Notes
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[1]
Un sonnet et une ode pour le « Tombeau d’Aymée » qui précède les « Regrets funèbres sur la mort d’Aymée », tardivement publiés dans les Œuvres de Pierre de Brach (éd. Dezeimeris, Bordeaux, 1861, livre IV, p. 307-312).
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[2]
Avant septembre 1588, une lettre, perdue, que nous connaissons par la réponse qu’y apporte Juste Lipse ; une deuxième lettre datée du 25 avril 1593, deux autres des 2 mai et 15 novembre 1596.
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[3]
« L’admiration dont ils me transsirent, lors qu’ils me furent fortuitement mis en main au sortir de l’enfance, m’alloit faire reputer visionnaire : si quelqu’un pour me ramparer contre un tel reproche, ne m’eut descouvert l’Eloge tressage, que ce Flamand en avoit rendu depuis quelques années à leur Autheur mon Pere » (Préface aux Essais, dans Marie de Gournay, Œuvres complètes, éd. J.-Cl. Arnould, M.-Cl. Bichard-Thomine, Cl. Blum, V. Worth?Stylianou, A. L. Franchetti et É. Berriot-Salvadore, Paris, Champion, 2002, p. 280-281). Le texte de 1595 fait commencer la phrase ainsi : « On estoit prest à me donner de l’hellebore, lors que […]. »
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[4]
Cette réécriture d’une histoire tragique du poète lyonnais Claude de Taillemont (Discours des Champs faez, 1553) donne son titre au recueil qui la contient ; elle connaît plusieurs rééditions avec de multiples variantes de 1595 à 1641.
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[5]
Suivant un scénario dont on peut douter : voir Œuvres complètes, éd. cit., p. 1282, note B ; et J.-C. Arnould, « L’histoire du “Proumenoir de Monsieur de Montaigne” : fondation de l’œuvre et naissance de l’écrivain », dans Marie de Gournay et l’édition de 1595 des Essais de Montaigne, Actes du colloque de la SIAM de juin 1995, Paris, Champion, 1996, et Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, vol. VII, n° 1-2-3, janv.-juin 1996, p. 207-217.
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[6]
Cette traduction est republiée en compagnie du « Promenoir » jusqu’en 1607 puis avec d’autres traductions dans les Versions de 1619, dans les Eschantillons de 1620 et 1623 puis dans L’Ombre de 1626 et 1627, et dans Les Advis de 1634 et 1641. Le « Bouquet poétique » accompagne aussi le « Promenoir » jusqu’en 1607, puis paraît à partir de 1626 sous le titre de « Bouquet de Pinde » ; ce recueil subit constamment de nombreux remaniements, ce qu’explique en partie le fait qu’il s’agit de poèmes de circonstance.
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[7]
Pour la poésie, les femmes auraient selon Montaigne une vocation particulière, voire exclusive : « Quand je les voy attachees à la rhetorique, à la judiciaire, à la logique, & semblables drogueries, si vaines & inutiles à leur besoing. j’entre en crainte, que les hommes qui le leur conseillent, le facent pour avoir loy de les regenter soubs ce tiltre. Car quelle autre excuse leur trouverois-je ? Baste, qu’elles peuvent sans nous, renger la grace de leurs yeux, à la gayeté, à la severité, & à la douceur. assaisonner un nenny, de rudesse, de doubte, & de faveur. & qu’elles ne cherchent point d’interprete aux discours qu’on faict pour leur service. Avec cette science, elles commandent à baguette, & regentent les regents & l’escole. Si toutesfois il leur fasche de nous ceder en quoy que ce soit, & veulent par curiosité avoir part aux livres. la poësie est un amusement propre à leur besoin. c’est un art follastre, & subtil, desguisé, parlier, tout en plaisir, tout en montre, comme elles. » (Essais, éd. Villey-Saulnier, Paris, PUF, 1965, III, 3).
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[8]
Voir J.-Cl. Arnould, « Marie de Gournay : l’écriture, l’édition et la mémoire de l’écrivain », Travaux de Littérature, n° 14 (« L’Écrivain-éditeur »), 2001, p. 171-185.
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[9]
« Advis sur la nouvelle edition du Promenoir de Monsieur de Montaigne » (1641), dans Œuvres complètes, éd. cit., p. 1278.
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[10]
Voir O. Millet, La Première réception des Essais de Montaigne (1580-1640), Paris, Champion, 1995, et la notice de Cl. Blum dans l’éd. cit. des Œuvres complètes, p. 27-43.
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[11]
« Je me retracte de ceste Preface que l’aveuglement de mon aage, et d’une violente fievre d’ame me laissa n’aguere eschapper des mains. » (Œuvres complètes, éd. cit., p. 273). Remplacée par une préface courte dans les éditions de 1598, 1600, 1602, 1604 et 1611, cette longue préface reparaît dans les éditions de 1617, 1625 et 1635 des Essais.
-
[12]
Ibid., p. 278-279.
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[13]
Ce texte viendra nourrir les œuvres à partir de 1626 : la première partie y entre sous le titre « Naissance de messeigneurs les enfans de France » ; une deuxième partie, plus brève, constitue l’embryon de l’« Institution » publiée en 1619 avec un volume de traductions puis de l’« Institution du Prince » ; une troisième est récrite pour faire le début du traité « De l’Education de Messeigneurs les Enfans de France » ; la dernière reparaît sous le titre de « Gratification à Venise » ; un Avis au lecteur conclut le volume, il sera intégré dans les œuvres à partir de 1626. C’est un exemple parlant du travail de recomposition qui constitue progressivement le texte définitif des œuvres.
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[14]
Œuvres complètes, éd. cit., p. 163.
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[15]
Ibid., p. 166.
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[16]
Il subit le traitement habituel : certaines pages formeront des pièces du premier et du troisième traités « De la Medisance », d’autres seront reprises dans « Du langage françois », figurant tous deux dans les œuvres à partir de 1626 ; d’autre part, prudemment dépouillé de la Defense des Jesuistes, il constitue la base de trois traités publiés à partir de 1626, « Exclamation sur le Parricide deplorable de l’année mil six cens dix », « Adieu de l’ame du Roy » et « Priere pour l’Ame du Roy », qui ne reprennent que les parties narratives et épidictiques du texte initial.
