Couverture de SEVE_034

Article de revue

Crises sanitaires, crises politiques

Pages 35 à 50

Notes

  • [1]
    J. Michelet, Histoire de France, t. II, Éditions des Équateurs, 2008, p. 93-94. Et bien évidemment le célèbre tableau de la peste de Marseille (1720) au t. XV (paru en 1863).
  • [2]
    L. Chevalier, Classes laborieuses, classes dangereuses, Plon, 1958 ; A. Briggs, « Cholera and Society in the Nineteenth-Century », Past & Present, 19, 1961.
  • [3]
    K. Aigner, Die Tuberkulose während die Ersten Republik, Diplomarbeit, Universität Wien, 2010.
  • [4]
    Sur E.E. Roesle, voir S. Gross Solomon, « The demographic argument in Soviet debates over legalization of abortion in the 1920s », in : D. & R. Porter (Eds.), Doctors, Politics and Society: Historical Essays, Rodopi, 1993, p. 154.
  • [5]
    J.R. Evans, « Epidemic and revolutions: cholera in nineteenth century Europe », in : P. Slack, T. Ranger (Eds.), Epidemics and Ideas, Essays on the Historical Perception of Pestilence, Cambridge University Press, 1992, 149-73, p. 153.
  • [6]
    E. Ackerknecht, « Anticontagionism between 1821 and 1867 », Bulletin of the Institute of the History of Medicine, 22, 562-593, 1948.
  • [7]
    R. Baerhel, « Épidémie et terreur : histoire et sociologie », Annales historiques de la Révolution française, 1951, p. 113-146.
  • [8]
    L.R. Graham, Science in Russia and the Soviet Union, A Short Story, Cambridge University Press, 1993.
  • [9]
    M. Burleigh, Ethics and Extermination, Reflections on Nazi Genocide, Cambridge University Press, 1997; G. Aly, P. Chroust, C. Pross, Cleansing the Fatherland, Nazi Medicine and Racial Hygiene, The Johns Hopkins University Press, 1994; P.J. Weindling, Epidemics and Genocide in Eastern Europe, 1890-1945, Oxford University Press, 2000.
  • [10]
    R. Syal, « Swine flu ‘could kill millions unless rich nations give £900m’ », The Observer, 20 septembre 2009.
  • [11]
    Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 47-58. Sur la « peste » d’Athènes, la littérature est copieuse : voir V.D. Hanson, La guerre du Péloponnèse, Flammarion, 2010, p. 116-151 ; J. Longrigg, « Epidemics, ideas and classical Athenian society », in: T. Ranger, P. Slack, Epidemics and Ideas …, op. cit., p. 21-44.
  • [12]
    Des fouilles récentes ont mis au jour près de l’antique cimetière du Céramique une vaste fosse recelant des dizaines de restes humains jetés pêlemêle, à l’encontre des rituels funéraires, peut-être une sépulture collective datant de l’épidémie de 430, v. Hanson, op. cit., p. 130.
  • [13]
    Quel était l’agent infectieux, cause de la « peste » d’Athènes ? La paléo-anthropologie hésite aujourd’hui entre la fièvre typhoïde et la variole : N.H. Tung et al., « Evidence of a louse-borne outbreak involving typhus in Douai, 1710-1712 during the war of Spanish succession », PloS ONE, 5 (10), 2010, e15405 ; R. Sallares, « Ecology, evolution, and epidemiology of plague », in : L.K. Little (Ed.), Plague and the End of Antiquity, The Pandemic of 541-750, Cambridge University Press, 2007, p. 231-289.
  • [14]
    Paru chez Herbig en 1932, l’ouvrage a été traduit en anglais en 1844. Des extraits ont paru en français en 1853.
  • [15]
    F.M. Getz, « Black death and the silver lining: meaning, continuity, and revolutionary change in histories of medieval plagues », J. Hist. Biol., 24, 265-289, 1991.
  • [16]
    J. Delumeau, La peur en Occident, Fayard, 1978 ; B.W. Tuchman, A Distant Mirror: the Calamitous 14th Century, Alfred A. Knopf, 1978.
  • [17]
    Une des causes indirectes de ce retournement pourrait bien être l’idéologie des classes dominantes, lesquelles travaillaient durant le XVIIIe siècle à « introduire dans l’esprit du peuple l’idée que c’est aux supérieurs qu’il doit toujours s’en prendre de ses maux » : A. de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, Éd. Gallimard, coll. Pléiade, 2004, t. III, p. 207, cité par J. Elster, L’irrationalité, Traité critique de l’homme économique, II, Le Seuil, 2010, p. 267.
  • [18]
    E. Brainerd, M.V. Siegler, The Economics Effects of the 1918 Influenza Epidemic (February 2003), Centre for Economic Policy Research (Londres), Discussion Paper No. 3791.
  • [19]
    J.W. Lee, W.J. McKibbin, « Globalization and disease: the case of SARS », Asian Economic Papers, 3, 1, 113-131, 2004; S. James, T. Sargent, « The economic impacts of SARS and pandemic influenza », in : J. Duffin, A. Sweetman (Eds.), SARS in Context, Memory, History, Policy, Mc-Gill-Queen’s University Press, 2006, p. 175-196.
  • [20]
    E. Le Roy Ladurie, « Un concept : l’unification microbienne du monde », in : Le territoire de l’historien, II, Gallimard, 1978, p. 37-97.
  • [21]
    P. Zylberman, « Le Sras : une épidémie post-moderne ? », La Recherche, 371, 46-47, 2004.
  • [22]
    « Monsieur le préfet au secour femmes enfants vieillard sont abandonnés par les pouvoirs public » [sic], samedi 15 janvier 1955, billet manuscrit, Archives départementales du Morbihan, 917 W 68.
  • [23]
    O.J. Benedictow, The Black Death, 1346-1353, The Complete History, The Boydell Press, 2004, p. 166.
  • [24]
    D.C. North, J.J. Wallis, B.R. Weingast, Violence et ordres sociaux, Gallimard, 2010, p. 406.
  • [25]
    T. Mariani, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de modernisation de la sécurité civile, Assemblée nationale, n° 1712, 6 juillet 2004, p. 21-22.
  • [26]
    S. Cabut, « Des failles dans la chaîne de soins », Libération, 15 août 2003.
  • [27]
    G. Tabard, « Raffarin rentre à Paris pour endiguer la polémique », Le Figaro, 15 août 2003.
  • [28]
    P. Pelloux, le 10 août, sur TF1, Le Monde, 12 août 2003.
  • [29]
    M. Corcier, « Entretien avec le Dr P. Hoang, chef du service des urgences d’Avicenne à Bobigny », Aujourd’hui en France, 11 août 2003.
  • [30]
    « Canicule : un réquisitoire contre le système sanitaire », à la une du Monde, 18 août 2003 (le réquisitoire en question est un entretien avec le Dr P. Pelloux) ; H. Gattegno, « À Matignon, la fatalité de l’éloignement derrière l’obsession de la “proximité” », Le Monde, 19 août 2003. Un gouvernement « inefficace » pour 66 % des Français (Libération, 26 août 2003).
  • [31]
    É. Favereau, « Mattei, ministre en mauvaise santé », Libération, 21 août 2003.
  • [32]
    N. Herzberg, « Entretien avec Claude Evin », Le Monde, 16 août 2003 ; A. Auffray, « Entretien avec Claude Evin », Libération, 19 août 2003.
  • [33]
    C. Prieur, « l’été le plus meurtrier en France depuis la Libération », Le Monde, 10 septembre 2003.
  • [34]
    Le Monde, 12 mars 2004.
  • [35]
    A. Giddens, The Consequences of Modernity, Stanford University Press, 1990, p. 80, 133.
  • [36]
    F. Baudier, M.A. Balinska, « La vaccination : un geste à consolider ? », in : A. Gautier (dir.), Baromètre santé médecins/pharmaciens 2003, Inpes, 2005, p. 85.
  • [37]
    A. Bellot, « La grippe A suscite une pandémie de controverses », Rue 89, 12 août 2009. À noter que l’idée d’un virus militarisé disséminé par d’obscures autorités a fin de décimer les populations avait été remise sur le marché en 1988 par Alan Cantwell (AIDS and the Doctors of Death, An Inquity into the Origins of the AIDS Epidemic, Aries Rising Press, 1988), selon qui le VIH était un produit du programme de guerre bactériologique américain visant les homosexuels. Voir P.-A. Taguieff, L’imaginaire du complot mondial, Aspects d’un mythe moderne, Mille et Une Nuits, 2006, p. 21-30.
  • [38]
    N. Nicolay, D. Lévy-Bruhl, L. Fonteneau, M. Jauffret-Roustide, « Vaccination : perceptions et attitudes », in : A. Gautier, M. Jauffret-Roustide, C. Jestin (dir.), Enquête Nicolle 2006, Connaissances, attitudes et comportements face au risque infectieux, Inpes, 2008, p. 92-99. l’auteur remercie le Dr Christine Jestin de lui avoir procuré cette référence.
  • [39]
    F. Furet, Penser la Révolution française, Gallimard, 1978, p. 83. Ce qui suit doit beaucoup aux analyses de Furet.
  • [40]
    La guerre des Farines désigne une série d’émeutes qui, nées du renchérissement du prix du blé, se succèdent à un rythme rapide, d’abord à Dijon puis dans la région parisienne. Apparaissent d’emblée la question de la farine adultérée, puis celle du pain toxique préparé à l’avance et distribué aux séditieux par les hommes du complot. Les troubles sont attribués aux menées sourdes de l’abbé Terray (ex-Premier ministre), à moins que ce ne soit à celles des Anglais, ou des Jésuites, ou bien encore au clergé ou aux gens de finances. Voir E. Faure, La disgrâce de Turgot, Gallimard, 1961, p. 304, 311. Sur l’épisode plus connu de la Grande Peur de 1789, voir G. Lefebvre, La Grande Peur de 1789, Colin, 1970.
  • [41]
    L. Poliakov, La causalité diabolique, Essai sur l’origine des persécutions, Calmann-Lévy, 1980.
  • [42]
    P. Zylberman, Neither Certitude nor Peace, How Worst-case Scenarios Reframed Microbial Threats, 1989-2006, NCIS Briefings, The Munk Centre for International Studies Briefings Series, 2010, p. 1-21.
  • [43]
    R. Barthes, Mythologies, Le Seuil, 1957, p. 243. Voir N. Cohn, Les fanatiques de l’Apocalypse, Courants millénaristes révolutionnaires du XIe au XVIe siècle, avec une postface sur le XXe siècle, Julliard, 1962, p. 11.
  • [44]
    Conclusion à laquelle aboutissent également C.R. Sunstein et A. Vermeule, « Conspiracy Theories: Causes and Cures », The Journal of Political Philosophy, 17 (2), 202-227, 2009, sp. p. 207, 223.
  • [45]
    J. Gray, Black Mass, Apocalyptic Religion and the Death of Utopia, Farrar, Straus & Giroux, 2007, p. 28-35.
  • [46]
    D. Howe (directeur du département réponse et planification du Homeland Security Council), Planning Scenarios, Executive Summaries, juillet 2004, version 2.0, p. iv ; National Planning Scenarios created for Use in National, Federal, State, and Local Homeland Security Preparedness Activities, version 20.1 Draft (avril 2005), p. ii.
  • [47]
    NPS Attack Timelines, février 2006, version 17.3 (4), Draft, février 2006, p. ii.
  • [48]
    J. Gray, Gray’s Anatomy, Selected Writings, Allen Lane, 2009, p. 279.
  • [49]
    J. Grosjean, Lecture de l’Apocalypse, Gallimard, 1994, p. 20.
  • [50]
    C. Rosset, Le philosophe et les sortilèges, Minuit, 1985, p. 74.

