Notes
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[1]
La Revue de Littérature générale, n° 1, Paris, P.O.L, 1995. La revue n’a connu que deux numéros.
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[2]
Georges Bataille, Romans et récits, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2004, p. 491.
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[3]
Georges Bataille, Les Larmes d’Éros, Paris, Pauvert, 2001, p. 234.
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[4]
Propos qui se trouve déjà présent dans une mention de la photographie (mais non accompagnée d’illustrations) dans Le Coupable : « Je suis hanté par l’image du bourreau chinois de ma photographie, travaillant à couper la jambe de la victime au genou : la victime liée au poteau, les yeux révulsés, la tête en arrière, la grimace des lèvres laisse voir les dents./ La lame entrée dans la chair du genou : qui supportera qu’une horreur si grande exprime fidèlement “ce qu’il est”, sa nature mise à nu ? » (Georges Bataille, Le Coupable, dans OEuvres complètes V, Paris, Gallimard, 1973, p. 275-276).
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[5]
Madeleine Chapsal, Envoyez la petite musique, Paris, Le livre de poche, coll. Biblio Essais, 1984, p. 266.
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[6]
Idem : « J’ai fait une psychanalyse. […] cela m’a changé de l’être tout à fait maladif que j’étais en quelqu’un de relativement viable. »
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[7]
Son premier livre de fiction achevé et conservé. Sur ce point cf. Michel Surya, Georges
Bataille, la mort à l’œuvre, Paris, Gallimard, 1992, p. 111. -
[8]
Georges Bataille, L’Expérience intérieure, OEuvres complètes V, op. cit., p. 137.
-
[9]
Idem.
-
[10]
Ibid., p. 139.
-
[11]
Maurice Blanchot, L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, coll. Folio essai, [1995] 1988, p. 29 : « Ce qui nous fascine, nous enlève notre pouvoir de donner un sens, abandonne sa nature “sensible”, abandonne le monde, se retire en deçà du monde et nous y attire, ne se révèle plus à nous et cependant s’affirme dans une présence étrangère au présent du temps et à la présence dans l’espace. La scission, de possibilité de voir qu’elle était, se fige, au sein même du regard, en impossibilité. Le regard trouve ainsi dans ce qui le rend possible la puissance qui le neutralise, qui ne le suspend ni ne l’arrête, mais au contraire l’empêche d’en jamais finir, le coupe de tout commencement, fait de lui une lueur neutre égarée qui ne s’éteint pas, qui n’éclaire pas, le cercle, refermé sur soi, du regard. »
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[12]
Georges Didi-Huberman, La Ressemblance informe, ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille, Paris, Macula, 1995, p. 11.
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[13]
C’est toute la thèse de Georges Didi-Huberman (ibid., p. 11-12) à propos du rapport aux images de Georges Bataille ; cette thèse, comme le montre ce passage de L’Expérience intérieure, s’applique également au rapport de Bataille à la littérature.
-
[14]
Avec la célèbre deuxième partie intitulée tout d’abord « Coïncidences » puis « Réminiscences » qui évoque certaines circonstances biographiques, notamment la maladie du père, pour expliquer une part de l’ouvrage.
-
[15]
Roland Barthes, « La métaphore de l’œil », in OEuvres complètes II, Livres, textes, entretiens, 1962-1967, Paris, Le Seuil, 2002, p. 488-495.
-
[16]
Cf. Les Larmes d’Éros, op. cit., p. 235. La récente édition Pauvert est la seule qui respecte toutes les indications de l’auteur. Marie-Magdeleine Lessana en donne les raisons dans De Borel à Blanchot, une joyeuse chance, Georges Bataille, Paris, Pauvert, 2001.
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[17]
La Revue de Littérature générale, n° 1, op. cit., p. 408.
-
[18]
Ibid., p. 409.
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[19]
Ibid., p. 410-411.
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[20]
Pierre Alferi et Olivier Cadiot, « Bataille en relief : retour sur une provocation », Les Temps modernes, n° 602 : Georges Bataille, décembre 1998-janvier 1999, Paris, Gallimard, p. 297.
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[21]
Pierre Alferi et Olivier Cadiot, « Bataille en relief », La Revue de littérature générale, n° 1, op. cit., p. 408.
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[22]
Idem.
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[23]
Comme en témoigne l’argument lancé pendant l’entretien avec Pierre Alferi et Olivier Cadiot, « Bataille en relief : retour sur une provocation », art. cité.
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[24]
Où abondent justement ce type de documents ou de prolongements du texte.
1Dans le premier numéro de la Revue de littérature générale [1], Pierre Alferi et Olivier Cadiot signent un texte et avancent un dispositif étonnant qui entend parler de Bataille et mettre en cause sa position dans le champ littéraire. L’intérêt de ce dispositif est double ; d’un point de vue positif, il propose une discussion, de manière explicite, de ce que Bataille a, ou aurait, introduit dans la littérature, mais dans le registre du négatif, c’est tout autre chose qui se dessine. Car s’il est possible, et fructueux, de suivre la thèse explicitement avancée par les deux auteurs, et de la discuter, il est également très intéressant de remarquer un effet, un symptôme, par lequel leur texte se trouve saisi et bouleversé, au point d’en être à un certain niveau désarticulé, et ce afin de mieux comprendre comment la littérature comme telle, par le biais de cet effet, intervient dans le dispositif pour dire autre chose que ce qui se donne à lire à première vue, autre chose qui concerne Bataille et le rapport de Bataille à la littérature, ou l’intervention de Bataille dans la littérature, comme si, au fond, les directeurs de la Revue de littérature générale avaient ménagé cette place au versant littéraire de l’œuvre de Bataille ou comme si ce versant de l’œuvre bataillienne dans un retournement s’était ménagé cette place pardelà une certain réduction à laquelle il est sujet.
