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Article de revue

La pastorale scolaire dans l’École catholique dans le contexte français

Pages 327 à 346

Notes

  • [1]
    Quand Vatican II précise le but de sa Constitution pastorale, Gaudium et spes, il écrit « À tous [le deuxième Concile du Vatican] veut exposer “comment” il envisage la présence et l’action de l’Église dans le monde d’aujourd’hui. »
  • [2]
    Source : Les chiffres-clés de l’Enseignement catholique : http://www.enseignement-catholique.fr/chiffres-cles-2015.
  • [3]
    « Une des conditions fondamentales requises de l’éducateur de l’école catholique est la possession d’une solide formation professionnelle. La mauvaise qualité de l’enseignement, due à l’insuffisante préparation professionnelle ou à l’inadaptation des méthodes pédagogiques, se répercute inévitablement au détriment de l’efficacité de la formation intégrale de l’élève et du témoignage culturel que doit offrir l’éducateur. ». Congrégation pour l’éducation catholique, Éduquer ensemble dans l’école catholique. Mission partagée par les personnes consacrées et les fidèles laïcs, 2007, nos 21 et 22.
  • [4]
    Cf. Vatican II, Gravissimum educationis, nos 8 et 9.
  • [5]
    « [L’École catholique] est donc elle-même un lieu d’évangélisation, d’authentique apostolat, d’action pastorale, non par le moyen d’activités complémentaires ou parallèles ou parascolaires, mais par la nature même de son action directement orientée à l’éducation de la personnalité chrétienne » (Congrégation pour l’Éducation catholique, Dimension religieuse de l’éducation dans l’école catholique, 1988, n° 33).
  • [6]
    Statut de l’Enseignement catholique de 2013, art. 31 citant la Congrégation pour l’Éducation catholique, L’École catholique, 1977, n° 25.
  • [7]
    Ibid., art. 23, citant le n°34 de L’École catholique, Congrégation pour l’Éducation catholique.
  • [8]
    Par exemple Pierre Gire, dans Esprit et Vie, n° 11, 7 juin 2000 : « L’établissement catholique d’enseignement n’a de vie réelle que dans l’inconfort permanent du paradoxe existentiel qui le traverse de part en part, à savoir celui de sa double appartenance. »
  • [9]
    « Conformément à la mission qui lui a été confiée par le Christ, elle s’adresse à tous les hommes et à tout homme ; aussi, par choix pastoral, l’école catholique est-elle ouverte à tous, sans aucune forme de discrimination. » Statut de l’Enseignement catholique, 2013, art. 10.
  • [10]
    Ibid., art. 13.
  • [11]
    Rapport qui incita « à passer d’une pastorale de l’accueil à une pastorale de la proposition ». Cf. Conférence des évêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France, Cerf, Paris, 1996.
  • [12]
    Id., Lettre à l’ensemble du peuple de Dieu. Aller au cœur de la foi. Un appel à renouveler notre pratique de la catéchèse en France, Bayard/Fleurus-Mame/Cerf, Paris, 2003
  • [13]
    Id., Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France et principes d’organisation, Paris, Bayard/Fleurus-Mame/Cerf, 2006.
  • [14]
    Ces Assises s’étendirent de 2000 à 2007. Elles invitèrent les établissements à travailler la parole, le regard, la rencontre…
  • [15]
    Voté par le CNEC en juillet 2009.
  • [16]
    Sur les 79 notes du texte, 70 renvoient aux textes du magistère, dont 26 de la Congrégation pour l’éducation catholique et 22 du Concile Vatican II.
  • [17]
    Jean-Paul II, Discours au Ier Congrès de l’École catholique en Italie, dans L’Osservatore Romano, 24 novembre 1991, p. 4.
  • [18]
    Paul VI, Evangelii nuntiandi, Exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne, 1975, § 21.
  • [19]
    Les instances de participation et de concertation dans un établissement catholique d’enseignement, ECA (Enseignement catholique actualités) hors-série, 2007.
  • [20]
    La participation des parents à la mission éducative des établissements catholiques d’enseignement, ECA hors série, 2004.
  • [21]
    La discipline dans les établissements catholiques d’enseignement : une démarche éducative, ECA hors série, 2012.
  • [22]
    Psychologues de l’éducation dans l’enseignement catholique : évolution professionnelle, éthique et place dans l’institution, ECA hors-série, 2006.
  • [23]
    Musulmans en école catholique, ECA hors-série, 2011.
  • [24]
    La communauté éducative au défi de la pensée sociale de l’Église, SGEC (Secrétariat général de l’Enseignement catholique), 2014.
  • [25]
    Marguerite Léna, La liberté́ d’enseignement et l’éducation aux valeurs. Congrès sur la liberté́ de l’enseignement organisé par le CEEC (Comité européen pour l’Enseignement catholique), Strasbourg, avril 1983.
  • [26]
    À partir de la rentrée scolaire 2016, il deviendra « Le socle commun de compétences, de connaissances et de culture ».
  • [27]
    Être professeur dans l’Enseignement catholique, ECA hors-série, 2007, et Annonce explicite de l’Évangile, ECA hors-série, 2009.
  • [28]
    Régis Debray, L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, rapport au ministre de l’éducation nationale, Odile Jacob, Paris, 2002.
  • [29]
    Relier enseignement et fait religieux, ECA hors-série, 2005 et Le fait religieux dans les disciplines : une intégration progressive, ECA hors-série, 2007.
  • [30]
    Et plus exactement sur le catholicisme.
  • [31]
    Éveiller à l’intériorité, ECA hors-série, 2012.
  • [32]
    Éducation affective, relationnelle et sexuelle, ECA hors-série, 2010, p. 5.
  • [33]
    UGSEL, Projet éducatif. Pour le développement intégral de chaque personne et de toute la personne, 2013 et Projet d’animation pastorale. Pour une éducation à la liberté, 2014.
  • [34]
    Une dimension essentielle de l’éducation : l’éducation à l’universel, au développement, à l’engagement solidaire, ECA hors-série, 2013.
  • [35]
    Bruno-Marie Duffé, L’approche globale en soins palliatifs : fondements et évolutions, 13e Congrès de la SFAP, 2007.
  • [36]
    L’accompagnement à l’orientation, pour rendre chacun acteur de ses choix : les communautés éducatives ouvertes sur le monde s’engagent, ECA hors-série, 2009.
  • [37]
    Ibid., p. 5.
  • [38]
    Thème de la Xe Journée de l’animation pastorale et de la journée d’étude des Adjoints diocésains en Pastorale, 2010.
  • [39]
    Claude Berruer, Vocation et orientation. Approche institutionnelle, Xe journée nationale de l’animation pastorale, 2011. http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [40]
    UGSEL, Projet d’animation pastorale. Pour une éducation à la liberté, 2014.
  • [41]
    Une dimension essentielle de l’éducation : l’éducation à l’universel, au développement, à l’engagement solidaire, ECA hors-série, 2013.
  • [42]
    Pascal Balmand, Éditorial du Dossier « Enseignement moral et civique. Contribution de l’Enseignement catholique », 2014.
  • [43]
    Éveiller à l’intériorité, ECA hors-série, 2012.
  • [44]
    Dominique Martens, La diaconie de l’Enseignement catholique, Journées d’étude des Adjoints diocésains en Pastorale, http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [45]
    La communauté éducative au défi de la pensée sociale de l’Église, ECA hors-série, 2014.
  • [46]
    Paul VI, Evangelii nuntiandi, 1975, n° 22.
  • [47]
    « Le choix d’une pédagogie d’initiation demande que se développent aussi des initiatives de “première annonce”, comme il peut en exister par exemple dans l’enseignement catholique de la part de la communauté éducative », dans Conférence des évêques de France, Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France, p. 29.
  • [48]
    Pierre Robitaille, La première annonce en établissement catholique d’enseignement, 2009. http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [49]
    « Dans une première annonce, quelqu’un réagit à une situation en s’exposant comme croyant. », ibid., p. 81.
  • [50]
    Ibid., p. 84.
  • [51]
    Ibid.
  • [52]
    Comme c’est le cas en particulier avec l’ACE et le MEJ avec lesquels l’Enseignement catholique a signé un « projet partagé », ou pour la solidarité en s’inscrivant dans la démarche de la Campagne des Kilomètres de Soleil et celle du CCFD-Terre Solidaire dans lesquelles l’École catholique est membre à part entière.
  • [53]
    Annonce explicite de l’Évangile dans les établissements catholiques d’enseignement, ECA, hors-série, 2009.
  • [54]
    Annonce explicite de l’Évangile : Neuf fiches pour travailler personnellement ou en équipe, Fiche d’accompagnement 3.3, ECA, hors-série, 2011.
  • [55]
    Parler de « célébration de rentrée » évoque instantanément la messe, tandis que « célébrer la rentrée » concerne l’ensemble de la communauté éducative. Voir Pierre Robitaille, Célébrer en École catholique, 2014. http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [56]
    Ce qui nécessite en réciproque que « Les membres du clergé diocésain et les laïcs de la communauté chrétienne locale, qui n’ont pas toujours une juste connaissance de l’école catholique, doivent la redécouvrir comme école de la communauté chrétienne, une vivante expression de la même Église du Christ à laquelle ils appartiennent. » Congrégation pour l’éducation catholique, Éduquer ensemble dans l’école catholique. Mission partagée par les personnes consacrées et les fidèles laïcs, 2007, no 50.
  • [57]
    Dans le sens où il fait passer le projet éducatif du verbe à l’acte.
  • [58]
    « Le projet d’établissement, dont l’objet est la mise en œuvre du projet éducatif, peut comporter plusieurs volets : pédagogique, pastoral, d’internat, etc. », dans Statut de l’Enseignement catholique de 2013, art 132. Voir sur ce sujet : Pierre Robitaille, Le projet d’animation pastorale en établissement catholique d’enseignement, 2010.http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [59]
    Paul Lamotte, Guide pastoral de l’enseignement catholique, Droguet-Ardant, Paris, 1988, p. 290.
  • [60]
    Statut de l’Enseignement catholique de 2013, art. 145 et 146. Voir à ce sujet l’article de Pascal Balmand dans cet ouvrage, La mission du chef d’établissement dans l’École catholique. L’exemple de la situation française, p. 317-326.

