Notes
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[1]
H. Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, Paris, Bloud et Gay, 1935, t. VI, Ière partie, p. 3-226.
-
[2]
Voir plus bas. Signalons déjà R. Garapon, « Marie de l’Incarnation, Ursuline de Québec, d’après sa correspondance », dans W. Leiner (éd.), Onze Études sur l’image de la femme dans la littérature du XVIIe siècle, Tübingen, G. Narr, 1978, p. 51. Deux colloques ont été consacrés à Marie de l’Incarnation : Marie Guyart de l’Incarnation, un destin transocéanique (Tours, 14-15 mai 1999), Paris, L’Harmattan, 2000, et Femme, mystique et missionnaire, Marie Guyart de l’Incarnation (Loretteville, Québec, 22-25 septembre 1999), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2001.
-
[3]
Marie de l’Incarnation, Correspondance, éd. dom G.-M. Oury, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, 1971. Toutes nos références se rapportent à cette édition.
-
[4]
Expression empruntée à Jérôme Lalemant, dernier directeur de Marie, rapportée par Claude Martin dans La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, Paris, L. Billaine, 1677 [réimpr. Solesmes, 1981], p. 753.
-
[5]
D. Gagnon, Rendez-moi ma mère !, Montréal, Boréal, 1994 ; J.-N. Vuarnet, L’Aigle mère, Paris, Gallimard, 1995.
-
[6]
J.-D. Lafond, Folle de Dieu ou la déraison d’amour. Représentations données avec l’actrice Maria Tifo à Québec en septembre, puis à Compiègne et à Lyon en décembre 2008.
-
[7]
D. Sallenave, L’Amazone du Grand Dieu, Paris, Bayard Éditions, 1997. On évoquera également ici l’imposant ouvrage de J. Kristeva sur Thérèse d’Avila, Thérèse mon amour, Paris, Fayard, 2008.
-
[8]
Marie de l’Incarnation, Écrits spirituels et historiques, éd. dom Cl. Martin, rééd. dom A. Jamet [1929], Les Ursulines de Québec, 1985, 2 vol. ; id., Correspondance, éd. dom G.-M. Oury, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, 1979.
-
[9]
V. Hugo, « Pasteurs et troupeaux », Les Contemplations, V, 23.
-
[10]
B. Chevalier, dans un débat non enregistré au Colloque de Tours en 1989, pour le 350e anniversaire de son arrivée en Nouvelle-France.
-
[11]
Cl. Martin, La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, éd. cit., p. 702.
-
[12]
Ibid., p. 181. Voir à ce sujet S. Houdard, « Le cri public du fils abandonné ou l’inexprimable secret de la cruauté d’une mère », Littératures classiques, n° 68, été 2009, p. 273-284.
-
[13]
Voir à ce propos I. Landy-Houillon, « Marie Guyart de l’Incarnation, l’amie de Madeleine de la Peltrie », dans Madeleine de La Peltrie et les pionnières de la Nouvelle-France, Actes du colloque d’Alençon (mai 2003), Centre de Recherche d’Histoire Quantitative, Université de Caen, 2004, p. 57-62.
-
[14]
Voir Dom G.-M. Oury, Dom Claude Martin, le fils de Marie de l’Incarnation, Solesmes, 1983.
-
[15]
Cl. Martin, La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, éd. cit., Préface. La « Relation de 1654 » figure dans les Écrits spirituels et historiques, éd. cit., t. II, p. 45-356.
-
[16]
Marie de l’Incarnation, Lettres de la vénérable mère Marie de l’Incarnation […] divisées en deux parties, éd. dom Cl. Martin, Paris, L. Billaine, 1681, 2 vol.
-
[17]
Sept à huit mille lettres au moins. Voir à ce sujet Marie de l’Incarnation, Écrits spirituels et historiques, éd. cit., t. I, Introduction, p. 50.
-
[18]
La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation est constituée essentiellement par la Relation de 1654 distribuée en 63 courts chapitres, chacun d’eux étant suivi d’une « Addition », paraphrase juxtaposée, souvent envahissante, du texte maternel.
-
[19]
Mme de Sévigné, lettre du 12 juillet 1671, à Mme de Grignan. Voir sur cet aspect I. Landy-Houillon, « Épistolaire et nostalgie au XVIIe siècle », Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte, 2007, n° 1-2, p. 27-43.
-
[20]
Lettres à dom Raymond de Saint-Bernard, 19 avril et 20 mars 1635, Correspondance, éd. cit., p. 33 et 24.
-
[21]
Lettre au même, avril 1635, ibid., p. 27.
-
[22]
Au même, 3 octobre 1645.
-
[23]
À l’un de ses frères, 15 avril 1639.
-
[24]
À son fils, 23 octobre 1649.
-
[25]
Au même, 1er septembre 1643, Correspondance, p. 187.
-
[26]
Mme de Sévigné, lettres du 20 mars 1671 et du 17 juin 1685, à Mme de Grignan. Voir I. Landy-Houillon, « Les lettres de Marie de l’Incarnation : exils et jouissances », dans A. Magnan (éd.), Expériences limites de l’épistolaire, Paris, H. Champion, 1993, p. 147-153.
-
[27]
Lettre du 1er septembre 1643, Correspondance, p. 187.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
À son fils, 9 septembre 1652, Correspondance, p. 485.
-
[30]
Au même, 23 octobre 1649, ibid., p. 384.
-
[31]
Lettre à dom Raymond de Saint-Bernard, fin 1626, ibid., p. 1.
-
[32]
« Relation de 1654 », Écrits spirituels et historiques, t. II, p. 199 et 198.
-
[33]
Réponse prudente de son directeur à Marie, rapportée par Cl. Martin, La Vie, p. 326.
-
[34]
Lettre du 3 mai 1635, Correspondance, p. 40.
-
[35]
Lettre du 20 mai 1639.
-
[36]
Lettre de la mère Cécile de Sainte-Croix à la Supérieure des Ursulines de Dieppe, 2 septembre 1639, Correspondance, p. 951.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
À la mère Marie-Gillette Roland, 4 septembre 1640.
-
[41]
Aux Ursulines de Tours, septembre 1649.
-
[42]
Lettre du 20 mai 1639.
-
[43]
À son fils, 9 septembre 1652, Correspondance, p. 486.
-
[44]
Lettre de septembre 1653, ibid., p. 505.
-
[45]
Lettre du 1er septembre 1639.
-
[46]
Lettres du 4 septembre 1640, fin 1638, et lettre de Mme de La Peltrie à la mère Jourdaine de Sainte-Ursule, fin avril 1639.
-
[47]
M. de Certeau, La Fable mystique. 1 : XVIe-XVIIe s. [1982], Paris, Gallimard, « Tel », 1995, p. 213.
-
[48]
À la mère Ursule de Sainte-Catherine, 15 septembre 1641.
-
[49]
À son fils, 29 juillet 1667.
-
[50]
Au même, 1er septembre 1643.
-
[51]
Lettres du 18 et 30 septembre 1643.
-
[52]
Lettres à son fils du 22 octobre 1649 et 1er septembre 1643.
-
[53]
Au même, 1er septembre 1652.
-
[54]
Au même, 2 septembre 1656.
-
[55]
Au même, 26 août 1644.
-
[56]
Cl. Martin, La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, « Préface », p. V.
-
[57]
Selon la formule de Jean-Marie Beyssade dans l’Introduction de son édition de Descartes, Correspondance avec Élisabeth, Paris, Garnier-Flammarion, 1989, p. 19.
-
[58]
À son fils, 24 septembre 1654.
-
[59]
Au même, été 1647.
-
[60]
Au même, 1er septembre 1643 et 12 octobre 1668.
-
[61]
Au même, 12 octobre 1668.
-
[62]
Il s’agit d’une des rares lettres originales conservées à la Bibliothèque de Tours, transmise par Claude à une de ses cousines, ursuline, laquelle à son tour l’adressera à dom Martène, le plus fidèle disciple de Claude Martin, qui l’insérera enfin dans la Vie de son maître (La Vie du vénérable Père Dom Claude Martin […], Tours, P. Masson, 1697).
-
[63]
Voir la note précédente.
-
[64]
À son fils, 1er septembre 1643.
-
[65]
Ibid.
-
[66]
À son fils, 30 août 1644.
-
[67]
Au même, 16 septembre 1661.
-
[68]
Au même, 1er septembre 1643.
-
[69]
Au même, 16 septembre 1663.
-
[70]
Au même, 22 octobre 1649.
-
[71]
Au même, 21 octobre 1669.
-
[72]
Aujourd’hui disparues. Voir à propos de Jean de Bernières, I. Landy-Houillon, « La présence de Jean de Bernières dans les écrits de Marie de l’Incarnation et de son fils Claude Martin », Actes du colloque du Centre d’Études Théologiques de Caen (juin 2009), à paraître.
-
[73]
À son fils, 16 septembre 1661.
-
[74]
Au même, été 1647.
-
[75]
Au même, 23 octobre 1649.
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[76]
Au même, 3 octobre 1645.
-
[77]
Ibid.
-
[78]
Au même, 20 et 30 août 1644 ; 3 octobre 1645.
-
[79]
Au même, 16 septembre 1661.
-
[80]
Au même, octobre-novembre 1651.
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[81]
Au même, 26 octobre 1653
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[82]
Au même, 11 octobre 1646.
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[83]
Au même, 22 octobre 1649.
-
[84]
Au même, juillet/octobre 1667. Nous conservons le texte original.
-
[85]
Voir à ce sujet la Préface de La Vie de la vénérable mère Marie de l’Incarnation, p. XXI, et la lettre de Marie à son fils du 9 août 1654.
-
[86]
« Relation de 1654 », Écrits spirituels et historiques, t. II, p. 160-I61.
-
[87]
« Relation de 1633 », ibid., t. I, p. 284.
