1 Facebook dépasse désormais le milliard de membres et Linkedin en affiche 175 millions. Si le lien entre réseau social, recherche d’emploi et recrutement est étudié depuis des décennies, le pendant numérique de ces réseaux vient changer la donne. De nouvelles fonctionnalités et de nouveaux outils sont offerts aux recruteurs. Il leur faut choisir entre des Réseaux Sociaux Numériques (RSN) aux spécificités différentes. Les RSN personnels et professionnels ne proposent pas les mêmes possibilités en matière de recrutement. Mais quels critères conditionnent l’utilisation des RSN ? Quelles sont les différences entre les entreprises et les cabinets de recrutement ? Quels sont les réseaux utilisés par les cabinets et les entreprises, et dans quels buts ? Après une présentation du concept 2.0 et le choix d’une définition pour les RSN, il est développé la méthode de recueil des données auprès de consultants et recruteurs, en cabinet et en entreprise, puis sont détaillés les résultats de ce travail.
1 – Web 2.0 et recrutement : une littérature récente
2 Il est dans cette première partie d’abord question de définir les récents objets Web 2.0 et RSN, puis de développer les travaux portant spécifiquement sur le recrutement et les nouveaux outils du Web 2.0.
1.1 – Web 2.0 et RSN
3 Le Web 2.0 est apparu en 2005 sous la plume de Tim O’Reilly (O’Reilly, 2005) et selon Quoniam et Lucien il est à l’origine d’un nouveau paradigme de la communication : « Ainsi, plus qu’un phénomène technique, il s’agit d’un changement de mode de fonctionnement, d’organisation, d’apprentissage et de prise de décision » (Quoniam et Lucien, 2009).
4 L’internaute est désormais acteur : il publie, commente et partage. Trois dimensions du Web 2.0 (Quoniam et Lucien, 2009) caractérisent ce passage de l’interactivité à l’interaction :
- son caractère collaboratif,
- son caractère sémantique grâce aux tags ou métadonnées qui permettent de marquer l’information,
- sa dimension communautaire qui implique la constitution d’un réseau d’utilisateurs.
5 Les RSN font partie de ce nouveau Web, mais le terme « social network sites » reste un « umbrella term » (Beer, 2008). Stenger et Coutant (2010) proposent une définition des RSN, en francisant et ajoutant une dimension à celle de Boyd et Ellison (2007). Les RSN :
- permettent aux individus de construire un profil public ou semi-public au sein d’un système, de gérer une liste d’utilisateurs avec lesquels ils partagent un lien, de voir et naviguer sur leur liste de liens et sur ceux établis par les autres au sein du système,
- fondent leur attractivité essentiellement sur les trois premiers points et non sur une activité particulière.
6 La finalité des RSN est donc la constitution et la gestion de connexions sociales. Aussi cette définition reprend en partie celle proposée par Fondeur et Lhermitte (2006).
7 Thelwall (2009) propose une catégorisation de ces réseaux, selon trois objectifs que sont la socialisation, le réseautage et la navigation sociale :
- les réseaux de socialisation permettent la communication sociale entre leurs membres,
- les réseaux sociaux de réseautage permettent de créer un lien avec un contact qui était auparavant inconnu,
- les réseaux sociaux de navigation permettent aux utilisateurs de trouver des informations ou des ressources.
8 La terminologie étant particulièrement importante, il convient de préciser qu’il sera retenu ici la définition proposée par Stenger et Coutant (2010) et les dimensions de socialisation et de réseautage introduites par Thelwall (2009). Les termes RSN personnels (ex : Facebook, Twitter) et professionnels (ex : Viadeo, LinkedIn) seront aussi utilisés.
1.2 – De l’e-recrutement au recrutement « 2.0 »
9 Un tiers des emplois est pourvu grâce au réseau, mais son fonctionnement est mal compris (Montgomery, 1991). Le réseau est très utilisé par la fonction recrutement dès la prospection des candidats (Bessy et Marchal, 2009). L’opération serait particulièrement efficace pour le recruteur et le coût serait moins élevé (Fontaine, 2006).
La numérisation du processus de recrutement : l’e-recrutement
10 Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ont permis la numérisation de l’activité recrutement, entraînant une accélération des processus. Sont alors apparus les sites emploi ou « jobboards » et les sites carrières. Trois éléments caractérisent l’e-recrutement classique : les sites entreprises, les sites emplois et les logiciels de gestion des candidatures (Girard et al., 2011).