1Aborder le sujet de la pastorale scolaire dans l’École catholique est un défi au regard de sa complexité. Il faut se rappeler que le terme pastorale n’est devenu nécessaire qu’au xxe siècle avec la diversification des situations sociales accompagnée du souci de mieux prendre en considération chacune d’entre elles. La pastorale répond donc à la question du « comment » [1].

2Il semble alors difficile de résumer la diversité et la richesse de la pastorale mise en œuvre dans les 7 600 établissements de l’Enseignement catholique français [2]. Néanmoins, cet article cernera les axes principaux d’une pastorale scolaire en s’appuyant sur les repères donnés par le magistère de l’Église, le Statut de l’Enseignement catholique et les textes institutionnels produits par l’Enseignement catholique ces dernières années, la plupart au sein de groupes composés de responsables institutionnels, d’experts et d’acteurs du terrain scolaire.

Comment poser la question pastorale dans l’Enseignement catholique ?

La difficile utilisation du terme « pastorale »

3Dans l’Enseignement catholique, ce terme est difficile à utiliser. Son emploi comme substantif est souvent ambigu car il repose sur des conceptions diverses, avec deux utilisations extrêmes :

  • Pour certains, la pastorale est un appendice à la vie scolaire, elle est localisée. Ainsi, a t-on pu entendre à propos d’un événement « quand mettons-nous le quart d’heure de pastorale ? ». Or la pastorale n’est ni un temps, ni un lieu, ni une personne, mais une manière de penser l’incarnation de l’Évangile dans la pratique éducative de l’établissement.
  • Dans l’autre sens, on entend « Tout est pastorale ! » Affirmer cela, c’est subordonner toutes les sciences profanes (pédagogie, gestion, management, communication, etc.) à l’action pastorale. Or leur exercice demande en soi une professionnalité que chacun a à développer, a fortiori ceux qui se réfèrent à l’Évangile [3].

