Notes
-
[1]
H. de Balzac, Œuvres complètes, Furne/Dubochet/Hetzel, t. I, 1842, p. 12.
-
[2]
C. Baudelaire, « Chant d’automne », Les Fleurs du Mal [1857, LVI].
-
[3]
J. Michelet, Écrits de jeunesse, Gallimard, 1959, p. 78.
-
[4]
Ibid., p. 182.
-
[5]
J. Michelet, Journal, Gallimard, t. II, 1962, p. 355.
-
[6]
Comme le précise P. Viallaneix : « Rien n’indique que ce choix [d’isoler le journal intime] ait été fait par Michelet lui-même. Sur le dossier, le titre : Journal intime est écrit de la main de G. Monod. » (Journal, Gallimard, t. I, 1959, p. 26, n. 2).
-
[7]
M. Proust, Pastiches et Mélanges, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1919, p. 43.
-
[8]
Journal, op. cit., t. I, p. 395.
-
[9]
Ibid., p. 117.
-
[10]
Ibid., p. 120-121.
-
[11]
Journal, op. cit., t. I, p. 381.
-
[12]
Journal, Gallimard, t. III, 1976, p. 280.
-
[13]
Bibliothèque historique de la Ville de Paris, MS A 3803, f°212.
-
[14]
J. Michelet, Histoire de France, Œuvres complètes, Flammarion, 1975, t. V, p. 224.
-
[15]
Je pense qu’il faudrait plutôt lire « piété ».
-
[16]
J. Michelet, Journal, op. cit., t. I, p. 378.
-
[17]
P. Leroux, De l’humanité, Perrotin, 1845, t. I, p. 230.
-
[18]
Histoire de la Révolution française, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1952, t. I, p. 1.
-
[19]
J. Michelet, Journal, op. cit., t. I, p. 393.
-
[20]
Ibid., p. 390.
-
[21]
Journal, op. cit., t. I, p. 363.
-
[22]
Voir la citation du Peuple : « J’admire cette belle création [une grande invention, une œuvre d’art, un poème] dans son résultat ; mais combien j’aurais voulu la suivre en sa génération* ». Note associée : « Combien il est regrettable que les hommes de génie effacent la trace successive de leur propre création ! Rarement ils gardent la série des ébauches qui l’ont préparée ! » (Flammarion, « Champs », 1974, p. 189).
-
[23]
Journal, op. cit., t. II, p. 193.
-
[24]
On peut considérer en effet que les livres d’histoire naturelle sont une conséquence de ce changement de peau (l’expression de ces nouvelles puissances qui compensent la rupture avec « l’âme de papier »).
-
[25]
Leroux plaide explicitement en faveur de l’oubli : « La persistance de la mémoire, comme la comprennent et la voudraient la plupart des hommes, serait le plus grand obstacle au progrès, et un enchevêtrement absolu au développement de la vie dans l’espèce, et, par conséquent, dans les individus eux-mêmes. Prenez les plus grands hommes dont l’histoire fasse mention, et imaginez-les transportés, avec cet attirail de mémoire de leurs manifestations, dans un âge suivant : ne voyez-vous pas combien ce prétendu trésor leur deviendrait pernicieux, et les rendrait eux-mêmes funestes au progrès des choses humaines ! N’est-il pas évident qu’ainsi attifés de leur passé, de ce passé qui a dû périr parce que c’était une forme et que toute forme doit périr pour que la vie se continue, ils ne seraient nullement propres à revêtir la forme nouvelle que le progrès de la vie nécessite » (De l’humanité, op. cit., p. 288). Dans le Journal, au moment où il lit cet ouvrage de Leroux, Michelet s’insurge : « Oublier ! » (op. cit., t. I, p. 386). Les réticences de l’historien envers les théories socialistes sont essentiellement dues à ce qu’elles préconisent de faire table rase du passé, qu’elles veulent « procéder par voie d’écart absolu » (« L’héroïsme de l’esprit », Œuvres complètes, Flammarion, 1974, t. IV, p. 31).
-
[26]
C’est sans doute pour cette raison même que la forme autobiographique n’est pas une forme d’œuvre chez Michelet.
-
[27]
Journal, op. cit., t. I, p. 385.
-
[28]
Ibid., p. 392.
-
[29]
« Dans la perspective de Tocqueville, la présence de la religion replace les individus démocratiques dans la situation de filiation que leur esprit évacue naturellement, en maintenant dans les représentations de la société la question de l’origine et de la fin, et en lui conférant une dimension sacrée. Résistant au mythe de l’auto-engendrement absolu, ils peuvent, à leur tour, échapper au même et enfanter du neuf » (A. Antoine, L’Impensé de la démocratie. Tocqueville, la citoyenneté et la religion, Fayard, 2003).
-
[30]
Louis XIV et la Révocation de l’Édit de Nantes, Chamerot, 1862, p. 259.