11 Depuis les années 30, les chercheurs distinguent les méthodes formelles telles que les annonces ou les candidatures spontanées, et les méthodes informelles consistant à mobiliser son réseau de relation (Fondeur et Lhermitte, 2006). Le Web 2.0 change la donne en affichant des annonces sur les RSN et en formalisant les réseaux de relation.
Recrutement et Web 2.0 : classifications des plate-formes
12 Quelques recherches s’intéressent au recrutement et aux nouveaux outils du Web 2.0. Ces derniers, et notamment les RSN professionnels, permettent de prendre contact avec des candidats passifs, absents des outils traditionnels comme les sites emplois (Dekay, 2009). D’autres travaux s’intéressent à la possibilité d’évaluer un candidat à partir de son profil Facebook ou LinkedIn. (Kluemper et Rosen, 2006).
13 Ainsi, on passe progressivement de l’e-recrutement transactionnel à l’e-recrutement relationnel (Girard et Fallery, 2009). Les médias sociaux, dans le cadre d’une activité recrutement, peuvent être catégorisés ainsi (Girard et al., 2011) :
- les médias sociaux utilisés dans une perspective de marque et de réputation employeur,
- les médias sociaux visant à détecter un candidat, à travers les réseaux sociaux professionnels, qui constitue une seconde étape dans l’appropriation des RSN par les recruteurs.
14 Dubois et Pelletier (2011) quant à eux distinguent trois catégories d’outils 2.0 pour le recrutement :
- les plate-formes relationnelles permettant « de créer le dialogue avec les candidats et de les séduire » (ex : Facebook, Viadeo, Linkedin) ;
- les plate-formes de partage de contenu « visant à convaincre le candidat » mais proposant très peu d’interactions (ex : Youtube, DailyMotion, FlickR) ;
- les plate-formes transactionnelles, comprenant les espaces carrières sur les sites des entreprises et quelques nouveaux services comme Work4Us sur Facebook permettant de lister les postes disponibles sur sa page « Fan ».
15 Ainsi, les récents travaux sur les RSN et le recrutement permettent de catégoriser les outils disponibles et d’en exposer l’intérêt pour les recruteurs.
2 – Méthodologie
16 Ce travail exploratoire cherche à apporter des éléments complémentaires de compréhension concernant le choix des RSN par les consultants en recrutement et les recruteurs en entreprise. Dans cette partie sont d’abord détaillés les objectifs de cette recherche, puis l’échantillon ainsi que les modes d’accès au terrain qui diffèrent selon la population étudiée.
2.1 – Design et objectifs de cette recherche
17 Les travaux actuels s’intéressent à l’ensemble des outils 2.0. Ce travail porte en particulier sur les RSN et n’intègre pas les autres dimensions du Web 2.0. Compte tenu du faible nombre d’études qui s’intéressent spécifiquement à l’objet RSN dans le cadre du recrutement, cette recherche est qualitative. L’objectif est d’explorer et de comparer les pratiques des consultants en recrutement spécialisé, recrutement en volume et recruteurs en entreprise sur les RSN. Il s’agit de comprendre pourquoi les consultants en cabinet de recrutement et les recruteurs en entreprise utilisent, ou souhaitent utiliser certains RSN pour capter des compétences et d’expliquer les écarts entre ces deux populations. Comment arbitrent-ils leur choix ? Quels sont les critères mobilisés pour sélectionner un RSN ?
2.2 – Caractéristiques de l’échantillon et accès au terrain
18 Les données ont été récoltées auprès de consultants en recrutement d’un cabinet :
- 5 consultants en recrutement spécialisé : recrutement de profils middle-management et cadre dans les secteurs de la banque et de l’informatique et des télécommunications (IT),
- 5 consultants en recrutement en volume : de larges campagnes de recrutement permettent de recruter des profils identiques pour de grosses structures, essentiellement sur des profils de techniciens dans le domaine de la banque et de l’IT.
19 Mais également auprès de recruteurs en entreprise :
- 10 recruteurs lors d’une réunion de travail d’une journée, puis 2 recruteurs lors de deux réunions de travail d’une demi-journée chacune, l’entreprise est un acteur majeur de la construction comptant plusieurs milliers de salariés,
- 2 recruteurs lors d’un échange formel d’une heure sur le sujet des RSN, 7 recruteurs lors d’échanges durant une formation d’une journée, l’entreprise est spécialisée dans la monétique,
- 1 RRH durant un échange formel de 30 minutes, puis 5 recruteurs lors d’échanges pendant une formation d’une journée, l’entreprise est spécialisée dans l’ingénierie électronique,
- 6 recruteurs lors d’échanges pendant une formation d’une journée.