La mission de l’École catholique dans la pensée de l’Église

4Les textes du magistère depuis Vatican II [4] rappellent que la mission confiée à l’École catholique est bien d’être une école [5]. C’est en quelque sorte son « caractère propre » ecclésial. Ni aumônerie, ni petit séminaire, ni paroisse, mais école catholique. Cette mission spécifique régulièrement réaffirmée, en particulier par la Congrégation pour l’éducation catholique, a été reprise dans le Statut de l’Enseignement catholique :

L’école catholique « ne peut être école catholique si elle n’est pas d’abord école et ne présente pas les éléments déterminants d’une école ». C’est donc l’établissement d’enseignement lui-même qui est, pour chaque communauté éducative, le lieu de la mission confiée par l’Église[6].
C’est pourquoi on dit qu’une communauté éducative se fonde sur un « projet éducatif » et non sur un « projet pastoral », même s’il faut ajouter aussitôt que « l’Évangile est la référence constante des projets éducatifs car “c’est le Christ qui est […] le fondement du projet éducatif de l’école catholique” » [7].

Une conception et une expression en constante évolution

5L’expression de cette dimension pastorale n’est pas statique ; elle évolue en fonction du contexte et de ses nécessités. Pour l’illustrer, deux entrées sont données ici, forcément à gros traits.

Participation au service public et mission d’Église

6Dans la particularité française due à la loi du 31 décembre 1959, dite loi Debré, il est intéressant d’observer comment « service public » et « mission d’Église » sont articulés dans le discours.

7Avec la loi Debré, les esprits sont tournés sur le « comment être en adéquation avec le contrat passé avec l’État », situation inédite pour les établissements.

8Dans le statut de l’Enseignement catholique de 1992, un équilibre se manifeste. Il est visible dans le plan du préambule puisque autour du passage sur le projet éducatif se situent en symétrie « Service de la Nation » et « Service d’Église ». Dans le statut lui-même, il est présent dès son article 1 : « [L’établissement catholique d’enseignement] est ouvert à tous les élèves par choix pastoral et de plus, pour les établissements sous contrat, par obligation légale », ce qui amènera l’expression de la « double appartenance » [8] de l’Enseignement catholique.

9Le statut de 2013 sort de cet équilibre instable pour affirmer que les écoles catholiques sont ouvertes à tous par choix pastoral [9] et que c’est par cette ouverture à tous et la spécificité du projet qu’elles « s’inscrivent délibérément dans une logique de contribution au service éducatif de la Nation » [10].

Implicite et explicite

10La loi Debré permit à l’Enseignement catholique d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. Néanmoins, le fait que les enseignants étaient payés par l’État et l’obligation d’être ouvert à tous pour les écoles sous contrat a pu donner le sentiment qu’il fallait être aussi neutre que dans l’enseignement public.

11D’autres éléments renforcèrent ce passage à l’implicite : Mai 68, le choix fait par l’Église d’une pastorale de l’enfouissement, la méfiance d’une partie du clergé diocésain à l’égard des écoles catholiques, l’arrivée massive de laïcs aux responsabilités…

12La première sortie repérable de l’implicite est la promulgation par la Conférence des Évêques de France du statut de l’Enseignement catholique en mai 1992. Cette dernière ajoute au texte qui lui est présenté un préambule avec 21 citations du magistère, donnant ainsi un enracinement explicite fort, et transforme « les statuts » en « le statut », c’est-à-dire « la place de » l’Enseignement catholique dans la mission de l’Église.

13Différents éléments ecclésiaux renforcent ce retour progressif à l’explicite : rapport Dagens [11], invitation à Aller au cœur de la foi[12] et Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France[13] situant l’Enseignement catholique comme un des lieux de première annonce.

14En interne, les secondes « Assises » de l’Enseignement catholique utilisèrent abondamment l’expression d’« anthropologie chrétienne » [14]. Mais l’explicite vient définitivement avec le document « Annonce explicite de l’Évangile dans les établissements catholiques d’enseignement » [15] et le statut de 2013 qui met l’enracinement chrétien dans le corps du texte et non plus dans un préambule [16].

Faire de l’école un lieu d’éducation animé par un esprit évangélique

15Si la mission de l’École catholique se réalise par le service éducatif qu’elle rend, c’est bien en termes de diaconie que l’on peut qualifier cette mission. À l’image du Christ qui est venu pour tous, l’École catholique accomplit sa mission en étant ouverte à tous pour que chacun puisse grandir. Comme a pu le dire Jean-Paul II :

16

La personne de chacun, dans ses besoins matériels et spirituels, est au centre de l’enseignement de Jésus : c’est pour cela que la promotion de la personne humaine est le but de l’école catholique[17].

Une manière de vivre

17Les textes de l’Enseignement catholique soulignent volontiers que la base de toute démarche pastorale c’est ce que vit l’établissement et le climat relationnel qui s’y développe. Comme Paul VI le soulignait, toute démarche d’évangélisation commence par un témoignage de vie, « témoignage qui comporte présence, participation, solidarité, et qui est un élément essentiel, généralement le tout premier, dans l’évangélisation [18]. » Cela se réalise quand par exemple existent :

  • Un dynamisme communautaire lié à la mise en place d’instances de participation, de régulation et de médiation pour faciliter la vie collective, éviter ou limiter les tensions, créer un climat positif où chacun peut s’épanouir [19], permettre aux parents de trouver leur place [20].
  • Un cadre qui est éducatif par la qualité de son règlement intérieur [21], et par la cohérence entre ce qui est demandé aux jeunes et le comportement des adultes.
  • Une attention portée aux plus pauvres depuis l’inscription jusqu’aux activités qui nécessitent une dépense, aux personnes porteuses d’un handicap en contribuant à leur inclusion scolaire, aux plus fragiles en les accompagnant sur le plan scolaire et en leur indiquant des pistes d’équilibre et d’intégration [22].
  • Un vivre ensemble développé grâce au rejet des stéréotypes et des étiquettes, la connaissance de sa propre tradition religieuse et de celles d’autrui, par l’apprentissage au débat, par le partage d’expériences [23].
  • Un management de l’établissement fidèle à la pensée sociale de l’Église dans la gestion humaine, financière et matérielle [24].

Des choix pédagogiques

18L’enseignement étant la raison d’être d’une école, c’est dans cette activité que se joue une part importante du projet éducatif découlant de son rôle capital dans la formation de la personnalité de l’enfant et du jeune :

19

Si l’école n’est pas chrétienne dans l’acte même de l’enseignement, elle ne le sera que latéralement, accessoirement, et disons-le, superficiellement. Il ne s’agit pas pour autant de prôner des « mathématiques chrétiennes » en une confusion aussi irrespectueuse de l’autonomie des savoirs humains que du sérieux de la foi[25].