-
[31]
Histoire de la Révolution française, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1952, t. I, p. 287.
1D’une part, ces « sèches et rebutantes nomenclatures de faits appelées histoires [1] ».
2De l’autre, cet objet infiniment attachant et varié : le moi.
3« Labeur dur et forcé [2] » de la mémoire : apprendre des dates, retenir des noms d’hommes, de batailles, de traités… Ossa sur Pélion.
4Et si le charme qu’il y a à se rappeler les moindres particularités de sa propre vie pouvait alléger le pensum de mémoriser l’histoire ?
5Comment intéresser la mémoire ? Comment lui faire accepter le flot d’informations que l’histoire l’oblige à ingurgiter (surtout lorsque l’on a comme Michelet l’ambition de faire une histoire totale) ?
L’étude de l’histoire, remarque le jeune Michelet, occupe trop peu l’esprit pour suffire. Les faits sans cesse entassés dans la mémoire s’effacent plus facilement ; il faut quelque travail qui nourrisse et fortifie l’esprit, pendant qu’on remplit la mémoire [3].
7Au début du XIXe siècle, les arts de mémoire sont dépassés. Michelet lorsqu’il écrit cette remarque, à vingt ans, ne songe pas à une mnémotechnie, mais à soutenir l’effort mécanique de mémorisation par la pratique d’une discipline sollicitant d’autres facultés intellectuelles. Une solution différente lui apparaît cependant assez précocement : faire du moi un nouveau cadre de mémoire.
8Les écrits de jeunesse de Michelet manifestent la volonté d’enregistrer sa propre vie, pour pallier la précarité de celle-ci et compenser le sentiment tragique que l’individualité est vouée à disparaître. Le naufrage de la foi chrétienne enlève à Michelet, comme à nombre de ses contemporains, l’espoir d’une vie future dans laquelle chacun ressusciterait tel qu’il a été avant de mourir. Écrire, donc, afin de conserver, pour soi et pour autrui, la trace de ce que l’on a été, des singularités concrètes faisant qu’une existence ne ressemble à aucune autre. Michelet compose à vingt ans un Mémorial (sur le modèle des Confessions de Rousseau) destiné à « fixer ce qui s’est déjà écoulé pour [lui] de cette vie si courte » et à « vivre auprès de ceux qu’[il] a aimés, s’[il] meurt avant eux [4] ». L’écriture d’un journal n’est pas tant une entreprise littéraire qu’elle n’est destinée à tenir le registre de la vie. Elle conserve jusqu’au bout cette fonction. Le vieux Michelet amoureux de sa seconde femme s’attache « à tout noter d’elle, à sauver du temps, le plus possible, toutes les manifestations de sa vie [5] ».
9Or c’est à l’intérieur de ce cadre, l’enregistrement d’une vie, que va se couler l’immense programme de la mémoire historienne.
10La nature et les caractéristiques des « papiers Michelet », répartis entre la Bibliothèque de l’Institut et la Bibliothèque de la Ville de Paris, sont éclairantes. La masse des papiers personnels de l’historien a été divisée en deux parts (elles-mêmes subdivisées par des legs successifs) de façon artificielle. Le journal intime dissocié des journaux de voyage, des notes préparatoires et des cours, a été déposé à l’Institut, de façon à préserver sa confidentialité jusqu’en 1950, selon la volonté de l’historien Gabriel Monod [6]. Le reste des papiers est revenu à la B. H. V. P. Paul Viallaneix, lorsqu’il a été chargé d’éditer le Journal, a dû procéder à des choix au sein d’un ensemble difficile à différencier. Il a décidé par exemple d’inclure dans son édition les journaux de voyage ainsi que certaines notes à mi-chemin entre le commentaire de l’œuvre et la méditation personnelle… Tout aurait pu, à juste titre, entrer dans le Journal.
11Avançons dès maintenant la cause fondamentale de cette absorption de la mémoire historienne par la mémoire individuelle. Le jeune Michelet hérite de ses prédécesseurs libéraux de la Restauration et développe, de façon très conséquente, une conception de l’histoire selon laquelle le peuple (et/ou la nation) est le sujet de l’histoire. Celui qui écrit l’histoire le fait au nom de ce sujet collectif, dans lequel il est impliqué. Puisqu’il participe lui-même de l’histoire qu’il reconstitue, on comprend que la mnémotechnie ne soit plus pour lui de mise pour aborder cette nouvelle science, mais que l’intériorisation de la mémoire historique s’impose.
De la mémoire individuelle à la mémoire historique
Au point culminant du règne de Louis xiv, quand l’absolutisme semble avoir tué toute liberté en France, durant deux longues années – plus d’un siècle – (1680-1789), d’étranges maux de tête me faisaient croire chaque jour que j’allais être obligé d’interrompre mon histoire. Je ne retrouvai vraiment mes forces qu’au serment du Jeu de Paume (20 juin 1789) [7].