1On s’est depuis longtemps interrogé sur les rapports entre épidémies et sociétés. Michelet, par exemple, s’attarde sur le mal des ardents (ergotisme) qui désole le Limousin peu avant l’an 1000. Cela nous vaut un tableau saisissant : « la chair des malades semblait frappée par le feu, se détachait de leurs os, et tombait en pourriture. Ces misérables couvraient les routes des lieux de pèlerinage, assiégeaient les églises, particulièrement Saint-Martial, à Limoges. [...] La foule augmentait, l’infection aussi ; ils mouraient sur les reliques des saints [1]. » Plus près de nous, au tournant des années 1960, Louis Chevalier et Asa Briggs ont chacun de leur côté renouvelé l’histoire des épidémies, l’un en lançant une vaste enquête sur les rapports entre choléra et lutte de classes, l’autre entre choléra et modernisation au XIXe siècle [2].

2Et cependant, les relations entres crises sanitaires et crises politiques ont été curieusement assez peu étudiées. Les répercussions des crises sociales ou économiques sur la santé publique ont fait l’objet d’enquêtes nombreuses. Pour nous en tenir au XXe siècle, la crise de 1929 a mobilisé médecins et économistes de la santé. Siegfried Rosenfeld a poursuivi un examen minutieux de l’incidence de la tuberculose sur l’état sanitaire ou nutritif de la population ouvrière dans la Vienne rouge de l’entre-deux-guerres [3] ; Emil Roesle, quant à lui, s’est efforcé de quantifier l’impact du chômage sur la tuberculose [4]. l’un et l’autre avaient été mobilisés par la Section d’hygiène de la Société des Nations au tout début des années 1930. Mais ici, comme chez Asa Briggs (ou comme chez Louis Chevalier), on parle de crise économique, de crise sociale, pas de crise politique.

3Non que l’histoire de la santé ait cherché à éviter la question de l’impact réciproque des crises sanitaires et des crises politiques. Mais elle ne l’aborde qu’indirectement ; de biais, si l’on préfère.

Les trois questions de Richard Evans

4Exception à la règle, Richard Evans fait brèche en 1988 avec une enquête sur les réponses à la crise du choléra apportées par les autorités politiques allemandes depuis l’époque du Vormärz jusqu’à celle de la Weltpolitik[5]. Evans propose une triple interrogation : il se demande d’abord si l’impact social et psychologique du choléra est différent de son impact épidémiologique et démographique, s’il y a en somme une réalité mentale spécifique de l’épidémie ; il s’interroge ensuite sur le rôle éventuel de cette double réalité épidémiologique et mentale dans les révolutions (1830, 1848) ; enfin, si la ou les crises du choléra ne sont au XIXe siècle qu’un phénomène de second plan (conséquence plus que déterminant des crises politiques), ont-elles au moins provoqué des réformes administratives et sanitaires profondes ?

5Nous nous inspirerons de ce schéma pour notre présent exposé, sans nous limiter toutefois au cadre très spécifique du choléra au XIXe siècle. Après avoir éclairé la généalogie de l’idée de crise sanitaire et cité brièvement quelques effets des crises de santé publique sur les sociétés, nous prendrons trois exemples : la grippe « espagnole », la canicule de 2003 et la grippe pandémique de 2009, illustrant ce que pourrait être une théorie de l’État face aux risques et aux menaces sanitaires.

Qu’est-ce qu’une “crise sanitaire” ? Thucydide

6Dans un article aujourd’hui classique paru en 1948, l’historien de la médecine germano-américain Erwin Ackerknecht établissait une corrélation entre politique sanitaire et régime politique [6].