20 Pour les consultants recrutement, 10 entretiens semi-directifs d’une durée moyenne de 50 minutes ont été effectués et ont fait l’objet d’une analyse thématique. Pour les entreprises : les réunions de travail, les échanges en face à face n’ont pas été enregistrés. Toutefois les notes prises pendant et à l’issue des rencontres forment des données riches et tout à fait exploitables dans le cadre de ce travail.
21 Pour la suite, nous nommerons les recruteurs en entreprise « recruteurs » et les consultants recrutement en cabinet « consultants ».
3 – Résultats : approche et attraction de candidats
22 Dans cette partie, il est présenté l’utilisation des RSN faite par les deux populations étudiées, les divergences existantes en cabinet de recrutement, et la difficile question de la place des RSN personnels dans le processus de recrutement. Enfin, sont présentés les critères d’arbitrage lors du choix d’utilisation d’un RSN.
3.1 – Consultants et recruteurs, inscrits sur le RSN professionnel Viadeo
23 Concernant les RSN professionnels, il apparaît une similitude entre les outils utilisés par les recruteurs et les consultants. Cabinet ou entreprise, la présence des consultants et des recruteurs sur les RSN professionnels est destinée à identifier des candidats potentiels et à les contacter. La prise de contact s’effectue donc du recruteur vers le candidat potentiel, sous la forme d’une sollicitation à travers le réseau. Ici, le recruteur ne publie pas une annonce pour récupérer des candidatures, mais se place dans une logique proactive d’approche de candidats potentiels.
24 Tous les consultants et recruteurs à quelques exceptions près (seulement deux recruteurs) possèdent un compte sur le réseau Viadeo. Son concurrent LinkedIn, plus récemment implanté en France, ne suscite pas autant d’enthousiasme et ne recueille pour l’instant l’adhésion que d’une minorité de consultants. Toutefois si les consultants spécialisés utilisent systématiquement Viadeo, les recruteurs le font d’une manière bien moins intensive, anecdotique même pour la majorité d’entre eux.
3.2 – Différentes pratiques en cabinet de recrutement
25 En cabinet, un distinguo s’opère entre les deux populations de consultants. Les consultants spécialisés utilisent quotidiennement les RSN professionnels, qu’ils considèrent comme des outils qualitatifs. C’est le besoin d’identifier un profil lors d’une campagne de recrutement particulièrement difficile qui a déclenché l’usage de ces outils par les consultants.
Pour les consultants recrutant en volume, ces RSN professionnels sont perçus comme qualitatifs, chronophages et inadaptés à une approche volume. Leur utilisation est anecdotique, voire nulle pour certains. Les sites emplois restent privilégiés car ils permettent d’obtenir un grand nombre de réponses sans aller au contact direct du candidat en début de processus.« J’ai commencé à utiliser Viadeo pour faire du recrutement. Sachant que quand je suis arrivé ici je faisais plus d’utilisation de CVthèque que de Viadeo et aujourd’hui c’est l’inverse ! »
3.3 – Divergence sur les pratiques pour les RSN personnels
26 Les consultants se représentent les RSN de socialisation, Facebook en tête, comme des plate-formes où le recrutement n’a pas sa place. Pour les consultants spécialisés, il s’agit même d’un outil à proscrire, Facebook devant rester un espace d’échanges personnels où les relations professionnelles, sollicitations directes ou publicités pour un emploi, ne sont pas attendues par les internautes et pourraient écorner l’image du cabinet.
Côté entreprise au contraire, l’utilisation de Facebook dans le cadre du recrutement suscite dans tous les cas l’intérêt. Contrairement aux RSN professionnels, la présence d’une entreprise sur un RSN comme Facebook ne se fait pas au travers des profils individuels des recruteurs mais via une page unique représentant l’entité : la page « Fan ». L’apparition d’application Facebook comme OhMyJob ou Work4Us laisse à penser que les recruteurs utilisent de plus en plus ce nouveau canal. Ces applications permettent de mettre en place un espace carrières sur la page Fan de l’entreprise. Contrairement aux RSN professionnels où le recruteur peut identifier des candidats passifs, la méthode est ici classique et formelle : il s’agit d’un nouveau canal pour diffuser des annonces, en bénéficiant toutefois du partage social sur le réseau.« Les réseaux sociaux dans la pratique ça se résume pour l’instant à Viadeo […] Facebook à mon sens n’a pas sa place dans le recrutement. »
L’image employeur : une préoccupation d’entreprise
27 Si les entreprises de notre échantillon travaillent, ou souhaitent travailler avec Facebook et Twitter sur leur image employeur, c’est pour générer davantage de candidatures et inciter les candidats à postuler. La stratégie consiste à attirer et séduire les candidats, plutôt que de prendre contact avec eux. Mais si les recruteurs reconnaissent l’intérêt des outils de partage de contenu, ils associent le succès de la démarche à une forte notoriété de l’entreprise. Une problématique relevée auprès de l’échantillon concerne la difficile diffusion d’une image employeur auprès du public susceptible d’être recruté, faute de fréquentation sur les pages « Fan ».