-
[88]
Les Lettres portugaises (1669) et les premières lettres de Mme de Sévigné à sa fille (février-mars 1671) useront en effet à peu près des mêmes tours.
-
[89]
« Il me semble que depuis qu’on est arrivé à l’âge de cinquante ans, il faut croire que la vie ne sera plus guère longue » (À son fils, 17 mai 1650).
-
[90]
Au même, 4 septembre 1641.
-
[91]
Au même, 16 août 1664.
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[92]
Au même, 9 août 1654.
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[93]
Au même, 16 août 1664.
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[94]
Au même, 4 septembre 1641.
-
[95]
Au même, 30 juillet 1669.
-
[96]
Ibid.
-
[97]
Cl. Martin, La Vie de la vénérable mère Marie de l’Incarnation, p. 171.
-
[98]
À son fils, 30 août 1650.
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[99]
Au même, septembre 1671.
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[100]
Au même, 12 juillet 1663.
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[101]
Au même, 18 octobre 1663.
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[102]
Au même, 13 septembre 1651.
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[103]
Au même, 30 août 1650
-
[104]
Lettre du P. Dablon au P. Jean Pinette, été 1672, Correspondance, p. 1027.
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[105]
À son fils, 30 juillet 1669.
-
[106]
« Relation de 1654 », Écrits spirituels et historiques, t. II, p. 161.
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[107]
À son fils, été 1647.
-
[108]
Au même, 25 septembre 1670.
-
[109]
Cl. Martin, La Vie de la vénérable mère Marie de l’Incarnation, p. 703.
-
[110]
Ibid., p. 757.
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[111]
Ibid., p. 174.
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[112]
Ibid., Préface, p. X.
-
[113]
Ibid., p. 732.
1À Québec, sur la façade de l’Assemblée Nationale, auprès de la statue de Champlain, fondateur en 1608 de la Nouvelle-France, se dresse celle de Marie Guyart de l’Incarnation (1599-1672), fondatrice des Ursulines de Québec et de la première école pour filles en Amérique du Nord, établissement toujours en activité et qui regroupe actuellement plus de 500 élèves. Reconnue comme « Mère de la Nouvelle-France » à la fin du XIXe siècle par le Parlement de Québec qui a aussi donné son nom à la tour Marie Guyart, siège du Ministère de l’Éducation, elle est redécouverte en France par l’abbé Bremond qui lui consacre en 1922 la moitié du tome VI de son Histoire littéraire du sentiment religieux en France [1], tandis qu’au Canada comme en France ses œuvres spirituelles et historiques font l’objet dès 1929 de travaux divers et de publications [2], dont l’édition critique de la correspondance parue en 1971 à Solesmes [3].
2Par la richesse de sa personnalité, de sa vie intérieure et de son expérience dans les domaines les plus variés, celle que Bossuet appellera dans son Instruction sur les états d’oraison la « Thérèse de nos jours et du Nouveau Monde [4] » continue d’être interrogée, au sein du large éventail des sciences humaines, par la théologie et les sciences religieuses bien sûr, mais aussi par la psychanalyse, les sciences de l’éducation, l’histoire, l’anthropologie, l’ethnographie, les études féministes, la linguistique et la littérature ; elle a même suscité, outre une production romanesque [5] ou théâtrale de qualité [6], d’improbables contributions comme celle de Danièle Sallenave, auteur d’un récit, L’Amazone du Grand Dieu [7], qui s’attache à cette femme d’exception « rapidement reconnue comme la figure dont avait besoin la Contre-Réforme dans sa stratégie de reconquête ».
3Marie de l’Incarnation, qui se reconnaissait elle-même « une grande facilité à s’énoncer », a beaucoup écrit [8] ; cependant, la correspondance qu’elle échangea avec son fils Claude Martin bénédictin – 109 missives conservées, envoyées de 1640 à 1672, mais aucune lettre de Claude à sa mère n’a été retrouvée – revêt un caractère exceptionnel et pourrait assez bien illustrer, semble-t-il et malgré l’anachronisme, l’expression hugolienne « au bruit de tous les infinis [9] ». À travers le « destin transocéanique » de Marie de l’Incarnation en effet, la multiplication insolite de l’infini invite à une problématique de l’extrême épistolaire aux confins de la terre et de l’âme, propre à éclairer d’une part le fonctionnement « à la limite » des deux paramètres fondateurs de tout échange épistolaire, à savoir l’infini réel ou rêvé de la double horizontalité spatiale et temporelle sur laquelle se déploie la correspondance, et d’autre part la verticalité infinie, inhérente à une relation située d’emblée sub specie æternitatis, sans retrouvailles escomptées, pour les deux partenaires, autres que dans le sein de Dieu.
4Après quelques rappels concernant la biographie des correspondants et l’aventure éditoriale de leurs lettres, on étudiera donc les diverses composantes de l’épistolaire, l’absence, l’espace et le temps, puis, au sein de l’interaction verbale, ce qu’on a pu appeler le « dialogue des vocations » qui sous-tend et structure dans un mouvement ascensionnel l’ensemble de cette correspondance dont il ne reste qu’une seule voix. Cela ne nous empêchera cependant pas de poser en conclusion la question d’une réponse de Claude, tardive certes mais qui justifierait le bel hommage rendu un jour à ce couple mémorable : « Heureux le fils qui nous a valu une telle mère [10]. »
5Marie Guyart, fille de boulanger, est née à Tours le 28 octobre 1599 ; mariée à dix-sept ans, mère à dix-huit, veuve à dix-neuf, elle liquide d’abord l’atelier de broderie de son mari en faillite, puis travaille pour le compte de son beau-frère au sein d’une importante entreprise de transports fluviaux et terrestres qui, avec l’arrivage, entre autres marchandises, des fourrures de castor canadien, lui fait déjà humer l’air du Nouveau Monde. En même temps, très tôt attirée par la vie religieuse, elle connaît trois importantes expériences mystiques en 1620, puis en 1625 et 1627, qui, avec le soutien ferme et prudent de ses directeurs, la confortent dans son projet de quitter le siècle pour le cloître dès qu’elle le pourra, c’est-à-dire dès qu’elle aura trouvé une solution pour l’avenir de son fils. Femme forte, héroïque comme on sait l’être à l’époque de Descartes et de Corneille, elle mène déjà une vie qu’elle appellera plus tard « mixte », active et contemplative, Marthe et Marie à la fois : « il semblait qu’elle eût deux âmes [11] ». C’est ainsi qu’en janvier 1631, après avoir confié à sa sœur aînée son fils Claude qui n’a pas douze ans, elle se décide à entrer au monastère des Ursulines, ordre nouvellement implanté en France, particulièrement chargé de l’éducation des filles.
6Là se situe la scène de l’abandon, les cris du « rendez-moi ma mère [12] » de l’enfant pendu aux grilles du couvent, double et ineffaçable traumatisme dont le rappel lancinant ne cesse de ponctuer le double parcours de leur œuvre jumelle. Pourtant, quelques années plus tard, le 4 mai 1639, au terme d’une rocambolesque traversée de la France [13], Marie, abandonnant en quelque sorte une seconde fois son fils, s’embarque à Dieppe pour Québec où elle fonde le premier établissement destiné à l’évangélisation et l’éducation de jeunes « sauvagesses » et de quelques Françaises, tâches pour lesquelles elle apprend avec une facilité déconcertante l’algonquin, le montagnais et le huron, avant de composer dans ces mêmes langues catéchismes et dictionnaires bilingues, malheureusement disparus au XIXe siècle. Elle sera en même temps administratrice, gestionnaire, rédactrice des Constitutions de son ordre, brodeuse, architecte, épistolière par amour et par nécessité sans compter les obligations de sa vie cloîtrée et sans interrompre pour autant jusqu’à son dernier souffle le dialogue avec Dieu dans un perpétuel « état d’oraison » malgré les Iroquois et les loups à la porte.
7Par delà l’océan, son fils Claude aura vécu une adolescence difficile : après son passage dans divers collèges jésuites de l’Ouest (c’est à Orléans où il achève sa philosophie qu’il verra sa mère longuement pour la dernière fois), il connaît un moment de flottement avant d’entrer chez les mauristes où il commence à vingt-deux ans l’itinéraire d’un des plus grands noms de la congrégation. Il passera plus de quinze ans à Saint-Germain-des-Prés dont il aurait été Supérieur général en 1687 sans le veto royal pour cause, essentiellement, de sympathies jansénistes. Retiré à Marmoutiers en 1690, il y meurt en 1696 [14]. Outre son implication dans la controverse sur la prière avec le très estimé Pierre Nicole ou dans la querelle des études monastiques aux côtés de Mabillon, Claude Martin sera aussi le maître d’œuvre de l’édition des Pères grecs et surtout de saint Augustin, qui lui donne l’occasion de croiser le grand Arnauld. Mais il aura surtout révélé au monde les écrits de sa mère.
8En effet Claude, dépossédé physiquement de sa mère, a toujours souhaité s’approprier au moins celles de ses productions qui parviendraient jusqu’à lui. C’est pourquoi, dès la mort de Marie de l’Incarnation, il a entrepris d’écrire une Vie de sa mère qui serait en même temps une façon de rendre publiques « des choses si sublimes et si édifiantes » :
Outre la relation de sa vie qu’elle a faite elle-même jusqu’à l’année 1654, je me servirai des lettres qu’elle m’a écrites d’une année à l’autre […] durant plus de trente ans qu’elle a habité le Canada. [15]
10Ainsi trouve-t-on dans La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation les fragments de quelque cent lettres prélevées, pour la plupart du moins, sur l’important ensemble que Claude publierait plus tard en deux volumes, « Lettres historiques » / « Lettres spirituelles [16] », découpage souvent périlleux pour ce qui ne représente qu’une toute petite partie de l’énorme correspondance assumée par Marie tout au long de son existence [17]. Là aussi, et pour nombre d’extraits ne figurant pas dans l’édition des Lettres, la Vie demeure la seule source disponible. La suite de cette étude nous donnera l’occasion d’entendre à nouveau la voix du fils, sinon dans ses lettres disparues, probablement brûlées, du moins dans cet extraordinaire commentaire greffé par Claude autour du texte maternel (la Relation de 1654) pour faire de l’ensemble un monument de l’hagiographie spirituelle au XVIIe siècle [18]. De façon significative, à la fin de la longue préface et en guise d’ouverture à ce qui suit, Claude avait placé deux lettres de sa mère, datées du 9 août et 27 septembre 1654, qui avaient accompagné l’envoi de la Relation.
