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Article de revue

Un référentiel pour articuler les compétences stratégiques et individuelles

Pages 37 à 56

Notes

  • [1]
    Cet article fait suite à une communication intitulée « Un référentiel de compétences pour servir l’articulation compétences stratégiques / compétences individuelles », présentée lors du XXI Congrès de l’AGRH 2010 (Rennes / Saint-Malo).
  • [2]
    Evelyne Rouby, Maître de Conférences HDR, Université de Nice, GREDEG (UMR 7321 UNS-CNRS), rouby@unice.fr
  • [3]
    Ewan Oiry, Professeur des Universités, Université de Poitiers, CEREGE, EOiry@iae.univ-poitiers.fr
  • [4]
    Catherine Thomas, Professeur des Universités, Université de Nice, GREDEG (UMR 7321 UNS-CNRS), catherine.thomas@gredeg.cnrs.fr
  • [5]
    Le MRC est composé de trois théories : la Resource-Based View, la théorie des compétences fondamentales et la théorie des capacités dynamiques.
  • [6]
    Ces référentiels ont été construits par les auteurs de cet article dans deux projets de recherche distincts.
  • [7]
    Ces relations de surface sont appelées relations de contingence, relations de nécessité ou corrélations.
  • [8]
    Cette analyse est cohérente avec les préconisations de Dietrich (1999) ou Gilbert (1998) : interroger les référentiels sur leur contenu et leurs caractéristiques en lien avec leur finalité et/ou enjeux.
  • [9]
    Le projet KMP (Knowledge Management Platform) a été labellisé par le RNRT en mai 2002 (http://www.telecom.gouv.fr/rnrt/index_exp.htm). La solution KMP est aujourd’hui industrialisée.
  • [10]
    Au démarrage, 9 acteurs ont souhaité être « pilotes » : 5 firmes (Amadeus, Ariane II, France Telecom R&D, Hewlett Packard / Compaq et Philips Semi-conducteurs), 3 organismes de recherche (l’Université de Nice Sophia Antipolis, l’INRIA et le Groupement des Ecoles Télécoms -GET-) et un institut de développement régional (Côte d’Azur Développement -CAD-). En 2003, de nouveaux pilotes ont rejoint le projet : 6 firmes (Atos Origin, Cross System, Elan IT, IBM, Qwam System, Transitiel) et 1 institut de développement régional (la CCI à travers le projet Initiatives Riviera Technologies -IRT-).
  • [11]
    Ils ont permis de valoriser périodiquement les résultats intermédiaires auprès des utilisateurs pilotes, ce qui est essentiel à leur implication, au développement de la légitimité de l’équipe de recherche et de la confiance (Plane, 2000).
  • [12]
    Le 1er échelon est intitulé « maîtrise d’une section simple », le 2nd « maîtrise d’une section complexe », le 3ème « maîtrise de plusieurs sections complexes », le 4ème « expertise sur une section complexe », le 5ème « expertise sur plusieurs sections complexes ». Le 6ème introduit une nouvelle logique en s’attachant au rôle du consoliste (qui contrôle électroniquement les équipements présents sur le terrain), il s’intitule « maîtrise de la console ». Le 7ème renvoie à la « maîtrise de plusieurs consoles » et le 8ème à l’« expertise sur une ou plusieurs consoles ». Une « section » se définit comme une séquence du processus de fabrication du plastique. Suivant les équipements (pompes, tours de distillation, réacteurs, etc.), elle est considérée comme simple ou complexe à opérer.
  • [13]
    Par exemple pour l’échelon 1 : « connaître les équipements de sécurité » ; « rendre compte oralement des anomalies ».
  • [14]
    Le salarié réalise une action simple et très localisée en mobilisant un ensemble réduit de ressources. Ex. : démarrer une pompe ou respecter des règles de sécurité clairement définies et applicables à un équipement élémentaire.
  • [15]
    Il réalise une action plus complexe pour laquelle il est appelé à mobiliser un système de ressources plus complet. Ex. : démarrage d’un équipement complexe, mise en œuvre de procédures de travail ouvertes (ce qui nécessite un travail d’interprétation de la situation, d’élaboration de choix et de prise de décision en situation d’incertitude et en prenant appui sur des connaissances distribuées).
  • [16]
    Aujourd’hui la plate-forme KMP est opérationnelle et industrialisée. Elle a été mise en ligne mi-2007, période à laquelle elle répertoriait 412 compétences éditées pour 63 entreprises et 4 laboratoires de recherche inscrits.
  • [17]
    Un contrat avait été signé avec Philips. Toutefois, il n’a pas été mené à son terme (la société a fait l’objet de deux fusions en l’espace de 18 mois (NXP puis Ericsson) ; l’équipe de recherche a rencontré des problèmes de propriété intellectuelle avec le développeur de la plate-forme KMP.
  • [18]
    Par exemple, les répertoires de connaissances mobilisées par les salariés et nécessaires au travail collectif doivent-ils évoluer, de nouveaux savoir-être doivent-ils être développés, etc. (item ressource) ? Les actions réalisées par les salariés doivent-elle être amendées et si oui en quels termes (item action ») ? Le résultat de l’action est-il satisfaisant (item livrable) ? Des actions de formation des collaborateurs de chaque équipe pourront être envisagées, ce qui renvoie à une gestion prévisionnelle des compétences individuelles (cf. Mérindol et al., 2009).

1L’articulation des compétences stratégiques et individuelles constitue une question clé pour la GRH contemporaine (Dejoux, 1998 ; Lopez-Cabrales et al., 2006 ; Fleury et Fleury, 2005 ; Retour et al., 2009). Elle signifie une gestion cohérente (ou intégrée) des deux niveaux de compétences et renvoie explicitement à un objectif de pilotage : les compétences individuelles doivent être gérées en lien avec la construction des compétences stratégiques et leur développement. Toutefois, cette question attend de recevoir des réponses originales, à la fois théoriques et opérationnelles (Defélix et al., 2009 ; Dejoux, 2008 ; Jouvenot et Parlier, 2011). En particulier, il s’agit de construire un référentiel commun à tous les registres de la compétence (Louart, 2006 ; Retour et Krohmer, 2006 ; Roehling et al., 2005 ; Lopez et al., 2006 ; Defélix et al., 2006). En effet, la GRH ne bénéficie pas d’un tel référentiel (Jouvenot et Parlier, 2005). Dans leur grande majorité, les référentiels sont produits pour repérer les compétences individuelles dans la perspective de les évaluer. Ils sont inopérants pour l’articulation ; ils n’ont pas été conçus pour cette finalité (Delobbe et al., 2011).