20Cela passe par :

  • La manière de mettre en œuvre les programmes scolaires et les mises en relief que chaque enseignant effectue, le choix des manuels et l’analyse des documents utilisés pour repérer quelle conception ils véhiculent, la relecture du « Socle commun de connaissances et de compétences [26] » pour en assurer la cohérence avec le projet éducatif…
  • Les choix pédagogiques : pédagogie de la réussite, pédagogie du questionnement qui favorise curiosité, esprit critique, culture du débat, pédagogie qui développe intériorité et sociabilité, réflexion et sensibilité esthétique, qui encourage l’expression des talents et la capacité d’action et de création, qui prend en compte le développement physique et la maturité affective…
  • Une attitude éducative qui repose en particulier sur la foi dans l’éducabilité de l’élève, et qui demande disponibilité mentale, posture d’adulte, clarté dans ses options éducatives et celles de l’établissement.

Une place centrale donnée à la culture

21L’école est par définition un lieu d’accès et de transmission de la culture [27] qui permet à chacun d’être debout dans l’existence et membre à part entière de la communauté humaine. Encore faut-il s’entendre sur le terme « culture » : il renvoie tantôt à un savoir livresque, tantôt à des œuvres artistiques et patrimoniales, ou encore au milieu nourricier dans lequel l’être humain évolue.

22La fonction informative de l’enseignement diminue avec le développement des sources d’information à accès immédiat. Le rôle de l’école est alors, plus que jamais, de permettre au jeune de comprendre le fondement culturel de sa personnalité pour mieux cerner son identité et envisager l’avenir. Il est également de faire repérer à travers divers éléments culturels les interrogations constantes de l’humanité, afin d’aider à une meilleure formulation de ses propres questionnements et une meilleure compréhension du sens de la vie humaine et du monde.

Enseignement du fait religieux

23Un des éléments constitutifs de cette culture est sa dimension religieuse. « L’enseignement du fait religieux », proposé par le rapport Debray [28], revient plus exactement à mettre « le fait religieux dans l’enseignement [29] ». En omettant tous les aspects issus des religions, et en France en grande partie du christianisme, l’héritage culturel (littérature, arts plastiques et architecture, histoire…) devient incompréhensible. Dans le contexte actuel, présenter l’apport des différentes religions dans la culture contemporaine, favorise également le « vivre (bien) ensemble ».

Culture chrétienne

24En dehors des heures de cours liées aux programmes scolaires, les établissements catholiques développent de plus en plus des heures de « culture chrétienne ». Cette expression fait du reste débat, débat lié à l’aspect plurivoque du terme « culture ». S’agit-il de présenter un ensemble de savoirs momifiés sur le christianisme [30] ou de repérer l’impact, variable selon les lieux et les temps, de la foi chrétienne dans la culture ? En ce sens, ces apports sont l’occasion pour chacun, chrétien ou non, de s’inscrire dans la tradition vivante de l’établissement dans lequel il a choisi de se former. Cet apport culturel est à distinguer d’une activité pastorale, même s’il en constitue indéniablement un terreau.

La prise en compte de toutes les dimensions de la personne

25Avec l’immersion dans la culture, l’École catholique accomplit une participation active à la « formation intégrale de la personne » en permettant à l’enfant ou au jeune de développer les différentes dimensions de sa personnalité.

Éducation de l’intériorité

26Peur du silence, peur de l’ennui, peur du rejet de la part d’autrui, telles sont les peurs qui poussent nos contemporains, et davantage encore leurs enfants, au « bruit » en continu, à l’hyperactivité, à la transparence personnelle. Les moyens de communication actuels accélèrent ce mode d’être qui fait vivre « à l’extérieur de soi » et dans lequel la personne « s’éclate ». L’intériorité [31], constitutive de la personne et condition de son développement, est donc une priorité éducative pour réintroduire des temps de rupture nécessaires à la prise de recul, des temps de flânerie nécessaires au développement de l’imagination et de la créativité, des temps de solitude nécessaires pour reprendre sa vie en main, lui donner sens et penser paradoxalement aux autres, des temps de contemplation pour goûter la beauté de l’environnement humain et matériel.

Éducation affective, relationnelle et sexuelle

27Dans un système scolaire centré sur la formation intellectuelle, il importe de redonner place au corps et à l’affectivité, car ces dimensions, souvent oubliées, permettent de ressentir les situations, de les vivre et d’entrer en relation.

28En parlant d’« éducation affective, relationnelle et sexuelle », l’Enseignement catholique entend s’inscrire dans une vision plus large d’éducation à la relation et rejeter tout débat partiel et partial. Fidèle à son projet, il se réfère à une vision chrétienne de l’anthropologie. Il s’agit de mettre en cohérence corps, cœur, esprit, ce qui conduit chacun « à unifier la représentation de son propre corps, les relations à l’autre, les affects, les sentiments et les pulsions. Une telle démarche se fonde aussi sur une véritable capacité d’intériorisation [32] ».

29L’éducation physique et sportive a toute sa place en permettant de développer le potentiel corporel, d’éduquer à la santé et à la prévention, de mieux se connaître et d’accroître la maîtrise de soi et de sa capacité à entrer en relation. [33]

Éducation à l’universel, au développement, à l’engagement solidaire

30Pour l’éducateur, face aux catastrophes, conflits et situations de précarité, il ne peut être question d’en rester à des réactions émotionnelles liées souvent à la place qu’en donnent les médias. De la « commission Tiers-Monde » jusqu’à l’actuelle « Éducation à l’universel, au développement, à l’engagement solidaire [34] », l’Enseignement catholique a manifesté un souci constant de faire de la solidarité un axe prioritaire de l’éducation des jeunes qui lui sont confiés. L’insistance est bien d’affirmer que cet aspect n’est pas un « complément éducatif » mais partie intégrante de l’éducation et qu’il s’inscrit dans l’enseignement et pas seulement dans des activités exceptionnelles, même si celles-ci sont nécessaires pour marquer les mentalités et favoriser l’engagement.

Éducation morale

31Si un enseignement moral et civique est nécessaire, l’École catholique ne peut s’en satisfaire. La morale est affaire d’éducation, elle est donc transversale à tout ce qui se vit dans l’école : climat, pédagogie, intériorité, relation aux autres, ouverture au monde, dimension corporelle, affectivité et sexualité… Composante majeure de la formation globale de l’enfant et du jeune, elle ne peut pas être un système imposé de contraintes pour être réellement pertinente, mais elle doit correspondre à une transformation personnelle librement consentie.