11Il s’agit maintenant de montrer comment le dispositif épistolaire de Marie de l’Incarnation s’inscrit effectivement à l’intérieur du triangle symbolique évoqué plus haut, tant au plan de la distribution des rôles qu’au plan de la figuration de l’espace et du temps. Entre la mère et le fils, entre la France et la Nouvelle-France, la divinité s’impose en effet comme le Tiers inclus, remodelant le paysage épistolaire aux dimensions de son éternité.
12Si l’on rappelle ici tout d’abord la définition traditionnelle de l’épistolaire, « conversation entre absents », c’est que l’absence qui fonde l’épistolaire revêt chez Marie de l’Incarnation une signification particulière. On sait en effet qu’il ne s’agit jamais que d’« imiter les conversations », c’est-à-dire jouer avec le mirage d’une fusion fictive qui ne débouche que sur du vide : disposition originale de deux absences alternées, deux présents différés et le décalage constant de deux protagonistes qui ne partagent jamais ni le même temps ni le même espace, chacun relevant à son tour et l’un pour l’autre du même statut déceptif. Alors surgit le désir douloureux et nostalgique du retour en arrière qui signifierait aussi le retour de la présence échappée : « Hélas, quand reviendra-t-il ce temps [19] ? »
13Il en va tout autrement de Marie de l’Incarnation. Chez elle l’absence n’est que l’envers négatif mais comme désactivé d’une décision prégnante, pleinement et irrévocablement assumée : partir. À son premier directeur dont elle croit, à tort d’ailleurs, qu’il va gagner le Canada « par la première flotte », elle écrit de son couvent de Tours, en avril 1635 : « Quoi, vous partez, mon très cher Père, et vous partez sans nous ? » ; « Bon Dieu ! cela est-il vrai ? S’il est vrai, de grâce, ne me laissez pas, et menez moi avec vous [20]. » Partir, c’est se mettre à part, se séparer, se détacher, pour elle ce sera s’éloigner en direction de ce « bout du monde qui a nom Canada » où « ceux qui ont l’extrême désir de la vie apostolique pourront se livrer à l’entreprise la plus grande, la plus glorieuse et la plus heureuse de toutes les fonctions de la vie chrétienne ». En attendant,
quand on entend proférer le mot de Canada, on croit qu’il n’a été inventé que pour faire peur aux enfants […] ; j’envisage tous les travaux, tant de la mer que du pays, ce que c’est d’habiter avec des barbares, le danger qu’il y a de mourir de faim ou de froid […], enfin tout ce qu’il y a d’affreux dans ce dessein […]. [21]
15Pourtant, écrit-elle encore, « depuis le temps que j’ai ce désir, je n’y ai point vu d’altération pour me faire retourner en arrière [22] ». La nostalgie en effet tient peu de place dans les lettres et Marie sera une voyageuse sans retour : c’est le sens de la formule d’envoi adressée à un de ses frères au moment de s’embarquer, formule définitive, fût-elle modulée par une reprise à la tonalité pour nous élégiaque : « Adieu donc, mon très cher frère, adieu pour jamais [23] » ; à Claude cependant elle saura dire autrement la non-nostalgie par le détournement de l’absence : « Adieu, mais sans adieu ; visitons-nous en Jésus [24]. » Entre syllepse et paradoxe, s’il y a bien adieu, s’il y a bien absence, s’il n’y a pas de retour, la résolution s’opère par un recours d’un autre ordre, au sens pascalien du terme :
Il y a longtemps, mon très cher fils – écrit-elle le 18 septembre 1647 – que je me suis résolue aux desseins que la divine bonté a sur moi et sur vous, lesquels sont dans des privations de ne nous voir et familiariser en cette vie […] qu’en nous perdant nous-mêmes […] [mais] nous aurons l’éternité pour nous voir et nous entretenir.
17Se voir, s’entretenir, ce qu’on appelle encore étymologiquement « conversation » dans le premier XVIIe siècle, se trouve projeté non dans le souvenir d’un passé révolu mais dans l’appréhension d’un avenir divin, non dans la recherche du temps perdu mais dans l’attente de l’intimité retrouvée dans le sein de Dieu. À moins que la vie d’ici-bas ne préfigure dans des moments d’exception les attentes de la vie future :
Vous me demandez si nous nous verrons encore en ce monde ? Je ne le sais pas […] mais je vous vois tous les jours en Lui et lorsque je suis à matines le soir, je pense que vous y êtes aussi, car nous sommes au chœur jusqu’à huit heures et demie ou environ, et comme vous avez le jour cinq heures plus tôt que nous, il semble que nous nous trouvons ensemble à chanter les louanges de Dieu. [25]
19Étrange rendez-vous, plus exotique et plus céleste encore que celui de Mme de Sévigné et de sa fille regardant la même lune du fond de leurs provinces, mais semblablement scellé aux antipodes du monde par le dialogue épistolaire [26].
20Il ne faudrait pourtant pas méconnaître, sous la sérénité d’un héroïsme maîtrisé, les failles de la tendresse ni les aveux involontaires de celle qui est aussi une mater dolorosa :
Se voir en ce monde ? Dieu seul le sait, laissons-le faire. Je ne le voudrais pas moins que vous, mais je ne veux rien vouloir qu’en Lui et pour Lui. [27]
22C’est pourquoi, à défaut de retrouvailles effectives, des truchements imprévus peuvent constituer de précieux palliatifs :
Vous m’obligeriez de m’envoyer un de vos sermons par écrit. N’ai-je pas droit d’exiger cela de vous, puisque vous pouvez juger que j’aurai une sensible consolation de voir au moins ce que je ne puis entendre ? [28]
24Il s’agit ici moins de voir que de lire un texte rajouté au courrier, mais ailleurs c’est bien de la vue d’un tiers que peut naître le mirage d’une présence aimée : si Marie regrette que sa nièce, ursuline à Tours, n’ait pu la rejoindre au Canada, c’est que, écrit-elle à Claude, « étant éloignée de vous et hors des occasions de nous voir, elle m’eût été un autre vous-même, puisque vous êtes les deux personnes pour lesquelles mon esprit fait le plus souvent des voyages en France [29] » – retour fantasmé dont elle peut aussi charger « un honnête jeune homme qui s’en retourne en France » :
Vous me dites que vous n’avez vu personne qui m’ait parlé depuis que je suis en ce pays. J’ai fait venir celui-ci, et j’ai levé mon voile devant lui afin qu’il vous puisse dire qu’il m’a vue et qu’il m’a parlé […]. Il m’a promis de vous aller voir et de vous dire de mes nouvelles de vive voix. [30]
26Innocente transgression de la règle qui, là encore, pallie le manque et apprivoise le désir, à jamais insatisfait, qu’il faut bien pour une fois appeler « nostalgique », d’un retour et d’un revoir.
27C’est donc sur l’absence première que s’articule, à une échelle hors de toute proportion, la double expérience de l’espace et du temps chez Marie de l’Incarnation, dans la perspective de l’horizontalité infiniment reculée qui se découvre devant la passagère du Saint-Joseph quittant le port de Dieppe. Ainsi voit-on se parachever les grandes lignes de cette géométrie spirituelle dont l’évocation entre terre, mer et ciel, ouvre symboliquement la première lettre conservée de cette correspondance de terrienne, datée de 1626 et adressée à son premier directeur :
Ô largeur, ô longueur, ô profondeur, ô hauteur infinie, immense, incompréhensible, ineffable, adorable ! [31]
29– espace grand ouvert du divin qui ne deviendra marin que treize ans plus tard, mais dont la petite ursuline cloîtrée a longtemps rêvé dans l’exaltation de l’élan missionnaire qui parvient jusqu’à elle. Elle écrira plus tard :
Je me promenais en esprit dans ces grandes vastitudes, mon corps était dans notre monastère, mais mon esprit qui était lié à l’Esprit de Jésus, ne pouvait être enfermé. Cet Esprit me portait en esprit dans les Indes, au Japon, dans l’Amérique, dans l’Orient, dans l’Occident, dans les parties du Canada et dans les Hurons et dans toute la terre habitable où il y avait des âmes raisonnables que je voyais toutes appartenir à Jésus-Christ. [32]
31Pourtant, curieusement et par un paradoxe apparent (« une religieuse doit avoir d’autres sentiments que de quitter la clôture pour passer tant de provinces et tant de mers afin de faire des fonctions apostoliques dans un pays sauvage où il n’y a pas même alors de l’assurance pour les hommes [33] »), si l’on excepte les premières requêtes où transparaît effectivement cette aspiration à « voler avec les aigles du Roi des Saints pour proclamer le royaume de Dieu aux confins de l’Univers [34] », et mise à part l’unique et courte lettre écrite « de dessus la mer [35] », lettre qui, outre « le mal de la mer », mentionne dans les orages et les tempêtes le trouble des éléments déchaînés (et encore l’essentiel de ce qu’on sait de cette traversée apocalyptique avec les corsaires et les « glaçons » nous est-il connu non par Marie mais par une longue lettre d’une de ses compagnes [36]), en dehors donc de ces deux points, on constate que la présence épistolaire de l’espace chez Marie de l’Incarnation va se rétrécissant au fur et à mesure que l’expérience la fait passer du rêve à la réalité.