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3De quoi s’agira-t-il avec le propos de Pierre Alferi et d’Olivier Cadiot ? De saisir l’occasion d’une critique de l’usage par Bataille des fameuses photographies du supplice chinois des Cents morceaux présentées dans Les Larmes d’Éros — condamnation à mort exécutée par découpage littéralement du condamné — pour produire une critique plus généralement de la place de la violence dans l’œuvre de Bataille et de la postérité — supposée — de cette place dans le champ littéraire. Tel est l’objet, à partir duquel se détermineront les enjeux aussi bien explicites qu’implicites.
4Mais avant d’en venir à une analyse de ce qu’avance La Revue de littérature générale, commençons, pour ne pas simplifier le débat et pour laisser place à ce qu’il aura d’inattendu, par revenir assez précisément à Bataille. Il est vrai en effet que ces photographies, qui montrent un condamné littéralement découpé en morceaux, et l’horreur donc et la folie de la scène, sont à la fois célèbres pour elles-mêmes et parce qu’elles sont généralement reçues comme représentatives d’une certaine pensée de Bataille, pensée qui touche de très près à la littérature, même si sa portée, anthropologique, est plus générale. Cette pensée consiste à valoriser d’une certaine manière la violence, à estimer qu’une certaine violence se trouve nécessairement attachée à toute œuvre véritable. C’est ce qu’énoncent quelques lignes décisives de la préface d’un autre ouvrage, L’impossible :
Il y a quinze ans j’ai publié une première fois ce livre. Je lui donnai alors un titre obscur : La Haine de la poésie. Il me semblait qu’à la poésie véritable accédait seule la haine. La poésie n’avait de sens puissant que dans la violence de la révolte. [2]
6Et certes, il s’agit bien, avec ces photographies, de quelque chose tenant du domaine de l’art, comme le prouve l’analyse de l’insertion des clichés dans l’œuvre bataillienne. Du point de vue justement de cette insertion, plus complexe et riche que l’on ne l’imagine usuellement, trois moments, qu’il est nécessaire de déplier successivement, se distinguent : celui de l’origine biographique impliquant une conséquence importante, celui du rattachement des clichés, ou plus exactement de l’un d’entre eux, à un certain questionnement littéraire voilé, puis celui de l’association de l’image du supplice avec une autre image, association paradoxale et significative quant à ce que Bataille a voulu, avec le rôle qu’il a donné à ces images, produire comme intervention spécifiquement littéraire — ce sur quoi portera, mais en partie en manquant la cible, parce qu’elle n’existe probablement pas tout à fait comme ils l’ont cru ou dit, la proposition d’Alferi et Cadiot.
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8Le premier point dont il faut se souvenir est que ces photographies ont d’abord une origine biographique bien précise, très connue, qui se trouve exposée dans Les Larmes d’Éros. Bataille précise en effet, dans le chapitre de ce livre auquel il travaillait à la toute fin de sa vie consacré au « supplice chinois » :
Je possède l’un de ces clichés. Il m’a été donné par le Docteur Borel, l’un des premiers psychanalystes français. Ce cliché eut un rôle décisif dans ma vie. Je n’ai pas cessé d’être obsédé par cette image de la douleur, à la fois extatique (?) et intolérable [3].
10En réalité ce court passage, quoiqu’il semble limpide et orienté dans une seule direction, indique deux choses assez différentes. La première, explicitement énoncée, est simplement que Bataille a été profondément marqué par la photographie qu’il possédait [4]. Mais à un autre niveau ces mêmes lignes disent également tout autre chose, qu’il serait impossible de remarquer sans rapprocher le passage d’un autre, décisif dans les déclarations de Bataille, dans sa manière de situer les éléments déterminants de son existence. Si l’on se souvient que le « Docteur Borel » a été le psychanalyste de Bataille et que la photographie du supplicié a été confiée à ce dernier, donc, dans le cadre de son analyse, on lit tout autrement une révélation de Bataille avec laquelle on apprend que l’analyse a été pour lui la condition de l’écriture ; il déclare en effet dans un entretien avec Madeleine Chapsal à la fin de sa vie — dans la période de composition des Larmes d’Éros :
le premier livre que j’ai écrit, celui dont je vous parlais, je n’ai pu l’écrire que psychanalysé, oui, en en sortant. Et je crois pouvoir dire que c’est seulement libéré de cette façon-là que j’ai pu écrire [5].