Éducation spirituelle

32La dimension spirituelle d’une personne, c’est ce dynamisme interne qui l’appelle à vivre et à espérer. Elle amène à envisager les questions fondamentales du commencement, du sens et de l’accomplissement de la vie. En ce sens, elle est au centre de toute éducation, à condition de distinguer le spirituel du religieux [35] – tous deux se croisent sans se superposer. Les différentes disciplines contribuent pleinement à son développement en permettant d’affiner le questionnement, en apportant des éléments de réponse, en ouvrant des espaces de parole, en organisant des débats constructifs, en aidant les élèves à se mettre en projet…

Éducation aux choix

33Un lien est à faire entre dimension spirituelle et orientation telle que la conçoit l’Enseignement catholique qui préfère parler d’une « éducation aux choix, pour donner sens à sa vie [36] ». Si les domaines du scolaire et du professionnel sont essentiels dans le contexte actuel, « Il est d’autres choix qu’un parcours éducatif doit préparer : les engagements citoyens, l’engagement à fonder un couple, une famille et toutes les autres vocations au service de la société et de l’Église [37]. »

34Cette éducation aux choix s’articule étroitement aux démarches d’évaluation. Évaluer, c’est avant tout donner de la valeur, ne pas se contenter de repérer des aspects négatifs ou les manques, mais regarder la personne « comme un être en devenir ».

35De même, on associera deux termes qui dans la pratique sont utilisés chacun dans leur registre de langage : orientation et vocation [38]. Le terme orientation est utilisé par le système éducatif, celui de vocation en milieu religieux. Pourtant « S’orienter, c’est chercher l’Orient, ce qui peut aimanter une vie vers une réelle cohérence, de soi pour soi, et de soi pour les autres, et de soi dans le monde. […] Travailler à sa vocation, c’est chercher à mieux se connaître pour travailler à mieux se réaliser. Or on ne peut s’orienter, choisir un chemin, sans d’abord savoir qui on est. Il s’agit de choisir le bon chemin pour être, pour mieux être, pour être plus, pour déployer donc sa propre vocation [39]. »

Animation pastorale

36Sur ce terreau qui fait d’une école un lieu où enfants et jeunes peuvent s’épanouir et développer toutes leurs potentialités, l’animation pastorale trouve toute sa place et entre en symbiose avec les différentes activités scolaires et éducatives.

Faire de l’école un lieu d’éducation ressourcé par l’Évangile

37Par sa mission d’enseignement et d’éducation, l’école catholique accomplit donc sa mission d’Église. Néanmoins, celle-ci prend toute sa dimension en étant irriguée par l’Évangile. Tout en respectant l’autonomie et l’objectivité des savoirs, toutes les activités professionnelles de l’établissement scolaire peuvent être inspirées dans leurs projets, portées dans leurs réalisations, relues dans leurs évaluations, à la source de l’Évangile.

Relire sa pratique professionnelle

38Cela demande de prendre le temps de relire sa pratique professionnelle pour en voir la conformité avec le projet éducatif. Pour les chrétiens et ceux qui sont en recherche de foi, il y a là occasion, tels les disciples sur la route d’Emmaüs, de percevoir la présence de Dieu, la manière dont il agit dans ce milieu, et comment ils contribuent à son œuvre. À titre d’illustration, les textes de l’Enseignement catholique mentionnent entre autres le lien entre :

  • Le respect du corps et l’incarnation du Christ par laquelle il est devenu semblable à nous en assumant pleinement la nature humaine qui accède par Lui à une dignité nouvelle [40].
  • La solidarité envers les plus fragiles et les exclus d’une part, et d’autre part la dignité de tout homme créé à l’image de Dieu et la fraternité entre hommes comme enfants du même Père [41].
  • La morale et la Parole du Christ qui n’est pas un catalogue de préceptes, ni la propriété de personne, mais une invitation adressée à tous et à chacun [42].
  • L’intériorité, comme chemin vers l’homme et chemin vers Dieu [43].
  • La pédagogie et l’action thaumaturgique du Christ en contribuant à permettre la parole, à chercher la vérité, à relever un élève « en chute libre », à redonner une chance au fautif, à intégrer le rejeté [44]
  • La gestion des ressources humaines, la gestion financière et la pensée sociale de l’Église [45]

Prendre le temps du ressourcement

39C’est aussi accepter de prendre le temps du ressourcement pour la communauté professionnelle pour nourrir sa pensée et son action, sa foi. Cela se pratique de plus en plus souvent :

  • au sein de la communauté professionnelle de l’établissement scolaire,
  • dans des journées organisées par les directions diocésaines, en particulier pour les chefs d’établissement et les APS (Adjoints en Pastorale scolaire),
  • dans des regroupements à l’initiative des congrégations sur leur charisme…

Être soucieux de ce qui peut faire signe dans l’établissement

40À côté de ce que l’on donne à entendre, à vivre, à apprendre, il y a également ce que les enfants et les jeunes peuvent percevoir du milieu dans lequel ils vivent une bonne partie de la journée : objets et posters religieux, existence et état d’un lieu de prière, animations visuelles liées aux temps liturgiques et aux fêtes, richesse, durée et place dans l’emploi du temps des propositions pastorales, etc.

Offrir à tous et à chacun la possibilité de découvrir le Christ

41« L’ouverture à tous » de l’établissement catholique doit se conjuguer avec la capacité de l’établissement à faire retentir la Bonne Nouvelle, car « le plus beau témoignage se révélera à la longue impuissant s’il n’est pas éclairé, justifié, […] explicité par une annonce claire, sans équivoque, du Seigneur Jésus. La Bonne Nouvelle proclamée par le témoignage de vie devra donc être tôt ou tard proclamée par la parole de vie [46]. » Il serait du reste paradoxal qu’un élève puisse passer des années dans une école catholique sans jamais entendre ce qui fait vivre cette institution et les chrétiens qui y sont présents.

