Notes
-
[1]
Ce travail sur Marana est issu de la commande d’une anthologie par un éditeur, qui a ensuite renoncé à la publier. Que Gérard Ferreyrolles trouve ici l’expression de ma reconnaissance pour avoir recueilli ce texte naufragé.
-
[2]
L’Esploratore turco, e le di lui relazioni segrete alla Porta ottomana, scoperte in Parigi nel regno di Luiggi il Grande. Tradotte dall’Arabo in Italiano, da Gian-Paolo Marana, e dall’Italiano in Francese da ***. Contengono le più nobili azioni della Francia e della Christianità, dall’ anno 1637. fino al 1682. Tomo primo, Paris, Claude Barbin, 1684 ; L’Espion du Grand-Seigneur, et ses relations secrètes, envoyées au Divan de Constantinople. Découvertes à Paris, pendant le règne de Louys le Grand. Traduites de l’Arabe en Italien Par le Sieur Jean-Paul Marana, Et de l’Italien en François par ***. Ces Relations contiennent les Evenemens les plus considerables de la Chrestienté & de la France, depuis l’Année 1637. jusques en l’Année 1682. Tome premier, Paris, Claude Barbin, 1684.
-
[3]
Nouvelles de la République des Lettres, mars 1684, Catalogue, III, Œuvres diverses de Mr Pierre Bayle, La Haye, Compagnie des Libraires, 1737, t. I, p. 20a.
-
[4]
L’Espion dans les cours des princes chrétiens, ou Lettres et Mémoires d’un Envoyé secret de la Porte dans les Cours de l’Europe, où l’on voit les descouvertes qu’il a faites dans toutes les Cours où il s’est trouvé, avec une Dissertation curieuse de leurs Forces, Politique & Religion, Cologne, Érasme Kinkius, puis Amsterdam, George Gallet, 1696-1699, 6 vol.
-
[5]
Letters writ by a Turkish Spy, Londres, H. Rhodes, 1687-1694, 8 vol.
-
[6]
Voir les études suivantes : W. H. MacBurney, « The Autorship of the Turkish Spy », Papers of the Modern Language Association, vol. LXXII, déc. 1957, p. 915-935 ; J. E. Tucker, « On the Autorship of the Turkish Spy : An État Présent », The Papers of the Bibliographical Society of America, vol. 52, 1958, p. 34-47 ; G. Almansi, « L’Esploratore Turco e la genesi del romanzo epistolare pseudo-orientale », Studi Secenteschi, vol. VII, 1966, p. 35-65 ; G. Almansi et D. A. Warren, « Roman épistolaire et analyse historique : L’Espion turc de G.-P. Marana », XVIIe siècle, n° 110-111, 1976, p. 57-73 ; J.-P. Gaudier et J.-J. Heirwegh, « Jean-Paul Marana, L’Espion du Grand Seigneur et l’histoire des idées », Études sur le XVIIIe siècle, vol. VIII, 1981, p. 25-52.
-
[7]
De l’usage des romans, Où l’on fait voir leur utilité & leurs différens caracteres : avec une Bibliothèque des Romans, Accompagnée de Remarques critiques sur leur choix & leurs Éditions, Amsterdam, Vve Poilras, 1734, t. II, p. 85.
-
[8]
Voir la mise au point de P. Vernière dans l’introduction de son édition des Lettres Persanes, Paris, Garnier, 1960, p. x-xi.
-
[9]
« […] des einst so beliebten Espion Turc » (« Über die Fähigkeit zu sprechen und hören », Neue deutsche Monatsschrift, mai-août 1795, vol. II, p. 61).
-
[10]
« Mémoire sur la vie & les ouvrages de Gian Paolo Marana auteur de l’Espion turc », Suite de la clef ou Journal historique sur les matières du tems. Contenant quelques nouvelles de Littérature, septembre 1754, t. LXXVI, Paris, Ganeau, 1754, p. 190-202 ; « Seconde Lettre sur la personne & les ouvrages de Giovanni Paolo Marana, auteur de l’Espion turc », octobre 1754, ibid., p. 271-282. Pour la biographie de Marana nous nous appuyons sur l’ouvrage de G. C. Roscioni, Sulle trace dell’« Esploratore turco », Milan, Rizzoli, 1992.
-
[11]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1684, « Au lecteur », f. ã2 v°.
-
[12]
B. Bray, « Nouveaux modes critiques dans un roman épistolaire : L’Espion du Grand Seigneur de Jean-Paul Marana (1684) », De la mort de Colbert à la Révocation de l’Édit de Nantes : un monde nouveau ?, Actes du XIVe colloque du Centre Méridional de Rencontre sur le XVIIe siècle (janvier 1984), Marseille, C.M.R. 17,1984, p. 370.
-
[13]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1684, « Au lecteur », f. i4 v°.
-
[14]
Ibid., « À Louis le Grand », f. *6 r°.
-
[15]
Ibid., « Avertissement », f. *8 r°. La dédicace, l’avertissement et l’avis au lecteur sont repris dans toutes les éditions parues du vivant de Marana, les éditions parisiennes de 1686 et de 1689 comme l’édition hollandaise de 1688. Ils disparaissent en revanche de la continuation.
-
[16]
Voir B. Bray, art. cit., p. 373.
-
[17]
Carpentariana ou Remarques d’Histoire, de Morale, de Critique, d’Érudition, et de bons Mots de M. Charpentier, de l’Académie françoise, Paris, N. Le Breton, 1724, p. 30-31.
-
[18]
Voir G. C. Roscioni, Sulle trace dell’« Esploratore turco », op. cit., p. 129.
-
[19]
Sur ce tournant voir l’étude classique de P. Martino, L’Orient dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1906. Pour la période antérieure on peut se reporter à l’ouvrage de Cl. D. Rouillard, The Turk in French history, thought and literature (1520-1660), Paris, Boivin, 1941.
-
[20]
L’Espion du Grand Seigneur et ses relations secrètes envoyées au Divan de Constantinople, Paris, Cl. Barbin, 1686, lettre LXXVI, t. III, p. 127.
-
[21]
Histoire de France & des choses memorables advenues aux Provinces estrangeres durant sept annees de Paix, du regne de Henry IIII Roy de France & de Navarre [1605], Paris, P. Metayer et M. Guillemot, 1609, livre VI, première narration, t. II, p. 461.
-
[22]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXIX, t. III, p. 19.
-
[23]
Ibid., t. III, p. 364-365.
-
[24]
Ibid., lettre XCV, t. III, p. 324-325.
-
[25]
Bibliothèque historique de la France ; contenant le catalogue de tous les ouvrages, tant imprimez que manuscrits, qui traitent de l’histoire de ce roïaume, ou qui y ont rapport : Avec des Notes critiques & historiques, Paris, G. Martin, 1719, p. 514.
-
[26]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LIX, t. II, p. 391-396.
-
[27]
Ibid., lettre LIV, t. II, p. 343-344.
-
[28]
Ibid., lettre LXI, t. II, p. 403-406.
-
[29]
Ibid., t. III, p. 1-24.
-
[30]
Ibid., lettre LXXX, t. III, p. 160-162.
-
[31]
Nouvelles de la République des Lettres, mars 1684, Catalogue, III, Œuvres diverses, op. cit., t. I, p. 20a.
-
[32]
Bibliothèque historique de la France, op. cit., p. 514.
-
[33]
Carpentariana, op. cit., p. 29.
-
[34]
Bibliothèque historique de la France, op. cit., p. 514.
-
[35]
Lettre du 11 janvier 1684, Bibliothèque de l’Arsenal (Paris), ms. 6829, f. 208 v°.