32Sur l’océan, inépuisable réservoir de métaphores, vaste trait d’union entre l’Ancien et le Nouveau Monde, le vaisseau mal clos n’expose encore que trop aux périls de la mer l’homo viator qui lui a été confié, tandis que l’étroite chaloupe qui relaie le vaisseau à l’entrée du Saint-Laurent encore « grand comme une mer [37] » achemine les religieuses jusqu’à la « petite cabane [38] », dérisoire premier havre au bord de la grève, en attendant le monastère définitif « proche le fort de Québec [39] » qui, avec sa clôture, se referme enfin sur l’exiguïté du parloir à double grille, substitut terrien du vaisseau, comme lui lieu de l’entre-deux, lieu de passage entre le monde apostolique et le monde sauvage, lieu de l’écoute et d’abord de l’écoute des Indiens, parents d’élèves et autres :
Il en est arrivé d’une nation fort éloignée, qui nous voyant étaient en peine de notre façon de vie. Ils me demandèrent pourquoi nous avions la tête enveloppée, et pourquoi on ne nous voyait que par des trous, c’est ainsi qu’ils appelaient notre grille. Je leur dis que les Vierges de notre pays étaient ainsi, et qu’on ne les voyait point autrement. [40]
34Mais c’est aussi au parloir que les jésuites viennent rendre compte de leurs missions lointaines dont le récit alimentera les lettres de Marie de l’Incarnation, par exemple la « relation du martyre de Jean de Brébeuf par les Hiroquois » dans les contrées du sud, près du lac Huron [41]. Dans tous les cas l’expérience épistolaire de l’espace se réduit à n’être plus pour Marie qu’indirecte, à nouveau « rapportée », à peine moins fantasmée qu’elle ne l’était dans le cloître tourangeau. À cela s’ajoute une profonde indifférence aux lieux qui se fait jour tôt dans la correspondance : « une religieuse qui fait partout son devoir est bien partout puisque l’objet de ses affections est en tout lieu », écrivait-elle en abordant « ce pays de croix et de pauvreté [42] » : c’est le sens de la formule « tout m’est égal » qui, aux deux bouts de la correspondance (1639-1668), dénote non pas un stoïcisme mêlé d’indifférence mais au contraire l’engagement profond d’un être que « l’égalité d’esprit » rend étranger aux frontières et aux limites : « Dieu est mon tout et ma vie en quelque part que je puisse être [43] » ; « je roule dans sa volonté, je suis contente, et quelque croix qu’il m’arrive, je ne veux point sortir de ce centre [44] », qui est partout et la circonférence nulle part, pourrait-on ajouter.
35Quant à l’expérience épistolaire du temps chez Marie de l’Incarnation, elle peut s’appréhender en des termes voisins de celle de l’espace, comme suffit à le suggérer le parallélisme des deux tours « dans les distances des lieux » / « dans les distances des temps », où les pluriels, bibliques peut-être, augmentatifs et intensifs sûrement, soulignent l’étirement conjoint de l’espace et du temps, de même que les trois mois de l’interminable traversée rendent compte des deux mille lieues imposées par les tempêtes « au lieu des treize cents lieues que nous avions à faire [45] ». De plus, à l’infini des mers et des contrées correspond un modèle linéaire de la représentation du temps propre à intégrer l’épisode missionnaire dans l’histoire totale de l’aventure humaine : entre la « primitive Église » et l’attente de la Rédemption qui confirmera le rachat « de ces pauvres âmes lavées dans le sang du Christ », la « Jérusalem des terres froides » nouvellement fondée, héritière de la Jérusalem biblique et préfiguration de la Jérusalem céleste, retrouve le zèle et l’ardeur des premiers chrétiens auprès des « hommes apostoliques » que sont les missionnaires : « Il semble que l’empire que les démons s’étaient érigé depuis tant de siècles pour combattre celui de Jésus-Christ soit apparemment détruit. » C’est ainsi que la Nouvelle-France pourra désormais pleinement justifier de l’appellation « Paradis terrestre des Hurons et du Canada », non pas Canada mais Canaan, « terre de promission [46] ».
36De cette image eschatologique qui, « au grand siècle des âmes », n’est pas propre à Marie de l’Incarnation se dégage une utopie des temps, parallèle à l’utopie des lieux, rêvée et redoutée qui, en dépit de sa disproportion, là encore rejoint l’univers épistolaire de Marie en trois façons : d’abord parce que cette projection chronologique apparaît de façon récurrente surtout au début de la correspondance quand il s’agit de situer l’œuvre des nouveaux croisés dans la tradition apostolique ; ensuite parce que ce présent d’un renouveau chrétien « exilé de son principe premier et dernier [47] » donne pour une large part sa signification à l’œuvre de Marie en la plaçant une fois encore dans une perspective divine : « Il ne faut pas penser de pouvoir vivre dans cette nouvelle terre de bénédiction qu’avec un esprit nouveau […] qui par une espèce de nécessité l’élève à une sainteté éminente [48] » ; enfin et surtout parce que cette appréhension eschatologique du temps interfère dans les lettres avec une autre représentation de la durée, non plus linéaire mais cyclique, itérative, constitutive d’un rythme d’amplitude variable, liturgique ou épistolaire, qui scande le temps vécu de Marie de l’Incarnation.
37La consignation du rythme épistolaire constitue, on le sait, l’ouverture habituelle, presque rituelle de la lettre, mais elle revêt ici une importance particulière due aux circonstances exceptionnelles qu’imposent les contraintes de la mer à tout ce qui touche l’écriture, l’envoi et la réception du courrier. Seule conjuration de la distance, le vaisseau, substitut métonymique du message qu’il transporte, présente l’image cent fois retouchée de l’inquiétude épistolaire. Il y a le vaisseau en attente sur le port, qui lève l’ancre et presse le courrier, celui qui jette l’ancre en trompant l’espérance :
N’est-ce pas une grande peine de voir quatre vaisseaux arrivés il y a assez longtemps et deux autres qui viennent d’arriver sans rien apprendre de la personne qui m’est la plus chère dans le monde ? [49]
39Il y a le vaisseau qui tarde et qu’on croyait perdu, celui que le froid force à hiberner sur place avec ses cordages gelés, celui qui disparaît dans la tempête qui « le met sur le côté » avec « le courrier, les vivres et toutes les nécessités, tant de notre communauté que de nos séminaristes et tout ce qui appartient aux Révérends Pères et aux Mères de l’Hôpital [50] ». De plus et c’est l’essentiel, les conditions de navigation imposent une extrême lenteur à l’échange épistolaire. Si la masse du courrier local, administratif ou commercial se règle dans la hâte (« je vous prie d’excuser ce brouillon dans la presse de plus de deux cents lettres », « j’ai la main si lasse qu’à peine la puis-je conduire [51] »), c’est au contraire sur un rythme démultiplié que se déploie l’échange épistolaire avec « ceux qui sont restés là-bas » : « si je ne vous puis répondre en tout ce que vous désirez de moi à cause du prompt départ des vaisseaux, je le ferai par avance à mon loisir pour l’année prochaine » ; ou, à l’inverse :
Vous vous plaignez que vous n’avez pas reçu les amples lettres que je vous écrivais l’an passé. Mille lieues de mer et plus sont sujettes aux hasards et tous les ans ce qu’on nous apporte et ce qui repasse en France court le même risque. [52]
41C’est donc un dialogue au ralenti qui se met en place sur l’axe de la longue durée, isolant, par delà l’espace et le temps, le trop rare message : « Tout ce que vous m’écrivîtes l’an passé me fut très agréable et tout plein de consolation, en sorte que je lis votre lettre de temps en temps pour m’en rafraîchir la mémoire [53] », message qui acquiert un poids et une solennité qu’on pourrait croire teintée de mélancolie : « Voilà que les navires vont partir, adieu pour cette année [54]. »
42D’où l’insistance pour l’épistolière à énoncer clairement les marques de l’interlocution qui articulent de loin en loin les fragments de ce discours éclaté et signalent implicitement la place et la marque de l’interlocuteur absent ; témoin le puisque en tête de phrase (« Puisque vous désirez savoir […] je vous dirai que […] ») qui embraie directement sur le présupposé d’une demande antérieurement formulée ; de même avec les tours « mais, dites-vous », « vous dites vrai que », sans parler des fréquentes interrogations indirectes : « vous me demandez si », parfois développées : « il me semble que je vous vois dans l’impatience de savoir si », ou tronquées : « Si notre communauté est grande ? […] Si nos sauvages sont si parfaits comme je vous le dis [55] ? », procédé cher aux épistoliers qui miment ainsi la rapidité de l’échange oral et annoncent la réponse : « Voilà ce que vous désirez savoir sur ce point. » Ainsi pourrait-on dire que les lettres de Marie de l’Incarnation fonctionnent dans la très grande majorité des cas comme des réponses sinon aux objections, du moins aux questions posées par l’interlocuteur, ce qui ne signifie pas pour autant que l’on trouve nécessairement dans chaque lettre des séquences de ce type, mais seulement, comme l’écrira plus tard Claude Martin, qu’« elle n’a rien écrit de son propre mouvement [56] » et que l’écriture a toujours obéi chez elle à une sollicitation extérieure à laquelle elle a répondu avec une généreuse profusion.