7D’après Ackerknecht, les régimes autoritaires recouraient volontiers aux quarantaines, cordons sanitaires, détentions et autres mesures faisant bon marché des droits des individus ; tandis que, soucieux des libertés individuelles, les régimes libéraux marquaient au contraire une préférence certaine pour des mesures moins coercitives telles que l’hygiène publique et l’assainissement urbain. À peu près au même moment, en France, René Baerhel traçait une ligne de continuité entre les concepts d’épidémie et de terreur en s’attachant à détailler les analogies existant entre les comportements en temps de crise épidémique et en temps de crise politique. Terreur était à prendre ici au sens large mais aussi au sens restreint de la période de la Révolution française allant de septembre 1793 au 9 thermidor 1794, la crise terroriste étant pour Baerhel le parangon d’une montée aux extrêmes de la lutte des classes et donc l’exemple le plus typique de tous les paroxysmes inhérents aux moments d’hystérie collective : émeutes, révolutions, peste, choléra, etc. [7]. Nous reviendrons plus loin sur ces conceptions « gothiques » des crises épidémiques.

8Revenons à Ackerknecht. Les variations de son modèle l’intéressaient davantage que ces équations un peu faciles. Ainsi, le consensus scientifique parmi les médecins à l’âge de la bactériologie appelle logiquement une défense commune des États concernés face au danger microbien : or, le plus souvent, la menace commune ne suscite nulle communauté de vigilance ; aucun réflexe de solidarité ne vient couronner un sentiment de vulnérabilité réciproque. Face à la crise, les variations des stratégies préventives ou prophylactiques des États sont donc de purs produits de la politique, des effets de la nature des régimes en place, tout autant et sinon plus que des circonstances entourant la marche de l’épidémie elle-même.

9Sous cette forme, l’idée que les stratégies divergentes de défense contre la transmission des maladies varient en fonction de la nature des États (autoritaire/libéral) est toujours partagée aujourd’hui par de nombreux historiens. Et le schéma quarantaine-isolement-autoritarisme/hygiène publique-assainissement-libéralisme est encore conforté par les travaux, à dire vrai peu nombreux, sur l’histoire de la santé publique en Union soviétique [8], ou par les enquêtes, elles-mêmes en nombre limité, concernant les rapports entre le nazisme, le racisme et la santé, telles celles de Michael Burleigh, de Götz Aly ou encore de Paul Weindling [9].

10Crise sanitaire/crise politique, le sujet demeure donc assez peu abordé. La chose est d’autant plus curieuse qu’une telle interrogation est depuis longtemps au cœur même de l’histoire des catastrophes politiques.

11Rendu public jeudi 17 septembre 2009, un rapport de l’Organisation des Nations unies avertissait les pays les plus riches que les pays pauvres pourraient subir des dommages très graves si on ne leur venait en aide a fin d’atténuer les effets de la pandémie grippale parmi leurs populations. « Le virus, pouvait-on lire, pourrait détruire les économies ou les démocraties émergentes [10]. » Un virus, détruire une économie ou un système politique ? Quelle idée ! Or cette idée est assez bien ancrée dans nos mentalités : il est vrai qu’elle n’a que vingt-quatre siècles d’existence !

12Oui, nous voyons aujourd’hui encore les épidémies à travers les lunettes de Thucydide [11]. Pour Thucydide, la « peste » d’Athènes (430 et 427-26 av. J.-C.) ne fut pas seulement une crise sanitaire, elle fut encore une crise morale de grande ampleur. Nósos, comme le dit notre auteur, c’est-à-dire « maladie », l’infection ne détruit pas seulement des corps ; nósos, autrement dit « démence », détruit aussi, fût-ce momentanément, une société, des institutions, des mœurs. Une épidémie, ce n’est pas seulement les ravages et les souffrances causés par la propagation d’une infection, c’est encore la désorganisation brutale qui s’ensuit, l’abaissement de l’État, le délitement des autorités, des structures sociales et des mentalités. Symbole de cet effondrement de la civilisation, les rituels funéraires foulés au pied par les Athéniens rendus fous par la souffrance [12]. Thucydide parle d’anomia, c’est-à-dire d’impiété et d’absence de loi, d’une humanité sans loi ni règle. Selon Victor Hanson, la létalité de cette épidémie aurait été supérieure à celle observée durant la peste Noire dans l’Angleterre du XIVe siècle. Trente ans plus tard, en tout cas, les Athéniens écartaient la possibilité de participer à l’expédition panhellénique en Asie mineure (qui se conclurait par la fameuse Retraite des 10 000) en raison du manque d’hommes consécutif à la guerre mais aussi à l’épidémie pendant laquelle de nombreuses femmes et futures mères avaient péri [13].

13Destruction massive, désorganisation massive : voilà donc le double schéma de la crise épidémique. Schéma multiséculaire, nous l’avons dit : Lucrèce, Boccace, plus près de nous Thomas Mann, Artaud, Giono, Camus : c’est un topos – un cliché, un lieu commun –, l’image quintessenciée de l’épidémie. Cette représentation est demeurée intacte jusqu’à nous. En 1832 paraissait à Berlin Der schwartze Tod in vierzehnten Jarhhundert de Justus Hecker [14]. l’« épidémiologie gothique [15] » (comme on l’a surnommée d’après les romans noirs de Horace Walpole ou de Ann Radcliffe, ou encore d’après les mélodrames telle cette Peste de Marseille, mélodrame historique en trois actes et à grand spectacle de René-Charles Guilbert de Pixérécourt créé en 1828) était alors le sens commun. Avec Hecker, l’histoire de la peste Noire entrait toutefois dans sa phase « scientifique », c’est-à-dire qu’elle s’appuyait sur l’épidémiologie naissante. Détail intéressant, le chapitre le plus long de l’ouvrage s’intitule encore : « Effets sur la moralité ». Ce goût du cataclysme et de la désintégration sociétale ne s’est donc pas éteint avec l’avènement du positivisme : il a d’ailleurs survécu chez les historiens jusque tout récemment [16].

14Si l’historiographie actuelle valide Thucydide, nous laisserons de côté cette discussion. Il suffit ici d’indiquer que ce concept plus ou moins imaginaire est aujourd’hui décliné par tous les plans antipandémie, plans de défense de l’ordre public et de l’État autant et peut-être même davantage que de sauvegarde de l’état sanitaire des populations.

Quelques effets des épidémies sur les sociétés

15Quelle est la gamme des effets divers que les épidémies produisent sur les sociétés ? Ces effets touchent aux idées et aux croyances, mais aussi aux structures sociales et aux institutions. Sans oublier l’économie et la démographie.

Sur les idées et les croyances

16La peste du VIe-VIIIe siècles (dite « de Justinien ») n’a pas été sans encourager grandement la dévotion à la Vierge, notamment à Constantinople et à Paris où le culte marial est introduit durant l’épidémie.

17L’épidémie renforce les préjugés : contre les Juifs (peste 1347-50), contre les pauvres à la Renaissance (peste, typhus), contre les immigrants irlandais au XIXe siècle (choléra), encore contre les pauvres au XIXe siècle (tuberculose) … contre les 4 H (homosexuels, Haïtiens, hémophiles, héroïnomanes) dans les années 1980 (VIH/sida).

18Notons que la nature des boucs émissaires a connu un changement capital à partir de la première pandémie de choléra qui a touché l’Europe occidentale en 1831-32. Réservé jusqu’alors aux minorités religieuses ou aux pauvres, ce rôle peu enviable échoit à ce moment aux autorités et bientôt aux médecins eux-mêmes [17]. Le chemin est direct, sur ce point, entre le choléra et la grippe pandémique de 2009.

Sur l’économie et la démographie

19Effets sur les recettes fiscales de l’État : l’épidémie de peste dite « de Justinien » pèse sur le Trésor d’un État (Byzance) dont l’assiette fiscale est fortement ébréchée par la dépopulation rurale.

20Absentéisme : en juillet 1918, alors que cédait peu à peu la première « vague », bénigne, de la grippe « espagnole », un tiers de la main d’œuvre n’était pas au travail dans les mines de Wigan, près de Manchester (Lancashire) ; dans les services publics de la capitale britannique (police, pompiers), l’absentéisme atteignait 25 à 50 %. La grippe « asiatique » de 1957-58 (H2N2), d’amplitude modérée (létalité : 0,2 % ; environ 2 millions de décès dans le monde), a occasionné un fort taux d’absentéisme, notamment parmi les personnels hospitaliers (entre 12 et 20 % des infirmières manquaient à leur poste à Liverpool pendant les quatre premières semaines de l’épidémie). En octobre 1957, les administrations françaises fonctionnaient elles aussi au ralenti ; et les usines, à demi effectifs.