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[17]
M.-Th. Noiset, « Marie de Gournay et la défense des Jésuites en 1610 », MILFC Review, 1993, vol. 3, p. 28-37 ; Cl.-G. Dubois, « Autour de l’Adieu de l’âme du Roy Henry de France (1610) de Marie de Gournay », Journal of Medieval and Renaissance Studies, vol. 25, n° 3 (« Montaigne and Marie de Gournay »), 1995, p. 477-487 ; M. Fogel, Marie de Gournay. Itinéraires d’une femme savante, Paris, Fayard, 2004, p. 167-171, ainsi que « La Damoiselle de Gournay, qui a tousjours bien servi au public », à paraître dans Les Femmes et l’écriture de l’histoire, Actes du colloque de Rouen (2005).
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[18]
Anticoton, ou refutation de la lettre declaratoire du Pere Coton. Livre où est prouvé que les Jesuites sont coulpables et autheurs du parricide execrable commis en la personne du Roy tres-Chrestien Henry IIII d’heureuse memoire, s.l., 1610 ; Le Remerciement des Beurrieres de Paris, Au Sieur de Courbonzon Montgommery, s.l., 1610 ; Niort, 1610 ; Sedan, Guion de La Plume, 1610.
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[19]
Jacqueline Le Voyer d’Escoman, Le Veritable Manifeste sur la mort d’Henry le Grand par la demoiselle d’Escoman (1616), dans Archives curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII, éd. Cimber-Danjou, Paris, 1837, t. XV, p. 165-175 ; elle y prétend avoir écrit à Schomberg et à Mlle de Gournay pour les avertir d’un complot, puis les avoir rencontrés chez M. de Gournay, sans parvenir à les persuader d’en informer le roi.
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[20]
Dans l’ultime édition de ses œuvres, Les Advis de 1641, le troisième traité sur la « Medisance » prend son autonomie sous le titre « Des Broquarts ».
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[21]
Marie de Gournay exprimera aussi très souvent un sentiment de « déclassement » consécutifs aux déboires familiaux et aux revers de fortune, mais dont sa meilleure biographe Michèle Fogel nous enseigne cependant la prudence avec laquelle il faut les juger (Marie de Gournay. Itinéraires d’une femme savante, Paris, Fayard, 2004).
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[22]
« Certes le desesperé malheur de ce temps s’oppose trop à la progression de mon ame novice s’oppiniastrant à la priver de la très heureuse et salutaire presence de mon pere, dont je ne fus jamais en possession que deux ou trois mois seulement. Miserable orphelinage ! si faut-il que je te chasse à quelque prix que ce soit. Fut-il jamais un malheur pareil au mien ? » (Lettre à Juste Lipse du 25 avril 1593, dans Œuvres complètes, éd. cit., p. 1934). Elle n’apprendra la mort de Montaigne, survenue le 13 septembre 1592, que par la réponse de Juste Lipse, datée du 24 mai 1593.
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[23]
Poème situé dans le « Bouquet de Pinde » (Œuvres complètes, éd. cit., p. 1783-1784), publié pour la première fois en 1626 et probablement écrit dès 1616.
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[24]
Ibid., p. 255.
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[25]
« Peinture de Mœurs », ibid., p. 1784.
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[26]
Voir notre article « L’économie des œuvres de Marie de Gournay : un “livre moulé à l’air d’un autre Siècle” », Studi francesi, n° 141, 2003, p. 604-617, dont nous reprenons ici plusieurs hypothèses.
-
[27]
Œuvres complètes, éd. cit., p. 1864.
-
[28]
« Du langage françois », « Sur la version des poètes antiques », « Des Rymes », « Des Diminutifs », « Deffence de la Poésie », « Advis sur la nouvelle édition du Promenoir », « Lettre sur l’art de traduire les orateurs », « Advis sur la traduction de la seconde Philippique de Cicéron », « De la façon d’escrire […] ».
-
[29]
« De la Medisance », « Antipathie des ames basses et hautes », « Consideration sur quelques contes de cour », « Que les grands esprits et les gens de bien se cherchent », « De la neantise de la commune vaillance de ce temps », « Que l’integrité suit la vraye suffisance », « Des vertus vicieuses », « Des grimaces mondaines », « De l’Impertinente amitié », « Des Sottes finesses », « Grief des Dames », « De la Temerité », « Des Broquarts ».
-
[30]
« Des fausses dévotions », « Si la vengeance est licite », « Advis à quelques gens d’Eglise ».
-
[31]
« L’Egalité des hommes et des femmes », « Grief des Dames ».
-
[32]
« Apologie pour la Damoiselle de Gournay », « Vie de la Demoiselle de Gournay ».
-
[33]
« Aux Versions qui la suivent, il est requis d’observer en premier lieu, si je suy les reigles que je prescrits moy-mesme en cette Lettre. » (Les Advis, « Discours à Sophrosine », dans Œuvres complètes, éd. cit., p. 563).
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[34]
Elle reconnaît ainsi l’unité thématique des « Traictez Royaux », « Pieces où l’on parle de grands Roys et de grandes actions, ou bien, ausquelles les grands Roys parlent eux-mesmes à d’autres Roys ou à Dieu » (ibid. p. 556).
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[35]
Ibid., p. 560.
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[36]
Elle présente ainsi le traité « De la façon d’escrire de Messieurs l’Eminencissime Cardinal du Perron et Bertault […] » du second livre comme une « suite » à la « Deffense de la Poesie » du premier livre (ibid., p. 1524).
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[37]
Les Advis, « Discours à Sophrosine », ibid., p. 557.
-
[38]
Michel Butor, Essai sur les Essais, Paris, NRF / Gallimard, 1968, p. 33.
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[39]
Monument qui abrite de surcroît plusieurs tombeaux : dans le « Promenoir », celui de Montaigne – à son tour un cénotaphe puisqu’il n’a de montaignien que son destinataire –, et dans le recueil poétique celui de ses père et mère et de bien d’autres personnes qu’elle a connues et aimées ; elle écrit ainsi à la fin de la dédicace à sa cousine de la traduction de l’épître de Laodamie : « Bien que la Dame à qui j’escrivis la lettre precedente, feust morte dès avant que ce livre s’imprimast la premiere fois, j’estimay qu’elle pouvoit continuer à luy parler aux termes qu’elle avoit esté conceue de son vivant : et de mesme quelques autres Pieces de ce Livre, addressées à diverses personnes qui ne vivoient plus dès ce temps-là. » (Œuvres complètes, éd. cit., p. 1458).