43Or si « le véritable correspondant est celui qui ne disparaît pas avec les réponses [57] », on peut affirmer que Claude Martin non seulement ne disparaît pas dans les réponses, mais qu’il joue le rôle moteur essentiel dans la production épistolaire de sa mère. C’est ce que permet de mieux cerner la notion d’interaction verbale qui, en dehors des simples marques d’interlocution, désigne plus largement le jeu des forces qu’exercent l’un sur l’autre les deux participants de l’échange, leurs enjeux mutuels et les visées respectives, affirmées ou cachées, de leur correspondance. Il est évident que cette interaction se laisse diversement percevoir selon la teneur dialogale inhérente à tel ou tel contenu et on ne sera pas étonné par exemple qu’un « petit abrégé » sur la guerre contre la Nation du Chat [58] ait toute chance de moins solliciter le partenaire, fût-il avide d’exotisme, qu’une requête ou une injonction qui l’impliquent directement : « Quoi, vous me faites des reproches d’affection que je ne puis souffrir sans une répartie qui y corresponde [59]. » Mais c’est dans la perspective d’un dessein plus essentiel que Claude Martin, cet « autre » à la fois si proche et si lointain, se voit très vite investi par l’écriture maternelle, guidé, accompagné, entraîné dans un patient cheminement spirituel avant d’être aspiré dans le grand tourbillon de Dieu, figure de l’Altérité absolue, qui ne quitte pas la scène épistolaire. C’est donc délibérément que nous laisserons de côté ici une autre image de l’altérité, celle du sauvage, objet attendu de la curiosité de Claude (comme de toute littérature missionnaire), pour ne retenir, à travers les lettres de Marie de l’Incarnation à son fils, que la réalisation épistolaire du vœu maternel : « je vous avais donné à Lui avant que vous fussiez né », appuyé par la parole divine : « À peine aviez-vous atteint l’âge de treize ans qu’Il me promit qu’Il aurait soin de vous [60]. » C’est d’ailleurs à Claude lui-même qu’elle demandera, quatre ans avant sa mort, de dresser son propre bilan :
Je me suis laissée aller à traiter avec notre divin Sauveur sur la fidélité de ses promesses : sa Bonté m’avait fait l’honneur et la miséricorde de me promettre en vous quittant pour son amour […] qu’elle aurait soin de vous. Voyez, mon très cher fils, si vous n’expérimentez pas la vérité et l’effet de ses divines promesses. [61]
45Ce que nous pouvons en apprendre par la correspondance de Marie, c’est-à-dire la trajectoire de son fils telle qu’elle l’a perçue non seulement à travers les lettres de Claude mais aussi à la lumière de sa propre expérience, permet de dégager un double mouvement : d’une part, une progression constante depuis l’adolescent indécis, jaloux de Dieu qui lui vole sa mère, jusqu’au grand bénédictin devenu l’égal en « sainteté » de l’ursuline canadienne ; d’autre part et parallèlement, la persistance d’un regard rétrospectif plongeant dans le passé tourangeau et butant sur l’évocation lancinante et répétée de la scène de l’abandon de l’enfant, irréparable déchirure pour les deux protagonistes. Fierté d’un côté, culpabilité de l’autre, entre ces deux pôles de tension réciproque s’inscrit un parcours original dont on retiendra ici les principales étapes.
46Il y a d’abord la première lettre de Marie à Claude (10 septembre 1640), où percent le mécontentement et l’inquiétude. Comme si la semonce maternelle résonnait encore désagréablement aux oreilles de l’enfant admonesté, cette courte lettre ne figurera pas dans la Vie imprimée de Claude Martin [62] :
Avez-vous eu le courage de laisser partir la flotte sans me donner un mot de consolation par une lettre de votre part ? D’autres l’ont fait sans lesquels je n’eusse point su de vos nouvelles. Je ne dis pas ce qu’on me mande à votre sujet.
48Cette dernière prétérition sera plus tard éclaircie par dom Martène [63]. Claude en effet avait demandé son admission chez les jésuites qui l’avaient éconduit ; « il n’osa pas en donner avis à sa mère mais elle l’ayant appris d’ailleurs lui écrivit cette lettre qui n’a pas été intégrée avec les autres ». L’heure est en effet à l’injonction adressée à celui qui n’a pas encore trouvé sa voie :
Il est temps que vous vous connaissiez, vous êtes assez âgé pour cela [il a vingt ans] ; l’on vous a aidé puissamment durant votre cours ; maintenant c’est à vous de vous pousser vous-même. Cela serait trop honteux à un jeune homme bien fait de n’avoir point de cœur. Tirez-vous donc de la pusillanimité, mon cher fils, et estimez que vous n’aurez rien en ce monde sans peine.
50L’année suivante presque jour pour jour, la lettre du 4 septembre 1641 est d’une tout autre tonalité ; après l’angoisse (« j’ai été toute cette année dans de grandes croix pour vous, mon esprit envisageant les écueils où vous pouviez tomber »), c’est l’expression du soulagement et la « consolation », la joie de savoir enfin Claude admis au noviciat dans l’ordre de Saint-Benoît, avec la reprise du leitmotiv « vous n’étiez pas au monde que je souhaitais cette grâce pour vous » et le souvenir de la déception devant le peu de réceptivité de Claude (« comme il faut que les vocations viennent du Ciel, je ne vous en dis mot, ne voulant pas mettre du mien en ce qui appartient à Dieu seul »), tandis que la lettre s’achève avec la mention des progrès du christianisme au Canada, la soif partagée du martyre, et enfin l’amorce de confidences futures « que je ne puis pas coucher sur ce papier, bien vous [les] dirai-je à l’oreille » [sic]. La longueur relative de l’ensemble (« je ne me lasserais point de vous entretenir ») et l’exultation de la servante de Dieu qui a enfin trouvé en son fils un autre serviteur de Dieu dont elle parle « sans cesse à Jésus, Marie et Joseph », attestent suffisamment que le Seigneur n’a pas trahi sa promesse, ni la confiance qu’on lui avait portée.
51D’ores et déjà Claude est dans la bonne voie, même si percent de temps à autre les scrupules d’un jeune moine encore hésitant et fragile ; car le fils de Marie de l’Incarnation n’a pas eu la chance de sa mère de connaître très tôt les desseins de Dieu à son égard : « il me parait que dès mon enfance Dieu me disposait à la grâce que je possède à présent » (1er septembre 1643), « vous n’aviez qu’un an, ce me semble, qu’Il commença de m’attirer à cette façon d’oraison » (été 1647). Claude Martin au contraire a connu la « vie un peu trop libre » d’une adolescence délaissée, rétive aux exhortations d’une religieuse plus dévouée à Dieu qu’à son enfant : « Pensez-vous que je ne visse pas bien que lorsque je vous parlais de Dieu […] votre cœur était fermé à mes paroles [64] ? » À Jumièges encore où il arrive après trois années de noviciat, Claude s’inquiète « de ne pas brûler » mais, lui répond sa mère, « il est bon que l’amour nous rende son feu insensible afin que nous brûlions plus purement [65] ». Claude a besoin d’être encouragé :
Courez sans relâche, mon fils, pour arriver au Roi des Saints […]. Les Saints ne le sont que dans cette opiniâtreté qui leur fait tout oublier […] pour s’attacher à ce divin prototype. [66]
53En fait toute stratégie de persuasion se résume à l’argument premier, la prédestination du destin de Claude : « vous n’aviez pas encore vu le jour que mon ambition pour vous était que vous fussiez serviteur de Jésus-Christ [67] », prédétermination qui manifeste en quelque sorte aussi la complicité de Marie et de Dieu : « J’avais toujours dans le cœur l’instinct qui me disait que Dieu avait une grâce à vous faire [68] ». Double et souveraine garantie donc, propre à écarter la redoutable tentation du doute. Confirmation en est donnée par l’accession de Claude au sacerdoce (1648) qui lui offre entre autres la charge de la prédication, source de contentement intérieur, mais surtout occasion d’échanger avec sa mère ses propres textes contre les instructions qu’il en recevait :
Vous m’avez beaucoup obligée de m’envoyer celle que vous avez faite des grandeurs de Jésus […] ; je vous laisse à penser si mon esprit n’est pas content quand je reçois quelque chose de semblable de mon fils. La pièce est belle […], j’y remarque un grand travail, mais la douceur d’esprit s’y trouve jointe. [69]
55Dans la ligne des prédications de Claude s’inscrivent également les véritables « entretiens spirituels » que constituent certaines lettres de Marie en réponse à des difficultés théologiques ou des questions posées par le jeune bénédictin : votre lettre « me donne matière [de vous écrire] bien plus amplement que je ne me l’étais proposé […] ; commençons donc [70] ». Suit alors un long exposé, ardu mais fortement articulé, sur les diverses dispositions de l’âme et les différents états de la vie spirituelle : « il ne vous faut pas étonner de », « remarquez que », « vous observerez encore que », « ce que j’appelle », « c’est lorsque », etc. Mais l’interlocuteur est à la hauteur des matières traitées et de l’enseignement qui lui est dispensé : « en vérité je vous admire des remarques que vous faites sur ce que je vous écris. Soyez persuadé que je ne m’arrête jamais à faire toutes ces distinctions » ; non seulement Claude a le don de « mettre au jour les lumières cachées dans l’Évangile d’une manière claire et nullement embrouillée [71] », mais, mystique comme sa mère quoique différemment, nourri de la conversation puis des écrits de M. de Bernières comme elle l’est par les longues missives de l’ermite caennais [72], il justifie de ce point de vue la teneur particulière de certaines lettres de Marie qu’on pourrait appeler « lettres contemplatives » où, sous couvert d’un « récit de [ses] dévotions [73] » demandé par Claude, l’on voit Dieu s’immiscer dans le dialogue jusqu’à se substituer temporairement au destinataire premier par un jeu sur la « seconde personne de la Trinité » dans une équivoque et troublante juxtaposition :
Ah ! il faut que je termine ici, mon cher Amour. […] C’est assez de ces matières, mon très cher fils, pour cette année. [74]
57Ainsi liés par une connivence mystique certaine, Marie et Claude sont parvenus à un stade suffisamment voisin dans le développement de leur aventure spirituelle pour donner sens aux fréquentes formules attestant, autour d’un « nous » significatif, l’égalité, l’équivalence, la réciprocité : « je vous conjure de demander à ce divin Sauveur une grande fidélité en tout ce qu’il veut de moi […], je lui demande la même grâce pour vous [75] », ou même l’unité : « je ne fais qu’une seule affaire des vôtres et des miennes [76] », jusqu’à la similitude de leur position, à l’un et à l’autre, dans la visée de Dieu :