13La confusion entre événements historiques et subjectivité de l’auteur est regardée comme une caractéristique un tantinet ridicule de l’écriture de Michelet. Le pastiche de Proust en tire des effets humoristiques. On voit dans ce tic une marque d’égocentrisme, un abandon « romantique » à la subjectivité. Cependant il me semble que la mise en communication des deux séries mémorielles (événements du passé que l’on apprend dans des livres et événements de la vie personnelle) a résulté, au début de la carrière de l’historien, d’une série d’aménagements, dont je ne saurais dire jusqu’à quel point ils ont été volontaires, mais qui relèvent, en tout cas, de pratiques concrètes et conscientes.
14Il est moins naturel qu’il n’y paraît d’établir une telle porosité entre souvenir intime et vie historique. Michelet s’est employé de diverses manières à jeter des passerelles entre l’expérience individuelle et la trace d’un passé plus général.
15Le cimetière constitue dans le Journal un chronotope où fusionnent les deux types de mémoire. Michelet fréquente beaucoup le Père Lachaise : ses proches y sont enterrés (son grand ami Paul Poinsot mort de phtisie en 1821, sa première maîtresse, Mme Fourcy). Mais il est également attiré dans ce lieu par l’histoire contemporaine en train de s’y déposer. C’est là que les hommes dont il a entendu résonner le nom quand il avait vingt ans prennent la stature de personnages historiques ou bien au contraire commencent à pâlir dans la mémoire collective. Le Père Lachaise est au début du xixe siècle un cimetière tout récent, dont la création a été déterminée par la fermeture du cimetière des Innocents. En 1804, date de son inauguration, on n’y dénombre que treize tombes, mais il se peuple très rapidement, et en 1830 il en compte déjà 33 000. Au souvenir des proches peut ainsi se mêler celui des hommes qui ont compté dans le premier tiers du siècle : le général Foy, Casimir Périer, Benjamin Constant… Dès 1830 le Père Lachaise offre au jeune historien une « immense histoire du xixe siècle accumulée sur un point [8] ». Dans ses notes, le tressage de la mémoire individuelle à la mémoire historique s’effectue par le biais de la topographie et des signifiants. De la colline du Père Lachaise, Michelet aperçoit des lieux qui lui rappellent et ses amours avec Pauline Rousseau, sa première femme, et la chute malheureuse que Jean-Jacques Rousseau raconte dans les Rêveries.
Paris, vu des hauteurs de Ménilmontant, tantôt aperçu, tantôt perdu de vue – c’est sur cette montée que le pauvre vieux Rousseau fut renversé par le danois de M. Lepelletier Saint-Fargeau – c’est derrière le Père-Lachaise, derrière le jardin de M. S[aint]-Cricq (où est mort mon beau-frère), vers le noyer où je m’arrêtai avec pauline en 1818 (jour d’orage), c’est là, dis-je, que Rousseau promena sa Rêverie… quelques années plus tard, ses livres régnaient sur la France [9].
17Aussi lui vient-il à l’esprit d’enchâsser une fresque historique dans le récit de sa propre vie.
20 juillet 1834 Père Lachaise
Si je me décide tôt ou tard (et ce sera tard) à résumer les souvenirs de mon existence individuelle, de l’époque de ma vie où je ne vivais pas encore de la vie générale, je prendrai pour centre, pour texte, pour théâtre, le père Lachaise. […] Ce seraient des mémoires, mais dégagés en partie des petitesses de l’individualité – Cette individualité du moins, s’associerait à toutes les grandes individualités de ce tems, sur ce théâtre admirable de la vie et de la mort, où les tombeaux sont encadrés dans les roses, où le silence alterne avec le rossignol, le deuil avec l’amour… […]
Le progrès de la vie de l’auteur ne pourrait-il pas même marcher, jusqu’à un certain point de front avec la marche des événements individuels et généraux [10] ?
19Ce projet, placé dès le début sous le signe de la procrastination – « et ce sera tard » – ne verra pas le jour. Autant chez Michelet la vie intime nourrit le rapport au passé et la conception de l’histoire, autant l’autobiographie n’est pas une forme adaptée à l’œuvre.
20Les premiers essais d’écriture diariste étaient destinés à se consoler de l’absence de l’ami (Paul Poinsot parti à Bicêtre faire des études de médecine) ; ils relevaient aussi de la volonté de s’observer pour s’améliorer. Le désir de laisser une trace de sa vie s’équilibrait d’un projet de maîtrise et de perfectionnement de soi. Après une demi-douzaine d’années au cours desquelles le journal s’est apparemment interrompu (1823-1828), sa rédaction reprend, en même temps que l’auteur devient historien.
