1Dans le contexte actuel de renouvellement des populations au travail et des départs prévisibles à la retraite, les organisations sont confrontées à des problématiques de management des ressources humaines qui les amènent à se questionner sur l’évolution et l’adoption de nouveaux dispositifs de MRH.
2En effet, différentes problématiques interpellent aujourd’hui certaines communautés professionnelles et certains territoires (Baruel Bencherqui et al., 2009 ; Hulin, 2010) : tensions sur certains métiers (non adéquation entre les offres et les demandes d’emplois), soucis d’attractivité sur des métiers qui n’attirent pas ou plus, problèmes pour faciliter ou encourager la mobilité sur certains métiers, difficultés de fidélisation des salariés. Ces problématiques sont souvent exprimées au regard de certains métiers spécifiques (métiers de la santé, métiers des services à la personne, métiers du bâtiment et des travaux publics) et le plus souvent envers une population qualifiée au savoir-faire expérimenté. L’exemple des métiers d’ingénieurs et de cadres d’études illustre bien ce phénomène (BMO, 2010) ; ils appartiennent aux catégories de métiers rassemblant le plus grand nombre de projets de recrutement jugés difficiles (56,9% des employeurs anticipant un tel recrutement en font état). Ces métiers sont considérés comme en tension, c’est-à-dire que les demandes d’emplois sont largement inférieures aux offres d’emplois.
3Le marché du travail est donc véritablement paradoxal : d’un côté un taux de chômage important et de l’autre des offres d’emplois qui ne sont pas pourvues (Baruel Bencherqui et al., 2009). Cette situation s’explique généralement soit par l’inadéquation de la qualification des candidats aux besoins des entreprises, soit par la situation démographique actuelle ou bien encore par un manque d’attractivité de certains métiers. Dans ce contexte, Baruel Bencherqui et al. (2009) distinguent ce que l’on considère comme des difficultés de recrutement et de véritables pénuries de main d’œuvre. La première situation concerne une « situation rencontrée par une entreprise qui souhaite recruter sur un poste vacant mais qui a des difficultés à pourvoir ce poste ». La seconde situation renvoie à une situation sur le « marché du travail où l’offre de travail n’est pas suffisante pour répondre à la demande de travail ».
4Au regard de ces situations et des évolutions probables du marché du travail, les entreprises et les chercheurs s’interrogent donc sur la pertinence et les devenirs possibles des pratiques de recrutement, de fidélisation, de formation et plus globalement de management des ressources humaines. La question de l’adaptation des pratiques à ces problématiques est ainsi posée ainsi que l’opportunité d’adopter un dispositif d’anticipation RH reposant sur une réflexion liée à la prospective des métiers. Cette question se pose de manière cruciale au regard des jeunes hautement qualifiés (Dejoux et Thévenet, 2010). Des éléments de réponse peuvent être apportés par les études portant sur la génération Y (génération des 18-32 ans) puisqu’elle représente 21% de la population active française et représentera en 2015 près d’un actif sur deux (Pouget, 2008) mais nécessitent une étude empirique dyadique (entreprises/jeunes) de manière à confronter les différents points de vue.
5L’objectif général de cette recherche est alors, à partir des problématiques exprimées par les entreprises pour attirer et fidéliser une jeune main d’œuvre hautement qualifiée, d’opérer une analyse afin, d’une part, de mieux comprendre les deux parties du paradoxe (entreprises/jeunes) et, d’autre part, d’identifier les principales attentes qu’elles peuvent exprimer à l’égard de l’entreprise et du travail. En résumé, la problématique de cette recherche peut se formuler autour de la question suivante : dans un contexte de renouvellement des populations salariales et face à un marché du travail très paradoxal, quels sont les devenirs possibles du management des ressources humaines au regard des attentes et des représentations actuelles des jeunes salariés très qualifiés ?
6Afin de répondre à cette problématique, nous nous intéressons, dans une première partie, à caractériser la génération Y, à laquelle appartiennent les jeunes hautement qualifiés. La seconde partie expose la recherche empirique menée. Une étude dyadique confrontant les entreprises et les jeunes a permis de mettre en exergue les attentes des deux parties. La première phase, qualitative, a été réalisée auprès d’un pôle de compétitivité composé de plus de 80 entreprises, fortement pourvoyeurs d’emplois qualifiés, et s’intéressant à la problématique de l’attractivité et du recrutement sur les métiers d’ingénieurs et assimilés. La seconde phase, quantitative, apporte un regard complémentaire puisqu’elle s’intéresse aux représentations des jeunes salariés très qualifiés. Cette étude a été réalisée auprès de 259 individus en situation d’emploi avec un niveau de qualification supérieur ou égal à bac +5. Enfin, une discussion des résultats nous permet d’affiner et de prolonger nos résultats.
Les jeunes salariés très qualifiés : caractéristiques, attentes et comportements
7Le cadre théorique de cette recherche se situe à l’intersection de deux champs principaux : les travaux existants autour des questions d’ordre générationnel (et de façon plus spécifique au champ de recherche de la génération Y) ainsi qu’aux représentations et attentes des individus hautement qualifiés.