Le cœur sacré de mon Jésus tient le milieu entre le vôtre et le mien. [77]
59Serviteur et servante de Dieu, ils se tiennent mutuellement au courant des conditions concrètes de leur existence : « Maintenant que je sais le temps de vos saints exercices, je vous accompagnerai partout, pour louer notre divin Maître avec vous » ; « il me semble que je suis chez vous à voir vos saintes observances », « que je suis un membre de votre sainte Congrégation [78] ». On sent bien que les courbes de leurs vies respectives tendent à se rejoindre dans cette curiosité réciproque qui leur tient lieu de réunion effective. Mauriste et ursuline partagent la communauté de la chair, de l’esprit et de la charité. Seul l’océan les sépare :
Si j’étais comme ces Saints qui entendaient prêcher de loin, je prendrais plaisir à vous entendre, mais […]. [79]
si nous étions plus proche[s] l’un de l’autre, nous aurions plus de communication sur ces matières de vertu. [80]
62La proximité favoriserait aussi de tout autres échanges car Claude, pour sa mère, n’est pas seulement son meilleur disciple en matière de « choses sublimes », il est avant tout un homme de Dieu, consacré par l’onction sacerdotale qui lui confère le droit de recueillir l’aveu des péchés et de distribuer le pardon :
Si j’avais votre oreille, il n’y a point de secret en mon cœur que je ne vous voulusse confier. Je vous ferais volontiers mes confessions générales et particulières, Dieu vous ayant marqué de son caractère saint. [81]
64En 1646 déjà, elle avait usé d’une formule voisine mais qui, ne pouvant faire état de la nouvelle dignité de Claude survenue trois ans plus tard (novembre 1649), continuait à situer les choses sur le plan de la seule affectivité :
Si j’avais votre oreille, je vous en dirais davantage comme à mon très cher fils, à qui je ne voudrais rien cacher des dispositions de mon cœur. [82]
66En revanche désormais, avec l’instauration d’un nouveau rapport de forces créé par le désir de Marie de « se confesser », c’est-à-dire confesser ce qu’elle a été avant de devenir ce qu’elle est, à un homme d’Église qui est de surcroît son fils, on conçoit que l’équilibre figuré par le rapprochement asymptotique de leurs destinées se voie inévitablement menacé par un renversement des rôles. Entre directeur et dirigée, l’opposition des sexes et des « conditions » rappelée par Marie elle-même [83] achève d’inverser les termes de la dépendance signifiée par la filiation et l’autorité de la mère sur l’enfant :
Vous me devancez dans l’état où Dieu nous a appelés. Je n’ai que dix-neuf ans de naissance plus que vous et ces années-là me donnent de la confusion. Vous êtes religieux que vous n’aviez guère plus de vingt ans, et moi j’en avais trente-et-un. [84]
68En réalité, même si l’année 1654 marque incontestablement une étape définitive dans l’évolution de leurs rapports avec l’envoi par Marie du récit de sa vie (la Relation de 1654) à Claude qui l’avait obstinément réclamé comme une tardive et juste compensation à la privation de sa mère, c’est bien avant 1654 qu’elle adopte devant lui une attitude de repentance qu’on ne trouve pas dans la Relation et qui donne à la correspondance avec son fils une rare intensité affective. Car à la différence de la Relation qui primitivement lui avait été commandée par son directeur, le père Jérôme Lalemant, à titre d’« exercice spirituel » avant de revenir à Claude au terme d’une genèse dramatique (incendie du monastère « à l’octave de Noël » 1650) [85], les lettres placent d’emblée l’épistolière devant un juge, qui est aussi le plaignant, face auquel il lui faudra plaider sa propre cause-et elle sera rude.
69Il est important de noter dès l’abord que la culpabilité de Marie ne surgit pas dans les lettres seulement en tant que motif épisodique, mais qu’elle constitue l’arrière-plan, la basse continue qui double et sous-tend l’autre expérience analysée plus haut. Marie est en effet tout à la fois « directrice spirituelle » et mère coupable ; l’une a accompagné la lente et difficile naissance d’un « saint », son confrère en religion, l’autre ne peut se débarrasser d’un passé trop lourd qui l’attire inexorablement et lui impose un ressassement à peine modulé de l’abandon premier. D’autre part, si le plaidoyer proprement dit s’amorce très tôt dans la correspondance, c’est-à-dire dès la deuxième lettre à Claude (4 septembre 1641), avec l’aveu « vous avez été abandonné de votre mère », il faut en revanche attendre près de trente ans pour connaître par la lettre du 30 juillet 1669 le déroulement complet de la scène primitive. Claude du reste n’y apprenait rien puisqu’il avait déjà pu lire une version de ces mêmes événements (qui ne lui étaient pas inconnus !) dans la Relation de 1654, tels qu’il les intégrera plus tard à son tour dans la Vie de sa mère ; on trouve la même violence d’expression à la fois dans la lettre : « En vous quittant il me semblait qu’on me séparât l’âme du corps avec des douleurs extrêmes » et dans la Relation : « Mon fils vint avec moi qui pleurait amèrement en me quittant. En le voyant il me semblait qu’on me séparait en deux », « l’amour naturel me pressait comme si l’on m’eût séparé l’âme du corps [86] » – à cette différence près, grammaticale mais essentielle, que la troisième personne (« mon fils », « le ») instaure une distance énonciative et affective qui n’existe évidemment pas avec l’adresse directe au « vous » du destinataire : entre lettre et récit l’enjeu n’est pas le même. S’il fallait ici une confirmation supplémentaire, on la trouverait dans le premier compte-rendu « de sa vie et de ses grâces » demandé à Tours par son directeur d’alors (première Relation de 1633) : l’évocation de la scène de l’abandon encore tout récent (1631) présente des tours très voisins de la Relation de 1654 et des lettres : « cet enfant […] me faisait si grande compassion qu’il me semblait qu’on m’arrachait l’âme [87] », mais en dépit de cette grande convergence stylistique, dont on notera seulement qu’elle connaîtra une certaine postérité littéraire [88], le caractère très succinct de l’évocation et la brièveté du passage achèvent de montrer comment c’est bien le texte le plus éloigné chronologiquement des faits, à savoir la lettre de 1669, qui est paradoxalement le plus long, le plus détaillé, le plus pathétiquement marqué, comme si au seuil de l’éternité [89], la bonde si longtemps retenue était enfin lâchée.
70Quant à l’argumentation, elle se résume pour l’essentiel au seul mot utilité, très tôt employé à cet effet dans la correspondance : « Vous avez été abandonné de votre mère […]. Cet abandon ne vous a-t-il pas été utile [90] ? » À l’accusation portée par Claude et rappelée par Marie : « Vous avez sujet en quelque façon de vous plaindre de moi de ce que je vous ai quitté » (été 1647), l’inculpée répond :
Qui eût jamais cru que la divine Majesté vous eût fait naître pour des charges si honorables […] ? C’est assurément parce que je vous ai abandonné. [91]
72Le même argument se voit repris ailleurs au sein d’une rhétorique plus élaborée, bien dans la tradition baroque :
Si je vous ai abandonné dès votre enfance […] sans vous laisser d’autre appui que sa providence toute pure, Il vous a […] richement pourvu, vous faisant l’honneur de vous appeler à son service […], vous avez donc beaucoup gagné en me perdant et mon abandonnement vous a été utile. [92]
74Le jeu oxymorique sur le couple perdre/gagner se voit immédiatement redoublé par un rapprochement du même ordre : « Moi pareillement […], vous ayant volontairement perdu, je me suis trouvée avec vous dans le sein de ce Dieu tout aimable », la vocation du fils, puis celle de la mère, se résolvant dans une syllepse sur le mot abandon, familier aux mystiques de l’époque, mais ici cruellement équivoque :
À votre sujet il me semblait que mes os se déboîtaient […] pour la peine que le sentiment naturel avait de cet abandonnement. Mais à mon égard, mon cœur fondait de joie par l’abandon au Père. [93]
76Après l’aveu et la justification paradoxale des événements, la défense se poursuit en trois points : obéissance, souffrance et repentance. Tout d’abord Marie n’a fait que se soumettre aux ordres de Dieu :
Il fallait obéir à son divin vouloir qui voulait que les choses se passassent ainsi. [94]
[…] l’Esprit de Dieu qui était inexorable aux tendresses que j’avais pour vous ne me donnait aucun repos, que je n’eusse exécuté le coup. Il en fallut passer par là et Lui obéir sans raison parce qu’il n’en veut point en l’exécution de ses volontés absolues […]. Vite, vite, [me disait-il], il est temps, il n’y a plus à tarder, il ne fait plus bon dans le monde pour toi. [95]
79Il est vrai que cette obéissance à Dieu, relayée par la volonté du directeur – « encore fallut-il que la nécessité de faire ce coup me fût signifiée par le R. Père dom Raymond » (4 septembre 1641) – allait dans le sens de ses propres desseins :
Remarquez que dès l’âge de quatorze ans, j’avais une très forte vocation à la religion […] ; depuis l’âge de dix-neuf à vingt ans […] je n’avais que le corps dans le monde pour vous élever jusques au moment de l’exécution de la volonté de Dieu sur vous et sur moi [et ce même Dieu qui me disait] que je ne m’affligeasse point […] et qu’il prendrait soin de vous [a suffisamment montré combien] il était fidèle en ses promesses. [96]
81Ainsi, du long combat que se livraient en elle la nature et la grâce, l’issue n’était pas douteuse : « Celle-ci l’emporta par son efficace et me fit abandonner mon fils entre les bras de Dieu. » Claude lui-même, tout en rappelant non sans amertume le concile de Chalcédoine (451) qui « défend aux mères sur peine d’excommunication d’abandonner leurs enfants », s’applique à reconnaître aussi qu’il ne faut pas confondre le plan de « la loi naturelle et de la raison avec celui des lumières surnaturelles : la force de la grâce l’emportait et quelque amour qu’elle eût pour son fils, elle en avait infiniment davantage pour celui qui lui commandait de le quitter [97] ». C’est exactement ce que lui avait écrit sa mère le 9 août 1654 :
Vous que j’ai abandonné pour l’amour de Dieu dans un temps où selon toutes les lois humaines vous aviez le plus besoin de moi […].