12Dans la suite de son analyse, grâce à elle et comme son effet, il y a donc deux choses que Bataille a gardées avec lui : l’obsession du cliché du supplicié et la capacité d’écrire. Quelque chose semble dès lors se jouer dans le nouage des deux éléments, une manière de renvoyer la photographie du supplicié à l’art, à l’écriture, à la faculté de passer du stade d’être « maladif » [6] en être ayant la possibilité d’aller vers l’écriture, en l’occurrence vers l’invention de ce monde singulier qu’est Histoire de l’œil, puisque le premier ouvrage écrit par Bataille [7], celui dont il parle à Madeleine Chapsal, est Histoire de l’œil. L’intervention du cliché dans la vie de Bataille nous montre de cette manière une étrange, une étonnante proximité, qu’il est difficile de saisir, mais qui s’impose, entre le cliché du supplicié et l’art pour Bataille. Évidemment, il est possible de rabattre cette proximité sur le lien entre la violence et la vérité en art, ou la vérité de l’art. Cette interprétation serait juste, à un certain niveau. Mais il y a autre chose, vers quoi il s’agit progressivement de nous tourner.
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14Continuons pour ce faire notre parcours dans l’œuvre de Bataille, avec cette fois-ci une visite du côté d’un texte qui parle des photographies du supplicié du strict point de vue de la pensée et qui va permettre, surtout, de mieux saisir quelle est au juste la nature du lien pour Bataille, affirmé mais non précisé dans les révélations biographiques, entre les photographies et l’art. Dans L’Expérience intérieure en effet un passage est consacré aux photographies.
15Le contexte philosophique — pour autant que le terme convienne — dans lequel le passage s’inscrit est, quoiqu’il évoque une expérience en elle-même obscure, limpide. Ce qu’il s’agit de montrer pour Bataille, dans les pages où va intervenir le passage, est une condition attachée à l’expérience intérieure, celle de la perte de soi, et une conséquence, sinon la conséquence majeure de l’expérience, le « glissement de tout au néant ».
16Pour ce qui est de la perte de soi, de la sortie hors de soi qui est la condition indispensable de l’expérience intérieure, nous lisons :
Je dirai ceci d’obscur : l’objet dans l’expérience est d’abord la projection d’une perte de soi dramatique. C’est l’image du sujet. Le sujet tente d’abord d’aller à son semblable. Mais entré dans l’expérience intérieure, il est en quête d’un objet comme il est lui-même, réduit à l’intériorité. De plus, le sujet dont l’expérience est en elle-même et dès le début dramatique (est perte de soi) a besoin d’objectiver ce caractère dramatique. La situation de l’objet que cherche l’esprit a besoin d’être objectivement dramatisée. [8]
18La dramatisation est donc, la chose est connue, l’opération de perte de soi. Et son aboutissement est dit dans les lignes qui suivent immédiatement :
À partir de la félicité des mouvements, il est possible de fixer un point vertigineux censé intérieurement contenir ce que le monde recèle de déchiré, d’incessant glissement de tout au néant. [9]
20Or c’est dans le contexte de cette condition et de cet aboutissement que va surgir l’évocation du supplicié comme un « recours » permettant d’atteindre le « point-objet » par « le drame ». Ainsi se saisit le mouvement philosophique occupant la pensée de Bataille, mais ainsi se prépare aussi autre chose, une autre manière, qui implique la pensée également mais selon un autre tour, de mettre en jeu de l’expérience avec l’image du supplicié, une manière en l’occurrence littéraire, manière qui appelle l’art et plus particulièrement la littérature. Mais ce second mouvement, à l’inverse du premier, au lieu de faire l’objet d’un exposé explicite, surgira de façon presque dissimulée, incidente en tout cas, du moins en apparence :
De toute façon, nous ne pouvons projeter le point-objet que par le drame. J’ai eu recours à des images bouleversantes. En particulier, je fixais l’image photographique — ou parfois le souvenir que j’en ai — d’un Chinois qui dut être supplicié de mon vivant. De ce supplice, j’avais eu, autrefois, une suite de représentations successives. À la fin, le patient, la poitrine écorchée, se tordait, bras et jambes tranchés aux coudes et aux genoux. Les cheveux dressés sur la tête, hideux, hagard, zébré de sang, beau comme une guêpe.
J’écris « beau » !… quelque chose m’échappe, me fuit, la peur me dérobe à moi-même et, comme si j’avais voulu fixer le soleil, mes yeux glissent. [10]
22L’image du supplicié, et non plus la photographie isolée donnée par Borel à Bataille mais la totalité des photographies de la scène, soit exactement ce qui sera publié dans Les Larmes d’Éros, a donc servi de moyen pour atteindre le renversement de l’expérience, le « drame » conduisant à la sortie de soi. Toutefois, ce qui est également saisissant dans ce passage est la manière dont surgit, comme aboutissement, souligné en outre dans le paragraphe suivant en étant repris en mention, avec l’adjectif « beau », une catégorie esthétique.
23Intéressons-nous précisément à cela, à cela seul et non pas à la proposition philosophique impliquée par le passage. Nous retrouvons alors le lien étrange, paradoxal, mais essentiel, entre les photographies du supplicié et l’art, puisque Bataille aboutit à l’esthétique, mais nous avons affaire également, et telle est la spécificité du paragraphe, à une caractérisation plus précise, plus fine, de la nature de ce lien. Cette caractérisation, quelle est-elle ?