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[40]
Au titre de L’Ombre de 1626, publiée à Paris chez Jean Libert.
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[41]
Les Advis, « Discours à Sophrosine », éd. cit., p. 558.
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[42]
Successivement dans l’éd. cit. des Œuvres complètes : « Adieu » de 1610, p. 205 ; « A Sophrosine », p. 554 (issu d’Horace, Epistulæ, I, i, 76, via la Préface aux Essais, p. 314) ; « Antipathie des ames basses et hautes », p. 774.
1Les premiers écrits de Marie de Gournay n’appartiennent pas formellement au genre polémique, ils n’en développent ni les thèmes ni l’écriture caractéristique. Les formes qu’ils affectent ont une signification évidente : des hommages poétiques à l’Aymée de Pierre de Brach [1], dont on connaît le rôle dans la mise au point des Essais ; plusieurs lettres à Juste Lipse [2], premier laudateur des Essais, dont l’autorité aurait permis à la jeune lectrice exagérément enthousiaste d’échapper à l’hellébore [3] et par qui elle apprendra la mort de son « pere » ; enfin, « Le Promenoir de Monsieur de Montaigne [4] », histoire tragique prétendument générée par une discussion avec le grand homme [5], accompagnée en 1594 d’une traduction du deuxième livre de l’Énéide [6] et du « Bouquet poétique » qui réunit les poèmes composés jusqu’à cette date [7]. C’est bien l’« ombre » de Montaigne qui guide les premiers pas de Marie de Gournay en littérature [8].
2Cette entrée en écriture permet cependant d’observer, en puissance, les directions et les formes que la polémique prendra sous sa plume. Une lettre, perdue, adressée en 1588 à Juste Lipse, faisait état d’un « petit traité », dont on peut légitimement supposer qu’il est une matrice de la Préface aux Essais de 1595 et du traité « Que les grands esprits et les gens de bien se cherchent », publié en 1626. Le « Promenoir de Monsieur de Montaigne » comporte une longue digression dont il se voit amputé après sa troisième édition de 1599 et qui constitue l’embryon de l’« Égalité des hommes et des femmes », paru en 1622. Dès ce récit originel on peut ainsi saisir le goût pour la controverse qui conduit Marie de Gournay à produire ce qu’elle désignera à la fin de sa carrière éditoriale comme un « Roman discourant [9] », premier signe du caractère envahissant de l’écriture polémique, apte à se couler jusque dans le genre narratif.
3Présentant donc les prémices de la polémique féministe et sociale qui se déploiera dans les traités, les tout premiers écrits de Marie de Gournay, montaigniens par leur teneur ou par les personnes qu’ils touchent, sont le creuset où prend forme une écriture polémique qui se manifeste ensuite dans divers épisodes.
4Sa première publication qu’on puisse qualifier de polémique est la Préface aux Essais de 1595. L’apologie des Essais engage son auteur dans un discours offensif sur le terrain de la langue (la spécificité linguistique des Essais), de la morale (la bienséance d’une œuvre à laquelle on reproche d’« anatomiser l’Amour » et de se complaire dans la peinture de soi) et de la raison (la prétendue obscurité des Essais, leur excessive complexité et l’ignorance professée par leur auteur) [10]. Ce texte est désavoué dès la seconde édition posthume de 1598 [11] : l’audace de la « fille d’alliance » avait pu être perçue comme une tentative d’appropriation des Essais et de la figure de Montaigne. On ne doute guère de la valorisation personnelle qu’elle a pu trouver, voire rechercher dans cette entreprise éditoriale. Il n’est pas douteux non plus qu’elle exagère en 1595 le « froid recueil, que nostre vulgaire fit d’abbord aux Essais [12] », non par pure mauvaise foi mais par déception, commune aux admirateurs enthousiastes, au vu du succès relatif de l’œuvre. Autour de la réception des Essais, Marie de Gournay est à la fois à l’origine d’une polémique en entendant réagir au prétendu mauvais accueil qui leur a été réservé, et la cible des réactions qu’elle provoque par cet engagement.
5La deuxième manifestation est plus nettement polémique encore ; elle se situe en 1608, avec la Bienvenue de Monseigneur le Duc d’Anjou, texte d’hommage dont on reconnaît qu’il est à l’origine, par découpage et recomposition, de plusieurs traités des futures œuvres complètes [13]. Cet opuscule donne lieu à un phénomène aussi intéressant qu’inattendu. Voué à la célébration du prince nouveau-né et de ses parents, il prend la tournure d’un « traité » dans lequel la polémique s’infiltre au point d’y tenir une place centrale. Marie de Gournay déclare ainsi à Gaston d’Orléans :
Tu seras, dis-je, trop bien né, pour manquer d’honnorer les Muses. Elles te salueront un jour du mesme accueil, que ce digne Empereur Auguste, retournant soubs tes auspices, de chetives mercenaires, Nymphes et deesses. « Deus nobis hæc otia fecit. »
Il me semble desjà, que je sens le doux air de ton aage flatter nos sens et l’enthousiasme s’esveiller. Aussi faut-il bien dire, que quelque fureur particuliere m’emporte moy-mesme, d’entreprendre icy pour peu que ce soit de causer à tes oreilles, avec ma rime en proze. [14]
7Suit un développement en deux temps : Marie de Gournay expose les difficultés qui l’ont empêchée d’étudier, avant de se lancer dans une diatribe contre les Grands contempteurs des Lettres, ouvrant ainsi un double front, littéraire et social. Les pages suivantes confirment le détournement du genre épidictique à des fins polémiques. Après avoir suggéré que si la fortune l’avait voulu elle aurait pu mieux honorer le prince et par conséquent payer ce qu’elle doit à ses amis comme à ses ennemis, elle poursuit :
La Sorbonne me pardonnera, s’il luy plaist ce mot : car si la vengeance est coulpe, au moins est-elle coulpe moins criminelle, parmy les gens de rare merite et gens de bien, (si nous ne sommes de ce premier rang, nous sommes au pis-aller du dernier) de ce qu’ils ne l’exercent, que sur les meschans ou personnes d’une ame basse et lasche ; n’estant pas possible qu’ils soient offencez, ne mal voulus des autres, ny pour neant, comme ils le sont tous les jours, s’ils ne sont puissans, ny mesme pour peu de gain, quand il seroit juste. Et le mal-heur veut, que ceux dont est question sont plus subjects au heurt que les autres, dont je t’advertis exprès, afin que tu prennes le soin de les proteger, puis qu’ils seront l’ame de ta gloire. La cause est, qu’ils sont plus souvent, à cause de leur esprit, rencontrez en diverses affaires, où le commun du monde, qu’ils trouvent en concurrence, ne se peut guere porter raisonnablement, sinon quand la crainte le tient en bride. Adjoustons qu’ils sont regardez de plus loin que les autres, ce qui donne prise aux plaisantes gloses du monde, et trouvez sauvages, par ceux qui ne les peuvent ressembler. [15]