21Récession : aux États-Unis, la grippe « asiatique » a été responsable d’une chute de 3,5 points du produit intérieur brut.

22Les hautes mortalités épidémiques (peste Noire) peuvent donc avoir un impact économique réel. Mais, cet impact, est-il transitoire ou durable ?

23En 1918, aux États-Unis, la grippe « espagnole » a causé des faillites et des fermetures d’entreprises dues aux décès des employeurs, avec une baisse du revenu par tête en 1919-21 – mais le choc n’a été que temporaire, sans effet sur le long terme [18].

24En 2003 le coût global de l’épidémie de Sras a atteint 100 milliards de dollars, selon des économistes américains. l’embargo sur le commerce et les restrictions sur les voyages ont eu un impact sévère (0,5 % de PIB). Le Sras est intervenu à un moment où les économies asiatiques étaient encore fragiles et se remettaient péniblement de la crise financière de 1997. Cependant, à mesure qu’en mai les avertissements sur les voyages étaient levés par l’OMS et les CDC, la tendance s’inversait rapidement vers un retour à l’optimisme [19].

25Ce caractère momentané de la dépression consécutive aux épidémies modernes contraste fortement avec l’ancien régime des épidémies (~1300-1600), lorsque la permanence des foyers (et des « vagues ») épidémiques interdisait toute véritable reprise, lorsque la peste à répétition condamnait les populations à une incessante débâcle démographique et économique [20].

Démographie

26Certains historiens mettent cependant en garde contre l’idée d’un effet à long terme, étant donné la formidable faculté de récupération des populations humaines. d’autres soulignent la baisse de la fréquence des rapports sexuels en temps d’épidémie – un point en contradiction avec l’image de l’épidémie que nous a laissée Thucydide.

27La surmortalité des femmes enceintes dans les pandémies de grippe (1918, 1957, 2009) a-t-elle eu des répercussions sur l’orientation de la natalité ? On citerait encore ici le débat sur les conséquences démographiques du VIH/sida en Afrique.

Sur les institutions

28Les épidémies insinuent parfois le désordre et des conflits aigus entre les différents pouvoirs :

  • Italie XVIIe siècle : on jette des pierres sur les membres des bureaux de santé ; quarantaines, lazarets, cordons sanitaires, billets de santé suscitent des réactions de colère dans la population. Les autorités ne sont obéies que grâce à la corruptibilité des fonctionnaires de la quarantaine (médecins y compris), un fait que les historiens d’aujourd’hui préfèrent pudiquement nommer « négociation » ou « médiation » entre autorités et culture populaire ;
  • 1884, Naples : la gestion catastrophique de l’épidémie de choléra fragilise la légitimité de l’État issu du Risorgimento ; en 1911, les autorités tenteront de dissimuler le retour du choléra, crainte de mouvements divers ;
  • 2003, Chine continentale (Sras) : des émeutes ont fortement secoué certaines zones rurales. En avril, alors que Pékin se décide enfin à révéler la réalité et la gravité de la situation, dans la région de Tianjin, une école est mise à sac après que les autorités ont tenté de la transformer en centre de quarantaine ; début mai, dans la province de Shanghai, un millier de villageois se soulèvent contre la mise en détention de personnes suspectées d’être contaminées. Les choses prennent également un tour violent à Taiwan : au sud de l’île, début mai, des habitants saccagent une usine de retraitement des ordures pour protester contre le transport de déchets venant de l’hôpital Ho Ping (Taipei) où sont isolés des malades du Sras [21].

Conflits entre les pouvoirs

29Entre l’Église et les bureaux de santé, de plus en plus contagionnistes dès le XVIIe siècle, horrifiés par les processions et pénitences collectives organisées par le clergé : en 1771, à Moscou (peste), le gouvernement interdit les processions et suspend les services religieux, ce qui provoque des émeutes au cours desquelles un archevêque est tué. Ces conflits inter-institutions étaient encore difficilement concevables aux hautes époques, lorsque régnait un large accord sur la causalité (magique) des infections.

Le pouvoir médical violemment contesté

30Nous en avons déjà dit un mot :

  • 1832 (choléra) : attaques contre des médecins et des hôpitaux à Paris, Manchester, Glasgow, Edimbourg ;
  • 1884 (choléra) : attaques à Naples et Marseille ;
  • 1892 (choléra) : un médecin battu à mort par la foule à Khvalynsk (dans la région de Saratov) ;
  • 1955 : à Vannes, en janvier, au beau milieu d’une épidémie de variole, arrivent sur le bureau du préfet des appels au secours lancés par des patients qui se sentent abandonnés par le maire et les médecins « malhonnêtes » auxquels sont reprochés indifférence et condescendance [22]. Aucune violence, toutefois, n’est à déplorer contre ces médecins.
La médicalisation des sociétés de type occidental repousse-t-elle à présent dans un passé révolu ce type de réaction ? Pour la violence, sûrement ; pour le scepticisme et même l’hyper-scepticisme (auquel une partie des personnels de santé participent activement), c’est plus douteux.

31On l’a dit, on doit se garder ici de supposer une quelconque nécessité. Aucun de ces effets n’est automatique. En 1349, la peste Noire frappe de plein fouet le Danemark. Cela n’empêche nullement de grandes assemblées réunissant conseillers et dignitaires ecclésiastiques de se tenir cette même année autour du roi ; ni le roi de mener une expédition punitive dans le Brandebourg allemand [23]. Reste qu’un examen plus systématique de ces divers exemples et de bien d’autres pourrait contribuer à nourrir une théorie du politique en temps d’épidémie, en d’autres mots une analyse de la répartition du pouvoir, de la violence et de la contrainte dans les sociétés face aux crises sanitaires [24].

La mécanique institutionnelle des crises sanitaires

La grippe « espagnole » et la création du ministère de l’Hygiène

32Nous sommes en octobre 1918. En cet automne de la guerre sévit la grande vague létale H1N1. Le 25, interpelé à la Chambre, Albert Favre, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur (la direction de l’assistance et de l’hygiène dépend à cet instant de l’Intérieur), soulève dans l’hémicycle une manière de scandale : « Je suis appelé, avoue-t-il, à répondre de la gestion de services qui ne sont pas placés sous mon autorité. » Les services d’hygiène sont en effet éparpillés entre huit départements ministériels. Il est alors décidé qu’ils seront concentrés entre les mains de Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre.

33Les partisans de l’hygiène se réjouissent. « Pour arriver à ce résultat, écrit Henri Navarre au nom de la commission d’hygiène de la Chambre, il a donc fallu réunir pour un instant, entre les mains d’un seul, tous les rouages concourant à la sauvegarde de la santé publique, et cela, au cours d’une épidémie qui sévissait d’une façon intensive depuis plusieurs semaines. » qu’elle est belle la dictature sanitaire ! Elle n’est hélas ! que temporaire. Et donc : « Que propose à la Chambre la commission d’hygiène ? poursuit Navarre. c’est de rendre permanente cette centralisation qui ne fut qu’éphémère. »

34Un peu plus d’un an plus tard, le 21 janvier 1920, Alexandre Millerand créera le premier ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales.

35Mais enfin, 1920, c’est bien loin, dira le lecteur. Loin ? Pas tant que cela. Le 8 janvier 1998, Alain Calmat, député apparenté socialiste de la Seine-Saint-Denis, rapporteur de la proposition de loi qui deviendra la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire, Calmat, lui-même médecin, réfléchit à voix haute sur l’enchaînement des crises sanitaires depuis 1985 : « En quelques années, note-t-il, la sécurité sanitaire s’est imposée comme une nouvelle mission régalienne de l’État. »

36Quelques mois plus tôt, le 24 septembre 1997, Claude Huriet, sénateur centriste de la Meurthe-et-Moselle, définissait la veille sanitaire comme « l’observation permanente de l’état de santé de la population ». Permanence et fonction régalienne : les deux notions centrales d’une véritable administration sanitaire.