21Ce sont les voyages d’études (en Italie, puis dans l’Ouest de la France, etc.) qui relancent la tenue d’un journal. Michelet prend des notes très détaillées, enregistrant sur le même plan ses émotions, sa tristesse d’être séparé des siens, les incidents triviaux du parcours et les informations recueillies auprès des savants, les descriptions de monuments et de paysages. Après la visite au cimetière, la tenue d’un journal de voyage constitue une deuxième pratique qui invite à entrelacer les divers types de savoirs et de souvenirs, les notes intimes et les notes érudites.
22L’écriture diariste est chez Michelet orientée dès le début vers un projet de connaissance – double et même triple. Elle constitue une forme d’objectivation du moi qui contrebalance la subjectivation symétrique du matériau historique. D’une part, il s’agit de se connaître comme individu – grâce à l’introspection, mais surtout par une démarche empiriste et matérialiste, l’enregistrement répété de faits triviaux qui permettront de saisir le rapport du physique et du moral, les rythmes idiosyncrasiques, etc. D’autre part le journal enregistre ce qui concerne la connaissance de l’extérieur, du monde, des autres, des livres. Enfin il vise à se connaître connaissant, puisque Michelet y note ce qui se rapporte à sa méthode, à la genèse de ses projets, aux convictions qui les portent.
23L’entrée de Michelet aux Archives nationales en novembre 1830 a sans doute infléchi sa pratique du journal intime. À partir de cette entrée en fonction, le journal devient une sorte de dépôt analogue aux Archives, dans lequel aboutissent tous les documents produits par le sujet (qu’ils soient des traces de sa fonction publique, de sa vie privée ou de ses pensées intimes). Sous l’influence des Archives, un principe quantitatif entre dans la mémoire de papier de l’écrivain. Tenir son journal devient un geste qui fait obstacle à la sélection spontanée effectuée par la mémoire psychique. En notant jour par jour les occupations de la vie, les faits insignifiants, les sentiments éphémères, l’écrivain contrecarre les mises en perspectives automatiques de la mémoire. Par son refus du tri et de la hiérarchie, l’écriture diariste de Michelet se situe davantage dans une perspective historienne que dans celle du mémorialiste. Le journal soutient moins la mémoire qu’il ne donne la possibilité de lutter contre les trompe-l’œil de celle-ci. La masse des papiers constitue davantage un matériau qu’un « monument » ; si Michelet estime important qu’elle soit conservée dans un lieu public après sa mort, c’est parce qu’il juge qu’elle sera utile à la postérité pour faire l’histoire du sujet qui a produit l’Histoire de France.
24L’intériorisation de la mémoire historique s’accompagne donc d’une tendance symétrique à la transformation en documents des traces intimes.
Le devenir et l’incorporation de la mémoire
26Tous les documents conservés le sont donc au premier chef comme vestiges de la vie individuelle. Chaque pensée se trouve de cette façon située, rattachée à un moment, à un corps, à un lieu. Significativement, de nombreuses notes préparatoires des œuvres portent un en-tête spécifiant les circonstances dans lesquelles elles ont été rédigées. Un feuillet détaillant le plan du livre iv de l’Histoire de la Révolution mentionne : « Dieppe, dimanche 29 août 47 – devant la mer houleuse, livide, vert-maquereau, les barques rentrent [13] ».
27Faire rentrer la science dans sa vie, c’est aussi faire rentrer la science dans la forme que Michelet croit la plus essentielle, celle de la vie tout court. En fusionnant le savoir historique dans sa vie personnelle, Michelet veut rendre à la vie ce qu’il trouve dans les livres, lui communiquer un peu de cette ductilité qui constitue pour lui la caractéristique fondamentale du vivant. En effet, l’existence individuelle n’est pas à ses yeux une enveloppe étanche, un segment. Au contraire, elle communique avec le continuum des générations. Ce qui nous ramène à la mémoire. Dans la mesure même où la vie ignore les solutions de continuité, le souvenir ignore les frontières de la vie individuelle et des générations.
Les âmes de nos pères vibrent encore en nous pour des douleurs oubliées, à peu près comme le blessé souffre à la main qu’il n’a plus [14].
29Michelet fait feu de tout bois – théories biologiques (la préformation), idées philosophico-religieuses (la métempsycose), analogies (les métamorphoses des insectes) – pour affirmer la continuité des générations. Notre être, pense-t-il, a participé à la vie de toutes les générations passées.
30L’histoire constitue en effet chez Michelet une réponse au problème de l’immortalité dans « une époque sans Dieu ». Telle qu’il la conçoit, elle propose une forme de perpétuation spirituelle lors même que la faillite de Dieu ne garantit plus de survie de l’âme. Non seulement l’histoire prolonge la mémoire de ceux qui ne sont plus mais, plus fondamentalement, elle témoigne d’une continuité ontologique qui distend les limites de la vie individuelle.