24En fait, elle est double, ou plus exactement, elle se présente de deux manières possibles, contradictoires entre elles et qui impliquent un choix. Ce choix lui-même est ce qui permettra de considérer de manière critique la proposition d’Alferi et Cadiot.
25Il est tout d’abord possible de comprendre la proposition de Bataille comme celle d’une fascination devant la photographie, au sens où Blanchot définissait la fascination comme retrait du « pouvoir de donner un sens » [11]. La fascination serait alors le versant esthétique de l’expérience, et le « beau » dont parle Bataille serait ce qui dépasse le sujet et l’emporte au-delà de ce qu’il peut supporter. Dans ce cas, suivant cette première lecture, qui est évidemment juste à bien des égards, mais qui s’avérera incomplète, existe au plan esthétique un certain figement avec ces photographies ou autour d’elles, une certaine manière d’en rester à ce qu’elles proposent. Tel est le premier versant, la première lecture. Mais doit-on s’arrêter en ce point ? Est-ce vraiment cela, uniquement, qui se joue avec le court paragraphe de reprise que propose le texte de Bataille ?
26Tout au contraire, une ligne de lecture extrêmement différente est possible, et s’impose, dès lors que l’on ne considère plus le passage seulement comme porteur d’une thèse, mais comme un moment d’écriture. Choisir d’essayer d’entendre ce qui se joue avec l’écriture du paragraphe, ce qui se pense dans le mouvement même de cette écriture et donc avec la littérature, est une manière de choisir selon les mots de Georges Didi-Huberman de « nous extraire du point d’hypnose où nous saisit, nous bouleverse et nous désœuvre […] l’image du supplicié bataillien. » [12] Et la question est bien celle, en effet, de l’œuvre ou du désœuvrement. Les deux pôles, évidemment, ne doivent pas être strictement opposés ; ils n’existent pas l’un sans l’autre. Mais justement : ils ne doivent être opposés dans aucun sens, et s’il ne s’agit pas d’oublier le désœuvrement, il s’agit aussi de ne pas le privilégier au point d’oublier que quelque chose tenant de l’œuvre se met en place avec le second des deux paragraphes de Bataille, quelque chose qui touche à la littérature, à une manière de faire intervenir la littérature dans la pensée pour qu’elle y produise des effets spécifiques.
27Or, si nous lisons ce second et très court paragraphe d’un point de vue littéraire, que remarquons-nous ? Qu’il est avant tout le paragraphe des glissements et du mouvement, et qu’il s’achève, de plus, par une référence à ce qui pour Bataille aura été une manière d’atteindre au mouvement par la littérature.
28Le mouvement est tout d’abord thématisé dans le passage de manière évidente : « J’écris « beau » !… quelque chose m’échappe, me fuit, la peur me dérobe à moi-même et, comme si j’avais voulu fixer le soleil, mes yeux glissent. ». Mais au-delà de la thématisation, il faut remarquer que ces lignes constituent en elles-mêmes, au plan de l’écriture, un double glissement ; celui, d’une part, de la reprise du paragraphe précédent, puisque ce second paragraphe constitue un retour réflexif interrompant le déroulement du propos, comme l’indique le placement de l’adjectif en mention ; celui, d’autre part, de la multiplication des verbes pour dire le glissement, du glissement pour dire le glissement (échapper, fuir, dérober, glisser). Quelque chose, donc, est advenu de l’ordre de la fixation (« fixer »), mais celle-ci s’est avérée aussi intenable que l’acte de regarder le soleil, de sorte qu’a surgi le glissement, qui domine thématiquement et poétiquement le passage. Quelque chose de la fascination pour les images du supplicié est dès lors impossible, malgré la vérité et la nécessité de la fascination à un certain niveau, et tout au contraire, c’est le mouvement qui intervient, cet appel du et au glissement gouverné par le glissement des verbes les uns vers les autres. Tel est donc le propos littéraire, la pensée en écriture déployée dans le passage : les images conduisent sans doute à la fascination, mais elles conduisent aussi, et surtout, au mouvement [13].
29Du reste, la conclusion du passage est très significative, avec cette comparaison qui fait appel au geste de regarder le soleil, puis à l’œil. Car se dessine avec ces termes toute une configuration qui, avec Histoire de l’œil, constitue la cellule initiale du rapport de Bataille à la littérature. Ce rapport, il est possible nous l’avons vu de le situer au plan biographique, et d’autant plus que la dernière partie de l’ouvrage, la chose est connue, invite à une telle lecture ou sinon même y contraint [14]. Mais il est possible également, et le geste est certainement plus décisif, de situer ce que propose Histoire de l’œil comme précisément, telle est l’analyse de Roland Barthes [15], la mise en place d’un mouvement généralisé articulé autour d’un centre métaphorique mobile, celui de l’œil. On dira alors que ce qui se pense avec la littérature chez Bataille n’est pas seulement la violence, la violence figée sur la propre production et visée en elle-même, mais la violence tournée vers autre chose qu’elle-même, la violence en tant qu’elle est le déchirement poursuivi par lequel advient le mouvement et la reconduction incessante du mouvement qui signe l’entrée en littérature de Bataille.