La définition de la génération Y
8La génération est un concept développé initialement en sociologie des populations et en socio-démographie. Elle désigne une sous-population de la société dont les membres ont à peu près le même âge ou ont vécu à la même époque. Ces membres partagent généralement des pratiques communes et développent des représentations, des attentes et des besoins à peu près identiques. C’est principalement sur la première partie de cette définition que les praticiens et les chercheurs se sont concentrés pour définir les générations ; la question des tranches d’âge étant primordiale pour délimiter les générations.
9Paradoxalement, si ce critère semble clair, les délimitations proposées par les auteurs varient parfois considérablement. Ceci n’est pas sans fragiliser les recherches qui sont menées et qui parfois ne peuvent pas être agrégées ou comparées en raison des références des auteurs. Le Tableau 1 répertorie les différentes recherches et seuils pour déterminer la génération Y.
Les définitions de la génération Y suivant les auteurs
Les définitions de la génération Y suivant les auteurs
10Une génération désigne donc une sous-catégorie de la population et, actuellement, trois générations sont présentes sur le marché du travail :
- les baby-boomers : il s’agit des personnes nées entre 1946 et 1966. Ils ont connu des périodes de grande prospérité économique. Ils ont des valeurs comme l’optimisme, l’esprit d’équipe, la recherche de gratification personnelle, la santé et le bien-être, la croissance personnelle, la jeunesse, le travail et l’engagement (Zemke et al., 2000, cité par Saba, 2009 : 26) ;
- la génération X : elle est moins nombreuse que les baby-boomers. Elle regroupe les individus nés entre 1967 et 1978. Ils ont « des besoins d’indépendance, d’autonomie et de contrôle du temps qui se manifestent dans leurs attentes face au travail, notamment par un esprit d’entreprise marqué, une forte implication dans la résolution de problèmes mais aussi par une plus faible loyauté envers leurs organisations et leurs gestionnaires » (Saba, 2009 : 26) ;
- la génération Y : elle représente environ 21% de la population française (Chaminade, 2007). Notre analyse s’intéresse à cette génération Y mais nous avons souhaité proposer une définition plus précise de cet objet d’étude en référence à une notion plus fine ; celle de cohorte.
- des individus nés entre 1979 et 1994 en référence aux définitions les plus répandues en recherche (Sullivan et Heitmeyer, 2008 ; Yeaton, 2008 ; Pichault et Pleyers, 2010) ;
- des individus qui se retrouvent dans un contexte donné et qui partagent la même histoire, avec des expériences vécues relativement similaires. Ce second élément est essentiel dans la mesure où il permet de distinguer, de façon plus fine, des sous-groupes homogènes au sein de la génération Y ; c’est la notion de cohorte qui est ici visée (Markert, 2004). En effet, la cohorte est généralement plus courte, elle permet de subdiviser les générations. Il s’agit d’un « ensemble d’individus ayant vécu un événement semblable pendant la même période de temps » (Dictionnaire Le Robert, 2011). Alors qu’une génération est généralement considérée comme l’ensemble des « individus ayant à peu près le même âge » (Dictionnaire Le Robert, 2011) ; la génération couvrirait des périodes d’une vingtaine d’années (Markert, 2004). Dès lors, deux cohortes peuvent être distinguées au sein de la génération Y : les individus qui sont déjà en situation d’emploi et ceux étant encore dans un contexte de formation professionnelle ou d’études. Dans le cadre de notre étude empirique, nous avons choisi de nous intéresser aux individus qui sont déjà en situation d’emploi, avec un niveau de qualification supérieur ou égal à bac +5.
Les caractéristiques clés de la génération Y
11L’objectif de ce deuxième point est de répertorier, d’identifier et de comprendre ces caractéristiques afin de pouvoir ensuite les rapprocher des résultats de notre étude empirique.
12Si nombre d’études révèlent des caractéristiques associées à cette génération Y et leur comportement au travail, le tableau suivant en établit une synthèse :
13Cette synthèse mérite néanmoins d’être nuancée dans la mesure où ce profil générationnel (Gavrancic et al., 2009 ; Saba, 2009), cet idéal-type générationnel (Pichault et Pleyers, 2010), demeure global et n’implique pas que chaque individu en soit la caractérisation trait pour trait. Il faut également préciser que la grande majorité de ces travaux s’intéresse davantage aux jeunes Y hautement qualifiés (Bourhis et Chênevert, 2010) ; c’est pourquoi notre définition s’est attachée à retenir la notion de cohorte où des dimensions liées à la situation d’emploi ou de recherche d’emploi et à des niveaux de qualification sont centrales.
14Dans le prolongement des réserves que l’on peut avoir sur la caractérisation d’un profil type « génération Y », certains travaux montrent que « les schémas des membres de la « génération Y » sont moins dépendants de l’appartenance générationnelle que de l’appartenance au groupe des étudiants ou des cadres » (Pralong, 2009). L’effet du contexte de l’école ou de l’entreprise est plus fort que l’effet générationnel et « l’effet de socialisation est plus puissant que l’effet générationnel » (Pralong, 2009 : 18). Ces considérations posent la question de la vérification de l’existence d’une spécificité générationnelle dans les comportements au travail (Pralong, 2009, 2010 ; Pichault et Pleyers, 2010).