2Notre article traite précisément de la construction d’un référentiel de compétence pour servir conjointement deux finalités liées : le pilotage en cohérence des niveaux individuel et stratégique sans négliger l’évaluation. Pour cela nous développons une étude de cas comparative exploratoire à visée explicative qui compare deux référentiels ; l’un emblématique de l’évaluation, l’autre, du pilotage. L’article s’articule en quatre parties. La première développe la spécificité des référentiels de compétences mobilisés en GRH mais aussi dans le champ voisin du management stratégique, pour en montrer les limites en termes d’articulation. La deuxième présente la méthodologie mobilisée et les étapes de sa mise en œuvre. La troisième développe les résultats et identifie les principes structurants des deux référentiels analysés (étape 1 de l’analyse comparative). La quatrième discute la complémentarité de ces principes (étape 2 de l’analyse comparative). Elle montre dans quelle mesure cette complémentarité est susceptible de garantir la double contrainte d’un pilotage intégré des compétences individuelles et stratégiques et d’une évaluation des compétences individuelles.

1 – Revue de littérature

3L’articulation exige la mobilisation d’un référentiel commun à tous les registres de la compétence (Louart, 2006 ; Retour et Krohmer, 2006). Toutefois, ce référentiel reste à construire. En effet, ni la GRH ni le champ voisin du management stratégique n’en bénéficient.

1.1 – Référentiels de compétences en GRH

4La GRH s’engage dans la construction de référentiels de compétences dès les années 90 pour permettre aux salariés de valoriser « leur travail réel » par opposition au travail prescrit (Rouvery et Tripier, 1973). Il s’agit de relier la valeur de l’activité salariée à la complexité technique de la tâche réalisée : plus elle est complexe, plus l’activité est considérée comme légitime et le salarié compétent (D’Iribarne, 1991). Dans cette perspective, la rédaction du référentiel obéit à une logique spécifique empruntée à la sociologie du travail : (1) il porte principalement sur les compétences individuelles ; (2) l’objectif est d’identifier les multiples savoirs mobilisés par le salarié pour en saisir les contenus et décrire précisément le travail réalisé à son niveau. Toutefois, si la relation savoirs / activité de travail est posée comme une évidence, la description des savoirs s’effectue généralement sans lien direct ou apparent avec le collectif dans lequel l’activité se déroule (Retour, 2005). Au mieux, on procède à un découpage séquentiel entre la description des activités individuelles et l’énoncé des compétences mobilisées par le salarié à son échelle (ibid.). Les référentiels sont construits pour évaluer les compétences individuelles dans le but de gérer la progression des carrières, selon un critère d’excellence technique (Oiry et Sulzer, 2002 ; Defélix et al., 2007).

5L’ambition de développer des référentiels de compétences collectives au service de l’articulation émerge plus tardivement, autour d’une idée centrale : l’analyse des compétences collectives doit commander celle des compétences individuelles selon une obligation de résultat (Retour, 2005). Plus exactement, un des enjeux clés devient la gestion opérationnelle, organisationnelle et stratégique des compétences (Rouby et Thomas, 2009). Il s’agit d’identifier dans quelle mesure les compétences individuelles et collectives dans lesquelles elles se combinent et se recombinent, peuvent contribuer à l’exploitation et au développement des compétences stratégiques (Grimand, 2009). Toutefois, cette ambition reste à poursuivre (Retour et al., 2009). En effet, la recherche en GRH reste concentrée sur d’autres questions que la construction d’un référentiel de compétences collectives pour l’articulation (Picq, 2005).

6Ainsi, quand Retour et Krohmer (2006) identifient les attributs constitutifs des compétences collectives, ils le font dans le but de comprendre leur processus de construction à partir des compétences individuelles. En d’autres termes, ils définissent les principaux volets d’une grille d’analyse construite pour étudier la construction des compétences collectives et non pour repérer les compétences dans une perspective d’articulation.

7Plus généralement, les travaux qui traitent de l’articulation restent centrés sur les dispositifs organisationnels mis en œuvre pour faciliter le passage des compétences individuelles aux compétences collectives puis stratégiques (Fleury et Fleury, 2005 ; Dejoux, 2000). Ainsi, Dejoux et Dherment (2000) évaluent les pratiques de gestion des compétences et identifient les différents types et rôles des dispositifs organisationnels déployés pour aligner le management des compétences individuelles et stratégiques. Loufrani-Fedida et Angué (2009) ou Charles-Pauvers et Schieb-Bienfait (2009) explicitent le rôle joué par les mécanismes de coordination. Grimand (2009) interroge les places et rôles des politiques et pratiques de GRH dans le développement des capacités dynamiques de la firme c.-à-d. dans l’aptitude de l’organisation à reconfigurer ses ressources humaines, au niveau individuel et des équipes, pour s’adapter aux conditions de marché ou en créer de nouvelles. Pour leur part, Colin et al. (2010) traitent des dispositifs organisationnels supports d’un processus de décision plus ouvert et décentralisé. L’ensemble de ces travaux aborde toutefois en creux la création d’un référentiel commun pour identifier et articuler les compétences individuelles et stratégiques.

8En définitive, la GRH bénéficie de très nombreux référentiels de compétences individuelles. Toutefois, ces référentiels portent sur l’évolution des situations et contenus du travail, décrits à un degré de granularité très fin comme les compétences individuelles qui s’y exercent. Ces référentiels sont opérationnels pour évaluer les compétences individuelles des salariés et gérer la progression de leur carrière mais demeurent inopérants pour l’articulation : ils n’ont pas été conçus pour cette finalité (Delobbe et al., 2011).

1.2 – Référentiel de compétences en management stratégique

9La question de la construction d’un référentiel de compétences s’est également posée dans le champ du Management Stratégique avec l’avènement du Mouvement Ressources Compétences (MRC) [5]. En effet, l’identification des compétences est une phase cruciale de leur management ; elle est un préalable à leur valorisation (Hamel et Prahalad, 1995). Le niveau de collectif étudié ici est généralement celui d’un service ou d’un département, ce qui amène les auteurs à adopter le terme de compétence organisationnelle. Parmi ces compétences, une attention particulière est portée à celles qui sont stratégiques c.-à-d. sur lesquelles l’entreprise entend fonder son développement.