83Quoi qu’il en soit, et si faute il y a eu au regard des hommes, celle-ci est largement rachetée par la souffrance qu’elle a engendrée ; de ce point de vue on peut dire que les lettres de Marie de l’Incarnation sont le lieu d’une représentation de la souffrance universelle et collective, inéluctablement liée au drame familial, dans la mesure où l’aventure canadienne, théâtre du sacrifice, est d’abord la conséquence directe de l’aventure personnelle et de l’abandon inaugural. C’est à ce titre que la souffrance peut avoir une fonction argumentative dans la stratégie défensive de Marie. Il faut en outre rappeler le souci constant, dans la perspective christocentrique de l’époque, de « donner sa vie dans une consommation de travaux qui portent à la ressemblance de Jésus-Christ [98] », en sorte que les tourments endurés en Nouvelle-France « sont tout propres à racheter les péchés du monde, comme l’avait fait le supplice de Jésus sur la croix [99] » ; c’est ainsi que lors des « épouvantables tremblements de terre » de 1663 Marie voudrait, « dans [son] état de victime » et « presque à tous moments sur le point de consommer [son] sacrifice [100] », « être chargée de tous les péchés des hommes qui avaient obligé Dieu de faire le châtiment que nous avions devant les yeux […] afin », ajoute-t-elle orgueilleusement, « d’en recevoir seule le châtiment [101] ». Déjà lorsque l’incendie du monastère (1650) avait mis les religieuses dans la nudité de Job, non sur un fumier mais sur la neige, Marie avait adopté une attitude voisine : « Priez Dieu », écrit-elle à son fils, « qu’il me rende digne de le servir aux dépens de ma vie […], c’est de là que je tire une gloire de laquelle même je lui fais un nouveau sacrifice [102] » ; mais c’est évidemment le massacre des pères jésuites en 1649 qui aura éveillé le plus directement cette vocation au martyre : « Que je serais contente si toute cette persécution se terminait en moi » ; le même vœu s’adresse à son fils qui de loin aspire à partager lui aussi le sort des crucifiés :
Je bénis Dieu du désir qu’il vous donne de souffrir le martyre […], ah ! qui pourrait dire la joie que j’en recevrais ? [103]
85Telle n’est pas jusqu’alors la voie de Claude choisie par Dieu ni celle de sa mère ; à défaut, la dernière maladie où « ne lui furent pas épargnées les plus cuisantes douleurs » la vit « comme attachée à la Croix de son Sauveur, elle se tenait devant Dieu […], en esprit de victime, toute prête à souffrir encore davantage jusqu’au dernier jour du jugement [104] ». Ainsi prend corps au fil des lettres et des années une véritable mythologie de la souffrance qui indirectement témoigne en faveur de l’accusée.
86En réalité, Marie de l’Incarnation n’a dû attendre ni les détresses physiques de l’âge ni la cruauté des Iroquois au cœur des nations sauvages pour connaître le martyre. Il lui a suffi d’un matin de janvier 1631 dans le paisible quartier de l’archevêché à Tours pour « se faire mourir toute vive [105] », et consommer le plus grand des sacrifices avec ce « courage à tout surmonter et à tout faire qui m’eût fait passer par les flammes [106] ». Pour celle qui se décide à franchir l’entrée du monastère en quittant son enfant pour toujours, la souffrance physique et morale de l’arrachement sera désormais la mesure de toutes les autres souffrances à venir et l’inséparable compagne de toute une vie. Ainsi l’abandon a-t-il lui-même suscité son propre rachat.
Cela n’a pas empêché que je me sois estimée une infinité de fois la plus cruelle de toutes les mères. Je vous en demande pardon, mon très cher fils, car je suis cause que vous avez souffert beaucoup d’affliction. [107]
88Et deux ans avant sa mort elle achève enfin sa confession :
Pour vous parler franchement, j’ai eu des sentiments de contrition de vous avoir tant fait de mal, depuis même que je suis en Canada. [108]
90La pénitence, l’acte de contrition après l’aveu, l’imploration du pardon, tels sont les signes qui confirment encore cette inversion des rôles par laquelle Claude est devenu le confesseur de sa mère, le lointain directeur qui l’a contrainte à révéler les secrets de son âme, enfin le dispensateur du pardon pour celle qui au terme de sa vie « doit bientôt comparaître devant son Juge ».
91Mais l’enfant de jadis, l’autre juge auquel elle aura écrit durant quarante ans pour tenter de se disculper, peut-on imaginer qu’il ait été totalement convaincu par la longue plaidoirie de Marie ? En conclusion en effet, on peut s’interroger, en termes de pragmatique et d’efficacité, sur le succès argumentatif des lettres de « cette séraphique mère [109] » à son fils. S’il est total sur le plan de la spiritualité qui les a réunis dans une communauté de vues et d’affections touchant l’oraison et l’« union foncière » à Dieu, la chose est moins certaine sur le plan des négociations humaines et familiales. À défaut de réponse épistolaire de la part de Claude, la Vie de 1677, véritable « tombeau » littéraire écrit par un fils à la gloire de sa mère, pourra fournir sur ce dernier point quelques indications.
92Comme on le sait, l’ouvrage de Claude Martin s’achève par une célébration de la Vénérable Mère « dont on ne peut douter que la récompense ne lui ait été donnée à la mesure des plus grands saints puisque […] il serait difficile de trouver un moment en sa vie qui ait été vide de mérite [110] ». Pourtant, à la fin du livre premier, une mise au point de l’auteur en dit long sur les sentiments qui n’ont probablement pas cessé de hanter le cœur du mauriste jusqu’à sa propre mort ; il s’agit de la fugue de Claude « qui n’avait pas douze ans », peu avant l’entrée de sa mère au monastère : « Enfin au bout de trois jours », écrit Marie dans sa Relation de 1654, « un honnête homme qui l’avait trouvé sur le port de Blois me le ramena » ; mais l’addition de Claude, principal intéressé, jette un autre jour sur l’événement :
Ce fils était un Isaac […] [et] Dieu ne lui donna pas moins de force et de courage pour l’immoler qu’il en avait donné à Abraham pour lui sacrifier le sien […], mais ce fils ne se laissa pas lier comme fit Isaac, il s’enfuit lorsqu’elle était sur le point de l’abandonner.
94Le masque d’une troisième personne déguisant un je trop autobiographique ne saurait cacher la cruauté du commentaire qui laisse peu de doute sur le traumatisme ressenti, et Claude précise encore plus loin : « Cette bonne Mère rapporte le sujet de la fuite de son fils tel qu’elle l’a cru », c’est-à-dire comme une dernière épreuve voulue par Dieu, « mais la véritable cause fut une mélancolie profonde où il tomba et qui était comme un pressentiment et un présage du malheur qui lui allait arriver [111] ». Pourtant de cette mère à laquelle « il devait après Dieu tout ce qu’il était selon la nature et selon la grâce [112] », il recevra indirectement un dernier et sublime message d’amour qui scelle par avance les retrouvailles en Dieu si souvent évoquées durant cette double Ascension épistolaire :
À sa supérieure qui lui demandait si elle voulait avant de mourir recommander quelque chose à son fils si éloigné d’elle, elle répondit qu’elle la priait seulement de lui faire savoir qu’elle l’emportait en son cœur dans le Paradis. [113]
Notes
-
[1]
H. Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, Paris, Bloud et Gay, 1935, t. VI, Ière partie, p. 3-226.
-
[2]
Voir plus bas. Signalons déjà R. Garapon, « Marie de l’Incarnation, Ursuline de Québec, d’après sa correspondance », dans W. Leiner (éd.), Onze Études sur l’image de la femme dans la littérature du XVIIe siècle, Tübingen, G. Narr, 1978, p. 51. Deux colloques ont été consacrés à Marie de l’Incarnation : Marie Guyart de l’Incarnation, un destin transocéanique (Tours, 14-15 mai 1999), Paris, L’Harmattan, 2000, et Femme, mystique et missionnaire, Marie Guyart de l’Incarnation (Loretteville, Québec, 22-25 septembre 1999), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2001.
-
[3]
Marie de l’Incarnation, Correspondance, éd. dom G.-M. Oury, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, 1971. Toutes nos références se rapportent à cette édition.
-
[4]
Expression empruntée à Jérôme Lalemant, dernier directeur de Marie, rapportée par Claude Martin dans La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, Paris, L. Billaine, 1677 [réimpr. Solesmes, 1981], p. 753.
-
[5]
D. Gagnon, Rendez-moi ma mère !, Montréal, Boréal, 1994 ; J.-N. Vuarnet, L’Aigle mère, Paris, Gallimard, 1995.
-
[6]
J.-D. Lafond, Folle de Dieu ou la déraison d’amour. Représentations données avec l’actrice Maria Tifo à Québec en septembre, puis à Compiègne et à Lyon en décembre 2008.
-
[7]
D. Sallenave, L’Amazone du Grand Dieu, Paris, Bayard Éditions, 1997. On évoquera également ici l’imposant ouvrage de J. Kristeva sur Thérèse d’Avila, Thérèse mon amour, Paris, Fayard, 2008.