15Sur ces questions, cet article se propose de donner un éclairage concernant les comportements des individus de cette génération, en situation d’emploi avec un haut niveau de qualification (supérieur ou égal à bac +5).
Les caractéristiques clés des jeunes salariés hautement qualifiés : détermination des devenirs possibles du MRH
16Dans le contexte actuel, les entreprises doivent rivaliser d’ingéniosité pour attirer et retenir des personnels hautement qualifiés. Les difficultés de recrutement constituent une préoccupation centrale pour certaines entreprises ; difficultés parfois renforcées en fonction de la taille et des moyens mis en œuvre par les entreprises. Ce point souligne donc l’intérêt managérial majeur d’une recherche sur les attentes et aspirations au travail de ces salariés hautement qualifiés.
17« La qualification désigne l’ensemble des savoirs et des savoir-faire utilisables par un individu dans l’exercice d’un emploi détenu. Elle provient d’un diplôme, de la formation initiale ou continue, de l’expérience, des certifications ou de la VAE » (Dejoux et Thévenet, 2010 : 58). Nous nous intéressons ici plus spécifiquement à la qualification liée à un diplôme. En effet, dans le cadre de cette recherche, nous considérons les individus hautement qualifiés comme ceux ayant un niveau de formation supérieur ou égal à bac +5. Ainsi, pour définir notre population d’étude, nous avons combiné plusieurs critères :
- le niveau de diplôme : en formation initiale ou en formation continue,
- le critère d’âge : des individus nés en 1979 et 1994,
- la situation professionnelle : des personnes en situation d’emploi, quel que soit le type de contrat.
18De nombreuses recherches s’intéressent aux pratiques spécifiques de gestion des ressources humaines pour les « cerveaux » (Thonon et Le Louarn, 2000), les chercheurs (Culié, 2008 ; Culié et Colle, 2009), les enseignants-chercheurs, les ingénieurs, les hauts potentiels, les cadres ou bien encore le top management des entreprises, etc. ; autant de populations qui appartiennent à la catégorie des salariés très qualifiés.
19Bender (2010) mobilise une perspective interactionniste afin de mieux comprendre la relation entre des jeunes salariés qualifiés et leurs entreprises. Elle s’est intéressée aux jeunes d’un niveau de qualification supérieur ou égal à bac +3 dans le contexte d’une entreprise de travail temporaire. Les facteurs d’attractivité de l’entreprise que cet auteur met en avant sont les suivants : intérêt du travail, expérience professionnelle, développement des compétences, image de l’entreprise, accès à des responsabilités, faible attachement institutionnel, importance de la dimension affective dans la relation des jeunes à l’entreprise.
20Thonon et Le Louarn (2000) mettent en exergue les principales caractéristiques du personnel de recherche & développement qui appartiennent directement à la catégorie des salariés très qualifiés qui nous intéressent dans cet article (72,8% des répondants à cette étude ont moins de 35 ans) : recherche de défis techniques et intellectuels, haut niveau de tolérance au risque, besoin de variété dans le travail, irrévérence envers le statut quo, besoin d’interdépendance, besoin d’autonomie, grand besoin d’accomplissement, orienté vers la carrière, etc.
21Hennequin (2010) met en exergue les aspects subjectifs de réussite professionnelle pour les enseignants-chercheurs. Ce travail s’insère également dans le champ du comportement et des attentes au travail des salariés très qualifiés. Ces critères peuvent se regrouper en trois catégories :
- la dimension matérielle : la suffisance de revenu perçu ;
- la dimension psychologique : la liberté, l’équilibre entre les différentes activités professionnelles, l’accomplissement, l’équilibre entre vie privée-vie professionnelle, la collaboration avec les collègues, le contact avec les étudiants ;
- la dimension sociale : la reconnaissance sociale, la reconnaissance de l’institution, la reconnaissance par les étudiants et la reconnaissance par les pairs.
Les attentes et représentations au travail des plus qualifiés de la génération Y : approche empirique
22Afin de mieux cerner les attentes des jeunes salariés hautement qualifiés, nous avons mené une étude dyadique confrontant à la fois les arguments des entreprises et ceux des intéressés. Cette étude a été réalisée auprès des entreprises à travers une phase qualitative et auprès des jeunes salariés qualifiés par l’intermédiaire d’un questionnaire. La confrontation de cette double population d’étude nous permet de présenter ensuite les principaux résultats, d’identifier des éléments de discussion et de proposer des recommandations.
Méthodologie de recherche
23L’approche empirique de cette recherche est composée de deux phases distinctes : une phase qualitative par entretiens auprès de dirigeants d’entreprises appartenant à un pôle de compétitivité et une phase quantitative auprès d’individus hautement qualifiés appartenant à la génération Y. Le choix d’une phase qualitative auprès des entreprises du pôle de compétitivité a été fait en raison de l’approfondissement souhaité et du peu d’études centrées sur cette partie de la dyade. L’aspect quantitatif auprès des jeunes vient compléter les études existantes et tester les hypothèses soulevées par les chefs d’entreprises.