10Les référentiels de compétences sont construits pour représenter puis repérer les compétences stratégiques dans le but de les piloter c.-à-d. les exploiter et/ou les renouveler. L’exploitation renvoie à la valorisation des compétences existantes sur un ou plusieurs marchés ; le renouvellement signifie leur développement, parfois proactif, pensé en étroite relation avec l’identification de marchés potentiels dans des environnements très changeants (Teece, 2007 ; Danneels, 2008). L’analyse de la littérature montre une forte hétérogénéité des pratiques de représentation et de repérage des compétences stratégiques (Rouby et Thomas, 2004). Certains auteurs proposent de retenir un référentiel initialement construit pour traiter de la compétence individuelle (Durand, 2001 ; Métais, 2000) : la compétence est décrite en termes de « savoirs », « savoir-faire » et « savoir être ». Or, la transposition de ces items du niveau individuel vers un niveau collectif est discutable. Si les notions de compétences individuelles et stratégiques sont proches, représentant des ressources en action, elles ne peuvent pas être totalement confondues. Dans d’autres travaux (cf. Johnson et al., 2002), les auteurs proposent une méthodologie consistant en une déconstruction de l’avantage concurrentiel. Ainsi, ils décrivent les compétences : (1) en relation avec les activités et les processus sur lesquels l’entreprise fonde ses facteurs clés de succès ; (2) par association avec la valeur du produit ou du service proposé ; (3) en repérant l’ensemble des ressources mobilisées pour les développer. Dans cette perspective, il s’agit davantage de réaliser une description des compétences sous forme langagière que d’en proposer un véritable référentiel (Rouby et Thomas, 2004). En fait, l’identification des compétences stratégiques souffre d’un cadrage précis ; elle ne dispose pas de référentiels avérés pour se réaliser (Mendez et Mercier, 2006).

11D’emblée, les auteurs du MRC auraient pu s’intéresser à la construction d’un référentiel de compétences collectives (au sens de la GRH) pour l’articulation. En effet, ils adhèrent au principe de hiérarchie des compétences (Nordhaug, 1996), développant une approche combinatoire (vs agrégative) des compétences. Les compétences stratégiques sont inextricablement reliées aux compétences individuelles ; elles relèvent de leur combinaison et des processus organisationnels associés (Hamel et Prahalad, 1995) ; elles ne peuvent être dissociées de la ressource humaine qui contribuent à leur mise en œuvre (Simpson, 2002) : les compétences individuelles des collaborateurs méritent d’être gérées dans une perspective stratégique c-à-d en lien étroit et direct avec l’exploitation et le développement des compétences clés. Ici, la relation entre les niveaux stratégique et individuel est implicite. Elle est aussi supposée se construire via les compétences collectives. Toutefois, le MRC laisse complètement en suspens l’analyse de cette relation : il ne s’intéresse que marginalement aux compétences collectives, les considérant comme étant du ressort de la GRH (Simpson, 2002 ; Lindgren et al., 2004).

12Finalement, la question de savoir quel référentiel de compétences collectives faut-il développer pour articuler les compétences individuelles et stratégiques c.-à-d. les piloter en cohérence, reste entière. De surcroît, elle se précise. Le référentiel proposé devra être capable de servir conjointement une double finalité : d’une part le pilotage intégré des différents niveaux de compétences (prérogative de la stratégie aujourd’hui investie par les approches les plus récentes de la GRH) et d’autre part, l’évaluation des compétences individuelles (prérogative plus classique de la GRH).

2 – Méthodologie

13Pour répondre à cette question, nous proposons de développer une étude de cas comparative exploratoire à visée explicative au sens de Tsoukas (1989). Cette étude compare deux référentiels [6], PETRO et KMP. PETRO a été choisi car il est emblématique des logiques classiques d’évaluation des compétences. KMP a été choisi car il est emblématique du pilotage des compétences et propose une codification originale des compétences collectives.

2.1 – Une étude de cas comparative exploratoire à visée explicative

14En Sciences de Gestion, deux principaux types d’études de cas comparatives exploratoires peuvent être distingués.

15Etude de cas comparative exploratoire à visée descriptive : il s’agit de rechercher des similarités sur des relations dites « de surface » [7] entre des variables organisationnelles directement observables (law-like relationships). Chaque cas est étudié individuellement pour faire émerger des concepts nouveaux (ou catégories génériques) et/ou des relations de contingence nouvelles entre ces concepts. La réplication ou reproduction de l’étude dans plusieurs cas vise à mettre à jour des similarités sur ces relations (Einsenhardt, 1989). La réplication, concomitante (Einsenhartd, 1989) ou séquentielle (yin, 2003), a pour objet de montrer la persistance des relations c.-à-d. d’identifier des régularités. Implicitement, le chercheur est en quête d’une généralisation horizontale des connaissances qu’il a générées (law-like generalization).

16Etude de cas comparative exploratoire à visée explicative : il s’agit d’éclairer les mécanismes sous-jacents au phénomène observé (discover the latent patterns) (Tsoukas, 1989). L’étude ne porte pas sur les relations dites « de surface », directement observables, mais s’intéressent aux raisons cachées qui expliquent « pourquoi » ces relations existent. Elle traite de la structure profonde qui fonde la dynamique interne du phénomène observé ou dynamique sous-jacente temporairement stable (Avenier et Thomas, 2011). Le rôle du chercheur est d’expliquer cette structure profonde en identifiant les mécanismes sous-jacents qui la fondent et leur fonctionnement. Chaque cas est étudié en finesse pour analyser cette structure profonde en lien étroit avec le contexte dans lequel elle se développe. La comparaison des cas vise à mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l’origine de cette dynamique, en étudiant comment ils s’activent, s’actualisent et/ou évoluent en contexte (les mêmes mécanismes sont activés et ce sont les contingences qui changent ; les mécanismes qui sont activés sont différents). Implicitement, le chercheur est en quête d’une généralisation conceptuelle au sens de Glaser (2004).

17Notre étude s’inscrit dans cette deuxième perspective ; elle est exploratoire à visée explicative. Ainsi, elle s’organise en deux temps. Temps 1 : les référentiels sont étudiés en deçà de leur substrat formel directement observable [8], pour clarifier leur logique sous-jacente et/ou principes structurants, en relation avec leur finalité (l’évaluation pour PETRO, le pilotage pour KMP). Temps 2 : ces logiques sont comparées pour identifier si, au niveau des principes, des combinaisons ou rapprochements sont envisageables. Ces combinaisons ou rapprochements seront discutés.