37Au cours du même débat, Jean-Pierre Fourcade, sénateur UDF des Hautsde-Seine, avait fait remarquer que c’était « sous la pression de l’affaire du sang contaminé, qui a été une sorte de bombe dans l’organisation administrative et politique de notre pays », que les travaux préparatoires à la proposition de loi s’étaient engagés au Sénat. En sortirait une première mouture du système des agences sanitaires, avec la création en 1999 de l’InVS, de l’Afssaps et de l’Afssa.

38Ainsi, l’urgence sanitaire démontre une authentique productivité institutionnelle. La crise sanitaire est créatrice d’institution, ce qui ne veut pas dire gage de permanence. Créé sous les huées de parlementaires apeurés, le ministère de l’Hygiène sera dissous en 1924 par Poincaré (par mesure d’économie), et l’Hygiène versée au Travail. La mésaventure n’est pas spécifique à la France. En proie à de terribles épidémies entre 1919 et 1923, la Pologne renaissante créait en 1920 un ministère de l’Hygiène, lequel, l’alerte passée, serait réduit à l’état de « squelette », puis supprimé en 1926 par le maréchal Pidsu?ski.

39S’agissant de l’organisation de la santé publique, la fin du XXe siècle ne diffère en rien de son début. Des scandales en chaîne ont imposé la multiplication d’organismes « empilés » les uns sur les autres (tableau 1).

40Cet empirisme de la construction institutionnelle trouve à la fois des censeurs (« disparate ») et des laudateurs (« organisation multicentrique »). Le fait est qu’on a abordé les problèmes au coup par coup, sans réflexion d’ensemble. Or le risque n’est pas seulement sanitaire, il est aussi politique et organisationnel. Risque politique : on a tenté de le neutraliser en jouant d’un facile consensus autour de la sécurité alimentaire après la crise de la « vache folle » (1996). Risque organisationnel : les tempêtes de 1999 ont démontré que « la crise de l’organisation des secours avait été une crise de l’organisation de l’État », le produit d’un « effacement excessif et d’un désengagement de ses fonctions classiques [25] ». À l’été 2003, une crise sanitaire majeure – la canicule – allait amplement confirmer et le risque organisationnel et le risque politique dont nous parlons ici. Arrêterons-nous un instant sur cet exemple capital.

Tableau 1

Scandales sanitaires et réformes administratives (1950-2003)

Tableau 1
Années Événement Impact administrativo-politique 1950-1977 Distilbène Direction de la pharmacie et du médicament 1958-1962 Thalidomide id. 1992 Hormone de croissance Agence du médicament et réorganisation de l’Institut Pasteur 1992 Sang contaminé Centre national de transfusion sanguine ? Agence du sang 1998 “Vache folle” Réseau national de santé publique ? Afssaps, Afssa, InVS 2003 Canicule Nouvelle réforme du système des agences

Scandales sanitaires et réformes administratives (1950-2003)

Événement climatique extrême et crise politico-sanitaire : la canicule (11 juin-18 août 2003)

41La France est « en état de choc sanitaire », affiche Le Monde en une à la veille du 15 août. Cette crise grave vient de rouvrir les plaies du système sanitaire français : carence des données épidémiologiques (pas d’évaluation du nombre des décès par hyperthermie), manque de coordination entre l’échelon central de l’administration et le système de soins, faillite de la permanence des soins (généralistes), faillite des urgences, faillite des hôpitaux (pour la plupart veufs de toute climatisation) [26].

42Plus fondamentalement, derrière cette « catastrophe climatique et sanitaire doublée d’une catastrophe politique [27] » se dissimulent, croyons-nous, trois crises d’un ordre assez différent :

  • la première est une crise logistique et une crise de management du système de soins. Elle tient à l’engorgement rapide, début août, des urgences, des lits d’aval et des funérariums. Manque de lits, salles fermées, morgues pleines : le « scandale [28] » est énorme. « Je n’ai jamais vu cela », avoue le chef des urgences de l’hôpital Avicenne de Bobigny, où 40 % des lits sont fermés durant l’été [29]. « Nous sommes en état de guerre », confirment ses confrères de Villeneuve-Saint-Georges et de Pau ;
  • à partir du 18 août, la température étant redescendue, on entre dans une deuxième crise, beaucoup plus politique, qui va déboucher sur une sérieuse mise en cause des services de l’État. Les autorités ont-elles tardé à réagir ? Oui, d’après Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France ; et oui, encore, selon Claude Evin, ancien ministre de la Santé. En partie irréalistes, comme devait le reconnaître la commission d’enquête de l’Assemblée nationale s’agissant par exemple du rappel des personnels en vacances, les plans blancs n’ont été que parcimonieusement utilisés. Un seul hôpital, celui de Créteil, a déclenché le sien spontanément. Un sondage publié le 26 août révélera que 66 % des Français regardent à présent le gouvernement comme « inefficace » et que 51 % ne lui font plus confiance pour gérer les crises ponctuelles [30] : on voit que l’effondrement de la confiance ne date pas de septembre 2009 ! Le gouvernement s’est « planté » sur « un des dossiers apparemment les mieux maîtrisés [par le ministère de la Santé] : celui de la sécurité et de la veille sanitaire [31] ». Plans blancs, veille sanitaire : tout était là, idées, procédures, ressources, comme déjà quelques mois plus tôt, au moment de la pandémie de Sras : pourquoi ces outils n’ont-ils pas joué leur rôle ? « Comprendre pourquoi nos outils et l’administration de la santé publique ont si mal fonctionné [32] », comme le demande Claude Evin, voilà qui va devenir l’obsession de tous les responsables de la sécurité sanitaire et de la santé publique au lendemain de cette « catastrophe sanitaire majeure [33] ». Mais ces mêmes responsables sont-ils équipés pour répondre à leurs propres interrogations ? Les sciences sociales, les sciences de la gestion leur fournissent-elles les outils intellectuels nécessaires ? Et savent-ils seulement où les dénicher, ces outils, tant les passerelles sont rares entre université, recherche et administration ?
  • à la fin du mois d’août, le débat sur les lenteurs de l’État cède la place à une autre discussion. Une troisième crise se profile à l’horizon, de portée beaucoup plus générale : pourquoi l’État n’a-t-il pas su « anticiper » l’événement ? Crise politique et méthodologique à la fois, crise de l’analyse stratégique.
La canicule de l’été 2003 présente ainsi tous les signes d’un scénario épidémique grandeur nature. Les plaies du système de santé ont été dénudées par la brutalité de la crise : son incapacité à faire face à l’afflux des victimes, ses lacunes touchant la veille sanitaire et la surveillance, son impuissance à anticiper les menaces émergentes. Élément déclencheur de la réforme administrative de la santé publique (loi du 9 août 2004), la canicule est encore à l’origine de la création d’un nouveau département des situations d’urgence sanitaires (Désus, aujourd’hui DUS) directement rattaché au directeur général de la santé, que Jean-François Mattei présentera en mars 2004 comme le nouveau « Samu de la santé publique [34] ». La multiplication des plans de réponses : contre une pandémie grippale, contre la canicule, l’annexe « Peste, charbon, tularémie » au plan Biotox (sous l’égide du Désus), témoigne elle aussi du coup d’éperon donné par cette crise à l’imagination des autorités sanitaires. La canicule 2003 a été à Paris, pour la sécurité sanitaire, ce que Madrid 2004 a été à Bruxelles pour la lutte contre le terrorisme. l’idée fait alors son chemin de la nécessité pour l’État de disposer de structures d’alerte et de veille permanentes.