30La mention implicite possible d’Histoire de l’œil à la fin du second paragraphe consacré au supplicié dans L’Expérience intérieure se laisse dès lors comprendre comme une confirmation de ce que l’écriture du paragraphe propose : le rapport entre les photographies du supplicié chinois et l’art ne tient pas exclusivement de l’exposition de la violence, mais aussi, et certainement avant tout, du trajet conçu comme une violence, une mise hors de soi de tout, non seulement du sujet mais même de l’objet puisque la fixation de l’objet ne ferait que reconstruire bientôt, par un effet de retour, celle du sujet. La littérature est dès lors la pensée en acte de cette mobilité déterminante, qui implique la production d’une fascination comme mouvement premier sortant le sujet de soi, mais aussi la destitution de cette fascination qui ne ferait si elle était maintenue que le renvoyer à soi.
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32Une dernière chose doit être encore remarquée, dans le parcours de l’image du supplicié dans l’œuvre bataillienne : le montage dans lequel elle se trouve prise avec Les Larmes d’Éros. Nous retrouvons alors le même questionnement, dans une condensation qui en résume à la fois la logique et l’enjeu.
33C’est qu’en effet dans la disposition souhaitée par Bataille les images du supplicié voisinent avec La Leçon de guitare de Balthus [16]. Le contraste avec les cinq images du supplicié est évidemment extrêmement marqué, mais il se laisse saisir doublement, et à nouveau en dehors de la seule fascination — fascination pour l’opposition violente en l’occurrence — qui fige.
34La dissemblance pose d’une part une certaine leçon attachée aux images elles-mêmes, leçon dont nous avons vu qu’elle parcourt toute l’histoire de Bataille, telle qu’elle apparaît dans son œuvre, avec ces images du supplicié : celles-ci, nous dit le titre du tableau, sont effectivement porteuses de quelque chose comme un enseignement, et un enseignement, plus spécifiquement, esthétique. Manière de dire, encore, et de dire en image, que le supplicié chinois doit être considéré dans ce qu’il permet d’avancer quant à l’art et non pas seulement, et peut-être en définitive pas du tout, en lui-même. Puis il y a autre chose, qui à nouveau ne tient pas à la thèse avancée par le rapprochement des images mais à l’effet produit par ce rapprochement.
35C’est que l’opposition de l’image du supplicié et du tableau de Balthus a un effet, et compose un petit système mouvant qui se propose au regard et qu’il faut considérer comme tel : cette opposition simplement dit la différence, le montage, le rapport et en conséquence, une nouvelle fois, le mouvement. Manière, visuelle, de montrer qu’aux images du supplicié on ne saurait s’arrêter, et qu’il est nécessaire au contraire de faire jouer leur violence dans le sens du déplacement, de la métamorphose, de l’échappée, dans le sens contraire de la seule fascination.
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37Pierre Alferi et Olivier Cadiot reprennent les choses depuis un point très différent, sans considérer cette spécificité de l’histoire bataillienne des images ni, surtout, ce qu’elle nous engage à penser qui est, dans une certaine mesure, à l’opposé de ce que celles-ci semblent à première vue déclarer. Pour Alferi et Cadiot la fascination, finalement, est toute la visée du rapport de Bataille à ces images. Et c’est ce qu’ils entreprennent de critiquer, avec une force que Bataille ne leur aurait certainement pas reprochée, mais sans s’apercevoir pourtant que tout autre chose que leur propos explicite, dans les marges de leur propos mais au cœur du dispositif qu’ils mettent en place, se dessine.
38Rappelons brièvement de quoi il s’agit. Le dispositif en question, à le prendre en compte de manière synthétique, ce que justement il faudra cesser de faire pour comprendre vraiment ce qu’il propose, se compose de trois éléments. Une occasion, expliquée d’un point de vue strictement technique et historique, puis deux commentaires, l’un philosophique, l’autre littéraire.
39L’occasion est celle de la republication de l’un des clichés présentés par Bataille, mais dans une version modifiée. La modification de leur aspect s’explique simplement. Des versions en « stéréoscopie » ont été trouvées dans une collection privée par Pierre Alferi ou Olivier Cadiot, ce qui fait toute la différence :
À quoi bon republier des images si célèbres ? (Il s’agit de la série du Supplice chinois des Cent Morceaux reproduite partiellement dans la revue Document d’abord, puis dans Les Larmes d’Éros.) Nous avons pensé le faire parce que nous les avons trouvées en stéréoscopie dans une collection privée. [17]
41La différence tient à ce que ce procédé permet une vue en relief de l’image, ce qui redouble son horreur évidemment dans le cas du supplicié. Or, cette occasion va donner lieu à un premier texte du dispositif, qui est une explication simplement technique, et historique, faite par Anne Cartier-Bresson. Ce qui se trouve expliqué alors est aussi bien le procédé de la stéréoscopie que son usage — dans le domaine didactique, « à l’usage des écoliers ou des curieux » [18], jusqu’à l’usage pornographique et, beaucoup plus rarement, pour montrer des scènes violentes comme celle mise en valeur par Bataille. Passons sur cette page, qui ne concerne pas directement la littérature.
