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Article de revue

Conception et utilisation de la formation multimédia : quel dispositif juridique de protection des savoirs ?

Pages 87 à 97

1 La compétence technologique est un enjeu majeur pour les entreprises internationales qui cherchent à dépasser les contraintes de temps de lieu et d’action en matière d’apprentissage. Dans un contexte fortement concurrentiel, de nombreuses entreprises internationales s’efforcent de capitaliser les connaissances afin de sécuriser les parcours professionnels qui améliorent la formation tout au long de la vie. L’enjeu déterminant consiste donc à rapprocher la formation de l’action managériale.

2 Quels dispositifs peut-on appliquer aux formations réalisées dans un environnement numérique ? Le droit du copyright de l’article L 335-2 du CPI permet-il de protéger les savoirs et les compétences dont la valeur existante permet de faire de l’objet immatériel un objet d’échange ? Les stratégies sont diverses. Soit la formation numérique est un bien informationnel qui comprend des supports physiques et multimédias sur Internet (Bomsel et al., 2006) tout en dissociant les contenus de leurs supports qui permettent de les copier à coût nul, soit la formation numérique est un bien d’expérience, le salarié ne connaît pas à l’avance la qualité de la formation qu’il va suivre. Enfin, la formation numérique est un bien d’attention, car le salarié n’a connaissance que d’une petite partie de la formation proposée dont l’usage est inattendu en matière de gestion des connaissances (Argyris et al., 1978).

3 Les entreprises s’efforcent de trouver des solutions entre un modèle de gratuité non rentable et un modèle payant difficile à mettre à œuvre. Dès lors, « dans une économie où les idées priment où c’est l’innovation qui crée la valeur, il est normal que les acteurs cherchent à protéger les idées ou à tout le moins le bénéfice économique qu’ils peuvent en tirer » (Jouyet et al., 2006). La qualification de bien informationnel protège les contenus de formation (copyright, brevet) des entreprises qui cherchent à régler en interne les usages professionnels. Mais, la difficulté du droit d’auteur (directive n° 2001/29/CE du 22 mai 2001, transposée dans la loi DADVSI n° 2006-961 du 1er août 2006) considère qu’un apport intellectuel dans un dispositif technologique ne signifie pas valeur économique (directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de la propriété intellectuelle).

4 Réaliser une formation numérique implique une valorisation dont la protection s’applique non seulement aux contenus mais aussi à l’ensemble du dispositif pédagogique. La tâche n’est pas aisée tant il est vrai que les outils technologiques bouleversent l’activité professionnelle. Afin de déterminer quel dispositif juridique de protection pourrait être appliqué aux formations réalisées dans un environnement numérique, nous examinerons tout d’abord le processus de formation numérique. Puis nous proposerons un modèle de valorisation des savoirs à partir du modèle SECI d’après une démarche exploratoire menée auprès d’une vingtaine d’entreprises. En conclusion nous discuterons des résultats au regard du dispositif pédagogique.

Processus de formation numérique

5 L’apprentissage en situation professionnelle soulève des interrogations juridiques dans la mise en œuvre des ressources pédagogiques. Les interactions bouleversent les frontières pédagogiques des modèles d’apprentissage.

Apprentissage en situation professionnelle

6 Dans un contexte où la formation tout au long de la vie joue un rôle central (loi 2009), la formation numérique se définit comme un dispositif d’apprentissage qui utilise les technologies de l’information et de la communication. A ce niveau, les incertitudes liées aux supports technologiques posent des problèmes de qualification des droits d’auteurs sur ces contenus. En effet, elle se caractérise de savoir-faire pédagogique et de connaissances. Les contenus sont stockés sur différents supports dont la protection s’applique sans distinction à l’outil informatique et au savoir-faire transmis. La diffusion est difficile à limiter dès lors que les salariés échangent des ressources de plus en plus disponibles sur leur poste de travail. Il est souvent difficile de distinguer ce qui relève du salarié de ce qui concerne l’outil dans l’accomplissement de la formation (Hgen et al., 1999).