La phase qualitative
24Des entretiens semi-directifs ont été réalisés au sein d’un pôle de compétitivité. Ce pôle de compétitivité a été saisi à plusieurs reprises de demandes émanant de ses membres, et plus spécifiquement des PME, confrontées à des difficultés de recrutement de ses personnels hautement qualifiés et notamment des plus jeunes. Face à cela et pour y répondre, cette étude poursuivait un triple objectif :
- établir un audit des besoins de recrutement des PME membres du pôle permettant d’identifier les types de recrutements concernés et les populations visées. Il s’agissait ici d’identifier les problématiques exprimées et vécues par les entreprises membres du pôle et confrontées à cette cohorte de jeunes salariés hautement qualifiés ;
- mesurer les enjeux des problématiques en identifiant le différentiel entre les besoins et les ressources et entre l’expression des besoins et les résultats des actions engagées par chaque membre. Ce deuxième objectif était assorti d’une phase d’identification des principales représentations que les membres du pôle pouvaient exprimer sur la cohorte objet de l’étude ;
- proposer un plan d’action pour le pôle de compétitivité et/ou ses membres. Ce dernier objectif était également destiné à repérer les actions RH des membres du pôle en identifiant si ces dernières étaient spécifiques aux jeunes et s’il était utile de mettre en place des actions, pratiques, instruments ou dispositifs de GRH pour résoudre ces problématiques.
L’échantillon des entreprises interrogées
L’échantillon des entreprises interrogées
25Le guide d’entretien était composé de quatre points principaux :
- le contexte : objectifs de l’étude, explications du déroulement de l’entretien, adhésion au pôle de compétitivité ;
- la présentation de l’entreprise, de ses domaines d’activités stratégiques ;
- les pratiques de recrutement et de fidélisation de salariés hautement qualifiés : description du processus de recrutement, partenariats existants, difficultés d’attractivité et de fidélisation, pratiques de recrutement actuelles, pratiques de recrutement envisagées ;
- les solutions envisageables pour aider les entreprises à attirer et fidéliser des personnels hautement qualifiés.
La phase quantitative
26En complément de cette étude qualitative, une étude quantitative a été mise en place auprès de jeunes hautement qualifiés. Cette étude fait partie d’un projet de recherche commandité par l’ARACT Centre (Association Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) et a reçu le soutien de la Région Centre, de la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ainsi que de l’Europe (fonds FSE). Elle vise à connaître les attentes des jeunes en matière d’emploi, de recrutement et de fidélisation et à confronter leur opinion à celle donnée par les chefs d’entreprise.
Echantillon de l’étude
27Nous avons interrogé des individus de la génération Y en situation d’emploi, avec un niveau de qualification supérieur ou égal à bac+5. 259 questionnaires ont été collectés. La majorité des répondants sont des femmes (68,7%).
Instruments de mesure
28Le questionnaire s’est structuré autour de six grandes thématiques : « mieux vous comprendre, votre vision du travail, votre vision de l’entreprise, votre comportement au travail, le lien avec vos aînés, vos caractéristiques d’identité ».
29Ces thématiques regroupent des points de vigilance mis en exergue par les chefs d’entreprise ainsi que des attentes mises en évidence par les études précédentes. L’opérationnalisation des variables dans les différentes rubriques a été élaborée à partir du discours des chefs d’entreprise et des échelles de mesure déjà présentes dans des études précédentes. Les données collectées ont donné lieu à des traitements statistiques : tris à plat, tris croisés et analyse en composantes principales.
Principaux résultats des études empiriques et discussions
30Nous exposons ici les principaux résultats de la phase qualitative et de la phase quantitative de l’étude empirique de cette recherche. Ainsi des statistiques seront données et des extraits des entretiens illustreront également nos propos. Plusieurs points clés ont émergé de l’ensemble des données collectées.
Le développement des compétences et l’humain
31De façon concomitante, les deux études réalisées soulignent l’importance accordée au développement des compétences des individus hautement qualifiés. En effet, 82% des jeunes très qualifiés estiment très importantes les possibilités de développement de leurs compétences.
32Cette importance est également présente du côté des dirigeants des entreprises :
« Nous mettons tout en œuvre pour assurer le développement de l’employabilité des jeunes car nous savons que grâce à cela ils viendront ou resteront un peu plus chez nous. La question des compétences est aujourd’hui une des clés mais encore faut-il savoir les identifier, les développer et les gérer ».
34A ce sujet la réalisation d’une première ACP, sur les raisons du choix d’une entreprise, illustre cette question de l’évolution et du développement. Le tableau suivant montre bien que le premier axe (+39,38%) repose avant tout sur le développement des compétences (+21%).
35Première ACP : critères de choix d’une entreprise
36Le deuxième résultat intéressant dans le cadre de ces critères de choix des entreprises est l’importance accordée à la dimension relationnelle.