-
[36]
« Seconde Lettre sur la personne & les ouvrages de Giovanni Paolo Marana, auteur de l’Espion turc », art. cit., p. 281.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid., p. 281-282.
-
[39]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre I, t. I, p. 7.
-
[40]
Ibid., lettre II, t. I, p. 26-27.
-
[41]
Ibid., lettre XXVIII, t. I, p. 264-265.
-
[42]
Ibid., p. 268-269.
-
[43]
Ibid., lettre XI, t. I, p. 110-111.
-
[44]
Ibid., lettre LXXVI, t. III, p. 132.
-
[45]
Ibid., lettre LXXI, t. III, p. 40.
-
[46]
Ibid., p. 42-43.
-
[47]
Ibid., lettre XX, t. I, p. 197-201.
-
[48]
Ibid., lettre L, t. II, p. 289-292.
-
[49]
Ibid., lettre LXXIII, t. III, p. 62-78.
-
[50]
Ibid., lettre XCV, t. III, p. 327.
-
[51]
Voir J. Lafond, « L’imaginaire de la conjuration dans la littérature française du XVIIe siècle », Lire, vivre où mènent les mots. De Rabelais aux formes brèves de la prose, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 155-170. Voir également Complots et Conjurations dans l’Europe moderne, dir. Y.-M. Bercé et E. Fasano Guarini, Rome, École française de Rome, 1996.
-
[52]
Dell’arte historica trattati cinque, Rome, G. Facciotti, 1636, I, 4, p. 78-79.
-
[53]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre XCIX, t. III, p. 382-401. Cf. Siri, Il Mercurio Overo Historia de’ correnti tempi, Casale, Chr. Della Casa, 1644, p. 185-221.
-
[54]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXXV, t. III, p. 85-121. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 114-166.
-
[55]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre CII, t. III, p. 423-438. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 456-460.
-
[56]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1684, « Au lecteur », f. ã5 r°.
-
[57]
De l’usage des romans, op. cit., t. II, p. 85.
-
[58]
« Seconde Lettre sur la personne & les ouvrages de Giovanni Paolo Marana, auteur de l’Espion turc », art. cit., p. 280.
-
[59]
Studi Secenteschi, vol. IX, 1968, p. 159-257 ; vol. X, 1969, p. 243-288 ; vol. XI, 1970, p. 75-165 ; vol. XII, 1971, p. 325-365 ; vol. XIII, 1972, p. 275-291 ; vol. XIV, 1973, p. 253-283.
-
[60]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXXVI, t. III, p. 122-136. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 179-180.
-
[61]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXXXVIII, t. III, p. 253-260. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 232-233.
-
[62]
C’était le souhait de M. Lever dans les pages qu’il consacre à Marana (Le Roman français au XVIIe siècle, Paris, Puf, 1981, p. 239-242).
1L’Espion du Grand Seigneur, qui a enchanté des générations de lecteurs, présente au chercheur d’irritantes énigmes : non seulement l’auteur de tout ou partie de l’ouvrage, le Génois Gian Paolo Marana, est mal connu, mais de plus le texte lui-même s’avère un objet complexe [1]. Le premier tome, qui se donne explicitement pour tel, est publié à Paris en 1684, dans la version italienne originale et en traduction française [2] ; le privilège, du 29 novembre 1683, est accordé à Jean-Paul Marana. Bayle, qui en rend compte sans tarder, estime qu’il « est bien agréable [3] ». Les deux tomes suivants ne paraissent qu’en 1686, avec un retard que Marana impute à la censure, et en français seulement : il semblerait que ce soient des raisons commerciales qui aient poussé l’éditeur à renoncer à imprimer le texte italien. Mais si l’ouvrage a suscité peu d’échos outre-monts, il rencontre dans sa version française un engouement dont témoignent et la contrefaçon qui paraît à Amsterdam en 1688 – signe irrécusable de succès – et la réédition parisienne chez Ducastin en 1689. L’ouvrage compte alors 102 lettres.
2Dix ans plus tard, en 1696, commence à paraître à Cologne, sous un titre légèrement modifié (L’Espion dans les cours des princes chrétiens), une œuvre-fleuve qui, avec la publication du dernier tome à Amsterdam en 1699, donne désormais à lire 632 lettres [4]. Si l’on y retrouve les 102 lettres originales, c’est dans un ordre différent, et dans un texte lui aussi différent : aucune phrase n’est intacte, et l’ampleur des modifications exclut que ce soient des corrections d’auteur. Il semble que cette édition ait été réalisée à partir de celle qui est parue à Londres, en anglais, de 1687 à 1694 [5]. L’édition londonienne, qui prétendait se fonder sur une édition italienne – qui n’existe pas –, est la première à comporter plus de six cents lettres.
3Se pose dès lors la question de savoir à qui l’on doit cette version anglaise de 1687-1694 : elle n’a pas, à ce jour, reçu de réponse satisfaisante ni assurée. Deux hypothèses sont avancées, sans que rien de décisif permette de trancher : ou bien l’édition anglaise a été réalisée à partir de manuscrits inédits, que la censure a empêchés de paraître en France, et dans ce cas Marana serait l’auteur de l’ensemble de l’ouvrage ; ou bien c’est l’œuvre d’un voire de plusieurs continuateurs, à partir des 102 lettres originales [6]. Lenglet Dufresnoy, qui n’est pas un mauvais juge, note un essoufflement dans la continuation : à ses yeux « [l]es trois premiers volumes valent beaucoup mieux que les trois suivants [7] ». Des contradictions entre les 102 premières lettres et les 632 lettres de Cologne font pencher pour la seconde hypothèse : ainsi l’espion turc, qui dans le texte original est un fervent lecteur des auteurs antiques, philosophes et historiens, devient-il cartésien dans la continuation.
4Le succès rencontré par l’édition originale ne se démentira pas, tout au long du XVIIIe siècle. Aussi en 1730 les éditeurs hollandais des Lettres persanes croient-ils bon de recommander l’ouvrage en le présentant, sur la page de titre, comme étant « dans le goût de l’Espion dans les cours ». Signalée, non sans malice, par Voltaire dans Le Siècle de Louis XIV, la dette de Montesquieu envers L’Espion dans les cours est indéniable [8]. Au-delà du cas particulier des Lettres persanes, Marana a fondé le genre littéraire du roman épistolaire pseudo-oriental, qui connut une si grande vogue au XVIIIe siècle. Plus souterraine, mais non moins importante pour l’histoire des idées, est l’influence qu’il exerça sur la libre pensée au siècle des Lumières.
5Du goût du public pour L’Espion dans les cours témoignent encore les continuations qui lui furent données au XVIIIe siècle : l’une d’entre elles est attribuée, non sans quelque vraisemblance, à Daniel Defoe. Que l’ouvrage ait retenu l’attention d’auteurs majeurs comme Montesquieu et Defoe suffit à signaler l’intérêt qu’il présente ; et cela indique aussi que sa vogue fut européenne. À la fin du siècle, Herder parle d’un livre « autrefois tant aimé [9] ». De fait, il fut sans cesse réédité au XVIIIe siècle, dans sa version française et dans sa version anglaise : la dernière édition intégrale en anglais date de 1801.
6La vie de Marana comporte autant de zones d’ombre que l’histoire du texte. Il y entre aussi du romanesque, souvent distillé par Marana lui-même : on ne saurait en particulier se fonder sur ce qu’il livre de lui dans ses préfaces, comme l’a imprudemment fait son premier biographe, Dreux du Radier [10]. Né à Gênes dans un milieu modeste, il est emprisonné en 1670 pour fausse dénonciation : il avait informé le tribunal des Inquisiteurs d’État d’une tentative imminente d’invasion de la République par des troupes françaises, avec l’aide de complicités intérieures. L’histoire de Gênes depuis le XVIe siècle était émaillée de conjurations : la dénonciation de Marana, pour n’être pas invraisemblable, était néanmoins inventée, comme il le reconnaîtra devant ses juges. Cette affabulation lui coûtera quatre ans d’emprisonnement.