7 La codification des pratiques devient essentielle au sein des dispositifs organisationnels. L’investissement réalisé possède certaines particularités. Les investissements de départ sont plus importants, mais diminuent en fonction du déploiement de la formation. Cette inversion du modèle économique conduit souvent à minimiser le temps passé dans l’écriture de scénarios pédagogiques. Les technologies utilisées dans la formation impliquent de repenser les catégories juridiques. La production d’une formation comprend la conception et la mise sur support du document écrit, sonore ou multimédia et intègre des informations issues de l’environnement. Plusieurs référencements doivent respecter les normes techniques adaptées aux réseaux d’information de l’environnement professionnel des salariés. Si, de nombreuses entreprises protègent les contenus par des mesures techniques (Digital Rights Management), les entreprises sont conscientes que le développement des réseaux numériques remet en cause les frontières pédagogiques.

Les frontières pédagogiques

8 Les entreprises se sont longtemps concentrées sur le moyen d’obtenir rapidement des informations en tenant compte de l’accès aux savoirs adaptés aux situations à résoudre. Les ressources pédagogiques élaborées par les salariés s’alignent sur celles des œuvres collectives lorsqu’elles figurent sur un intranet. Les droits appartiennent à l’entreprise qui a pris l’initiative de sa réalisation même si l’exploitation prévoit un complément de rémunération (directive 93/98/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 transposée dans la loi n°94-361 du 10 mai 1994). Lorsqu’un salarié utilise le dispositif de formation sur son poste de travail, il établit de nouvelles relations avec ses collègues, mais aussi des rapprochements avec les clients, les fournisseurs, les partenaires et les salariés des entreprises concurrentes. Des groupes collaborent avec succès à des projets en produisant des connaissances utiles sans tenir compte des hiérarchies. Bien qu’ils ne s’approprient pas les bénéfices de leur participation au projet collectif, simples consommateurs au statut de contributeurs de contenus, ils échangent et partagent leurs savoirs en équipe, dans le cadre de centres communs de formation.

9 Les normes techniques assurent, aujourd’hui, une meilleure lisibilité à l’égard du libre service pédagogique. Ce sont les standards AICC (Aviation Industry Computer-Based Training Comittee) qui s’appliquent à l’évaluation des cours. Le partage des objets pédagogiques ADL (Advanced Distributed Learning) et SCORM (Sharable Content Object Reference Model) est une initiative soutenue par l’Union Européenne qui se concentre sur le partage et la réutilisation des objets pédagogiques. Enfin, Prometeus (Promoting Multimedia Access to Education and Training in European Society) est une association d’entreprises, d’universités et d’organismes de recherche qui ont signé, en novembre 1998, le Memorandum of Understranding (MOU). Ce protocole adopte une « position commune afin de produire des technologies, du contenu et des services pour la formation ».

10 Dans l’univers numérique, les entreprises ne disposent pas de la propriété des compétences des salariés, elles doivent donner une légitimité plus forte aux actions internes souhaitées. L’interaction entre formation présentielle et formation numérique constitue des ajustements progressifs de pratiques d’échanges de la valeur pédagogique. Les routines peuvent apparaître la meilleure manière de mémoriser les connaissances pour établir un répertoire de connaissances. A l’évidence, les relations interpersonnelles sont déterminantes « plus les salariés sont intégrés dans les processus de construction, plus on obtient leur satisfaction ». Le concept d’enactment (mise en scène) montre comment, à partir des expériences collectives, les salariés arrangent leur environnement (Weick, 1995) dans des situations différentes de construction des savoirs. Du reste, une connaissance est une information liée à l’activité du sujet. On différencie cette notion de celle de savoir, qui est une information extérieure caractérisée sous la forme d’un écrit que l’on peut stocker ou diffuser. Le savoir doit être mis en action dans les organisations, en rapport avec des problématiques reliées aux expériences. La technologie autour de projets précis évolue vers une dimension stratégique. La formation numérique n’est pas seulement le résultat d’ajustements locaux dans un espace élargi, mais une compréhension humaine et de technologie qui comporte aussi des connaissances sur la formation ainsi que des informations permettant d’apprécier les orientations. Par exemple, la formation coordonne autant les rapports aux apprentissages que la représentation que les salariés ont d’eux-mêmes. Les connaissances modifient toujours leur perception de la formation en libre accès. Par exemple, elle peut heurter des logiques locales, aboutir à ce que l’outil déployé s’oppose à une organisation réactive souhaitée par les utilisateurs. Pour présenter les particularités en matière de formation numérique, les expériences doivent être rapprochées du modèle de conversion de la connaissance SECI (Nonaka et Tacheuchi, 1995).