43Surtout, la vive politisation de cette crise a surpris, tant les deux épisodes caniculaires de 1976 et de 1983 (2 031 et 4 720 décès) avaient à l’inverse laissé le microcosme de glace. Ici il s’agit moins d’une théorie du politique que d’une théorie du gouvernement ou, si l’on veut, d’une analyse de la structure de l’État et du comportement du personnel politique face aux crises sanitaires. En fait, au cours de la crise sanitaire, le politique échappe parfois au gouvernement. Et c’est précisément ce que nous allons voir avec notre dernier exemple : la crise pandémique de 2009.

Crise sanitaire et démocratie : les mythologies du complot durant la grippe pandémique de 2009

44Voici maintenant vingt ans, Anthony Giddens constatait les progrès rampants de la délégitimation des systèmes experts [35] – délégitimation alimentée par différents scandales sanitaires et accidents technologiques très médiatisés ou par les récriminations populaires contre le partage insuffisant de l’information. Le désir de sécurité déçu par une science qui ne garantit plus contre l’incertitude est sans doute une autre cause de cette délégitimation de l’expertise. Son impact en tout cas est visible dans l’effritement constant des attitudes et des comportements à l’égard des vaccins. Car, si dans leur immense majorité (90 % en 2006) les Français sont favorables aux vaccinations, sous ce calme apparent se devine un certain « malaise » symbolisé par la crise des années 1994-98 qui a violemment contrarié la vaccination contre l’hépatite B [36].

45Quant à la soif d’information, elle est bien souvent impossible à étancher. Car, ou bien ces informations ne sont pas disponibles (au début de la crise pandémique de 2009 aucune donnée ne renseignait sur le risque possible encouru par les femmes enceintes du fait des vaccins adjuvés) ; ou bien elles ne sont pas accessibles faute d’être mesurables à l’instant (taux de létalité au cours d’une épidémie) ; ou bien encore elles sont biaisées (recommandations de certains personnels soignants au sujet du vaccin). Dans tous les cas, la pénurie d’information occasionne un mécontentement que cherche à combler la rumeur sous toutes ses formes. Sous toutes ses formes, y compris bien sûr les théories du complot.

46Les théories du complot se déclinent au pluriel. En 2009, l’opinion a été bien moins réceptive à l’accusation de génocide visant les pouvoirs publics et l’OMS qui a circulé sur l’Internet (« virus militarisé », « vaccin, arme biologique [37] ») qu’à la condamnation morale touchant la corruption par Big Pharma du monde des experts et des gouvernants. En 2006, l’enquête Nicolle réalisée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) avait déjà montré qu’un quart des personnes interrogées étaient convaincues que les vaccinations avaient pour finalité « unique » le profit des firmes pharmaceutiques. Par contre, ces mêmes enquêtes ne portent aucune trace d’une croyance en une volonté de génocide chez quelque malfaiteur dissimulé, puissance industrielle, puissance d’argent ou complexe politico-industriel (peut-être parce que la question n’a pas été posée) [38].

47Cette inégale efficacité symbolique ne joue pas nécessairement au détriment des sectes anti-vaccin. Pour emprunter une expression à François Furet, nous dirons que celles-ci cherchent avant tout à instaurer avec le public une « communication imaginaire [39] ». Il s’agit pour elles d’occuper le magistère de la communication – chose aisée en 2009, tant celui des pouvoirs publics a été marqué d’une incroyable vacance. Plus exactement, le discours complotiste remplit une fonction phatique en tentant d’établir et de maintenir un contact idéologique entre les sectes anti-vaccin et un public a priori peu réceptif aux thèses extrémistes. Les anti-vaccins s’efforcent ainsi de tirer profit de l’idée largement répandue dans le public de la cupidité des industriels pour y greffer leur propagande complotiste : la greffe (le contact) est plus importante que le message proprement dit (l’information). La théorie du complot se soucie moins d’informer (cela va de soi) que de s’assurer une emprise sur les esprits et les volontés, ce qui lui est d’autant plus aisé qu’une généalogie de la « pandémie fantasmée » la rattache en fait à des images populaires profondément ancrées dans la culture politique française.

48Les théories du complot ne sont pas le produit effervescent de blogueurs à la cervelle brouillée. Bien plutôt, chaque culture politique leur offre un terreau où engraisser. En France, elles puisent par exemple à l’idée de « disette factice », omniprésente sous le règne de Louis XVI et pendant la Révolution française. Les deux épisodes les plus fameux en sont la guerre des Farines (avril-mai 1775) et la Grande Peur de 1789 [40]. l’idée de l’épidémie provoquée est évidemment antérieure au XVIIIe siècle, elle remonte à la rumeur antijuive de l’empoisonnement des puits au XIVe siècle et s’inscrit ainsi dans le fil de cette « causalité diabolique » naguère étudiée par Léon Poliakov (complot jésuite, maçonnique, judéo-maçonnique) [41]. Innovation propre au XVIIIe siècle, le mal n’est plus répandu par les marges (Juifs, lépreux) mais par le centre (aristocratie, élites sociales et politiques). À Marseille, en 1720, ce sont les médecins qui sont accusés de disséminer la peste ; un siècle plus tard, nous l’avons vu, il en sera de même au temps du choléra.

49Complot, pandémie factice, haine et crainte des élites : 2009 se place donc dans la continuité de la vindicte populaire contre les élites fauteuses de calamités diverses. Le mythe du complot vise à unifier tous les niveaux de culture (paysans, foules urbaines, représentants du peuple). Il satisfait les sensibilités vaguement religieuses (le mal est l’œuvre de forces obscures), et aussi bien la conviction démocratique pour qui tout ce qui s’oppose à la volonté générale ne peut être que le fruit empoisonné d’intérêts particuliers. Le mythe complotiste impose une explication de la pandémie (étanchant ainsi la soif d’information et d’explication qui taraude le public) – mais c’est une explication figée, arbitrairement plaquée aux fins de s’assurer d’une emprise sur les esprits. Cette explication figée constitue une « fiction nécessaire », nécessaire à la réappropriation démocratique d’une politique traditionnellement laissée à l’administration et aux experts : c’est une arme dans le conflit de légitimation qui secoue l’État aux prises avec la crise microbienne.

50Les scénarios de la conspiration ne sont que l’autre face de la logique du pire qui forme la substance de l’imagination biopolitique de la menace et du risque [42]. À la logique du pire correspond l’imaginaire démocratique du pouvoir comploteur, dissimulé tandis que le peuple agit en pleine lumière, pervers alors que la nature est bonne, néfaste quand qu’elle n’apporte au contraire que du bonheur. En somme, le complot apparaît comme un mythe inversé, capable d’absorber et d’expliquer toutes les sortes de menaces – menaces politiques, économiques, technologiques, biologiques –, et dont la durée illustre ce que Roland Barthes et Norman Cohn appelaient « le pouvoir majeur du mythe : sa récurrence [43] ». Phobie d’autant plus dangereuse qu’elle est plus durable, et par là plus difficile, et peut-être même impossible, à jamais extirper [44].

Conclusion : “Apocalypse now” !

51Essayons de résumer ce qui précède. Le schéma thucydidéen a dessiné d’emblée une corrélation stricte entre crise sanitaire (épidémie) et crise politicomorale (anomia). La crise sanitaire est une crise épidémiologique, médicale et aussi, indissociablement, une crise politique et une crise de gouvernement. À côté d’approches cliniques et épidémiologiques, elle relève d’une double théorie du politique (pouvoir, violence, contrainte) et du gouvernement (structure de l’État, comportement des gouvernants). La maîtrise de l’État sur les crises sanitaires dépend de sa propre capacité à créer, développer et gérer des organisations complexes et spécialisées (système de soins et système de santé, agences, comités d’experts), de sa capacité à assurer la permanence de leur fonctionnement et la mobilisation de leurs ressources, enfin de son pouvoir de contrôle sur l’usage de la contrainte dans la réponse à la crise.