7Le Génois Marana, farouchement anti-espagnol, finit par gagner la France en 1681. Après une escale à Lyon, où il fait paraître, à ses frais, La Congiura di Raffaello della Torre, texte auquel les Inquisiteurs avaient refusé l’impression, il s’installe à Paris au début de 1682. Il se met en quête de protecteurs susceptibles de lui obtenir une pension, voire la charge d’historiographe du roi en langue italienne, détenue par Vittorio Siri, et qu’il n’est d’ailleurs pas le seul à convoiter. Il est recommandé au confesseur du roi, le père La Chaise, qui à son tour, semble-t-il, lui aurait fait rencontrer l’archevêque de Paris François de Harlay. Il n’obtiendra jamais ni pension ni charge, et mourra misérablement, dans le dénuement, en 1693. Nous ne savons rien sur d’éventuels liens avec le monde littéraire parisien, ce qui tend à prouver qu’il n’y a pas trouvé sa place.
8En 1684 commence à paraître L’Espion du Grand Seigneur et ses relations secrètes envoyées au Divan de Constantinople. Les relations sont présentées comme authentiques : l’auteur de l’avis au lecteur, – qui n’est pas signé –, prétend qu’un homme de lettres italien arrivé à Paris en 1682 découvrit dans le logement dans lequel il venait d’emménager « un gros amas de papiers, qui paraissaient plus gâtés par la poussière, que par le temps [11] ». Leur lecture l’ayant convaincu de leur intérêt, il décida de les traduire d’arabe en italien tout en se renseignant sur leur auteur, un étranger se disant natif de Moldavie qui aurait vécu à Paris depuis 1637. Si le procédé du manuscrit retrouvé n’est pas encore aussi courant qu’il le deviendra au XVIIIe siècle, il n’est pas neuf pour autant. Ajoutons que le souci de vraisemblance ne va pas jusqu’à préciser la nature des papiers prétendument découverts : on ne sait s’il s’agit de copies, de minutes ou de brouillons, comme l’observe justement Bernard Bray [12].
9Marana avait misé sur ce texte pour attirer l’attention de l’entourage royal et obtenir une pension : la chose est pour le moins piquante, à considérer et le texte lui-même et l’influence qu’il a exercée sur la libre pensée des Lumières. L’édition originale revendique avec insistance le « dessein […] de consacrer cet ouvrage au plus heureux, au meilleur, et au plus grand des rois [13] ». Dans l’épître dédicatoire adressée « à Louis le Grand », et signée de Marana, ce dernier affirme : « V. M. y verra l’histoire de sa vie, et de ses triomphes ; dont l’Arabe qui a fait ses relations, comme ennemi, n’a pu parler en flatteur [14]. » Il le redit dans l’Avertissement : « Je n’ai songé qu’à travailler à un ouvrage qui contient principalement l’histoire de Louis le Grand, d’une manière qui ne peut être suspecte [15]. » Cette volonté, affichée, peut en tout cas expliquer le parti pris de commencer le récit en 1637 : on pourrait en effet s’interroger sur le choix de cette date. Certes, dans la chronique européenne que constituent les lettres de l’espion turc, c’est le moment où les armées françaises reprennent l’avantage, après l’annus horribilis de 1636 qui a vu les Espagnols menacer Paris à partir de leurs prises en Picardie. Mais on peut aussi penser, avec Bernard Bray [16], que le vrai début du roman, c’est la naissance de Louis Dieudonné en 1638, qui apparaît miraculeuse après la longue stérilité de la reine. Cette naissance, qui n’est rapportée que dans la lettre XXVIII, a été soigneusement mise en scène : les premières lettres créent un (faux) suspens, en évoquant la menace que l’absence de dauphin fait peser sur le royaume.
10En dépit des bonnes intentions annoncées dans les textes liminaires, les deuxième et troisième tomes ont éveillé l’attention de la censure. C’est le censeur lui-même, François Charpentier qui, pour prouver que Marana est bien l’auteur de L’Espion du Grand Seigneur, à une date où l’on commence à s’interroger sur la paternité du roman, retranscrit le « certificat » dans lequel Marana s’engageait à opérer les coupes demandées :
Je soussigné Gio Paolo Marana auteur du livre manuscrit italien intitulé, l’Esploratore Turco Tomo Terzo, reconnais, que M. Charpentier commis par Monseigneur le Chancelier pour la révision dudit Manuscrit, ne m’a accordé son certificat pour l’impression dudit manuscrit, qu’à condition d’ôter quatre endroits, le premier, etc. Partant je promets d’ôter dudit manuscrit les endroits ci-dessus marqués ; en sorte qu’il n’en reste aucun vestige, puisque sans cela ledit certificat ne m’aurait pas été donné par ledit sieur Charpentier : et pour sûreté de ce que dessus je reconnais être véritable, et que je promets d’exécuter ponctuellement, j’ai signé le présent écrit à Paris ce 28 septembre 1686. Ainsi signé Jean Paul Marane. [17]
12Marana se tourne alors vers des écrits de circonstance. Le Dialogue de Gênes et d’Alger, publié en 1685 en italien et en français, justifie les prétentions de la France sur sa cité natale : Alger, qui a comme Gênes subi les bombardements français, conseille à sa sœur d’infortune d’opter comme elle pour la sagesse, en satisfaisant aux désirs de Louis le Grand. Encore une fois, Marana manque sa cible : interdit à Paris, le Dialogo parut à Amsterdam. Il ne renonce pourtant pas à s’attirer les bonnes grâces de la cour, persévérant dans la veine panégyrique avec le Trionfo di Parigi et Le Più Nobili Azioni della vita, o regno di Luiggi il Grande. Si ce dernier texte, qui se voulait une histoire du règne de Louis XIV, demeura manuscrit, Marana en tira la substance des Événements les plus considérables du règne de Louis le Grand, qu’il fit paraître en 1690.
13Marana n’a jamais cessé d’inquiéter à Gênes. Bien que la question des disgraciés ait été évoquée lors des négociations de paix entre la République et la France, il n’obtiendra pas l’amnistie. Suspect aux autorités depuis la fausse dénonciation de 1670, arrêté à nouveau en 1679 à cause de ses relations avec l’envoyé de Louis XIV à Gênes, il sera soigneusement surveillé pendant toutes ses années d’exil par le représentant de la République en France, qui le tient pour un espion – et le juge suffisamment dangereux pour proposer de le faire assassiner [18].
14C’est peut-être la rareté des informations sur Marana qui a amené la critique à chercher des confidences personnelles dans les lettres de l’espion turc : l’un et l’autre ne sont-ils pas des exilés ? Ainsi derrière Mahmut ce serait Marana lui-même qui se plaindrait de la cherté de la vie à Paris dans la première lettre ; de même la mélancolie de l’espion, largement nourrie de son sentiment d’exil, serait celle du Génois. On ne saurait trop se garder de confondre l’auteur et son personnage ; mais, en ce qui concerne les faits, force est toutefois de constater un certain nombre de coïncidences. Ainsi la durée de la captivité de Mahmut à Palerme est-elle la même que celle de Marana à Gênes ; et parmi les lectures prêtées au Turc pendant cette captivité figure en bonne place Sénèque, que Marana dit avoir traduit pendant son emprisonnement.
