter toute fraude en caisse ? L’incertitude est de mise. Pour répondre à ces questions, la direction du magasin étudié a tenté d’encadrer le travail en donnant des instructions au contenu parfois contradictoire : accueillir le client et le surveiller sans qu’il ait l’impression d’être sous l’œil vigilant de l’assistant. Est-il possible de le faire quand on est simultanément en relation avec plusieurs clients ? La réponse est évidemment non.
70Il en résulte une réappropriation du travail qui passe par le contournement et la transgression des règles, procédures et injonctions managériales. Par exemple, pour l’accueil et la surveillance, les caissières procèdent à une hiérarchisation des tâches en fonction des valeurs professionnelles de leur métier ou simplement des contraintes. Les anciennes se montrent très strictes sur la surveillance, alors que les nouvelles se prêtent mieux à l’accueil au détriment de la vigilance. Les observations ont montré que les conditions organisationnelles (attribution de plus de 4 caisses à une personne) et techniques (pannes techniques) constituent des freins qui empêchent les caissières de faire leur travail. La situation critique ainsi créée s’apparente à ce que Clot (2010) assimile à une « qualité empêchée ». Cet auteur, en effet, montre avec l’exemple de la poste, comment les « agents refusent de participer à la marchandisation […] de la relation de service » qui accompagne « le sentiment que leur activité se retourne contre eux et plus largement contre une certaine qualité de vie sociale » (p. 44). Contre l’injonction managériale, les agents se mettent, en effet, à la place du client pour décider, selon leur conception personnelle de la qualité, s’ils doivent ou non lui proposer l’achat de tel ou tel produit. Dans l’impossibilité d’effectuer simultanément des tâches, les caissières éprouvent un sentiment de frustration d’avoir agi contre leur éthique professionnelle et souffrent souvent d’un mal-être du fait de ne pas avoir les moyens de faire un travail de qualité.
71Les observations montrent que le métier est en pleine mutation, dans le sens où, son contenu s’est radicalement modifié, notamment le contenu de la relation de service. C’est cette part immatérielle du travail qui est la plus touchée par l’avènement des caisses automatiques. Le changement de métier de caissière n’est pas de pure forme, il reconfigure totalement le travail d’encaissement.
72Sur le plan de la gestion des ressources humaines, le changement du métier de caissière exige un recrutement des profils adéquats, entraîne de nouveaux besoins en matière de formation et développe la polyvalence pour prendre en compte les conditions de travail et répondre aux attentes des caissières sur la durée du temps de travail. En effet, beaucoup de caissières travaillant sous le régime du temps partiel ont la possibilité d’effectuer des heures complémentaires en rayon avec le dispositif de « temps complet choisi » mis en place par les distributeurs depuis le mouvement social de février 2008. Si on considère les innovations technologiques de façon globale en dépassant l’opinion selon laquelle l’automatisation est une innovation purement destructrice d’emplois, elles permettent un redéploiement des emplois en rendant certains métiers, connus pour leur pénibilité et leur manque d’attraction, plus riches et plus valorisants à condition qu’elles soient anticipées et bien organisées.
73Au-delà des caissières d’hypermarché, de nombreux métiers de contact sont concernés par le vent de l’automatisation des services supprimant progressivement l’intervention physique du personnel en contact au profit de la participation active du consommateur dans la production du service. Dans les aéroports, les clients procèdent de plus en plus à l’enregistrement de leurs bagages de soute en ligne ou physiquement. Dans plusieurs secteurs tels que la restauration rapide, la banque, les centres d’appels, les transports, on assiste à des processus d’automatisation facilitant la mise au travail des clients ou des usagers que Dujarier (2008) appelle les ressources humaines extérieures. À ce propos, Bernard (2012) souligne que « toute la difficulté réside dans le fait que les clients ne sont ni des travailleurs, professionnels de leur tâche, ni des salariés, s’inscrivant dans un rapport de subordination ; ce sont les destinataires du service » (p. 184). Avec le développement de l’automatisation dans les services, on assiste à des transformations des modes d’organisation et des métiers appelant de part de la gestion des ressources humaines des stratégies d’anticipation et de prospective. Ainsi repenser la gestion des ressources humaines devient une exigence managériale car les enjeux en termes de recrutement, de formation, de rémunération, de santé au travail mais aussi d’engagement au travail sont immenses.
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Notes
-
[1]
Amadou BA : Enseignant-chercheur, LARA/ICD Paris - amadou81@live.fr
-
[2]
Enquête Emploi-Formation : commerce à prédominance alimentaire/Repères & Tendances – données 2012.
-
[3]
Rapport de branche 2010, convention collective n°3305, commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
-
[4]
Liaisons sociales magazine/novembre 2012, p. 18.
-
[5]
Enquête Ergodistrib publiée par le CISME : http://www.cisme.org/etude/asmt_ergodistrib.php
-
[6]
Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12/07/2001.
-
[7]
Selon Hall (1984), c’est un système qui consiste à faire plusieurs choses et traiter avec plusieurs clients à la fois.