Démarche exploratoire, résultats et discussion

11 Lors des entretiens, nous avons pu distinguer les formations existantes et consommées dans l’environnement de celles réalisées en interne dans l’organisation. Des entretiens exploratoires complétés au cours de l’année 2009-2010 auprès de notre échantillon ont permis d’envisager la protection juridique applicable au dispositif pédagogique selon une comparaison constante. Nous avons cherché à déterminer quelle modalité juridique les entreprises utilisaient pour valoriser leur formation numérique.

12 La démarche exploratoire a permis de faire émerger des catégories de manière intuitive. Cette phase permet de repérer, de comparer et d’assembler les verbatims afin de générer des similarités et des différences tout en distinguant la part du capital humain et du capital technologique dans le développement des connaissances tacites et des connaissances explicites des entreprises analysées.

Socialisation

13 Les ressources pédagogiques appartiennent à la catégorie des biens d’expérience parce que le responsable de formation ne peut pas créer des connaissances par lui-même. Les connaissances tacites sont détenues par les individus et sont en général difficiles à transmettre lorsqu’elles sont acquises par l’expérience. La transformation de savoirs tacites en d’autres savoirs tacites permet de dialoguer en permanence avec ses salariés. Par exemple, dans une compagnie d’assurances, l’outil a d’abord été élaboré pour des compétences métiers, puis son implantation est intervenue en partenariat avec d’autres services, modifiant la conception de la formation des salariés. Il en a été de même dans une entreprise de distribution de gaz, qui a partagé sa culture avec ses clients, afin de faire du nouvel outil un instrument crédible en interne. Une banque a organisé un forum de pratiques au sein de groupes de connaissances pour en faire un outil de formation.

Socialisation

Capital humain peu important, capital technologique important

14

« Il est certain que le modèle pédagogique que nous vivons est en train de basculer vers la juste formation au juste moment pour chacun, selon son mode d’apprentissage préféré. Il semble que la formation numérique ait un rôle majeur à jouer, parce qu’elle supprime la contrainte physique de présence et réduit les coûts logistiques. Il est plus facile de changer les outils et les modes opératoires que les hommes, et les spécialistes de la formation restent finalement très attachés aux représentations de leurs métiers qu’ils ont hérité des cours magistraux ».
(org. 16)

15

« Au départ, nous avons identifié les bénéfices liés à la protection de notre formation. La première condition pour qu’une entreprise puisse valoriser sa formation numérique est de l’inscrire dans un corps de connaissances bien établi. ».
(org. 01)

16

« La mise en place des nouveaux modes de formation facilite le passage d’un site physique de formation (situation à laquelle est habitué le personnel) à un site virtuel. Le déploiement aura plusieurs avantages pédagogiques : l’autonomie, l’accès facile, et un rythme de formation propre à chaque individu ».
(org. 02)

17

« On ne peut se permettre une défaillance technique. L’accompagnement des utilisateurs et la qualité des contenus sont indispensables. EAO avait échoué sur ces différents points en raison de nombreux manques dans les contenus ».
(org. 13)

18

« L’informatisation d’une force de vente n’est pas un processus descendant, de la direction vers la base. Si c’est le cas, il y a tout lieu de penser que le projet va capoter ».
(org. 05)

19

« Encore une fois, il faut expliquer que la formation numérique est liée à la nature des connaissances qui devra faire l’objet d’une protection juridique ».
(org. 03)

20

« Il faut une cohérence dans la protection des contenus pédagogiques, un meilleur suivi des résultats de la formation et surtout un allègement des taches administratives non productives (gestion du planning par l’apprenant) ».
(org. 07)

Extériorisation

21 La production des ressources pédagogiques sur intranet est valorisée dans un contrat qui peut faire l’objet d’une rémunération dans le cadre d’une cession des droits des formateurs salariés. La compétence peut donner lieu à un droit ou à un usage. En effet, le contrat de travail ne peut obliger le salarié à suivre des modules de formation de façon motivante. Certes, le savoir est dans la tête du salarié, qui n’est pas la propriété de l’entreprise, il n’appartient qu’au salarié. Par exemple, les salariés d’une entreprise d’électricité n’ont pas utilisé le module de formation qui leur était proposé en raison des échanges informels préexistants entre eux qui n’avaient pas été pris en considération par la direction. Si une compétence est transférée, elle provient du salarié, l’entreprise peut donc agir sur le départ ou la fidélisation du salarié formé, même s’il est difficile de matérialiser ces éléments.