28 Côté cabinet, l’utilisation de Facebook ou Twitter pour diffuser des annonces en capitalisant sur la réputation employeur est difficile. Les consultants sont tributaires de la réputation employeur de leur client pour séduire les candidats. Aussi la page Facebook du cabinet existe mais peine à engranger de nouveaux « fans », et reste difficilement utilisable.
Consultation des profils des candidats sur les RSN
29 Si les entreprises s’intéressent davantage à Facebook et à Twitter que les cabinets de recrutement, il est un point sur lequel les avis et pratiques ne divergent pas : la consultation des profils sociaux des candidats doit strictement se limiter aux RSN professionnels, peu importe le RSN utilisé pour recruter.
30 Si l’ensemble de l’échantillon s’accorde à dire que les profils personnels ne doivent en aucun cas être consultés, il présente également des similitudes de comportement sur la consultation des profils des candidats sur les RSN professionnels : les données issues des profils Viadeo sont comparées avec le traditionnel CV. Celles-ci permettent d’en savoir plus sur un candidat : comprendre certaines zones d’ombre sur un CV, mais aussi juger de la capacité du candidat à gérer son identité numérique.
Facebook, Twitter : la stratégie doit être impulsée par la direction
31 L’utilisation des RSN personnels dans le cadre du recrutement se fait d’abord dans une logique d’image et de diffusion. La captation de candidatures arrive dans un second temps. Si le souhait de diffuser et de développer la réputation employeur est partagé par l’échantillon, l’absence de stratégie globale au niveau groupe empêche les recruteurs d’utiliser ces réseaux. La pratique de ces RSN ne peut se faire de manière individuelle et doit être impulsée par la direction. Pour fonctionner, l’utilisation de Facebook ou Twitter requiert également de développer sa notoriété, pour diffuser efficacement les messages et annonces.
3.4 – Critères d’arbitrage et choix d’un RSN
32 Le besoin est différent pour les cabinets et entreprises :
- les cabinets ont besoin d’identifier des profils et de contacter rapidement des candidats, sur le principe de la chasse de têtes ;
- les entreprises recherchent des candidatures spontanées et des réponses aux annonces.
33 Que le recruteur soit en cabinet ou en entreprise conditionnera son utilisation des RSN personnels dans le cadre de son métier.
34 En cabinet, les RSN professionnels font partie du quotidien des consultants spécialisés mais ne sont pas utilisés par les consultants recrutant en volume. Aussi, le critère du nombre de postes identiques à recruter est essentiel. Si les consultants spécialisés se focalisent sur les RSN de réseautage, certains le font systématiquement en début de processus et d’autres ne les utilisent qu’en cas de difficulté pour trouver des candidats. Certains consultants se trouvent dans une phase d’acceptation et d’intégration progressives de ces nouveaux outils dans leur quotidien. Pour d’autres ils font partie intégrante du processus de recrutement. L’appropriation de ces outils par les consultants conditionne le moment où les RSN interviendront dans le processus et l’intensité de leur utilisation.
« Les réseaux sociaux sont complémentaires pour moi aux jobboards, […] soit je ne suis pas suffisamment alimentée par les jobboards et auquel cas je vais sur les réseaux sociaux, essentiellement Viadeo. »
36 Consultants ou recruteurs, les RSN professionnels sont surtout utilisés pour la recherche de profils cadre. Ainsi, le niveau de qualification est un critère qui détermine l’utilisation ou non des RSN de réseautage professionnels.
« Viadeo je vais l’utiliser pour des profils cadres. Parce que tu ne vas pas trouver un conseiller commercial ou un chargé de clientèle sur Viadeo, je vais plus exploiter Monster ou une CVthèque. »
38 Pour les entreprises, le partage de contenu sur des RSN comme Facebook n’est pas systématique : le développement de l’image employeur sur ces plate-formes doit avoir été impulsé par la direction. C’est une condition essentielle, non pas au succès de l’opération, mais plus simplement à sa mise en place.