15Si le peu que nous savons de l’homme Marana nous le peint singulièrement maladroit dans ses rapports avec les autorités, l’auteur de L’Espion du Grand Seigneur en revanche se révèle habile à exploiter et la mode littéraire de l’Orient et le goût de ses contemporains pour l’histoire secrète, et les promesses offertes par la forme du roman épistolaire.
L’invention du roman épistolaire oriental
16En choisissant un sujet oriental Marana se montre très au fait de ce qui plaît au public contemporain. Certes, la Turquie est présente dans le roman et le théâtre depuis le XVIe siècle. Mais un tournant se produit dans la seconde moitié du XVIIe siècle, où naît véritablement la vogue de l’Orient littéraire, nourrie à la fois par l’histoire contemporaine et par les premiers récits circonstanciés de voyageurs : le nombre de publications s’accroît, tandis que se fait plus vif le souci de la couleur locale [19]. La première à bénéficier de cette attention accrue est la Turquie. La question turque est alors d’actualité, après le siège de Vienne en 1683 : mais si Habsbourgs et Ottomans n’ont cessé de s’affronter en Europe centrale depuis le XVIe siècle, la France est, depuis la même date, alliée aux seconds, comme le rappelle Mahmut.
17C’est bien pour renouer des relations plus étroites avec la France, alors que le long affrontement entre Turcs et Vénitiens à Candie arrive à son terme, que la Porte envoie en 1669 un ambassadeur : de cette visite, dont la Gazette française ne manqua pas de rendre compte en détail, on trouve un écho immédiatement postérieur dans Le Bourgeois gentilhomme. Dans les années qui précèdent la parution du premier tome de L’Espion du Grand Seigneur, ce sont les ambassadeurs de Siam qui sont reçus à Paris. De l’étonnement que suscitent et les costumes et les manières des Orientaux, et qui constitue un lieu commun littéraire, témoigne le compte rendu que fait Mahmut de la visite d’un chiaoux dans la lettre LXX. À considérer l’ensemble du texte toutefois, le point de vue est inversé, et c’est bien là ce qui fait l’originalité de Marana : ce n’est plus l’Européen qui est surpris par les coutumes orientales, mais le Turc par les mœurs françaises.
18À partir de 1660 on observe une augmentation du nombre des publications relatives à la Turquie, qu’il s’agisse d’histoires ou de récits de voyage. En 1662 paraît une Histoire générale des Turcs, qui réédite l’Histoire de Chalcondyle dans la traduction de Blaise de Vigenère ; à ce texte, qui s’arrête en 1465, sont adjointes la continuation de Thomas Artus, qui va jusqu’en 1612, et celle de Mézeray qui la prolonge jusqu’en 1661, ainsi que la réédition de L’Histoire générale du sérail de Baudier, initialement parue en 1624. Dans cette somme Marana a puisé informations et anecdotes concernant les empereurs ottomans. Il a aussi puisé dans l’Histoire des trois derniers empereurs turcs de l’anglais Rycaut : la traduction rapide, et en français et en italien, des ouvrages que ce secrétaire d’ambassade a consacrés à la Turquie est une preuve supplémentaire de la curiosité qu’éprouve alors l’Europe pour ce pays. Trois ans après la publication des deux gros in-folio de l’Histoire générale des Turcs Vincent de Stochove en donne un abrégé très maniable avec un petit in-12 de 149 pages, L’Othoman ou l’abrégé des vies des empereurs turcs, qui est réédité sans délai. La même année voit paraître un Abrégé de l’Histoire des Turcs sous la plume de Du Verdier. Chassepol publie de 1676 à 1679 une Histoire des grands vizirs et Guillet en 1682 une Histoire du règne de Mahomet II, tandis qu’en 1675 Michel Febvre donne un État présent de la Turquie dont le sous-titre précise qu’il y est « traité des vies, mœurs et coutumes des Ottomans ». Aux histoires s’ajoutent les relations de voyage : celle de Tavernier, Voyages en Turquie, en Perse et aux Indes, dont les nombreuses rééditions prouvent le succès qu’elle a rencontré, paraît pour la première fois en 1676. Dans ces mêmes années, la mission de Guilleragues en Turquie suscite un intérêt qu’atteste la publication de plusieurs relations sur son ambassade, en 1682 et 1683. L’abondance des livres concernant l’Orient en général, et la Turquie en particulier, révèle une authentique demande dans le public français. Dans les années 1680 cette dernière fait aussi une entrée remarquée dans le genre florissant de la nouvelle historique : de Cara Mustafa Grand Vizir de Préchac en 1684, qui romance le tout récent siège de Vienne, à Abra-Mulé ou l’histoire du détrônement de Mahomet IV de Le Noble, on ne compte pas les sujets turcs. Il n’est pas sans signification que L’Espion du Grand Seigneur soit paru chez Barbin : très attentif aux modes littéraires, ce dernier s’était fait une spécialité et des romans, et des relations de voyage – il édite aussi Tavernier et Rycaut.
19L’Orient n’est pas seulement connu par les histoires et les récits de voyage, c’est aussi un imaginaire, largement nourri par la littérature. De l’image fantasmatique d’un Orient que l’on aime se figurer passionné et sanglant on trouve plusieurs traces dans L’Espion du Grand Seigneur. En évoquant, fût-ce d’une manière très allusive, « la fin malheureuse [20] » de Bajazet et Orcan, frères du sultan Amurat IV étranglés sur son ordre, Marana ne renvoie pas seulement ses lecteurs à une « histoire tragique » qu’ils connaissent autant par les Nouvelles françaises de Segrais que par la pièce de Racine, il fait fond aussi sur la conviction, largement répandue, selon laquelle « [l]es parricides et fratricides ne sont pas choses nouvelles en Turquie, il semble que leur empire soit fondé sur cette barbarie, de faire mourir tout ce qui peut empêcher de régner [21] », comme l’écrivait l’historien Pierre Matthieu en 1605. Racine le redira dans Bajazet (I, 1, v. 105-108) :
21Les hommes du XVIIe siècle, nourris de la Poétique d’Aristote, n’ignorent pas la charge pathétique que recèlent les violences entre proches. Le sérail, qui pique la curiosité occidentale, se prête lui aussi aisément à la fiction, à laquelle il offre les ressources et de l’unité de lieu, et de ses personnages de belles et d’eunuques. Marana, là encore, fait allusion à une histoire bien connue de ses lecteurs, celle de l’esclave Roxelane [22], qui avait obtenu de se faire épouser de Soliman : narrée par Chalcondyle, par Baudier, et plus généralement par tous les auteurs qui écrivent l’histoire de l’empire ottoman, évoquée par Madeleine de Scudéry dans Ibrahim (1641), mise en scène dans une tragi-comédie par Joseph Desmares en 1643, elle venait d’être reprise encore tout récemment par Fontenelle dans ses Nouveaux Dialogues des morts. Marana ne se prive pas non plus d’inventer des « aventures », comme celle des amours, forcément malheureuses, de la « belle Circassienne » et du « jeune Persan » évoquées dans la lettre XCVII – évoquées, car il se garde bien de raconter pour mieux en appeler à l’imagination [23]. Il convient d’ajouter qu’il ne se situe pas seulement dans une tradition, il en crée une, qui demeurera vivace pendant tout le siècle des Lumières, où le voile oriental servira plus d’une fois à l’expression de la libre pensée.
