Le néo-conservatisme fut d’abord incarné par des penseurs américains tel Friedrich A. Hayek, autrichien d’origine mais qui passa l’essentiel de sa carrière aux Etats-Unis, ou tel l’économiste Milton Friedman, fondateur de l’Ecole de Chicago. En politique, Ronald Reagan et Margaret Thatcher en furent les zélés praticiens. Friedrich A. Hayek dénonce en 1943, avec un immense succès, les totalitarismes du xxe siècle dont le nazisme — aux racines socialistes incontestables à ses yeux — et toute forme de planisme. Il préconise « une politique de liberté individuelle, seule politique vraiment progressive ». Pour Hayek, les libéraux sont les seuls garants d’une modernité politique et économique ; il qualifie de réactionnaires les membres du Labour Party anglais. Cette prétention paradoxale à la modernité sera constante, ce qui fait écrire à Hayek en annexe de son ouvrage La Constitution de la liberté : « Pourquoi je ne suis pas conservateur. » On ne peut se contenter d’actionner un frein et de vénérer l’autorité établie. Pour évoquer « la croissance libre et l’évolution spontanée », il faut indiquer un autre chemin, un principe directeur : « La tâche du philosophe politique ne peut être que d’influer sur l’opinion publique, non d’organiser les gens en vue d’une réaction », conclut-il.
En France, par imitation tardive, cette prétention libérale à la modernité prit la forme d’une « restauration intellectuelle » qui ne se réclame d’aucun néo-conservatisme, mais, avec un projet similaire, cherche à s’emparer tour à tour des différents secteurs du savoir : l’histoire, la philosophie, les sciences sociales…