32À un moment capital de sa vie, au début des années 1840, l’historien subit coup sur coup deux deuils qui l’affectent profondément : la mort de sa première femme (1839) et celle de son nouvel amour, Mme Dumesnil (1842). C’est au chevet de Mme Dumesnil mourante qu’il lit l’œuvre du penseur socialiste Pierre Leroux, De l’humanité (1840). Leroux s’efforce de concevoir une immortalité moderne, matérialiste, désacralisée et progressiste. Elle se réalise dans ce monde même par le biais d’une transformation et d’une renaissance perpétuelle des êtres sous des formes plus évoluées.
33Leroux développe une théorie de la métempsycose ou de la « continuation de l’être individuel dans l’être collectif humain », qui le conduit à aborder la question de la mémoire. Comment se fait-il, en effet, si métempsycose il y a, que l’être ne se rappelle pas ses vies antérieures ? C’est que, entre une incarnation et une autre, la mémoire s’efface, la vie passée se métabolise dans l’être qui renaît et se manifeste en lui par les « puissances » nouvelles dont il se trouve doté en naissant. Entre « puissance » et « mémoire », le rapport de proportion est inverse selon Leroux. C’est justement grâce à l’oubli que le savoir acquis s’incorpore si bien à l’être qu’il ouvre de nouvelles possibilités d’action.
La mémoire n’est qu’un cachet fragile de la vie. Il se fait probablement dans le phénomène de la mort quelque chose de semblable à ce qui a lieu chaque jour dans le sommeil, que les poètes, les philosophes, et même le vulgaire, ont si souvent comparé à la mort, et appelé le frère de la mort. Dans le sommeil, nos idées, nos sensations, nos sentiments de la veille, se transforment et s’incarnent en nous, deviennent nous, par un phénomène analogue à celui de la digestion de notre nourriture, qui devient notre chair. Dans le sommeil, dis-je, nos perceptions s’élaborent au point de devenir une force potentielle de notre être, et en ce sens notre être lui-même. C’est ainsi que le sommeil nous régénère, et que nous sortons plus vivants et plus forts du sommeil, avec un certain oubli. Eh bien, dans la mort, qui est un plus grand oubli, il semble que notre vie se digère et s’élabore, de manière que, tout en s’effaçant sous sa forme phénoménale, elle se transforme en nous, et augmente, en passant à l’état latent, la force potentielle de notre être [17].
35Michelet s’est approprié ces idées – assez répandues d’ailleurs chez les penseurs progressistes de son époque (Hugo est également attiré par la théorie de la métempsycose). On en trouve un bon exemple dans la Préface de l’Histoire de la Révolution de 1847. Michelet constate en effet qu’il n’existe à Paris aucun monument commémorant la Révolution. Il s’en afflige, et cependant reconnaît une logique à cet état de choses. « La Révolution est en nous, dans nos âmes ; au dehors, elle n’a point de monument. Vivant esprit de la France, où te saisirais-je, si ce n’est en moi [18] ?… » La véritable trace de la Révolution, c’est le sujet moderne qu’elle a créé. Et pour autant, Michelet n’estime pas que cela dispense de faire l’histoire de la Révolution, il faudra y revenir. Le fait que le passé nous constitue, forme notre subjectivité, devient chez Michelet un argument de plus pour un emploi heuristique de la subjectivité et de la psychologie. La subjectivité moderne peut d’autant plus légitimement explorer le passé qu’elle en est le résultat, la création.
36Ces idées nourrissent une conception continuiste du devenir. Puisque, à travers les siècles, c’est le même être qui se transforme, la coupure épistémologique entre présent et passé n’existe pas chez Michelet. Rien n’est complètement révolu.
Un même esprit fluide court de génération en génération. Des mouvements instinctifs nous font tressaillir pour le passé, pour l’avenir, nous révèlent la profonde identité du genre humain [19].