42Le Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France a ouvert une voie dans la réflexion sur l’annonce en soulignant la place importante des divers lieux de vie dans la « première annonce », et en particulier l’Enseignement catholique [47]. Pour ce dernier, ce document fit sortir du dilemme « catéchèse ou pas », « obligatoire ou pas » en stipulant qu’une première annonce est l’affaire de tous les établissements. L’ouverture à tous, loin de réfréner l’expression croyante, conforte l’importance de ce témoignage qui n’attend pas d’adhésion de l’interlocuteur, même si elle peut l’inciter à examiner ses « raisons de vivre et d’espérer ». Cela peut se résumer à trois mots clés : témoin, explicite, seuil. Deux autres sont à ajouter pour que ce témoignage soit « au cœur de la vie » : circonstance et résonance. Une première annonce vient dans le fil de la vie et répond à un questionnement de l’interlocuteur sur des aspects essentiels de sa vie.

43À partir de ces caractéristiques, l’Enseignement catholique a formulé cinq exigences :

  • Une qualité d’écoute et une attention réelle à ce que vit l’interlocuteur pour que la première annonce résonne en lui.
  • Une cohérence entre le vivre et le dire pour que celui-ci soit crédible et motivant.
  • Un ressourcement vital pour être en vérité puisqu’il s’agit de dire en quoi Jésus-Christ et sa Bonne Nouvelle font vivre pleinement, et non de réciter un article du catéchisme.
  • Une nécessaire formation car passer à l’explicite demande d’avoir les mots pour dire sa foi.
  • Un sens pédagogique pour développer des activités qui rendent probables les possibilités d’une première annonce [48].

44Celle-ci exige la présence de jeunes et d’adultes qui vivent de l’Évangile et acceptent de témoigner de leur foi [49]. C’est parfois les jeunes qui sont « les aînés dans la foi » !

Mettre à la disposition de ceux qui le désirent les moyens pour grandir dans la foi

45Un établissement scolaire ne peut certes pas répondre à tous les besoins spirituels et religieux. Néanmoins, il se doit de repérer les différents besoins et entendre les demandes qui se manifestent.

Contribuer à la catéchèse ordonnée et préparer aux sacrements d’initiation

46Comme le précise le Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France, la catéchèse s’inscrit obligatoirement dans l’organisation diocésaine. L’engagement des écoles catholiques dans la catéchèse dépend donc de ce qui est décidé dans chaque diocèse : si elle doit avoir lieu en paroisse, en école catholique…, et avec quels supports [50].

47Avec la fin d’une chrétienté sociologique qui entraînait une quasi-automaticité du baptême à la naissance, les demandes des enfants et des jeunes augmentent. Mais si la préparation aux sacrements d’initiation peut se faire au sein de l’établissement pour des raisons pratiques, le sacrement est à célébrer en paroisse, au cœur d’une communauté chrétienne [51].

Développer une éducation permanente de la foi

48Dans une école catholique cela peut prend diverses formes : interventions, groupe de lecture d’Évangile, groupe de révision de vie, temps forts communautaires, groupe de travail sur l’enseignement social de l’Église, réflexion intégrée aux actions caritatives, etc. Cela concerne autant les enfants que les adultes de la communauté éducative. De manière générale, l’établissement répond aux différents besoins :

  • en organisant au sein de l’établissement des propositions pour répondre à la diversité des publics et des attentes,
  • en orientant vers les possibilités externes qu’offrent les autres services et mouvements d’Église,
  • en élaborant, chaque fois que cela est possible, des propositions communes avec ceux-ci [52].

Célébrer la vie, célébrer le salut

49Si pour les chrétiens de la communauté éducative, l’Eucharistie est « source et sommet » de leur vie, il est tout aussi important de concevoir dans une école catholique des temps où l’ensemble de cette communauté s’assemble pour des temps festifs, commémoratifs et religieux. Célébrer répond alors au besoin de renforcer la dynamique communautaire, de marquer le quotidien par des temps forts et des rites qui constituent des seuils dans la vie scolaire, de donner à tous de ressentir la source du projet éducatif de l’établissement, de permettre aux chrétiens d’« y exprimer qu’au cœur de leur vie, ils célèbrent l’amour de Dieu, son Esprit présent, Jésus-Christ qui nous accompagne [53]. »

50Dans un contexte de déchristianisation et de mixité religieuse, ces situations veulent répondre au questionnement suivant : « Quels moyens l’école catholique se donne-t-elle pour célébrer les événements avec tous les membres de la communauté scolaire, organiser des temps forts qui rythment la vie, et dans cette dynamique offrir aux chrétiens de la communauté éducative lieux et temps pour célébrer le salut et prier [54] ? »

51La réflexion menée ces dernières années avec liturgistes et acteurs du terrain amène à marquer la différence d’usage entre « célébrer » et « célébration ». « Célébrer » ouvre sur une compréhension large : on peut célébrer la rentrée, les vacances, une remise de décoration, l’anniversaire d’une fondation, les temps liturgiques…, tandis que « Célébration » amène volontiers des représentations uniquement religieuses [55].

52La proposition d’une célébration eucharistique doit être raisonnée en fonction du vécu de l’établissement et du public visé. Toute célébration religieuse n’est pas eucharistique. Actuellement se développent des paraliturgies qui utilisent un cadre plus souple que l’action liturgique et qui s’enrichit de différents éléments empruntés plus directement à la vie de l’établissement. Ce choix est préférable à des célébrations eucharistiques trop « adaptées » au public, à condition que ces paraliturgies n’essaient pas de mimer la messe !

Inscrire l’établissement et ses activités dans la vie de l’Église locale

53L’établissement scolaire n’est pas une unité indépendante de l’Église locale ; il participe à la communauté chrétienne paroissiale et diocésaine. C’est pourquoi il importe que les activités pastorales organisées au sein de l’établissement le soient toujours en lien étroit avec l’Église locale dont il fait partie [56]. Cela est particulièrement nécessaire lorsqu’il s’agit de la catéchèse organisée, du catéchuménat et des demandes sacramentelles.

54L’information donnée par l’établissement sur les propositions paroissiales et diocésaines, et le développement d’activités communes manifestent concrètement la communion ecclésiale. En ce sens, certains établissements préparent la messe dominicale avec les jeunes pour les aider à vivre activement ce temps paroissial, ce qui rappelle aux enfants et aux jeunes, voire aux adultes, l’importance de l’assemblée dominicale.

Le projet d’animation pastorale

55La diversité des besoins et des demandes, des ressources, du positionnement vis-à-vis de la foi chrétienne et du désir de s’engager, rend nécessaire une démarche raisonnée et articulée pour prendre en compte cette complexité. C’est l’objet du projet d’animation pastorale qui précise l’explicite de la dimension pastorale de l’établissement.