9On a là comme un sommaire des divers traités qui constitueront la part principale de ses œuvres et qu’elle ne cessera de récrire jusque dans ses dernières années. Leurs titres parleront d’eux-mêmes tant ils semblent se superposer aux phrases que nous venons de lire : « Si la vengeance est licite », « Antipathie des ames basses et hautes », « Que les grands esprits et les gens de bien se cherchent », « De la neantise de la commune vaillance de ce temps », « Que l’integrité suit la vraye suffisance », « De la Medisance », « Consideration sur quelques contes de cour », « Des grimaces mondaines », « Des Sottes finesses », « Des Broquarts »… On pourrait de même reconnaître dans la suite de la Bienvenue des amorces de l’ensemble des traités à venir. On peut estimer à un tiers de la centaine de pages de cet hommage la place occupée par ces thèmes futurs de la polémique.
10Après la Préface aux Essais, la Bienvenue de 1608 constitue donc le noyau où s’élaborent, avec des formules d’ailleurs reprises textuellement dans les traités qui en proviendront, les différents thèmes de la polémique. Au même titre que les écrits initiaux de Marie de Gournay dans les genres poétique comme épistolaire, l’un et l’autre de ces textes ont une vocation épidictique ; mais, par un glissement qui a pour effet de concentrer l’attention sur sa propre personne, Marie de Gournay joint aux couleurs de l’éloge la censure des adversaires qu’elle se choisit. En somme, sans être première, l’intention polémique procède d’un détournement du propos initial.
11Arrêtons ce parcours à la date de 1610, lorsque, immédiatement après le régicide, Marie de Gournay donne son texte le plus polémique, l’Adieu de l’Ame du Roy de France et de Navarre Henry le Grand, avec la defence des Peres Jesuistes [16]. S’adressant à Marie de Médicis, elle y prend vigoureusement la défense des jésuites contre les accusations qui les visent. Ce libelle, aujourd’hui bien étudié [17], reçoit plusieurs réponses qui contiennent des attaques contre Marie de Gournay [18], au moment où elle se trouve directement mise en cause par les déclarations de Jacqueline d’Escoman [19].
12Cette première période de la carrière littéraire de Marie de Gournay, qui s’étend jusqu’à la publication en 1626 de la première version de ses « œuvres », L’Ombre de la damoiselle de Gournay, constitue aussi la première phase de son activité polémique, quand les traités ne sont pas encore rassemblés en un corps unique et dans une version organiquement stabilisée, et pour beaucoup restent encore à écrire ; après 1626, à une exception près [20], ils ne connaîtront plus que des remaniements ponctuels consistant en simples reformulations. Avant de former sous l’appellation de « traités » un ensemble dont on verra la cohérence, les écrits polémiques se manifestent en éruptions successives au gré des circonstances qu’offre la « Fortune » : la publication des Essais, une naissance royale, le régicide. Cette phase d’installation dans la vie sociale et intellectuelle est marquée par ce qui après coup constituera les textes fondateurs des « œuvres complètes » : le « Promenoir », la Préface, les libelles de 1608 et 1610.
13Concurremment, ces premiers écrits révèlent un état psychologique particulier : abandon et trahison constituent la trame du « Promenoir », tandis que le IIe livre de l’Énéide, qui montre Énée arraché de Troie, est l’œuvre inaugurale de Marie de Gournay en matière de traduction, avant même la XIIIe des Héroïdes d’Ovide en 1608, l’épître de Laodamie à Protésilas. En effet, cette période est assombrie par un deuil prématuré qui, avant même qu’elle ait connaissance de la mort de Montaigne [21], lui fait déplorer son « miserable orphelinage [22] ». Ce syndrome, dont il est difficile de mesurer la part de spontanéité et de mimétisme, n’est pas sans évoquer la figure de Montaigne, à laquelle Marie de Gournay s’efforce patiemment de se conformer. L’autoportrait qu’elle trace dans sa « Peinture de Mœurs » accrédite en tous cas l’idée d’une conduite essentiellement réactive :
15Si elle n’a pas délibérément opté sinon pour la carrière, du moins pour la voie de la polémique, elle y eût été portée par ce tempérament impulsif et passionné qu’elle se plaît à mettre en avant, la sincérité sans calcul de ses engouements et les accidents qu’ils provoquaient.
16Au même titre que son imprudente Préface aux Essais l’« affaire Ronsard » témoigne de ce comportement : entendant dénigrer le poète pour son langage ancien, Marie de Gournay produit en 1624 un Remerciement au Roy dans lequel elle présente juxtaposées la Harangue du duc de Guise aux soldats de Metz de Ronsard et une ultime version inédite du texte, parmi d’autres œuvres « n’agueres trouvées en son cabinet, esgarées parmy de vieux papiers, et corrigées de sa derniere main »,
pour reprocher l’insolence des ennemis de la memoire de ce Poëte ; de s’amuser à faire tant de bruit pour quelque manquement de versification, seul deffaut de ses Œuvres : et lequel il a aussi facilement reparé quand il luy a pleu, aux pieces que j’ay recouvrées, que facilement, à mon advis, il s’est resolu de le negliger aux autres : n’ayant pas jugé raisonnable de laisser croire, qu’une ame maistresse de tant de belles et admirables choses, que celles qui luysent en ses Escrits, daignast estre serve des barbouilleries de menues regles que ces gens y trouvent à dire, et qu’ils rabrouent si durement. [24]
18Or sa volonté de défendre la mémoire de Ronsard lui attire une violente critique de Guillaume Colletet en personne – comble de l’inconséquence, de la maladresse auxquelles expose cette « humeur bouillante » qu’elle se reconnaît aussi dans ces deux vers :
20Sa présentation des événements fait d’elle une polémiste à son corps défendant, une provocatrice involontaire, qui proteste de sa bonne foi et se pose en victime pour s’être faite l’avocate des représentants, désormais sans défense, de la perfection littéraire, intellectuelle et morale que furent et Montaigne et Ronsard.