42Le commentaire livré par Giorgio Agamben dans deux pages portant le titre « La vie nue » [19] n’aborde pas non plus des questions littéraires, ou pas directement, mais se livre à un décryptage philosophique de la position de Bataille, pour montrer comment celui-ci s’est leurré et a entraîné son lecteur vers le leurre en parlant de sacré au lieu même où il aurait fallu parler de politique, de violence politique à penser et à critiquer comme telle. Relevons par contre simplement la conclusion de son propos, qui pourra valoir pour l’ensemble du dispositif d’une certaine manière, conclusion qui souhaite sauver une certaine « part » de l’œuvre bataillienne, par-delà ce qu’il y a d’erreur dans les analyses de Bataille selon Agamben :
Seulement pour qui saura se délivrer de ce sortilège la vie nue pourra-t-elle reprendre cette « valeur infinie de renversement » qui demeure, malgré tout, la part féconde de l’intuition de Bataille.
44La critique ici de la position de Bataille, d’une partie de sa position identifiée à un « sortilège » ne laisse pas pourtant d’ouvrir à un appel, « malgré tout », à Bataille. Complexité qui précisément sera l’intérêt majeur, décisif, de ce que proposent, à condition de lire ce qu’ils avancent avec minutie, Pierre Alferi et Olivier Cadiot.
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46Et précisément, venons-en à cette proposition, et tout d’abord à ce qu’elle a d’explicite, avec le troisième terme du dispositif considéré à première vue, un texte intitulé « Bataille en relief ». Ce texte est en fait un réquisitoire assez violent contre précisément la violence de Bataille et ses suites dans le champ littéraire. Texte de « coin de table », « écrit en dix minutes » [20] diront plus tard ses auteurs, texte en tout cas particulièrement décidé mais aussi — ce qui encore une fois aurait probablement réjoui Bataille — assez ironique voire franchement moqueur.
47Au plan de ce qui s’annonce ouvertement avec ce dispositif, nous avons affaire à quelque chose de très simple ; à un retour vers les coordonnées premières du rapport de Bataille aux images du supplicié, en dehors de toute la sophistication de ce rapport qui conduit, nous l’avons vu, vers le mouvement et la dissipation du désœuvrement et de la fascination. Ici, donc, il s’agit de rappeler que Bataille a bel est bien — ce qui est vrai, évidemment — été fasciné, et qu’il a de ce fait induit — ce qui est également indéniable — d’autres attitudes semblables :
Il nous semblait qu’il y avait une gravité mal placée dans la fascination de Bataille (et de nombreux autres à sa suite), et une mystification dans l’aura de sacré dont il entoura ces images. [21]
49Si les termes du débat sont encore situés — avec la référence à la question du « sacré » — du côté de la philosophie, l’intention du propos, une prise de distance nette avec la fascination et même son refus pur et simple, est néanmoins ce qui va continuer à jouer comme soutènement de la suite de l’opération, ou plutôt de sa conclusion, qui elle va concerner directement la littérature. Car autant les deux auteurs se trouvent, dans quatre premiers paragraphes, marquer un rejet d’une certaine attitude bataillienne qui ne se distingue pas clairement, sinon par la virulence probablement, de ce qui se trouve avancé dans le reste du dispositif, qui au contraire rappelle ce que disent chacun dans son domaine Giorgio Agamben et Anne Cartier-Bresson, autant le dernier paragraphe engage un changement radical, et pose abruptement, et résolument, une question spécifiquement littéraire et annoncée comme telle ; ce dernier paragraphe, très sérieux mais également très drôle, est donc le cœur du propos des deux directeurs de la revue ; il s’agit de le lire en intégralité, pour entendre ce qu’il dit, ce qu’il dit très bien et très explicitement :
L’enjeu est de littérature générale. Il concerne un argument d’autorité esthétique : « Je vous dirai la vérité en violence. » Un pan entier de la poésie (et un bloc du roman) s’appuie sur cette intimidation. Textes mesurés à leur quantum de Terreur. Critère galvaudé de l’« expérience des limites ». Le culte de la cruauté n’est pas moins un motif que les fleurs bleues des vraispoëtes-lyriques-enfin-revenus. Il est seulement plus difficile (moins poetically correct) d’y dénoncer la complaisance littéraire. Il s’agit pourtant bien, là aussi, d’une thématique, comme on le disait dans les dissertations de français. Il s’agit là aussi d’idoles et de fétiches. Et d’une littérature de seconde main, dans la lignée de Bataille, mais aussi bien d’Artaud, qui croit finalement plus qu’elle ne dit à la communication, parce qu’elle encaisse la plus-value du non-communicable, de l’os radical, du gore prestigieux. Dans la version moderne (répétée comme farce) du « hors-limite », c’est finalement ce mythe de l’écrivain envoyé spécial dans l’Indicible — qui appose son copyright sur les Extrêmes — que ces photos mettent en relief. [22]
51La thèse est avancée sans détour, le texte dit parfaitement ce qu’il veut dire et n’appelle guère de décryptages ni de commentaires très fouillés. Sans doute Pierre Alferi et Olivier Cadiot ont-ils raison en grande partie quant à une certaine complaisance vis-à-vis de la violence en littérature, sans doute aussi ont-ils eu, ce qui a conduit à des réactions scandalisées [23], certains choix de termes un peu maladroits — ainsi est-il probablement malheureux d’employer le vocabulaire de la dénonciation (« d’y dénoncer la complaisance littéraire »). Mais là n’est peut-être pas, ou pas seulement, la question.