37Les dirigeants expriment les éléments suivants :
« Nous avons dû faire face à un nouveau contexte et l’argent ne fait pas tout. Maintenant les jeunes nous demandent comment est l’ambiance et s’il sera possible de développer pour eux le réseau ».
« On sent que l’argent est important mais plus forcément prioritaire pour ces jeunes très qualifiés ».
40Pour les jeunes, plus de 91% des individus interrogés considèrent le travail comme un moyen de créer des relations :
41Par ailleurs, plus de 70% des individus estiment très importante la possibilité de développer son réseau professionnel et les relations informelles entre les membres de l’entreprise (Axe 2 de l’ACP). A ce sujet, 99% des femmes interrogées considèrent le travail comme un moyen d’épanouissement.
4294% des hommes interrogés considèrent le travail comme un moyen d’épanouissement personnel avant d’être un moyen de gagner de l’argent (38%) :
43Ces résultats sont intéressants dans la mesure où ils laissent apparaître des dimensions informelles, relationnelles et interpersonnelles fortes. Ainsi, ces résultats vont dans le sens que certaines recherches prônent et qui visent à adopter et privilégier des dispositifs de gestion reposant sur des dimensions autres qu’instrumentale et quantitative (Brillet, Hulin, 2011). L’adoption de dispositifs d’anticipation RH peut ainsi être conseillée et privilégiée au regard de dispositifs traditionnels de GPEC (Brillet, Hulin, 2010) qui ne prendraient pas en compte ces attentes et ces observations. L’approche prospective des métiers est alors intégrée au dispositif en question. L’étude qualitative a révélé cette problématique qui se pose d’ailleurs au niveau du territoire et plus seulement des entreprises :
« Moi je constate que nous n’arrivons pas à recruter des ingénieurs ; le problème est-ce nous et alors on n’a pas les bonnes méthodes ou est-ce plus global et ce serait alors au pôle de nous proposer une solution ».
« Je pense que nous PME, on n’a ni les moyens matériels, ni en homme pour faire de la GRH prévisionnelle il faut donc que le pôle nous propose quelque chose ».
« Je ne sais pas si c’est un problème de génération ou de métiers. Il serait intéressant d’avoir une vision du métier d’ingénieur et de pousser nos jeunes dans ces filières qui recrutent ».
La question du pouvoir et de la confiance réciproque
47Sur ces deux dimensions une nuance est à apporter. En effet les entreprises expriment bien le fait que l’on ne peut pas donner du pouvoir à tout le monde, surtout, dans des petites structures :
« Comment voulez-vous donnez du pouvoir à chacun ? Nous sommes trop peu nombreux et alors tout le monde serait cadre ou dirigeant ».
49Face à cela la génération Y de notre étude indique bien que le fait de ne pas disposer de pouvoir n’est pas un motif qui les ferait quitter l’entreprise (plus de 87%) ; ce que l’axe 2 de l’ACP montre.
50Deuxième ACP : identification des variables qui expliqueraient que l’on puisse quitter l’entreprise
51Il n’en demeure pas moins que si cette génération accepte de ne pas disposer de pouvoir elle est relativement « méfiante et contestataire » par rapport à ceux qui l’exercent. La hiérarchie est ainsi observée et sa légitimité est appréciée au regard de sa compétence. Il est également exprimé qu’il est très important pour plus de 70% des hommes et 85% des femmes qu’un manager tienne ses engagements. Ceci corrobore ce que les professionnels expriment :
« En tant que hiérarchique, on se sent toujours observé ; nous n’avons pas le droit à l’erreur. Mais si on est compétent alors là ils nous respectent ».
« Il ne faut jamais faire de promesses que l’on ne peut pas tenir ; cette génération ne le pardonne pas ».
54Sur la question de l’exercice de responsabilités et le fait qu’une entreprise leur confie des responsabilités, la génération Y juge ces éléments clés (à plus de 60%) dans le choix d’une entreprise et dans leur comportement de fidélité.
55La réalisation de cette deuxième ACP atteste de l’importance accordée à la relation de confiance. Ainsi, la détermination des deux axes et en particulier le premier (+34,18%) renforce l’importance des relations formelles et informelles (reposant sur un contrat de confiance entre jeunes hautement qualifiés et hiérarchie), sur le respect des engagements de chacun et la capacité de la hiérarchie à reconnaître ses erreurs.
56Dans le cadre de ces résultats, on observe une dimension de réciprocité entre les managers et les jeunes hautement qualifiés ; tant sur les responsabilités à partager que sur les exigences exprimées et le respect des engagements.
57L’analyse plus poussée de nos résultats a permis de faire ressortir lors d’une troisième ACP les variables explicatives de l’investissement des jeunes hautement qualifiés au sein d’une entreprise. On peut ainsi remarquer que chaque axe est marqué par une forte contribution liée au fait de disposer d’une hiérarchie accueillante et bienveillante.