Exteriorisation

Capital technologique important, capital humain peu important

22

« Nous avons étudié avec attention le marché des solutions existantes et nous sommes déroutés par la multitude des structures propriétaires des plate-formes anglo-saxonnes, qui ne sont pas adaptées à la pédagogie et au mode de diffusion. Elles nous font croire que l’on peut injecter des cours papier ou des transparents directement dans la plate-forme ».
(org. 08)

23

« L’outil de gestion utilisé est le LMS (Learning Management System). C’est une plate-forme composée d’un serveur de diffusion de contenus, la base de données gérant le catalogue des formations disponibles, le serveur de gestion des profils des apprenants, les accès aux formations et le suivi des parcours avec mémorisation des résultats obtenus et des progrès. Ce logiciel va rapprocher des responsables dans le suivi des compétences pour prévoir le contenu des formations que l’on va mettre en ligne comme la gestion des compétences en matière d’accueil ou de réception client ».
(org. 19)

24

« En 1988, est né un organisme chargé d’établir des normes pour les systèmes de codification des savoirs. Ces normes servent aujourd’hui de standard au niveau international pour tous les éditeurs de technologies multimédia et Knowledge Management ».
(org. 04)

25

« Le savoir est désormais chez les individus. Il se construit dans leur activité au quotidien, alors qu’il était détenu autrefois par les formateurs. La démarche est portée par une volonté de tenir compte de l’aspect juridique sans savoir réellement comment s’y prendre ».
(org. 11)

Intériorisation

26 La formation numérique nécessite de multiples coûts qui comprennent la conception et la mise sur support du document écrit, sonore ou multimédia. Elle intègre des informations issues de l’environnement. Les organisations productrices et utilisatrices se réfèrent aux méthodes comptables et financières dont la valeur est de plus en plus immatérielle, il devient évident que les trajectoires de formation expliquent les positions prises dans le « réseau de valeur ». La collaboration des autres salariés valorise aussi le dispositif de formation, comme le révèle l’apprentissage organisationnel qui met l’accent sur les processus de partage d’informations, le travail en équipe. En outre, on peut rechercher si la motivation des salariés est liée aux espoirs de formation dans un environnement technologique en profonde mutation. Les coûts de production liés aux logiciels, à la recherche-développement et à la formation sont supérieurs à ceux des coûts de la production physique d’un produit industriel. Les brevets et les licences doivent même assurer une protection juridique toujours plus précise de la circulation de l’information dans l’organisation. Par ailleurs, un nombre important d’abandons de la nouvelle technologie a aussi été constaté en raison de la trop grande « distance sociale » entre les concepteurs et les utilisateurs.

Intériorisation

Capital technologique faible, capital humain important

27

« Il faut réfléchir à une démarche pédagogique pour la conduite du changement. L’investissement en formation n’est pas une valeur patrimoniale, ce qui empêche la mesure du coût et le retour sur investissement. Elle se contente d’enrichir les pratiques et les hommes, de réduire le temps et l’espace dans la formation des salariés ».
(org. 20)

28

« Les entreprises qui prennent le moins de temps pour s’améliorer doivent être celles qui apprennent le plus vite. La réduction du cycle d’apprentissage finit par se focaliser sur le résultat au risque d’être incapable de capter tout apprentissage à court terme en raison d’une absence totale de dispositifs juridiques ».
(org. 09)

29

« Nous bénéficions d’un véritable arsenal juridique dans notre champ d’expérimentation et de développement de nos technologies de formation, ce qui nous permet de poursuivre notre politique pédagogique en capitalisant de façon contractuelle sur l’expérience du groupe. L’évaluation se réalise par des solutions sur mesure adaptées aux problématiques des ressources humaines ».
(org. 14)

30

« Certaines productions très sophistiquées entraînent des coûts élevés : autour de 15 000 euros pour un module et 50 000 euros pour un autre, plus complexe. Quant au délai de production, il peut atteindre 6 mois. La séance ressemble à une session de formation individuelle devant l’ordinateur. Pour créer ces modules, notre entreprise fait appel à ses propres formateurs, avec qui nous signons des contrats dans la production des œuvres pédagogiques parce qu’ils mettent à profit leur expérience de la formation ».
(org. 16)