52L’option de défendre Bataille ou, symétriquement, d’accepter la critique de Bataille pourraient bien n’être pas les seules vers lesquelles se tourner, ni même les plus intéressantes, pour considérer ce que proposent Alferi et Cadiot. Ce qui s’avère plus intéressant est de chercher à saisir comment eux aussi, à leur manière, et suivant donc une manière spécifiquement ittéraire, utilisant les moyens de la littérature et non pas seulement ceux du propos, sont emportés par la scission que nous avons vue à l’œuvre dans la trajectoire de Bataille, et emportés donc vers autre chose, une autre question, que celle de la fascination seule — que l’on choisisse d’y acquiescer ou d’y objecter.
53À côté du débat quant au gore chez l’auteur de L’Expérience intérieure, quelque chose se passe, qui agit dans une dimension fantomale et renverse littéralement le texte d’Alferi et Cadiot. Quelque chose qui parle de Bataille et de littérature, de la littérature selon Bataille et de ce que la littérature doit à Bataille — par-delà la fixation effectivement critiquable, sans doute, sur les images du supplicié.
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55Cette autre manière de lire l’intervention de La Revue de littérature générale à l’endroit de Bataille, à vrai dire, n’apporte pas véritablement d’élément nouveau au plan de l’interprétation de l’œuvre bataillienne, ni quant à la complexité du rapport aux images du supplicié, quant au double rapport, d’abord du côté de la fascination puis de celui du mouvement. Ce qui intervient n’est qu’une confirmation de ce que l’œuvre de Bataille permet déjà de remarquer. Par contre, ce que le dispositif amène de singulier, à la faveur de la confirmation qu’il met en jeu souterrainement, est une certaine intensité, une manière intense et décisive de dire que Bataille, dans la littérature, est également et avant tout un écrivain du mouvement, du déplacement, du brouillage des frontières, et non pas seulement celui extasié qui se fige devant les images du supplicié.
56Posons-nous une question simple. Que devient le dispositif relatif à Bataille dans cet atelier singulier, dans ce grand dispositif de montage généralisé, entre texte et images — dessin, schémas, manuscrits, transcriptions de manuscrits — qu’aura été La Revue de littérature générale [24] ? Cette question nous conduit vers une réponse également simple, mais aux implications décisives : le dispositif relatif à Bataille comporte une perturbation majeure, un bouleversement constant, qui l’accompagne de bout en bout de l’ouvrage. Il est sans doute superflu d’entrer dans les détails de la configuration, mais l’on peut noter de manière synthétique que tout le paratexte relatif aux trois textes traitant de Bataille est perturbé, constamment fautif, annonçant un texte où il ne se trouve pas, présentant un texte qui n’existe pas, oubliant celui qui existe. Ceci est vrai aussi bien de l’annonce faite dans l’avant-propos, que dans la page d’intertitre et dans le sommaire. Ainsi par exemple la page d’intertitre annonce-t-elle un « Bataille en relief » avec pour auteurs « Pierre Alferi, Olivier Cadiot, Anne Cartier-Bresson », ce qui ne dit étrangement rien de la véritable dis- osition de ce qui est donné à lire, deux textes en fait, fort différents ; un texte à trois mains tout à fait inexistant est ainsi entrevu. Mais si nous nous tournons vers le sommaire, c’est pour remarquer qu’il ne signale aucunement le texte des deux directeurs de la revue, mais uniquement ceux de Giorgio Agemben et d’Anne Cartier-Bresson. Mais la difficulté continue. C’est que le texte de Giorgio Agamben est annoncé à une page où il ne se situe pas, celle de l’intertitre, tandis que le texte d’Anne Cartier-Bresson est annoncé par contre à la page où effectivement il est possible de le lire.
57Arguties ? Lecture excessive ? Importance trop grande accordée à des faits de détail ? Cette hypothèse est difficile à retenir d’une part dans l’esthétique bataillienne mais également dans le cadre de celle mise en jeu par les directeurs de la Revue de littérature générale, qui précisément ont choisi de présenter des détails de manuscrits comme significatifs de la « mécanique » littéraire, dans de nombreuses pages de la revue. Cette perturbation est donc significative ; elle doit être située à sa juste place.