58Troisième ACP : variables explicatives de l’investissement dans l’entreprise
Les dimensions individuel - collectif / vie privée - vie professionnelle
59Cette dimension est très fortement ressortie de nos deux études et vise deux éléments : le respect de l’équilibre vie-privée/vie professionnelle et le respect de l’individu dans un collectif de travail. A ce sujet, les dimensions de l’axe 2 de notre deuxième ACP en attestent. Sur l’importance du collectif, nos résultats montrent les éléments suivants :
Travail en équipe
Travail en équipe
60Plus précisément, l’étude montre que plus de 69% des hommes déclarent privilégier leur vie professionnelle au regard de leur vie personnelle contre 56% pour les femmes. Pour autant, il convient de nuancer ces résultats dans la mesure où la frontière entre ces deux sphères est de plus en plus floue et s’explique en partie par le recours et l’importance accordée aux moyens de communication numérique. L’omniprésence des technologies et le besoin de communication sont des éléments caractéristiques de cette génération au sein de notre échantillon : 63% considèrent les réseaux sociaux numériques comme importants ; plus de 70% estiment l’utilisation d’Internet comme très important et 57% considèrent les Smartphones comme importants. 48% d’entre eux utilisent ces outils numériques à des fins personnelles pendant leur temps de travail. Plus de 70% acceptent de traiter des sujets professionnels sur leur temps personnel.
61Cette recherche d’équilibre entre ces deux sphères est donc à considérer avec beaucoup de précaution dans la mesure où cette génération considère pour plus de 80% de l’échantillon que le fait de rompre cet équilibre pourrait constituer un motif de départ de l’entreprise (Axe 2 de la deuxième ACP). La question de la frontière est donc importante à considérer :
« C’est difficile de savoir ce qui relève du travail de leur vie personnelle. Avant les choses étaient simples mais maintenant on ne sait plus très bien ».
« On sait très bien que si on n’accepte pas qu’ils aient accès à Internet ils hésiteront à venir chez nous. Et ils nous disent que s’ils bénéficient d’un Smartphone ils pourront gérer leurs dossiers professionnels quand ils voudront ».
64Cette question du respect aborde également la place de l’individu dans le collectif.
65En effet, la dimension individuelle est très présente au sein de cette génération mais elle est à resituer dans une dimension collective. Plus de 93% des individus interrogés considèrent le travail en équipe comme important et comme un des critères de choix d’une entreprise. Le travail est considéré également comme un lieu où la dimension « relations entre les personnes » est privilégiée (plus de 69%). Pour autant, près de la moitié des salariés préfèrent travailler avec des personnes de leur âge. Il est aujourd’hui important de gérer cette articulation en privilégiant des modes de reconnaissance et de management qui permettent à un individu d’être remarqué et reconnu tout en étant intégré dans un collectif de travail :
« Au niveau management on a été confronté à une difficulté car ces jeunes générations veulent être mises en avant mais il faut également qu’elles s’intègrent dans des équipes de travail. Alors nous on a toujours eu l’habitude dans l’informatique de gérer par projets et c’est ce que l’on fait aujourd’hui et je trouve que comme cela on ne s’en sort pas si mal ».
« Notre idée a été de passer l’an dernier à un management par les processus. Ainsi chacun est important dans les phases du processus mais ce processus n’est performant que si chacun tient son rôle et le résultat final c’est un travail d’équipe. Les jeunes aiment bien ce système et on a un vrai succès quand on leur présente et qu’ils le pratique ».
68Face à cette dimension respect qui est apparue, plusieurs leviers RH ont ainsi été identifiés par les professionnels afin de relever l’enjeu d’attractivité et de fidélisation : des modes d’organisation du travail et de management adaptés, le recours à des services nouveaux destinés à améliorer la qualité de vie au travail et privée ainsi que le recours à des avantages en nature (les femmes accordent de façon beaucoup plus significative d’importance aux avantages en nature : 87% contre 50% pour les hommes) privilégiant des systèmes de reconnaissance non matérielle :
« Nous il a fallu que l’on s’adapte et nous n’organisons plus de réunions après 9h ou avant 18h, on a également donné la possibilité de moduler le temps de travail, de recourir au temps partiel annualisé. On a même pensé au télétravail ».
« Le compte épargne temps est à l’étude dans notre entreprise ainsi que la possibilité de bénéficier d’un congé solidarité dans certaines conditions. On nous en parle de plus en plus et les demandes des futurs collaborateurs lors du recrutement sont assez nombreuses ».
« En fonction de là où on se situe on a cherché à améliorer la qualité de vie de nos collaborateurs et nous avons pensé à créer une salle de sport mais en définitive nous avons conclu un partenariat avec une salle de sport de la ville la plus proche et avec des conditions d’abonnement tout à fait avantageuses. Au niveau du pôle je voudrais bien que l’on réfléchisse à la création d’une crèche inter entreprises ».
« Pour attirer nous essayons de tout mettre de notre côté et les compétences rares on en a besoin, c’est une question de survie. On aide donc le futur collaborateur à rechercher un job pour son épouse et on s’occupe en partenariat avec la ville de trouver des places en crèche où à l’école quand ils ont des enfants ».