2.2 – Le référentiel PETRO

18Le référentiel PETRO a été construit par une filiale française d’un groupe pétrochimique américain avec pour objectif de permettre une meilleure gestion des carrières des salariés. En Avril 2000, un accord prévoyant un dispositif de gestion des compétences pour les opérateurs de fabrication et les techniciens de maintenance a été signé par l’ensemble des organisations syndicales. Cet accord a donné lieu à l’implémentation d’un référentiel de compétences. Ce référentiel permet au management intermédiaire de valider les compétences individuelles de ses subordonnés et de déduire le coefficient à leur attribuer. En fonction des besoins de l’entreprise et des attentes de chaque salarié, il propose une progression de carrière et définit les besoins en formation qui y sont associés. Au cours de l’entretien d’appréciation, l’augmentation salariale individuelle est déterminée et un comité de suivi paritaire est chargé de résoudre les conflits éventuels. Pourtant, comme de nombreuses instrumentations de gestion, ce référentiel est caractérisé par son invisibilité (Gilbert, 1998) ; il est une donnée pour ceux qui le pratiquent (Detchessahar et Journé, 2007).

19Il a donc été questionné et étudié dans le cadre d’un contrat CIFRE (11/1996 - 04/2000), à partir d’une étude de cas selon un schéma classique dans la recherche en GRH : (a) réalisation d’une étude documentaire pour rassembler les principales informations formelles sur l’organisation (historique, principaux chiffres clés, etc.) et accéder à des documents spécifiques (bilans sociaux, principaux textes et accords d’entreprise concernant la gestion interne de l’emploi, supports de communication interne) ; (b) entretiens semi-directifs (au total 105 entretiens réalisés avec différents acteurs tels que la direction générale, la DRH, les directeurs d’usine, la hiérarchie intermédiaire (niveau n+1), les salariés, les délégués syndicaux). L’objectif était de recueillir la perception des acteurs à propos du référentiel et du contexte organisationnel d’implémentation. Les choix se sont faits sur la base de la recherche de situations contrastées du point de vue de l’âge, du sexe, du diplôme, du statut et du métier. Une triangulation des données a permis de mettre à jour les logiques sous-jacentes à la construction et à l’utilisation du référentiel, d’identifier ses principales caractéristiques et les éléments structurants qui le composent (cf. infra. 3).

2.3 – Le référentiel KMP

20Le référentiel KMP a été construit dans le cadre du projet Knowledge Management Platform[9], en étroite collaboration avec des acteurs « pilotes » [10]. Le projet KMP visait la cartographie des compétences des firmes et des organismes de recherche du cluster Telecoms Sophipolitain (France, Alpes Maritimes) afin de renforcer la dynamique territoriale d’innovation par la multiplication des synergies et le nouage de partenariats. L’objectif était de concevoir une solution technologique innovante de type service web de compétences pour permettre aux firmes et organismes de recherche : (1) d’identifier leurs propres compétences, (2) d’explorer le cluster Telecoms Sophipolitain à travers le portefeuille de compétences qui le composent, (3) de rechercher un partenaire, en d’autres termes de créer des opportunités d’échange et/ou de combinaison sous forme marchande ou partenariale. Les compétences ont été analysées à un meso niveau de collectif : elles ont été repérées à l’échelle des équipes ou unités de travail de type projets, équipes ou services.

21La méthodologie mobilisée est de type Design Research (Pascal et al., 2012). Elle s’inscrit dans une logique d’intervention avec pour but la conception d’artefacts innovants qui peuvent prendre la forme de construits théoriques, modèles, méthodes et/ou solutions technologiques. Comme dans toute démarche d’intervention, des interactions fortes entre le chercheur et le terrain ont été nouées : (a) entretiens exploratoires (22 en 2001 et 2002) réalisés auprès des utilisateurs potentiels (entreprises, instituts de développements régionaux et des instituts de recherche), (b) entretiens semi-directifs (52 en 2003) pour recenser et codifier les compétences, réalisés auprès des utilisateurs pilotes (soit 11 entreprises, 3 instituts de développements régionaux et 3 instituts de recherche), (c) comités ad hoc avec les utilisateurs pilotes (19 réunions de coordination en 2002 pour élaborer le projet RNRT ; 15 réunions du groupe de travail sur les ontologies en 2003 ; 19 réunions du groupe de travail sur le scénario d’usage générique 1, en 2003), (d) comités de pilotage [11] (5 en 2003). La génération des connaissances s’est faite par des confrontations itératives entre les savoirs des chercheurs (théories managériales des compétences, etc.) et ceux des acteurs concernés. Elle a croisé des approches top down et bottom up et favorisé l’émergence progressive, en collaboration avec les acteurs du terrain, de connaissances nouvelles : notamment, le référentiel de compétences collectives (cf. infra. 3).

3 – Principaux résultats

22Les principaux résultats portent sur le temps 1 de l’analyse comparative. Ils renvoient à une analyse en profondeur de chaque référentiel au-delà de leur substrat formel directement observable (items). Il s’agit d’identifier et de clarifier les éléments structurants ou principes sous-jacents de chaque référentiel, en lien étroit avec leur finalité.

3.1 – Eléments structurants de PETRO

23La finalité de PETRO est double : évaluer les compétences individuelles dans des situations de travail de plus en plus complexes techniquement ; accompagner la progression des carrières des salariés.

24Le référentiel est construit en référence à un métier et une identité professionnelle (un référentiel pour le métier de la fabrication, de la maintenance, des laborantins, du secrétariat, etc.). Les groupes métiers chargés de définir les référentiels se sont attachés à décrire le plus précisément possible le travail réel des salariés relevant d’un même métier pour valoriser les compétences individuelles qui sont réellement maîtrisées. Chaque référentiel métier comporte un axe technique composé de plusieurs échelons ordonnés selon une complexité technique croissante [12]. Chaque échelon liste les compétences individuelles [13] mises en œuvre et décrites à partir de trois items principaux :

  • L’item 1, « connaissances individuelles » renvoie à la panoplie de connaissances génériques mobilisées par le salarié dans son travail (ex. connaissances génériques sur les séquences automatiques des équipements, les principes et règles de fonctionnement).
  • L’item 2, « savoir-faire » renvoie à la combinaison entre une action et les connaissances concrètes associées (contextualisation des connaissances génériques) (ex. : savoir démarrer un équipement complexe), (action : démarrer, connaissances concrètes : sur les paramètres de démarrage d’un compresseur, d’un four, d’un réacteur).
  • L’item 3, intitulé « analyse », renseigne sur le livrable ou au résultat de la compétence individuelle mise en œuvre (ex. : analyse du fonctionnement du matériel, identification d’anomalies).
  • L’item 4, « progrès continu » vise à rendre compte de l’amélioration des résultats propres à chaque salarié. Elle ne procède pas de la description de ses compétences individuelles.
La description des compétences individuelles répond à une finalité classique d’accompagnement de l’évolution du travail. Sa précision garantit une évaluation juste du travail effectué, ce qui est cohérent avec l’objectif de l’évaluation pour gérer les carrières des salariés.