-
[8]
Marie de l’Incarnation, Écrits spirituels et historiques, éd. dom Cl. Martin, rééd. dom A. Jamet [1929], Les Ursulines de Québec, 1985, 2 vol. ; id., Correspondance, éd. dom G.-M. Oury, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, 1979.
-
[9]
V. Hugo, « Pasteurs et troupeaux », Les Contemplations, V, 23.
-
[10]
B. Chevalier, dans un débat non enregistré au Colloque de Tours en 1989, pour le 350e anniversaire de son arrivée en Nouvelle-France.
-
[11]
Cl. Martin, La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, éd. cit., p. 702.
-
[12]
Ibid., p. 181. Voir à ce sujet S. Houdard, « Le cri public du fils abandonné ou l’inexprimable secret de la cruauté d’une mère », Littératures classiques, n° 68, été 2009, p. 273-284.
-
[13]
Voir à ce propos I. Landy-Houillon, « Marie Guyart de l’Incarnation, l’amie de Madeleine de la Peltrie », dans Madeleine de La Peltrie et les pionnières de la Nouvelle-France, Actes du colloque d’Alençon (mai 2003), Centre de Recherche d’Histoire Quantitative, Université de Caen, 2004, p. 57-62.
-
[14]
Voir Dom G.-M. Oury, Dom Claude Martin, le fils de Marie de l’Incarnation, Solesmes, 1983.
-
[15]
Cl. Martin, La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, éd. cit., Préface. La « Relation de 1654 » figure dans les Écrits spirituels et historiques, éd. cit., t. II, p. 45-356.
-
[16]
Marie de l’Incarnation, Lettres de la vénérable mère Marie de l’Incarnation […] divisées en deux parties, éd. dom Cl. Martin, Paris, L. Billaine, 1681, 2 vol.
-
[17]
Sept à huit mille lettres au moins. Voir à ce sujet Marie de l’Incarnation, Écrits spirituels et historiques, éd. cit., t. I, Introduction, p. 50.
-
[18]
La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation est constituée essentiellement par la Relation de 1654 distribuée en 63 courts chapitres, chacun d’eux étant suivi d’une « Addition », paraphrase juxtaposée, souvent envahissante, du texte maternel.
-
[19]
Mme de Sévigné, lettre du 12 juillet 1671, à Mme de Grignan. Voir sur cet aspect I. Landy-Houillon, « Épistolaire et nostalgie au XVIIe siècle », Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte, 2007, n° 1-2, p. 27-43.
-
[20]
Lettres à dom Raymond de Saint-Bernard, 19 avril et 20 mars 1635, Correspondance, éd. cit., p. 33 et 24.
-
[21]
Lettre au même, avril 1635, ibid., p. 27.
-
[22]
Au même, 3 octobre 1645.
-
[23]
À l’un de ses frères, 15 avril 1639.
-
[24]
À son fils, 23 octobre 1649.
-
[25]
Au même, 1er septembre 1643, Correspondance, p. 187.
-
[26]
Mme de Sévigné, lettres du 20 mars 1671 et du 17 juin 1685, à Mme de Grignan. Voir I. Landy-Houillon, « Les lettres de Marie de l’Incarnation : exils et jouissances », dans A. Magnan (éd.), Expériences limites de l’épistolaire, Paris, H. Champion, 1993, p. 147-153.
-
[27]
Lettre du 1er septembre 1643, Correspondance, p. 187.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
À son fils, 9 septembre 1652, Correspondance, p. 485.
-
[30]
Au même, 23 octobre 1649, ibid., p. 384.
-
[31]
Lettre à dom Raymond de Saint-Bernard, fin 1626, ibid., p. 1.
-
[32]
« Relation de 1654 », Écrits spirituels et historiques, t. II, p. 199 et 198.
-
[33]
Réponse prudente de son directeur à Marie, rapportée par Cl. Martin, La Vie, p. 326.
-
[34]
Lettre du 3 mai 1635, Correspondance, p. 40.
-
[35]
Lettre du 20 mai 1639.
-
[36]
Lettre de la mère Cécile de Sainte-Croix à la Supérieure des Ursulines de Dieppe, 2 septembre 1639, Correspondance, p. 951.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Ibid.
-
[40]
À la mère Marie-Gillette Roland, 4 septembre 1640.
-
[41]
Aux Ursulines de Tours, septembre 1649.
-
[42]
Lettre du 20 mai 1639.
-
[43]
À son fils, 9 septembre 1652, Correspondance, p. 486.
-
[44]
Lettre de septembre 1653, ibid., p. 505.
-
[45]
Lettre du 1er septembre 1639.
-
[46]
Lettres du 4 septembre 1640, fin 1638, et lettre de Mme de La Peltrie à la mère Jourdaine de Sainte-Ursule, fin avril 1639.
-
[47]
M. de Certeau, La Fable mystique. 1 : XVIe-XVIIe s. [1982], Paris, Gallimard, « Tel », 1995, p. 213.
-
[48]
À la mère Ursule de Sainte-Catherine, 15 septembre 1641.
-
[49]
À son fils, 29 juillet 1667.
-
[50]
Au même, 1er septembre 1643.
-
[51]
Lettres du 18 et 30 septembre 1643.
-
[52]
Lettres à son fils du 22 octobre 1649 et 1er septembre 1643.
-
[53]
Au même, 1er septembre 1652.
-
[54]
Au même, 2 septembre 1656.
-
[55]
Au même, 26 août 1644.
-
[56]
Cl. Martin, La Vie de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, « Préface », p. V.
-
[57]
Selon la formule de Jean-Marie Beyssade dans l’Introduction de son édition de Descartes, Correspondance avec Élisabeth, Paris, Garnier-Flammarion, 1989, p. 19.
-
[58]
À son fils, 24 septembre 1654.
-
[59]
Au même, été 1647.
-
[60]
Au même, 1er septembre 1643 et 12 octobre 1668.
-
[61]
Au même, 12 octobre 1668.
-
[62]
Il s’agit d’une des rares lettres originales conservées à la Bibliothèque de Tours, transmise par Claude à une de ses cousines, ursuline, laquelle à son tour l’adressera à dom Martène, le plus fidèle disciple de Claude Martin, qui l’insérera enfin dans la Vie de son maître (La Vie du vénérable Père Dom Claude Martin […], Tours, P. Masson, 1697).
-
[63]
Voir la note précédente.
-
[64]
À son fils, 1er septembre 1643.
-
[65]
Ibid.
-
[66]
À son fils, 30 août 1644.
-
[67]
Au même, 16 septembre 1661.
-
[68]
Au même, 1er septembre 1643.
-
[69]
Au même, 16 septembre 1663.
-
[70]
Au même, 22 octobre 1649.
-
[71]
Au même, 21 octobre 1669.
-
[72]
Aujourd’hui disparues. Voir à propos de Jean de Bernières, I. Landy-Houillon, « La présence de Jean de Bernières dans les écrits de Marie de l’Incarnation et de son fils Claude Martin », Actes du colloque du Centre d’Études Théologiques de Caen (juin 2009), à paraître.
-
[73]
À son fils, 16 septembre 1661.
-
[74]
Au même, été 1647.
-
[75]
Au même, 23 octobre 1649.
-
[76]
Au même, 3 octobre 1645.
-
[77]
Ibid.
-
[78]
Au même, 20 et 30 août 1644 ; 3 octobre 1645.
-
[79]
Au même, 16 septembre 1661.
-
[80]
Au même, octobre-novembre 1651.
-
[81]
Au même, 26 octobre 1653
-
[82]
Au même, 11 octobre 1646.
-
[83]
Au même, 22 octobre 1649.
-
[84]
Au même, juillet/octobre 1667. Nous conservons le texte original.
-
[85]
Voir à ce sujet la Préface de La Vie de la vénérable mère Marie de l’Incarnation, p. XXI, et la lettre de Marie à son fils du 9 août 1654.
-
[86]
« Relation de 1654 », Écrits spirituels et historiques, t. II, p. 160-I61.
-
[87]
« Relation de 1633 », ibid., t. I, p. 284.
-
[88]
Les Lettres portugaises (1669) et les premières lettres de Mme de Sévigné à sa fille (février-mars 1671) useront en effet à peu près des mêmes tours.
-
[89]
« Il me semble que depuis qu’on est arrivé à l’âge de cinquante ans, il faut croire que la vie ne sera plus guère longue » (À son fils, 17 mai 1650).
-
[90]
Au même, 4 septembre 1641.
-
[91]
Au même, 16 août 1664.
-
[92]
Au même, 9 août 1654.
-
[93]
Au même, 16 août 1664.
-
[94]
Au même, 4 septembre 1641.
-
[95]
Au même, 30 juillet 1669.
-
[96]
Ibid.
-
[97]
Cl. Martin, La Vie de la vénérable mère Marie de l’Incarnation, p. 171.
-
[98]
À son fils, 30 août 1650.
-
[99]
Au même, septembre 1671.
-
[100]
Au même, 12 juillet 1663.
-
[101]
Au même, 18 octobre 1663.
-
[102]
Au même, 13 septembre 1651.
-
[103]
Au même, 30 août 1650
-
[104]
Lettre du P. Dablon au P. Jean Pinette, été 1672, Correspondance, p. 1027.
-
[105]
À son fils, 30 juillet 1669.
-
[106]
« Relation de 1654 », Écrits spirituels et historiques, t. II, p. 161.
-
[107]
À son fils, été 1647.
-
[108]
Au même, 25 septembre 1670.
-
[109]
Cl. Martin, La Vie de la vénérable mère Marie de l’Incarnation, p. 703.
-
[110]
Ibid., p. 757.
-
[111]
Ibid., p. 174.
-
[112]
Ibid., Préface, p. X.
-
[113]
Ibid., p. 732.