38Dans le flux du devenir, réminiscences et pressentiments s’entrelacent, le pressentiment étant une forme de mémoire anticipée, privilégiée même par rapport à la mémoire rétrospective dans une vision de l’histoire vectorisée par le progrès. « Chaque époque rêve la suivante, la crée en rêvant ? Avenir ? Avenir [20] ? »
39Si nous revenons aux papiers de Michelet, à ses pratiques d’archivage, c’est pour constater qu’elles sont en accord avec cette vision. Régulièrement l’historien pratique des tris et des classements. Il favorise les mues de sa mémoire. On lit dans le Journal de 1841 : « Au retour, rangé et enterré les papiers du cinquième volume [21]. » La fin de chaque tome est vécue comme la conclusion d’une ancienne existence. On se rappelle l’expression « Corpus vitae » qui désignait dans une citation précédente les notes de travail fondues dans le Journal. Il s’agit à la fin d’une œuvre de se dépouiller de sa vieille peau pour renaître à un projet nouveau. Les traces du travail achevé sont conservées à titre de témoignage sur la genèse de celui-ci [22], mais aussi parce qu’elles constituent potentiellement les matériaux d’un nouveau travail, la base d’une réflexion supérieure. Régulièrement en effectuant ses tris, Michelet procède à des « récapitulations ». Le fait de passer en revue la masse de ses papiers lui permet de saisir des lignes directrices, des correspondances, des dynamiques implicites. Ces récapitulations sont les germes des œuvres à venir. L’une après l’autre, les œuvres naissent d’un mouvement de réflexion, de retour sur soi ; chacune élève à la puissance supérieure celle qui précède, comme si la succession des œuvres voulait réaliser la métempsycose progressiste de Pierre Leroux. Les traces des œuvres faites deviennent le creuset des œuvres à faire. Michelet a longtemps nourri le projet d’écrire un « Livre des livres » ; il ne le réalisera pas, mais chacune de ses œuvres sous le Second Empire est néanmoins conçue comme un livre sur les précédentes. En 1852, opposant au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Michelet quitte Paris pour Nantes et est obligé de laisser dans la capitale ses livres et ses dossiers personnels. Il vit cette nécessité comme un déchirement : « Mourir à eux, c’est pourtant mourir en partie à moi-même, puisque pendant trente années ils ont vécu de ma vie [23]. » Mais il est aussi capable de considérer ce déchirement comme salutaire. Abandonner derrière lui ses papiers, c’est se permettre de renaître, plus radicalement encore que dans les phases précédentes, et avec des « puissances » inédites [24]. Se constituer une « âme de papier », privilégier une mémoire en quelque sorte objectivée, extériorisée, donne la liberté de se défaire de celle-ci (partiellement ou complètement). Autant qu’une technique d’enregistrement et de conservation, la tenue d’un journal, l’archivage des documents personnels et professionnels sont des moyens d’introduire du jeu entre le moi et la mémoire, et de permettre au sujet de se dégager du passé comme d’une chrysalide gênante.
40En concevant la mémoire comme une trace qui s’incorpore à l’être au cours de son évolution et qui favorise cette dernière – justement parce qu’elle disparaît en tant que mémoire consciente – Michelet se donne les moyens de penser le mouvement de l’histoire et de relier la mémoire au progrès. Mais ce faisant, il tire la mémoire du côté de l’inconscient, du processus biologique. Cette tendance bien présente chez lui fait de Michelet, au même titre que beaucoup d’autres auteurs de son temps, un explorateur de la mémoire involontaire. Cependant toute une partie de son travail d’historien s’attache à replacer la mémoire du côté de la volonté. C’est qu’il ne peut concevoir de progrès, de transformation qui vaille, si elle n’est pas consciente d’elle-même.
Retour à la mémoire volontaire
41Michelet s’insurge contre la nécessité de l’oubli dans la théorie de Leroux [25]. Il ne se contente pas d’une mémoire métabolisée. S’il est historien, c’est qu’il juge nécessaire que le souvenir du passé incorporé dans les générations nouvelles s’accompagne d’une mémoire volontaire et « formelle ». Sans elle, les « puissances » nouvelles de l’être ne sauraient comment s’exercer, ne sauraient à quoi tendre. Néanmoins cette mémoire volontaire s’élabore au niveau collectif [26] ; elle porte le nom d’« histoire » ; sa fonction est d’éclairer la mémoire incorporée, et de la transposer sur le plan de la conscience. La mémoire volontaire, dont l’œuvre historique est la manifestation, répond à plusieurs nécessités convergentes.
42Une nécessité éthique :
Cependant, dans ce qui périt, il y a la cause de ce que je suis (la cause du présent), donc : « comment ne remercierais-je pas chaque siècle des puissances qui sont en moi [27] ? »
Que le présent ne tue pas son père, mais l’inhume avec respect. Qu’il révère en lui son auteur, comme dit le droit, l’auteur de ce qu’il est, le commencement de son être [28]…
44On entend dans ces phrases des accents religieux, comme si la reconnaissance d’une dette envers les générations passées se substituait à celle contractée à l’égard du Créateur. L’exigence de mémoire relève de la nécessité d’un décentrement. Comme son contemporain Tocqueville, Michelet estime sans doute que l’humanité, si elle s’imaginait être sa propre cause hic et nunc, si elle éliminait toute référence à une extériorité (transcendante ou terrestre), risquerait d’annihiler sa liberté [29]. L’histoire ne cultive pas seulement le sentiment de supériorité que donne l’idéologie du progrès mais le contrebalance par la reconnaissance d’une « autorité » du passé.
45À cette nécessité éthique de la mémoire volontaire s’ajoute une exigence politique. L’historien doit forcer ses lecteurs à se rappeler ce qu’ils voudraient oublier, les atrocités commises au nom du pouvoir, et cela par tous les moyens que met à sa disposition la fonction impressive du langage. Le pathos dont on fait souvent grief à Michelet trouve une part de sa justification dans la volonté, clairement exprimée dans la citation suivante, de marquer la mémoire du lecteur :
Tant mieux si vous souffrez, si votre âme glacée sent enfin quelque chose. L’indifférence publique, l’oubli rapide, c’est le fléau qui perpétue et renouvelle les maux. – Souffre et souviens-toi : Memento [30].