22Il revient à Marana, en associant récit de voyage et forme épistolaire, d’avoir inventé un genre dont on connaît la fortune. On a pu considérer les Lettres portugaises, parues en 1669, comme une première esquisse du roman par lettres. S’il n’y a dans L’Espion du Grand Seigneur, comme chez Guilleragues, qu’un seul scripteur, à la différence des Lettres persanes, ce scripteur s’adresse à plusieurs correspondants : c’est là une première innovation, qui exploite les ressources offertes par la forme épistolaire. C’est en effet un souci littéraire qui semble présider à ce choix : il est peu vraisemblable que l’espion ait affaire à autant de correspondants officiels à Constantinople – il écrit au chef du trésor, au kaimakam, au premier secrétaire de l’empire, au vizir, à des bachas… L’artifice présente en revanche l’avantage de la varietas : Mahmut n’écrit pas de la même façon à ses différents correspondants, comme il le souligne lui-même à plusieurs reprises, en des lignes où transparaît un peu lourdement la main de Marana :
Lorsque j’écris au grand vizir, je n’écris qu’en tremblant ; si j’écris au kaimakam, je ne suis point sans espérance, et je n’envoie point de lettre aux autres bachas sans avoir de l’inquiétude et beaucoup de peine ; pour ce qui regarde mes amis, je me divertis en leur écrivant. Mais lorsque c’est à toi que j’écris, je puis dire que je t’écris pour espérer, pour vivre, et pour acquérir dans l’autre monde cette vie heureuse dont parle notre divin prophète […]. [24]
24Le Long l’avait noté : « L’auteur les varie avec discernement, selon les personnes à qui il feint qu’il les écrit [25]. » Le ton change effectivement entre les lettres privées, qui restent toutefois peu nombreuses, et celles où Mahmut rend compte de son activité d’espion. Au sein même de ces dernières, le ton diffère en fonction des interlocuteurs, selon leur position dans la hiérarchie administrative et selon la confiance qui leur est accordée.
25Sans devenir prépondérantes, les lettres privées se multiplient dans la seconde partie du texte : on peut voir là un souci de varier la matière pour soutenir l’intérêt du lecteur, après une longue série de missives consacrées aux guerres européennes. La première lettre que Mahmut adresse à sa mère permet d’étoffer son personnage, en dévoilant quelques pans de sa biographie [26]. Elle approfondit également le thème de la maladie, introduit peu avant [27], qui va devenir un fil conducteur. On apprend rapidement que cette maladie n’est autre que la mélancolie : la description des symptômes apparaît toutefois très conventionnelle [28], tout comme le récit des tourments amoureux dans la longue lettre LXIX, saturé de lieux communs [29]. La belle Grecque fait néanmoins là une apparition en littérature qui ne restera pas sans postérité.
26Moduler le ton et le contenu des lettres en fonction des destinataires permet de maintenir l’attention, mais aussi d’introduire ce qui s’apparente à une intrigue, la crainte qu’éprouve Mahmut qu’on ne le desserve à Constantinople pendant sa longue absence – cet aspect sera amplement développé dans la continuation, où les craintes de l’espion semblent justifiées par les attentats contre sa personne. Par là, Marana exploite les ressources de la fiction épistolaire pour suggérer un arrière-plan d’intrigues au sein du divan, qui renvoie à l’idée communément reçue de l’instabilité de la cour ottomane. Plus généralement, on ne peut se défendre de l’impression qu’il s’amuse à explorer, avec plus ou moins de bonheur, les potentialités offertes par la forme qu’il invente. Ainsi Mahmut dans une lettre à son ami Dgnet Oglou dit vouloir lui procurer la confiance du vizir, sans que ce dernier s’en aperçoive :
et voici la manière que j’ai cru la plus propre. Tu feindras d’avoir reçu de quelque ami que tu auras laissé à Palerme, les mémoires que je t’envoie avec cette lettre, et il ne sera pas difficile de faire croire que tu as du commerce en cette ville de Sicile, après le temps que nous y avons demeuré ensemble, pendant notre esclavage. […]
Tu diras donc à ce principal ministre du premier état du monde, que tu as reçu les mémoires que tu lui présenteras, et tu lui assureras que tu les auras traduits d’italien en arabe, et tu les écriras de ta main, afin qu’il ne paraisse pas qu’ils viennent de moi. [30]
28La fiction épistolaire n’a pas trompé grand monde : dès la publication du premier tome, Bayle estime que « le sieur Marana n’a point eu d’autre dessein, que de faire l’éloge de Sa Majesté très chrétienne, et qu’afin de mieux cacher son jeu, et de lui donner même du merveilleux, il veut mettre en la bouche d’un Turc, ce qu’il a médité lui-même sur les actions glorieuses de ce grand monarque [31] ». Le père Le Long confirmera en 1719 que « rien n’est plus assuré que les soupçons de M. Bayle » : « Ce n’est qu’un roman que cet ouvrage, inventé à plaisir pour lui donner du relief. L’auteur n’est rien moins qu’un Turc, quoiqu’il le contrefasse assez bien [32]. » Charpentier toutefois jugera utile de le préciser à nouveau, en comparant Mahmut au Sidi Ahmed de Cervantès :
il n’y a personne qui ne s’aperçoive que l’Espion turc, n’est qu’un personnage fantastique, que l’auteur a imaginé pour débiter d’une manière plus ingénieuse l’histoire du dernier siècle. Ainsi le bon musulman Mahmut n’est point natif de Constantinople, de Dalep [sic], ni de Damas, mais bien du cerveau de l’illustrissimo Signor Paolo Marana. [33]
Des lettres critiques
30Les lettres qu’envoie l’espion turc à Constantinople constituent un tableau satirique de l’Europe au XVIIe siècle : il y décrit aussi bien les événements politiques et militaires que les mœurs. L’édition originale, où les lettres commencent en 1637 et s’achèvent en 1642, offre une peinture complète de la situation européenne ; Marana ne manque pas non plus d’évoquer l’état de la Turquie, à l’occasion de la mort d’Amurat IV. La satire des mœurs englobe celle de la religion : le musulman Mahmut ne cesse de s’étonner devant les pratiques des chrétiens. Le procédé qui consiste à faire parler un Oriental présente le double avantage d’introduire du pittoresque dans la description et de receler une charge critique. Plus profondément, il engage une vision relativiste des sociétés.
31La fiction offre une protection à l’auteur, comme n’avait pas manqué de l’observer le père Le Long : « Il a rendu sa fiction vraisemblable par les circonstances dont il remplit ces récits, et par là il se donne la liberté de dire ce qu’il pense [34]. » La fiction épistolaire dédouane en effet l’auteur des propos tenus par le personnage : on l’avoue aisément à l’âge classique, sans être dupe pour autant. « Je sais bien que c’est un Turc qui parle », reconnaît Pidou de Saint-Olon, traducteur et ami de Marana, lorsqu’il reproche à ce dernier « de parler irrespectueusement des mystères de notre religion », mais c’est pour balayer immédiatement l’excuse :
on sera toujours reçu à vous dire, que votre dessein n’étant que de donner au public ce que vous avez trouvé dans ses lettres d’instructif pour l’histoire du temps dans lequel elles ont été écrites, vous pouviez supprimer celles qui n’y convenaient pas. [35]
33Dreux du Radier est bien forcé de concéder que « si on règle ses sentiments sur les idées de tolérance, de théisme et de pyrrhonisme même, qu’il a répandues dans son Espion turc, on n’aura pas une opinion fort avantageuse de l’orthodoxie de l’auteur [36] ». S’il avance pour sa défense qu’« il faisait parler un Turc, et [qu’]il devait lui conserver son caractère », il ne cache pas la faiblesse de l’argument : « Je sais qu’on peut répondre que sous un pareil masque, un auteur développe souvent ses sentiments les plus intimes [37]. » Aussi croit-il plus prudent d’alléguer des lettres manuscrites de Marana, où il dit trouver « des preuves certaines de son attachement à la religion catholique [38] ».