21La voie de la polémique n’est pas le fait d’un choix, elle s’est trouvée imposée par les circonstances et par un tempérament : telle est l’interprétation qu’entend imposer Marie de Gournay. Effectivement, chez elle la polémique naît de l’écriture et par l’écriture, au fil des occasions, jusqu’à sa mise en forme réfléchie au moment où elle conçoit ses écrits séparés comme les fragments d’une œuvre d’auteur. L’état final de ces écrits tel qu’on peut l’observer dans Les Advis de 1641 permettra d’apprécier la place qu’elle assigne à la polémique dans l’ensemble qu’ils constituent.
22Le passage au recueil, qui s’opère en 1626 avec L’Ombre de la damoiselle de Gournay, est le moment où se pose de manière cruciale la question de la sélection et de la disposition [26] des écrits accumulés jusqu’à cette date. Il est marqué par un avertissement solennel, sans cesse reconduit par la suite :
Si ce Livre me survit, je deffends à toute personne, telle qu’elle soit, d’y adjouster, diminuer, ny changer jamais aucune chose, soit aux mots ou en la substance, soubs peine à ceux qui l’entreprendroient d’estre tenus aux yeux des gens d’honneur, pour violateurs d’un sepulchre innocent. [27]
24De la variété des traités se dégagent plusieurs orientations : débat linguistique et poétique [28], sujets moraux et sociaux [29], questions religieuses [30], dispute « féministe [31] », apologie personnelle [32] ; toutefois, la dispersion de ces traités dans l’économie de l’ouvrage atteste que l’exercice de la polémique n’obéit pas à un programme thématique, qui aurait conduit à une déclinaison systématique des sujets. Leur disposition répond à une architecture plus complexe qui demande à être interprétée.
25Un double seuil comprend le « Discours à Sophrosine », ajouté en 1634, puis une « Lettre liminaire », qui décrivent l’œuvre et en justifient certains aspects. S’ouvre alors un premier Livre constitué de six traités politiques, suivis d’un traité sur le « Langage françois ». Une deuxième série de neuf traités moraux, apparemment interrompue par l’« Institution du Prince », précède « Sur la Version des Poetes antiques, ou des Metaphores » et l’« Egalité des hommes et des femmes » ainsi qu’une brève pièce de circonstance, « Chrysante, ou convalescence d’une petite fille ». Vient alors une nouvelle volée de douze traités faisant alterner sujets poétiques, politiques et moraux. Le premier Livre s’achève sur les trois textes les plus personnels : celui où l’écriture prend sa source (le « Promenoir »), la nouvelle préface dont il est doté et l’« Apologie pour la Demoiselle de Gournay », destinée à défendre l’auteur contre les diverses attaques dont elle est victime. La construction du second Livre paraît plus évidente. Il recueille en premier lieu les traductions : quatre discours – dont l’un est poétique – que précède une introduction critique [33], quatre livres de l’Énéide (le dernier ajouté en 1634) également précédés d’un texte théorique ; en seconde position vient le recueil des œuvres poétiques. Le volume se clôt sur un nouveau texte apologétique, à un double titre : il constitue un sommaire de la vie de l’auteur et par ailleurs aurait fait l’objet d’une manipulation que sa publication même a pour but d’éventer. L’Avis au lecteur pose la pierre finale de l’ouvrage.
26Cet édifice a connu deux remaniements : l’« Institution du Prince », qui s’immisce dans une série de traités moraux, marquait originellement (en 1626) la fin de la première série de traités politiques ; d’autre part, et cette fois dans les trois premières versions de ces œuvres « complètes » (1626, 1627 et 1634), le traité « Des broquarts » n’était pas autonome mais constituait le troisième des traités sur la « Médisance », situés bien plus haut dans le volume. Ces deux déplacements ont leur raison, qui offre d’ailleurs une clé pour la compréhension de l’ensemble du premier livre. L’un permet de situer l’« Institution du Prince » dans une perspective morale, que confirme la lecture du texte : c’est en le faisant accéder à une aristocratie de l’esprit – qui n’a guère à voir avec l’aristocratie sociale – que l’on formera le prince idéal, donc en l’éloignant des vices dénoncés par les traités qui entourent cette « Institution » en 1641, la médisance et la croyance à la légère, la fausse dévotion, l’injustice qui opprime les faibles et contre laquelle Marie de Gournay justifie une « vengeance licite » ; à ces maux elle oppose les vertus morales, la vraie noblesse de cœur, la hauteur d’âme que sait manifester la société des « gens de bien » qui « s’entrefrequentent » loin des cercles mondains. Quant à l’autonomie nouvelle du traité « Des broquarts », elle vise un but similaire : le traité accentue la dénonciation, engagée dans le précédent, des méfaits de la calomnie, comme pour rappeler, avant la production de ses écrits originels, les avanies que ceux-ci, comme tous ceux qui les ont suivis, ont values à leur auteur. Tous, comme l’ensemble du livre, émanent en effet d’une victime – victime d’un deuil initial irréparable, la perte prématurée de son père d’alliance, et surtout d’une véritable persécution déclenchée par l’entrée en littérature qui s’en est suivie : ses protestations de fidélité à Montaigne, la défense de ses écrits, son conservatisme en fait de poésie et son intransigeance à l’encontre de la corruption du siècle en matière de morale et de politique lui auraient valu une flétrissure qu’elle considère comme un signe d’élection.