56Avec les autres projets d’animation de l’établissement (pédagogique, vie scolaire, internat…), le projet d’animation pastorale vient actualiser [57] le projet éducatif et le projet d’établissement [58]. Depuis de nombreuses années, il est souligné qu’il « renvoie au préalable nécessaire de l’existence d’un projet éducatif. Sinon la pastorale et l’EAP [Équipe d’animation pastorale] se retrouveront marginalisées par rapport à l’Institution et l’originalité de l’enseignement catholique perdue [59] ».

57Au terme de ce parcours, il apparaît également essentiel qu’une cohérence soit à rechercher avec les autres projets et pratiques de la vie de l’établissement. Cela renvoie au rôle prépondérant du chef d’établissement, qui comme « garant de l’unité de la communauté éducative, […] s’efforce de fédérer toutes les énergies autour d’un projet commun qu’il anime, en veillant à la cohérence des engagements et des activités de tous[60] ».

Conclusion

58En guise de conclusion, quelles conséquences en tirer pour le profil des acteurs de l’animation pastorale en école catholique, mises à part l’évidence de la vie de foi personnelle et de la formation théologique et biblique ?

59Il n’existe pas de pastorale « tout terrain » ; leur rôle ne peut donc se concevoir sans une connaissance de l’institution, sa culture comme son organisation, son implantation géographique et sociologique, ses principaux textes de référence, sa mission d’Église et sa contribution au service public d’éducation, la différence de modèle entre primaire et secondaire dans l’animation pastorale…

60Avec la capacité à travailler en équipe, il est nécessaire qu’ils développent également une compétence pédagogique afin de proposer des démarches pastorales construites et de pouvoir travailler plus facilement avec les enseignants et les éducateurs pour une acculturation réciproque et la mise en place de projets communs.

61Ils peuvent ainsi participer activement à la mise en acte du projet éducatif et à la construction permanente de la communauté éducative, creuset de toute action pastorale, à la recherche constante pour réaliser l’unité de la mission de l’établissement, souvent synthétisée dans la formule : « Enseigner, Éduquer, Évangéliser », formule qui exprime bien que c’est par l’éducation que se fait la jonction entre le monde de l’enseignement et celui de l’évangélisation. Du reste, entrer par l’éducation, c’est penser que tous les membres de la communauté éducative sont concernés par l’animation pastorale et pas seulement les jeunes.