52Finalement, pourquoi, aujourd’hui, cette obsession de la crise ? Sans doute le monde développé a-t-il connu depuis 1973 un enchaînement de crises de toute nature, avec, sentiment subjectif mais largement partagé, une accélération du rythme des événements de grande ampleur, tant sur le plan environnemental que sur le plan sanitaire.

53Mais il y a plus. John Gray l’a noté : la politique contemporaine évolue dans un univers hanté par l’Apocalypse (héritage du XXe siècle totalitaire et conséquence de la guerre religieuse qui s’est en flammée dans la première décennie du XXIe). On avait coutume d’imputer aux utopies millénaristes la lointaine paternité des idéologies totalitaires, mais aussi de « la religion du progrès des Temps modernes ». Or, à la fin de la guerre froide, ce cocktail typique a émigré de la gauche vers la droite. Morte la révolution, les religions apocalyptiques ont refait surface en s’emparant de l’utopie libérale du progrès [45].

54Et il est vrai qu’aux États-Unis le Department of Homeland Security (créé en 2003) a élaboré et publié un certain nombre de scénarios des menaces microbiennes, ou, pour ceux qui préfèrent la langue de bois, des « nouveaux risques » (épidémies, bioterrorisme, etc.), lesquels scénarios mettent en scène l’Ennemi universel (avec une majuscule) : « terroristes, extrémistes du cru, agents de l’étranger, ou même ancien employé en colère, nous nommerons les exécuteurs “l’Adversaire universel” [46] ». Le DHS alimente une banque de données a fin de conférer à l’adversaire des caractéristiques qui reflètent les menaces potentielles. En février 2006, cette base comptait six catégories de menace, quinze profils de groupe, des fiches sur des terroristes recherchés, des descriptions détaillées des tactiques employées, etc. [47] Gray dit : « à droite », et il pense bien sûr à Tony Blair et à George W. Bush. « Curieux mélange, écrit-il, de Docteur Folamour et de Billy Graham [48]. »

55Rien n’interdit, cependant, de généraliser le raisonnement du philosophe britannique. Pour la vision apocalyptique de l’histoire, toute crise historique est en même temps une catastrophe cosmique. Comme la menace biologique – ou climatique – aujourd’hui, l’événement (eschatologique) est supposé combiner désordre de la nature et perversité des hommes, causes naturelles et entreprises criminelles ou quasi-criminelles. La fabrique des scénarios (preparedness) est toute tissue de ce discours à la fois technologique et apocalyptique. La crise n’est pas quelque chose qui sera, ou qui va être : c’est quelque chose qui vient, « la pandémie qui vient », pour reprendre le titre d’un article que Michael Osterholm, professeur à la Minnesota School of Public Health, a publié en 2005 dans Foreign Affairs, dans lequel il expliquait la catastrophe qui se développerait après que le virus de la grippe aviaire se serait humanisé. Prédiction infaillible, où, selon la magnifique formule de Jean Grosjean, « le futur serait remplacé par l’imminent [49] ».

56La réalité fait peur non parce qu’elle est réelle mais parce qu’elle menace de le devenir [50]. Et cette « réalité »-là s’éloigne de plus en plus de cet ordre des possibles que représentait encore la « société du risque ». Sécurité nationale et sécurité sanitaire, ces politiques doivent désormais s’établir dans un monde où le progrès guidé par la science et garanti par la coopération entre les acteurs se trouve en butte à la volonté illimitée de détruire de l’Adversaire, jihadistes ou virus inconnu, et où, les événements ayant un caractère indéterminé, il n’est pas possible d’avoir une science fondée de ce qui arrivera. l’événement microbien est rencontre, fruit du hasard, agrégat, insignifiant dans la mesure où il ne répond à aucune nécessité. Seul moyen d’y parer : apprendre, comme disait Nietzsche, à séparer le nécessaire du contingent, voir le lointain comme s’il était présent et faire de tout avenir une répétition, de tout futur un passé nécessaire, régulier, prévisible : la tâche, précisément, et l’objectif des scénarios.