27La raison de la disposition des pièces apparaît dès lors clairement. Entre les piliers que constituent les textes initiaux et conclusifs du premier et du second livres – l’insertion en 1634 du « Discours à Sophrosine » puis en 1641 de la « Vie » pose un encadrement autobiographique –, les traités se présentent selon un ordre souple, sous forme tantôt d’ensemble thématique [34], tantôt de série mêlant divers sujets, qui tous marquent à la fois la cohésion du propos et la cohérence des préoccupations morales, politiques, linguistiques, poétiques, pédagogiques. Pour Marie de Gournay en effet tout se tient : les désordres observés dans la conduite des contemporains ne sont pas d’autre nature que la mauvaise éducation qui menacerait le Prince ou la corruption qui affecte le langage ; et la même préoccupation explique la ventilation entre les premier et second livres des traités aussi bien que des traductions et œuvres poétiques, avec leurs textes d’accompagnement – au risque assumé d’un « désordre » apparent dont Marie de Gournay prend acte dans le « Discours à Sophrosine », sans autre justification, à propos de
ce Traicté de l’Institution du Prince, que je range immediatement icy à la suite des premiers, d’autant qu’il est de mesme estoffe, quoy qu’il soit esloigné d’eux en l’ordre du Livre. [35]
29Sans doute une conception plus rationnelle eût conduit à regrouper en un Livre tous les textes ayant trait au langage et à la poétique et dans un autre les traités politiques et moraux, mais c’eût été se priver de l’effet d’ensemble produit par leur mixage, et renoncer au dialogue qui s’instaure entre un premier livre marqué par l’engagement dans les débats du temps et le massif poétique du second – illustration en acte des principes unitaires qui les inspirent, et soulignée par une invite parfois explicite à circuler librement de l’un à l’autre [36].
30Si ce dispositif n’est pas délibéré jusque dans le détail, la conclusion qui s’impose à la lecture de l’ouvrage n’en est pas moins nette : il fait Œuvre, « il se pare de cette qualité qui proprement le fait Livre [37] » ; c’est-à-dire qu’il forme un édifice complexe et cependant un, distinct de tout autre et marqué du début à la fin par l’intention de l’architecte, qui sans cesse transparaît sous les traits de l’auteur, représentée d’entrée de jeu sur la gravure de Jean Mathieu, dont un heureux hasard – si c’en est un – fait l’unique portrait attesté de Marie de Gournay. La confusion de l’œuvre avec son auteur est dès lors totale et, un peu comme les Essais ont pu être présentés comme le cénotaphe de La Boétie [38], Les Advis pourraient bien être le monument de Marie de Gournay [39] : ce qu’elle désigne comme un « sepulchre innocent » exprime la personnalité de l’auteur, dans ses écrits autobiographiques ou apologétiques comme dans les traités où elle s’affirme avec tant de force. Un tel agencement et l’intention de présenter au public un « Œuvre composé de meslanges [40] » répondent à une conception esthétique qui se rattache aussi à une ascendance ronsardienne par le parti pris du « beau désordre » (elle se veut constamment écrire en poésie à la manière de Ronsard). Marie de Gournay ne laisse pas de connaître les rhéteurs, elle dispose des procédés permettant de produire un discours ordonné. Par choix elle se tourne pourtant vers un ordre instable qui expose à de constantes digressions, un désordre « naturel » mais signifiant, par admiration de l’Œuvre ronsardien, par fidélité également à son père d’alliance, même si elle ne reprend pas pour son compte son style propre, son propos ne relevant pas de la quête mais de l’assertion volontiers polémique. Reste que « de gros en gros c’est le Discours de raison [41] ».
31Les débuts de Marie de Gournay comme l’état final de ses œuvres sont donc riches d’enseignements. La polémique n’est pas chez elle le fruit d’un projet concerté, elle s’insinue dans l’essor d’une écriture, et dans des genres variés dont elle n’était pas la visée immédiate. Mais au final leur diversité laisse apparaître une unité de fond dans la mesure où le combat esthétique et linguistique est aussi bien un combat moral et politique. Chacune de ces questions renvoie en effet à la mise en cause de la « suffisance », toute l’activité polémique de Marie de Gournay se ramenant à une lutte, qui est la justification de sa vie, contre ce « vilain monstre de vulgaire… Monstre infame ! », « cét Animal à plusieurs testes », « ce monstre de bestise », car « ce monstre s’appelle chacun, ou peu s’en faut [42] ». Et ce monstre, elle le reconnaît tour à tour dans les froids estimateurs des Essais, dans les dames de la cour et leur langue d’aigrettes, dans les malherbiens, dans les gens d’Église qui acceptent la confession sans repentir, dans les gentilshommes affronteurs et médisants, dans les lettrés contempteurs de l’esprit des femmes…
32Cette unité, qui est aussi celle de l’œuvre par la disposition qu’elle affecte, a beaucoup à voir avec la posture de l’écrivain, à qui son inscription dans une marginalité assumée, essentiellement fondée sur son identité sexuelle et sur la filiation revendiquée de Montaigne et de Ronsard, confère une légitimité moralement, linguistiquement, esthétiquement, socialement, religieusement supérieure à la légitimité sociale, tant il est vrai que chez elle l’engagement polémique est vécu comme un mode d’identification. En donnant, après coup, forme littéraire à la polémique, Marie de Gournay construit son identité de femmes de lettres en osmose avec son œuvre. Une et indivisible, la polémique devient, autant que l’est son livre, consubstantielle à son auteur.
Notes
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[1]
Un sonnet et une ode pour le « Tombeau d’Aymée » qui précède les « Regrets funèbres sur la mort d’Aymée », tardivement publiés dans les Œuvres de Pierre de Brach (éd. Dezeimeris, Bordeaux, 1861, livre IV, p. 307-312).
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[2]
Avant septembre 1588, une lettre, perdue, que nous connaissons par la réponse qu’y apporte Juste Lipse ; une deuxième lettre datée du 25 avril 1593, deux autres des 2 mai et 15 novembre 1596.