Notes

  • [1]
    Quand Vatican II précise le but de sa Constitution pastorale, Gaudium et spes, il écrit « À tous [le deuxième Concile du Vatican] veut exposer “comment” il envisage la présence et l’action de l’Église dans le monde d’aujourd’hui. »
  • [2]
    Source : Les chiffres-clés de l’Enseignement catholique : http://www.enseignement-catholique.fr/chiffres-cles-2015.
  • [3]
    « Une des conditions fondamentales requises de l’éducateur de l’école catholique est la possession d’une solide formation professionnelle. La mauvaise qualité de l’enseignement, due à l’insuffisante préparation professionnelle ou à l’inadaptation des méthodes pédagogiques, se répercute inévitablement au détriment de l’efficacité de la formation intégrale de l’élève et du témoignage culturel que doit offrir l’éducateur. ». Congrégation pour l’éducation catholique, Éduquer ensemble dans l’école catholique. Mission partagée par les personnes consacrées et les fidèles laïcs, 2007, nos 21 et 22.
  • [4]
    Cf. Vatican II, Gravissimum educationis, nos 8 et 9.
  • [5]
    « [L’École catholique] est donc elle-même un lieu d’évangélisation, d’authentique apostolat, d’action pastorale, non par le moyen d’activités complémentaires ou parallèles ou parascolaires, mais par la nature même de son action directement orientée à l’éducation de la personnalité chrétienne » (Congrégation pour l’Éducation catholique, Dimension religieuse de l’éducation dans l’école catholique, 1988, n° 33).
  • [6]
    Statut de l’Enseignement catholique de 2013, art. 31 citant la Congrégation pour l’Éducation catholique, L’École catholique, 1977, n° 25.
  • [7]
    Ibid., art. 23, citant le n°34 de L’École catholique, Congrégation pour l’Éducation catholique.
  • [8]
    Par exemple Pierre Gire, dans Esprit et Vie, n° 11, 7 juin 2000 : « L’établissement catholique d’enseignement n’a de vie réelle que dans l’inconfort permanent du paradoxe existentiel qui le traverse de part en part, à savoir celui de sa double appartenance. »
  • [9]
    « Conformément à la mission qui lui a été confiée par le Christ, elle s’adresse à tous les hommes et à tout homme ; aussi, par choix pastoral, l’école catholique est-elle ouverte à tous, sans aucune forme de discrimination. » Statut de l’Enseignement catholique, 2013, art. 10.
  • [10]
    Ibid., art. 13.
  • [11]
    Rapport qui incita « à passer d’une pastorale de l’accueil à une pastorale de la proposition ». Cf. Conférence des évêques de France, Proposer la foi dans la société actuelle. Lettre aux catholiques de France, Cerf, Paris, 1996.
  • [12]
    Id., Lettre à l’ensemble du peuple de Dieu. Aller au cœur de la foi. Un appel à renouveler notre pratique de la catéchèse en France, Bayard/Fleurus-Mame/Cerf, Paris, 2003
  • [13]
    Id., Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France et principes d’organisation, Paris, Bayard/Fleurus-Mame/Cerf, 2006.
  • [14]
    Ces Assises s’étendirent de 2000 à 2007. Elles invitèrent les établissements à travailler la parole, le regard, la rencontre…
  • [15]
    Voté par le CNEC en juillet 2009.
  • [16]
    Sur les 79 notes du texte, 70 renvoient aux textes du magistère, dont 26 de la Congrégation pour l’éducation catholique et 22 du Concile Vatican II.
  • [17]
    Jean-Paul II, Discours au Ier Congrès de l’École catholique en Italie, dans L’Osservatore Romano, 24 novembre 1991, p. 4.
  • [18]
    Paul VI, Evangelii nuntiandi, Exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne, 1975, § 21.
  • [19]
    Les instances de participation et de concertation dans un établissement catholique d’enseignement, ECA (Enseignement catholique actualités) hors-série, 2007.
  • [20]
    La participation des parents à la mission éducative des établissements catholiques d’enseignement, ECA hors série, 2004.
  • [21]
    La discipline dans les établissements catholiques d’enseignement : une démarche éducative, ECA hors série, 2012.
  • [22]
    Psychologues de l’éducation dans l’enseignement catholique : évolution professionnelle, éthique et place dans l’institution, ECA hors-série, 2006.
  • [23]
    Musulmans en école catholique, ECA hors-série, 2011.
  • [24]
    La communauté éducative au défi de la pensée sociale de l’Église, SGEC (Secrétariat général de l’Enseignement catholique), 2014.
  • [25]
    Marguerite Léna, La liberté́ d’enseignement et l’éducation aux valeurs. Congrès sur la liberté́ de l’enseignement organisé par le CEEC (Comité européen pour l’Enseignement catholique), Strasbourg, avril 1983.
  • [26]
    À partir de la rentrée scolaire 2016, il deviendra « Le socle commun de compétences, de connaissances et de culture ».
  • [27]
    Être professeur dans l’Enseignement catholique, ECA hors-série, 2007, et Annonce explicite de l’Évangile, ECA hors-série, 2009.
  • [28]
    Régis Debray, L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, rapport au ministre de l’éducation nationale, Odile Jacob, Paris, 2002.
  • [29]
    Relier enseignement et fait religieux, ECA hors-série, 2005 et Le fait religieux dans les disciplines : une intégration progressive, ECA hors-série, 2007.
  • [30]
    Et plus exactement sur le catholicisme.
  • [31]
    Éveiller à l’intériorité, ECA hors-série, 2012.
  • [32]
    Éducation affective, relationnelle et sexuelle, ECA hors-série, 2010, p. 5.
  • [33]
    UGSEL, Projet éducatif. Pour le développement intégral de chaque personne et de toute la personne, 2013 et Projet d’animation pastorale. Pour une éducation à la liberté, 2014.
  • [34]
    Une dimension essentielle de l’éducation : l’éducation à l’universel, au développement, à l’engagement solidaire, ECA hors-série, 2013.
  • [35]
    Bruno-Marie Duffé, L’approche globale en soins palliatifs : fondements et évolutions, 13e Congrès de la SFAP, 2007.
  • [36]
    L’accompagnement à l’orientation, pour rendre chacun acteur de ses choix : les communautés éducatives ouvertes sur le monde s’engagent, ECA hors-série, 2009.
  • [37]
    Ibid., p. 5.
  • [38]
    Thème de la Xe Journée de l’animation pastorale et de la journée d’étude des Adjoints diocésains en Pastorale, 2010.
  • [39]
    Claude Berruer, Vocation et orientation. Approche institutionnelle, Xe journée nationale de l’animation pastorale, 2011. http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [40]
    UGSEL, Projet d’animation pastorale. Pour une éducation à la liberté, 2014.
  • [41]
    Une dimension essentielle de l’éducation : l’éducation à l’universel, au développement, à l’engagement solidaire, ECA hors-série, 2013.
  • [42]
    Pascal Balmand, Éditorial du Dossier « Enseignement moral et civique. Contribution de l’Enseignement catholique », 2014.
  • [43]
    Éveiller à l’intériorité, ECA hors-série, 2012.
  • [44]
    Dominique Martens, La diaconie de l’Enseignement catholique, Journées d’étude des Adjoints diocésains en Pastorale, http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [45]
    La communauté éducative au défi de la pensée sociale de l’Église, ECA hors-série, 2014.
  • [46]
    Paul VI, Evangelii nuntiandi, 1975, n° 22.
  • [47]
    « Le choix d’une pédagogie d’initiation demande que se développent aussi des initiatives de “première annonce”, comme il peut en exister par exemple dans l’enseignement catholique de la part de la communauté éducative », dans Conférence des évêques de France, Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France, p. 29.
  • [48]
    Pierre Robitaille, La première annonce en établissement catholique d’enseignement, 2009. http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [49]
    « Dans une première annonce, quelqu’un réagit à une situation en s’exposant comme croyant. », ibid., p. 81.
  • [50]
    Ibid., p. 84.
  • [51]
    Ibid.
  • [52]
    Comme c’est le cas en particulier avec l’ACE et le MEJ avec lesquels l’Enseignement catholique a signé un « projet partagé », ou pour la solidarité en s’inscrivant dans la démarche de la Campagne des Kilomètres de Soleil et celle du CCFD-Terre Solidaire dans lesquelles l’École catholique est membre à part entière.
  • [53]
    Annonce explicite de l’Évangile dans les établissements catholiques d’enseignement, ECA, hors-série, 2009.
  • [54]
    Annonce explicite de l’Évangile : Neuf fiches pour travailler personnellement ou en équipe, Fiche d’accompagnement 3.3, ECA, hors-série, 2011.
  • [55]
    Parler de « célébration de rentrée » évoque instantanément la messe, tandis que « célébrer la rentrée » concerne l’ensemble de la communauté éducative. Voir Pierre Robitaille, Célébrer en École catholique, 2014. http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [56]
    Ce qui nécessite en réciproque que « Les membres du clergé diocésain et les laïcs de la communauté chrétienne locale, qui n’ont pas toujours une juste connaissance de l’école catholique, doivent la redécouvrir comme école de la communauté chrétienne, une vivante expression de la même Église du Christ à laquelle ils appartiennent. » Congrégation pour l’éducation catholique, Éduquer ensemble dans l’école catholique. Mission partagée par les personnes consacrées et les fidèles laïcs, 2007, no 50.
  • [57]
    Dans le sens où il fait passer le projet éducatif du verbe à l’acte.
  • [58]
    « Le projet d’établissement, dont l’objet est la mise en œuvre du projet éducatif, peut comporter plusieurs volets : pédagogique, pastoral, d’internat, etc. », dans Statut de l’Enseignement catholique de 2013, art 132. Voir sur ce sujet : Pierre Robitaille, Le projet d’animation pastorale en établissement catholique d’enseignement, 2010.http://ec-ressources.fr/dossiers/lumenvitae.
  • [59]
    Paul Lamotte, Guide pastoral de l’enseignement catholique, Droguet-Ardant, Paris, 1988, p. 290.
  • [60]
    Statut de l’Enseignement catholique de 2013, art. 145 et 146. Voir à ce sujet l’article de Pascal Balmand dans cet ouvrage, La mission du chef d’établissement dans l’École catholique. L’exemple de la situation française, p. 317-326.
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