47La volonté de mémoire répond encore à une nécessité éducative (c’est-à-dire, toujours, politique, progressiste). En effet, la mémoire populaire enregistre les résultats des événements historiques, mais oublie le processus historique. La mission de l’historien est justement de reconstituer ce dernier.
Voilà ce que nous demande la France, à nous autres historiens : non de faire l’histoire, elle est faite pour les points essentiels, moralement, les grands résultats sont inscrits dans la conscience du peuple ; mais de rétablir la chaîne des faits, des idées, d’où sortirent ces résultats [31].
49La façon dont Michelet tient son journal et dont il le conçoit (comme témoin de la genèse de sa pensée et de son œuvre) modélise la tâche spécifique de l’historien, qui est de reconstituer la continuité vivante des processus. Pour Michelet, seule la compréhension de la genèse, de la fabrication, est réellement éducative parce qu’elle seule apprend à l’homme sa vraie nature d’homo faber, et en premier lieu de fabricateur de son monde.
50Enfin, la mémoire volontaire se lie à une nécessité esthétique. Pour Leroux, peu importe que le passé soit oublié, puisque ce qu’on oublie ce sont des formes destinées à s’effacer, tandis que le principe vital créateur de ces formes perdure et en fabrique de nouvelles. Pour Michelet, non seulement il est important que l’humanité se rappelle les processus par lesquels elle est devenue ce qu’elle est, mais l’immortalisation des formes qui en ont résulté a aussi son intérêt. L’art lui apparaît comme une perpétuation spontanée de la forme d’une époque. C’est pourquoi il lui accorde une place importante dans son histoire (comme le montrent les développements consacrés à la cathédrale médiévale, à Michel-Ange, à Fontainebleau ou encore à l’art du xviiie siècle dans les différents tomes de l’Histoire de France). Néanmoins c’est à l’écriture historique qu’il revient d’accomplir la transmutation du passé en œuvre d’art – c’est-à-dire de pérenniser la mémoire de sa forme historique. L’historien cherche donc à dégager la forme idéale, le type, de chaque époque. En transfigurant ainsi le passé, il lui redonne une actualité pour ainsi dire éternelle. Selon ses termes, il le « ressuscite ». Mais cette « actualité » est loin d’être régressive (elle n’a rien d’une nostalgie passéiste) : l’artialisation du passé traduit la volonté de faire en sorte que la forme du passé elle-même devienne une « puissance » pour le présent (et pas seulement l’expérience du passé incorporée d’une génération à l’autre).
51La question de la mémoire volontaire est particulièrement complexe chez un auteur comme Michelet, pour lequel elle se pose non seulement dans le cadre de la genèse de l’œuvre mais aussi sur le plan de la fonction de cette dernière. Michelet conçoit en effet le travail de l’historien comme celui d’un fondateur de mémoire. Par bien des aspects, il se représente sa tâche comme celle de transformer une mémoire involontaire (consubstantielle à la succession des générations) en mémoire consciente et volontaire. Pour accomplir cette transmutation, il lui faut cependant, dans un premier temps, intérioriser la mémoire historique (livresque) et la fondre dans sa mémoire intime, de façon qu’elle retrouve la ductilité de la vie. Il se donne ainsi le moyen d’appréhender les processus de la mémoire collective dans leur rapport avec le devenir (la mémoire créatrice, pourrait-on dire). On peut donc affirmer qu’il y a chez Michelet un travail volontaire pour s’incorporer la mémoire historique, et ce faisant lui donner une forme qui corresponde au mieux à la manière dont il conçoit le processus du devenir. Cependant, le travail de l’historien consiste aussi à rendre à la mémoire consciente cette « perlaboration » du sujet collectif. Pas de devenir libérateur qui ne s’accompagne d’un mouvement réflexif sur ses processus et d’une mémoire de ses formes antérieures. La manière dont l’œuvre résout formellement le problème de l’articulation de ces deux types de mémoire est une question extrêmement importante, mais ne peut qu’être suggérée ici. La mémoire volontaire instituée par l’œuvre utilise des procédés qui relèvent de la rhétorique (la présence massive du discours, relevée par Barthes, l’organisation interne des volumes, le recours à l’ekphrasis à des fins de « monumentalisation »…). Cependant, c’est justement parce que ces procédés, au lieu d’être premiers, se superposent sans jamais l’oblitérer à la forme mouvante de la prose (forme même du devenir chez Michelet) que l’œuvre sort du modèle classique et s’inscrit pleinement dans la recherche d’une modernité.