Combinaison

31 Les nouvelles pratiques de formation dépendent de plus en plus des formes d’interactions qui contribuent à l’apparition de pratiques dont les membres se partagent la connaissance car ils réalisent des activités de travail semblables ou complémentaires. Le salarié peut devenir à son tour créateur dans un environnement graduel de type youtube, secondlife, Itunes permettant de stocker, de faire circuler sur les mêmes réseaux textes, sons et images.

32 Il ne s’agit pas de plaquer un modèle juridique sur un modèle économique, ni un nouveau droit juridique pensé pour le numérique. Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur la stratégie de formation, pas uniquement liée au dispositif technique, mais à la combinaison de connaissances technologiques qui s’intègrent dans une démarche de capitalisation des connaissances. Le management immatériel dépend à la fois des processus de production utilisés et des caractéristiques de l’environnement. Au reste, les formes d’appropriation remettent en cause les droits d’auteur.

Combinaison

Capital humain important, technologie faible

33

« La diffusion de la formation touche à la capitalisation des connaissances de l’entreprise, par exemple dans des centres de profits l’expertise vient enrichir les compétences des salariés ».
(org. 18.)

34

« On utilise des méthodes conceptuelles pour explorer tous les points juridiques de l’exploration jusqu’à l’accumulation des compétences ».
(org. 10)

35

« Les entreprises ont toujours une partie de leur savoir-faire qui reste inexploité ou non valorisé financièrement par rapport à leurs prestations de base. La nature immatérielle du savoir explique la difficulté pour l’entreprise à maîtriser la quantité exacte de connaissances qu’elle transmet ».
(org. 01)

36

« Le e-learning est une méthode analytique qui présente des techniques de classification et d’indexation selon des registres intuitifs. Son avantage est facile à comprendre : se doter d’une vision d’expertise. Mais, la capitalisation est difficile à mettre à jour. Pour cerner un espace, on définit une orientation globale dans n’importe quel endroit du territoire, n’importe quel point, on nomme les dimensions et les tranches dont on a besoin ».
(org. 17)

37

« Nous attribuons une valeur importante à l’apprentissage des technologies éducatives permettant l’accès à une culture virtuelle ».
(org. 15)

Application des paramètres au dispositif pédagogique

38 Les organisations sont conduites à élaborer des systèmes de formation de plus en plus réactifs, susceptibles d’intégrer les compétences des salariés. L’instauration d’un système d’apprentissage permanent, valorise les interactions tacites, explicites individuelles tout en tenant des compétences collectives.

Tableau 1

Valorisation des paramètres selon le contexte de formation

Socialisation
Protection de la formation (accès)
Extériorisation
Normalisation des plate-formes (qualité)
Intériorisation
Réduction des coûts (codification)
Combinaison
Capitalisation des connaissances (partage)

Valorisation des paramètres selon le contexte de formation

39 Le modèle SECI s’appuie sur une conversion utilisée dans une perspective de protection des savoirs. En effet, la socialisation peut être reliée à l’accès organisationnel. Il en est ainsi de l’extériorisation où la qualité de la formation se déduit de l’expérience, de l’observation, de l’imitation ou de la pratique autant dire d’une transmission fortement informelle des connaissances. L’intériorisation d’une formation pragmatique dans un contexte local précis ne peut pas créer des connaissances par elle-même ou les connaissances tacites sont détenues par les individus et sont en général difficiles à transmettre. La réduction des coûts semble difficile car les salariés disposent d’une autonomie. Le travail en groupe et les communautés de savoirs constituent un partage d’expériences créant des connaissances tacites à l’occasion.

Conclusion

40 Dans ce contexte, la protection juridique ne repose pas sur des droits individuels mais sur un système de droits collectifs. Le Copyright de l’article L 335-2 du CPI met les entreprises en situation de dépendance stratégique. Dans bien des secteurs, elles s’efforcent de trouver des solutions moins coûteuses pour protéger leurs ressources. Elles préfèrent une « facilité essentielle » en ayant recours à des contrats flexibles. Une entreprise détient une position dominante dans la mise à disposition de facilités indispensables abuse de cette position lorsqu’elle refuse l’accès sans justification objective. Le tribunal impose au propriétaire d’une facilité d’en ouvrir l’accès à d’autres opérateurs, dès lors que des solutions alternatives ne peuvent être trouvées, condition du libre accès par le jeu de la concurrence.