Date de mise en ligne : 22/05/2012

https://doi.org/10.3917/seve.034.0035

Notes

  • [1]
    J. Michelet, Histoire de France, t. II, Éditions des Équateurs, 2008, p. 93-94. Et bien évidemment le célèbre tableau de la peste de Marseille (1720) au t. XV (paru en 1863).
  • [2]
    L. Chevalier, Classes laborieuses, classes dangereuses, Plon, 1958 ; A. Briggs, « Cholera and Society in the Nineteenth-Century », Past & Present, 19, 1961.
  • [3]
    K. Aigner, Die Tuberkulose während die Ersten Republik, Diplomarbeit, Universität Wien, 2010.
  • [4]
    Sur E.E. Roesle, voir S. Gross Solomon, « The demographic argument in Soviet debates over legalization of abortion in the 1920s », in : D. & R. Porter (Eds.), Doctors, Politics and Society: Historical Essays, Rodopi, 1993, p. 154.
  • [5]
    J.R. Evans, « Epidemic and revolutions: cholera in nineteenth century Europe », in : P. Slack, T. Ranger (Eds.), Epidemics and Ideas, Essays on the Historical Perception of Pestilence, Cambridge University Press, 1992, 149-73, p. 153.
  • [6]
    E. Ackerknecht, « Anticontagionism between 1821 and 1867 », Bulletin of the Institute of the History of Medicine, 22, 562-593, 1948.
  • [7]
    R. Baerhel, « Épidémie et terreur : histoire et sociologie », Annales historiques de la Révolution française, 1951, p. 113-146.
  • [8]
    L.R. Graham, Science in Russia and the Soviet Union, A Short Story, Cambridge University Press, 1993.
  • [9]
    M. Burleigh, Ethics and Extermination, Reflections on Nazi Genocide, Cambridge University Press, 1997; G. Aly, P. Chroust, C. Pross, Cleansing the Fatherland, Nazi Medicine and Racial Hygiene, The Johns Hopkins University Press, 1994; P.J. Weindling, Epidemics and Genocide in Eastern Europe, 1890-1945, Oxford University Press, 2000.
  • [10]
    R. Syal, « Swine flu ‘could kill millions unless rich nations give £900m’ », The Observer, 20 septembre 2009.
  • [11]
    Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 47-58. Sur la « peste » d’Athènes, la littérature est copieuse : voir V.D. Hanson, La guerre du Péloponnèse, Flammarion, 2010, p. 116-151 ; J. Longrigg, « Epidemics, ideas and classical Athenian society », in: T. Ranger, P. Slack, Epidemics and Ideas …, op. cit., p. 21-44.
  • [12]
    Des fouilles récentes ont mis au jour près de l’antique cimetière du Céramique une vaste fosse recelant des dizaines de restes humains jetés pêlemêle, à l’encontre des rituels funéraires, peut-être une sépulture collective datant de l’épidémie de 430, v. Hanson, op. cit., p. 130.
  • [13]
    Quel était l’agent infectieux, cause de la « peste » d’Athènes ? La paléo-anthropologie hésite aujourd’hui entre la fièvre typhoïde et la variole : N.H. Tung et al., « Evidence of a louse-borne outbreak involving typhus in Douai, 1710-1712 during the war of Spanish succession », PloS ONE, 5 (10), 2010, e15405 ; R. Sallares, « Ecology, evolution, and epidemiology of plague », in : L.K. Little (Ed.), Plague and the End of Antiquity, The Pandemic of 541-750, Cambridge University Press, 2007, p. 231-289.
  • [14]
    Paru chez Herbig en 1932, l’ouvrage a été traduit en anglais en 1844. Des extraits ont paru en français en 1853.
  • [15]
    F.M. Getz, « Black death and the silver lining: meaning, continuity, and revolutionary change in histories of medieval plagues », J. Hist. Biol., 24, 265-289, 1991.
  • [16]
    J. Delumeau, La peur en Occident, Fayard, 1978 ; B.W. Tuchman, A Distant Mirror: the Calamitous 14th Century, Alfred A. Knopf, 1978.
  • [17]
    Une des causes indirectes de ce retournement pourrait bien être l’idéologie des classes dominantes, lesquelles travaillaient durant le XVIIIe siècle à « introduire dans l’esprit du peuple l’idée que c’est aux supérieurs qu’il doit toujours s’en prendre de ses maux » : A. de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, Éd. Gallimard, coll. Pléiade, 2004, t. III, p. 207, cité par J. Elster, L’irrationalité, Traité critique de l’homme économique, II, Le Seuil, 2010, p. 267.
  • [18]
    E. Brainerd, M.V. Siegler, The Economics Effects of the 1918 Influenza Epidemic (February 2003), Centre for Economic Policy Research (Londres), Discussion Paper No. 3791.
  • [19]
    J.W. Lee, W.J. McKibbin, « Globalization and disease: the case of SARS », Asian Economic Papers, 3, 1, 113-131, 2004; S. James, T. Sargent, « The economic impacts of SARS and pandemic influenza », in : J. Duffin, A. Sweetman (Eds.), SARS in Context, Memory, History, Policy, Mc-Gill-Queen’s University Press, 2006, p. 175-196.
  • [20]
    E. Le Roy Ladurie, « Un concept : l’unification microbienne du monde », in : Le territoire de l’historien, II, Gallimard, 1978, p. 37-97.
  • [21]
    P. Zylberman, « Le Sras : une épidémie post-moderne ? », La Recherche, 371, 46-47, 2004.
  • [22]
    « Monsieur le préfet au secour femmes enfants vieillard sont abandonnés par les pouvoirs public » [sic], samedi 15 janvier 1955, billet manuscrit, Archives départementales du Morbihan, 917 W 68.
  • [23]
    O.J. Benedictow, The Black Death, 1346-1353, The Complete History, The Boydell Press, 2004, p. 166.
  • [24]
    D.C. North, J.J. Wallis, B.R. Weingast, Violence et ordres sociaux, Gallimard, 2010, p. 406.
  • [25]
    T. Mariani, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles (…) sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, de modernisation de la sécurité civile, Assemblée nationale, n° 1712, 6 juillet 2004, p. 21-22.
  • [26]
    S. Cabut, « Des failles dans la chaîne de soins », Libération, 15 août 2003.
  • [27]
    G. Tabard, « Raffarin rentre à Paris pour endiguer la polémique », Le Figaro, 15 août 2003.
  • [28]
    P. Pelloux, le 10 août, sur TF1, Le Monde, 12 août 2003.
  • [29]
    M. Corcier, « Entretien avec le Dr P. Hoang, chef du service des urgences d’Avicenne à Bobigny », Aujourd’hui en France, 11 août 2003.
  • [30]
    « Canicule : un réquisitoire contre le système sanitaire », à la une du Monde, 18 août 2003 (le réquisitoire en question est un entretien avec le Dr P. Pelloux) ; H. Gattegno, « À Matignon, la fatalité de l’éloignement derrière l’obsession de la “proximité” », Le Monde, 19 août 2003. Un gouvernement « inefficace » pour 66 % des Français (Libération, 26 août 2003).
  • [31]
    É. Favereau, « Mattei, ministre en mauvaise santé », Libération, 21 août 2003.
  • [32]
    N. Herzberg, « Entretien avec Claude Evin », Le Monde, 16 août 2003 ; A. Auffray, « Entretien avec Claude Evin », Libération, 19 août 2003.
  • [33]
    C. Prieur, « l’été le plus meurtrier en France depuis la Libération », Le Monde, 10 septembre 2003.
  • [34]
    Le Monde, 12 mars 2004.
  • [35]
    A. Giddens, The Consequences of Modernity, Stanford University Press, 1990, p. 80, 133.
  • [36]
    F. Baudier, M.A. Balinska, « La vaccination : un geste à consolider ? », in : A. Gautier (dir.), Baromètre santé médecins/pharmaciens 2003, Inpes, 2005, p. 85.
  • [37]
    A. Bellot, « La grippe A suscite une pandémie de controverses », Rue 89, 12 août 2009. À noter que l’idée d’un virus militarisé disséminé par d’obscures autorités a fin de décimer les populations avait été remise sur le marché en 1988 par Alan Cantwell (AIDS and the Doctors of Death, An Inquity into the Origins of the AIDS Epidemic, Aries Rising Press, 1988), selon qui le VIH était un produit du programme de guerre bactériologique américain visant les homosexuels. Voir P.-A. Taguieff, L’imaginaire du complot mondial, Aspects d’un mythe moderne, Mille et Une Nuits, 2006, p. 21-30.
  • [38]
    N. Nicolay, D. Lévy-Bruhl, L. Fonteneau, M. Jauffret-Roustide, « Vaccination : perceptions et attitudes », in : A. Gautier, M. Jauffret-Roustide, C. Jestin (dir.), Enquête Nicolle 2006, Connaissances, attitudes et comportements face au risque infectieux, Inpes, 2008, p. 92-99. l’auteur remercie le Dr Christine Jestin de lui avoir procuré cette référence.
  • [39]
    F. Furet, Penser la Révolution française, Gallimard, 1978, p. 83. Ce qui suit doit beaucoup aux analyses de Furet.
  • [40]
    La guerre des Farines désigne une série d’émeutes qui, nées du renchérissement du prix du blé, se succèdent à un rythme rapide, d’abord à Dijon puis dans la région parisienne. Apparaissent d’emblée la question de la farine adultérée, puis celle du pain toxique préparé à l’avance et distribué aux séditieux par les hommes du complot. Les troubles sont attribués aux menées sourdes de l’abbé Terray (ex-Premier ministre), à moins que ce ne soit à celles des Anglais, ou des Jésuites, ou bien encore au clergé ou aux gens de finances. Voir E. Faure, La disgrâce de Turgot, Gallimard, 1961, p. 304, 311. Sur l’épisode plus connu de la Grande Peur de 1789, voir G. Lefebvre, La Grande Peur de 1789, Colin, 1970.
  • [41]
    L. Poliakov, La causalité diabolique, Essai sur l’origine des persécutions, Calmann-Lévy, 1980.
  • [42]
    P. Zylberman, Neither Certitude nor Peace, How Worst-case Scenarios Reframed Microbial Threats, 1989-2006, NCIS Briefings, The Munk Centre for International Studies Briefings Series, 2010, p. 1-21.
  • [43]
    R. Barthes, Mythologies, Le Seuil, 1957, p. 243. Voir N. Cohn, Les fanatiques de l’Apocalypse, Courants millénaristes révolutionnaires du XIe au XVIe siècle, avec une postface sur le XXe siècle, Julliard, 1962, p. 11.
  • [44]
    Conclusion à laquelle aboutissent également C.R. Sunstein et A. Vermeule, « Conspiracy Theories: Causes and Cures », The Journal of Political Philosophy, 17 (2), 202-227, 2009, sp. p. 207, 223.
  • [45]
    J. Gray, Black Mass, Apocalyptic Religion and the Death of Utopia, Farrar, Straus & Giroux, 2007, p. 28-35.
  • [46]
    D. Howe (directeur du département réponse et planification du Homeland Security Council), Planning Scenarios, Executive Summaries, juillet 2004, version 2.0, p. iv ; National Planning Scenarios created for Use in National, Federal, State, and Local Homeland Security Preparedness Activities, version 20.1 Draft (avril 2005), p. ii.
  • [47]
    NPS Attack Timelines, février 2006, version 17.3 (4), Draft, février 2006, p. ii.
  • [48]
    J. Gray, Gray’s Anatomy, Selected Writings, Allen Lane, 2009, p. 279.
  • [49]
    J. Grosjean, Lecture de l’Apocalypse, Gallimard, 1994, p. 20.
  • [50]
    C. Rosset, Le philosophe et les sortilèges, Minuit, 1985, p. 74.

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