58On dira dès lors que la revue fait intervenir un dispositif étrange, qui semble à première vue limpide et ne retenir qu’un aspect assez restreint de la démarche de Bataille, ce qui est sans doute une injustice, mais pour critiquer une certaine postérité probablement assez médiocre de l’auteur des Larmes d’Éros, ce qui par contre aura été bien davantage justifié et nécessaire certainement, mais qui, malgré cette apparence, en réalité propose une toute autre lecture possible, une lecture proprement littéraire qui alors fait resurgir un second Bataille, un Bataille fantôme venant hanter les formes pour les bouleverser et les conduire au brouillage, au non-ajustement, au déplacement et au mouvement. Telle est la véritable leçon, complexe et littéraire, de la Revue de littérature générale. Bataille revient alors, au-delà de la fascination, comme un principe de déformation dans l’œuvre, comme un principe de métamorphose qui sans doute est ce qu’il y a de plus précieux, de plus décisif en lui, bien davantage que les attraits équivoques d’images auxquelles certains lecteurs le réduisent. Démonstration par la bande, en partie involontaire peut-être de Pierre Alferi et Olivier Cadiot, mais démonstration d’autant plus forte et nettement tracée qu’elle n’aura pas été produite avec l’appui d’une quelconque complaisance.
Notes
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[1]
La Revue de Littérature générale, n° 1, Paris, P.O.L, 1995. La revue n’a connu que deux numéros.
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[2]
Georges Bataille, Romans et récits, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2004, p. 491.
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[3]
Georges Bataille, Les Larmes d’Éros, Paris, Pauvert, 2001, p. 234.
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[4]
Propos qui se trouve déjà présent dans une mention de la photographie (mais non accompagnée d’illustrations) dans Le Coupable : « Je suis hanté par l’image du bourreau chinois de ma photographie, travaillant à couper la jambe de la victime au genou : la victime liée au poteau, les yeux révulsés, la tête en arrière, la grimace des lèvres laisse voir les dents./ La lame entrée dans la chair du genou : qui supportera qu’une horreur si grande exprime fidèlement “ce qu’il est”, sa nature mise à nu ? » (Georges Bataille, Le Coupable, dans OEuvres complètes V, Paris, Gallimard, 1973, p. 275-276).
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[5]
Madeleine Chapsal, Envoyez la petite musique, Paris, Le livre de poche, coll. Biblio Essais, 1984, p. 266.
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[6]
Idem : « J’ai fait une psychanalyse. […] cela m’a changé de l’être tout à fait maladif que j’étais en quelqu’un de relativement viable. »
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[7]
Son premier livre de fiction achevé et conservé. Sur ce point cf. Michel Surya, Georges
Bataille, la mort à l’œuvre, Paris, Gallimard, 1992, p. 111. -
[8]
Georges Bataille, L’Expérience intérieure, OEuvres complètes V, op. cit., p. 137.
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[9]
Idem.
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[10]
Ibid., p. 139.
-
[11]
Maurice Blanchot, L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, coll. Folio essai, [1995] 1988, p. 29 : « Ce qui nous fascine, nous enlève notre pouvoir de donner un sens, abandonne sa nature “sensible”, abandonne le monde, se retire en deçà du monde et nous y attire, ne se révèle plus à nous et cependant s’affirme dans une présence étrangère au présent du temps et à la présence dans l’espace. La scission, de possibilité de voir qu’elle était, se fige, au sein même du regard, en impossibilité. Le regard trouve ainsi dans ce qui le rend possible la puissance qui le neutralise, qui ne le suspend ni ne l’arrête, mais au contraire l’empêche d’en jamais finir, le coupe de tout commencement, fait de lui une lueur neutre égarée qui ne s’éteint pas, qui n’éclaire pas, le cercle, refermé sur soi, du regard. »
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[12]
Georges Didi-Huberman, La Ressemblance informe, ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille, Paris, Macula, 1995, p. 11.
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[13]
C’est toute la thèse de Georges Didi-Huberman (ibid., p. 11-12) à propos du rapport aux images de Georges Bataille ; cette thèse, comme le montre ce passage de L’Expérience intérieure, s’applique également au rapport de Bataille à la littérature.
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[14]
Avec la célèbre deuxième partie intitulée tout d’abord « Coïncidences » puis « Réminiscences » qui évoque certaines circonstances biographiques, notamment la maladie du père, pour expliquer une part de l’ouvrage.
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[15]
Roland Barthes, « La métaphore de l’œil », in OEuvres complètes II, Livres, textes, entretiens, 1962-1967, Paris, Le Seuil, 2002, p. 488-495.
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[16]
Cf. Les Larmes d’Éros, op. cit., p. 235. La récente édition Pauvert est la seule qui respecte toutes les indications de l’auteur. Marie-Magdeleine Lessana en donne les raisons dans De Borel à Blanchot, une joyeuse chance, Georges Bataille, Paris, Pauvert, 2001.
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[17]
La Revue de Littérature générale, n° 1, op. cit., p. 408.
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[18]
Ibid., p. 409.
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[19]
Ibid., p. 410-411.
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[20]
Pierre Alferi et Olivier Cadiot, « Bataille en relief : retour sur une provocation », Les Temps modernes, n° 602 : Georges Bataille, décembre 1998-janvier 1999, Paris, Gallimard, p. 297.
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[21]
Pierre Alferi et Olivier Cadiot, « Bataille en relief », La Revue de littérature générale, n° 1, op. cit., p. 408.
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[22]
Idem.
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[23]
Comme en témoigne l’argument lancé pendant l’entretien avec Pierre Alferi et Olivier Cadiot, « Bataille en relief : retour sur une provocation », art. cité.
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[24]
Où abondent justement ce type de documents ou de prolongements du texte.