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[3]
« L’admiration dont ils me transsirent, lors qu’ils me furent fortuitement mis en main au sortir de l’enfance, m’alloit faire reputer visionnaire : si quelqu’un pour me ramparer contre un tel reproche, ne m’eut descouvert l’Eloge tressage, que ce Flamand en avoit rendu depuis quelques années à leur Autheur mon Pere » (Préface aux Essais, dans Marie de Gournay, Œuvres complètes, éd. J.-Cl. Arnould, M.-Cl. Bichard-Thomine, Cl. Blum, V. Worth?Stylianou, A. L. Franchetti et É. Berriot-Salvadore, Paris, Champion, 2002, p. 280-281). Le texte de 1595 fait commencer la phrase ainsi : « On estoit prest à me donner de l’hellebore, lors que […]. »
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[4]
Cette réécriture d’une histoire tragique du poète lyonnais Claude de Taillemont (Discours des Champs faez, 1553) donne son titre au recueil qui la contient ; elle connaît plusieurs rééditions avec de multiples variantes de 1595 à 1641.
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[5]
Suivant un scénario dont on peut douter : voir Œuvres complètes, éd. cit., p. 1282, note B ; et J.-C. Arnould, « L’histoire du “Proumenoir de Monsieur de Montaigne” : fondation de l’œuvre et naissance de l’écrivain », dans Marie de Gournay et l’édition de 1595 des Essais de Montaigne, Actes du colloque de la SIAM de juin 1995, Paris, Champion, 1996, et Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, vol. VII, n° 1-2-3, janv.-juin 1996, p. 207-217.
-
[6]
Cette traduction est republiée en compagnie du « Promenoir » jusqu’en 1607 puis avec d’autres traductions dans les Versions de 1619, dans les Eschantillons de 1620 et 1623 puis dans L’Ombre de 1626 et 1627, et dans Les Advis de 1634 et 1641. Le « Bouquet poétique » accompagne aussi le « Promenoir » jusqu’en 1607, puis paraît à partir de 1626 sous le titre de « Bouquet de Pinde » ; ce recueil subit constamment de nombreux remaniements, ce qu’explique en partie le fait qu’il s’agit de poèmes de circonstance.
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[7]
Pour la poésie, les femmes auraient selon Montaigne une vocation particulière, voire exclusive : « Quand je les voy attachees à la rhetorique, à la judiciaire, à la logique, & semblables drogueries, si vaines & inutiles à leur besoing. j’entre en crainte, que les hommes qui le leur conseillent, le facent pour avoir loy de les regenter soubs ce tiltre. Car quelle autre excuse leur trouverois-je ? Baste, qu’elles peuvent sans nous, renger la grace de leurs yeux, à la gayeté, à la severité, & à la douceur. assaisonner un nenny, de rudesse, de doubte, & de faveur. & qu’elles ne cherchent point d’interprete aux discours qu’on faict pour leur service. Avec cette science, elles commandent à baguette, & regentent les regents & l’escole. Si toutesfois il leur fasche de nous ceder en quoy que ce soit, & veulent par curiosité avoir part aux livres. la poësie est un amusement propre à leur besoin. c’est un art follastre, & subtil, desguisé, parlier, tout en plaisir, tout en montre, comme elles. » (Essais, éd. Villey-Saulnier, Paris, PUF, 1965, III, 3).
-
[8]
Voir J.-Cl. Arnould, « Marie de Gournay : l’écriture, l’édition et la mémoire de l’écrivain », Travaux de Littérature, n° 14 (« L’Écrivain-éditeur »), 2001, p. 171-185.
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[9]
« Advis sur la nouvelle edition du Promenoir de Monsieur de Montaigne » (1641), dans Œuvres complètes, éd. cit., p. 1278.
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[10]
Voir O. Millet, La Première réception des Essais de Montaigne (1580-1640), Paris, Champion, 1995, et la notice de Cl. Blum dans l’éd. cit. des Œuvres complètes, p. 27-43.
-
[11]
« Je me retracte de ceste Preface que l’aveuglement de mon aage, et d’une violente fievre d’ame me laissa n’aguere eschapper des mains. » (Œuvres complètes, éd. cit., p. 273). Remplacée par une préface courte dans les éditions de 1598, 1600, 1602, 1604 et 1611, cette longue préface reparaît dans les éditions de 1617, 1625 et 1635 des Essais.
-
[12]
Ibid., p. 278-279.
-
[13]
Ce texte viendra nourrir les œuvres à partir de 1626 : la première partie y entre sous le titre « Naissance de messeigneurs les enfans de France » ; une deuxième partie, plus brève, constitue l’embryon de l’« Institution » publiée en 1619 avec un volume de traductions puis de l’« Institution du Prince » ; une troisième est récrite pour faire le début du traité « De l’Education de Messeigneurs les Enfans de France » ; la dernière reparaît sous le titre de « Gratification à Venise » ; un Avis au lecteur conclut le volume, il sera intégré dans les œuvres à partir de 1626. C’est un exemple parlant du travail de recomposition qui constitue progressivement le texte définitif des œuvres.
-
[14]
Œuvres complètes, éd. cit., p. 163.
-
[15]
Ibid., p. 166.
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[16]
Il subit le traitement habituel : certaines pages formeront des pièces du premier et du troisième traités « De la Medisance », d’autres seront reprises dans « Du langage françois », figurant tous deux dans les œuvres à partir de 1626 ; d’autre part, prudemment dépouillé de la Defense des Jesuistes, il constitue la base de trois traités publiés à partir de 1626, « Exclamation sur le Parricide deplorable de l’année mil six cens dix », « Adieu de l’ame du Roy » et « Priere pour l’Ame du Roy », qui ne reprennent que les parties narratives et épidictiques du texte initial.
-
[17]
M.-Th. Noiset, « Marie de Gournay et la défense des Jésuites en 1610 », MILFC Review, 1993, vol. 3, p. 28-37 ; Cl.-G. Dubois, « Autour de l’Adieu de l’âme du Roy Henry de France (1610) de Marie de Gournay », Journal of Medieval and Renaissance Studies, vol. 25, n° 3 (« Montaigne and Marie de Gournay »), 1995, p. 477-487 ; M. Fogel, Marie de Gournay. Itinéraires d’une femme savante, Paris, Fayard, 2004, p. 167-171, ainsi que « La Damoiselle de Gournay, qui a tousjours bien servi au public », à paraître dans Les Femmes et l’écriture de l’histoire, Actes du colloque de Rouen (2005).