34On ne sait quel texte lisait Dreux du Radier au milieu du XVIIIe siècle. Mais l’édition originale déjà fait douter de l’orthodoxie de Marana. Dès les premières lettres, Mahmut se livre à une critique du mélange entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel, feignant de s’étonner que ce soit un prêtre qui gouverne la France, et un autre ecclésiastique qui conduise la flotte française en Méditerranée :
Un homme d’Église, qu’on appelle à Rome un cardinal, est le principal ministre de l’État : On le nomme Armand du Plessis, cardinal de Richelieu : Il a la réputation d’être grand politique, d’avoir l’esprit fort élevé, très fin, et très pénétrant, et du reste il suffit de dire que c’est un prêtre. [39]
L’archevêque de Bordeaux est à présent général de l’armée navale de France, cet homme est prêtre ; et je ne puis m’imaginer comment le pape permet qu’un prêtre fasse le matelot et le soldat, et comme un prélat de cette sorte peut abandonner son troupeau, son autel, et son office, s’il est vrai ce que disent les chrétiens ; mais cela n’est pas notre affaire ; et il faut, puisque le roi son maître est un prince, qui a bon esprit, et qui entend bien son fait, il faut, dis-je, que le prêtre soit fort propre au métier qu’il fait, et qu’il soit bon homme de mer. [40]
37Le thème court à travers tout l’ouvrage. Dans la lettre qui rend compte de la naissance du dauphin, Marana raille également la « superstition » des prêtres et la crédulité du peuple :
Tous les prêtres chantent les louanges de Dieu pour un tel présent dans leurs temples, et les moines ne s’en tiennent pas là, ils étourdissent le peuple par le bruit qu’ils font avec leurs cloches, et ils en font plus que les trompettes et les tambours des soldats, et que tout le canon de cette citadelle, et de l’arsenal. […]
Ceux qui avaient assuré que la reine accoucherait d’un fils, soutiennent présentement qu’ils en avaient été avertis par quelque révélation divine, et se veulent faire passer pour prophètes, et il y a parmi ces gens plusieurs dervis. Remarque jusqu’où va leur superstition. [41]
Les femmes font courir le bruit aujourd’hui que le dauphin a des dents, et que les nourrices n’en peuvent sauver leurs mamelles, ceux qui croient facilement les bruits qui courent, publient ceci, comme une chose très certaine ; le peuple qui ajoute foi aux choses les plus incroyables, fait là-dessus de beaux contes, et en prétend tirer de grands augures. [42]
40Plusieurs lettres au grand mufti s’étendent sur les scrupules qu’éprouverait Mahmut à devoir se déguiser sous les traits d’un chrétien orthodoxe. Il faut pourtant peu de temps à ce prétendu bon musulman pour prendre ses distances avec sa foi : dès la lettre XI, l’année qui suit son arrivée à Paris, Mahmut souhaite voir « les deux religions » chrétienne et musulmane « ensemble, de manière qu’elles n’en composent qu’une seule [43] », et ne craint pas d’affirmer la supériorité de la morale sur le dogme. Dans la lettre LXXVI, où le sultan Ibrahim est loué de ne pas s’attacher « aux superstitions des plus dévots de notre loi, qui veulent que nos souverains soient ennemis implacables des chrétiens [44] », Mahmut prône ouvertement la tolérance religieuse. Ce déisme, sensible dans les 102 lettres originales, sera encore accentué dans la continuation. À cela s’ajoute la satire des ordres religieux. Ainsi la description des capucins amène-t-elle une remarque aussi plaisante qu’hétérodoxe : « Enfin leur vie est un enfer continuel, et ils seront bien attrapés, s’ils ne trouvent un paradis, quand ils se seront dépouillés de la mortalité [45]. » Dans la même lettre, Marana désacralise le mystère de l’Eucharistie en le faisant décrire par Mahmut comme un rituel matériel, qui apparaît dès lors privé de signification [46] – Montesquieu ne manquera pas de reprendre le procédé dans les Lettres persanes, tout comme Voltaire dans les Lettres philosophiques.
41L’Espion du Grand Seigneur a incontestablement contribué à montrer le musulman sous un jour plus favorable. Par là Marana a exercé une influence sensible sur la pensée des philosophes qui, de Boulainvilliers à Voltaire, s’intéresseront à leur tour à la religion musulmane, non sans arrière-pensée polémique dans leur combat contre le christianisme.
De l’histoire au roman
42À maintes reprises dans le texte original Mahmut affirme l’importance de la lecture de l’histoire. Parmi ses auteurs de prédilection figurent Plutarque, Tite-Live et Tacite, qu’il aurait lus pendant sa captivité à Palerme, en même temps que Sénèque [47]. De fait, sa façon d’écrire l’histoire est marquée par les modèles antiques, qui demeurent prégnants au XVIIe siècle : ainsi de l’exercice classique du parallèle, comme celui entre Mahomet II et Henri IV qui clôt la lettre consacrée à ce dernier [48], et auquel Marana s’est livré dans d’autres textes. Plus largement, il ne cesse d’effectuer des comparaisons entre histoire moderne et histoire ancienne. L’espion turc possède en effet une solide culture occidentale : elle transparaît encore dans la lettre de consolation sur l’incendie de Constantinople, qui démarque ouvertement Sénèque [49].
43S’il entre indubitablement une tonalité humaniste dans la conception que se fait Marana de l’histoire, qu’il présente comme une leçon de morale et de politique, s’il avoue une prédilection pour Tite-Live et Plutarque, et leurs histoires édifiantes peuplées de grands hommes, s’il prête cette même prédilection à son protagoniste, toutefois sa conception de l’histoire est aussi marquée au sceau de la modernité, comme suffirait à l’indiquer la présence de Tacite parmi les auteurs préférés de Mahmut : il n’est pas neutre, au XVIIe siècle, de revendiquer son goût pour un écrivain rendu suspect à l’orthodoxie catholique par l’exploitation qu’en ont faite et les tenants de Machiavel et les partisans de la raison d’État. Pour Marana comme pour ces derniers, l’histoire ne présente pas seulement de hauts faits héroïques à l’admiration et à l’émulation des lecteurs, elle constitue aussi une leçon de réalisme : Tacite, comme Sénèque, montre comment vivre sous de mauvais princes. L’importance du thème de la raison d’État, qui apparaît comme un des leitmotive du texte, signale elle aussi cet ancrage dans la réalité politique et intellectuelle du XVIIe siècle. À cet égard on ne peut manquer de relever la place qu’occupe Richelieu, constamment évoqué, et constamment dépeint comme un politique aussi habile que dangereux. On peut toutefois douter que présenter le cardinal comme un « Tibère français [50] » soit le moyen le plus adroit de faire sa cour à Louis XIV.
44La Congiura di Raffaello della Torre, pour être nourrie et de l’expérience génoise de Marana, et de ses lectures, à commencer par Salluste, le classique des classiques en matière de conjurations, révèle aussi un auteur très conscient de ce qui plaît au public : le récit de conjuration est une valeur sûre au XVIIe siècle [51]. On en retrouve la trace dans L’Espion du Grand Seigneur, qui raconte plusieurs conspirations, réelles ou supposées : celles des Grands contre Richelieu, celle d’une partie de la noblesse contre le roi Jean IV après la Restauration portugaise, qui sont avérées, mais aussi celle que le vice-roi de Naples aurait fomentée à Gênes en 1638, qui est tout aussi imaginaire que celle que Marana a dénoncée aux Inquisiteurs en 1670 – mais qui s’ancre dans une riche tradition littéraire.