39 Aussi, à partir de ces précédents critères, et en prenant en compte les différents réseaux utilisés selon le type de recruteur, il peut être proposé ce tableau récapitulatif :
Utilisation et critères de choix d’un RSN / type de recruteur
Utilisation et critères de choix d’un RSN / type de recruteur
40 Ainsi, il apparaît que les cabinets de recrutement et les recruteurs en entreprise utilisent les RSN professionnels de la même façon, pour approcher et obtenir des informations complémentaires sur les candidats. Mais l’utilisation des RSN Facebook ou Twitter est bien différente. Si ces RSN ne sont pour le moment pas la priorité des cabinets de recrutement, leur pertinence et le succès de leur adoption en entreprise sont également conditionnés par des critères de taille, notoriété et volonté de l’entreprise utilisatrice.
Conclusion
41 Il convient de préciser que l’ensemble de l’échantillon est encore présent sur les plate-formes transactionnelles (sites emploi), qui restent le canal privilégié des recruteurs.
42 Du côté de l’entreprise, l’intérêt se porte notamment sur les RSN personnels. Ce travail montre qu’une utilisation efficace de ces RSN personnels en entreprise est conditionnée par deux éléments :
- Une volonté stratégique d’utiliser ces réseaux dans le cadre du recrutement et d’y développer son image employeur,
- Une taille et/ou une notoriété importante permettant à l’entreprise d’engranger un nombre important de « fans » et de diffuser ses annonces avec efficacité.
43 Ces RSN personnels sont utilisés dans une logique « entreprise ». Aussi c’est l’entité toute entière qui y est représentée. Les médias sociaux visant à détecter un candidat, c’est-à-dire les RSN professionnels, sont utilisés « dans une seconde étape d’appropriation des RSN par les recruteurs » (Girard et al., 2011). Mais ici, il apparaît que les recruteurs utilisent tout de même les RSN professionnels, avec parcimonie et de façon individuelle lorsque le volume de candidatures faisant suite à une annonce est jugé trop faible. Les RSN professionnels permettent aux recruteurs de contacter directement des candidats potentiels, sans que la hiérarchie n’ait toujours connaissance de cette pratique.
44 Côté cabinet, il s’avère que les consultants en recrutement s’orientent directement vers les RSN professionnels que sont Viadeo et LinkedIn, et privilégient le contact direct avec le candidat, souvent en avançant masqués sur ces réseaux. Les RSN personnels sont pour l’instant mis à l’écart, faute de résultat. Les plate-formes relationnelles destinées à créer du dialogue et à séduire (Dubois et Pelletier, 2011) sont utilisées en cabinet par les consultants mais uniquement dans leur dimension de réseautage (Thelwall, 2009). Il est ici identifié que cette différence avec l’entreprise s’explique par le fait que :
- le cabinet est confronté à une problématique d’identification de profils et de compétences, il utilise donc les RSN professionnels de réseautage,
- l’entreprise est confrontée à une problématique d’attraction des candidats et cherche à séduire.
45 Pour les cabinets, la diversité des clients et des profils à recruter rend difficile l’inscription des pratiques de recrutement dans une logique de long terme à travers les RSN professionnels ; c’est alors la logique du recrutement au « coup par coup » (Girard et Fallery, 2009) qui prédomine.
46 Ainsi, ce travail met en lumière les RSN et types de RSN qui sont utilisés par les entreprises et les cabinets. Les fonctionnalités proposées sont différentes, et la finalité recherchée par les cabinets et les entreprises l’est également. La recherche de candidat peut se faire par une approche directe, ou par le développement de son attractivité. Le type et le volume de profils à recruter conditionnent également le choix du RSN par le consultant ou le recruteur, les RSN professionnels étant considérés comme des outils permettant de recruter des profils à haut niveau de compétences. Les RSN professionnels sont sans aucun doute le point commun entre les recruteurs et les consultants, notamment pour rechercher de l’information complémentaire sur un candidat.
47 Sur le plan managérial, les résultats de ce travail permettent aux managers de se positionner sur les RSN selon leur situation et leur besoin. La taille, les clients et la notoriété d’une entreprise sont à prendre en considération pour une diffusion efficace des annonces sur un réseau tel que Facebook. Aussi, une entreprise « B2B » ou une PME devra s’interroger sur l’utilité d’un tel réseau pour son recrutement avant de se lancer sur ces outils.
48 Enfin, se dessinent des perspectives de recherche concernant l’image employeur et le développement de cette image sur les RSN, ainsi que sur la manière dont peuvent être utilisés des RSN à la base dédiés aux échanges personnels, dans la sphère professionnelle et notamment le recrutement.
Bibliographie
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