-
[18]
Anticoton, ou refutation de la lettre declaratoire du Pere Coton. Livre où est prouvé que les Jesuites sont coulpables et autheurs du parricide execrable commis en la personne du Roy tres-Chrestien Henry IIII d’heureuse memoire, s.l., 1610 ; Le Remerciement des Beurrieres de Paris, Au Sieur de Courbonzon Montgommery, s.l., 1610 ; Niort, 1610 ; Sedan, Guion de La Plume, 1610.
-
[19]
Jacqueline Le Voyer d’Escoman, Le Veritable Manifeste sur la mort d’Henry le Grand par la demoiselle d’Escoman (1616), dans Archives curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII, éd. Cimber-Danjou, Paris, 1837, t. XV, p. 165-175 ; elle y prétend avoir écrit à Schomberg et à Mlle de Gournay pour les avertir d’un complot, puis les avoir rencontrés chez M. de Gournay, sans parvenir à les persuader d’en informer le roi.
-
[20]
Dans l’ultime édition de ses œuvres, Les Advis de 1641, le troisième traité sur la « Medisance » prend son autonomie sous le titre « Des Broquarts ».
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[21]
Marie de Gournay exprimera aussi très souvent un sentiment de « déclassement » consécutifs aux déboires familiaux et aux revers de fortune, mais dont sa meilleure biographe Michèle Fogel nous enseigne cependant la prudence avec laquelle il faut les juger (Marie de Gournay. Itinéraires d’une femme savante, Paris, Fayard, 2004).
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[22]
« Certes le desesperé malheur de ce temps s’oppose trop à la progression de mon ame novice s’oppiniastrant à la priver de la très heureuse et salutaire presence de mon pere, dont je ne fus jamais en possession que deux ou trois mois seulement. Miserable orphelinage ! si faut-il que je te chasse à quelque prix que ce soit. Fut-il jamais un malheur pareil au mien ? » (Lettre à Juste Lipse du 25 avril 1593, dans Œuvres complètes, éd. cit., p. 1934). Elle n’apprendra la mort de Montaigne, survenue le 13 septembre 1592, que par la réponse de Juste Lipse, datée du 24 mai 1593.
-
[23]
Poème situé dans le « Bouquet de Pinde » (Œuvres complètes, éd. cit., p. 1783-1784), publié pour la première fois en 1626 et probablement écrit dès 1616.
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[24]
Ibid., p. 255.
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[25]
« Peinture de Mœurs », ibid., p. 1784.
-
[26]
Voir notre article « L’économie des œuvres de Marie de Gournay : un “livre moulé à l’air d’un autre Siècle” », Studi francesi, n° 141, 2003, p. 604-617, dont nous reprenons ici plusieurs hypothèses.
-
[27]
Œuvres complètes, éd. cit., p. 1864.
-
[28]
« Du langage françois », « Sur la version des poètes antiques », « Des Rymes », « Des Diminutifs », « Deffence de la Poésie », « Advis sur la nouvelle édition du Promenoir », « Lettre sur l’art de traduire les orateurs », « Advis sur la traduction de la seconde Philippique de Cicéron », « De la façon d’escrire […] ».
-
[29]
« De la Medisance », « Antipathie des ames basses et hautes », « Consideration sur quelques contes de cour », « Que les grands esprits et les gens de bien se cherchent », « De la neantise de la commune vaillance de ce temps », « Que l’integrité suit la vraye suffisance », « Des vertus vicieuses », « Des grimaces mondaines », « De l’Impertinente amitié », « Des Sottes finesses », « Grief des Dames », « De la Temerité », « Des Broquarts ».
-
[30]
« Des fausses dévotions », « Si la vengeance est licite », « Advis à quelques gens d’Eglise ».
-
[31]
« L’Egalité des hommes et des femmes », « Grief des Dames ».
-
[32]
« Apologie pour la Damoiselle de Gournay », « Vie de la Demoiselle de Gournay ».
-
[33]
« Aux Versions qui la suivent, il est requis d’observer en premier lieu, si je suy les reigles que je prescrits moy-mesme en cette Lettre. » (Les Advis, « Discours à Sophrosine », dans Œuvres complètes, éd. cit., p. 563).
-
[34]
Elle reconnaît ainsi l’unité thématique des « Traictez Royaux », « Pieces où l’on parle de grands Roys et de grandes actions, ou bien, ausquelles les grands Roys parlent eux-mesmes à d’autres Roys ou à Dieu » (ibid. p. 556).
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[35]
Ibid., p. 560.
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[36]
Elle présente ainsi le traité « De la façon d’escrire de Messieurs l’Eminencissime Cardinal du Perron et Bertault […] » du second livre comme une « suite » à la « Deffense de la Poesie » du premier livre (ibid., p. 1524).
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[37]
Les Advis, « Discours à Sophrosine », ibid., p. 557.
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[38]
Michel Butor, Essai sur les Essais, Paris, NRF / Gallimard, 1968, p. 33.
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[39]
Monument qui abrite de surcroît plusieurs tombeaux : dans le « Promenoir », celui de Montaigne – à son tour un cénotaphe puisqu’il n’a de montaignien que son destinataire –, et dans le recueil poétique celui de ses père et mère et de bien d’autres personnes qu’elle a connues et aimées ; elle écrit ainsi à la fin de la dédicace à sa cousine de la traduction de l’épître de Laodamie : « Bien que la Dame à qui j’escrivis la lettre precedente, feust morte dès avant que ce livre s’imprimast la premiere fois, j’estimay qu’elle pouvoit continuer à luy parler aux termes qu’elle avoit esté conceue de son vivant : et de mesme quelques autres Pieces de ce Livre, addressées à diverses personnes qui ne vivoient plus dès ce temps-là. » (Œuvres complètes, éd. cit., p. 1458).
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[40]
Au titre de L’Ombre de 1626, publiée à Paris chez Jean Libert.
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[41]
Les Advis, « Discours à Sophrosine », éd. cit., p. 558.
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[42]
Successivement dans l’éd. cit. des Œuvres complètes : « Adieu » de 1610, p. 205 ; « A Sophrosine », p. 554 (issu d’Horace, Epistulæ, I, i, 76, via la Préface aux Essais, p. 314) ; « Antipathie des ames basses et hautes », p. 774.