45Dans celle-ci se détache la Congiura del conte de’ Fieschi de Mascardi, qui a inspiré Retz. Mascardi est aussi l’auteur d’un important traité sur l’histoire, le Dell’ arte historica, publié en 1636. Marana reconnaît ce qu’il doit à ce texte dans l’avis au lecteur de sa propre Congiura comme dans le frontispice, dessiné selon ses instructions, où est représenté l’ouvrage. Regrettant que les historiens se concentrent sur les récits de batailles au détriment de la politique, Mascardi les invitait à enquêter sur les conseils des princes [52]. Où l’on retrouve Tacite : ses Annales constituent un modèle pour cette histoire des arcana imperii, à laquelle appelle aussi à la même date Gabriel Naudé. C’est précisément à ce dévoilement des intrigues de cour que se livre à partir de 1644 Vittorio Siri dans son Mercurio, dans lequel Marana puise à pleines mains : c’est en suivant de près le texte de Siri qu’il raconte les révolutions d’Angleterre [53] et du Portugal [54], ainsi que la conjuration contre le nouveau roi portugais Jean IV [55]. Il s’inscrit par là dans ce que le second XVIIe siècle, qui la prise tant, appelle l’histoire secrète, qui prétend révéler intrigues et motifs cachés. Tandis que le titre original promet des « relations secrètes », Marana dans l’avis au lecteur se vante d’avoir « fouillé (pour ainsi dire) dans le cabinet des princes, et de leurs ministres [56] ». Or toute la difficulté de l’histoire secrète est celle de son information : bien souvent la fiction s’y mêle à l’histoire. C’est précisément ce mélange qui fait l’agrément de L’Espion du Grand Seigneur aux yeux des lecteurs contemporains : « On y trouve de l’histoire, du roman, des réflexions de tout genre, ce qui rend l’ouvrage fort agréable », estime Lenglet Dufresnoy [57].
46Si l’on ignore quelle éducation reçut Marana, et si la possibilité qu’il ait été élève des jésuites à Gênes n’est qu’une hypothèse, le texte de L’Espion du Grand Seigneur atteste l’étendue de ses lectures. Dreux du Radier assure qu’« il avait l’art de s’enrichir de la moisson qu’il avait faite chez les Anciens et chez les Modernes, sans avoir les dehors rebutants de l’homme érudit [58] ». C’est dire élégamment les choses : le texte est saturé d’emprunts. Les deux sources principales sont la Gazette française de Théophraste Renaudot et le Mercurio de Vittorio Siri ; il est notable que dans les deux cas il s’agisse de textes clairement pro-français. Siri, pensionné par Mazarin qui lui octroya en outre les titres de conseiller, de chapelain et d’historiographe du roi, relata dans son Mercurio tous les événements européens marquants d’un point de vue favorable à la France. Mais son récit ne commence qu’en 1640 : pour les années antérieures Marana est largement tributaire de la Gazette, comme l’ont démontré Almansi et Warren dans leur édition du manuscrit italien [59]. Il l’abandonne ensuite pour se fier à Siri, auquel il emprunte, outre le récit des événements anglais et portugais, la description de la situation en Turquie après la mort d’Amurat [60] comme l’évocation de l’humiliation infligée au Parlement de Paris le 21 février 1641 [61]. Le changement de texte source conduit à un déplacement d’objet : si les premières lettres sont centrées sur le récit d’événements militaires, avec Siri l’accent se déplace vers l’histoire secrète. Il n’est pas anodin que ce soit sous le titre d’Anecdotes que l’on réédite les textes du Mercurio à l’orée du XVIIIe siècle : en 1717 paraissent les Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu et du règne de Louis XIII, et en 1722 les Anecdotes du ministère du comte duc d’Olivarès.
47Une décennie avant Marana, Saint-Réal avait effectué le même pari, tant avec son Dom Carlos qu’avec, encore, une Conjuration, celle des Espagnols contre la République de Venise : que les deux auteurs, deux déclassés sociaux en quête de reconnaissance et de pensions, élisent l’histoire secrète pour faire leur cour à Louis XIV prouve la vogue de ce genre. En effet, avant de devenir un manifeste des Lumières dans la version augmentée qui paraît à partir de 1696, le texte original de L’Espion du Grand Seigneur s’ancre dans la réalité intellectuelle du second XVIIe siècle, par le double choix de l’histoire secrète et d’un sujet oriental comme par la critique qui s’y fait jour envers les dogmes des religions révélées. En s’avisant d’utiliser la forme épistolaire pour traiter un sujet oriental, et en donnant la parole à un Turc, Marana crée une œuvre originale, qui mérite qu’on la redécouvre pour elle-même, en cessant de la considérer uniquement comme une source de Montesquieu [62].
Notes
-
[1]
Ce travail sur Marana est issu de la commande d’une anthologie par un éditeur, qui a ensuite renoncé à la publier. Que Gérard Ferreyrolles trouve ici l’expression de ma reconnaissance pour avoir recueilli ce texte naufragé.
-
[2]
L’Esploratore turco, e le di lui relazioni segrete alla Porta ottomana, scoperte in Parigi nel regno di Luiggi il Grande. Tradotte dall’Arabo in Italiano, da Gian-Paolo Marana, e dall’Italiano in Francese da ***. Contengono le più nobili azioni della Francia e della Christianità, dall’ anno 1637. fino al 1682. Tomo primo, Paris, Claude Barbin, 1684 ; L’Espion du Grand-Seigneur, et ses relations secrètes, envoyées au Divan de Constantinople. Découvertes à Paris, pendant le règne de Louys le Grand. Traduites de l’Arabe en Italien Par le Sieur Jean-Paul Marana, Et de l’Italien en François par ***. Ces Relations contiennent les Evenemens les plus considerables de la Chrestienté & de la France, depuis l’Année 1637. jusques en l’Année 1682. Tome premier, Paris, Claude Barbin, 1684.
-
[3]
Nouvelles de la République des Lettres, mars 1684, Catalogue, III, Œuvres diverses de Mr Pierre Bayle, La Haye, Compagnie des Libraires, 1737, t. I, p. 20a.
-
[4]
L’Espion dans les cours des princes chrétiens, ou Lettres et Mémoires d’un Envoyé secret de la Porte dans les Cours de l’Europe, où l’on voit les descouvertes qu’il a faites dans toutes les Cours où il s’est trouvé, avec une Dissertation curieuse de leurs Forces, Politique & Religion, Cologne, Érasme Kinkius, puis Amsterdam, George Gallet, 1696-1699, 6 vol.
-
[5]
Letters writ by a Turkish Spy, Londres, H. Rhodes, 1687-1694, 8 vol.
-
[6]
Voir les études suivantes : W. H. MacBurney, « The Autorship of the Turkish Spy », Papers of the Modern Language Association, vol. LXXII, déc. 1957, p. 915-935 ; J. E. Tucker, « On the Autorship of the Turkish Spy : An État Présent », The Papers of the Bibliographical Society of America, vol. 52, 1958, p. 34-47 ; G. Almansi, « L’Esploratore Turco e la genesi del romanzo epistolare pseudo-orientale », Studi Secenteschi, vol. VII, 1966, p. 35-65 ; G. Almansi et D. A. Warren, « Roman épistolaire et analyse historique : L’Espion turc de G.-P. Marana », XVIIe siècle, n° 110-111, 1976, p. 57-73 ; J.-P. Gaudier et J.-J. Heirwegh, « Jean-Paul Marana, L’Espion du Grand Seigneur et l’histoire des idées », Études sur le XVIIIe siècle, vol. VIII, 1981, p. 25-52.