73Sur cette question de l’attractivité des entreprises et par voie de conséquence sur la fidélisation de cette population des jeunes hautement qualifiés, nous avons, par une quatrième ACP, identifié l’importance accordée à différentes variables « entreprise » par cette cohorte :
74Quatrième ACP : importance de variables accordées à l’entreprise
Discussion des résultats
75Deux points de discussion des résultats de notre étude empirique peuvent être envisagés et représentent autant de voies de recherches futures possibles : la conduite de la trajectoire professionnelle de ces jeunes salariés hautement qualifiés et l’application de la notion de bienveillance aux relations existantes entre les jeunes salariés hautement qualifiés et leurs employeurs.
La trajectoire professionnelle des jeunes salariés hautement qualifiés
76Ces jeunes salariés hautement qualifiés sont davantage concernés par un modèle de carrière dit nomade. L’essentiel des caractéristiques attribuées aux individus de la génération Y (voir tableau de synthèse précédent) est à rapprocher de la littérature existante sur la gestion des carrières (Pichault et Pleyers, 2010), et notamment des nouveaux modèles de carrières et de trajectoires professionnelles en fort développement aujourd’hui.
77La notion de trajectoire est relativement floue et polymorphe. En mathématiques, la trajectoire d’un point est dans un référentiel, l’ensemble des emplacements successifs qu’il occupe au cours du temps. Cette définition et ce concept trouvent aujourd’hui de nombreux domaines d’application dont celui des sciences de gestion ; tant en stratégie qu’en GRH par exemple. La trajectoire est ainsi utilisée pour des projets de connaissance variés (Chabault, 2010). En effet, elle peut être utilisée dans des contextes très différents et à plusieurs niveaux : individus, collectifs, entreprises, groupements d’entreprises, etc. « Pour chaque individu, pour chaque groupe, pour chaque organisation, elle [la trajectoire] représente l’orientation choisie pour atteindre les buts explicités ou implicites » (Fimbel et al., 2010, p. 79).
78En gestion des ressources humaines, le concept renvoie davantage à la trajectoire professionnelle de l’individu, généralement définie par la chronologie de ses états successifs sur le marché du travail. La définition que nous pouvons proposer pour ce concept, appliqué à la GRH et en référence à la carrière, est la suivante :
79La trajectoire professionnelle d’un individu est dans un référentiel (plus ou moins explicite ; interne ou externe à l’organisation), l’ensemble des situations d’emplois ou de métiers qu’il exerce au cours du temps.
80Selon Scouarnec (2009), cette trajectoire professionnelle ne peut plus être expliquée par le paradigme de la carrière traditionnelle et du salariat classique (unité de temps, de lieu et de statut). Dans ce contexte, l’individu devient responsable de sa vie professionnelle et de son employabilité (Boyer et Scouarnec, 1999 ; Scouarnec, 2009). On peut même parler de co-responsabilité dans la mesure où ce concept repose également sur une implication forte de la hiérarchie. On ne perçoit donc plus la carrière comme linéaire et prédéterminée mais comme une trajectoire personnelle, construite sur mesure. Le rôle de la hiérarchie, la confiance réciproque que l’on peut en attendre sont donc ici respectés et en conformité avec les résultats exposés précédemment.
81La carrière, ou plus exactement la trajectoire professionnelle, est maintenant protéenne (Hall, 1996). Certains mettent en exergue le concept de carrières nomades (Cadin et al., 2003), ou de boundaryless career (Arthur et Rousseau, 1996). Les trajectoires professionnelles ne sont plus obligatoirement et systématiquement ancrées dans une organisation donnée. Néanmoins, la question est de savoir si ces trajectoires professionnelles sont volontaires ou contraintes par le niveau de flexibilité croissante du marché du travail et par le contexte de crise.
82Les jeunes hautement qualifiés peuvent changer de trajectoire professionnelle 7 à 8 fois durant leur vie professionnelle (Alch, 2000). Comme nous l’avons souligné, ils sont faiblement attachés à l’organisation dans laquelle ils évoluent et sont prêts à la quitter pour satisfaire leur besoin d’accomplissement ou pour des missions répondant davantage à leurs attentes. Ceci est en relation avec les résultats de notre quatrième ACP attestant l’importance du secteur, de l’image et de la notoriété dans les variables qui sont prises en compte par les jeunes hautement qualifiés. En prolongement, ceci conduit à envisager pour les PME un management des ressources humaines plus territorial qui serait à même de proposer cette option de trajectoire professionnelle.
83En dernier lieu, ces différents points sont à rapprocher également de la notion de prospective de soi. En effet, l’individu devient responsable de sa trajectoire professionnelle : « par « prospective de soi », nous entendons un dépassement des approches classiques du projet professionnel et une prise de conscience plus forte par l’individu de l’ensemble de ses possibles. Il y a tout un travail de désappropriation des repères culturels, identitaires et imaginaires à faire afin que chacun, en toute liberté, puisse s’autoriser à construire ou re-construire le champ de ses possibles professionnels » (Boyer et Scouarnec, 2009, p. 320). Ce point est donc bien en conformité avec nos résultats sur l’importance de l’individu dans le collectif et l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle.