25Il est intéressant de noter que ce référentiel RH relie implicitement le résultat de l’action individuelle au collectif dans lequel il se construit et s’évalue, ce qui témoigne d’une volonté de lier les compétences individuelles et les collectifs de travail. Ainsi, la distinction « section simple » [14]/ « section complexe » [15]/ « sections complexes combinées », place résolument l’analyse des compétences individuelles en relation avec les compétences collectives. La maîtrise ou expertise d’une ou plusieurs sections complexes se fait nécessairement en interaction avec d’autres salariés qui participent à la même action collective ; cette interaction est le support de la compétence collective. Le lien compétences individuelles / compétences collectives est posé comme central même s’il n’est pas clairement explicité.

3.2 – Elément structurants de KMP

26Le référentiel KMP permet de repérer les compétences d’une entreprise ou d’un organisme de recherche, à un niveau de collectif qui peut être celui d’un groupe projet, d’une équipe ou d’un service. Il a été construit dans une finalité de pilotage de compétences inter firmes (exploitation et développement au sein d’un cluster). L’essentiel du travail a donc porté sur le repérage de la compétence dans l’objectif de pouvoir la combiner à d’autres (ou articulation de compétences collectives dans sa forme la plus aboutie, le partenariat).

27Ce référentiel est construit autour de 4 items :

  • L’item 1, « action » (action réalisée) (ex. concevoir).
  • L’item 2, « ressources mobilisées » (ou système de ressources managériales, technologiques et scientifiques mobilisées pour réaliser l’action) (ex. CMOS 90 nm, architecture système, librairies Soc, embedded processor).
  • L’item 3, « livrable » (ou résultat de l’action) (ex. design de circuit intégré).
  • L’item 4, « système d’offre » (champ dans lequel la compétence s’exerce et est valorisée) (ex. Télécoms mobiles troisième génération).
Ces items ont été définis à partir des invariants communs aux compétences stratégique et individuelle, issus de la revue de littérature en management stratégique et en GRH et d’une analyse conceptuelle approfondie. Ainsi, ils renvoient aux principes génériques ancrés dans les très nombreuses définitions de la compétence stratégique et individuelle (Rouby et Thomas, 2004) : principe d’action (? action) ; principe de finalité (? système d’offre) ; principe systémique (? ressources mobilisées) ; principe de lisibilité et de reconnaissance (? livrable). Ces quatre principes structurent le concept de compétence autour de catégories générales. Ces catégories fondent le référentiel retenu pour repérer la compétence collective. Dans cette perspective, la compétence collective se définit comme une action, destinée à produire un livrable valorisé dans un système d’offre donné, ce qui requiert la combinaison de ressources (managériales, technologiques et scientifiques), représentant notamment des éléments de connaissance mobilisés.

28Par ailleurs, ces items ou éléments de repérage se complètent d’éléments de description organisés autour de plusieurs rubriques : (1) l’entreprise détentrice de la compétence, (2) le problème résolu par la compétence et les façons de le résoudre (champ libre, plus ou moins renseigné par les entreprises selon leur stratégie de communication et leur position dans le réseau), (3) le degré stratégique de la compétence et (4) les types de coopération dans lesquels la compétence est engagée. Ces éléments sont non seulement définis en regard de la finalité du projet KMP (repérer les compétences afin de faciliter la recherche de partenaires) mais également des pratiques et logiques d’action des acteurs pilotes en matière de montage de partenariats (identifiées lors de la démarche d’intervention cf. supra 2 méthodologie).

29Il est important de noter que le référentiel KMP a concrètement permis d’identifier les compétences au niveau des équipes [16] : par exemple, pour des équipes d’ingénieurs, cinq à dix compétences technologiques ont été repérées. Par ailleurs, en se l’appropriant, les entreprises pilotes du projet (comme Philips, France Telecom ou Siemens) ont développé des usages émergents (Pascal et al., 2012). Elles ont notamment déployé des stratégies de communication inédites de leurs compétences collectives auprès de leur maison mère et cherché à utiliser le référentiel KMP pour favoriser l’articulation compétences collectives / stratégiques : elles ont observé ou anticipé des évolutions au niveau du cluster, réfléchi au renouvellement de leurs propres compétences collectives et engagé sur cette base une réflexion stratégique au niveau de leur groupe. Elles ont également souhaité utiliser le référentiel pour piloter à leur propre niveau le lien compétences individuelles / stratégiques [17].

4 – Discussion

30La discussion porte sur le temps 2 de l’analyse comparative et vise à répondre à la question de départ : à partir de l’existant, est-il possible de construire un référentiel qui soit à la fois mobilisable pour l’évaluation et l’articulation des compétences ? Plus exactement, des combinaisons ou des rapprochements sont-ils envisageables entre PETRO et KMP, au niveau de leurs principes structurants, et qui constitueraient les principes fondateurs de ce référentiel ? Quels principes structurants retenir et comment s’articulent-ils ? La réponse à ces questions est naturellement à construire en lien étroit avec les fondamentaux théoriques sur l’évaluation et l’articulation.

4.1 – Principe 1 (ou principe de base). Action / ressources / livrable / champ : 4 catégories abstraites pour définir les compétences, quel que soit le niveau d’analyse

31Ce principe est cohérent avec une idée largement admise en GRH : l’articulation des compétences suppose qu’elles soient décrites en termes identiques, quel que soit leur niveau d’analyse, individuel, collectif ou stratégique (Defélix et al., 2006).

32La définition de la compétence collective autour de quatre catégories abstraites action / ressources / livrable / système d’offre constitue un principe clé de KMP (cf. supra 3.2.). Elle permet aux firmes et aux organismes de recherche de repérer leurs compétences collectives pour les piloter, en évaluant des degrés de similarité et/ou de complémentarité avec les compétences de partenaires potentiels, en vue de leur combinaison (articulation dans le cadre de montage de partenariats).