-
[7]
De l’usage des romans, Où l’on fait voir leur utilité & leurs différens caracteres : avec une Bibliothèque des Romans, Accompagnée de Remarques critiques sur leur choix & leurs Éditions, Amsterdam, Vve Poilras, 1734, t. II, p. 85.
-
[8]
Voir la mise au point de P. Vernière dans l’introduction de son édition des Lettres Persanes, Paris, Garnier, 1960, p. x-xi.
-
[9]
« […] des einst so beliebten Espion Turc » (« Über die Fähigkeit zu sprechen und hören », Neue deutsche Monatsschrift, mai-août 1795, vol. II, p. 61).
-
[10]
« Mémoire sur la vie & les ouvrages de Gian Paolo Marana auteur de l’Espion turc », Suite de la clef ou Journal historique sur les matières du tems. Contenant quelques nouvelles de Littérature, septembre 1754, t. LXXVI, Paris, Ganeau, 1754, p. 190-202 ; « Seconde Lettre sur la personne & les ouvrages de Giovanni Paolo Marana, auteur de l’Espion turc », octobre 1754, ibid., p. 271-282. Pour la biographie de Marana nous nous appuyons sur l’ouvrage de G. C. Roscioni, Sulle trace dell’« Esploratore turco », Milan, Rizzoli, 1992.
-
[11]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1684, « Au lecteur », f. ã2 v°.
-
[12]
B. Bray, « Nouveaux modes critiques dans un roman épistolaire : L’Espion du Grand Seigneur de Jean-Paul Marana (1684) », De la mort de Colbert à la Révocation de l’Édit de Nantes : un monde nouveau ?, Actes du XIVe colloque du Centre Méridional de Rencontre sur le XVIIe siècle (janvier 1984), Marseille, C.M.R. 17,1984, p. 370.
-
[13]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1684, « Au lecteur », f. i4 v°.
-
[14]
Ibid., « À Louis le Grand », f. *6 r°.
-
[15]
Ibid., « Avertissement », f. *8 r°. La dédicace, l’avertissement et l’avis au lecteur sont repris dans toutes les éditions parues du vivant de Marana, les éditions parisiennes de 1686 et de 1689 comme l’édition hollandaise de 1688. Ils disparaissent en revanche de la continuation.
-
[16]
Voir B. Bray, art. cit., p. 373.
-
[17]
Carpentariana ou Remarques d’Histoire, de Morale, de Critique, d’Érudition, et de bons Mots de M. Charpentier, de l’Académie françoise, Paris, N. Le Breton, 1724, p. 30-31.
-
[18]
Voir G. C. Roscioni, Sulle trace dell’« Esploratore turco », op. cit., p. 129.
-
[19]
Sur ce tournant voir l’étude classique de P. Martino, L’Orient dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1906. Pour la période antérieure on peut se reporter à l’ouvrage de Cl. D. Rouillard, The Turk in French history, thought and literature (1520-1660), Paris, Boivin, 1941.
-
[20]
L’Espion du Grand Seigneur et ses relations secrètes envoyées au Divan de Constantinople, Paris, Cl. Barbin, 1686, lettre LXXVI, t. III, p. 127.
-
[21]
Histoire de France & des choses memorables advenues aux Provinces estrangeres durant sept annees de Paix, du regne de Henry IIII Roy de France & de Navarre [1605], Paris, P. Metayer et M. Guillemot, 1609, livre VI, première narration, t. II, p. 461.
-
[22]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXIX, t. III, p. 19.
-
[23]
Ibid., t. III, p. 364-365.
-
[24]
Ibid., lettre XCV, t. III, p. 324-325.
-
[25]
Bibliothèque historique de la France ; contenant le catalogue de tous les ouvrages, tant imprimez que manuscrits, qui traitent de l’histoire de ce roïaume, ou qui y ont rapport : Avec des Notes critiques & historiques, Paris, G. Martin, 1719, p. 514.
-
[26]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LIX, t. II, p. 391-396.
-
[27]
Ibid., lettre LIV, t. II, p. 343-344.
-
[28]
Ibid., lettre LXI, t. II, p. 403-406.
-
[29]
Ibid., t. III, p. 1-24.
-
[30]
Ibid., lettre LXXX, t. III, p. 160-162.
-
[31]
Nouvelles de la République des Lettres, mars 1684, Catalogue, III, Œuvres diverses, op. cit., t. I, p. 20a.
-
[32]
Bibliothèque historique de la France, op. cit., p. 514.
-
[33]
Carpentariana, op. cit., p. 29.
-
[34]
Bibliothèque historique de la France, op. cit., p. 514.
-
[35]
Lettre du 11 janvier 1684, Bibliothèque de l’Arsenal (Paris), ms. 6829, f. 208 v°.
-
[36]
« Seconde Lettre sur la personne & les ouvrages de Giovanni Paolo Marana, auteur de l’Espion turc », art. cit., p. 281.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Ibid., p. 281-282.
-
[39]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre I, t. I, p. 7.
-
[40]
Ibid., lettre II, t. I, p. 26-27.
-
[41]
Ibid., lettre XXVIII, t. I, p. 264-265.
-
[42]
Ibid., p. 268-269.
-
[43]
Ibid., lettre XI, t. I, p. 110-111.
-
[44]
Ibid., lettre LXXVI, t. III, p. 132.
-
[45]
Ibid., lettre LXXI, t. III, p. 40.
-
[46]
Ibid., p. 42-43.
-
[47]
Ibid., lettre XX, t. I, p. 197-201.
-
[48]
Ibid., lettre L, t. II, p. 289-292.
-
[49]
Ibid., lettre LXXIII, t. III, p. 62-78.
-
[50]
Ibid., lettre XCV, t. III, p. 327.
-
[51]
Voir J. Lafond, « L’imaginaire de la conjuration dans la littérature française du XVIIe siècle », Lire, vivre où mènent les mots. De Rabelais aux formes brèves de la prose, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 155-170. Voir également Complots et Conjurations dans l’Europe moderne, dir. Y.-M. Bercé et E. Fasano Guarini, Rome, École française de Rome, 1996.
-
[52]
Dell’arte historica trattati cinque, Rome, G. Facciotti, 1636, I, 4, p. 78-79.
-
[53]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre XCIX, t. III, p. 382-401. Cf. Siri, Il Mercurio Overo Historia de’ correnti tempi, Casale, Chr. Della Casa, 1644, p. 185-221.
-
[54]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXXV, t. III, p. 85-121. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 114-166.
-
[55]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre CII, t. III, p. 423-438. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 456-460.
-
[56]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1684, « Au lecteur », f. ã5 r°.
-
[57]
De l’usage des romans, op. cit., t. II, p. 85.
-
[58]
« Seconde Lettre sur la personne & les ouvrages de Giovanni Paolo Marana, auteur de l’Espion turc », art. cit., p. 280.
-
[59]
Studi Secenteschi, vol. IX, 1968, p. 159-257 ; vol. X, 1969, p. 243-288 ; vol. XI, 1970, p. 75-165 ; vol. XII, 1971, p. 325-365 ; vol. XIII, 1972, p. 275-291 ; vol. XIV, 1973, p. 253-283.
-
[60]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXXVI, t. III, p. 122-136. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 179-180.
-
[61]
L’Espion du Grand Seigneur, éd. de 1686, lettre LXXXVIII, t. III, p. 253-260. Cf. Siri, Il Mercurio, éd. cit., p. 232-233.
-
[62]
C’était le souhait de M. Lever dans les pages qu’il consacre à Marana (Le Roman français au XVIIe siècle, Paris, Puf, 1981, p. 239-242).