Notes
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[1]
H. de Balzac, Œuvres complètes, Furne/Dubochet/Hetzel, t. I, 1842, p. 12.
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[2]
C. Baudelaire, « Chant d’automne », Les Fleurs du Mal [1857, LVI].
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[3]
J. Michelet, Écrits de jeunesse, Gallimard, 1959, p. 78.
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[4]
Ibid., p. 182.
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[5]
J. Michelet, Journal, Gallimard, t. II, 1962, p. 355.
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[6]
Comme le précise P. Viallaneix : « Rien n’indique que ce choix [d’isoler le journal intime] ait été fait par Michelet lui-même. Sur le dossier, le titre : Journal intime est écrit de la main de G. Monod. » (Journal, Gallimard, t. I, 1959, p. 26, n. 2).
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[7]
M. Proust, Pastiches et Mélanges, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1919, p. 43.
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[8]
Journal, op. cit., t. I, p. 395.
-
[9]
Ibid., p. 117.
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[10]
Ibid., p. 120-121.
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[11]
Journal, op. cit., t. I, p. 381.
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[12]
Journal, Gallimard, t. III, 1976, p. 280.
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[13]
Bibliothèque historique de la Ville de Paris, MS A 3803, f°212.
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[14]
J. Michelet, Histoire de France, Œuvres complètes, Flammarion, 1975, t. V, p. 224.
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[15]
Je pense qu’il faudrait plutôt lire « piété ».
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[16]
J. Michelet, Journal, op. cit., t. I, p. 378.
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[17]
P. Leroux, De l’humanité, Perrotin, 1845, t. I, p. 230.
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[18]
Histoire de la Révolution française, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1952, t. I, p. 1.
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[19]
J. Michelet, Journal, op. cit., t. I, p. 393.
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[20]
Ibid., p. 390.
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[21]
Journal, op. cit., t. I, p. 363.
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[22]
Voir la citation du Peuple : « J’admire cette belle création [une grande invention, une œuvre d’art, un poème] dans son résultat ; mais combien j’aurais voulu la suivre en sa génération* ». Note associée : « Combien il est regrettable que les hommes de génie effacent la trace successive de leur propre création ! Rarement ils gardent la série des ébauches qui l’ont préparée ! » (Flammarion, « Champs », 1974, p. 189).
-
[23]
Journal, op. cit., t. II, p. 193.
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[24]
On peut considérer en effet que les livres d’histoire naturelle sont une conséquence de ce changement de peau (l’expression de ces nouvelles puissances qui compensent la rupture avec « l’âme de papier »).
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[25]
Leroux plaide explicitement en faveur de l’oubli : « La persistance de la mémoire, comme la comprennent et la voudraient la plupart des hommes, serait le plus grand obstacle au progrès, et un enchevêtrement absolu au développement de la vie dans l’espèce, et, par conséquent, dans les individus eux-mêmes. Prenez les plus grands hommes dont l’histoire fasse mention, et imaginez-les transportés, avec cet attirail de mémoire de leurs manifestations, dans un âge suivant : ne voyez-vous pas combien ce prétendu trésor leur deviendrait pernicieux, et les rendrait eux-mêmes funestes au progrès des choses humaines ! N’est-il pas évident qu’ainsi attifés de leur passé, de ce passé qui a dû périr parce que c’était une forme et que toute forme doit périr pour que la vie se continue, ils ne seraient nullement propres à revêtir la forme nouvelle que le progrès de la vie nécessite » (De l’humanité, op. cit., p. 288). Dans le Journal, au moment où il lit cet ouvrage de Leroux, Michelet s’insurge : « Oublier ! » (op. cit., t. I, p. 386). Les réticences de l’historien envers les théories socialistes sont essentiellement dues à ce qu’elles préconisent de faire table rase du passé, qu’elles veulent « procéder par voie d’écart absolu » (« L’héroïsme de l’esprit », Œuvres complètes, Flammarion, 1974, t. IV, p. 31).
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[26]
C’est sans doute pour cette raison même que la forme autobiographique n’est pas une forme d’œuvre chez Michelet.
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[27]
Journal, op. cit., t. I, p. 385.
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[28]
Ibid., p. 392.
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[29]
« Dans la perspective de Tocqueville, la présence de la religion replace les individus démocratiques dans la situation de filiation que leur esprit évacue naturellement, en maintenant dans les représentations de la société la question de l’origine et de la fin, et en lui conférant une dimension sacrée. Résistant au mythe de l’auto-engendrement absolu, ils peuvent, à leur tour, échapper au même et enfanter du neuf » (A. Antoine, L’Impensé de la démocratie. Tocqueville, la citoyenneté et la religion, Fayard, 2003).
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[30]
Louis XIV et la Révocation de l’Édit de Nantes, Chamerot, 1862, p. 259.
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[31]
Histoire de la Révolution française, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1952, t. I, p. 287.