33Ces catégories abstraites présentent la particularité d’être communes aux trois registres de la compétence : le registre collectif - elles sont opérationnelles pour repérer les compétences collectives des firmes et organismes de recherche - ; les registres stratégique et individuel - elles ont été construites à partir des invariants communs aux compétences stratégiques et individuelles, et donc s’y appliquent (cf. supra 2.3).

34A la notion de système d’offre, nous préférons substituer celle plus générale de champ pour signifier que la valeur produite par la compétence n’a de sens que rapportée au domaine dans lequel elle s’exerce, celui-ci pouvant être plus précis que le système d’offre à l’échelle d’un marché.

35En définitive, les 4 catégories abstraites action (A) / ressources (R) / livrable (L) / champ (C) structurent la définition de la compétence, quel que soit le niveau d’analyse retenu. Cette structure est fondatrice : elle sert de base à l’élaboration des items qui composent le référentiel (substrat formel directement observable). La dénomination de ces items pourra être la même que celles des catégories abstraites ou une différente, selon le degré de granularité choisi pour définir les compétences.

4.2 – Principe 2 (principe de base). Un enchâssement de niveaux à appréhender de façon non tubulaire

36Les compétences stratégiques, collectives et individuelles se définissent à partir des mêmes catégories abstraites A / R / L / C et s’articulent comme illustré dans la figure suivante.

Fig. 1

Lien analytique CI/CC/CS et pilotage des compétences

Fig. 1

Lien analytique CI/CC/CS et pilotage des compétences

37Cette figure se lit horizontalement : chaque compétence, quel que soit son niveau d’analyse, se définit comme une action (A) mobilisant un système de ressources (R) pour proposer un livrable (output) (L) qui est destiné à un domaine particulier pour y être valorisé (C).

38Mais sa lecture est également verticale : elle montre un enchâssement de niveaux, stratégique / collectif / individuel. Toutefois, cet enchâssement est à appréhender de façon non tubulaire. Il ne s’agit pas de lire la figure colonne par colonne, ce qui reviendrait à décomposer l’action au niveau stratégique (A) en une panoplie d’actions collectives puis individuelles, et à procéder de même pour les rubriques suivantes (R), (L) et (C), comme si l’ensemble était cloisonné. Comme le soulignent de nombreux auteurs, la dimension combinatoire est première pour expliquer le passage d’un niveau de compétence à un autre, qui lui est supérieur : chaque compétence repose sur une mise en action combinée de compétences plus élémentaires (Javidan, 1998). Ainsi, la compétence stratégique (CSa) repose sur la combinaison de quelques compétences collectives (CC1, CC2, CC3). Dit autrement, elle constitue le champ dans lequel ces compétences s’exercent et se combinent, pour créer de la valeur. Chaque compétence collective renvoie à la mise en œuvre d’actions particulières nécessitant la mobilisation d’un système de ressources variées, humaines, technologiques et/ou organisationnelles. Les ressources organisationnelles ont trait aux dispositifs (mécanismes de coordination) et artefacts organisationnels (ex. procédure, règles…) développés par l’organisation pour favoriser la coordination dans et entre les collectifs de travail. A l’échelle de chaque compétence collective, là où l’action collective se réalise (équipes ou groupes de travail), la combinaison des compétences individuelles (CI1, CI2, CI3) est tout aussi essentielle. Des actions réalisées au niveau individuel, plus ou moins complexes, sont nécessaires à mettre en œuvre ; elles appellent la mobilisation d’un système de ressources spécifiques, cognitives (cadre de référence, valeurs, type de connaissances…) et/ou comportementales (confiance, volonté de coopérer…) (Retour, 2005). Parmi ces ressources, certaines sont déterminantes pour l’agir ensemble, le développement d’une compréhension réciproque et/ou d’un sens partagé (Zarifian, 1995). Ainsi, chaque niveau de compétence se lit dans sa relation aux autres. Et, à chacun des niveaux, l’action est à analyser en relation avec le système de ressources qui est déployé. Ce système varie selon le champ dans lequel la compétence s’exerce (généralement le marché ou système d’offre pour la CS, la CS pour les CC et les CC pour les CI) et la valeur attendue. Les livrables ou output peuvent prendre des formes variées, tangibles ou intangibles.

4.3 – Principe 3 (principe clé du pilotage cohérent des différents niveaux de compétence). Plusieurs points d’entrée selon le caractère délibéré ou émergent de la stratégie

39L’articulation compétences individuelles / compétences stratégiques est supposée se construire via les compétences collectives (Retour et al., 2009). Toutefois, la question de l’intégration des compétences collectives dans la mise en œuvre des démarches compétences reste posée, en raison de l’absence d’un référentiel commun (cf. 1.1).

40Comme le symbolisent les doubles flèches sur la figure 1, la définition des compétences à partir des catégories action / ressources / livrable / champ, lève ce verrou. En particulier, elle permet de montrer que le point d’entrée de la réflexion sur comment gérer de façon cohérente les différents niveaux de compétences ne se situe pas nécessairement au niveau stratégique. En effet, l’articulation peut être pensée dans le cadre d’une stratégie délibérée (logique d’exploitation des compétences stratégiques) ou d’une stratégie émergente (logique d’exploration).

41Une stratégie délibérée signifie une définition a priori ou donnée des compétences stratégiques à exploiter et des marchés sur lesquels elles sont à valoriser. Les compétences stratégiques sont connues et/ou leurs voies d’évolution entérinées par la direction. Les principales compétences collectives (ou clés) qui les composent ont été déclinées en action / ressources / livrable / champ et validées par le niveau n+1 qui évalue leur contribution aux compétences stratégiques et peut aussi envisager de les faire évoluer pour accompagner la politique de développement de ces compétences (ex. redéploiement sur une autre compétence stratégique, restructuration ou réorganisation avec évolution du système de ressources mobilisé ou élargissement de l’action). Les compétences individuelles à promouvoir sont interrogées en lien direct avec chaque compétence collective ou son évolution, en d’autres termes l’action collective à réaliser, le résultat qui en est attendu et l’ensemble des ressources mobilisées à l’échelle de l’équipe [18]. Dans cette perspective, une lecture adéquationniste de la GRH est privilégiée.

