En novembre 1920, en publiant une note dans sa revue Les Arts à Paris, le galeriste Paul Guillaume annonce :
On parle de plusieurs ouvrages sur le peintre Giorgio de Chirico. Celui que prépare le poète André Breton ne sera pas le moindre. Les initiés connaissent déjà l’œuvre de Chirico dont les toiles sont classées dans les premières collections du monde entier […].
Cette note de Paul Guillaume souligne la croissante renommée internationale du jeune peintre Giorgio de Chirico, né en 1888 à Volos, ainsi que l’engouement dont il bénéficie auprès du cercle de très jeunes poètes gravitant autour d’André Breton, né en 1896 à Tinchebray.
Cependant, l’étude annoncée dans cette note, dont l’idée était sans aucun doute née d’une fascination sans limites, ne fut jamais réalisée. En 1926, toutefois, le chef de file des surréalistes, en lieu et place de l’étude promise, fait paraître une condamnation complète, morale, esthétique et politique, de Giorgio de Chirico. Dans la création picturale de l’artiste italien, en effet, André Breton distingue, de 1909 à 1918, une œuvre de jeunesse « géniale », suivie, après 1919, d’une œuvre tardive qui ne peut « être le fait que d’un méchant esprit ». C’est cette scission péremptoire qui a influencé et, à notre avis, plutôt déformé, jusqu’à nos jours, la réception critique de l’œuvre complète de Chirico.
La présente étude se propose d’exposer les relations humaines et artistiques entre ces deux protagonistes de la modernité, Giorgio de Chirico et André Breton, entouré, ce dernier, par des écrivains comme Philippe Soupault, Louis Aragon et Paul Éluard, du futur groupe surréaliste…