Voilà un bon début de synopsis pour film d’angoisse. L’aspect apparemment fictionnel de ce préliminaire rappelle à quel point la fiction constitue un moyen de rejouer le réel et de le discuter. Pourtant, il décrit un événement qui a bien eu lieu, conséquence de la propagation d’une zoonose. En effet, le virus SARS-CoV2, qui touche aujourd’hui tous les continents, aurait eu comme hôte initial la chauve-souris, avant d’être transmis à l’humain par l’intermédiaire d’un autre animal inconnu à ce jour. Dans ce contexte de pandémie toujours en cours, les modalités de partage des espaces physiques entre humains et non humains font l’objet de nombreuses discussions. En 2015 déjà, l’anthropologue Anna Lowenhaupt Tsing s’était saisie du phénomène de récolte en Oregon de champignons, les matsukes, par des travailleurs précaires (majoritairement anciens vétérans ou Asiatiques du Sud-Est), dans des forêts dont l’exploitation est aujourd’hui abandonnée. Dans cet ouvrage Le Champignon de la fin du monde, elle analyse les complexités symbiotiques que font émerger ces « enchevêtrements » nés des ruines résultant des logiques capitalistes néolibérales. L’observation des fortes perturbations écologiques qui en découlent amène Tsing à identifier trois types de natures : « Imaginez que la ‘nature première’ signifie les relations écologiques (y compris humaines) et que la ‘nature seconde’ réfère aux transformations capitalistes de l’environnement. […] je propose aussi une ‘troisième nature’ pour rendre compte de ce qui réussit à vivre malgré le capitalisme »…