41 Dès 2001 aux Etats-Unis, des experts en droit d’auteur ont proposé une licence Creative Commons (partage consenti) permettant à l’auteur d’autoriser par avance certains usages. Elle se présente sous la forme d’un ensemble de contrats autorisant à l’avance de manière non exclusive l’autorisation de reproduire, distribuer et communiquer la formation à titre gratuit tout en faisant apparaître les conditions de mise à disposition de cette création à chaque utilisation, diffusion ou commercialisation. L’auteur suit son œuvre tout en autorisant des modifications et des traductions. Dès lors que l’intégration de documents pédagogiques intervient pour accompagner une démarche d’acquisition d’une formation par les salariés, il faut intégrer les grands principes Creative Commons dans les ressources de la formation numérique.

42 La valeur ajoutée d’un système pédagogique repose sur la simplicité de son interface qui associe un contrat et une technologie de « traçage numérique ». Le copyright ne protège pas les modules de formation à distance parce qu’ils ne sont pas considérés comme des œuvres protégées. La licence Creative Commons apparaît comme une bonne solution pour que la formation numérique soit utilisée par les salariés. Au fond, la protection juridique de la formation numérique soulève la question de l’appropriation des connaissances.

43 Les organisations préfèrent souvent valoriser des technologies éducatives libres plutôt que des systèmes protégés plus risqués. Les choix organisationnels constituent les principaux éléments explicatifs des systèmes ouverts parce que les caractéristiques de contexte ou de situation ont un impact majeur sur les frontières entre concepteurs et utilisateurs. Dans la mesure où les utilisateurs finaux peuvent bloquer tout apprentissage, la protection juridique dépend étroitement de l’interaction des dispositifs déployés dans la stratégie formation des grandes entreprises. Le fondement de la modélisation d’un dispositif sociotechnique repose sur un « modèle de la traduction » (Callon, Latour, Akrich, 1991). La protection apparaît comme le résultat de l’interaction entre les partenaires d’un réseau et un dépassement du modèle de déterminisme social où les entreprises sont les principaux acteurs du changement. D’une part, la protection juridique est proposée à des acteurs qui n’ont en apparence pas de relations et, d’autre part, les acteurs sont intégrés dans un réseau d’échanges.

44 Le management des technologies organisationnelles réalise les interactions avec l’environnement et transforme les savoirs tacites en d’autres savoirs à partir du partage plus ou moins informel d’expériences.

Bibliographie

  • Argyris C. and Schön D. A., (1978), Organizational Learning : a Theory of Action Perspective, Addison-Wesley, Reading MA, New-York.
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  • Bomsel O, Geffroy A. et Leblanc G., (2006), Modem le maudit, économie de la distribution numérique des contenus, Les Presses Mines Paris, sciences économiques et sociales.
  • Bonnet D. et Riccio P. M., (coord.), (2009), Management des technologies organisationnelles, Presses des Mines.
  • Callon M., Latour B. et Akrich M., (1991), La Science telle qu’elle se fait, La Découverte.
  • Hgen D. and Pulakos E., (1999), The Changing Nature of Performance Implications for Staffing. Motivation and Development, San Francisco, Jossey Bass.
  • Jouyet P. J. et Lévy M., (2006), L’économie de l’immatériel, Rapport remis au ministre de l’Economie, p. 22.
  • Lallement R., (2006), Quel système de propriété intellectuelle pour la France en 2020 ? Rapport du groupe de projet Piéta, Commissariat Général au Plan.
  • Nonaka I. and Takeuchi H., (1995), The Knowledge Creating Company, How Japanese Companies create the dynamics of innovation, New York, Oxford University Press.
  • Wenger E. C., (2000), « Communities of Practice and Social Learning Systems », Organization, (7) 2, 225-246.
  • Weick K. E., (1995), Sensemaking in Organizations, London, Thousand Oaks, CA, Sage Publications, 187-188.

Date de mise en ligne : 06/07/2022

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