42Une stratégie émergente signifie que l’identification des compétences stratégiques en voie de formation, des marchés potentiels sur lesquels elles pourront être exploitées et/ou la définition de la trajectoire d’évolution des compétences stratégiques actuelles, émergent aussi du niveau opérationnel, là où se créent des initiatives stratégiques autonomes. Les CI évoluent dans le temps (principe cumulatif et dynamique) ; elles se développent et/ou se construisent dans l’action sur la base de processus d’apprentissage. Le répertoire de connaissances génériques ou techniques mobilisé par les salariés peut évoluer, les actions qu’ils réalisent peuvent se complexifier ou diversifier, générant de nouveaux résultats. Les managers de proximité qui ont en charge le pilotage des équipes ou groupes de travail (meso collectifs de travail) peuvent identifier ces évolutions et repérer à quels niveaux elles s’opèrent (analyse d’écarts pour chaque compétence individuelle qui participe à la compétence collective, sur la base des items action / ressources / livrable). Ils peuvent repérer des effets de masse (plusieurs salariés sont capables de réaliser une nouvelle action plus complexe, mobiliser un répertoire de connaissances élargi…), ce qui leur fournit des indications sur l’évolution de la compétence collective qu’ils gèrent, évolution pouvant aller jusqu’à la construction d’une nouvelle compétence collective (selon l’item qui évolue en priorité, ex. action). Ce repérage est utile car il permet d’anticiper des combinaisons inédites (avec des compétences collectives existantes ou d’autres à intégrer), à discuter à l’échelle de l’équipe ou entre les équipes et avec le niveau opérationnel, plus à même de juger de leur faisabilité. L’analyse du portefeuille de compétences collectives détenues et de ses dynamiques d’évolution, fondée sur l’évolution du portefeuille de compétences individuelles, permet finalement à l’équipe de direction d’élaborer la stratégie en identifiant les compétences stratégiques clés futures, lesquelles reposent précisément sur les combinaisons de compétences collectives jugées pertinentes à réaliser (retour sur une stratégie délibérée). Ainsi, on conçoit mieux comment la GRH est susceptible de se démarquer d’une perspective purement adéquationiste (Le Boulaire et Retour, 2008) ; comment elle acquiert un rôle stratégique en prenant une part active dans le développement des capacités dynamiques de l’entreprise (Grimand, 2009). Les catégories action / ressources / livrable / champ proposent une voie pour étudier dans quelle mesure les compétences individuelles et collectives contribuent au renouvellement des compétences stratégiques de l’entreprise.

4.4 – Principe 4 (principe clé de l’évaluation). Action / ressources / champ : un triptyque pour évaluer les compétences individuelles en lien étroit avec le collectif de travail dans lequel elles s’exercent

43Lors de leur évaluation, il est rare que les compétences individuelles ou connaissances mobilisées dans l’action par le salarié, soient décrites en lien direct et apparent avec le collectif dans lequel l’activité de travail se déroule (Retour, 2005). Leur définition à partir des catégories action / ressources / livrable / champ établit explicitement ce lien, tout en satisfaisant aux exigences de l’évaluation, comme le montre la comparaison des principes structurants de PETRO et de KMP. D’une part, via les items connaissances individuelles / savoir-faire (cf. p. 44), le référentiel PETRO intègre implicitement la combinatoire action / ressources. Or, en analysant le couple action / ressources au niveau individuel, il est possible d’évaluer la capacité de chaque salarié à mettre en œuvre une action donnée et à mobiliser en situation le système de ressources à déployer pour sa mise en œuvre. D’autre part, à travers l’item analyse, PETRO intègre formellement la notion de résultat de l’action, ce qui renvoie précisément à la catégorie livrable. Pourtant, le livrable, produit par la compétence individuelle, n’a de sens que rapporté au champ dans lequel il prend de la valeur c.-à-d. la compétence collective de l’équipe. Ainsi, l’intégration de la catégorie champ est pertinente. Elle l’est d’autant qu’elle permet de renseigner la complexité de la situation de travail, ce qui est l’objet de l’évaluation. Comme cela a été dit plus haut, chaque niveau de compétence se lit dans sa relation aux autres. Ainsi, chaque compétence collective renvoie à un système de compétences individuelles clairement définies autour d’un ensemble de couples action / ressources. L’évaluation portera sur la capacité de l’individu à réaliser l’action et à mobiliser le portefeuille de ressources requis pour la mettre en œuvre. Les actions élémentaires (Ae’1, Ae’2 Ae’3) peuvent être plus ou moins complexes et le système de ressources mobilisé peut être plus ou moins riche. Plus les actions réalisées seront complexes et le système de ressources mobilisé sera riche et étendu, plus l’individu devra être capable de maîtriser une section complexe voire plusieurs sections complexes. L’évaluation pourra également porter sur la capacité de l’individu à réaliser plusieurs actions et donc à mobiliser un système de ressources très complexe. La complexité de la situation de travail est évaluée en fonction de la ou des actions élémentaires maîtrisées par un même individu d’une part et de l’ampleur du système de ressources mis en œuvre pour la ou les réaliser d’autre part. En ce sens, l’évaluation permet de prendre en compte la compétence individuelle de l’individu au regard de sa capacité à participer à la construction d’une compétence collective.

44En définitive, la définition des compétences à partir de 4 catégories abstraites action / ressources / livrable / champ (principe 1) et la lecture non tubulaire de ces catégories lors du passage d’un niveau de compétence à un autre (principe 2), permet de réconcilier : (1) un objectif de pilotage des compétences dans une perspective opérationnelle, organisationnelle et stratégique ; (2) un objectif d’évaluation des compétences dans une perspective de gestion des hommes. Ces objectifs sont portés par deux principes (principe 3 et 4) liés et complémentaires. La réconciliation des objectifs est possible au niveau des compétences individuelles. Toutefois, elle appelle à différencier deux catégories analytiques distinctes, la compétence collective d’une part et le métier d’autre part. En effet, ces deux catégories, souvent confondues, renvoient à deux logiques très différentes, bien que complémentaires : une logique de pilotage de l’activité et une logique de gestion des hommes et des carrières (Mérindol et al., 2009).