La bienveillance et devenir des dispositifs de management des ressources humaines face aux jeunes salariés hautement qualifiés
84La bienveillance peut être définie, de façon globale, comme une « disposition favorable envers une personne inférieure (en âge, en mérite) » (Dictionnaire Le Robert, 2011). Appliquée au management, elle peut être envisagée comme « le degré avec lequel l’individu pense que son organisation lui veut du bien, au-delà des motifs de profit égocentrique » (Guerrero, Herrbach, 2007 : 15). L’idée de bienveillance doit également être rapprochée des travaux existants autour de la confiance. Cette dernière représente « la volonté d’une partie de se rendre vulnérable aux actions de l’autre partie » (Mayer et al., 1995 : 712). La confiance trouve trois sources majeures : les aptitudes de la partie en qui on fait confiance, sa bienveillance et son intégrité (Mayer et al., 1995 ; Guerrero, Herrbach, 2007). La confiance dans la relation salariale a été étudiée en sciences de gestion à la lumière des travaux existants autour du contrat psychologique notamment (Campoy, Neveu, 2005). Dans leur travail, Campoy et Neveu (2005 : 20) montrent tout l’intérêt pour la direction d’une entreprise « de favoriser à la fois la confiance affective et la confiance calculée dans les dirigeants, en veillant notamment à préserver le respect des salariés, à afficher une communication régulière autour des principales décisions prises, mais aussi le maintien des compétences et de l’intégrité de l’équipe dirigeante ».
85Dans ce contexte, les caractéristiques clés des jeunes hautement qualifiés détaillées dans cet article, telles que la recherche de sens au travail et la qualité de la relation avec le supérieur hiérarchique, amènent à s’intéresser au style de management de ces jeunes salariés et imposent aux organisations de réfléchir à un management « bienveillant ». Ce type de management semble ressortir de façon importante de notre étude quantitative. Toutefois, certains extraits de discours des dirigeants de PME attestent également de cette recherche de management de proximité où les relations de confiance sont privilégiées. Peut-être pouvons-nous également expliquer cela par la taille des entreprises de notre échantillon qui de façon plus systématique pratiquent ce type de management, même si elles ne le qualifient pas systématiquement de management « bienveillant ».
86En effet, la qualité de la relation avec les supérieurs est essentielle. La recherche de sens serait en lien avec l’engagement organisationnel et l’implication. La finalité du travail (faire un travail qui a du sens, faire quelque chose d’utile, qui profite à quelqu’un, faire un travail qui a de la valeur à leurs yeux, etc.) est un élément important et doit être valorisé dans les dispositifs de management des ressources humaines de demain dans les organisations.
Conclusion
87Les principaux résultats qui ont été présentés et analysés montrent une convergence certaine entre les résultats des études présentés dans notre partie théorique confirmant les caractéristiques relevées par les auteurs.
88A l’instar des travaux de Pralong (2009, 2010), nous pouvons soulever l’importance de l’effet de socialisation plus que de l’effet générationnel. En effet, l’appartenance à un groupe d’individus très qualifiés, généralement cadres, semble avoir plus d’influence que l’appartenance à une génération.
89Dans le contexte présenté dans cette recherche, certains auteurs évoquent l’apparition d’un individu hypermoderne (Plane, 2008), notamment dans le champ de la sociologie. L’individu hypermoderne reprend les caractéristiques clés des membres de la génération Y : individualisme vs collectif, instantanéité, etc. Ainsi, dans des recherches futures et complémentaires, il nous semble intéressant de mobiliser les travaux des auteurs qui relèvent de l’hypermodernisme.
90Dans le prolongement de ces réflexions, l’étude que nous avons menée peut également nous conduire à envisager de mobiliser d’autres champs théoriques tels que ceux du contrat social. En effet, l’un des intérêts de cette théorie consiste en la remise en cause de l’idée selon laquelle les individus ne sont motivés que par la recherche de maximisation du profit. Nos résultats en attestent et posent directement la question de la gouvernance des échanges actuels par une meilleure prise en compte de la composante relationnelle. Le contrat relationnel va au-delà de la simple définition des clauses contractuelles et l’intensité de la relation entre entreprise et salariés dépend des normes du contrat social définies comme des types de sentiments et comportements acceptables par les membres d’un système d’échanges ayant la force d’une obligation ou d’une pression sociale (Macneil, 1978). Vingt normes sont ainsi identifiées et considérées comme essentielles à tout échange et se distinguent entre les normes contractuelles, les normes relationnelles et les normes transactionnelles.
91De tels prolongements seraient donc très intéressants dans la mesure où l’on retrouve de nombreux points clés des résultats de nos analyses tels que : les conditions de travail, la confiance, la solidarité, la flexibilité, les normes supra contractuelles, la réciprocité, etc. Ce prolongement nous permettra ainsi de lever l’une des principales limites de cette étude qui repose sur les perceptions des professionnels sur les membres de la génération Y. Ainsi, un questionnaire d’enquête opérationnalisant ces différentes variables et administré auprès de la génération Y aurait toute sa pertinence.
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