Conclusion

45Les apports de l’étude de cas comparative réalisée dans cette recherche se situent à un double niveau : (i) offrir une voie de réponse théorique et opérationnelle à la question contemporaine de l’articulation entre les compétences individuelles et stratégiques ; (ii) permettre que cette question soit traitée en cohérence avec le rôle plus classique et emblématique de la GRH en termes de gestion des hommes. Plus spécifiquement, 4 principes structurants ont été identifiés et explicités dans leur complémentarité ; ils fondent la structure sous-jacente d’un référentiel de compétences pouvant être mis au service d’une double finalité - l’évaluation et le pilotage des compétences. La construction de 4 catégories abstraites action / ressources / livrable / champ comme mode de structuration des compétences quel que soit leur niveau d’analyse, lève un obstacle majeur : la difficulté à construire un référentiel commun, condition sine qua none de l’articulation. Mobilisées dans le cadre de stratégies émergentes, ces catégories rétablissent la fonction RH dans son statut de partenaire à part entière du management stratégique : elles montrent dans quelle mesure les compétences individuelles et les compétences collectives dans lesquelles elles s’exercent, contribuent au renouvellement des compétences stratégiques de l’entreprise. Par ailleurs, ces catégories s’inscrivent en cohérence avec les principes d’évaluation des compétences individuelles habituellement proposés par la GRH. Elles les enrichissent même en rendant plus explicite et apparent le lien entre les compétences individuelles mises en œuvre par les salariés et le collectif de travail dans lequel ces compétences s’exercent.

46Les conclusions de cette étude de cas comparative méritent d’être renforcées et enrichies dans une perspective de refinement (Tsoukas, 1989). Ici, une voie paraît particulièrement intéressante à suivre : développer une recherche de type design research en étroite collaboration avec une entreprise confrontée au double enjeu du pilotage et de l’évaluation des compétences.

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Notes

  • [1]
    Cet article fait suite à une communication intitulée « Un référentiel de compétences pour servir l’articulation compétences stratégiques / compétences individuelles », présentée lors du XXI Congrès de l’AGRH 2010 (Rennes / Saint-Malo).
  • [2]
    Evelyne Rouby, Maître de Conférences HDR, Université de Nice, GREDEG (UMR 7321 UNS-CNRS), rouby@unice.fr
  • [3]
    Ewan Oiry, Professeur des Universités, Université de Poitiers, CEREGE, EOiry@iae.univ-poitiers.fr
  • [4]
    Catherine Thomas, Professeur des Universités, Université de Nice, GREDEG (UMR 7321 UNS-CNRS), catherine.thomas@gredeg.cnrs.fr
  • [5]
    Le MRC est composé de trois théories : la Resource-Based View, la théorie des compétences fondamentales et la théorie des capacités dynamiques.
  • [6]
    Ces référentiels ont été construits par les auteurs de cet article dans deux projets de recherche distincts.
  • [7]
    Ces relations de surface sont appelées relations de contingence, relations de nécessité ou corrélations.
  • [8]
    Cette analyse est cohérente avec les préconisations de Dietrich (1999) ou Gilbert (1998) : interroger les référentiels sur leur contenu et leurs caractéristiques en lien avec leur finalité et/ou enjeux.
  • [9]
    Le projet KMP (Knowledge Management Platform) a été labellisé par le RNRT en mai 2002 (http://www.telecom.gouv.fr/rnrt/index_exp.htm). La solution KMP est aujourd’hui industrialisée.
  • [10]
    Au démarrage, 9 acteurs ont souhaité être « pilotes » : 5 firmes (Amadeus, Ariane II, France Telecom R&D, Hewlett Packard / Compaq et Philips Semi-conducteurs), 3 organismes de recherche (l’Université de Nice Sophia Antipolis, l’INRIA et le Groupement des Ecoles Télécoms -GET-) et un institut de développement régional (Côte d’Azur Développement -CAD-). En 2003, de nouveaux pilotes ont rejoint le projet : 6 firmes (Atos Origin, Cross System, Elan IT, IBM, Qwam System, Transitiel) et 1 institut de développement régional (la CCI à travers le projet Initiatives Riviera Technologies -IRT-).
  • [11]
    Ils ont permis de valoriser périodiquement les résultats intermédiaires auprès des utilisateurs pilotes, ce qui est essentiel à leur implication, au développement de la légitimité de l’équipe de recherche et de la confiance (Plane, 2000).
  • [12]
    Le 1er échelon est intitulé « maîtrise d’une section simple », le 2nd « maîtrise d’une section complexe », le 3ème « maîtrise de plusieurs sections complexes », le 4ème « expertise sur une section complexe », le 5ème « expertise sur plusieurs sections complexes ». Le 6ème introduit une nouvelle logique en s’attachant au rôle du consoliste (qui contrôle électroniquement les équipements présents sur le terrain), il s’intitule « maîtrise de la console ». Le 7ème renvoie à la « maîtrise de plusieurs consoles » et le 8ème à l’« expertise sur une ou plusieurs consoles ». Une « section » se définit comme une séquence du processus de fabrication du plastique. Suivant les équipements (pompes, tours de distillation, réacteurs, etc.), elle est considérée comme simple ou complexe à opérer.
  • [13]
    Par exemple pour l’échelon 1 : « connaître les équipements de sécurité » ; « rendre compte oralement des anomalies ».
  • [14]
    Le salarié réalise une action simple et très localisée en mobilisant un ensemble réduit de ressources. Ex. : démarrer une pompe ou respecter des règles de sécurité clairement définies et applicables à un équipement élémentaire.
  • [15]
    Il réalise une action plus complexe pour laquelle il est appelé à mobiliser un système de ressources plus complet. Ex. : démarrage d’un équipement complexe, mise en œuvre de procédures de travail ouvertes (ce qui nécessite un travail d’interprétation de la situation, d’élaboration de choix et de prise de décision en situation d’incertitude et en prenant appui sur des connaissances distribuées).
  • [16]
    Aujourd’hui la plate-forme KMP est opérationnelle et industrialisée. Elle a été mise en ligne mi-2007, période à laquelle elle répertoriait 412 compétences éditées pour 63 entreprises et 4 laboratoires de recherche inscrits.
  • [17]
    Un contrat avait été signé avec Philips. Toutefois, il n’a pas été mené à son terme (la société a fait l’objet de deux fusions en l’espace de 18 mois (NXP puis Ericsson) ; l’équipe de recherche a rencontré des problèmes de propriété intellectuelle avec le développeur de la plate-forme KMP.
  • [18]
    Par exemple, les répertoires de connaissances mobilisées par les salariés et nécessaires au travail collectif doivent-ils évoluer, de nouveaux savoir-être doivent-ils être développés, etc. (item ressource) ? Les actions réalisées par les salariés doivent-elle être amendées et si oui en quels termes (item action ») ? Le résultat de l’action est-il satisfaisant (item livrable) ? Des actions de formation des collaborateurs de chaque équipe pourront être envisagées, ce qui renvoie à une gestion prévisionnelle des compétences individuelles (cf. Mérindol et al., 2009).
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